SEANCE DU 3 DECEMBRE 2001


PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2002 concernant les services communs, l'urbanisme et le logement.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu des contraintes de temps qui s'imposent à moi, je ne pourrai évoquer la question de la construction de logements sociaux, ce qui est regrettable car elle mérite toute notre attention.
Je focaliserai mon intervention sur un point précis, qui a déjà été abordé en fin de matinée, à savoir l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH.
Le projet de budget du logement pour 2002 opère manifestement un transfert des crédits du secteur privé vers le logement social et une redéfinition des priorités au profit de ce dernier.
Les subventions d'investissement affectées à l'ANAH, qui incluent cette année le financement de la prime à l'amélioration de l'habitat, la PAH, baissent de 14 % par rapport à la loi de finances pour 2001. Or, l'année dernière, ces crédits avaient déjà été réduits de 45,7 millions d'euros, au motif que l'agence disposait d'une trésorerie importante. Ainsi, en deux ans, les crédits affectés à l'ANAH accusent une diminution de 23 %. Cette forte baisse est très surprenante, surtout si l'on considère la réforme consécutive à l'adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
En effet, cette loi a considérablement élargi le rôle de l'agence en prévoyant de lui confier la gestion de la prime à l'amélioration de l'habitat, et ce à moyens constants, voire en baisse.
Par ailleurs, elle a réorienté les priorités vers les copropriétés dégradées, les logements en sortie d'insalubrité et les opérations liées à la prévention du saturnisme : il s'agit là, pour l'essentiel, de problématiques urbaines. Parallèlement, le conseil d'administration de l'ANAH du 4 octobre dernier a décidé de ramener les taux de subvention de base de 25 % à 20 % dans tous les secteurs lorsque les loyers sont libres.
Cette réforme entraînera par conséquent deux types de bouleversements.
En premier lieu, l'élu local que je suis ne peut que déplorer la réorientation des aides au détriment du monde rural. En effet, l'ANAH joue un rôle primordial dans ce dernier, la réhabilitation et la remise sur le marché de logements vacants, souvent inconfortables, étant un puissant vecteur de développement local, de redynamisation du tissu économique et de valorisation du patrimoine architectural de nos villages.
Par ailleurs, dans les petits bourgs et les villes moyennes, les aides à la réhabilitation constituent de véritables soutiens à l'artisanat.
Ainsi, en 1996, 4,7 milliards de francs de subventions publiques ont induit 19 milliards de francs de travaux et permis de maintenir ou de créer plus de 105 000 emplois. Le secteur artisanal a plus que jamais besoin d'un tel soutien de la part des pouvoirs publics, dans le contexte difficile du passage à l'euro, de l'application des 35 heures et de la réduction du volume d'activité.
Une fois de plus depuis l'arrivée de ce gouvernement au pouvoir, ce sont les entreprises d'un côté et le milieu rural de l'autre qui sont lésés. Il apparaît en outre que l'Etat se décharge de ses responsabilités en incitant les collectivités locales à subventionner les réhabilitations entrant dans le champ d'action de l'ANAH.
La subvention de l'Etat est en effet majorée dès lors que les collectivités locales participent au financement des travaux. Le logement social relève pourtant de la responsabilité de l'Etat et non de celle des collectivités territoriales. Les communes, notamment les petites villes, mènent souvent une politique indépendante en matière de logement conventionné et n'ont pas accès aux subventions de l'ANAH.
En second lieu, la réforme de l'ANAH constitue un signe très négatif adressé aux propriétaires privés bailleurs. Là encore, le Gouvernement semble confondre propriétaires privés et nantis, ce qui relève d'une vision totalement erronée des bailleurs privés. Rappelons en effet que quelque 71 % de ceux-ci disposent d'un revenu par foyer inférieur à 25 000 francs par mois et que près de 83 % des intentions d'achat de logements locatifs émanent de personnes disposant d'un revenu familial inférieur à ce même montant. Soulignons en outre qu'un jeune âgé de dix-huit à vingt-cinq ans sur trois envisage d'acheter un logement locatif à plus ou moins long terme, contre une personne de plus de vingt-cinq ans sur dix.
Par conséquent, il conviendrait, à mon sens, non seulement de maintenir à leur niveau actuel, voire de renforcer, les aides de l'ANAH destinées aux propriétaires privés dans l'habitat diffus, mais aussi de simplifier les procédures d'aide au développement de l'offre locative.
Enfin, ces aides sont manifestement inadaptées à la réalité de la situation sociale des propriétaires privés. Elles semblent davantage conçues pour les personnes jouissant d'un patrimoine important et ne permettent par conséquent aux petits propriétaires ni d'amorcer le financement d'un investissement ni d'en retirer un revenu avant un délai qui ne soit pas trop long eu égard au niveau de leurs ressources.
Pourtant, les propriétaires privés doivent s'associer aux élus pour redynamiser le patrimoine ancien dans nos petites villes. Ne conviendrait-il pas, madame le secrétaire d'Etat, de profiter de la présente discussion budgétaire pour remédier aux faiblesses du financement de l'ANAH ? L'excédent de trésorerie de cette dernière résulte sans doute de la modification de la nature des interventions et de la baisse constante des taux.
Par ailleurs, quelles mesures entendez-vous prendre pour rassurer les propriétaires privés et favoriser l'investissement locatif ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison d'insister sur le rôle joué par les bailleurs privés dans la politique du logement social en France.
Les crédits de l'ANAH sont l'un des outils dont nous disposons pour conduire cette politique, mais ce n'est pas le seul. Comme je l'ai souligné ce matin, l'Assemblée nationale a souhaité que nous abondions de 200 millions de francs supplémentaires le montant des autorisations de programme pour l'ANAH. Le Gouvernement a donné son accord à cette proposition, de sorte que le total des crédits affectés à la nouvelle ANAH sera de 2,9 milliards de francs pour 2002.
Il faut comparer ce montant aux crédits prévus par la loi de finances pour 2001. Vous avez indiqué, monsieur le sénateur, qu'une baisse était intervenue ; or ce n'est pas le cas puisque 2,2 milliards de francs étaient inscrits l'an dernier au budget pour l'ancienne ANAH, auxquels s'ajoutaient 800 millions de francs au titre de la prime à l'amélioration de l'habitat, soit un total de 3 milliards de francs.
Toutefois, il était convenu que seuls 2,7 milliards de francs seraient utilisés : nous disposerons donc cette année de 2,9 milliards de francs, contre 2,7 milliards de francs l'année dernière à périmètre égal, c'est-à-dire en tenant compte du transfert qui a été opéré au profit de la nouvelle ANAH. Je considère que celle-ci dispose, avec cette dotation, de moyens tout à fait importants pour agir.
Par ailleurs, vous avez exprimé votre crainte, monsieur le sénateur, que le monde rural ne se trouve particulièrement pénalisé par les réorientations de crédits auxquelles l'ANAH a procédé en réponse, je vous le rappelle, à des consignes de la Cour des comptes.
Je ne crois pas qu'il en ira ainsi. En effet, l'ANAH donne une priorité absolue, dans son action, à tout ce qui concerne le traitement des logements insalubres ou indécents. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, il existe, en milieu rural et dans les bourgs-centres, de nombreux logements inconfortables ou insalubres.
La seconde priorité de l'ANAH est le conventionnement, qui correspond à une mission sociale. Or, précisément, le niveau du conventionnement est très proche de celui du marché dans le milieu rural. Il n'y a donc aucune raison que les propriétaires privés ne bénéficient pas du taux majoré applicable au conventionnement, car ils ne sont en rien lésés par ce mécanisme et contribuent davantage, grâce à lui, à la solidarité nationale.
Enfin, comme vous l'avez relevé, monsieur le sénateur, nous devrons prendre d'autres mesures visant à aider les investisseurs privés. Une grande partie des petits propriétaires, j'en suis tout à fait d'accord avec vous, sont loin d'être des nantis, notamment en zone rurale ou dans les petits bourgs. Il a d'ores et déjà été décidé que, en sus des crédits de la PAH et de la baisse de la TVA, un crédit d'impôt de 15 % serait accordé aux occupants pour tous les travaux permettant de réaliser des économies d'énergie, ce qui concerne de nombreuses opérations de réhabilitation.
Je souligne que nous avons complété également le dispositif de la loi Besson, en stimulant l'investissement par le biais d'une déduction de 60 % sur les revenus fonciers, à condition que les logements concernés aient davantage un caractère social que ce n'est le cas actuellement et soient loués à des populations aux revenus un peu plus modestes que celles qui sont visées par le dispositif Besson, les loyers demeurant à un niveau encore attractif pour le bailleur.
Je pense que l'ensemble de ces dispositions sont de nature à encourager les petits propriétaires à s'engager dans l'investissement locatif, surtout si celui-ci a une vocation sociale, et, par ailleurs, à accroître l'effort entrepris en faveur du logement social dans le milieu rural et dans les bourgs-centres.
M. Joseph Ostermann. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Je formulerai une seule remarque, madame la secrétaire d'Etat.
En tant que maire, j'ai eu l'occasion de superviser deux opérations programmés d'amélioration de l'habitat. La première fut financée par l'ANAH à hauteur de 35 %, la seconde à hauteur de 30 % ; par la suite, ce taux a été abaissé à 25 %, pour atteindre aujourd'hui 20 %.
Les collectivités locales sont donc amenées à participer de plus en plus largement au financement des opérations. Je le déplore, parce que ces collectivités mènent, en particulier dans les petits bourgs, leur propre politique, notamment en matière de logement conventionné. Or, si l'on change sans cesse les règles du jeu, elles ne pourront pas continuer à participer à l'effort consenti en faveur du logement social.
M. le président. La parole est à M. Dauge.
M. Yves Dauge. Madame la secrétaire d'Etat, je voudrais revenir sur l'accord concernant le 1 % logement que vous avez négocié avec les partenaires sociaux, accord que nous considérons tous comme essentiel et qui représente une importante garantie contre les risques de fiscalisation.
Cependant, je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur quelques points précis.
En ce qui concerne l'accession à la propriété, pourriez-vous nous indiquer le montant prévisionnel, par année ou pour l'ensemble des cinq exercices, des contributions qui seront apportées au 1 %, lequel permet de sécuriser, je le rappelle, le dispositif de financement du prêt à taux zéro ? Vous serait-il également possible de nous confirmer que vous avez pu étendre le champ des bénéficiaires de celui-ci ?
A cet égard, il est arrivé que le Parlement vote des dispositions mais que l'administration en entrave l'application par la suite, rendant difficile la consommation de crédits que nous avions pourtant alloués. L'an dernier, nous nous étions par exemple plaints du fait que le bénéfice des mesures visant à faciliter l'accession à la propriété, notamment par le biais du 1 %, soit réservé aux primo-accédants, alors que bien d'autres catégories devraient pouvoir y prétendre.
En outre, pouvez-vous nous préciser dans quelles conditions le dispositif est étendu au logement ancien, question qui nous intéresse tous ici, et quel est alors le montant de travaux requis ?
Par ailleurs, le prêt locatif à usage social, le PLUS, et le plan de relance, notamment l'augmentation de l'aide à la pierre, avaient déjà rendu le financement beaucoup plus performant, alors que nous étions confrontés à un sous-financement des opérations. Or nous allons maintenant pouvoir bénéficier aussi des prêts alloués au titre du 1 % : pouvez-vous nous indiquer à quel taux et sur quelle durée, l'enveloppe s'élevant, m'a-t-on dit, à 3,5 milliards de francs ? Je voudrais que les choses soient bien claires sur ce point.
J'exprimerai le même souhait s'agissant de la démolition-reconstruction. On nous annonce que, grâce à la convention, nous bénéficierons d'un effort exceptionnel à hauteur de 3 milliards de francs qui, dans mon esprit, viendront s'ajouter au dispositif de « droit commun », si j'ose dire, que constitue le PLUS. Pouvez-vous nous confirmer qu'il en sera bien ainsi et nous préciser sur quelle durée sera consenti cet effort exceptionnel ?
Il importe que nous soyons bien informés à cet égard, car ces problèmes de démolition-reconstruction sont difficiles à régler, d'autant que, dans certains cas, les démolitions seront coûteuses, puisqu'elles concerneront des logements qui sont encore inscrits dans les comptes des offices et représentent une valeur supérieure à la valeur de démolition. C'est sans doute là que l'aide exceptionnelle du 1 % pourra nous aider.
Enfin, je souhaiterais connaître l'aide que vous comptez apporter, toujours dans ce cadre, à la société foncière dont vous avez parlé et qui me paraît fort utile.
Ma dernière question, qui, je le sais, est un vaste sujet, est la suivante : comment va-t-on programmer ces aides, notamment celles qui sont accordées au titre du 1 % ? On va déconcentrer sur les régions. On va déconcentrer et décentraliser. Je pense qu'il y a un double mouvement, qui est évoqué souvent. C'est une question essentielle. Vous savez que se pose un problème d'équilibre entre les sociétés anonymes et les offices d'HLM sur la répartition du 1 %. Jusqu'à présent, il faut bien le reconnaître, le 1 % est réparti d'une manière inégale, pour ne pas dire plus.
Je conclurai en disant que, comme nombre de collègues ici, je suis très attaché à l'équilibre territorial. Il faut bien sûr « mettre le paquet » sur les quartiers dégradés. Mais il y a aussi d'autres quartiers, les quartiers dits anciens, les quartiers historiques, les quartiers des secteurs sauvegardés, et tout le milieu rural. Dans la programmation, il faut parvenir à un équilibre territorial. Le sujet est d'une importance telle qu'on ne peut le résoudre aujourd'hui. Cependant, je voudrais connaître l'orientation vers laquelle vous entendez aller.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, je voudrais vous rassurer : toute une série de choses ne changent pas dans le mécanisme du 1 %.
Premièrement, les 4,5 milliards de francs qui étaient affectés aux HLM, dont 1 milliard de francs sous forme de prêts bonifiés pour le plan de relance, sont maintenus. Nous sommes donc dans la même épure que par le passé pour les cinq ans à venir.
Deuxièmement, l'accession à la propriété est à peu près maintenue, puisque nous avoisinons les 4,5 milliards de francs. Si une légère érosion se produit, nous oscillons entre 4 milliards de francs et 4,5 milliards de francs sur les prêts à la personne physique qui sont l'emploi traditionnel du 1 %. Par ailleurs, tous les autres prêts - LOCA-PASS, PASS-travaux, etc. - ne sont pas modifiés ; c'est ce que l'on avait appelé les nouveaux emplois.
S'agissant du PLUS, il n'y a pas de changements, ni dans la forme, ni dans la méthode, ni dans le financement. Trois milliards de francs supplémentaires seront consacrés à la démolition. Ces 3 milliards de francs s'ajouteront, dans bien des cas, aux subventions de l'Etat, qui ont déjà triplé dans le budget. Cela devrait, avec l'ensemble du financement 1 %, nous permettre de résoudre les problèmes que vous avez évoqués, notamment en matière de portage. Les offices d'HLM étaient un peu inquiets. Leur interrogation était la suivante : s'agissant des démolitions qui seront portées par le 1 %, le terrain ne sera-t-il pas rendu à la société foncière ? Non, il n'y a pas de lien direct obligatoire entre la société foncière et la démolition. Dans certains cas, la société foncière peut être un outil pour la diversité du territoire ou même pour des portages fonciers, sur une longue période, de terrains sur lesquels il n'est pas opportun de reconstruire tout de suite.
Troisièmement, la société foncière elle-même qui, à terme, atteindra 7 milliards de francs. Je dis bien « à terme » car il y a une certaine progressivité. Je rappelle que la fonction de la société foncière est d'être propriétaire de biens ; elle ne construit pas, elle ne gère pas. Par ailleurs, elle aura pour mission d'offrir des logements de type intermédiaire dans les quartiers où on a besoin de cette diversité car ils sont trop uniformément à caractère social. Elle aura également pour mission d'offrir des logements à vocation sociale, voire très sociale, puisque nous aurons dans l'accord un partie équivalente aux PLAI - prêts locatifs aidés d'intégration - dans des communes qui sont concernées par la loi SRU, qui fixe un objectif de 20 % de logements sociaux. La société foncière aura donc deux missions complémentaires.
Comme vous l'avez dit, tout cela doit être bien harmonisé sur le territoire. C'est pourquoi l'ensemble du dispositif sera adossé au PLH - c'est clairement indiqué dans l'accord que nous avons signé avec le 1 % - et une commission nationale fixera le cadre d'ensemble mais elle laissera toute latitude sur le terrain - des agglomérations ou des départements, selon les cas -, au regard des programmes locaux de l'habitat, pour déterminer la manière d'asseoir la complémentarité entre l'intervention de la société foncière et celle des HLM.
Dans ce dispositif, nous avons la chance d'avoir un nouvel opérateur, qui n'est ni un concurrent des HLM, ni une sorte de grande tutelle généralisée du logement social. Evidemment, cela est possible, monsieur le sénateur, parce que le 1 % monte en puissance avec la reprise de l'emploi et la progression de l'activité économique. Nous avons donc été raisonnables dans nos projections. Par ailleurs, il est à noter que le prélèvement de l'Etat s'arrête et que l'ensemble de la ressource du 1 % sera très vite totalement affecté à sa fonction logement. C'est ce qui nous a permis non seulement de ne rien diminuer, mais d'augmenter les dotations sur de nombreux points.
M. Yves Dauge. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dauge.
M. Yves Dauge. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat. Il est important d'entendre ces explications car le sujet est assez complexe. Un problème de clarification se pose en ce qui concerne tant le rôle des acteurs que la répartition du montant des aides dans des opérations qui sont complexes s'agissant du montage financier.
Ce que vous venez de dire me satisfait et rassure, je crois, l'ensemble de mes collègues. Si les choses sont claires, et je crois qu'elles le sont, le moment est venu de diffuser très largement l'information. J'ai, en effet, entendu autour de moi bien des interrogations émanant tant des organismes d'HLM que des opérateurs. Les gens sentent bien l'importance de ces nouveaux montages financiers avec le concours du 1 %. Il s'agit incontestablement d'un événement considérable. Encore faut-il bien l'expliquer à tout le monde, pour que ce soit clair.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Madame le secrétaire d'Etat, vous ne vous étonnerez pas que je vous interroge sur les préoccupations que suscite, dans le pays, la mise en oeuvre de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. D'ailleurs, il suffisait de participer au congrès des maires de France, voilà quelques jours, pour constater que cette loi émeut la quasi-totalité des maires de notre pays,...
Mmes Josiane Mathon et Evelyne Didier. Oh !
M. Ladislas Poniatowski. ... pour des raisons pratiques !
Je voudrais évoquer la mise en oeuvre pratique de ce texte et traiter notamment de la mise en oeuvre des SCOT, les schémas de cohérence territoriale.
Comme vous le savez, l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme interdit d'ouvrir des espaces naturels à l'urbanisation, si un SCOT n'a pas été réalisé, dans toutes les zones situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer ou d'une agglomération de plus de 15 000 habitants.
Toutes les critiques que nous avons formulées lors de l'examen de ce texte au Sénat s'avèrent aujourd'hui fondées. La définition a priori d'un périmètre autour des agglomérations de plus de 15 000 habitants a des conséquences désastreuses sur le développement des espaces ruraux et périurbains avoisinants. Comment voulez-vous que les communes intéressées aient pu non seulement réaliser un SCOT mais encore en entamer la préparation entre le 14 décembre 2000 - jour de l'entrée en vigueur de la loi - et le 1er janvier 2002, soit un an et dix-sept jours plus tard pour être précis ? Quiconque - et c'est le cas de nombre d'élus - a élaboré un plan d'occupation des sols ou un schéma directeur comprendra aisément que ce délai prêterait à sourire s'il n'avait pour effet d'attenter aux droits des communes et à ceux des citoyens.
Comme vous le savez, il n'existait l'an passé qu'un peu plus de 200 schémas directeurs susceptibles d'être transformés en SCOT. J'aimerais donc connaître le nombre total des schémas de cohérence territoriale en vigueur ainsi que le nombre de schémas qui sont en cours d'élaboration et qui permettent de déroger à l'application de l'article L. 122-2 précité.
J'observe d'ailleurs que certains de vos services, ou ceux du ministre de l'équipement, conscients des problèmes posés par ce texte en font une interprétation assez souple - ce n'est pas inintéressant. Ils considèrent que seules certaines des zones NA, dites zones d'urbanisation future, sont concernées par l'application de l'article L. 122-2. Nous prenons acte, à défaut de mieux, de cette lecture conciliante, voire élastique, du code de l'urbanisme. Cependant, au nom du principe d'égalité de tous devant la loi, qui figure dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, je souhaiterais connaître, madame le secrétaire d'Etat, votre interprétation exacte de ces dispositions. Nous nous interrogeons en effet sur ces mouvements de marche avant et de marche arrière, qui vous conduisent à faire adopter un texte qui constitue un carcan alarmant un grand nombre de communes rurales, avant d'y apporter quelques accommodements, de façon subreptice et en fonction de l'ouverture d'esprit du directeur départemental de l'équipement.
Ce matin, madame le secrétaire d'Etat, vous avez répondu à M. Hérisson que M. Gayssot avait, en plus, donné des consignes de souplesse aux préfets pour autoriser certaines dérogations. (Mme le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.) Cela signifie que certaines communes dans certains départements pourront bénéficier de cette souplesse et d'autres non.
Je souhaiterais également connaître le nombre de plans d'occupation des sols qui ont été mis en révision afin d'être transformés en PLU, ainsi que le nombre de cartes communales qui sont actuellement préparées. Nous sommes en effet curieux de savoir si le grand mouvement de rénovation des documents de planification, que M. Besson appelait de ses voeux ici même voilà moins d'un an, est bien lancé et de quelle manière. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, le grand mouvement est lancé. Aucun membre du Gouvernement ou toute personne qui est raisonnablement au fait de ces questions ne peut imaginer que l'on va brutalement passer d'un système très typé à une évolution de notre façon de concevoir la planification de l'urbanisme, et peut-être pour tenir mieux compte du développement durable, de la globalité des enjeux.
Néanmoins, je voudrais, d'abord, vous rassurer sur le fait que nous ne sommes en rien dans une situation de blocage. Il n'y a pas de dérogation à la tête du client et selon les préfets. Je répète ce que j'ai dit sur les zones à urbaniser. Dans les quinze kilomètres autour des zones urbanisées, de deux choses l'une. Ou bien le SCOT est engagé, c'est-à-dire l'EPCI constitué, et à ce moment-là, sans même que le SCOT soit arrêté, l'EPCI peut décider de rendre urbanisable une partie du territoire qui était en zone NA. Ou bien cette démarche n'est pas engagée pour plusieurs raisons sur lesquelles je ne reviens pas, et l'urbanisation est alors possible car le texte prévoit que c'est le préfet qui donne la dérogation ; celle-ci n'est acceptée qu'après consultation explicite de la commission des sites et de la chambre d'agriculture. C'est ce que prévoit le texte. Donc, à ce jour, aucun espace urbanisable n'est bloqué par la loi SRU.
Se trouve ainsi posée la question suivante : où en est-on dans le mouvement des SCOT ? On a estimé, je crois, à 40 millions le nombre d'habitants qui seraient touchés, un jour ou l'autre, par un SCOT. A ce jour, en prenant les anciens schémas directeurs transformés ipso facto en SCOT ou les projets de SCOT qui sont engagés, plus de la moité des habitants seraient touchés. Je n'ai que ce chiffre global à vous donner ici, mais je suis en mesure de pouvoir vous fournir des indications plus précises quant aux territoires concernés et, même si j'ai moins de données immédiates, concernant les POS. Ma conviction, en faisant la tournée des départements, est que le mouvement est engagé. Vous l'avez vu, à l'Assemblée nationale, une proposition a été faite pour rendre plus compatibles les EPCI qui devront être créés pour les SCOT et les EPCI d'intercommunalité au titre de la loi sur l'intercommunalité, ce qui lèvera les quelques obstacles que l'on avait pu observer, et qui rendaient parfois complexe la juxtaposition de ces deux types de structures. Il n'était pas nécessaire d'en rajouter dans la complexité.
Compte tenu de l'ensemble de ces données, je peux dire que la loi SRU se met en oeuvre correctement sur le territoire. Mais, vous en conviendrez, quand on a un changement culturel de cette nature, forcément il y a des moments d'incertitude. J'espère que les services de l'Etat seront aux côtés des élus pour leur donner toutes les indications de nature à les rassurer.
En tout cas, monsieur le sénateur, je me tiens à votre disposition et à celle de cette assemblée pour répondre aux questions qui, sur le terrain, pourraient se poser et qui vous paraîtraient être insuffisamment traitées et par l'Etat et par le Gouvernement.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. C'est précisément parce que cette situation génère des problèmes pour de très nombreuses communes que, dans cette enceinte, un certain nombre d'entre nous vous avons demandé de repousser la date butoir du 1er janvier 2002.
Je ne comprends pas la position rigide que vous avez adoptée. Je la comprends d'autant moins que M. Gayssot, en novembre dernier - ce n'est pas vieux - lors de l'examen du texte sur les sociétés d'économie mixte, avait lui-même reconnu qu'une plus grande souplesse était nécessaire.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. C'est ce que l'on a fait !
M. Ladislas Poniatowski. C'est pour cette raison qu'il avait fait adopter deux articles concernant la révision des plans d'occupation des sols. D'un côté, vous reconnaissez que les choses sont compliquées et vous adoptez, à l'occasion d'un autre texte, des mesures de souplesse ; de l'autre, vous refusez la plus grande souplesse, qui ne vous coûte rien.
M. Gayssot, dans la discussion, avait laissé entendre à un moment qu'il pourrait y avoir six mois de délai, mais, finalement, c'est la rigidité qui a prévalu, et aucun délai n'a été accordé.
Compte tenu de la perturbation que cela entraîne, notamment dans de nombreuses communes rurales, c'est à mon avis une erreur, que je regrette sincèrement.
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, votre réponse à M. Poniatowski me fait craindre que la rigidité dont fait preuve le Gouvernement n'aboutisse à transformer certaines de nos communes rurales en réserves naturelles ! Il est bien évident, en effet, que les petites communes rurales dans l'incapacité d'établir un schéma de cohérence territoriale avant le 1er janvier 2002, date butoir prévue par la loi, seront fort nombreuses.
Comme M. Poniatowski, je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas suivi le Sénat, qui avait proposé un délai jusqu'au 1er janvier 2003.
Vous indiquez que les préfets pourront prendre les dispositions qui s'imposent. Nous déplorons que les communes rurales soient laissées au libre arbitre de l'autorité préfectorale. Il aurait été préférable qu'une sécurité juridique soit instaurée et que chaque collectivité puisse être traitée de la même façon.
Ma seconde question porte sur l'article 46 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains : elle concerne le financement des extensions de réseaux et de voirie. La loi permet pour les voies nouvelles la participation du pétitionnaire. En ce qui concerne les voiries existantes, des différences d'interprétation entre certaines directions départementales de l'équipement, les syndicats d'eau et les syndicats d'électrification aboutissent à un préjudice certain au développement de l'urbanisation dans nos communes. Dans certains départements, le préfet a cru même devoir saisir le tribunal administratif. Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas adopté de position claire à ce sujet et que les syndicats d'eau ou d'électrification n'aient pas la possibilité de demander aux pétitionnaires de participer au financement.
J'aimerais obtenir une réponse à ces deux questions, madame le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, je vous mets en garde devant une attitude alarmiste qui ne serait pas fondée sur la raison : aucun blocage n'empêche une commune rurale de s'urbaniser !
La décision au titre de l'article L. 122-2 est prise par le préfet, non pas « à la tête du client », mais après avis de la chambre d'agriculture et de la commission des sites. Le plus souvent, l'un de ces deux organismes aura émis un avis défavorable, lorsque le préfet pourra être amené à se prononcer négativement, si une urbanisation projetée n'était pas conforme à l'équilibre du territoire. Mais je n'imagine pas qu'un maire puisse avoir une telle ten-tation.
Il n'existe donc pas d'insécurité juridique.
Par ailleurs, comme je l'ai souligné à plusieurs reprises, le raccordement au réseau ne pose pas de problème majeur. L'attitude des élus qui n'était pas conforme à la loi a été sanctionnée par les tribunaux. Chaque fois qu'un habitant s'était retourné contre la pratique consistant à faire payer au lotisseur des sommes supérieures à la part de l'extension des réseaux nécessaire à son seul projet, les élus ont perdu et ont dû verser des pénalités de retard. Il fallait bien rappeler la jurisprudence et instaurer un système permettant aux communes de récupérer l'ensemble des investissements nécessaires pour pouvoir urbaniser ou lotir le secteur concerné.
Des conflits peuvent surgir avec les syndicats. La loi veut que la collectivité locale qu'est la commune délibère elle-même sur ses besoins. Le syndicat des eaux ou de l'électricité ne peut créer tout seul une participation. Cette décision relève de la commune. Le syndicat ne se substitue pas au bon vouloir de la commune en la matière. Mais il n'existe pas de conflit en l'occurrence. Les conflits, lorsqu'ils existent, naissent non de la loi, mais des désaccords qui pourraient exister entre les collectivités locales ou les différents échelons d'intercommunalité. Je ne vois donc pas quels problèmes peuvent se poser.
Par conséquent, monsieur le sénateur, si vous songez à une situation concrète, je vous suggère de me la faire connaître afin que, si un aspect nous avait échappé, nous puissions y remédier et essayer d'envisager localement une solution.
M. Henri de Richemont. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Sur le premier point, je regrette qu'un délai supplémentaire d'un an n'ait pas été accordé.
Sur le second point, à partir du moment où les communes ont délégué leurs compétences en matière d'eau et d'électricité au syndicat, elles ne peuvent pas se substituer à lui, et il appartient à ce dernier d'appliquer la loi. Le problème est qu'il existe - il en est ainsi en tout cas dans le département de la Charente que je représente - un conflit d'interprétation de la loi entre le syndicat et la direction départementale de l'équipement. Le syndicat considère qu'il peut continuer à faire payer les pétitionnaires, alors que la DDE n'est pas de cet avis. Mais il est bien évident que la commune, à partir du moment où elle a abandonné ses compétences au syndicat, ne pourra pas se substituer à ce dernier. Je regrette que cette difficulté d'interprétation ait été source de conflits et ait entraîné la saisine du tribunal administratif.
M. le président. La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Madame le secrétaire d'Etat, le budget que vous nous présentez aujourd'hui manque d'ambition ; il est en baisse sensible s'agissant de l'ensemble des moyens d'engagement, et, surtout, du logement social, secteur particulièrement touché et en mal de réformes, comme le soulignait M. le rapporteur spécial.
Aujourd'hui, le secteur du logement social est en perte de vitesse et enregistre des résultats d'autant plus décevants que le ralentissement économique qui s'amorce n'améliorera en rien cette situation déjà préoccupante à bien des égards.
De plus, votre politique en matière de logement social est révélatrice de la recentralisation délibérée que nous dénonçons depuis de nombreuses années, spécialement depuis 1997. A cet égard, force est de constater que les objectifs quantitatifs, tout comme les aides, sont fixés au niveau central. Cet excès de centralisme nuit à l'efficacité de la politique du logement social.
Pour illustrer mon propos, j'évoquerai la réforme des prêts locatifs à usage social, les PLUS, qui correspond à un aménagement d'un dispositif centralisé et apparaît donc peu adaptée aux marchés fonciers locaux.
On peut ainsi s'interroger sur l'opportunité de créer une société foncière nationale financée par le 1 % logement. Il serait préférable de doter financièrement les opérateurs existants dont la mission est de mettre en oeuvre les politiques de renouvellement urbain décidées par les élus locaux.
Cette volonté recentralisatrice s'est d'ailleurs principalement traduite dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Ainsi faut-il rappeler que l'article 55 de cette loi relatif aux obligations des communes en matière de logement social a été au coeur des débats parlementaires. Plus contraignant et plus étendu géographiquement que le système antérieur, le nouveau dispositif institue, je le rappelle, un prélèvement sur les recettes fiscales des communes dans lesquelles le nombre de logements sociaux est inférieur à 20 % des résidences principales.
Ainsi, les communes concernées devront prendre toutes dispositions nécessaires pour rattraper leur retard en réalisant des logements sociaux.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 7 décembre 2000, a certes admis le principe des nouvelles obligations, mais il a censuré, en raison de son automaticité, le dispositif de sanction institué par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains à l'encontre des communes n'ayant pas réalisé l'objectif triennal de création de logements sociaux.
Ces différents éléments traduisent l'absence d'une véritable détermination à mettre en oeuvre une approche locale en matière de mixité sociale. Il est en effet indispensable de mener une politique sociale en adéquation avec les besoins locaux. Le dialogue, bien plus que la coercition, favorisera l'élaboration d'une politique du logement social efficace et adaptée aux besoins.
Aujourd'hui, tout le monde le sait, le parc social ne répond pas à la demande puisque, selon les récentes études, seulement 21 % des ménages à faibles revenus occupent des logements locatifs sociaux, et 31 % des logements locatifs privés. De même, la progression de la vacance des logements sociaux dans certains endroits incite à penser qu'il est urgent de réformer en profondeur cette politique.
Devant une telle situation, que comptez-vous faire, madame le secrétaire d'Etat, pour réformer cette politique du logement social en manque d'efficacité ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour limiter l'excès de centralisation ? La France ne devrait-elle pas, à l'instar d'autres pays de l'Union européenne, privilégier une action d'évaluation de sa politique du logement social ?
Je suis de ceux qui réclament depuis de nombreuses années un audit indépendant sur les procédures. Il nous a toujours été refusé. De quoi vos prédécesseurs avaient-ils peur ? Etes-vous prête, vous, à l'accepter enfin ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Tout d'abord, le logement social n'est pas en crise à ce point, monsieur le sénateur. La relance du logement social fonctionne : nous en sommes à 50 000 logements, cette année, et nous atteindrons 55 000 en 2002. J'en conviens, mieux vaudrait un nombre supérieur, et, comme cela a été indiqué ce matin, le problème du financement global du logement social se trouve posé.
J'ajouterai que, quand M. Périssol avait supprimé toutes les aides à la pierre et qu'il ne subsistait plus que la TVA à 5,5 %, le système était alors très souple,... sauf que l'on ne faisait plus rien ! C'était l'effet de ce mécanisme.
A partir du moment où une aide à la pierre est réintroduite, la vraie question est de savoir qui finance cette aide. Si c'est l'Etat, il le fait au nom de la solidarité nationale. Il doit donc veiller à ce que les collectivités locales répondent aux deux impératifs majeurs de la solidarité nationale, c'est-à-dire l'égalité du droit au logement pour tous et la répartition équitable de ces logements sur tout le terrain. Nous ne voulons en effet pas d'une société à l'américaine, avec des ghettos. C'est donc toute la logique de notre politique en matière de démolitions, de reconstructions et de réhabilitations urbaines.
Je vous le dis très franchement : je suis fondamentalement décentralisatrice mais à une seule condition : que la collectivité locale ait le devoir de faire tout ce qu'elle veut ; en effet, si elle est défaillante, comment l'Etat-nation garantira-t-il la solidarité nationale s'agissant du logement ? Dans les années quatre-vingt, nous avions espéré, avec la loi d'orientation sur la ville, pouvoir nous dispenser de la contrainte. Nous avions rêvé de parvenir, par l'incitation, à une juste répartition de la construction du logement social sur le territoire national. Force est de constater que, en dépit de ce dialogue et de ces incitations, les inégalités se sont creusées et que certaines communes ont obstinément refusé de construire du logement social, qu'il soit public ou privé.
Depuis que le monde est monde, il ne suffit pas d'espérer la réunion des bonnes intentions pour parvenir à la solidarité. Sinon, il n'y aurait pas besoin de République, de lois et de contraintes pour que la fraternité et l'égalité de droits puissent exister.
Nous aurions aimé nous dispenser du taux de 20 % de logements sociaux ; mais nous y avons été contraints, car, sinon, ce sont les soubassements mêmes de l'unité du pays, avec la ségrégation spatiale, qui auraient été en cause.
S'agissant de ce seuil de 20 % dans les agglomérations, j'ai entendu dans mon propre département certains maires me dire : « Tu n'as qu'à prendre le logement social dans ta commune, et je prendrai le logement intermédiaire ». Croyez-vous, monsieur le sénateur, que ce soit digne d'une République au xxie siècle ? Quand je vois ce qui se passe ailleurs sur la planète, je me dis que nous avons raison de défendre sur le territoire national le principe de la mixité sociale, car cela nous prépare, je l'espère, un avenir plus équilibré ; en tout cas, ce sera plus à l'honneur de l'héritage de 1789 que toute autre pratique.
Je veux bien entendre tout ce que l'on veut sur la décentralisation. Je serai prête à tout contractualiser, et même à totalement décentraliser, le jour où j'aurai la conviction que, dans l'ensemble du pays, on fait du logement social, qu'on le fait pour tous, et sans ségrégation d'aucun ordre. Je travaille en ce sens. Je réunirai les présidents de région et les présidents de conseil général pour leur demander leurs propositions en vue d'ouvrir une nouvelle voie de la décentralisation dans le domaine du logement, mais dans cet esprit républicain, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Nous sommes en présence de déclarations fortes et de positions de principe. Mon propos visait simplement à rappeler que la décentralisation n'est pas forcément quelque chose de mal, à la différence de la recentralisation excessive.
Ce que vous dites est fort bien, madame le secrétaire d'Etat. Mais je voudrais vous faire comprendre quelle est ma préoccupation.
Je suis maire d'une commune qui possède 35 % de logements sociaux. Or, d'après vos services, qui tiennent une comptabilité bizarre, nous n'en aurions que 26 %. Cela ne me gêne pas puisque, de toute façon, nous dépassons les 20 %, mais j'observe que les méthodes employées, que nous dénonçons depuis des années, ne sont pas bonnes.
Nous, dans les organismes dans lesquels nous travaillons, nous souhaitons cet audit indépendant. Pourquoi craint-on tellement d'y faire appel ? Pour ma part, je crois que nos objectifs, qui sont communs, pourraient être ainsi mieux atteints.
MM. Jean Chérioux et Jacques Oudin. Très bien !
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les services communs, l'urbanisme et le logement inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »