SEANCE DU 3 DECEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'équipement, les transports et le logement : IV. - Mer.
La parole et à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Massion,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, les crédits inscrits au budget de la mer pour
2002 s'élèvent à 940,1 millions d'euros, en diminution de 8 % par rapport au
budget de 2001. En fait, cette baisse n'est qu'apparente : elle résulte du
transfert de la totalité des crédits de rémunération des personnels sur la
section « services communs » du budget de l'équipement, des transports et du
logement. Hors personnel, le budget de la mer augmente de 1 % par rapport au
budget voté l'année dernière.
Ma première observation concerne la sécurité maritime, qui demeure la priorité
de ce budget, comme ce fut déjà le cas l'an dernier.
Au total, les crédits de paiement consacrés à la sécurité maritime augmentent
de 20 % en 2002 : c'est une évolution dont on ne peut que se féliciter.
Ainsi, les centres de sécurité des navires chargés de contrôler les navires
français et étrangers en escale dans les ports voient leurs effectifs
substantiellement renforcés puisque trente-quatre postes d'inspecteurs de la
sécurité sont créés, ce qui porte à 104 leur nombre total, seize postes ayant
déjà été créés l'an dernier à la suite du naufrage de l'
Erika
.
C'est un effort important qu'il faut poursuivre pour atteindre l'objectif fixé
par le mémorandum de Paris, soit 25 % de navires contrôlés, alors que, lors du
naufrage de l'
Erika
, la France contrôlait à peine 14 % des navires, les
inspecteurs n'étant à l'époque que cinquante-quatre.
S'agissant des centres régionaux opérationnels de surveillance et de
sauvetage, les CROSS, on sait depuis longtemps qu'ils sont débordés, à la fois
par l'extension de leurs missions et par la multiplication de leurs
interventions. Ils doivent effectuer aujourd'hui, en moyenne, 7 000 opérations
de recherche et de sauvetage par an.
Lors du dernier conseil interministériel de la mer, on a beaucoup insisté sur
la vétusté de leurs équipements, notamment celle des radars et des moyens de
communication.
Depuis, un effort budgétaire a été consenti. Cette année, la dotation dévolue
aux CROSS continue d'augmenter de 40 % en crédits de paiement, ce qui permettra
de renouveler les radars et aussi d'améliorer la couverture radio actuelle.
Autre aspect de la sécurité maritime : la signalisation. Celle-ci voit, elle
aussi, sa dotation progresser fortement en crédits de paiement - de 50 % - ce
qui permet de poursuivre le plan de modernisation des phares et des balises.
C'est ce plan qui a permis la construction de trois baliseurs : après le
baliseur côtier du Havre en 2001, l'année 2002 est celle de la livraison du
grand baliseur océanique de Brest ; quant au baliseur océanique de Dunkerque,
il sera livré en 2003.
Par ailleurs, afin de développer le dispositif de contrôle et de surveillance
des affaires maritimes, qui assure des missions de surveillance et de police
ainsi que de contrôle technique de certaines catégories de navires,
l'acquisition d'un second patrouilleur de haute mer sera effectuée en 2002.
La sécurité portuaire, qui figure, comme l'an dernier, en bonne place dans le
budget de la mer, doit assurer le bon accès des navires et constitue une
condition préalable au développement des activités portuaires. L'effort
financier consenti l'année dernière pour l'entretien des infrastructures
portuaires et les moyens consacrés aux dragages d'entretien des accès maritimes
est reconduit cette année.
Le programme de réhabilitation des infrastructures portuaires de base, tel
qu'il résulte des nouveaux contrats de plan portuaires entre l'Etat et les
régions, sera poursuivi en 2002 avec, par exemple, la réhabilitation de la
digue de calibrage du chenal d'accès au port de Rouen, la réhabilitation
d'écluses à Dunkerque et à Saint-Malo, la poursuite de la restauration de la
digue du large à Cherbourg.
Par ailleurs, sept emplois de surveillants de port sont créés, ce qui
représente une augmentation de 14 % des effectifs pour l'ensemble des ports.
La deuxième priorité du budget concerne la protection et la mise en valeur du
littoral. L'augmentation des moyens amorcée en 1998 est donc poursuivie : elle
est de 42 % en crédits de paiement et de 40 % en moyens d'engagement.
Un effort financier est également prévu en faveur des zones littorales
habitées et soumises à l'érosion marine. Les crédits destinés à la protection
des lieux habités contre l'érosion marine augmentent fortement en autorisations
de programme, ce qui traduit les engagements pris par l'Etat dans le cadre des
contrats de plan littoraux et des avenants consécutifs aux tempêtes de la fin
de l'année 1999.
Une autre observation concerne la protection sociale des marins, qui est
renforcée grâce à deux mesures.
En premier lieu, est créée une dotation destinée à financer la protection
contre une exploitation « sous-normes » des marins. Cette dotation permettra
d'apporter une aide aux associations et des avances sur salaire au bénéfice des
marins abandonnés dans les ports français, en attendant la mise en place d'un
système d'assurance internationale, discuté dans le cadre de l'Organisation
maritime internationale sur l'initiative de la France.
En second lieu, l'article 73 rattaché prévoit une disposition relative au
régime de la sécurité sociale des marins. Cette année, la dotation de l'Etat à
l'ENIM, l'établissement national des invalides de la marine, qui finance le
régime de retraite des marins, intègre un nouveau mécanisme de cessation
anticipée d'activité pour les marins ayant été fortement exposés à l'amiante.
Il s'agit d'étendre aux marins le droit à cessation anticipée d'activité des
travailleurs de l'amiante prévu par la loi de financement sur la nécessité
sociale pour 1999.
La dotation de l'Etat à l'ENIM, qui représente les trois quarts du budget de
la mer, diminue cette année de 3,5 %. Toutefois, cette baisse est purement
mécanique puisqu'elle résulte d'une hausse des transferts de compensation entre
les régimes sociaux. Les pensions seront revalorisées en 2002 dans les mêmes
conditions que les retraites du régime général.
J'aborde maintenant le soutien de l'Etat à notre flotte de commerce, qui n'a
cessé de décliner depuis les deux chocs pétroliers des années soixante-dix.
Aujourd'hui, la flotte française compte à peine plus de 200 navires : 206 au
31 décembre 2000. Sa compétitivité est bien moindre que celle de ses
concurrentes.
C'est pourquoi, depuis 1990, la flotte de commerce a fait l'objet d'un plan
pluriannuel de soutien. Actuellement, ce système de soutien consiste, d'une
part, en des réductions de charges fiscales et sociales pesant sur les
entreprises de transport maritime, d'autre part, en une mesure d'allégement
fiscal pour les groupements d'intérêt économique qui acquièrent un navire.
Concernant les charges fiscales pesant sur les entreprises de transport
maritime, un allégement de la part maritime de la taxe professionnelle a été
institué et, depuis 1991, les subventions de l'Etat couvrent 100 % du montant
de la taxe. Le dernier CIMER - comité interministériel de la mer -, qui s'est
tenu le 27 juin 2000, a levé l'incertitude qui pesait sur le maintien de cette
aide : elle a en effet été prorogée, sans limitation de durée.
En matière de charges sociales, c'est un dispositif de remboursement qui a été
créé : les charges sociales patronales afférentes aux risques vieillesse,
maladie et accident du travail, versées par les entreprises qui emploient des
personnels navigants sur des navires de commerce battant pavillon français,
sont remboursées depuis ce même CIMER.
A l'occasion de celui-ci, de ce dernier, il a également été décidé non
seulement de pérenniser cette aide, mais aussi de l'étendre aux cotisations
d'allocations familiales et d'assurance chômage ; cette mesure a été votée dans
la loi de finances pour 2001 mais son effet ne se fera sentir qu'en 2002, ce
qui explique la progression de 20 % des crédits destinés à la flotte de
commerce.
Concernant l'allégement fiscal pour les groupements d'intérêt économique qui
acquièrent un navire, vingt-six dossiers ont été acceptés au 1er juillet 2001,
représentant trente-trois navires, pour un montant total d'investissement de
1,3 million d'euros, soit 8,6 millions de francs.
Enfin, le soutien à la flotte française prend aussi la forme d'un soutien au
cabotage maritime depuis que le dernier CIMER a insisté sur le caractère sûr et
non polluant de ce mode de transport. Le Gouvernement a arrêté le principe d'un
soutien financier public au démarrage de nouvelles lignes et en a informé la
Commission européenne ; la décision de cette dernière devrait intervenir d'ici
à la fin de l'année 2001.
