SEANCE DU 3 DECEMBRE 2001
« Crédits de paiement : 749 631 000 euros. »
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
J'interviendrai, ce qui ne surprendra personne, en tant qu'ancien président du
conseil général du Val-d'Oise et comme sénateur de ce département, qui, à un
moment donné, a été chargé d'une mission d'étude sur les problèmes de Roissy et
d'Orly, pour développer la solidarité du point de vue économique, financier et
environnemental, et qui a beaucoup suivi les travaux de la mission de son ami
Jacques Douffiagues.
Ce soir, je voudrais m'adresser principalement à mes collègues des autres
départements, aux rapporteurs, MM. Collin et Le Grand, à M. Gerbaud ainsi qu'à
l'ensemble des sénateurs qui suivent les questions de l'implantation éventuelle
d'un troisième aéroport. Il s'agit d'un enjeu national. C'est un défi important
qui est lancé à notre société, à nous, responsables politiques. Comment le
traiter ?
Il convient d'envisager le problème avec une certaine distanciation, que je
vous invite à prendre, comme je m'y emploie. Je ne suis pas candidat aux
élections, ni dans la circonscription de M. Strauss-Kahn, ni dans celle de M.
Cochet. Aucun intérêt électoral ne dicte mes propos.
Tout d'abord, il faut une distance géographique. Il convient d'éviter
d'opposer l'Ile-de-France et la province et, au contraire, de rechercher
l'intérêt général. Mais il faut aussi que l'Ile-de-France et la province
regardent la réalité.
Autour de Roissy, ce sont 300 000 personnes qui vivent là depuis longtemps.
Toutes subissent des nuisances insupportables. Je n'aurai pas la cruauté
d'inviter l'un quelconque d'entre vous à habiter jour et nuit, en week-end et
en semaine, dans le secteur de Roissy !
Il faut savoir prendre une distance géographique, mais aussi une distance
historique.
Je vous rappelle que la décision de créer Roissy a été arrêtée par le général
de Gaulle - c'était une décision extrêmement courageuse - dans la perspective
d'un développement aérien limité, pour une dizaine de millions de passage et
peu de pistes. Mais elle a provoqué la vitrification totale du secteur de
Goussainville. L'église est toujours là, depuis plusieurs centaines d'années,
le village aussi, mais, autour, tout a été complètement gelé. Gonesse,
Goussainville, autant de villes à propos desquelles il serait caricatural de
prétendre que les habitants sont venus s'installer en infraction au permis de
construire ou dans un esprit de spéculation ! On ne peut pas intenter ce
procès, comme certains ont pu le faire, à tous ceux qui ont habité ou travaillé
dans ces villes depuis des dizaines d'années.
Mais il faut encore observer une distance politique.
Franchement, sur un enjeu aussi important, ne pourrait-on pas rechercher
l'intérêt général et oublier nos querelles politiques ? Les propos que je tiens
actuellement, je les tiens en accord avec Mme Olin, élue de droite, et avec
l'ensemble des élus de droite de la vallée de Montmorency et du secteur de
Roissy ; je les tiens en accord avec Mme Beaudeau, qui représente le secteur de
Sarcelles, ainsi qu'avec Alain Richard et Bernard Angels. Nous essayons
d'examiner ce problème dans un esprit d'indépendance et de neutralité
politique.
Et puis les autorités politiques changent. Qui a décidé, la première fois,
qu'un troisième aéroport serait nécessaire ? C'est le gouvernement Juppé,
Bernard Pons étant alors ministre des transports. Qui a décidé de poursuivre la
réflexion et a tenu les engagements pris en 1997 ? C'est le gouvernement de M.
Jospin, avec M. Gayssot. Qui, demain, après l'alternance, se posera la même
question ?
Plusieurs sénateurs sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.
Encore M. Gayssot !
(Sourires.)
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Evidemment, je souhaite que ce soit quelqu'un de notre bord. De toute façon,
celui qui aura cette charge devra rechercher l'intérêt général et déterminer
s'il faut ou non construire un troisième aéroport.
Je vous invite donc à cette réflexion dans le temps, dans l'espace, dans la
perspective des décennies à venir.
M. Paul Raoult.
Très bien !
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Et puis, se sont produits les événements du 11 septembre, qui ont entraîné,
dit-on, une baisse du trafic. Mais celui-ci est lié aux échanges internationaux
et Roissy est l'aéroport de la France. Il y a des tendances lourdes de
développement, et le fret aussi bien que le trafic voyageur vont reprendre leur
croissance. C'est une des conclusions à laquelle sont arrivées à la fois la
mission Douffiagues et la DUCSAI, la démarche d'utilité concertée pour un site
aéroportuaire international.
La méthode de concertation employée par cette dernière était une bonne méthode
; je suis désolé de le dire. On s'est interrogé sur la nécessité de construire
ou non un troisième aéroport, ainsi que sur les avantages et les inconvénients
des différents sites. Ils sont tous mauvais, c'est évident ! Si l'on avait
demandé aux habitants de Goussainville ou de Gonesse s'ils acceptaient la
construction de Roissy, ils auraient répondu négativement, bien évidemment !
Croyez-vous que M. Cochet, élu dans une circonscription du Val-d'Oise, aura le
courage d'aller défendre ses positions dans le secteur où il est élu ? Non, je
ne le pense pas.
Après une concertation, des débats objectifs, l'évaluation des avantages et
des inconvénients, sans sous-estimer les difficultés d'infrastructures, de
gestion d'Air France, de gestion du
hub
, émerge une décision qui
s'inscrit dans le schéma des structures aéroportuaires. Les premières mesures
concernent le développement des aéroports régionaux. Je suis favorable au
développement de Vatry. Je suis favorable au développement de Châteauroux. Je
suis favorable au développement de Nantes et de Lyon, qui offrent des capacités
et des possibilités extraordinaires.
Pour conclure, monsieur le président, je répète que nous aurons les uns et les
autres à décider d'un troisième aéroport et à prendre, parce que demain c'est
aujourd'hui, dans le domaine foncier et pour la préparation des infrastructures
les mesures nécessaires pour que cet aéroport fonctionne au mieux, dans
l'intérêt de tous les citoyens français.
(Applaudissements sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 933 092 000 euros ;