SEANCE DU 9 MAI 2001


M. le président. « Art. 74. - Le code de commerce est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa de l'article L. 225-23 est ainsi rédigé :
« Lorsque le rapport présenté par le conseil d'administration lors de l'assemblée générale en application de l'article L. 225-102 établit que les actions détenues par le personnel de la société ainsi que par le personnel de sociétés qui lui sont liées au sens de l'article L. 225-180 représentent plus de 3 % du capital social de la société, un ou plusieurs administrateurs doivent être nommés par l'assemblée générale des actionnaires sur proposition des actionnaires visés à l'article L. 225-102 dans des conditions fixées par décret. Ces administrateurs doivent être nommés parmi les salariés actionnaires ou, le cas échéant, parmi les salariés membres du conseil de surveillance d'un fonds commun de placement d'entreprise détenant des actions de la société. Ces administrateurs ne sont pas pris en compte pour la détermination du nombre minimal et du nombre maximal d'administrateurs prévus à l'article L. 225-17. » ;
« 2° Le dernier alinéa de l'article L. 225-23 est supprimé ;
« 3° Le premier alinéa de l'article L. 225-71 est ainsi rédigé :
« Lorsque le rapport présenté par le directoire lors de l'assemblée générale en application de l'article L. 225-102 établit que les actions détenues par le personnel de la société ainsi que par le personnel de sociétés qui lui sont liées au sens de l'article L. 225-180 représentant plus de 3 % du capital social de la société, un ou plusieurs membres du conseil de surveillance doivent être nommés par l'assemblée générale des actionnaires sur proposition des actionnaires visés à l'article L. 225-102 dans des conditions fixées par décret. Ces membres doivent être nommés parmi les salariés actionnaires ou, le cas échéant, parmi les salariés membres du conseil de surveillance d'un fonds commun de placement d'entreprise détenant des actions de la société. Ces membres ne sont pas pris en compte pour la détermination du nombre minimal et du nombre maximal de membres du conseil de surveillance prévus à l'article L. 225-69. » ;
« 4° Le dernier alinéa de l'article L. 225-71 est supprimé. »
Sur l'article, la parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je ne peux laisser passer cet article 74 sans me manifester, car, pour tous ceux qui croient à la participation - moi en particulier - c'est une grande joie.
Ce texte qui nous vient de l'Assemblée nationale résulte en effet d'un amendement du groupe communiste. Nos collègues communistes ont enfin entendu l'appel lancé par le général de Gaulle en 1948 à Saint-Etienne, dans son beau discours sur la condition ouvrière - c'est à cette occasion qu'il a défendu l'association capital-travail.
L'article 74 prévoit ainsi, selon une terminologie que connaissent bien nos amis, le stade suprême de l'association capital-travail, à savoir l'élection de représentants des actionnaires salariés par l'assemblée générale des actionnaires dans les conseils d'administration et les conseils de surveillance.
Il s'agit d'une très bonne mesure, et vous me demanderez pourquoi elle n'avait pas encore été proposée. L'ennui est qu'elle n'est, hélas ! pas constitutionnelle parce qu'elle rompt l'égalité entre les actionnaires. C'est la raison pour laquelle nous nous étions contentés jusqu'à présent du « rendez-vous obligatoire ».
Néanmoins, il faut faire un pas de plus par rapport à ce qui existe, et c'est pourquoi j'appuierai l'amendement présenté par la commission qui, en reprenant l'esprit qui a inspiré nos collègues communistes pour la rédaction de l'article 74,...
M. Guy Fischer. Pas de l'amendement !
M. Jean Chérioux. ... permet d'aller un peu plus loin dans le sens de la présence des représentants des actionnaires salariés dans les conseils de surveillance et les conseils d'administration.
C'est particulièrement opportun, compte tenu des difficultés humaines que l'on constate dans les entreprises qui licencient, d'une part, et, d'autre part, des contraintes économiques qui pèsent sur celles-ci. La présence des représentants des actionnaires salariés dans les conseils d'administration, c'est-à-dire en amont de la décision, peut en effet permettre d'attirer l'attention des autres membres du conseil d'administration sur les conséquences dommageables des décisions qui peuvent être prises à l'égard des salariés de tel ou tel site.
C'est d'autant plus important que, vous le savez, les raisons pour lesquelles le comité d'entreprise ne reçoit pas toujours les informations souhaitables tiennent au fait qu'il pourrait y avoir délit d'initié. Mais, dans la mesure où les décisions sont prises en conseil d'administration, il n'y a pas délit d'initié. Les représentants des actionnaires salariés au conseil d'administration pourront ainsi disposer de toutes les informations utiles.
J'appuierai donc l'amendement de notre excellent rapporteur Alain Gournac.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Paul Blanc. Communistes et gaullistes, même combat !
M. le président. Vous ne manquerez cependant pas d'avoir une pensée pour René Capitant !
M. Jean Chérioux. L'initiateur, c'est le général de Gaulle !
M. le président. Par amendement n° 187, M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger comme suit l'article 74 :
« Le code du commerce est ainsi modifié :
« 1° Après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 225-23, sont insérées trois phrases ainsi rédigées :
« Un projet de résolution en ce sens est alors soumis au vote des actionnaires. Il précise notamment le nombre d'administrateurs devant être nommés. Par dérogation à l'article L. 225-96, il ne peut être repoussé qu'à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés. »
« 2° Après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 225-71, sont insérés trois phrases ainsi rédigées :
« Un projet de résolution en ce sens est alors soumis au vote des actionnaires. Il précise notamment le nombre de membres du conseil de surveillance devant être nommés. Par dérogation à l'article L. 225-96, il ne peut être repoussé qu'à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés. »
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Défendre cet amendement après l'intervention de M. Chérioux, qui est un grand spécialiste de ce dossier, est difficile, mes chers collègues !
Je m'interroge, pour ma part, sur l'orientation législative du Gouvernement et de la majorité plurielle en matière de participation.
En effet, l'Assemblée nationale a adopté cet article le 11 janvier dernier, alors que le projet de loi sur l'épargne salariale était encore en cours de discussion. Or, un compromis équilibré renforçant la mise en oeuvre du rendez-vous obligatoire avait alors été trouvé. On comprend mal pourquoi il faudrait revenir sur ce compromis.
Ensuite, une telle disposition risque d'être contre-productive, car, M. Chérioux a raison, un risque grave d'inconstitutionnalité pour rupture de l'égalité entre actionnaires pèse sur elle. Il suffit de la lire pour s'en persuader.
M. Jean Chérioux. Hélas !
M. Alain Gournac, rapporteur. Dans la mesure où ce débat a été réouvert, la commission, toujours soucieuse de favoriser le développement de l'actionnariat salarié, a préféré, sur l'initiative de notre collègue Jean Chérioux, retenir une démarche alternative, n'exposant pas au risque de censure constitutionnelle par son caractère facultatif, mais permettant de renforcer la représentation des salariés actionnaires dans les organes dirigeants des sociétés. Cet amendement tend donc à donner plus d'efficacité au rendez-vous obligatoire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 187.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je m'étonne que Mme la secrétaire d'Etat ait émis un avis défavorable. Mais peut-être le Gouvernement ne veut-il en réalité pas de ce texte et souhaite-t-il donc qu'il soit censuré par le Conseil constitutionnel ! Le fait que le conseil d'administration devait proposer une résolution à l'assemblée générale extraordinaire et que cette dernière ne pouvait s'y opposer qu'à la majorité des deux tiers constituait cependant un progrès puisque l'on arrivait pratiquement à l'obligation, tout en évitant la censure du Conseil constitutionnel. Madame la secrétaire d'Etat, c'est vous qui prendrez la responsabilité d'un échec !
M. Emmanuel Hamel. Lourde responsabilité !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 187, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 74 est ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 74