Pour conclure sur ces mesures de soutien à la flotte de commerce, je relèverai
que, à la suite de la demande formulée par le CIMER du 27 juin 2000, des études
sont actuellement conduites par le ministère de l'équipement, des transports et
du logement, d'une part, et le ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie, d'autre part, sur les dispositifs de soutien à la flotte de
commerce mis en place à l'étranger.
En effet, plusieurs pays ont récemment adopté divers dispositifs de taxation
au tonnage : la Norvège, les Pays-Bas, le Danemark, la Grande-Bretagne et
l'Allemagne. Il semble que ces pays aisent vu leur flotte augmenter depuis
l'adoption de ce mode de taxation.
M. Charles Revet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Et voilà !
M. Marc Massion,
rapporteur spécial.
Appliqué dans notre pays, un tel système aurait un
coût budgétaire non négligeable : de l'ordre de 100 millions de francs.
J'en viens aux ports maritimes.
Avec un trafic global de 346,3 millions de tonnes, l'activité des ports
français a augmenté de 4 % par rapport à l'année dernière, après avoir connu
une légère baisse en 1999. Le trafic des ports autonomes a augmenté de 6,5 %,
tandis que celui des ports d'intérêt national a diminué de 4,5 %, en raison
d'un recul des échanges à Calais, qui représente à lui seul 45 % du trafic des
ports d'intérêt national. Hors Calais, le trafic des ports d'intérêt national
s'est maintenu au cours de l'année 2000.
La croissance globale doit cependant être relativisée : le trafic total
européen, ports français inclus, a progressé de 7,5 % en 2000 ; certains ports
européens ont même connu des taux de croissance à deux chiffres.
L'extension des infrastructures portuaires, l'amélioration des dessertes
terrestres, une plus grande sécurité portuaire sont absolument nécessaires pour
permettre aux ports français de se placer convenablement à l'échelle mondiale,
dans un secteur où la croissance est forte, deux fois plus rapide que celle des
autres moyens de transport, et permet donc d'envisager des gains de parts de
marché.
Le projet de budget pour 2002 traduit ces priorités. Les dotations aux
investissements sont en hausse. Elles financeront, outre Port 2000 au Havre,
des opérations prévues au port de Nantes - Saint-Nazaire et dans le port de
Marseille.
L'opération Port 2000, dotée à elle seule de 47 % des investissements prévus
en 2002, demeure de loin l'investissement d'extension des ouvrages portuaires
le plus important du projet de budget pour 2002, comme les années précédentes.
Les travaux ont pris du retard, mais il semble qu'on soit aujourd'hui sur la
bonne voie. Actuellement, sont en voie d'être achevées les opérations de
déminage.
L'avenir des ports français dépend aujourd'hui des mesures prises au niveau
européen et, en particulier, de ce qu'il adviendra du projet de directive sur
les services portuaires. Ce projet est issu des réflexions menées après la
publication en 1998 d'un livre vert sur les ports et les infrastructures
maritimes, qui évoquait la réalisation éventuelle d'un cadre communautaire en
matière de tarification et de financement.
Le 13 février 2001, la Commission a présenté ses propositions de cadre
réglementaire dans un « paquet » portuaire comprenant, d'une part, les
résultats d'une enquête effectuée auprès des Etats membres sur les financements
dans les ports et, d'autre part, un projet de directive sur l'accès au marché
des services portuaires.
Les deux enseignements principaux de l'enquête sont les suivants : en premier
lieu, les ports de la façade « mer du Nord » bénéficient de financements
publics plus importants, quel que soit le type d'investissement, que les ports
des autres façades, notamment la façade sud-ouest de l'Europe ; d'autre part,
la Commission reconnaît à la France une transparence supérieure aux autres
Etats membres.
Quant au projet de directive, il a pour objet de clarifier le régime des
droits exclusifs ou des monopoles de droit ou de fait, de nature publique ou
privée, concernant l'accès au marché des services portuaires. A l'heure
actuelle, aucun Etat membre n'a clairement fait connaître une position
officielle sur ce projet de directive.
Selon moi, ce projet de budget affiche de vraies priorités : sécurité maritime
et portuaire, aide à la flotte de commerce et meilleure protection du littoral.
L'évolution positive de ce budget, trop peu doté au fil des ans, est ainsi
confirmée.
M. le président.
Mes chers collègues, j'invite chacun d'entre vous à faire diligence pour que
nous puissions achever nos travaux dans des délais raisonnables, de manière
que, demain, les deux grands budgets que sont celui du ministère de
l'agriculture et de la pêche et celui du ministère de l'intérieur soient être
examinés selon les horaires prévus.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Revet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, je vais m'efforcer de répondre à votre appel.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la mer pour
2002 manque, selon moi, d'ambition, d'imagination et d'audace.
S'agissant des moyens financiers, tout d'abord, c'est surtout l'ambition qui
fait défaut. Depuis plusieurs années, le budget de la mer oscille entre 900
millions et 970 millions d'euros, c'est-à-dire entre 6 milliards et 6,5
milliards de francs.
Sur ce montant, la charge des pensions versées aux marins retraités au titre
de la solidarité nationale « pèse » à peu près 710 millions d'euros, soit
environ 4,8 milliards de francs.
Que représente donc l'effort financier de l'Etat en faveur de la marine
marchande française, des ports maritimes et de la pêche, de la surveillance de
nos côtes et du contrôle des navires, sans parler des écoles de la marine
marchande ? En fait, de 195 millions à 225 millions d'euros, c'est-à-dire entre
1,3 milliard et 1,5 milliard de francs, selon les années.
Me permettez-vous, monsieur le ministre, de vous rappeler qu'en 1997 vous
aussi jugiez qu'il fallait redresser sérieusement la barre ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Oui !
M. Charles Revet,
rapporteur pour avis.
Cinq ans plus tard, où en sommes-nous ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Nous l'avons
redressée !
(Sourires.)
M. Charles Revet,
rapporteur pour avis.
Ne vous êtes-vous pas borné, en définitive, à
reconduire, bon an mal an, les dotations au niveau où vous les aviez trouvées
en arrivant ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Non !
(Nouveaux sourires.)
M. Charles Revet,
rapporteur pour avis.
Vous nous l'expliquerez tout à l'heure !
Manifestement, la vocation maritime de la France n'aura pas été une priorité
gouvernementale. Or la France a toujours eu une vocation maritime.
Votre politique manque d'imagination.
Un louable projet, mené sur une base pluriannuelle, tend, certes, à
moderniser, sous l'appellation « Port 2000 », notre port du Havre, afin de
renforcer la capacité d'accueil des trafics « conteneurisés ». J'en profite
d'ailleurs pour signaler que les collectivités ont été largement sollicitées
pour apporter leur contribution au financement de ce projet, auquel seront
consacrés 27 millions d'euros en 2002, ce dont nous nous félicitons.
Globalement, l'investissement de l'Etat sur ce projet aura été, sur plusieurs
années, de 91 millions d'euros, soit environ 610 millions de francs.
Cependant, personne n'a réfléchi au potentiel que pourrait représenter un
complexe portuaire composé du port du Havre couplé à celui de Rouen.
Sommes-nous donc si puissants et si compétitifs par rapport aux ports d'Anvers
ou de Rotterdam, par exemple, pour faire l'économie de ce type de réflexion ou
d'expérience ?
Interrogé par moi-même sur ce sujet lors de votre audition devant la
commission des affaires économiques, vous vous êtes, monsieur le ministre,
montré intéressé par l'idée de l'« interportuarité ». Mais alors, que
n'avez-vous tenté, depuis cinq ans, de mettre en oeuvre ou, tout au moins,
d'expérimenter ce genre de formule ?
Là encore, je ne mets en cause ni les intentions ni la bonne volonté du
Gouvernement. Je pense simplement que son « immobilisme » sur le sujet ne fait
que traduire un relatif manque d'intérêt pour notre vocation maritime. Ce
relatif manque d'intérêt, je le concède a été, hélas ! partagé par d'autes
gouvernements.
D'autres priorités - et même d'autres modes de transport - ont mobilisé et
mobilisent toujours, à tort ou à raison, des moyens financiers considérables.
Le « maritime » demeure, quant à lui, réduit à la portion congrue. Il constitue
manifestement une « variable d'ajustement », comme on dit, dans la gestion du
budget des transports.
Mais ce budget manque surtout d'audace.
Si les fonds publics sont rares, du moins pourrait-on « déverrouiller » le
secteur afin de libérer les énergies et les vocations. Ce « déverrouillage »,
en termes de réglementation, de fiscalité et de charges sociales, pourrait
avoir un effet multiplicateur sur le niveau général de l'activité, en
permettant d'ailleurs à l'Etat de récupérer, à très court terme, sa « mise de
départ ».
Ainsi ont agit la plupart des pays industrialisés voisins : Italie, Espagne,
Grèce, Portugal, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Norvège, etc. Or il s'agit de
pays européens. Dès lors ce qui est possible chez eux devrait aussi l'être chez
nous ! Notre « timidité » en la matière n'a pas été bonne conseillère.
Je proposerai au Sénat, à titre personnel, un amendement qui va dans le sens
que je juge souhaitable, celui de la reconquête de la vocation maritime
française.
Puissiez-vous, monsieur le ministre, ne plus camper, dans le domaine de la
mer, sur ces positions « passives et timorées » qui, en vingt-cinq ans, ont
fait rétrograder notre flotte de commerce du cinquième au vingt-huitième rang
mondial !
Vous le comprendrez, monsieur le ministre, devant cette situation, la
commision des affaires économiques a émis un avis défavorable sur les crédits
de la mer inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002.
(MM. Le
Grand et Oudin applaudissent.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Désiré.
M. Rodolphe Désiré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi de finances pour 2002 prévoit de doter le budget de la mer de 6,166
milliards de francs, c'est-à-dire 940,1 millions d'euros, soit une baisse de
8,2 % par rapport à l'an dernier.
Cette baisse n'est qu'apparente, puisque certaines dépenses ont été
transférées sur d'autres budgets. On peut davantage parler de stabilité des
dépenses, les catastrophes de l'
Erika
et du
Ievoli Sun
n'ayant
pas eu de réelles incidences sur les masses budgétaires dédiées à la mer. Elles
ont eu plutôt une incidence sur leur répartition et leur utilisation.
De même, le bleu budgétaire ne rend pas totalement compte de l'effort de
l'Etat en faveur de la mer, certaines sommes étant inscrites dans les budgets
de la recherche, de la défense ou de l'économie et des finances. Au total, ce
sont donc 10,37 milliards de francs, soit 1,58 milliard d'euros, qui sont
consacrés à ce secteur.
Le budget de la mer pour 2002 s'articule autour de cinq axes : le renforcement
de la sécurité, la formation, la modernisation des ports, le soutien à la
flotte de commerce et la protection sociale des marins.
En ce qui concerne la sécurité maritime, l'une des leçons de la catastrophe de
l'
Erika
est que la course au profit dans le transport maritime peut
avoir des conséquences dramatiques pour notre littoral, ainsi que pour les
marins.
La Commission européenne a ainsi enregistré, de 1990 à 1998, la perte de 131
navires et de 731 marins.
Protéger des vies humaines et sauvegarder le littoral sont sans nul doute des
priorités de ce budget, comme en témoigne la hausse de 24 % des dotations en
dépenses ordinaires et crédits de paiement destinées à la signalisation et à la
surveillance maritime.
On notera tout particulièrement le renforcement des moyens en personnel, avec
la création de quarante-deux nouveaux emplois, dont trente-quatre d'inspecteurs
de la sécurité des navires.
Si cet effort est louable, puisqu'il porte à 104 le nombre d'inspecteurs de la
sécurité dans notre pays, il n'en demeure pas moins insuffisant. A titre
comparatif, nos voisins britanniques ou espagnols emploient environ 200
personnes pour les mêmes missions.
On se félicitera davantage des efforts effectués pour équiper et moderniser
les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage en mer, les
CROSS.
Dans le domaine portuaire, l'effort financier consenti l'année dernière est
reconduit, avec une dotation de 463,11 millions de francs, soit 70,6 millions
d'euros, en direction de l'entretien des infrastructures portuaires et des
moyens consacrés aux dragages d'entretien des accès maritimes.
Pour ce qui est du littoral, l'augmentation des moyens, amorcée en 1998, est
maintenue. On en attend surtout la poursuite de la remise à niveau des plans
POLMAR et un accroissement des actions en direction des zones littorales
habitées et soumises à l'érosion marine.
Dans les Antilles françaises, nous sommes particulièrement attentifs à la
sécurité maritime et à la protection du littoral, compte tenu de la fragilité
de notre écosystème.
Dans nos départements, les risques de marée noire sont d'autant plus
importants que les raffineries sont régulièrement approvisionnées par des
tankers de 85 000 à 100 000 tonnes.
Plus globalement, l'ampleur du trafic de produits polluants dans la zone
Caraïbe nous conduit à déplorer l'absence de remorqueur affecté à l'un de nos
ports, Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France, les remorqueurs les plus proches se
trouvant à Sainte-Lucie et Sainte-Eustache et pouvant être affectés, le moment
venu, à d'autres tâches. En cas d'accident, nul doute qu'une telle lacune
risquerait d'accroître les délais d'interventions et, par là-même, l'ampleur
des dégâts.
Concernant la formation, ce sont soixante-dix-neuf emplois dans les lycées
maritimes et aquacoles, dont seize d'enseignants, qui sont créés.
Si l'on veut renouer avec notre marine d'antan, et bien que cet effort ne soit
pas négligeable, il n'est pas suffisant. Les crédits consacrés à ce domaine
nécessiteraient des moyens humains et financiers plus importants pour faire
face aux nouvelles formations maritimes supérieures, à l'augmentation des
effectifs dans les écoles nationales de la marine marchande ou au développement
du centre de formation des formateurs de Nantes.
S'agissant de la modernisation des ports français, avec un trafic global de
346,3 millions de tonnes hors ravitaillement, leur activité a augmenté de 4 %
par rapport à l'année dernière. Ce chiffre est à relativiser quand on sait que
le trafic total européen, ports français inclus, a progressé de 7,5 % en 2000,
certains ports européens ayant même connu des taux de croissance à deux
chiffres.
Pour que nos ports puissent davantage profiter de cette croissance et résister
à la concurrence, la qualité des infrastructures et des dessertes terrestres
doit être améliorée. Par conséquent, on ne peut que déplorer la baisse de 5 %
des moyens de fonctionnement des ports autonomes, que n'atténue pas la hausse
de 27 % des crédits des ports d'intérêt national.
En ce qui concerne les départements d'outre-mer, je soulignerai deux points.
D'une part, la population attend la création de véritables gares maritimes afin
de bénéficier de meilleures conditions d'accueil et de sécurité. Ce sont avant
tout des îles. D'autre part, en tant que représentant de ce département, je
suis heureux de constater que la Martinique a engagé la modernisation de son
outil portuaire par la construction, pour 750 millions de francs, d'un nouveau
terminal à conteneurs qui sera opérationnel à la fin de l'année 2002.
Cependant, ce projet doit aujourd'hui être impérativement complété par une
réforme de la manutention. Le port de Fort-de-France est, en effet, le dernier
port français à ne pas appliquer la loi de 1992 modifiant le régime de travail
dans les ports maritimes. Il serait utile que cette réforme, que la Martinique
va engager en 2002, soit appuyée, au plus haut niveau, par votre ministère
ainsi que par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Il en va de la compétivité
du port de Fort-de-France, qui a vocation à devenir l'un des ports d'éclatement
de la Caraïbe.
Quant au soutien à la flotte de commerce, sa nécessité est illustrée par les
différentes mesures mises en place au cours des dix dernières années. Les
crédits destinés au soutien à la flotte de commerce pour les navires battant
pavillon français augmentent ainsi de 20,9 % par rapport à 2001.
Cette progression est due à une extension du dispositif de remboursement des
charges sociales patronales que l'on ne peut qu'approuver. Souhaitons
simplement que l'ensemble des mesures en la matière soit étendu aux navires
inscrits au registre des terres australes et antarctiques françaises.
Si l'on peut également se réjouir du fait que le soutien de l'Etat aux
investissements navals se poursuive, on notera, une fois de plus, le retard de
la France qui, contrairement à ses voisins européens, n'a pas mis en place la
taxation au tonnage. Notre pays ne peut se priver d'une mesure qui a permis,
ailleurs, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Norvège, de relancer les flottes sous
pavillon national.
Dans la même optique, à quand un véritable développement du cabotage qui,
comme vous le savez, pourrait contribuer à diminuer le trafic routier de
marchandises ? La nouvelle dotation de 5,97 millions de francs, destinée à
favoriser le démarrage des lignes de cabotage, semble bien trop modeste face
aux enjeux actuels.
