SEANCE DU 3 DECEMBRE 2001
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour
2002 concernant les services communs, l'urbanisme et le logement.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
compte tenu des contraintes de temps qui s'imposent à moi, je ne pourrai
évoquer la question de la construction de logements sociaux, ce qui est
regrettable car elle mérite toute notre attention.
Je focaliserai mon intervention sur un point précis, qui a déjà été abordé en
fin de matinée, à savoir l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat,
l'ANAH.
Le projet de budget du logement pour 2002 opère manifestement un transfert des
crédits du secteur privé vers le logement social et une redéfinition des
priorités au profit de ce dernier.
Les subventions d'investissement affectées à l'ANAH, qui incluent cette année
le financement de la prime à l'amélioration de l'habitat, la PAH, baissent de
14 % par rapport à la loi de finances pour 2001. Or, l'année dernière, ces
crédits avaient déjà été réduits de 45,7 millions d'euros, au motif que
l'agence disposait d'une trésorerie importante. Ainsi, en deux ans, les crédits
affectés à l'ANAH accusent une diminution de 23 %. Cette forte baisse est très
surprenante, surtout si l'on considère la réforme consécutive à l'adoption de
la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
En effet, cette loi a considérablement élargi le rôle de l'agence en prévoyant
de lui confier la gestion de la prime à l'amélioration de l'habitat, et ce à
moyens constants, voire en baisse.
Par ailleurs, elle a réorienté les priorités vers les copropriétés dégradées,
les logements en sortie d'insalubrité et les opérations liées à la prévention
du saturnisme : il s'agit là, pour l'essentiel, de problématiques urbaines.
Parallèlement, le conseil d'administration de l'ANAH du 4 octobre dernier a
décidé de ramener les taux de subvention de base de 25 % à 20 % dans tous les
secteurs lorsque les loyers sont libres.
Cette réforme entraînera par conséquent deux types de bouleversements.
En premier lieu, l'élu local que je suis ne peut que déplorer la réorientation
des aides au détriment du monde rural. En effet, l'ANAH joue un rôle primordial
dans ce dernier, la réhabilitation et la remise sur le marché de logements
vacants, souvent inconfortables, étant un puissant vecteur de développement
local, de redynamisation du tissu économique et de valorisation du patrimoine
architectural de nos villages.
Par ailleurs, dans les petits bourgs et les villes moyennes, les aides à la
réhabilitation constituent de véritables soutiens à l'artisanat.
Ainsi, en 1996, 4,7 milliards de francs de subventions publiques ont induit 19
milliards de francs de travaux et permis de maintenir ou de créer plus de 105
000 emplois. Le secteur artisanal a plus que jamais besoin d'un tel soutien de
la part des pouvoirs publics, dans le contexte difficile du passage à l'euro,
de l'application des 35 heures et de la réduction du volume d'activité.
Une fois de plus depuis l'arrivée de ce gouvernement au pouvoir, ce sont les
entreprises d'un côté et le milieu rural de l'autre qui sont lésés. Il apparaît
en outre que l'Etat se décharge de ses responsabilités en incitant les
collectivités locales à subventionner les réhabilitations entrant dans le champ
d'action de l'ANAH.
La subvention de l'Etat est en effet majorée dès lors que les collectivités
locales participent au financement des travaux. Le logement social relève
pourtant de la responsabilité de l'Etat et non de celle des collectivités
territoriales. Les communes, notamment les petites villes, mènent souvent une
politique indépendante en matière de logement conventionné et n'ont pas accès
aux subventions de l'ANAH.
En second lieu, la réforme de l'ANAH constitue un signe très négatif adressé
aux propriétaires privés bailleurs. Là encore, le Gouvernement semble confondre
propriétaires privés et nantis, ce qui relève d'une vision totalement erronée
des bailleurs privés. Rappelons en effet que quelque 71 % de ceux-ci disposent
d'un revenu par foyer inférieur à 25 000 francs par mois et que près de 83 %
des intentions d'achat de logements locatifs émanent de personnes disposant
d'un revenu familial inférieur à ce même montant. Soulignons en outre qu'un
jeune âgé de dix-huit à vingt-cinq ans sur trois envisage d'acheter un logement
locatif à plus ou moins long terme, contre une personne de plus de vingt-cinq
ans sur dix.
Par conséquent, il conviendrait, à mon sens, non seulement de maintenir à leur
niveau actuel, voire de renforcer, les aides de l'ANAH destinées aux
propriétaires privés dans l'habitat diffus, mais aussi de simplifier les
procédures d'aide au développement de l'offre locative.
Enfin, ces aides sont manifestement inadaptées à la réalité de la situation
sociale des propriétaires privés. Elles semblent davantage conçues pour les
personnes jouissant d'un patrimoine important et ne permettent par conséquent
aux petits propriétaires ni d'amorcer le financement d'un investissement ni
d'en retirer un revenu avant un délai qui ne soit pas trop long eu égard au
niveau de leurs ressources.
Pourtant, les propriétaires privés doivent s'associer aux élus pour
redynamiser le patrimoine ancien dans nos petites villes. Ne conviendrait-il
pas, madame le secrétaire d'Etat, de profiter de la présente discussion
budgétaire pour remédier aux faiblesses du financement de l'ANAH ? L'excédent
de trésorerie de cette dernière résulte sans doute de la modification de la
nature des interventions et de la baisse constante des taux.
Par ailleurs, quelles mesures entendez-vous prendre pour rassurer les
propriétaires privés et favoriser l'investissement locatif ?
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, vous avez eu raison d'insister
sur le rôle joué par les bailleurs privés dans la politique du logement social
en France.
Les crédits de l'ANAH sont l'un des outils dont nous disposons pour conduire
cette politique, mais ce n'est pas le seul. Comme je l'ai souligné ce matin,
l'Assemblée nationale a souhaité que nous abondions de 200 millions de francs
supplémentaires le montant des autorisations de programme pour l'ANAH. Le
Gouvernement a donné son accord à cette proposition, de sorte que le total des
crédits affectés à la nouvelle ANAH sera de 2,9 milliards de francs pour
2002.
Il faut comparer ce montant aux crédits prévus par la loi de finances pour
2001. Vous avez indiqué, monsieur le sénateur, qu'une baisse était intervenue ;
or ce n'est pas le cas puisque 2,2 milliards de francs étaient inscrits l'an
dernier au budget pour l'ancienne ANAH, auxquels s'ajoutaient 800 millions de
francs au titre de la prime à l'amélioration de l'habitat, soit un total de 3
milliards de francs.
Toutefois, il était convenu que seuls 2,7 milliards de francs seraient
utilisés : nous disposerons donc cette année de 2,9 milliards de francs, contre
2,7 milliards de francs l'année dernière à périmètre égal, c'est-à-dire en
tenant compte du transfert qui a été opéré au profit de la nouvelle ANAH. Je
considère que celle-ci dispose, avec cette dotation, de moyens tout à fait
importants pour agir.
Par ailleurs, vous avez exprimé votre crainte, monsieur le sénateur, que le
monde rural ne se trouve particulièrement pénalisé par les réorientations de
crédits auxquelles l'ANAH a procédé en réponse, je vous le rappelle, à des
consignes de la Cour des comptes.
Je ne crois pas qu'il en ira ainsi. En effet, l'ANAH donne une priorité
absolue, dans son action, à tout ce qui concerne le traitement des logements
insalubres ou indécents. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, il
existe, en milieu rural et dans les bourgs-centres, de nombreux logements
inconfortables ou insalubres.
La seconde priorité de l'ANAH est le conventionnement, qui correspond à une
mission sociale. Or, précisément, le niveau du conventionnement est très proche
de celui du marché dans le milieu rural. Il n'y a donc aucune raison que les
propriétaires privés ne bénéficient pas du taux majoré applicable au
conventionnement, car ils ne sont en rien lésés par ce mécanisme et contribuent
davantage, grâce à lui, à la solidarité nationale.
Enfin, comme vous l'avez relevé, monsieur le sénateur, nous devrons prendre
d'autres mesures visant à aider les investisseurs privés. Une grande partie des
petits propriétaires, j'en suis tout à fait d'accord avec vous, sont loin
d'être des nantis, notamment en zone rurale ou dans les petits bourgs. Il a
d'ores et déjà été décidé que, en sus des crédits de la PAH et de la baisse de
la TVA, un crédit d'impôt de 15 % serait accordé aux occupants pour tous les
travaux permettant de réaliser des économies d'énergie, ce qui concerne de
nombreuses opérations de réhabilitation.
Je souligne que nous avons complété également le dispositif de la loi Besson,
en stimulant l'investissement par le biais d'une déduction de 60 % sur les
revenus fonciers, à condition que les logements concernés aient davantage un
caractère social que ce n'est le cas actuellement et soient loués à des
populations aux revenus un peu plus modestes que celles qui sont visées par le
dispositif Besson, les loyers demeurant à un niveau encore attractif pour le
bailleur.
Je pense que l'ensemble de ces dispositions sont de nature à encourager les
petits propriétaires à s'engager dans l'investissement locatif, surtout si
celui-ci a une vocation sociale, et, par ailleurs, à accroître l'effort
entrepris en faveur du logement social dans le milieu rural et dans les
bourgs-centres.
M. Joseph Ostermann.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Je formulerai une seule remarque, madame la secrétaire d'Etat.
En tant que maire, j'ai eu l'occasion de superviser deux opérations programmés
d'amélioration de l'habitat. La première fut financée par l'ANAH à hauteur de
35 %, la seconde à hauteur de 30 % ; par la suite, ce taux a été abaissé à 25
%, pour atteindre aujourd'hui 20 %.
Les collectivités locales sont donc amenées à participer de plus en plus
largement au financement des opérations. Je le déplore, parce que ces
collectivités mènent, en particulier dans les petits bourgs, leur propre
politique, notamment en matière de logement conventionné. Or, si l'on change
sans cesse les règles du jeu, elles ne pourront pas continuer à participer à
l'effort consenti en faveur du logement social.
M. le président.
La parole est à M. Dauge.
