SEANCE DU 6 FEVRIER 2001
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, auteur de la question n° 996, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean-Louis Lorrain.
Madame le ministre, je souhaite vous interroger sur les personnels
hospitaliers. Je précise au préalable qu'il ne s'agit pas d'une question
d'opportunité - ce qui lui ferait perdre de sa valeur - mais d'une question de
fond, qui se pose depuis longtemps. Certes, elle coïncide avec un mouvement
revendicatif ; néanmoins, vous et moi, madame le ministre, avons sans doute,
comme beaucoup d'autres, l'envie de répondre aux questions de fond.
Les personnels hospitaliers ont une charge de travail particulièrement lourde.
L'emploi précaire augmente parmi les personnels non médicaux sans être
quantifié et le temps de travail du personnel de nuit, fixé dès 1994 sur la
base de 35 heures, soit 1 540 heures de travail par an, est plus favorable que
le récent décompte fixé par décret pour la fonction publique d'Etat, en
fonction de la réduction du temps de travail et réalisé sur la base d'une durée
de travail de 1 600 heures.
Il devient nécessaire de créer de vrais emplois statutaires pour compenser la
réduction du temps de travail sur la base de 10 % des effectifs, comme cela
avait initialement été envisagé.
Malgré le calendrier prévu pour les négociations statutaires relatives à
l'ensemble des filières professionnelles, l'impatience des cadres hospitaliers
s'accroît face aux réponses insatisfaisantes formulées par les pouvoirs
publics.
Les dossiers sont de plus en plus complexes à gérer, non seulement pour les
cadres mais aussi pour l'ensemble des personnels. Je pense au programme de
médicalisation du système d'information, le PMSI, à l'accréditation, à la
vigilance et à la pénurie d'effectifs. La durée réglementaire du travail est
devenue un concept abstrait, largement absorbé par une vie professionnelle
stressante et accaparante.
D'un côté, la profession exige un savoir-faire et une technicité
irréprochables ; de l'autre, elle ne donne aucune perspective sur les plans
salarial, promotionnel et social, en pénalisant la vie privée et la santé des
intéressés.
C'est pourquoi se posent un certain nombre de questions, qui sont importantes
tant pour vous que pour nous. La fonction publique hospitalière dans son
ensemble requiert de toute évidence une politique énergique : comment le
ministère de l'emploi et de la solidarité va-t-il juguler l'emploi précaire ?
Quelles mesures statutaires seront prises ? Un décret spécifique au personnel
hospitalier sera-t-il établi au sujet de la réduction du temps de travail ? Les
sujétions particulières liées à la pratique individuelle et collective des
métiers de l'encadrement hospitalier feront-elles l'objet d'une reconnaissance
formelle ? Quelles améliorations significatives seront portées aux grilles
indiciaires et au régime indemnitaire pour offrir une rémunération équitable,
aux cadres hospitaliers notamment ? Quelle harmonisation statutaire peut-on
envisager entre l'Etat et la fonction publique territoriale ? Quant seront
créés le statut d'attaché pour la filière administrative et les instituts
régionaux de cadres de santé qui représentent des priorités, pour les
organisations syndicales en particulier ? Enfin, ne pourrait-on officialiser la
représentation de l'encadrement hospitalier au sein d'un collège cadre unique
dans les comités techniques d'établissement ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, je vous
remercie de votre question, car elle me permet de souligner que ce sont d'abord
les personnels des hôpitaux qui font de notre système de soins l'un des
meilleurs au monde. Par conséquent, il faut que nous reconnaissions toute leur
place à ces personnels.
Je veux aussi souligner que le protocole du 14 mars 2000 va dans ce sens. En
effet, dans ce texte, il a été prévu, d'une part, de parler, à l'occassion de
la réduction de la durée du travail, de l'organisation du travail dans les
hôpitaux, pour l'ensemble des personnels, et, d'autre part, de négocier sur les
filières professionnelles. Je vais faire le point sur ces deux grands
chantiers, qui sont ouverts aujourd'hui.
En ce qui concerne la mise en place de la réduction de la durée du travail,
nous devons bien sûr prendre en compte la spécificité de la fonction publique
hospitalière.
J'ai ouvert ces négociations. Le premier objectif que j'ai fixé à mon
ministère, c'est de travailler avec les organisations syndicales d'ici à la fin
du mois de mars 2001, sur un cahier des charges permettant à chaque
établissement de réaliser un diagnostic de l'organisation existante. C'est
évidemment le premier pas.
Par ailleurs, la nouvelle réglementation fera l'objet de négociations avec un
objectif partagé par tous, à savoir disposer d'un cadrage national précis pour
que les établissements sachent dans quelle direction aller. C'est à la fin du
premier semestre 2001 que cette nouvelle réglementation devra être prête pour
donner aux établissements les moyens de préparer concrètement la nouvelle
organisation du travail adaptée à la réduction du temps de travail.
Les craintes qu'ont exprimées les personnels sont bien sûr compréhensibles
puisque nous sommes face à un changement de grande ampleur. Ces craintes
existeront sans doute jusqu'à la mise en place de la réduction de la durée du
travail. Le travail que nous allons faire à l'occasion de la réduction du temps
de travail va d'abord permettre de renouveler le dialogue social à tous les
niveaux. Il permettra aussi de créer des emplois, dont le nombre sera,
évidemment, connu une fois le diagnostic effectué et la négociation engagée. Je
ferai en sorte que les risques éventuels que vous évoquez, monsieur le
sénateur, ne puissent se concrétiser.
En ce qui concerne les filières professionnelles et l'encadrement, vous le
savez, des négociations sont en cours pour régler les situations que vous
relevez. Il est vrai que nous observons une insuffisante perspective dans
l'évolution des carrières et, quelquefois, un écrasement des grilles
indiciaires. Nous devons adapter la formation et reconnaître l'évolution des
missions des cadres. C'est un dossier lourd, qui débouchera sur des mesures
immédiates dont les effets se feront sentir à court terme ou à moyen terme,
s'agissant, par exemple, de la formation professionnelle.
Je sais que les missions des personnels d'encadrement ont beaucoup évolué. Les
travaux en cours doivent permettre de définir la fonction de cadre sur la base
d'un référentiel.
Vous savez peut-être que mon cabinet réunit aujourd'hui même les organisations
syndicales afin de faire le bilan des premières négociations, qui ont lieu
depuis le mois de novembre, de fixer les avancées et de donner les orientations
pour la poursuite des discussions.
Je vous signale que je mettrai en place, dans le courant de cette année, un
observatoire de l'emploi et des métiers hospitaliers, qui donnera au
Gouvernement les moyens de mieux prévoir sa politique dans ce secteur.
Voilà les travaux que le Gouvernement mène avec les organisations syndicales
et l'ensemble de la communauté hospitalière, afin de trouver des réponses aux
difficultés qui s'expriment aujourd'hui et que vous avez mentionnées, et pour
faire en sorte que l'hôpital et les professionnels qui y travaillent gardent ce
très haut niveau de performance qui nous est envié et qui assure la qualité des
soins dans notre pays.
M. Jean-Louis Lorrain.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Madame la ministre, je vous remercie de votre intervention. J'ai compris que
le travail se fait dans la durée et que le dialogue est renoué.
Néanmoins, je souhaiterais insister sur le fait que l'ajustement du temps de
travail ne peut pas être dissocié des opérations qui sont menées en matière
d'évaluation de nos hôpitaux, en particulier par l'ANAES, l'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé. Je sais, pour l'avoir vécu, que cette
agence travaille sérieusement, établit des bilans et permet d'intégrer le
personnel dans le diagnostic. Mais, pour améliorer les outils de santé, il faut
aussi que les personnels bénéficient de bonnes conditions de travail. Il
importe également de développer des rapports de confiance avec l'ensemble du
personnel, objectif qui, semble-t-il, avait été perdu de vue pendant un certain
temps.
M. André Maman.
Très bien !
MALAISE DES INFIRMIÈRES