Concernant la protection sociale des marins, comme chaque année,
l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, absorbe 75 % de la
dotation globale pour 2002.
On le voit bien, la mer n'a pas, dans notre pays, la place qui devrait être la
sienne. La France ayant été l'une des quatre nations qui a initié l'histoire
maritime des temps modernes, il convient désormais, sans céder à la logique
ultra-libérale qui a fait tant de ravages, de réaffirmer la vocation maritime
de la France en lançant une large réflexion sur la place de notre pavillon, la
qualification de nos marins, les savoir-faire de notre industrie navale. Cela
passe par davantage de dialogue entre l'Etat, les collectivités locales
littorales et les représentants socio-professionnels concernés.
Enfin, je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de m'exprimer
devant vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour regretter la
dilution des crédits consacrés au « monde maritime ». De ce fait, sont
occultées des discussions les difficultés, pourtant majeures, rencontrées par
les pêcheurs et les professionnels du transport maritime de passagers.
Il est fort dommageable que la présentation annuelle du budget de la mer ne
soit pas l'occasion de souligner la pluralité des moyens et des mesures engagés
par la France en faveur du développement de ce secteur. De plus, aucune place
n'est faite aux départements insulaires français, ceux d'outre-mer et la Corse,
pourtant concernés au premier chef par tout ce qui touche au monde maritime.
Nonobstant ces quelques observations, je voterai, monsieur le ministre, en
faveur de votre budget.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique
maritime de la France est un vaste sujet. Je n'en aborderai que quelques
aspects : d'abord, la priorité donnée à la sécurité maritime, ensuite, le
dispositif de soutien à la flotte de commerce.
Le naufrage de l'
Erika
a été un révélateur. Ce n'était pas le premier
naufrage, ce ne sera peut-être pas le dernier. Mais, à partir de là, un effort
budgétaire réel a été constaté et, comme l'a indiqué notre rapporteur M. Marc
Massion, les crédits consacrés à la sécurité maritime ont augmenté de 20 %.
C'est important, c'est même spectaculaire, mais c'est finalement assez modeste
en comparaison avec l'ensemble des crédits de la mer. En fait, il ne s'agit que
d'un rattrapage.
Cet effort budgétaire portera essentiellement sur le contrôle de la sécurité
des navires. Dans ce domaine, la France accusait d'ailleurs un retard
considérable : les centres de sécurité de navires qui sont chargés, dans le
cadre du contrôle par l'Etat des ports, de contrôler 25 % des navires qui
entrent dans les ports français, n'en ont contrôlé, en fait, que 14 %.
Ce retard est essentiellement dû à un manque de personnel tout à fait
regrettable. On l'a dit, nous n'avions que cinquante-quatre inspecteurs. On a
créé seize postes en 2001, et on en créera trente-quatre en 2002. C'est bien,
c'est une augmentation, mais nous manquons cruellement de personnel qualifié
pour occuper ces postes.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est exact !
M. Jacques Oudin.
Et les candidats ne se bousculent pas !
C'est pourquoi il me semble paradoxal que, parallèlement à une volonté
affichée de renforcer les effectifs du contrôle de sécurité dans les ports, on
diminue les aides à la formation maritime, qui seront l'année prochaine de 1,5
million d'euros contre 2,2 millions l'année dernière.
Il s'agit d'une des baisses les plus remarquables des crédits de la mer. Elle
est encore incompréhensible. Elle me semble menacer, à court et à moyen terme,
l'ambition de la France de se doter d'une force de contrôle compétente et
qualifiée. Sur ce point, une réponse serait quand même intéressante.
Pour rattraper le niveau des pays voisins - la Grande-Bretagne dispose de 250
inspecteurs de sécurité maritime, et l'Espagne, de 200 -, il faudrait que le
Gouvernement fasse des choix très clairs, d'une part, pour développer un
enseignement attractif, et, d'autre part, pour offrir des débouchés à ceux qui
ont bénéficié de ces enseignements.
Pour cela, il faut, tout d'abord, soutenir et développer la flotte de
commerce. Tous les orateurs précédents l'ont signalé.
Chacun sait que notre flotte de commerce a subi, depuis un quart de siècle,
une véritable hécatombe : elle est passée du cinquième au vingt-huitième rang
mondial. Actuellement, elle est stabilisée au niveau le plus bas que nous ayons
jamais connu : 206 à 207 navires, alors que certains de nos partenaires ont des
flottes de quatre à sept fois supérieures à la nôtre.
Pour pallier cette chute vertigineuse, les pouvoirs publics ont tenté
d'apporter des solutions afin de soutenir un secteur qui souffre énormément de
la mondialisation et de la concurrence.
Ainsi, un triptyque de mesures a été mis en place au cours des dernières
années.
Il s'agit, tout d'abord, de la réduction de charges fiscales et sociales. Je
n'en parlerai pas, sinon pour l'évoquer.
Il s'agit, ensuite, du GIE fiscal, qui permet à un GIE qui acquiert un navire
de bénéficier d'un allégement fiscal prenant la forme d'un amortissement
accéléré et d'une exonération de la taxation sur les plus-values. Le GIE fiscal
a, en fait, remplacé le système des quirats, qui n'a vécu que de juillet 1996 à
décembre 1997 : un record de brièveté et un véritable désastre sur le plan de
la dynamique maritime ! Actuellement, vingt-six dossiers ont été acceptés au
1er juillet 2001 pour le GIE fiscal, mais sans augmenter la flotte d'une
unité.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ni moraliser
?
M. Jacques Oudin.
Moraliser, pour un désastre ? Et quelle moralisation, dans un monde en
compétition ouverte ? Je me le demande !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Attention !
M. Jacques Oudin.
Mais ce sont deux approches différentes : vous avez la vôtre, nous avons la
nôtre. La vôtre n'a pas réussi formidablement dans ce domaine !
La dernière de ces mesures est le soutien au cabotage. C'est bien. Mais, pour
soutenir le cabotage, vous avez inscrit à votre budget 0,92 million d'euros
seulement.
Permettez-moi de citer quelques chiffres à titre de comparaison. La France,
qui a 5 500 kilomètres de côtes, compte 50 caboteurs. L'Allemagne, qui a 700
kilomètres de côtes, en compte 500.
M. Marc Massion,
rapporteur spécial.
Avant, il n'y avait rien !
M. Jacques Oudin.
Il n'y avait peut-être rien,...
M. Marc Massion,
rapporteur spécial.
Il n'y avait pas de ligne budgétaire !
M. Jacques Oudin.
... mais il y a une différence entre 50 et 500 caboteurs !
Nous souhaitons reconquérir l'ambition maritime de la France. Nos rapporteurs
l'ont souligné : certaines mesures vont dans le bon sens. Mais le projet de
budget que vous nous présentez, comme l'a indiqué M. Revet, manque de substance
et d'ambition.
Le groupe d'études sénatoriales sur la mer, que j'ai l'honneur de présider, a
formulé, le 26 juin dernier, trente-six propositions pour une stratégie de
l'économie de la mer. C'était ambitieux. Je vous ai adressé ce document, mais
je n'ai pas reçu de réponse à ce jour. Cela viendra peut-être...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Cela viendra
!
M. Jacques Oudin.
Les trente-six propositions s'articulent autour de sept axes majeurs qui sont
: le renouveau de la flotte de commerce et le développement des entreprises
d'armement maritime, la priorité à l'emploi et à la formation maritimes, la
sécurité des voies de navigation maritime, la consolidation et le développement
du nouvel essor de la construction navale, la rentabilisation et le
développement du patrimoine portuaire, une politique de développement durable
du littoral et, enfin, une politique de protection et de développement des
intérêts maritimes.
Je souhaiterais revenir sur deux de ces propositions et d'abord, sur le
renouveau de la flotte de commerce.
Comme l'ont souligné les orateurs qui m'ont précédé, l'objectif est de
valoriser les entreprises françaises maritimes dans le cadre du droit européen
afin de les porter à un niveau compétitif.
L'Etat est engagé dans un jeu d'accords internationaux aux niveaux de l'Union
Européenne et de l'Organisation mondiale du commerce ; il ne peut plus mener
une politique de soutien budgétaire par la voie de subventions à un secteur
soumis à une concurrence totalement ouverte.
Il apparaît que l'avenir d'un soutien respectueux de la concurrence loyale
entre les armements européens passe par une défiscalisation complète et
harmonisée, seule voie possible pour aligner les conditions d'exploitation sur
le régime des pavillons internationaux.
Plusieurs solutions peuvent utilement être évoquées, à savoir la taxe au
tonnage, la défiscalisation des revenus investis et immobilisés dans l'aventure
maritime, la résidence fiscale extérieure des navigants, les couvertures
sociales soumises à concurrence sur un cahier des charges minimal de
prestations, la séparation objective du droit de pavillon et du droit du sol
afin d'employer des marins aux conditions de leur pays de résidence.
Je me contenterai de revenir sur l'une de ces propositions, sur laquelle, avec
certains de mes collègues, j'ai déposé un amendement : il s'agit de la taxe au
tonnage,...
M. Philippe Marini.
Nous l'avons votée !
M. Jacques Oudin.
... qui me semble être une mesure déterminante pour l'avenir de notre flotte
marchande.
Ce système concerne actuellement 75 % de la flotte mondiale. Entré en vigueur
d'abord en Grèce, il s'est progressivement généralisé aux Pays-Bas, en Norvège
et, plus récemment, en Allemagne et en Grande-Bretagne.
L'efficacité de cette taxe n'est plus à démontrer. La flotte a augmenté de 36
% aux Pays-Bas et de 16 % en Norvège. Dans ce pays, monsieur le ministre, on
compte 1 622 bateaux alors que nous n'en possédons que 200 ! En
Grande-Bretagne, l'institution de cette taxe a facilité l'inscription de
cinquante nouveaux navires sous pavillon anglais. Les différents exemples
illustrent bien l'impulsion considérable qu'elle donne.
C'est un système efficace que nos concurrents ont adopté, auquel la Commission
européenne est favorable. Par conséquent, le Gouvernement s'y est opposé !
Logique !
Mon amendement a quand même été adopté le 26 novembre dernier par le Sénat.
Quel sort lui sera réservé à l'Assemblée nationale ? Je ne pense pas qu'il
échappe au couperet ; c'est d'autant plus regrettable que cela entraînera
plusieurs années de retard et que, malheureusement, nous tournons ainsi le dos
à ce qui sera de toute façon l'avenir.
J'en viens à mon dernier point, la priorité à l'emploi et à la formation
maritimes.
La marine marchande peut et doit devenir une source de création d'emplois.
Cela passe par le développement de notre flotte - je l'ai dit - et par une
formation de qualité.
Monsieur le ministre, l'enseignement maritime est dans un triste état. Il doit
donc être modernisé, réorienté et ouvert pour être aligné sur celui des grandes
nations maritimes. L'une des mesures les plus significatives consisterait à
réaffecter les crédits de l'éducation nationale consacrés à l'enseignement
maritime et à permettre une validation, par l'éducation nationale, des diplômes
de cet enseignement. C'est l'une des mesures que j'ai proposées ; je souhaite
qu'elle soit entendue.
Je conclurai mon propos en insistant à nouveau sur le renforcement
indispensable de la sécurité maritime, mais en lui donnant une autre dimension
que celle que nous connaissons.
Il est aujourd'hui indispensable d'harmoniser nos conditions de contrôle pour
asseoir l'égalité de traitement dans tous les ports européens. En effet, le
contrôle doit être identique, afin qu'il n'y ait ni complaisance liée au
laxisme, souvent par faute de moyens, ni surenchère à la « qualité du contrôle
».
Le contrôle technique annuel des navires de commerce qui fréquentent les ports
de l'Union européenne ou qui battent pavillon d'un Etat membre devrait être
confié à une agence maritime européenne qu'il faudrait rapidement mettre en
place. C'est encore une proposition que nous avons formulée. Cette inspection
devrait être faite par un corps européen de contrôle au titre tant du
mémorandum de Paris - c'est le contrôle par l'Etat du port - que de la visite
annuelle de sécurité à la charge de l'Etat du pavillon.
Le financement de la sécurité des voies de navigation maritime européenne
repose sur un principe : l'utilisateur est le payeur du service rendu. Un péage
devrait donc être institué sur les navires qui touchent un port de l'Union. Il
serait calqué sur ce que l'on appelle les
light dues
, les droits
d'éclairage, que les Britanniques appliquent à leurs ports. Ils seraient perçus
pour le compte de l'agence maritime européenne et devraient être proportionnels
à la fois au tonnage du navire et à la distance parcourue dans les eaux sous
contrôle européen.
Bref, vous l'avez compris, monsieur le ministre, je souhaite, pour ma part,
une européanisation plus accentuée du contrôle et de la sécurité maritime.
Il faut avoir de l'ambition pour notre flotte et une ambition maritime pour la
France. Notre pays, quatrième ou cinquième exportateur mondial, a toujours
regardé la mer avec un certain soupçon. Il est impossible de s'ouvrir sur le
monde et de gérer le deuxième domaine maritime du monde avec une politique
maritime aussi timorée. C'est la raison pour laquelle, pour ma part, je ne
voterai pas votre budget !
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un peu
plus de 940 millions d'euros, le budget de la mer demeure quasiment stable
comparé à celui de la loi de finances pour 2001. C'est un budget relativement
modeste si l'on tient compte du fait qu'il concerne un secteur qui est au coeur
des préoccupations écologiques actuelles en termes de préservation de
l'environnement et de développement durable.
Certes, il faut tenir compte de l'ensemble des contributions des autres
ministères, dont le montant total s'élève aujourd'hui à près de 1 581 millions
d'euros, soit 10,37 milliards de francs en faveur de la mer. Il n'en demeure
pas moins que, dans la conjoncture actuelle marquée par un inquiétant
ralentissement de la croissance, nous aurions besoin d'un soutien plus
important des crédits publics.
Nous le savons, monsieur le ministre, cette modestie des crédits ne constitue
pas la spécificité de votre budget. Mais, je tiens à le souligner, il devient
urgent de rompre avec les logiques antérieures, de relâcher fortement les
contraintes budgétaires auxquelles nous soumet le pacte de stabilité européen,
car nous risquons, le cas échéant, de frôler dangereusement la récession.
De même, après la catastrophe écologique due au naufrage du pétrolier
Erika
et la mise en examen pour « complicité de mise en danger de la vie d'autrui
» et « pollution maritime » de TotalFinaElf, il devient urgent que la
réglementation internationale soit non seulement respectée, mais aussi
renforcée.
La dérive libérale qui conduit à des pratiques de réduction drastique des
coûts, de dumping social et de contournement des règles accroît le risque des
pollutions lourdes et met, dans le même temps, en péril la vie des marins.
Le renforcement de la sécurité des transports maritimes exige le
renouvellement du parc mondial des navires, souvent trop vieux, ayant la
plupart du temps amorti leur investissement depuis longtemps et continuant
d'être affrétés par les compagnies.
En matière de construction navale, la France dispose de capacités de
production importantes et d'une main-d'oeuvre qualifiée capable de concevoir, à
l'exemple des chantiers navals de Saint-Nazaire, des pétroliers et des
chimiquiers compétitifs et performants.
Nous attendons du conseil des ministres européens qu'il se prononce, le 5
décembre prochain, en faveur du retour des aides publiques à la commande, afin
de mettre un terme à la concurrence déloyale exercée en ce domaine par la
Corée, le Japon ou les Etats-Unis.
Nous savons, monsieur le ministre, que vous oeuvrerez dans cette direction.
Nous attendons de vous que vous demeuriez extrêmement vigilant face à la
directive européenne visant la libéralisation des services portuaires, dont
certains assurent de manière efficace la protection de nos côtes contre les
risques de pollution ainsi que la sécurité des utilisateurs, professionnels et
usagers, des ports.
Soyons clairvoyants, ce sont les grandes compagnies d'armateurs et
d'affréteurs, les TotalFinaElf, qui ont intérêt à la mise en concurrence des
ports et des services portuaires. A l'évidence, les catastrophes écologiques en
témoignent, leurs intérêts ne convergent pas avec ceux de l'ensemble de la
collectivité.
Ces observations étant faites, je terminerai mon intervention sur un point
qu'il me paraît essentiel d'évoquer : le cabotage.
Le développement de l'intermodalité des transports suppose que l'on soutienne
d'une manière plus volontariste la promotion de ce type de transport. Outre
qu'il participerait à l'aménagement du territoire en permettant d'alléger le
trafic routier de fret, il est aussi beaucoup moins coûteux et plus respectueux
de l'environnement.
Les 6 millions de francs prévus à cet effet dans le projet de budget sont un
premier encouragement à la mise à l'étude des projets de cabotage qu'il
conviendra d'amplifier au regard de la demande des porteurs de projets.
Monsieur le ministre, ce budget consacré à 75 % à l'ENIM laisse 25 % à la
sécurité des transports maritimes, au contrôle, aux CROSS, aux phares et
balises, à la sécurité portuaire, à la formation, à la protection du littoral,
à la modernisation des ports et à l'emploi.
Sans porter préjudice à l'ENIM, ces 25 % méritent d'être largement abondés si
nous voulons relever les défis de demain. Avec ce budget, vous avez pris les
bonnes orientations. Il conviendra désormais de donner à la mer les moyens
qu'elle mérite. Pourquoi pas un nouveau ministère à part entière pour ce
domaine essentiel ?
Le groupe communiste républicain et citoyen soutient pleinement votre action,
monsieur le ministre, et votera donc ce projet de budget.
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre examen
du projet de budget de la mer se révèle
a priori
délicat, en raison
d'une modification de la structure des crédits de son ministère de
rattachement.
En effet, leur montant total semble en forte diminution, puisqu'ils baissent
de 8,2 % : 940 millions d'euros, soit 6,166 milliards de francs, mais ils sont
en fait presque stables, avec moins d'un demi-point de repli consécutif à une
hausse de 2,36 % entre 2000 et 2001.
L'explication réside dans le transfert de charges de personnel du budget de la
mer à celui des services communs du ministère de l'équipement.
Il ne semble pas que cette décision ait fait l'unanimité, dans la mesure où
elle empêcherait, à l'avenir, de distinguer quels sont les personnels
spécifiquement employés pour les missions relatives à la mer.
J'attends de nos débats qu'ils vous permettent, monsieur le ministre, de
rassurer ceux qui craignent que cette restructuration ne préfigure le retour à
la situation qui prévalait voilà vingt ans.
D'ailleurs, la lisibilité de l'effort de l'Etat en faveur du secteur maritime
demeure limitée, car certains crédits figurent dans les budgets de la
recherche, de la défense ou de l'économie et des finances.
Au total, les sommes consacrées directement ou non à la mer dépassent les dix
milliards de francs, soit un milliard et demi d'euros.
En outre, une autre particularité de ces crédits réside dans l'ampleur de la
part du régime de protection sociale spécifique, à travers l'Etablissement
national des invalides de la marine, qui représente les trois quarts de ce
budget, et dont la subvention est en repli de 3,33 %, cette diminution étant
compensée par une dotation du régime général.
Cela ne doit pas occulter l'effort consenti en faveur de la mer par le projet
de loi de finances pour 2002.
En effet, les dotations prévues hors charges de personnel et hors ENIM
s'établissent à 232,6 millions d'euros, soit une nette hausse, par rapport aux
crédits de même nature en 2001, de 5,47 %.
C'est donc à première vue ce qu'il est convenu d'appeler un bon budget, et
l'examen détaillé de ses priorités confirme cette appréciation.
Placées au premier rang des préoccupations de l'opinion et du Gouvernement, la
sécurité et la protection de notre littoral bénéficient d'efforts
conséquents.
Ainsi, la signalisation et la surveillance maritimes voient leurs moyens
accrus de près d'un quart en crédits de paiement, et quarante-deux emplois
doivent être créés pour améliorer la sécurité, dont trente-quatre
particulièrement consacrés à l'examen des navires, soit une hausse de leur
nombre de près de moitié.
De même, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage,
les CROSS, disposeront de crédits accrus de 38 % pour le renouvellement des
radars et l'amélioration de la couverture radio, alors que les phares et
balises voient les leurs « bondir » de près de moitié, avec 49 % de mieux.
Mais deux ans presque jour pour jour après le naufrage de l'
Erika
, la
protection du littoral bénéficie d'une sollicitude encore plus grande de la
part du Gouvernement.
Les moyens de lutte contre la pollution, particulièrement les barrages
flottants POLMAR, ont été complétés, pour atteindre cinquante kilomètres contre
trente-sept avant cette catastrophe.
Indépendamment des aspects budgétaires, les plans POLMAR ont été refondus,
afin de tirer les enseignements de ce naufrage.
Par ailleurs, la catastrophe a aussi suscité des directives européennes qui
ont récemment fait l'objet d'une conciliation réussie.
Enfin, le Gouvernement a su encourager, tant au niveau européen qu'à celui de
l'Organisation internationale de la mer, l'accélération de l'élimination des
navires à simple coque.
En outre, les subventions accordées notamment dans le cadre des contrats de
plan explosent, avec des hausses de 94 % pour les autorisations de programme et
de 167 % pour les crédits de paiement.
Il est vrai que la tâche est immense, puisque les phénomènes d'érosion
affectent 1 300 de nos 5 000 kilomètres de côtes.
D'un point de vue économique, si les moyens de fonctionnement alloués aux
ports autonomes reculent, ceux qui sont destinés aux ports d'intérêt national
progressent à nouveau cette année, de sorte que les crédits d'investissement
destinés aux ports maritimes sont révalorisés de 11,6 %.
A ce propos, si je salue la dotation de 180 millions de francs pour le projet
« Port 2000 » du Havre, il sera sans doute judicieux de ne pas laisser de côté
les autres infrastructures portuaires françaises, qui peuvent présenter un
intérêt comparable en usant des ressources de l'« interportuarité ».
Je pense notamment à l'ensemble formé par les trois ports de Boulogne,
Dunkerque et Calais qui, réunis, constituent le deuxième port de commerce
français, le premier port de voyageurs d'Europe continentale et le premier
centre européen de transformation des produits de la mer.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, je salue votre décision de confier à
l'ingénieur général Rousset une mission en vue du rapprochement de ces trois
ports, et j'attends avec une sereine impatience
(sourires)
les résultats
de ses travaux.
Il est vrai que la régression subie en matière d'investissement entre 1993 et
1997 impose actuellement de faire des choix, face aux besoins de nos
installations, qui demeurent importants dans toutes les catégories de ports.
Les crédits consacrés aux ports témoignent, d'ailleurs, de la volonté du
gouvernement actuel de développer ces infrastructures.
A ce propos, de manière spécifique, alors que la disparition des boutiques
duty free
sur les lignes transmanche affectent, comme prévu, les ports
de Boulogne et de Calais, il conviendrait sans doute de mettre en jeu la
solidarité nationale à leur profit, conformément aux engagements
gouvernementaux.
Toujours d'un point de vue économique, le Gouvernement a décidé de maintenir
son soutien à notre flotte de commerce sous trois formes.
Je citerai, tout d'abord, le remboursement de la taxe professionnelle, pour
plus de 100 millions de francs ; ensuite, le remboursement de cotisations
sociales, qui concernera aussi, désormais, les cotisations d'allocations
familiales et de chômage, en contrepartie d'engagements sur l'emploi ; enfin,
le dispositif dit de « GIE fiscal », dont ont bénéficié dès le 1er juillet
dernier, trente-trois navires pour un montant de 8,6 milliards de francs, ce
qui représente un effet de levier particulièrement intéressant.
Toutes ses potentialités n'ont d'ailleurs pas encore été totalement
exploitées.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Absolument !
M. Paul Raoult.
Il faut, en effet, noter que les banques refusent de devenir propriétaires
d'un pétrolier par l'intermédiaire du GIE fiscal afin de ne pas porter la
responsabilité objective et illimitée en cas de pollution dans les eaux
américaines.
En outre, sans exonérer le ministère de l'agriculture et de la pêche de ses
responsabilités en la matière, et tout en reconnaissant les efforts qu'il
déploie auprès des autorités européennes, il serait sans doute souhaitable que
les chalutiers de pêche industrielle puissent recourir, eux aussi, à ce régime.
Là encore, c'est à Bruxelles que réside la solution du problème.
Puisque nous en sommes aux dossiers mettant en jeu l'Union européenne, je suis
convaincu que vous serez attentif au sort du programme d'aide au cabotage,
ainsi qu'au projet de directive sur les services portuaires concernant,
notamment, l'auto-assistance.
Je ne doute pas, à ce propos, que vous soyez conscient des risques que
comporte l'autorisation de cette pratique. En effet, un pilote doit très bien
connaître le port dont il permet l'accès ; un pilote engagé sur un navire ne
pourra pas assurer l'accès du bâtiment à tous les ports dans des conditions de
sécurité suffisantes.
Pour conclure sur le volet économique des moyens consacrés à la mer, je
noterai avec satisfaction que, globalement, les crédits destinés à notre flotte
de commerce progressent de plus de 20 % et que cette aide pourra être étendue
aux navires sous registre des Terres australes et antarctiques françaises.
