SEANCE DU 28 MARS 2001
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 1, M. Francis Giraud, au nom de la commission, propose
d'insérer, avant le titre Ier, un article additionnel ainsi rédigé :
« La réduction du nombre des interruptions volontaires de grossesse est une
priorité de santé publique. A cette fin, le Gouvernement mettra en oeuvre les
moyens nécessaires à la conduite d'une véritable politique d'éducation à la
sexualité et d'information sur la contraception. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 57, présenté par M. Carle,
et tendant à rédiger ainsi la seconde phrase du texte proposé par l'amendement
n° 1 : « A cette fin, sont mis en oeuvre les moyens nécessaires à la conduite
d'une véritable politique d'éducation à la sexualité, d'information sur la
contraception, et d'accompagnement respectant le libre choix des femmes
enceintes que leur état place en situation de détresse. »
Par amendement n° 43, Mmes Campion, Dieulangard et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant le titre Ier, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'éducation à la sexualité et l'information sur la contraception sont une
priorité de santé publique.
« Le Gouvernement mettra en oeuvre les moyens nécessaires à la conduite d'une
véritable politique dans ce domaine, notamment par la mise en place de
programmes adaptés au sein de l'éducation nationale. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Francis Giraud,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un amendement de principe.
Lors de la discussion générale, j'ai exprimé le regret que ce projet de loi
relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception traite
en premier lieu - c'est l'objet du titre Ier - de l'IVG et qu'il relègue en fin
de texte, dans le titre II, le volet qui a trait à la contraception.
La commission considère, en toute logique, que l'accent devrait d'abord être
mis sur la contraception, dont l'échec éventuel conduit à l'IVG.
M. Lucien Neuwirth.
C'est une évidence !
M. Francis Giraud,
rapporteur.
Elle estime, pour sa part, que la persistance d'un nombre
élevé d'IVG résulte des carences des politiques menées depuis trente ans en
faveur de l'éducation à la sexualité et de l'information sur la
contraception.
M. Lucien Neuwirth.
Très juste !
M. Francis Giraud,
rapporteur.
Si la contraception est aujourd'hui largement répandue dans
notre pays, elle n'est pas suffisamment maîtrisée. La méconnaissance des
mécanismes élémentaires de la transmission de la vie reste encore grande, en
particulier chez les jeunes.
Dans ces conditions, la commission estime qu'il est de la responsabilité du
Gouvernement de définir une politique ambitieuse d'éducation responsable à la
sexualité et d'information sur la contraception, qui mobilise autant le corps
enseignant que le corps médical et ouvre le dialogue au sein des familles.
Elle propose, par conséquent, de rappeler solennellement que la réduction du
nombre des interruptions volontaires de grossesse doit constituer une priorité
de santé publique et que le Gouvernement doit mettre en oeuvre les moyens
nécessaires à la conduite d'une véritable politique d'éducation à la sexualité
et d'information sur la contraception.
M. Lucien Neuwirth.
C'est parfait !
M. le président.
La parole est à M. Carle, pour présenter le sous-amendement n° 57.
M. Jean-Claude Carle.
S'il convient d'éduquer à la sexualité et d'informer sur la contraception, il
faut aussi prévoir un accompagnement des femmes enceintes respectant leur libre
choix de recourir ou non à l'avortement.
Mon sous-amendement vise à compléter l'amendement de la commission en ce
sens.
M. le président.
La parole est à Mme Campion, pour présenter l'amendement n° 43.
Mme Claire-Lise Campion.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il est un
point sur lequel nous semblons tous nous accorder, c'est bien la nécessité
d'améliorer notre politique en matière de contraception et d'éducation à la
sexualité.
Cependant, nous n'avons pas la même conception de ce qui doit être une
priorité de santé publique.
La commission estime que c'est la réduction du nombre des interruptions
volontaires de grossesse qui est une priorité de santé publique. Nous
considérons, nous, que ce sont l'éducation à la sexualité et l'information à la
contraception qui sont, par essence, une priorité de santé publique et qui
doivent donc constituer la base de toute politique en la matière, politique qui
ne doit pas se limiter à la réduction du nombre des interruptions volontaires
de grossesse, qui se doit d'être beaucoup plus large.
En effet, nous estimons que le nombre d'interruptions de grossesse est une
conséquence, parmi d'autres, du défaut d'information sur la contraception et la
sexualité, qu'elle n'est malheureusement pas la seule.
Il existe - nous le savons bien - d'autres incidences tout aussi dramatiques,
sinon plus, qui en découlent directement.
Je pourrais, pour vous en convaincre, mes chers collègues, me contenter de
vous signaler, à titre d'exemples, la propagation des maladies sexuellement
transmissibles, les MST, ou la triste réalité des abus sexuels.
Refuser ces réalités, lutter contre, nécessite la divulgation d'une
information qui soit adéquate et accessible à tous, et ce dès le plus jeune
âge.
Seules l'information et l'éducation sont aptes à permettre la connaissance et
le respect de son corps et de celui de l'autre, en même temps qu'une
appropriation de la contraception.
Cela suppose que l'on mène des politiques innovantes et continues associant en
toute logique l'éducation nationale mais aussi la société dans son ensemble,
afin de donner les moyens aux femmes, aux couples, aux enfants, de se prémunir
et de se protéger.
Il apparaît dès lors évident qu'on ne peut se contenter d'ériger en priorité
de santé publique la réduction des interruptions volontaires de grossesse, car
cette priorité, c'est bien l'accès à la contraception et l'information sur la
sexualité.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 57 et sur
l'amendement n° 43 ?
M. Francis Giraud,
rapporteur.
La commission demande à l'auteur du sous-amendement n° 57 de
bien vouloir le retirer, car elle a choisi de mettre l'accent sur l'information
et la prévention des grossesses non désirées.
Quant à l'amendement n° 43, qui va dans le même sens que celui de la
commission, il deviendra sans objet si ce dernier est adopté.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Mais le nôtre est meilleur !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1, le sous-amendement n°
57 et l'amendement n° 43 ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Le Gouvernement - je l'ai dit hier, je le répéterai
sans doute plusieurs fois aujourd'hui - partage les préoccupations de tous les
sénateurs, et la vôtre, madame Campion, qui sont ici exprimées. Cela étant, il
ne me paraît pas bon d'inscrire à cet endroit, dans la loi, l'une de ces
grandes déclarations dont je me méfie terriblement.
On dit qu'on veut en faire une priorité de santé publique. Mais voilà dix ans
qu'on dit vouloir le faire et, hier, nous avons constaté que tous les
gouvernements successifs et additionnés n'en avaient pas fait assez !
M. Francis Giraud,
rapporteur.
Exactement !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Par ailleurs, je relève que l'Assemblée nationale a
introduit dans le projet un article 16
bis
relatif à l'information et à
l'éducation à la sexualité.
J'ai dit, hier, qu'ayant présenté dans ses grandes lignes le projet de santé
publique, j'allais oeuvrer. Mais notre échec, c'est celui de la société
française, qui n'a pas su, toutes composantes confondues, faire de l'éducation
à la sexualité non pas une priorité mais un succès. Nous n'en avons pas fait
assez. Il faut y remédier.
M. le président.
Le sous-amendement est-il maintenu, monsieur Carle ?
M. Jean-Claude Carle.
Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je le retire, monsieur le
président.
M. le président.
Le sous-amendement n° 57 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Lucien Neuwirth.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le ministre, si les choses vont sans dire, elles vont encore mieux en
le disant. C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.
M. Serge Lagauche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Je fais mienne la position de principe de M. Neuwirth, mais, dans ma bouche,
cela vaut, bien sûr, pour l'amendement n° 43.
Par ailleurs, je suis très satisfait que la commission se soit opposée au
sous-amendement de M. Carle, dont le libellé laisse bien augurer des
amendements suivants de M. Carle !
M. Patrick Lassourd.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
Je voterai l'amendement de la commission.
M. le ministre dit que la responsabilité est collective, qu'elle est celle de
tous les gouvernements qui se sont succédé, quelle que soit leur couleur
politique, voire de la société.
J'en suis tout à fait d'accord. Raison de plus, après ce constat d'échec, pour
inscrire cette déclaration de principe, c'est vrai, au fronton de la loi. Elle
donne tout son sens au projet, et je ne comprends donc pas qu'on puisse s'y
opposer.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
Mme Odette Terrade.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant le titre Ier, et l'amendement n° 43 devient sans objet.
Division et article additionnels avant le titre Ier