SEANCE DU 30 JANVIER 2001
M. le président.
La parole est à M. Leclerc, auteur de la question n° 979, adressée à Mme la
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Dominique Leclerc.
Madame la secrétaire d'Etat, ce matin, j'attire votre attention sur le repos
de sécurité auquel tous les médecins hospitaliers, y compris les internes,
aspirent.
Récemment, vous avez accepté d'en inscrire le principe dans le statut des
médecins hospitaliers, mais pas dans celui des internes.
Une telle mesure implique une augmentation des effectifs ; or il me semble que
l'on ne s'engage pas dans cette voie.
De ce fait, le découragement qu'on observe depuis des années parmi les
internes, qui ont le sentiment d'être oubliés, s'accentue et les conséquences
en sont lourdes pour le bon fonctionnement des hôpitaux.
Je le rappelle, les internes sont des spécialistes en devenir : les études de
médecine durent six ans, l'internat quatre ans et le cliniquat quatre ans
également.
Les internes sont des personnes d'un certain âge qui assument des
responsabilités d'ordre humain et médical essentielles au bon fonctionnement de
l'hôpital.
Pour assurer la sécurité des patients, il faut des connaissances médicales,
mais aussi des effectifs. Or, comme j'ai personnellement pu le constater en me
rendant de façon anonyme dans un service de garde d'un centre hospitalier
universitaire un dimanche, les personnels sont débordés.
Madame la secrétaire d'Etat, depuis des mois, j'allais dire des années, la
presse fait part des cris d'alarme que lancent les médecins hospitaliers en
pleine détresse.
Il est grand temps de remédier à cette situation. La médecine à deux vitesses,
madame Luc, elle existe déjà. Lorsque vous ou moi arrivons dans un service,
nous bénéficions d'une prise en charge immédiate, mais ce n'est pas le cas pour
tout le monde !
Avec des gardes de nuit aux urgences qui enchaînent sur une journée de travail
ordinaire deux fois par semaine et des gardes deux week-ends par mois, comment
voulez-vous qu'il n'y ait pas de découragement chez les personnels et une
sécurité douteuse pour les patients ?
Surtout - j'attire votre attention sur ce point - comment ces professions
peuvent-elles être encore attractives pour des jeunes ? J'en témoigne,
aujourd'hui des jeunes de trente ans abandonnent ces filières qu'ils adorent
parce qu'il leur est impossible de mener de front une belle activité et une vie
personnelle : leur compagne, ou leur compagnon, n'accepte plus de telles
absences et de telles préoccupations.
Pour la chirurgie d'urgence et l'anesthésie notamment, les discours et les
bonnes intentions ne suffisent pas, et ces spécialités sont désertées. Les
jeunes ne peuvent plus humainement assumer et ont des doutes en matière de
sécurité.
Pour illustrer mon propos, je rapporterai que, la semaine dernière, dans un
grand CHU, il y a eu quinze décès dans un service. Assumer quinze décès,
rencontrer les familles quand on est âgé de moins de trente ans, croyez-moi,
cela demande des qualités dont, personnellement, je serais incapable de faire
preuve !
Madame la secrétaire d'Etat, vous êtes en charge de la santé, qui est notre
préoccupation majeure. La santé repose sur des jeunes et sur leurs compétences.
Il faut donc que nous mettions tous nos moyens pour que ces filières qui
s'adressent à des jeunes très enthousiastes, qui les choisissent par vocation,
puissent être pérennisées.
La situation est grave, et je vous le demande encore, madame la secrétaire
d'Etat : que comptez-vous faire en la matière ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, les modalités de la mise en place du repos de sécurité
dans les établissements de soins ont été négociées avec les organisations
représentatives de praticiens hospitaliers, en application du protocole
d'accord signé le 13 mars 2000. Le texte en préparation a fait l'objet de cinq
réunions de concertation avec les signataires de ce protocole et de nombreux
échanges avec eux.
Ce texte implique des modifications importantes dans l'organisation
hospitalière et des créations d'emplois médicaux, dans un contexte
démographique peu favorable. Ces modifications et la nécessité de pourvoir les
emplois créés conduisent nécessairement à laisser aux établissements un délai
de trois ans, délai raisonnable pour la mise en oeuvre du repos de sécurité.
Par ailleurs, l'arrêté modifiant celui de 1973 portant organisation des gardes
et astreintes médicales demeure un texte de transition au vu des confirmations
récemment apportées par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés
européennes concernant la définition des temps de travail des médecins.
Parallèlement à la négociation ouverte le 17 janvier dernier par Mme Elisabeth
Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, concernant la réduction du
temps de travail dans la fonction publique hospitalière, une négociation
spécifique sera prochainement ouverte avec les intersyndicales de praticiens
hospitaliers et les autres acteurs hospitaliers concernés. Cette négociation
définira les nouvelles organisations applicables au temps médical à l'hôpital
et permettra de procéder, après concertation, aux nécessaires évolutions des
textes statutaires spécifiques aux différentes catégories de praticiens
exerçant dans les établissements publics de santé.
Dans un premier temps donc, l'arrêté relatif au repos de sécurité fait
actuellement l'objet d'ultimes discussions interministérielles avant d'être
présenté au contreseing des ministres concernés.
M. Dominique Leclerc.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Madame la secrétaire d'Etat, j'ai écouté avec attention votre réponse et
toutes les bonnes intentions qu'elle révèle.
Vous l'avez compris, mon propos n'est pas de faire du corporatisme, comme l'on
dit dans la presse, mais il s'agit de répondre aux cris d'alarme que lancent
les internes. Il y a une réalité derrière tout cela !
A terme, l'application de la loi sur les 35 heures pourra apporter des
améliorations. Mais elle sera difficile à mettre en oeuvre et elle exigera des
moyens énormes en personnels soignants. Je le sais d'autant mieux que je
connais bien le système hospitalier et que j'occupe des fonctions dans le
conseil d'administration d'un établissement.
Aujourd'hui, l'aspect administratif est en train de prendre le pas sur
l'aspect soins. Il faut bien évidemment une bonne administration, mais une
telle évolution marque un recul car c'est la préoccupation de santé qui doit
primer.
Tout à l'heure, je disais qu'il fallait restaurer toute l'attractivité de
cette filière. Dans cet ordre d'idée, je m'insurge contre la manière dont sont
logés les jeunes internes dans certaines ville du sud.
Aucun directeur d'hôpital n'accepterait de loger des membres de sa famille
dans des locaux qui n'ont pas été refaits depuis quarante ans ! Or, ils n'ont
pas de crédits pour réaliser les rénovations nécessaires, mais les internes
sont bien obligés, après une dure journée de travail, de s'en satisfaire !
Madame la secrétaire d'Etat, de grâce, prenez en compte ces faits, dégagez les
moyens nécessaires. Il faut redonner une attractivité à ces filières afin que
la santé des Français soit assurée dans les meilleures conditions possible.
Je vous prie d'excuser la passion dont j'ai fait preuve, mais c'est un sujet
qui me tient à coeur.
PRISE EN CHARGE DES DIALYSÉS