Dans le domaine social, la protection des marins sera améliorée au moyen de
mesures d'accompagnement des licenciements, pour un montant de 18 millions de
francs. A ce propos, il conviendrait sans doute que les marins artisanaux
puissent bénéficier des ASSEDIC.
Je saluerai aussi la mise en oeuvre, moyennant 30 millions de francs, de la
cessation anticipée d'activité pour les marins exposés à l'amiante,
actuellement ou par le passé.
Plus généralement, il convient de signaler la perspective, pour le tout début
de l'année prochaine, de la publication d'un nouveau décret concernant le
régime de protection sociale des marins pêcheurs, un demi-siècle après le
précédent, qui était devenu, à bien des égards, obsolète.
Enfin, ce budget a pris en compte la réforme de la formation maritime, avec
l'adaptation aux nouvelles normes de l'Organisation internationale de la mer,
le développement du centre de Nantes et le passage sous statut public des
personnels des lycées maritimes.
L'évolution des effectifs est en rapport avec ces impératifs, car soixante-dix
neuf emplois sont créés dans ce secteur, dont seize emplois d'enseignant.
Monsieur le ministre, sur ce dossier comme sur les autres thèmes de l'action
en faveur de la mer et de ceux qui en vivent, le Gouvernement a su tout à la
fois prendre la mesure des enjeux d'un développement essentiel pour notre pays
et déployer les moyens en rapport.
Le groupe socialiste votera donc les crédits de la mer.
M. Gérard Le Cam.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le ministre, le sort de notre calendrier est entre vos mains !
(Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le
budget de la mer pour 2002 s'élève à 940,1 millions d'euros. Vous avez indiqué
dans votre rapport, monsieur Massion, que ce budget, hors crédits de personnel,
ne progresse que de 1 % par rapport à la loi de finances pour 2001. La
progression est, en fait, bien supérieure : elle s'établit, en effet, à 5,47 %,
le budget de la mer hors personnel et ENIM passant de 220,53 millions d'euros
l'année dernière à 232,60 millions d'euros en 2002.
Je vous confirme que la baisse de la subvention à l'ENIM n'est que la
traduction mécanique de l'augmentation attendue des transferts financiers
émanant d'autres régimes dans le cadre du système de compensation liant les
divers régimes sociaux. Elle ne traduit nullement une diminution des
prestations offertes aux marins.
Au total, cent treize emplois sont créés pour renforcer les services de la
mer, dont cinquante au profit de la sécurité maritime et soixante-trois en
régularisation des personnels de l'AGEMA, l'association de gérance des écoles
de formation maritime et aquacole. Après l'augmentation de soixante-quinze
emplois l'an passé, on est loin de l'effort « infinitésimal » décrit par M. le
rapporteur pour avis.
Ce budget reprend les quatre grandes priorités qui sont les miennes depuis
1997 : la poursuite du renforcement de la sécurité maritime ; la mise en place
d'un véritable service public de la formation maritime, gage d'efficacité et de
sécurité ; l'accélération de la modernisation des ports et le soutien à la
flotte de commerce au bénéfice de l'activité et de l'emploi ; l'amélioration
des conditions de vie et de travail des marins.
Dès mon premier budget, j'avais obtenu une hausse de 30 % des moyens
d'engagement en faveur de la sécurité maritime. Depuis lors, cet effort n'a pas
cessé et, après avoir augmenté encore de 60 % l'an passé en autorisations de
programme, le budget croît, cette année, de 23 % en crédits de paiement.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Désiré, ces crédits ne traduisent pas
l'ensemble des moyens de l'Etat en faveur de la mer puisqu'il faut compter avec
ceux des douanes et de la défense, par exemple pour ce qui est des remorqueurs.
La mise en oeuvre d'un tel navire dans les Caraïbes est donc à étudier avec ce
ministère, à qui je proposerai de mener une étude de risque sur cette zone.
Les comités interministériels de la mer de février et de juin 2000 ont permis
de compléter et de moderniser le dispositif des CROSS, dans le cadre d'un
programme pluriannuel. Cela se traduira, en 2002, par une augmentation de 40 %
des crédits de paiement par rapport à 2001, permettant, notamment, de mettre en
place les premières stations radars de nouvelle génération des CROSS de la
Manche et le système de suivi du trafic maritime global.
Le budget pour 2002 permettra la création de trente-quatre postes d'inspecteur
de sécurité maritime, portant ainsi leur nombre total à cent quatre, ce qui
représente un doublement depuis 1999. Nous nous donnons ainsi les moyens de
revenir à l'objectif de 25 % de navires contrôlés fixé par le mémorandum de
Paris, et de le tenir. Faute de moyens humains à l'époque où s'est produit le
naufrage de l'
Erika
, le ratio de contrôles de navires n'était que de 14
%, parce que les effectifs n'avaient cessé de décroître avant 1997 ; il faut
maintenant, compte tenu du délai de formation des inspecteurs - quatre à cinq
ans - rattraper le retard accumulé.
Après les seize emplois du budget pour 2001, les trente-quatre emplois de ce
budget sont une réponse à la hauteur de l'enjeu, monsieur Massion. Tous les
postes ouverts sont maintenant pourvus. D'ores et déjà, quinze nouveaux
inspecteurs, recrutés ces dernières années, seront habilités d'ici à 2002. Les
taux de contrôle français seront donc en redressement sensible dès l'année
prochaine.
Ces inspecteurs pourront s'appuyer sur un renforcement sans précédent des
normes internationales, grâce à l'aboutissement des négociations
internationales sur le « paquet » de directives Erika I et sur l'élimination
accélérée des navires à simple coque, actions qui sont à mettre au crédit, vous
l'avez tous reconnu, de la présidence française.
La signalisation maritime connaîtra une augmentation de 50 % en crédits de
paiement, permettant non seulement la poursuite du plan de modernisation des
phares et balises, mais aussi la livraison du grand baliseur océanique de
Brest, après celle du baliseur côtier du Havre en 2001, et avant celle du
baliseur océanique de Dunkerque en 2003.
Après la catastrophe de l'
Erika
et les tempêtes de décembre 1999, qui
ont donné lieu à l'ouverture de crédits spécifiques pour la reconstitution des
matériels POLMAR, et pour la réparation des digues de protection des zones
littorales habitées, le projet de budget pour 2002 comporte, pour la troisième
année consécutive, une forte augmentation des moyens pour la protection et la
mise en valeur du littoral : 39 % en moyens d'engagement et 42 % en moyens de
paiement.
Dès cet hiver, l'ensemble des stocks POLMAR de barrages flottants ont été
reconstitués à un niveau supérieur à celui qui existait avant la catastrophe de
l'
Erika
. Ils atteindront, à terme, un niveau encore supérieur de 50 000
mètres disponibles.
Les efforts entrepris pour renforcer la sécurité seront renouvelés en 2002,
grâce à la reconduction, à hauteur de 70,6 millions d'euros, des crédits pour
l'entretien des infrastructures portuaires, tout particulièrement pour les
dragages d'entretien des accès nautiques. Parallèlement, les effectifs des
officiers de port et officiers de port adjoints seront renforcés de sept
postes, soit une augmentation des effectifs de 14 % sur les exercices 2001 et
2002.
La formation maritime représente non seulement un gage d'efficacité mais
aussi, au-delà, un atout indispensable pour que notre flotte et notre pavillon
relèvent les défis qui sont les leurs.
La création, dans ce projet de loi de finances pour 2002, de soixante-dix-neuf
emplois supplémentaires, en complément des trois cent quinze postes créés en
2000, permettra de concrétiser, au 1er janvier 2002, la création d'un grand
service public de l'enseignement maritime, dans le cadre du passage sous statut
public des personnels de l'AGEMA.
Monsieur Oudin, la baisse des crédits d'investissement pour les écoles
s'explique par l'importance des reports de crédits et les difficultés
rencontrées dans l'exécution des contrats de plan Etat-région l'année passée.
Voilà l'explication. Cette baisse ne manifeste donc pas notre désintérêt pour
l'enseignement maritime, j'en veux pour preuve le nombre de postes budgétaires
que nous consacrons à ce titre. Simplement, nous gérons au mieux les crédits
dont nous disposons ; en l'occurrence, des reports se sont produits. J'ajoute
que ces crédits seront abondés en cours d'année 2002 par la cession d'actifs
immobiliers.
