SEANCE DU 21 NOVEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 1er. - I. - Les articles 287, deuxième alinéa, 287-2, 288, deuxième
alinéa, 291, 293, 294, 294-1, 295, 310, 373, 373-1, 373-3, 373-4, 373-5, 374-1
et 374-2 du code civil deviennent respectivement les articles 373-1, premier
alinéa, 372-6, 373-1, deuxième alinéa, 372-7, 373-2, 373-3, 373-4, 373-5,
309-1, 372-8, 372-9, 374-1, 374-2, 374-3, 374-4 et 374-5.
« II. - L'article 286 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 286.
- Le divorce n'emporte par lui-même aucun effet sur les
droits et devoirs des parents à l'égard de leurs enfants, ni sur les règles
relatives à l'autorité parentale définies au chapitre Ier du titre IX du livre
Ier. »
L'amendement n° 1, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le I de l'article 1er :
« I. - Les articles 287 à 295 du code civil sont abrogés. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Il s'agit d'une modification formelle. Pour éviter d'avoir à
renuméroter des articles qui ne changent ni de place ni de contenu et pour la
clarté du texte, nous proposons d'abroger l'ensemble des dispositions relatives
à l'autorité parentale qui figurent actuellement dans la section relative aux
effets du divorce, pour les réécrire à leur nouvelle place dans le code, et
directement assorties des modifications nécessaires, dans le chapitre relatif à
l'autorité parentale. Cela évite de faire l'opération en deux temps.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 2, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le II de l'article 1er pour
l'article 286 du code civil :
«
Art. 286
. - Le divorce laisse subsister les droits et devoirs des
père et mère à l'égard de leurs enfants. Les règles relatives à l'autorité
parentale sont définies au chapitre Ier du titre IX du présent livre.
« Lors du prononcé du divorce, le juge homologue la convention par laquelle
les parents organisent les modalités d'exercice de l'autorité parentale et
fixent la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ou, à défaut
de convention, statue sur ces modalités d'exercice et sur cette contribution,
dans les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IX du présent livre.
»
Le sous-amendement n° 70, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du
groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2
pour l'article 286 du code civil :
« Les droits et devoirs des père et mère à l'égard de leurs enfants sont
constants. »
Le sous-amendement n° 121, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé
:
« I. - Dans le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2 pour
l'article 286 du code civil, après les mots : "le juge," remplacer le mot :
"homologue" par les mots : "peut homologuer".
« II. - Dans le même alinéa, après les mots : "l'éducation des enfants",
remplacer les mots : "ou, à défaut de convention," par les dispositions
suivantes : "s'il constate qu'elle préserve suffisamment l'intérêt des enfants
et que le consentement des parents a été donné librement. A défaut de
convention ou d'homologation de celle-ci, le juge". »
Le sous-amendement n° 77, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du
groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« I. - Dans le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2, après les
mots : "organisent les modalités d'exercice de l'autorité parentale", insérer
les mots : ", prévoient en cas de résidence alternée une répartition
proportionnelle des avantages fiscaux, familiaux et sociaux".
« II. - Dans le même texte, après les mots : "ou, à défaut de convention,
statue sur ces modalités d'exercice", insérer les mots : ", sur cette
répartition proportionnelle". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
L'amendement n° 2 tend à réécrire l'article 286 du code
civil, tout en conservant le texte actuel, aux termes duquel le divorce «
laisse subsister les droits et devoirs des père et mère à l'égard de leurs
enfants ».
Ce texte a fait ses preuves et doit être d'autant moins modifié que celui qui
nous est proposé part en quelque sorte d'une pétition de principe suivant
laquelle le divorce n'aurait aucun effet en lui-même. Or l'observation n'est
pas totalement exacte. D'ailleurs, la proposition de loi contient une section
relative à l'exercice de l'autorité parentale lorsque les enfants sont séparés.
C'est donc qu'il y a bien des règles spécifiques dans ce cas.
L'amendement vise, en outre, à éviter qu'un divorce ne puisse être prononcé
sans que le juge ait statué sur les questions relatives à l'autorité parentale.
Il manque des dispositions pour assurer la coordination avec le texte
concernant le divorce.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre le sous-amendement n° 70.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'article 286 du code civil prévoit que le divorce « laisse subsister les
droits et devoirs des père et mère ».
Je sais bien que l'on ne doit jamais porter qu'une main tremblante sur le code
civil, et j'en prends à témoin Portalis, dont la statue préside à tous nos
travaux.
M. Jean-Jacques Hyest.
Portalis vous regarde !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela dit, la formule n'est pas heureuse. Pour l'Assemblée nationale, le
divorce « n'emporte par lui-même aucun effet sur les droits et devoirs des
parents à l'égard de leurs enfants ». Cela n'est pas satisfaisant non plus.
Le problème, c'est que nous sommes ici pour rédiger un texte qui traite de
l'autorité parentale sur tous les enfants. Il me paraît de beaucoup préférable
d'écrire, comme nous le proposons par notre sous-amendement, que « Les droits
et devoirs des père et mère à l'égard de leurs enfants sont constants ».
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 121.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Le Gouvernement souhaite sous-amender l'amendement n°
2 en précisant que l'homologation par le juge de la convention conclue entre
les parents n'est qu'une possibilité et non une obligation, contrairement,
d'ailleurs, à ce que croient de nombreux parents.
En effet, il ne faudrait pas que l'amendement de la commission des lois puisse
être interprété comme faisant obligation au juge d'homologuer toutes les
conventions, ce qui risquerait de conduire à une judiciarisation excessive du
dispositif.
Aujourd'hui, les parents peuvent faire acter par le juge leur accord sur les
modalités d'exercice de leur autorité parentale sans que celui-ci soit tenu
d'entrer dans le détail de la convention. Or l'expression : « le juge homologue
la convention » risque de donner à penser que, à défaut, la convention ne
serait pas valable. Il s'agit donc de laisser une simple possibilité sans
instituer d'obligation, comme dans le droit actuel.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter le sous-amendement n°
77.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Plusieurs amendements ou sous-amendements émanant du groupe socialiste posent
ce problème, sur lequel je voudrais attirer l'attention du Sénat, comme je l'ai
déjà fait dans la discussion générale.
Ou bien vous nous suivez sur ce sous-amendement, et les autres seront de forme
; ou bien, hélas ! vous ne nous suivez pas, et nous retirerons les suivants. La
discussion du présent sous-amendement réglera donc le sort de nombreux
amendements et sous-amendements ultérieurs.
Il vise, en matière d'autorité parentale alternée, à demander soit au juge, si
c'est lui qui décide, soit aux parents qui proposeraient une convention à
l'homologation du juge, de fixer la répartition des avantages fiscaux,
familiaux et sociaux.
Je ne reviendrai pas sur mon argumentation, vous l'avez tous encore à l'esprit
; mais je veux insister sur le fait que le texte est muet à cet égard. Qui
touchera les allocations familiales, l'allocation logement, l'indemnité de
rentrée scolaire ?
On peut discuter les termes mêmes de notre sous-amendement, mais, s'il est
adopté, il sera examiné par l'Assemblée nationale au cours de la navette, ce
qui amènera nos collègues députés à réfléchir à ce problème qui, en l'état
actuel, n'est pas réglé.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 70, 121 et 77
?
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Pour que les choses soient claires, il faut rappeler que nous
visons l'article 286 du code civil, placé dans le chapitre relatif au divorce.
Or, l'article 1er tend à instituer un droit commun de l'autorité parentale,
lequel sera traité dans un chapitre ultérieur du code civil.
Aussi, le sous-amendement n° 70 ne correspond pas à cette répartition des
matières au sein du code civil. La rédaction proposée pourrait peut-être
convenir dans le cadre du droit commun de l'autorité parentale, mais non dans
celui de la procédure de divorce. La commission est donc défavorable au
sous-amendement n° 70.
S'agissant du sous-amendement n° 121, déposé par le Gouvernement et concernant
la procédure du divorce, il nous semble souhaitable de renvoyer les
dispositions proposées dans la partie du code civil traitant du droit commun de
l'autorité parentale.
La commission estime préférable de prévoir que le juge statue dans les
conditions prévues au chapitre Ier du titre IX du livre Ier, c'est-à-dire en
vertu du droit commun de l'exercice de l'autorité parentale que nous allons
peut-être instituer et qui sera structuré en plusieurs paragraphes, dont le
premier concernera le droit commun à tous les enfants, notamment lorsque les
parents vivent ensemble, le deuxième, les cas de séparation des parents, le
troisième, l'intervention du juge. En outre, ce troisième paragraphe comprendra
les éléments que Mme le ministre propose d'ajouter à l'article 1er.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur ce
sous-amendement.
Enfin, M. Dreyfus-Schmidt, avec le sous-amendement n° 77, propose, en cas de
résidence alternée, une répartition proportionnelle des avantages fiscaux. Je
ne suis pas persuadé que cette solution soit adaptée. En effet, il y a lieu de
ne pas figer la situation afin de respecter l'autonomie des parents s'agissant
des conventions qu'ils prévoient pour décider des modalités d'exercice de
l'autorité parentale et fixer la pension alimentaire.
Par conséquent, la commission est également défavorable à ce
sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 et sur les
sous-amendements n°s 70 et 77 ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Le sous-amendement n° 70 de M. Dreyfus-Schmidt est en
concurrence, si j'ose dire, avec l'amendement de la commission.
J'ai bien écouté l'argumentation de M. Béteille. Mais il y a deux façons de
voir les choses.
Sommes-nous en train de discuter un dispositif concernant le divorce ?
J'observe alors que la question de l'autorité parentale, que nous voulons
pourtant renforcer,apparaît comme accessoire : « Le divorce laisse subsister
les droits et devoirs des père et mère »... L'autorité parentale n'est plus que
résiduelle, on « laisse subsister » quelque chose qui semble inférieur à
l'autorité parentale, alors que nous voulons conforter celle-ci.
Mais on pourrait renverser l'argumentation et considérer qu'il est bien plus
fort de réaffirmer le droit commun de l'autorité parentale au sein même du
dispositif sur le divorce.
C'est pourquoi je me rallie plutôt à l'amendement de M. Dreyfus-Schmidt, tout
en ayant bien conscience qu'il faudrait l'intégrer dans la partie traitant du
divorce. Mais il me semble plus conforme à l'esprit de ce texte de préciser que
l'autorité et la responsabilité parentales restent les mêmes, que l'on soit
marié ou qu'on ne le soit plus, et que « les droits et devoirs des père et mère
à l'égard de leurs enfants sont constants ».
Pour tenir compte de votre préoccupation, monsieur le rapporteur, on pourrait
même compléter la phrase par les mots : « même en cas de divorce ». On
marquerait ainsi que l'on a pleinement conscience que, dans une division
concernant le divorce, on affirme le droit commun de l'autorité parentale.
J'exprime donc un avis favorable sur l'amendement n° 70.
La répartition proportionnelle des avantages fiscaux, familiaux et sociaux est
un aspect très important de la résidence alternée ; c'est d'ailleurs la
question essentielle que posent aujourd'hui les parents concernés, et il faut
prendre en compte ce problème très concret pour les familles.
Souvent règne une certaine confusion, et l'on pense que la résidence alternée,
c'est obligatoirement « une semaine sur deux ». Mais elle peut très bien
recouvrir des situations variées dans lesquelles, souvent, le père a l'enfant
moins longtemps que la mère. Parler de proportionnalité permettrait qu'il n'y
ait plus un parent prioritaire et un parent secondaire, même lorsque le partage
du temps est inégal.
Il faut conserver cette possibilité, il faut laisser de la souplesse, il faut
que le juge statue sur chaque cas comme sur un cas unique. Il faut aussi que
les choses puissent évoluer en fonction de l'âge de l'enfant : la résidence
alternée ne prendra pas la même forme pour un adolescent et pour un nourrisson
!
Préciser que la répartition est proportionnelle montre bien qu'elle n'est pas
le fruit d'un simple calcul arithmétique, mais qu'elle a été fixée en fonction
de la décision du juge et donc du temps passé par l'enfant chez chacun des
parents.
En outre, cette disposition pourrait encourager les parents à se mettre
d'accord de façon responsable et raisonnable, à faire eux-mêmes les calculs de
la répartition des charges, et ainsi à proposer au juge un accord qui tienne
compte de l'atténuation des pensions alimentaires en fonction des avantages
fiscaux et sociaux perçus par l'un des deux membres du couple. Ce
sous-amendement est donc bienvenu.
Nous avons demandé à la caisse d'allocations familiales de faire des
simulations pour savoir jusqu'où nous pouvions aller dans le partage du
versement des prestations : ce sera
a priori
très difficile. En effet,
les prestations familiales, par exemple, augmentent pour l'enfant de rang 3.
A contrario,
il faudra inciter les parents à se mettre d'accord, à
calculer entre eux la répartition des charges et, lorsque les divorces se
déroulent dans de bonnes conditions, à proposer au juge une répartition
proportionnelle de ces avantages. En cas de non-accord, le juge sera amené à
fixer lui-même les proportions dans lesquelles il répartit les charges et les
avantages, selon la situation de chacun des deux parents.
J'émets donc un avis favorable sur le sous-amendement n° 77.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 70.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Afin que nos collègues sachent bien de quoi il s'agit, et pour lever toute
confusion au moment du vote, il me paraît bon de rappeler que le
sous-amendement n° 70, même si nous sommes en train d'examiner le chapitre
relatif au divorce, porte sur l'autorité parentale.
L'expression contenue dans le code civil : « le divorce laisse subsister... »
rend l'autorité parentale quelque peu résiduelle. La formule que nous proposons
: « Les droits et devoirs des père et mère à l'égard de leurs enfants sont
constants », démontre bien que le même principe s'applique à tous les couples,
qu'ils soient mariés, pas mariés ou divorcés.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 70, repoussé par la commission et
accepté par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 121, repoussé par la commission.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 77.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
La jurisprudence est constante : on n'a jamais divisé les allocations
familiales ou la pension alimentaire. Même quand l'enfant passait un mois de
vacances chez ses parents, jamais le juge n'a permis de soustraire les
allocations de la pension alimentaire. Alors, comment ferons-nous si l'enfant y
passe un mois, ou deux mois ? Allons-nous soustraire une partie des impôts ou
des allocations familiales de la pension alimentaire ? C'est ouvrir la voie à
des discussions et des procédures extrêmement complexes.
C'est la raison pour laquelle je suivrai l'avis de la commission sur le
sous-amendement n° 77.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je comprends bien l'intérêt du sous-amendement de notre collègue, mais je
m'interroge sur les avantages fiscaux.
En effet, ces avantages ne se répartissent pas : on bénéficie soit d'une
demi-part, soit d'une part supplémentaire, mais il n'y a pas de division ! En
outre, comment répartir proportionnellement un avantage ? Comment tenir compte
des disparités de revenus entre les membres du couple ?
Par ailleurs, madame le ministre, vous avez parlé d'avantages familiaux à
propos des allocations familiales. Mais ce n'est pas un avantage, c'est un
droit, au même titre que d'autres droits sociaux !
Je comprends l'effet recherché par le sous-amendement, mais la disposition
proposée me paraît parfaitement inapplicable, et je ne vois pas comment elle
peut se traduire concrètement.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Je soutiens, bien sûr, le sous-amendement présenté par Michel Dreyfus-Schmidt
et les membres du groupe socialiste et apparentés. Je précise d'ailleurs que,
comme Mme Rozier l'a rappelé à la tribune tout à l'heure, il répond à un
souhait de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre
les hommes et les femmes qui avait été voté à l'unanimité des personnes
présentes, lesquelles représentaient tous les groupes.
Il s'agit d'une question fondamentale. Si l'on veut s'orienter vers la garde
alternée, il faut effectivement répondre aux préoccupations des parents en
matière de répartition des avantages fiscaux et sociaux.
Sur le plan fiscal, cette répartition sera impossible, me dit-on. Pour avoir
été inspecteur des impôts au début de ma carrière, je peux vous dire qu'en
matière de fiscalité, c'est une question de technique et que, à cet égard,
c'est toujours possible. Quand on a été capable d'inventer des dispositifs
comme la TIPP flottante, on doit pouvoir trouver le moyen de répartir le
quotient familial en deux parts égales ou à raison d'un tiers, deux tiers.
Donc, que l'on ne me dise pas que ce n'est pas possible sur le plan technique !
En effet, techniquement, tout est toujours possible ; il suffit de le
vouloir.
Par ailleurs, en ce qui concerne les avantages sociaux, les allocations
familiales, on voit bien la difficulté. Prenons un exemple pour bien nous faire
comprendre : deux agents de la fonction publique, instituteurs par exemple, qui
ont deux enfants et qui perçoivent le même salaire, situation qui est
fréquente. Si on décide la garde alternée à raison de six mois chez l'un des
parents et six mois chez l'autre, qui va toucher les allocations familiales et
l'allocation de rentrée scolaire ? Laissera-t-on les parents se mettre d'accord
et décider que l'un percevra les allocations pendant une année et l'autre
l'année suivante ? On aboutira à des choses encore plus complexes.
Ce problème est fondamental. Il est une des préoccupations majeures des
parents qui souhaitent la garde alternée.
Le raisonnement de M. Dreyfus-Schmidt est le suivant : puisque nous sommes en
première lecture et comme Mme Ségolène Royal est favorable à ce principe, nous
avons le temps d'affiner les procédés techniques qui permettront d'avancer ; en
revanche si, aujourd'hui, nous repoussons ce sous-amendement, ce sera terminé
et nous rencontrerons effectivement de nombreux problèmes s'agissant de la
garde alternée, car nous n'aurons pas résolu ces questions difficiles.
Aussi, j'attire l'attention de mes collègues sur le fait que nous avons encore
le temps et que, si le Sénat accepte ce sous-amendement, le dispositif pourra
être amélioré en deuxième lecture.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je remercie vivement Mme Derycke de ce qu'elle vient de dire.
Je voudrais simplement apporter deux précisions à la suite des propos qu'ont
tenus Mme Michaux-Chevry et M. Hyest.
Madame Michaux-Chevry, lorsqu'il y avait un principal établissement, c'est
évidemment son titulaire qui bénéficiait de la demi-part et qui percevait
l'allocation de rentrée scolaire. Mais dans la mesure où il n'y a plus de
principal établissement, où il existe une autorité parentale égale pour l'un et
l'autre des parents, il faut bien savoir qui va bénéficier de la demi-part et
qui percevra l'allocation de rentrée scolaire.
Ce sont non pas des avantages mais des droits, dites-vous, monsieur Hyest. On
ne va pas parler de la répartition des droits. Quand on dit « avantages »,
chacun voit de quoi il s'agit. Bien entendu, je ne verrais pas d'inconvénient à
ce que vous me proposiez une autre rédaction. Quoi qu'il en soit, le problème
existe.
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui, mais ce n'est pas la solution pour le résoudre !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il pourrait être accordé une demi-part à chacun des parents. Pourquoi pas ?
Après tout, c'est une solution.
Je vous demande de voter ce sous-amendement. Cela permettra à l'Assemblée
nationale d'être saisie du problème. Nos collègues députés pourront y
réfléchir, de même que le Gouvernement. Ne pas adopter ce sous-amendement,
c'est décider de laisser pendant un problème sans tenter de le résoudre.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Je souhaite intervenir de nouveau sur ce sous-amendement, qui
me paraît se heurter à de grandes difficultés. En effet, pour aller dans le
sens souhaité par M. Dreyfus-Schmidt, il faudrait modifier le code des impôts
et le code de la sécurité sociale.
M. Jean-Jacques Hyest.
En effet !
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
A mon avis, on s'engage là dans un processus très compliqué.
Il serait plus utile d'obtenir, éventuellement, de la part du Gouvernement une
précision sur ce qui est envisagé en la matière pour répondre à cette
préoccupation.
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui !
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
En l'état, les parents peuvent tenir compte de ces différents
avantages dans le calcul de leur contribution à l'entretien et à l'éducation
des enfants. Selon moi, on ne peut pas aller beaucoup plus loin à l'occasion de
ce texte.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 77, repoussé par la commission et
accepté par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Quel est, dans ces conditions, l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2
?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Sagesse !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 2, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 3, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Compléter l'article 1er par un paragraphe III ainsi rédigé :
« III. - L'article 256 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 256.
- S'il y a des enfants mineurs, le juge homologue la
convention par laquelle les parents organisent les modalités d'exercice de
l'autorité parentale et fixent la contribution à l'entretien et à l'éducation
des enfants ou, à défaut de convention, statue sur ces modalités d'exercice et
sur cette contribution, dans les conditions prévues par le chapitre Ier du
titre IX du présent livre. »
Le sous-amendement n° 122, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé
:
« I. - Dans le texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article 256 du code
civil, après les mots : "le juge" remplacer le mot : "homologue" par les mots :
"peut homologuer".
« II. - Dans le même texte, après les mots : "l'éducation des enfants,"
remplacer les mots : "ou, à défaut de convention," par les dispositions
suivantes : "s'il constate qu'elle préserve suffisamment l'intérêt des enfants
et que le consentement des parents a été donné librement. A défaut de
convention ou d'homologation de celle-ci, le juge". »
Le sous-amendement n° 79, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du
groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« I. - Dans le texte proposé par l'amendement n° 3, après les mots :
"organisent les modalités d'exercice de l'autorité parentale" insérer les mots
: ", prévoient en cas de résidence alternée une répartition proportionnelle des
avantages fiscaux, familiaux et sociaux".
« II. - Dans le même texte, après les mots : "ou, à défaut de convention,
statue sur ces modalités d'exercice" insérer les mots : ", sur cette
répartition proportionnelle". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Dans l'esprit de ce que prévoyait l'amendement n° 2 pour le
II de l'article 1er, il s'agit, par le présent amendement, d'introduire un III
en proposant une nouvelle rédaction de l'article 256 du code civil, pour
permettre au juge d'homologuer la convention ou de statuer lors de l'examen des
mesures provisoires en matière de divorce.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 122.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Pour les mêmes raisons que précédemment, ce
sous-amendement vise à remplacer le mot « homologue » par les mots « peut
homologuer » pour que le juge ne soit pas contraint d'intégrer dans le jugement
la totalité de la convention. En effet, homologuer une convention, cela veut
dire que le jugement doit reprendre la totalité de la convention. Selon moi,
cette contrainte va à l'encontre de l'esprit de ce texte, qui vise à encourager
les parents à s'entendre par des conventions privées et à aller devant le juge
pour faire état de leur entente.
Par ailleurs, en adoptant un dispositif trop contraignant, on risque
d'empêcher les parents de réviser à l'amiable ces conventions au fur et à
mesure que les enfants grandissent. Nombre de parents pensent qu'ils sont
contraints par les dispositions d'un jugement alors même que - c'est le
principe général du droit aujourd'hui - des conventions à l'amiable entre
parents peuvent, bien sûr, remplacer un jugement à tout moment.
Nous ne sommes pas en désaccord sur le fond. Il s'agit simplement d'éviter
toute confusion ou un malentendu quant à l'interprétation de ce texte.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter le sous-amendement n°
79.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
Le sous-amendement n° 79 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 122 ?
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable sur ce
sous-amendement, d'abord par coordination avec la décision que nous venons de
prendre en ce qui concerne une homologation similaire, mais dans le cadre du
prononcé définitif du divorce. Je rappelle que, en l'occurrence, nous traitons
des mesures provisoires, et il ne me semble pas souhaitable que le texte
diffère.
Cela dit, je n'avais pas compris, et je prie Mme la ministre de m'en excuser,
que ce sous-amendement permettrait au juge en quelque sorte de n'homologuer
qu'en partie la convention lorsqu'il l'examine. Le fait que le juge puisse
statuer lorsqu'il estime que la convention ne préserve pas suffisamment
l'intérêt des enfants lui permet à l'évidence de retenir tout ce qui est
consensuel et de n'intervenir différemment que sur ce qui lui paraît poser
problème.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 122, repoussé par la commission.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Sagesse !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 3, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er