SEANCE DU 23 JANVIER 2001
DATE D'EXPIRATION DES POUVOIRS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Suite de la discussion d'une proposition
de loi organique déclarée d'urgence
M. le président.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi organique, adoptée par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant la date
d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Marini.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui
se poursuit dans cet hémicycle n'a-t-il pas quelque chose d'irréel ?
M. Patrick Lassourd.
Absolument !
M. Philippe Marini.
Je voudrais tout d'abord poser cette question.
En premier lieu, ce débat est irréel car, parmi les collègues attentifs au
déroulement de nos délibérations, ne semblent pas figurer celles et ceux qui,
apparemment, seraient les plus motivés en faveur de la proposition de loi dont
nous débattons. Sans doute est-il regrettable que leur capacité d'écoute ne
leur permette effectivement pas de suivre l'intégralité de arguments évoqués
par les différents orateurs.
Ensuite, ce débat est irréel compte tenu du sujet dont nous traitons. En
effet, mes chers collègues, il y a lieu de s'interroger sur la finalité de ce
débat, et donc sur la nature du texte. S'agit-il véritablement d'un sujet
important, structurel, durable, portant sur les institutions de notre pays, sur
la manière dont on doit les comprendre et les pratiquer ?
S'agit-il, plus simplement, de préparer une échéance électorale présente dans
tous les esprits ? Il y a une ambiguïté, un flou, que l'on devrait, me
semble-t-il, s'efforcer de lever.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Philippe Marini.
En outre, mes chers collègues, il s'agit d'un débat irréel, car il est en
décalage manifeste par rapport aux préoccupations normales et communes de nos
concitoyens, et qu'il se trouve, en quelque sorte, plaqué sur une évolution
économique et sociale qui va se caractériser, par exemple, après-demain, très
probablement, par un blocage de nombreuses fonctions collectives. Lorsque nous
rentrons, en fin de semaine ou le soir, dans nos départements, dans nos villes
ou dans nos campagnes, nous avons un peu de peine à faire comprendre à nos
concitoyens l'importance et l'urgence de ce dont nous délibérons ici.
M. Alain Gournac.
Ça, c'est exact !
M. Philippe Marini.
Alors que bien d'autres sujets sont attendus par l'opinion publique, on nous
impose de délibérer en urgence de l'inversion du calendrier électoral.
De ce fait, mes chers collègues, ne donnons-nous pas, de même que les pouvoirs
publics constitutionnels, à l'opinion publique une impression tout à fait
désastreuse ? Nous savons bien, en effet, que nos institutions apparaissent
souvent comme étant en décalage par rapport aux préoccupations de l'opinion
publique. Nous savons bien que les réponses strictement institutionnelles ou
juridiques apportées à des problèmes réels et concrets sont mal comprises par
l'opinion publique.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Souvent !
M. Philippe Marini.
Cela me paraît être un véritable mal français dans lequel nous nous enferrons
sans cesse davantage. Véritablement, aujourd'hui, nous demande-t-on, dans nos
villes, dans nos communes, dans nos campagnes, dans nos départements, de régler
la question de la date des prochains scrutins ? Ne nous demande-t-on pas plutôt
de progresser dans le sens d'une politique fiscale raisonnable...
M. Patrick Lassourd.
Tout à fait !
M. Philippe Marini.
... dans le sens de prélèvements obligatoires maîtrisés, dans le sens d'une
véritable réforme de l'Etat ? Ne serait-il pas plus raisonnable, monsieur le
ministre, au lieu d'obliger les parlementaires à consacrer tout ce temps à
débattre de l'inversion des scrutins, de les faire entrer plus vite dans une
discussion qu'on leur fait « miroiter », dont on leur parle depuis des mois et
des mois, et qui concerne la réforme de l'ordonnance organique sur les finances
publiques ?
(Ah oui ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Ce
sujet ne devrait-il pas mobiliser davantage leurs énergies ?
M. Serge Vinçon.
Tout à fait !
M. Philippe Marini.
Je voudrais indiquer à ce propos que les membres de la commission des finances
ici présents ne peuvent qu'exprimer une certaine frustration. En effet, on
évoque des sujets extrêmement fondamentaux, et notamment la modification des
règles du jeu elles-mêmes, formant, en quelque sorte, la constitution
financière de la France. Ce point va certes commencer à être traité dès ce
mois-ci, semble-t-il, par l'Assemblée nationale. Mais, dans l'aménagement de
l'ordre du jour du Parlement, ne pourrait-il pas être prévu que ce dernier
concentre davantage son énergie sur des sujets vraiment porteurs d'avenir comme
celui-ci ?
Mes chers collègues, ce débat est donc irréel, mais il faut bien y
participer.
(Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Et, puisqu'il faut bien y participer - ainsi le veut l'ordre du jour, de même
que le fonctionnement de notre théâtre d'ombres -, il faut naturellement
reprendre un certain nombre d'arguments.
Il faut, en particulier, s'interroger sur les aspects constitutionnels du
problème.
Mes chers collègues, l'an dernier, nous avons assisté à un épisode tout à fait
étonnant, tout à fait paradoxal, qui, à la vérité, doit être relié à celui
d'aujourd'hui : nous avons vu le peuple français appelé aux urnes pour
apporter, par référendum, une modification à la Constitution, modification que
certains ont présentée comme essentielle et d'autres comme accessoire ; on a
même évoqué le caractère indifférent de la réponse du corps électoral.
Mais, au travers de ce référendum, une transformation, dont les conséquences
ont sans doute été mal mesurées, s'est produite. Nous avons également constaté
une désaffection sans exemple dans notre histoire politique récente de la part
du corps électoral, désaffection qui s'est traduite par un taux de
participation absolument dérisoire.
Mes chers collègues, n'est-ce pas un phénomène d'une extrême gravité ? Peut-on
ainsi impunément utiliser les textes fondamentaux, notre Constitution, pour en
faire en quelque sorte un enjeu de débats mécaniques, techniques ou visant
essentiellement à gérer des situations particulières dans les conditions
concrètes où l'on se trouve ? Ne devrait-on pas éprouver plus de respect pour
les textes fondamentaux ? Ne sommes-nous pas en train d'introduire notre pays
dans une nouvelle phase très grave d'instabilité constitutionnelle ? Vraiment,
mes chers collègues, est-il digne, est-il responsable d'appeler ainsi à terme
régulier et si fréquemment les parlementaires à se réunir en Congrès à
Versailles ? Depuis que j'ai l'honneur d'exercer ce mandat, mes chers
collègues, chaque année, nous avons le plaisir de cette petite excursion dans
le palais de nos rois.
M. Alain Gournac.
Il est si beau !
(Sourires.)
M. Philippe Marini.
Et si nous regardons le bilan de ces rectifications mineures, nous pouvons
nous demander si cela en valait réellement la peine. Monsieur le ministre, ne
faudrait-il pas envisager un nouveau véhicule juridique qui permettrait de
procéder périodiquement au toilettage nécessaire de la Constitution ?
M. Louis de Broissia.
Très bien !
M. Philippe Marini.
Un jour, je m'étais permis d'évoquer cela en conférence des présidents du
Sénat - c'était évidemment sur le mode de la plaisanterie, mais une
plaisanterie sérieuse - en parlant d'un projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre constitutionnel ! C'était une suggestion que je me
permettais de faire pour alléger les ordres du jour, pour permettre de
consommer de façon plus économe le temps des parlementaires, de ménager
l'attention des Français sur les sujets essentiels. En effet, un tel véhicule
un peu global permettrait de rectifier le texte constitutionnel en fonction de
nos engagements internationaux, mais aussi de l'adapter, voire de le
moderniser, pour autant que c'est nécessaire...
Bien entendu, il s'agissait d'une présentation volontairement paradoxale des
choses. Je ne sais pas si cet humour était bien placé, mais, au moins, il
révélait l'insatisfaction que nous pouvons vraiment exprimer compte tenu de la
façon dont sont traités nos textes fondamentaux.
Est-ce que véritablement, mes chers collègues, dans l'état actuel de la
société, dans l'état actuel de l'opinion, il faut en rajouter ? Faut-il, parce
qu'il y a sans doute des problèmes dans la vie politique, parce qu'il y a des
échéances à préparer, s'adresser au texte constitutionnel et le modifier
directement, comme on l'a fait par ce fameux référendum que je dirai « avorté »
de l'année dernière - avorté tant le taux de participation des électeurs était
faible -, référendum qui ne peut pas traduire une véritable légitimité
populaire, ou le modifier indirectement par le moyen de cette proposition de
loi organique dont nous sommes saisis et qui, si elle est significative, ne
l'est que parce qu'elle a l'ambition d'influencer sérieusement la pratique et
la vie de nos institutions ?
Alors, mes chers collègues, examinons un peu ces sujets en les globalisant, en
quelque sorte : nous ne pouvons pas lire, aujourd'hui, la proposition de loi
organique sur l'inversion des scrutins sans le quinquennat. Et, lorsque nous
réfléchissons rétrospectivement au quinquennat et à la position adoptée alors
par le Premier ministre et par le Gouvernement, ne devons-nous pas réviser les
analyses que nous faisions à l'époque et constater que, assurément, il y avait
là un détour qui devait nous conduire à l'inversion des scrutins ?
Cette référence au débat de l'an dernier me semble, mes chers collègues,
devoir être méditée. En effet, le Premier ministre a reçu subitement une sorte
de révélation ; il s'est en quelque sorte aventuré sur le chemin de Damas, et,
tout d'un coup, il a vécu un moment de remise en cause le conduisant à adhérer
à l'inversion des scrutins, alors que, jusque-là, il n'abordait cette question
qu'avec une extrême prudence.
Mais, à la vérité, a-t-il bien reçu cette illumination - je me permets de
poser très sérieusement cette question - et ne sommes-nous pas plutôt
confrontés à un jeu, à un détour, à une stratégie, à une tactique qui, dès la
période de préparation du quinquennat comportait le raisonnement selon lequel
il fallait aboutir à l'inversion du scrutin présidentiel et du scrutin
législatif ? Ne s'agit-il pas, en définitive, d'une machinerie véritablement
pensée par un esprit cohérent ? Je crois qu'il faut très sérieusement se poser
cette question.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Philippe Marini.
A la vérité, à quoi aboutissons-nous avec la combinaison, d'une part, du
quinquennat, et, d'autre part, de l'inversion du calendrier électoral ? Nous
aboutissons tout simplement, mes chers collègues, à changer de République.
M. Josselin de Rohan.
Exactement !
M. Philippe Marini.
Je voudrais solenniser ce point du débat. Monsieur le ministre, peut-être vous
interrogez-vous, sur les raisons pour lesquelles tant de sénateurs de la
majorité sénatoriale souhaitent s'exprimer dans ce débat, en avançant avec tous
les arguments nécessaires.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac.
C'est une vraie question !
M. Philippe Marini.
Ce point est essentiel !
M. Louis de Broissia.
Absolument !
M. Philippe Marini.
Pourquoi attachons-nous une telle importance à ce débat ? Ce n'est pas pour
des raisons secondaires ou de tactique électorale ; ce n'est pas parce que nous
voudrions gagner du temps pour aboutir à je ne sais quoi...
M. Henri de Raincourt.
Oh non !
M. Serge Vinçon.
Absolument !
M. Philippe Marini.
Ce n'est à l'évidence pas pour ces raisons ! C'est parce que nous avons le
sentiment que nous sommes en train de changer de République et que c'est là un
processus fondamentalement anormal. Je voudrais m'en expliquer en quelques
instants.
Bien entendu, mes chers collègues, le débat constitutionnel est légitime et
doit avoir lieu à termes réguliers ; mais il suppose que l'on sache raisonner
avec ordre et méthode, et que l'on confronte les points de vue en toute clarté,
en toute transparence. Oui, c'est vrai, la Constitution de 1958 est extrêmement
complexe, très précisément « paramétrée », si j'ose dire, et sa souplesse
d'adaptation aux circonstances a fait l'admiration tant des professeurs que des
étudiants ou des praticiens.
Mais aujourd'hui, nous le savons et nous le sentons, la Constitution de la Ve
République, à plus de quarante années de sa promulgation, est un texte au sujet
duquel il faut très sérieusement réfléchir.
Nous savons bien que, dans le monde où nous vivons, coexistent deux grands
modèles d'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics : le modèle
présidentiel et le modèle parlementaire. Et nous savons aussi que nous sommes
l'un des très rares pays dans le monde qui, qu'on le veuille ou non, se situent
quelque part entre le régime présidentiel et le régime parlementaire, dans un
équilibre subtil qui n'est ni toujours bien vécu ni bien pratiqué.
Quelle est la spécificité du modèle français ?
Elle est fortement liée, mes chers collègues, à la nature même de nos
institutions, à leur pratique, qui font que, pour que l'alternance joue, en
France, à la différence de ce qui se passe dans tous les grands pays
démocratiques, il ne faut pas gagner une élection, il faut en gagner deux.
Cette particularité remonte non pas à 1958 mais à 1962. La Constitution de
1958, telle que révisée en 1962, rend beaucoup plus difficile l'alternance.
D'ailleurs, monsieur le ministre, vos amis en ont éprouvé la difficulté dans
toute la période qui a précédé l'élection de François Mitterrand. Il leur a
fallu la force du verbe et la force de l'illusion, aujourd'hui révélée à maints
égards, de François Mitterrand pour arriver à inverser la dévolution des
pouvoirs publics constitutionnels en leur faveur.
Jamais depuis 1981, à l'exception d'une très brève période, de 1995 à 1997,
l'actuelle opposition n'est parvenue à obtenir que tant le
leadership
présidentiel que la majorité à l'Assemblée nationale lui reviennent
simultanément.
Il faut y réfléchir de manière particulièrement patiente et avisée, mes chers
collègues, car c'est bien là le caractère politique essentiel de la
Constitution telle qu'elle est aujourd'hui pratiquée. Les périodes de
cohabitation tendent à devenir la règle. Nous avons un Etat partagé, un Etat
qui vit dans la concurrence entre le Président de la République et le Premier
ministre, un Etat où l'on se surveille. Nous avons donc un Etat immobile,
immobiliste, qui ne peut que manquer, à l'évidence, les rendez-vous essentiels
de l'Europe et de l'histoire.
Et si l'on fait cette analyse, qui est à la fois juridique, politique et
historique, il faut alors, bien entendu, se poser sérieusement la question de
l'opportunité de l'organisation d'un vrai débat constitutionnel.
Je suis vraiment très choqué, monsieur le ministre, mes chers collègues, que
l'on évacue d'un revers de la main, sans discussion, tant le régime
présidentiel, caractérisé par l'indépendance des pouvoirs, que le régime
parlementaire rigoureux et rationalisé, tel qu'il peut exister, par exemple,
chez nos amis d'outre-Rhin.
Si l'on veut véritablement que les choses soient traitées de façon claire et
responsable devant l'opinion publique, ne faut-il pas ouvrir un grand débat sur
ces sujets ? Peut-on se contenter, mes chers collègues, du débat dérisoire sur
le quinquennat ? Peut-on se contenter du triste spectacle que donne l'examen de
cette proposition de loi sur l'inversion des scrutins ?
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Est-ce digne de la France ? Est-ce digne de la démocratie ?
M. Alain Gournac.
Non !
M. Philippe Marini.
On voudra bien me le pardonner, mais j'ai tendance à mettre dans le même sac
tant le quinquennat que l'inversion des scrutins.
M. Patrick Lassourd.
Absolument !
M. Philippe Marini.
Pourquoi priverait-on ce pays du débat auquel il peut légitimement aspirer
?
Faut-il considérer que, parce que le Prince-président a pris le pouvoir, un
certain 2 décembre, mettant fin ainsi à la IIe République, la France est, pour
l'éternité, complètement rebelle au régime présidentiel ?
Plus exactement, faut-il considérer que, parce que ce coup d'Etat a eu lieu,
un beau matin du XIXe siècle, la question du régime présidentiel est réglée une
fois pour toutes pour toutes les générations à venir dans ce beau pays de
France ?
Ne faut-il pas s'interroger sur un modèle où il y a, d'un côté, un Président,
avec son cabinet, et de l'autre, deux assemblées maîtrisant complètement la
législation, maîtrisant complètement les budgets, et disposant de tous les
moyens de travail nécessaires pour cela ?
Ce régime présidentiel, après tout, ne serait-il pas un cadre dans lequel
notre bicamérisme pourrait mieux s'exprimer ? Ce régime, qui suppose, bien
entendu, que le Parlement ne puisse pas renverser le cabinet du Président et
que le Président ne puisse pas dissoudre l'une ou l'autre chambre du Parlement,
ne serait-il pas, finalement, aux yeux des Françaises et des Français, dont on
nous dit qu'ils aiment la cohabitation, une forme de synthèse qui permettrait à
notre pays d'envisager une période nouvelle de son histoire ?
Pour ma part, je n'en suis pas persuadé, mais je pense qu'il est vraiment
opportun, voire nécessaire, qu'un débat de fond sur ce type de sujet puisse
avoir lieu.
De la même manière, mes chers collègues, à considérer la famille des régimes
parlementaires, qu'avons-nous à opposer aux Etats qui ont des systèmes clairs
et simples de contrat de mandature ou de législature, qui ont une majorité, une
opposition, qui ont un
leader
politique, le Premier ministre, qui assume
complètement ses responsabilités, avec au-dessus de lui, bien sûr, un symbole
national, qui peut être soit élu par les parlementaires, soit, le cas échéant,
élu au suffrage universel, ce qui déjà corrompt quelque peu le modèle ou le
rend plus complexe, mais qui n'est pas incompatible avec le régime
parlementaire, comme le montrent, par exemple, les constitutions autrichienne,
finlandaise ou irlandaise ?
Mes chers collègues, faut-il vraiment considérer qu'est vérité révélée, parole
d'évangile, le maintien de ce modèle hybride qu'est la Ve République ?
Peut-être suis-je en train de choquer mes chers collègues gaullistes en
exprimant ces doutes !
(Non ! sur les travées du RPR.)
Mais le génie du général de Gaulle
n'était-il pas d'exprimer une énergie active au service de notre pays et de son
histoire ? Peut-on, aujourd'hui, avoir la prétention d'assimiler tel ou tel de
nos chefs, de nos leaders politiques, au général de Gaulle ? Le général de
Gaulle est, à l'évidence, un personnage qui, par sa dimension, dépasse tous les
hommes politiques du moment, et ce n'est, bien sûr, faire injure à personne que
de le dire. C'est une réalité que l'histoire reconnaîtra.
Mais faut-il, parce que nos institutions sont nées en 1958, dans la seule
période de vraies réformes que notre pays ait connue tout au long du XXe
siècle, considérer que la constitution de la Ve République, parlementaire par
le droit, présidentielle par la pratique, doit continuer à vivre en l'état,
avec l'équilibre des pouvoirs constitutionnels qu'elle a décrit, sachant
qu'elle a déjà connu des évolutions majeures ?
La première évolution majeure date de 1962. Pourquoi a-t-elle eu lieu ? Parce
que le général de Gaulle, chacun s'en souvient, n'avait d'autre possibilité,
pour vaincre le système des partis, que de s'adresser directement au peuple.
M. Alain Gournac.
C'est exact !
M. Philippe Marini.
C'était la seule solution.
M. Christian de La Malène.
Et elle demeure la seule !
M. Philippe Marini.
Cela étant, le général de Gaulle savait fort bien que, ce faisant, il
transformait, pour des raisons étroitement liées au contexte de l'époque, la
constitution qu'il avait voulue pour les Françaises et les Français en 1958.
Nul ne peut faire à sa mémoire l'injure de penser qu'il n'avait pas conscience
du fait que l'élection du Président de la République au suffrage universel
allait modifier profondément la fonction et la pratique de ses successeurs. Il
en était parfaitement conscient. D'ailleurs, je suis certain, cher collègue
Philippe de Gaulle, que l'on peut trouver des écrits, des propos, qui
témoignent de l'existence de cette réflexion profonde tournée vers l'avenir,
tournée vers l'histoire.
Mais, encore une fois, il n'y avait d'autre solution, dans l'intérêt national,
que de s'adresser directement au peuple
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants)
pour vaincre l'opposition stérile de quelques castes qui ne
représentaient qu'elles-mêmes, qui étaient profondément éloignées des intérêts
fondamentaux de la population.
Notre constitution a ensuite évolué substantiellement lorsque l'on a vu le
Conseil constitutionnel accroître son rôle. Ce point me paraît devoir également
être médité.
Lorsqu'on nous a permis, à nous parlementaires, pourvu que nous soyons
soixante, de soumettre au contrôle du Conseil constitutionnel la loi votée,
c'est-à-dire lorsque nous avons accepté d'avoir face à nous une véritable cour
suprême constitutionnelle, on a, là encore, modifié substantiellement les
équilibres fondamentaux de la Ve République, et dans un sens qui n'avait pas
été anticipé dans les années soixante - je parle, naturellement, sous le
contrôle de gens plus experts que moi, des acteurs de cette époque, qui
pourront sans doute attester la vérité de ce propos.
Nous voyons bien, aujourd'hui, que, lorsque le Conseil constitutionnel rend
ses décisions, il tend systématiquement à appliquer une jurisprudence. Certes,
il ne se substitue pas au législateur, mais il encadre la législation dans
l'Etat de droit, et ce en se référant à un bloc de constitutionnalité - j'ai le
souvenir que notre ancien collègue Etienne Dailly aimait à en parler - qui
n'est pas seulement la Constitution de 1958, qui n'est pas seulement du droit
positif, qui est bien d'autres choses, une série de principes, une série de
règles qui, pour beaucoup, sont bien antérieurs à 1958.
C'est là une extension très importante du cadre normatif dans lequel nous
exerçons nos responsabilités. Que l'on puisse saisir systématiquement le
Conseil constitutionnel de tout texte susceptible de présenter des problèmes
d'interprétation, et que celui-ci se prononce en fonction de sa jurisprudence,
de la constitution de 1958, du préambule de ladite constitution ou de celui de
la constitution de 1946, de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen,
est aujourd'hui une réalité incontournable.
Je prends un exemple. Aujourd'hui, la commission des finances sollicite
systématiquement les groupes de la majorité sénatoriale, avant la promulgation
de chaque loi de finances, de chaque loi de finances rectificative et de chaque
loi de financement de la sécurité sociale - la commission des affaires sociales
exerce la même influence - et vous conseille, messieurs les présidents de
groupe, de bien vouloir user de ce droit constitutionnel de saisine du Conseil
constitutionnel de telle sorte que les lois précitées respectent bien les
règles et les principes par rapport auxquels il appartient au Conseil
constitutionnel de vérifier leur conformité. C'est là une évolution
substantielle par rapport à la constitution de 1958 telle qu'elle avait été
conçue à l'origine.
A présent, mes chers collègues, j'en viens au point précis de ce débat.
(Sourires.)
De quoi s'agit-il, en effet ? Monsieur le ministre, je vous ai écouté lors de
votre présentation de la proposition de loi, voilà déjà quelques jours.
M. Josselin de Rohan.
Lui, ne vous écoute pas !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Si !
M. Philippe Marini.
Avec l'inversion des scrutins, avec le quinquennat, les dissolutions devraient
être plus rares. C'est ce que vous nous avez dit ! Vous avez, en quelque sorte,
préjugé de l'exercice, par le Président de la République, du droit de
dissolution,...
M. Josselin de Rohan.
C'est très grave !
M. Alain Gournac.
Voilà !
M. Philippe Marini.
...droit qui, chacun le sait, n'appartient qu'à lui, et à lui seul.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Alors, monsieur Vaillant, voulez-vous, par cette proposition de loi
organique, voulez-vous, par votre lecture du quinquennat, approuvé à la légère
l'année dernière et par peu de Français,...
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
C'est le peuple !
M. Philippe Marini.
...voulez-vous transformer la Constitution de 1958 ? Ce n'est pas illégitime,
au reste, et vous avez bien le droit d'avoir de telles intentions. Mais,
monsieur Vaillant, de grâce, dites-nous la vérité !
(Marques d'approbation sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
Dites-le !
M. Philippe Marini.
Dites-nous l'essentiel, et non pas l'accessoire.
M. Alain Gournac.
Il faut que tout le monde sache !
M. Philippe Marini.
L'inversion des scrutins, c'est l'accessoire ; ce n'est que petite technique
;...
M. Serge Vinçon.
Voilà !
M. Philippe Marini.
... ce n'est que petite politique manoeuvrière et politicienne.
M. Alain Gournac.
Minable !
M. Philippe Marini.
C'est dérisoire parce que, après tout, monsieur le ministre, personne ne sait
dans l'intérêt de qui, à la vérité : les uns disent que les élections
législatives avant l'élection présidentielle leur seront plus favorables ; les
autres disent absolument le contraire. Il n'y a pas de rigueur en ce domaine,
et les sondages seraient bien incapables de démêler le vrai du faux.
D'ailleurs, comment pourrait-on aujourd'hui, si tôt dans l'année et si loin des
scrutins, avoir une idée quelconque sur leurs conséquences ?
Ce que nous pouvons simplement dire, nous qui sommes dans l'opposition, c'est
que si le Gouvernement procède à ce changement, c'est que ce n'est pas
contraire à son intérêt.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
C'est votre culture. Vous voyez la réalité à
votre image !
M. Philippe Marini.
C'est que nous savons que vous êtes de bons politiques et de bons
communicateurs, peut-être trop bons, d'ailleurs, parfois !
M. Dominique Braye.
Ce sont des politiciens !
M. Philippe Marini.
Nous jugeons à partir des expériences concrètes que nous avons sous les yeux
et nous disons : s'ils le veulent tellement, s'ils sont prêts à changer les
contours de leur majorité, s'ils sont prêts à revenir à une formule de type «
troisième force », de « fourre-tout », bref, à un machin incompréhensible
(rires sur les travées du RPR)
, c'est qu'ils ont bien une idée précise
derrière la tête ! On comprendrait mal que ce soit complètement gratuit, que le
Gouvernement fasse fi des avis de son aile gauche, représentée ici par nos
collègues du groupe communiste républicain et citoyen, qu'il fasse fi de
l'opinion de ses amis les Verts qui, eux-mêmes, sont aussi pluriels que la
majorité tout entière !
(Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
M. Daniel Goulet.
C'est bien vu !
M. Philippe Marini.
Est-ce vraiment un calcul politique ? Est-ce le retour à la politique de la
France unie ? Est-ce le retour à une espèce de méli-mélo de « troisième force
». Nous sommes en droit de nous poser ces questions.
(Exclamations sur les
travées du RPR.)
M. Alain Gournac.
On peut !
M. Patrick Lassourd.
Il y a de quoi !
M. Philippe Marini.
L'histoire de nos constitutions et de nos républiques est riche de bien
d'autres épisodes, ceux qui ont un peu de mémoire s'en souviennent. Après tout,
monsieur le ministre, ne seriez-vous pas en train de nous refaire le coup des
apparentements ?
M. Serge Vinçon.
Bien !
M. Josselin de Rohan.
Tout à fait !
M. Philippe Marini.
Ne s'agit-il pas de dispositions de pure convenance qui laissent présager un
changement de stratégie politique ? Monsieur le ministre, avec tout le respect
que je dois à vos fonctions, quand je vous demandais de nous dire l'essentiel
et non pas l'accessoire, c'est également à cela que je faisais allusion.
Dites donc la vérité, et commencez par la dire à vos propres amis et à vos
partenaires, au sein de votre majorité plurielle, pour leur permettre de se
situer en toute connaissance de cause.
Qu'est-ce que c'est que cette méthode ? On va, comme sous la IVe République,
débaucher l'un et l'autre dans les couloirs promettant, à celui-ci, son
université, à celui-là, sa piscine et, à un troisième, autre chose encore, tout
cela pour parvenir à fabriquer une majorité de rencontre, comme on l'a fait en
d'autres temps ?
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Monsieur le ministre, s'agit-il de cela ou d'une réforme fondamentale
touchant aux rouages de la Constitution ? La question est essentielle.
Je ne vous reprocherai jamais de poser un vrai problème - même si,
naturellement, nous divergeons sur la solution - je ne vous reprocherai jamais
d'ouvrir un vrai débat.
Oui, mes chers collègues, le débat sur les institutions de 1958 est un débat
nécessaire. Mais prenons-le méthodiquement, calmement, avec tout le temps
nécessaire et non pas au détour de textes tronqués et dont on s'efforce de ne
pas expliquer toutes les conséquences : comme on s'est efforcé, naguère, de
nous faire passer à côté du débat sur le quinquennat, on voudrait nous faire
croire, aujourd'hui, qu'il ne s'agit que d'un tout petit sujet de rien, d'une
petite initiative parlementaire qui ne change rien et qui, en définitive, ne
mériterait pas un examen législatif particulièrement attentif.
Il n'est que de consulter le rapport de notre collègue rapporteur à
l'Assemblée nationale : on peut y lire sans peine entre les lignes l'agacement
d'un homme qui s'étonne de ce que l'on veuille discuter, échanger et argumenter
alors que tout est réglé par avance, qu'il s'agit d'une évidence, une évidence
technique qui plus est, bref d'un ajustement de très faible ampleur, qui,
vraiment, ne mérite pas de retenir longuement l'attention du Parlement.
Mes chers collègues, voulons-nous une lecture présidentielle de la
Constitution ou une lecture parlementaire ? Voulons-nous que, demain et
après-demain, la cohabitation demeure une solution possible pour le
fonctionnement de nos institutions ? Ce sont les questions essentielles qu'il
nous faut trancher.
Nous avons derrière nous vingt années d'expériences institutionnelles, avec,
depuis 1981, des phases de correspondance de la majorité présidentielle et de
la majorité parlementaire, et des phases de dissociation, en d'autres termes de
cohabitation. Nous retournant vers le passé, considérant ces périodes de
cohabitation, pouvons-nous véritablement être fiers ?
Je ne parle même pas des convictions, des idéologies que nous pouvons
véhiculer les uns ou les autres, qu'il s'agisse de la gauche - des socialistes,
des communistes - de la droite ou du centre. Quelle que soit la lecture que
nous avons des événements, quelles que soient nos convictions, si nous en
avons, nous devons avoir la lucidité de nous interroger : avec les périodes de
cohabitation, avons-nous laissé un bel héritage à notre pays ? Avons-nous
enrichi le patrimoine issu d'une histoire multiséculaire ? Avons-nous préparé
l'avenir ? Avons-nous fait en sorte que ce pays soit à la hauteur de ses
ambitions, nécessairement élevées, que ce pays soit au rendez-vous pour
rivaliser, de manière très pacifique, bien entendu, avec ses voisins et
partenaires au sein de l'Union européenne ?
Mes chers collègues, véritablement, voulons-nous orienter notre pays dans le
sens d'un régime présidentiel ou dans le sens d'un régime parlementaire ?
A la vérité, nous sommes, vous le savez, le seul pays en Europe, avec un autre
dont je vais vous dire un mot, à nous situer un peu au milieu du gué et à faire
de la cohabitation la lecture la plus fréquente des institutions, du moins pour
la période récente. Ces deux pays que j'évoquais sont la France, bien sûr, et
un pays ami, la Pologne, pays que j'aime beaucoup et dont je vous parle en
connaissance de cause, monsieur le ministre, puisque je suis le président du
groupe d'amitié France-Pologne au sein de cette assemblée.
Regarder la France et la Pologne, pays extrêmement individualistes, pays où
l'on aime le panache,...
M. Josselin de Rohan.
Absolument !
M. Philippe Marini.
... pays où l'on aime les débats,...
M. Josselin de Rohan.
Et les partis, aussi !
M. Philippe Marini.
... pays où les forces politiques sont très fragmentées, pays où les
alternances sont brutales, mais pays merveilleux, pays disposant d'un génie
national absolument irremplaçable, pays dotés d'une énergie inépuisable.
Eh bien ! ce sont les deux seuls, chacun à une extrémité de l'Europe
démocratique, à vivre ainsi des cohabitations et des rivalités entre un
Président de la République et un Premier ministre.
Alors, véritablement, mes chers collègues, sommes-nous sur la bonne voie avec
le débat qui se poursuit dans cet hémicycle ? Sommes-nous sur la bonne voie en
nous référant, comme vous l'avez fait dans votre intervention, monsieur le
ministre, aux seuls arguments de procédure, arguments tout à fait secondaires,
tout à fait spécieux, notamment sur les délais pendant lesquels les députés
élus pourraient signer en faveur de candidatures à l'élection présidentielle ?
Va-t-on nous faire croire que c'est avec des considérations de cette nature,
tout à fait ancillaires, tout à fait accessoires, qu'il faut aborder un sujet
tout aussi fondamental que celui de l'évolution de nos institutions ?
Il y aurait encore beaucoup à dire sur tous ces sujets et j'avais encore
préparé bon nombre d'arguments, mais peut-être vais-je conclure...
M. Alain Gournac.
Non !
(Sourires.)
M. Philippe Marini
... sur la procédure d'urgence, puisque, paraît-il, notre débat s'inscrit dans
ce cadre-là.
La procédure d'urgence est un autre cas très surprenant de l'application qui
est faite de nos règles constitutionnelles. Prenons deux exemples de textes
ayant fait l'objet d'une déclaration d'urgence : la proposition de loi
organique sur l'inversion du calendrier électoral, dont nous discutons
actuellement, et un projet de loi que j'ai eu l'honneur et l'avantage de
rapporter il y a peu dans cette assemblée et qui reviendra d'ailleurs
prochainement en débat, je veux parler du projet de loi sur les nouvelles
régulations économiques.
Monsieur le ministre, vous qui étiez ministre chargé des relations avec le
Parlement, un ministre avec qui nous avions plaisir à dialoguer au sein de la
conférence des présidents, vous vous souvenez sans doute de l'insatisfaction
que j'exprimais à propos d'une urgence qui n'en était pas une.
Les nouvelles régulations économiques, c'est un « truc » qui est né en
septembre 1999 - si mes souvenirs sont faux, monsieur le ministre, n'hésitez
pas à m'interrompre.
(Rires sur les travées du RPR.)
Le projet de loi a fait l'objet d'une
discussion en première lecture à l'Assemblée nationale au début de l'année
suivante et au Sénat à la rentrée d'automne, d'un examen en commission mixte
paritaire au mois de décembre, donc juste avant la fin de l'année 2000, puis
d'une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale ce matin. Ce texte reviendra au
Sénat après les vacances de février.
Vous savez que nous aspirons tous à ces vacances parce que nous parlons
beaucoup...
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Et travaillez peu !
M. Philippe Marini.
... et que nous travaillons avec ardeur, monsieur le ministre ! Nous avons
donc naturellement besoin de ces vacances pour nous consacrer à nos « terrains
» municipaux et cantonaux !
(Sourires et applaudissements sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
Avec cet exemple, mes chers collègues je voulais vous montrer qu'il y avait
urgence et urgence !
M. Alain Gournac.
Cela, c'est vrai !
M. Philippe Marini.
Le texte que nous examinons en ce moment est également frappé de la
déclaration d'urgence. Alors il faut faire fi de toutes les consultations
auxquelles on devrait procéder. La commission des lois fait pourtant tout son
possible. On ne va tout de même pas prétendre que nous aurions pu, en deux
journées d'audition, faire le tour des points de vue des constitutionnalistes
sur tous les sujets que je n'ai fait qu'effleurer de manière extrêmement
rapide, et sommaire !
(Sourires.)
Mes chers collègues, j'en suis
d'ailleurs confus, pour la qualité de nos travaux.
Mais, encore une fois, il y a urgence et urgence ! Le projet de loi relatif
aux nouvelles régulations économiques devait être examiné en urgence en raison
du problème de Michelin. Il fallait que le Premier ministre n'ait pas l'air
d'être complètement impuissant à l'égard des puissances de l'argent, du mur de
l'argent, de la mondialisation ou de je ne sais quoi encore, bref de toutes ces
données évidemment très importantes. Il y avait urgence et Dominique
Strauss-Kahn a trouvé la solution : il a déposé son texte en urgence !
Seulement le texte ne sera promulgué finalement que deux ans, à peu de choses
près, après que l'idée a été lancée ! Il y a donc urgence et urgence !
En conclusion, mes chers collègues, ne pourrait-on prendre le temps
nécessaire...
M. Alain Gournac.
Oui !
M. Philippe Marini.
... pour véritablement lancer dans ce pays le débat constitutionnel ? Ce débat
ne concerne pas seulement les assemblées ; il concerne aussi les citoyennes et
les citoyens. Il devrait être organisé de manière à les intéresser,...
M. André Vallet.
Absolument !
M. Philippe Marini.
... afin que l'on cesse de nous dire que nous vivons dans une bulle, que les
institutions et le monde politique sont moribonds, et que les politiques
eux-mêmes ne s'occupent pas de l'essentiel !
Monsieur le ministre, rendez plutôt le débat constitutionnel aux Françaises et
aux Français, rendez-le à l'opinion publique ! Cela suppose de le prévoir et de
l'organiser sur de bonnes bases, en toute clarté, sans faux-semblants ni
manoeuvres politiciennes. C'est ce que je souhaite très profondément du fond du
coeur à notre pays pour son avenir !
(Bravo ! et applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre maintenant nos travaux ; nous les
reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à seize heures
cinq.)