Le développement maritime de notre pays s'appuie sur les ports maritimes et
sur la flotte de commerce. Le projet de budget pour 2002 traduit la volonté du
Gouvernement de soutenir ces deux maillons essentiels de notre économie
maritime qui sont confrontés à une rude compétition internationale.
Les crédits pour le développement des ports maritimes et au soutien à la
flotte de commerce battant pavillon français augmentent, en 2002, de 7,3 % en
moyens d'engagement et de 9,6 % en moyens de paiement.
Les échanges de marchandises conteneurisées devraient connaître, au cours des
prochaines années, une augmentation d'environ 7 % par an. L'accélération de la
modernisation de nos ports, pour laquelle les crédits d'engagements ont plus
que doublé depuis 1997 - l'augmentation est de 130 % - a pour but de permettre
aux ports français de regagner des parts de marchés. Les efforts entrepris en
ce sens ont permis, entre autres, le démarrage des travaux de « Port 2000 », au
Havre, au titre desquels le projet de budget pour 2002 intègre une dernière
tranche de crédits de 27,4 millions d'euros. En complément de ces crédits,
l'Etat apportera aussi au port autonome du Havre une dotation en capital de
68,6 millions d'euros qui accompagnera un effort complémentaire des
collectivités locales.
Au-delà, hors « Port 2000 », le projet de budget pour 2002 marque une nouvelle
revalorisation de 11,6 % des crédits d'investissement destinés aux ports
maritimes, au bénéfice autant des ports autonomes que des autres ports relevant
de l'Etat. Ces moyens permettront tout à la fois de réhabiliter des
infrastructures portuaires de base et de moderniser certains terminaux
portuaires dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-région.
Outre ces investissements, vous savez, monsieur Raoult, quel objectif est le
mien : la coordination interportuaire. L'exemple du rapprochement de Boulogne,
Calais et Dunkerque, que vous avez rappelé, participe de cette logique et
confirme que le Gouvernement n'est pas resté sans rien faire dans ce domaine
!
Il convient, en parallèle, de tirer tous les fruits des réformes engagées en
matière portuaire, par exemple, dans le domaine de la manutention. A cet égard,
monsieur Désiré, Fort-de-France reste effectivement le dernier port d'outre-mer
où la réforme de 1992 ne s'est pas concrétisée. J'admets qu'il faut maintenant
terminer cette évolution, et je vous confirme que l'objectif est d'aboutir
avant la mise en service du nouveau terminal à conteneurs de la pointe des
Grives, d'ici à la mi-2002.
En revanche, je partage l'inquiétude de MM. Raoult, Le Cam et Désiré au sujet
de la directive portuaire. Si je soutiens évidemment l'objectif de transparence
et d'efficacité, je ne peux accepter la rédaction actuelle, qui passe sous
silence les enjeux de sécurité, de protection de l'environnement et
l'importance des règles de qualification des différents métiers. Elle mène sur
la voie que préconise M. Oudin d'une « ouverture des professions portuaires à
la concurrence », pour citer l'une des propositions de votre récent rapport sur
la politique maritime, monsieur le sénateur.
M. Philippe Marini.
Excellent rapport !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Une profonde
réécriture du projet de directive me paraît nécessaire.
L'année 2002 marquera également une nouvelle avancée dans la politique de
soutien à la flotte de commerce pour les navires battant pavillon français :
les moyens budgétaires progressent de 20,9 %, du fait du remboursement des
cotisations familiales et d'assurance chômage au titre des personnels naviguant
sur les navires sous registre métropolitain et des départements d'outre-mer.
Ces dispositions, ainsi que le GIE fiscal, ont permis de stabiliser le nombre
de navires à deux cent six - j'admets qu'il convient d'aller plus loin -, ce
qui permettra de faire croître le nombre des navires et des marins français.
Je précise, monsieur Raoult, que les armements à la pêche disposent également
de dispositifs d'aides adaptés. En ce qui concerne les pétroliers, nous
cherchons actuellement avec les professionnels et le ministère des finances les
dispositions permettant de résoudre les problèmes de responsabilité que pose le
système de GIE fiscal au regard des risques de pollution.
De la même façon, monsieur Désiré, monsieur Oudin, nous étudions la
possibilité d'adapter notre fiscalité dans le sens que suggère votre
proposition de taxe au tonnage.
Un autre aspect nouveau du projet de budget pour 2002 réside dans
l'attribution d'une première enveloppe de 0,9 million d'euros pour favoriser la
mise en place de lignes de cabotage maritime, élément important d'une politique
intermodale des transports dont l'intérêt a été souligné, notamment, par M. Le
Cam.
Vous avez voulu, monsieur Revet, insister sur la modestie de ces crédits. Mais
il s'agit là d'une première dotation ; elle s'ajoute aux crédits dégagés par
l'ADEME et permettra de financer les études de faisabilité des lignes de
cabotage. Par ailleurs, nous instaurons un dispositif de soutien à
l'exploitation, qui doit recevoir l'aval de la Commission européenne pour ne
pas tomber sous le coup de la législation relative aux aides d'Etat. Enfin,
j'ai obtenu l'accord de l'Espagne et de l'Italie pour que nous travaillions en
commun à la mise en place de liaisons maritimes pouvant se substituer à la
traversée des Alpes et des Pyrénées.
Pour terminer, je tiens à évoquer le volet social, qui est très important.
Comme je vous l'ai dit en introduction, le régime des marins a connu ces
dernières années de nombreuses évolutions positives.
Ainsi que je m'y étais engagé, il est prévu dans ce budget une première
dotation de 0,3 million d'euros destinée à apporter une aide aux associations
et à verser des avances sur salaire au bénéfice des marins abandonnés dans les
ports français. Ce dernier dispositif est mis en place dans l'attente d'un
système d'assurance international, étudié par l'Organisation maritime
internationale sur l'initiative de la France. Les principes d'utilisation de
ces crédits sont en cours de discussion avec les syndicats et les
associations.
J'ai signé le 21 novembre dernier, à Paris, un accord de partenariat renforcé
avec l'Organisation internationale du travail, l'OIT, portant sur un volet
maritime, afin de lancer un programme sur « le travail décent des marins ».
Ce programme complétera ainsi, dans le volet social, les avancées obtenues à
l'OMI. Je suis d'accord que, si la loi du profit, la recherche du prix le plus
bas et de la complaisance l'emportent, ce sont les hommes et l'environnement
qui « trinquent ».
Par ailleurs, le nouveau service public de l'inspection du travail maritime
est effectif depuis le 1er septembre 2001, depuis la nomination des premiers
inspecteurs et contrôleurs du travail maritime dans les services déconcentrés
des affaires maritimes. Ces personnels pourront plus efficacement contrôler et
vérifier les conditions de vie et de travail des marins à bord des navires.
Enfin, je me suis attaché depuis 1997 à faire du régime de protection sociale
des marins un régime qui rende justice à la dureté de ce métier. Tout en
préservant sa spécificité, j'ai pu résorber les retards qu'il présentait par
rapport au régime général. Ainsi, cette année, la subvention à l'Etablissement
national des invalides de la marine, l'ENIM, intègre non seulement la réforme
de l'invalidité que j'ai mise en oeuvre l'an passé, mais aussi la création d'un
dispositif de cessation anticipée d'activité pour les marins exposés à
l'amiante.
Ce dispositif s'appliquera également aux marins qui, sans être malades, sont,
en l'état actuel des connaissances, les plus exposés au risque, à savoir ceux
qui ont fait carrière « à la machine », comme on dit, et ceux qui ont été
embarqués sur des navires transportant de l'amiante. Ces deux catégories
semblent en effet avoir été exposées dans des conditions comparables à celles
qu'ont connues les travailleurs de la construction et de la réparation
navales.
Naturellement, je suis favorable à voir le champ d'application de cette mesure
évoluer s'il s'avérait que d'autres postes de travail ont également été
fortement exposés à l'amiante.
La question de la couverture par les ASSEDIC, monsieur Raoult, ne se pose, à
mon sens, que pour les marins pêcheurs salariés. J'y suis naturellement
favorable, sous réserve d'un accord préalable des partenaires sociaux.
Monsieur Revet, l'effort financier de l'Etat pour le secteur maritime n'est
pas une « goutte d'eau ». Il marque au contraire, depuis 1997, une réelle
évolution favorable de la politique maritime de la France.
(Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'équipement, les transports et le logement.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné aujourd'hui même les crédits
affectés au tourisme, à l'urbanisme, au logement et aux transports terrestres,
à l'aviation et à l'aéronautique civiles.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »