SEANCE DU 16 JANVIER 2001
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, auteur de la question n° 952, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Dinah Derycke
Monsieur le ministre, permettez-moi d'abord de vous féliciter pour les
résultats encourageants que vous avez obtenus l'année dernière dans la lutte
que vous menez pour diminuer le nombre de victimes sur nos routes. Ma question
a trait à ce problème.
Le 29 juin 1999, je vous interrogeais sur l'opportunité de la mise en place
d'une mesure destinée à introduire dans l'enseignement du permis de conduire
une formation pratique et courte aux cinq gestes qui sauvent.
L'un des principaux arguments que vous aviez alors opposés à ce projet, repris
depuis dans plusieurs propositions de loi émanant de tous les groupes tenait au
danger qu'il y avait à « accorder un crédit à une unité de valeur de portée
inférieure » à huit heures.
Comme vous le savez, cet élément de réponse est le fruit d'une réflexion menée
par l'observatoire national du secourisme.
Je souhaite donc attirer votre attention sur les très nombreuses formations
qui sont proposées par de multiples associations et qui sont inférieures à huit
heures.
Ainsi, la Croix-Rouge française organise très régulièrement une session de
formation aux premiers gestes qui sauvent. Tel a été le cas dans le département
du Nord, où elle a formé 7 500 collégiens. Tel a aussi été le cas, lors de la
période estivale, dans les régions de villégiature où des formateurs
proposaient au grand public un enseignement en quelques heures des gestes qui
sauvent.
Le 13 septembre dernier, la Croix-Rouge française a lancé une campagne
nationale dont l'objectif est de former 20 % de la population française aux
réflexes de survie, à des gestes simples, vitaux, qui s'apprennent à tout âge
et en quelques heures.
La Croix-Rouge enseigne ces gestes, dont la mise en position latérale de
sécurité, en un minimum de deux ou trois heures. Cette formation est, de plus,
essentiellement pratique. Elle est même relayée par six fiches techniques sur
le site internet de cette organisation, ainsi que par des brochures distribuées
en pharmacie.
Aussi, monsieur le ministre, aimerais-je connaître votre position sur ces
initiatives, qui, si l'on s'en tient à l'analyse de l'observatoire national du
secourisme, pourraient constituer des dangers pour les victimes de la route.
Le comportement à adopter en présence d'un accident de la route ne fait pour
l'instant l'objet que d'une formation théorique et incomplète dans le cadre du
permis de conduire.
Il m'apparaît qu'une formation courte destinée à enseigner des gestes simples,
des automatismes, permettrait de sauver nombre de vies. Le permis de conduire
serait l'occasion rêvée pour sa mise en oeuvre, parce qu'il touche une
population très importante et possède un caractère responsabilisant.
De nombreux Etats voisins ont inscrit cet examen dans le permis de conduire et
en sont, après plusieurs dizaines d'années, totalement satisfaits, même si
l'estimation des vies ainsi sauvées sur la route ou en dehors est difficile à
quantifier.
Ne serait-il pas opportun de mener une étude pilote, en concertation avec les
associations, sur une telle mesure susceptible de sauver chaque année plusieurs
centaines de vies dans notre pays ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Madame la
sénatrice, vous avez souligné les résultats encourageants obtenus l'année
dernière en matière de sécurité routière. C'est vrai, le nombre des tués sur
les routes de France est passé de 8 400, en 1998 ; à 7 600. On voit le chemin
parcouru !
Cependant, d'une part, les résultats sont toujours fragiles et ; d'autre part,
le bilan est encore très lourd. Il faut donc poursuivre, voire amplifier, nos
efforts et ne régliger aucune piste pour sauver des vies humaines. Tel est
d'ailleurs le sens de votre question.
Depuis juin 1997, le Gouvernement a réuni trois fois le conseil
interministériel de la sécurité routière - je rappelle qu'il ne l'avait jamais
été entre 1994 et 1997. Des suggestions ont été faites. Celles des promoteurs
de ce qu'il est convenu d'appeler les « cinq gestes qui sauvent » ont, à ce
titre, été analysées et étudiées avec attention. Il en ressort que le problème
est plus complexe qu'il n'y paraît.
La prise en compte dans le programme de formation des candidats au permis de
conduire de trois de ces cinq « gestes » témoigne de notre préoccupation à cet
égard, les thèmes « protéger, alerter et secourir » devant obligatoirement être
abordés au cours de l'apprentissage du code de la route et des questions
pouvant être posées à ce sujet au cours de l'examen.
Il est cependant apparu que les deux derniers gestes étaient d'une tout autre
nature puisqu'ils supposent une intervention sur les victimes elles-mêmes.
Avant toute décision sur l'opportunité d'une formation aux premiers secours
dans ce cadre, j'ai demandé l'avis de l'observatoire national du secourisme,
placé sous l'égide du ministère de l'intérieur ; chargé de la sécurité civile,
et dont la Croix-Rouge est membre, tout comme les pompiers, les SAMU et les
services de secours en général.
Sa commission spécialisée dans le domaine de la formation a estimé qu'il
n'était pas opportun de rendre obligatoire cet apprentissage. Ses arguments
tiennent compte, d'une part, de la position défavorable de la Commission
européenne dans un contexte d'harmonisation du permis de conduire et, d'autre
part, de l'absence de référence scientifique pour la brochure « Les cinq gestes
qui sauvent ». Elle constate, en outre, le fait que tout conducteur impliqué
dans un accident routier perd souvent une partie de ses moyens de réaction et
qu'il n'est pas le mieux placé pour porter secours aux blessés.
Enfin, la commission spécialisée a confirmé l'avis précédent de la commission
nationale du secourisme, qui estimait que l'attestation de formation de base
aux premiers secours, dont l'enseignement est sanctionné par un diplôme
constituait l'unité minimale de valeur rteconnue par l'Etat. Cette formation,
aujourd'hui d'une durée minimale de douze heures, est une condition préalable
indispensable pour intervenir sur un blessé.
Si le développement de cette formation plus large que celle qui est proposée
par la Croix-Rouge est donc souhaitable dans le cadre de l'éducation à la
citoyenneté, il ne saurait, à nos yeux, être lié pour l'instant, à la seule
formation à la conduite, qui comprend déjà une sensibilisation sur ce thème.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le ministre, vous venez de me faire la même réponse qu'il y a six
mois. Je ne peux m'en satisfaire, dans la mesure où je demandais qu'il y ait au
moins une étude pilote sur ce sujet.
Il est tout de même paradoxal que la commission spécialisée consultée affirme
que deux gestes sont dangereux et que les organismes qui siègent dans cette
commission organisent ici ou là, sur les plages ou ailleurs, la formation à ces
gestes en deux ou trois heures ! Si ces gestes sont vraiment dangereux, il ne
faut pas les laisser enseigner.
J'ajoute que nombre de revues traitent de ce sujet. Cette semaine encore, j'ai
trouvé chez mon pharmacien une revue éditée sous l'égide d'organismes de
pharmaciens où l'on expliquait, à l'aide d'illustrations, ce qu'était la
position latérale de sécurité.
Il conviendrait que les futurs conducteurs apprennent de tels automatismes.
Cela aurait, en outre, le mérite, vous en conviendrez sans doute, monsieur le
ministre, de les responsabiliser. Des cours de ce type dispensés juste avant la
prise en mains d'un volant leur permettraient de bien comprendre que conduire
c'est aussi mettre sa propre vie et celle des autres en danger.
Voilà pourquoi je réitère ma demande, monsieur le ministre, qu'une véritable
étude soit menée dans les pays qui ont mis en oeuvre cette mesure, afin de voir
pourquoi ils la conservent et quel bénéfice ils en tirent.
TRACÉ DU CANAL SEINE-NORD