M. Yves Dauge.
Madame la secrétaire d'Etat, je voudrais revenir sur l'accord concernant le 1
% logement que vous avez négocié avec les partenaires sociaux, accord que nous
considérons tous comme essentiel et qui représente une importante garantie
contre les risques de fiscalisation.
Cependant, je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur quelques points
précis.
En ce qui concerne l'accession à la propriété, pourriez-vous nous indiquer le
montant prévisionnel, par année ou pour l'ensemble des cinq exercices, des
contributions qui seront apportées au 1 %, lequel permet de sécuriser, je le
rappelle, le dispositif de financement du prêt à taux zéro ? Vous serait-il
également possible de nous confirmer que vous avez pu étendre le champ des
bénéficiaires de celui-ci ?
A cet égard, il est arrivé que le Parlement vote des dispositions mais que
l'administration en entrave l'application par la suite, rendant difficile la
consommation de crédits que nous avions pourtant alloués. L'an dernier, nous
nous étions par exemple plaints du fait que le bénéfice des mesures visant à
faciliter l'accession à la propriété, notamment par le biais du 1 %, soit
réservé aux primo-accédants, alors que bien d'autres catégories devraient
pouvoir y prétendre.
En outre, pouvez-vous nous préciser dans quelles conditions le dispositif est
étendu au logement ancien, question qui nous intéresse tous ici, et quel est
alors le montant de travaux requis ?
Par ailleurs, le prêt locatif à usage social, le PLUS, et le plan de relance,
notamment l'augmentation de l'aide à la pierre, avaient déjà rendu le
financement beaucoup plus performant, alors que nous étions confrontés à un
sous-financement des opérations. Or nous allons maintenant pouvoir bénéficier
aussi des prêts alloués au titre du 1 % : pouvez-vous nous indiquer à quel taux
et sur quelle durée, l'enveloppe s'élevant, m'a-t-on dit, à 3,5 milliards de
francs ? Je voudrais que les choses soient bien claires sur ce point.
J'exprimerai le même souhait s'agissant de la démolition-reconstruction. On
nous annonce que, grâce à la convention, nous bénéficierons d'un effort
exceptionnel à hauteur de 3 milliards de francs qui, dans mon esprit, viendront
s'ajouter au dispositif de « droit commun », si j'ose dire, que constitue le
PLUS. Pouvez-vous nous confirmer qu'il en sera bien ainsi et nous préciser sur
quelle durée sera consenti cet effort exceptionnel ?
Il importe que nous soyons bien informés à cet égard, car ces problèmes de
démolition-reconstruction sont difficiles à régler, d'autant que, dans certains
cas, les démolitions seront coûteuses, puisqu'elles concerneront des logements
qui sont encore inscrits dans les comptes des offices et représentent une
valeur supérieure à la valeur de démolition. C'est sans doute là que l'aide
exceptionnelle du 1 % pourra nous aider.
Enfin, je souhaiterais connaître l'aide que vous comptez apporter, toujours
dans ce cadre, à la société foncière dont vous avez parlé et qui me paraît fort
utile.
Ma dernière question, qui, je le sais, est un vaste sujet, est la suivante :
comment va-t-on programmer ces aides, notamment celles qui sont accordées au
titre du 1 % ? On va déconcentrer sur les régions. On va déconcentrer et
décentraliser. Je pense qu'il y a un double mouvement, qui est évoqué souvent.
C'est une question essentielle. Vous savez que se pose un problème d'équilibre
entre les sociétés anonymes et les offices d'HLM sur la répartition du 1 %.
Jusqu'à présent, il faut bien le reconnaître, le 1 % est réparti d'une manière
inégale, pour ne pas dire plus.
Je conclurai en disant que, comme nombre de collègues ici, je suis très
attaché à l'équilibre territorial. Il faut bien sûr « mettre le paquet » sur
les quartiers dégradés. Mais il y a aussi d'autres quartiers, les quartiers
dits anciens, les quartiers historiques, les quartiers des secteurs
sauvegardés, et tout le milieu rural. Dans la programmation, il faut parvenir à
un équilibre territorial. Le sujet est d'une importance telle qu'on ne peut le
résoudre aujourd'hui. Cependant, je voudrais connaître l'orientation vers
laquelle vous entendez aller.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, je voudrais vous rassurer :
toute une série de choses ne changent pas dans le mécanisme du 1 %.
Premièrement, les 4,5 milliards de francs qui étaient affectés aux HLM, dont 1
milliard de francs sous forme de prêts bonifiés pour le plan de relance, sont
maintenus. Nous sommes donc dans la même épure que par le passé pour les cinq
ans à venir.
Deuxièmement, l'accession à la propriété est à peu près maintenue, puisque
nous avoisinons les 4,5 milliards de francs. Si une légère érosion se produit,
nous oscillons entre 4 milliards de francs et 4,5 milliards de francs sur les
prêts à la personne physique qui sont l'emploi traditionnel du 1 %. Par
ailleurs, tous les autres prêts - LOCA-PASS, PASS-travaux, etc. - ne sont pas
modifiés ; c'est ce que l'on avait appelé les nouveaux emplois.
S'agissant du PLUS, il n'y a pas de changements, ni dans la forme, ni dans la
méthode, ni dans le financement. Trois milliards de francs supplémentaires
seront consacrés à la démolition. Ces 3 milliards de francs s'ajouteront, dans
bien des cas, aux subventions de l'Etat, qui ont déjà triplé dans le budget.
Cela devrait, avec l'ensemble du financement 1 %, nous permettre de résoudre
les problèmes que vous avez évoqués, notamment en matière de portage. Les
offices d'HLM étaient un peu inquiets. Leur interrogation était la suivante :
s'agissant des démolitions qui seront portées par le 1 %, le terrain ne
sera-t-il pas rendu à la société foncière ? Non, il n'y a pas de lien direct
obligatoire entre la société foncière et la démolition. Dans certains cas, la
société foncière peut être un outil pour la diversité du territoire ou même
pour des portages fonciers, sur une longue période, de terrains sur lesquels il
n'est pas opportun de reconstruire tout de suite.
Troisièmement, la société foncière elle-même qui, à terme, atteindra 7
milliards de francs. Je dis bien « à terme » car il y a une certaine
progressivité. Je rappelle que la fonction de la société foncière est d'être
propriétaire de biens ; elle ne construit pas, elle ne gère pas. Par ailleurs,
elle aura pour mission d'offrir des logements de type intermédiaire dans les
quartiers où on a besoin de cette diversité car ils sont trop uniformément à
caractère social. Elle aura également pour mission d'offrir des logements à
vocation sociale, voire très sociale, puisque nous aurons dans l'accord un
partie équivalente aux PLAI - prêts locatifs aidés d'intégration - dans des
communes qui sont concernées par la loi SRU, qui fixe un objectif de 20 % de
logements sociaux. La société foncière aura donc deux missions
complémentaires.
Comme vous l'avez dit, tout cela doit être bien harmonisé sur le territoire.
C'est pourquoi l'ensemble du dispositif sera adossé au PLH - c'est clairement
indiqué dans l'accord que nous avons signé avec le 1 % - et une commission
nationale fixera le cadre d'ensemble mais elle laissera toute latitude sur le
terrain - des agglomérations ou des départements, selon les cas -, au regard
des programmes locaux de l'habitat, pour déterminer la manière d'asseoir la
complémentarité entre l'intervention de la société foncière et celle des
HLM.
Dans ce dispositif, nous avons la chance d'avoir un nouvel opérateur, qui
n'est ni un concurrent des HLM, ni une sorte de grande tutelle généralisée du
logement social. Evidemment, cela est possible, monsieur le sénateur, parce que
le 1 % monte en puissance avec la reprise de l'emploi et la progression de
l'activité économique. Nous avons donc été raisonnables dans nos projections.
Par ailleurs, il est à noter que le prélèvement de l'Etat s'arrête et que
l'ensemble de la ressource du 1 % sera très vite totalement affecté à sa
fonction logement. C'est ce qui nous a permis non seulement de ne rien
diminuer, mais d'augmenter les dotations sur de nombreux points.
M. Yves Dauge.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Dauge.
M. Yves Dauge.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat. Il est important d'entendre ces
explications car le sujet est assez complexe. Un problème de clarification se
pose en ce qui concerne tant le rôle des acteurs que la répartition du montant
des aides dans des opérations qui sont complexes s'agissant du montage
financier.
Ce que vous venez de dire me satisfait et rassure, je crois, l'ensemble de mes
collègues. Si les choses sont claires, et je crois qu'elles le sont, le moment
est venu de diffuser très largement l'information. J'ai, en effet, entendu
autour de moi bien des interrogations émanant tant des organismes d'HLM que des
opérateurs. Les gens sentent bien l'importance de ces nouveaux montages
financiers avec le concours du 1 %. Il s'agit incontestablement d'un événement
considérable. Encore faut-il bien l'expliquer à tout le monde, pour que ce soit
clair.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Madame le secrétaire d'Etat, vous ne vous étonnerez pas que je vous interroge
sur les préoccupations que suscite, dans le pays, la mise en oeuvre de la loi
du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
D'ailleurs, il suffisait de participer au congrès des maires de France, voilà
quelques jours, pour constater que cette loi émeut la quasi-totalité des maires
de notre pays,...
Mmes Josiane Mathon et Evelyne Didier.
Oh !
M. Ladislas Poniatowski.
... pour des raisons pratiques !
Je voudrais évoquer la mise en oeuvre pratique de ce texte et traiter
notamment de la mise en oeuvre des SCOT, les schémas de cohérence
territoriale.
Comme vous le savez, l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme interdit
d'ouvrir des espaces naturels à l'urbanisation, si un SCOT n'a pas été réalisé,
dans toutes les zones situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer
ou d'une agglomération de plus de 15 000 habitants.
Toutes les critiques que nous avons formulées lors de l'examen de ce texte au
Sénat s'avèrent aujourd'hui fondées. La définition
a priori
d'un
périmètre autour des agglomérations de plus de 15 000 habitants a des
conséquences désastreuses sur le développement des espaces ruraux et
périurbains avoisinants. Comment voulez-vous que les communes intéressées aient
pu non seulement réaliser un SCOT mais encore en entamer la préparation entre
le 14 décembre 2000 - jour de l'entrée en vigueur de la loi - et le 1er janvier
2002, soit un an et dix-sept jours plus tard pour être précis ? Quiconque - et
c'est le cas de nombre d'élus - a élaboré un plan d'occupation des sols ou un
schéma directeur comprendra aisément que ce délai prêterait à sourire s'il
n'avait pour effet d'attenter aux droits des communes et à ceux des
citoyens.
Comme vous le savez, il n'existait l'an passé qu'un peu plus de 200 schémas
directeurs susceptibles d'être transformés en SCOT. J'aimerais donc connaître
le nombre total des schémas de cohérence territoriale en vigueur ainsi que le
nombre de schémas qui sont en cours d'élaboration et qui permettent de déroger
à l'application de l'article L. 122-2 précité.
J'observe d'ailleurs que certains de vos services, ou ceux du ministre de
l'équipement, conscients des problèmes posés par ce texte en font une
interprétation assez souple - ce n'est pas inintéressant. Ils considèrent que
seules certaines des zones NA, dites zones d'urbanisation future, sont
concernées par l'application de l'article L. 122-2. Nous prenons acte, à défaut
de mieux, de cette lecture conciliante, voire élastique, du code de
l'urbanisme. Cependant, au nom du principe d'égalité de tous devant la loi, qui
figure dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, je souhaiterais
connaître, madame le secrétaire d'Etat, votre interprétation exacte de ces
dispositions. Nous nous interrogeons en effet sur ces mouvements de marche
avant et de marche arrière, qui vous conduisent à faire adopter un texte qui
constitue un carcan alarmant un grand nombre de communes rurales, avant d'y
apporter quelques accommodements, de façon subreptice et en fonction de
l'ouverture d'esprit du directeur départemental de l'équipement.
Ce matin, madame le secrétaire d'Etat, vous avez répondu à M. Hérisson que M.
Gayssot avait, en plus, donné des consignes de souplesse aux préfets pour
autoriser certaines dérogations.
(Mme le secrétaire d'Etat fait un signe de
dénégation.)
Cela signifie que certaines communes dans certains
départements pourront bénéficier de cette souplesse et d'autres non.
Je souhaiterais également connaître le nombre de plans d'occupation des sols
qui ont été mis en révision afin d'être transformés en PLU, ainsi que le nombre
de cartes communales qui sont actuellement préparées. Nous sommes en effet
curieux de savoir si le grand mouvement de rénovation des documents de
planification, que M. Besson appelait de ses voeux ici même voilà moins d'un
an, est bien lancé et de quelle manière.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, le grand mouvement est lancé.
Aucun membre du Gouvernement ou toute personne qui est raisonnablement au fait
de ces questions ne peut imaginer que l'on va brutalement passer d'un système
très typé à une évolution de notre façon de concevoir la planification de
l'urbanisme, et peut-être pour tenir mieux compte du développement durable, de
la globalité des enjeux.
Néanmoins, je voudrais, d'abord, vous rassurer sur le fait que nous ne sommes
en rien dans une situation de blocage. Il n'y a pas de dérogation à la tête du
client et selon les préfets. Je répète ce que j'ai dit sur les zones à
urbaniser. Dans les quinze kilomètres autour des zones urbanisées, de deux
choses l'une. Ou bien le SCOT est engagé, c'est-à-dire l'EPCI constitué, et à
ce moment-là, sans même que le SCOT soit arrêté, l'EPCI peut décider de rendre
urbanisable une partie du territoire qui était en zone NA. Ou bien cette
démarche n'est pas engagée pour plusieurs raisons sur lesquelles je ne reviens
pas, et l'urbanisation est alors possible car le texte prévoit que c'est le
préfet qui donne la dérogation ; celle-ci n'est acceptée qu'après consultation
explicite de la commission des sites et de la chambre d'agriculture. C'est ce
que prévoit le texte. Donc, à ce jour, aucun espace urbanisable n'est bloqué
par la loi SRU.
Se trouve ainsi posée la question suivante : où en est-on dans le mouvement
des SCOT ? On a estimé, je crois, à 40 millions le nombre d'habitants qui
seraient touchés, un jour ou l'autre, par un SCOT. A ce jour, en prenant les
anciens schémas directeurs transformés
ipso facto
en SCOT ou les projets
de SCOT qui sont engagés, plus de la moité des habitants seraient touchés. Je
n'ai que ce chiffre global à vous donner ici, mais je suis en mesure de pouvoir
vous fournir des indications plus précises quant aux territoires concernés et,
même si j'ai moins de données immédiates, concernant les POS. Ma conviction, en
faisant la tournée des départements, est que le mouvement est engagé. Vous
l'avez vu, à l'Assemblée nationale, une proposition a été faite pour rendre
plus compatibles les EPCI qui devront être créés pour les SCOT et les EPCI
d'intercommunalité au titre de la loi sur l'intercommunalité, ce qui lèvera les
quelques obstacles que l'on avait pu observer, et qui rendaient parfois
complexe la juxtaposition de ces deux types de structures. Il n'était pas
nécessaire d'en rajouter dans la complexité.
Compte tenu de l'ensemble de ces données, je peux dire que la loi SRU se met
en oeuvre correctement sur le territoire. Mais, vous en conviendrez, quand on a
un changement culturel de cette nature, forcément il y a des moments
d'incertitude. J'espère que les services de l'Etat seront aux côtés des élus
pour leur donner toutes les indications de nature à les rassurer.
En tout cas, monsieur le sénateur, je me tiens à votre disposition et à celle
de cette assemblée pour répondre aux questions qui, sur le terrain, pourraient
se poser et qui vous paraîtraient être insuffisamment traitées et par l'Etat et
par le Gouvernement.
M. Ladislas Poniatowski.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
C'est précisément parce que cette situation génère des problèmes pour de très
nombreuses communes que, dans cette enceinte, un certain nombre d'entre nous
vous avons demandé de repousser la date butoir du 1er janvier 2002.
Je ne comprends pas la position rigide que vous avez adoptée. Je la comprends
d'autant moins que M. Gayssot, en novembre dernier - ce n'est pas vieux - lors
de l'examen du texte sur les sociétés d'économie mixte, avait lui-même reconnu
qu'une plus grande souplesse était nécessaire.
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat.
C'est ce que l'on a fait !
M. Ladislas Poniatowski.
C'est pour cette raison qu'il avait fait adopter deux articles concernant la
révision des plans d'occupation des sols. D'un côté, vous reconnaissez que les
choses sont compliquées et vous adoptez, à l'occasion d'un autre texte, des
mesures de souplesse ; de l'autre, vous refusez la plus grande souplesse, qui
ne vous coûte rien.
M. Gayssot, dans la discussion, avait laissé entendre à un moment qu'il
pourrait y avoir six mois de délai, mais, finalement, c'est la rigidité qui a
prévalu, et aucun délai n'a été accordé.
Compte tenu de la perturbation que cela entraîne, notamment dans de nombreuses
communes rurales, c'est à mon avis une erreur, que je regrette sincèrement.
M. le président.
La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, votre
réponse à M. Poniatowski me fait craindre que la rigidité dont fait preuve le
Gouvernement n'aboutisse à transformer certaines de nos communes rurales en
réserves naturelles ! Il est bien évident, en effet, que les petites communes
rurales dans l'incapacité d'établir un schéma de cohérence territoriale avant
le 1er janvier 2002, date butoir prévue par la loi, seront fort nombreuses.
Comme M. Poniatowski, je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas suivi le
Sénat, qui avait proposé un délai jusqu'au 1er janvier 2003.
Vous indiquez que les préfets pourront prendre les dispositions qui
s'imposent. Nous déplorons que les communes rurales soient laissées au libre
arbitre de l'autorité préfectorale. Il aurait été préférable qu'une sécurité
juridique soit instaurée et que chaque collectivité puisse être traitée de la
même façon.
Ma seconde question porte sur l'article 46 de la loi relative à la solidarité
et au renouvellement urbains : elle concerne le financement des extensions de
réseaux et de voirie. La loi permet pour les voies nouvelles la participation
du pétitionnaire. En ce qui concerne les voiries existantes, des différences
d'interprétation entre certaines directions départementales de l'équipement,
les syndicats d'eau et les syndicats d'électrification aboutissent à un
préjudice certain au développement de l'urbanisation dans nos communes. Dans
certains départements, le préfet a cru même devoir saisir le tribunal
administratif. Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas adopté de
position claire à ce sujet et que les syndicats d'eau ou d'électrification
n'aient pas la possibilité de demander aux pétitionnaires de participer au
financement.
J'aimerais obtenir une réponse à ces deux questions, madame le secrétaire
d'Etat.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, je vous mets en garde devant une
attitude alarmiste qui ne serait pas fondée sur la raison : aucun blocage
n'empêche une commune rurale de s'urbaniser !
La décision au titre de l'article L. 122-2 est prise par le préfet, non pas «
à la tête du client », mais après avis de la chambre d'agriculture et de la
commission des sites. Le plus souvent, l'un de ces deux organismes aura émis un
avis défavorable, lorsque le préfet pourra être amené à se prononcer
négativement, si une urbanisation projetée n'était pas conforme à l'équilibre
du territoire. Mais je n'imagine pas qu'un maire puisse avoir une telle
ten-tation.
Il n'existe donc pas d'insécurité juridique.
Par ailleurs, comme je l'ai souligné à plusieurs reprises, le raccordement au
réseau ne pose pas de problème majeur. L'attitude des élus qui n'était pas
conforme à la loi a été sanctionnée par les tribunaux. Chaque fois qu'un
habitant s'était retourné contre la pratique consistant à faire payer au
lotisseur des sommes supérieures à la part de l'extension des réseaux
nécessaire à son seul projet, les élus ont perdu et ont dû verser des pénalités
de retard. Il fallait bien rappeler la jurisprudence et instaurer un système
permettant aux communes de récupérer l'ensemble des investissements nécessaires
pour pouvoir urbaniser ou lotir le secteur concerné.
Des conflits peuvent surgir avec les syndicats. La loi veut que la
collectivité locale qu'est la commune délibère elle-même sur ses besoins. Le
syndicat des eaux ou de l'électricité ne peut créer tout seul une
participation. Cette décision relève de la commune. Le syndicat ne se substitue
pas au bon vouloir de la commune en la matière. Mais il n'existe pas de conflit
en l'occurrence. Les conflits, lorsqu'ils existent, naissent non de la loi,
mais des désaccords qui pourraient exister entre les collectivités locales ou
les différents échelons d'intercommunalité. Je ne vois donc pas quels problèmes
peuvent se poser.
Par conséquent, monsieur le sénateur, si vous songez à une situation concrète,
je vous suggère de me la faire connaître afin que, si un aspect nous avait
échappé, nous puissions y remédier et essayer d'envisager localement une
solution.
M. Henri de Richemont.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont.
Sur le premier point, je regrette qu'un délai supplémentaire d'un an n'ait pas
été accordé.
Sur le second point, à partir du moment où les communes ont délégué leurs
compétences en matière d'eau et d'électricité au syndicat, elles ne peuvent pas
se substituer à lui, et il appartient à ce dernier d'appliquer la loi. Le
problème est qu'il existe - il en est ainsi en tout cas dans le département de
la Charente que je représente - un conflit d'interprétation de la loi entre le
syndicat et la direction départementale de l'équipement. Le syndicat considère
qu'il peut continuer à faire payer les pétitionnaires, alors que la DDE n'est
pas de cet avis. Mais il est bien évident que la commune, à partir du moment où
elle a abandonné ses compétences au syndicat, ne pourra pas se substituer à ce
dernier. Je regrette que cette difficulté d'interprétation ait été source de
conflits et ait entraîné la saisine du tribunal administratif.
M. le président.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Madame le secrétaire d'Etat, le budget que vous nous présentez aujourd'hui
manque d'ambition ; il est en baisse sensible s'agissant de l'ensemble des
moyens d'engagement, et, surtout, du logement social, secteur particulièrement
touché et en mal de réformes, comme le soulignait M. le rapporteur spécial.
Aujourd'hui, le secteur du logement social est en perte de vitesse et
enregistre des résultats d'autant plus décevants que le ralentissement
économique qui s'amorce n'améliorera en rien cette situation déjà préoccupante
à bien des égards.
De plus, votre politique en matière de logement social est révélatrice de la
recentralisation délibérée que nous dénonçons depuis de nombreuses années,
spécialement depuis 1997. A cet égard, force est de constater que les objectifs
quantitatifs, tout comme les aides, sont fixés au niveau central. Cet excès de
centralisme nuit à l'efficacité de la politique du logement social.
Pour illustrer mon propos, j'évoquerai la réforme des prêts locatifs à usage
social, les PLUS, qui correspond à un aménagement d'un dispositif centralisé et
apparaît donc peu adaptée aux marchés fonciers locaux.
On peut ainsi s'interroger sur l'opportunité de créer une société foncière
nationale financée par le 1 % logement. Il serait préférable de doter
financièrement les opérateurs existants dont la mission est de mettre en oeuvre
les politiques de renouvellement urbain décidées par les élus locaux.
Cette volonté recentralisatrice s'est d'ailleurs principalement traduite dans
la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Ainsi faut-il
rappeler que l'article 55 de cette loi relatif aux obligations des communes en
matière de logement social a été au coeur des débats parlementaires. Plus
contraignant et plus étendu géographiquement que le système antérieur, le
nouveau dispositif institue, je le rappelle, un prélèvement sur les recettes
fiscales des communes dans lesquelles le nombre de logements sociaux est
inférieur à 20 % des résidences principales.
Ainsi, les communes concernées devront prendre toutes dispositions nécessaires
pour rattraper leur retard en réalisant des logements sociaux.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 7 décembre 2000, a certes
admis le principe des nouvelles obligations, mais il a censuré, en raison de
son automaticité, le dispositif de sanction institué par la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains à l'encontre des communes n'ayant pas
réalisé l'objectif triennal de création de logements sociaux.
Ces différents éléments traduisent l'absence d'une véritable détermination à
mettre en oeuvre une approche locale en matière de mixité sociale. Il est en
effet indispensable de mener une politique sociale en adéquation avec les
besoins locaux. Le dialogue, bien plus que la coercition, favorisera
l'élaboration d'une politique du logement social efficace et adaptée aux
besoins.
Aujourd'hui, tout le monde le sait, le parc social ne répond pas à la demande
puisque, selon les récentes études, seulement 21 % des ménages à faibles
revenus occupent des logements locatifs sociaux, et 31 % des logements locatifs
privés. De même, la progression de la vacance des logements sociaux dans
certains endroits incite à penser qu'il est urgent de réformer en profondeur
cette politique.
Devant une telle situation, que comptez-vous faire, madame le secrétaire
d'Etat, pour réformer cette politique du logement social en manque d'efficacité
? Quelles mesures entendez-vous prendre pour limiter l'excès de centralisation
? La France ne devrait-elle pas, à l'instar d'autres pays de l'Union
européenne, privilégier une action d'évaluation de sa politique du logement
social ?
Je suis de ceux qui réclament depuis de nombreuses années un audit indépendant
sur les procédures. Il nous a toujours été refusé. De quoi vos prédécesseurs
avaient-ils peur ? Etes-vous prête, vous, à l'accepter enfin ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat.
Tout d'abord, le logement social n'est pas en crise à
ce point, monsieur le sénateur. La relance du logement social fonctionne : nous
en sommes à 50 000 logements, cette année, et nous atteindrons 55 000 en 2002.
J'en conviens, mieux vaudrait un nombre supérieur, et, comme cela a été indiqué
ce matin, le problème du financement global du logement social se trouve
posé.
J'ajouterai que, quand M. Périssol avait supprimé toutes les aides à la pierre
et qu'il ne subsistait plus que la TVA à 5,5 %, le système était alors très
souple,... sauf que l'on ne faisait plus rien ! C'était l'effet de ce
mécanisme.
A partir du moment où une aide à la pierre est réintroduite, la vraie question
est de savoir qui finance cette aide. Si c'est l'Etat, il le fait au nom de la
solidarité nationale. Il doit donc veiller à ce que les collectivités locales
répondent aux deux impératifs majeurs de la solidarité nationale, c'est-à-dire
l'égalité du droit au logement pour tous et la répartition équitable de ces
logements sur tout le terrain. Nous ne voulons en effet pas d'une société à
l'américaine, avec des ghettos. C'est donc toute la logique de notre politique
en matière de démolitions, de reconstructions et de réhabilitations
urbaines.
Je vous le dis très franchement : je suis fondamentalement décentralisatrice
mais à une seule condition : que la collectivité locale ait le devoir de faire
tout ce qu'elle veut ; en effet, si elle est défaillante, comment l'Etat-nation
garantira-t-il la solidarité nationale s'agissant du logement ? Dans les années
quatre-vingt, nous avions espéré, avec la loi d'orientation sur la ville,
pouvoir nous dispenser de la contrainte. Nous avions rêvé de parvenir, par
l'incitation, à une juste répartition de la construction du logement social sur
le territoire national. Force est de constater que, en dépit de ce dialogue et
de ces incitations, les inégalités se sont creusées et que certaines communes
ont obstinément refusé de construire du logement social, qu'il soit public ou
privé.
Depuis que le monde est monde, il ne suffit pas d'espérer la réunion des
bonnes intentions pour parvenir à la solidarité. Sinon, il n'y aurait pas
besoin de République, de lois et de contraintes pour que la fraternité et
l'égalité de droits puissent exister.
Nous aurions aimé nous dispenser du taux de 20 % de logements sociaux ; mais
nous y avons été contraints, car, sinon, ce sont les soubassements mêmes de
l'unité du pays, avec la ségrégation spatiale, qui auraient été en cause.
S'agissant de ce seuil de 20 % dans les agglomérations, j'ai entendu dans mon
propre département certains maires me dire : « Tu n'as qu'à prendre le logement
social dans ta commune, et je prendrai le logement intermédiaire ».
Croyez-vous, monsieur le sénateur, que ce soit digne d'une République au xxie
siècle ? Quand je vois ce qui se passe ailleurs sur la planète, je me dis que
nous avons raison de défendre sur le territoire national le principe de la
mixité sociale, car cela nous prépare, je l'espère, un avenir plus équilibré ;
en tout cas, ce sera plus à l'honneur de l'héritage de 1789 que toute autre
pratique.
Je veux bien entendre tout ce que l'on veut sur la décentralisation. Je serai
prête à tout contractualiser, et même à totalement décentraliser, le jour où
j'aurai la conviction que, dans l'ensemble du pays, on fait du logement social,
qu'on le fait pour tous, et sans ségrégation d'aucun ordre. Je travaille en ce
sens. Je réunirai les présidents de région et les présidents de conseil général
pour leur demander leurs propositions en vue d'ouvrir une nouvelle voie de la
décentralisation dans le domaine du logement, mais dans cet esprit républicain,
monsieur le sénateur.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Nous sommes en présence de déclarations fortes et de positions de principe.
Mon propos visait simplement à rappeler que la décentralisation n'est pas
forcément quelque chose de mal, à la différence de la recentralisation
excessive.
Ce que vous dites est fort bien, madame le secrétaire d'Etat. Mais je voudrais
vous faire comprendre quelle est ma préoccupation.
Je suis maire d'une commune qui possède 35 % de logements sociaux. Or,
d'après vos services, qui tiennent une comptabilité bizarre, nous n'en aurions
que 26 %. Cela ne me gêne pas puisque, de toute façon, nous dépassons les 20 %,
mais j'observe que les méthodes employées, que nous dénonçons depuis des
années, ne sont pas bonnes.
Nous, dans les organismes dans lesquels nous travaillons, nous souhaitons cet
audit indépendant. Pourquoi craint-on tellement d'y faire appel ? Pour ma part,
je crois que nos objectifs, qui sont communs, pourraient être ainsi mieux
atteints.
MM. Jean Chérioux et Jacques Oudin.
Très bien !
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les services communs,
l'urbanisme et le logement inscrits à la ligne « Equipement, transports et
logement » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des
crédits affectés à la mer.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »