SEANCE DU 19 DECEMBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Lassourd, auteur de la question n° 949, adressée à M. le
ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Patrick Lassourd.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement
sur les difficultés auxquelles nous sommes confrontés pour gérer les fonds
européens, en raison, notamment, de procédures excessivement bureaucratiques,
en particulier s'agissant des concours du Fonds européen de développement
régional, le FEDER, et, plus spécifiquement, des programmes LEADER.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple d'un GAL de trois cantons,
comptant 35 000 habitants en Ile-et-Vilaine. Sur un programme LEADER II
comportant soixante dossiers, pour un montant total de dépenses de 16 087 133
francs - quand je dis de dépenses, il s'agit de programmes, d'actions -
j'extrairai un seul dossier, qui concerne la réalisation d'une maison de pays
dans un chef-lieu de canton destinée à être un lieu d'animation, une
permanence, ce qui est très important, surtout en milieu rural. Cette
réalisation a donné lieu à la production de 567 factures acquittées, que la
préfecture d'Ille-et-Vilaine me réclame ; mais elle n'est pas la seule à le
faire. En effet, il faut que je fournisse neuf exemplaires de ce dossier : pour
l'Etat, la région, le département, les archives, quelquefois pour le GAL...
soit au total 5 103 factures acquittées certifiées conformes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est Kafka !
Je m'en suis ouvert au préfet de l'Ille-et-Vilaine, avec qui j'entretiens les
meilleures relations. Il m'a bien évidemment indiqué qu'il ne faisait
qu'appliquer la réglementation. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement
sur la bureaucratie excessive que requiert ce système. Une ou deux personnes
sont affectées à la gestion de cette paperasserie, au lieu de rechercher, de
définir ou porter des projets ?
Par ailleurs, la France se caractérise par une sous-consommation des crédits
européens. Celle-ci est en très grande partie liée à la complexité des
procédures, imposées par la délégation à l'aménagement du territoire et à
l'action régionale, la DATAR, et propres à la gestion de ces dossiers.
Ne serait-il pas plus simple de travailler sur des factures acquittées
certifiées par le porteur de projet ? Rien n'empêche par la suite les services
de la préfecture d'effectuer des contrôles sur pièces et sur place.
Ne serait-il pas également possible, de définir, dans chaque département, un
pilote unique, afin qu'une seule collectivité puisse instruire avec le GAL les
dossiers et collecter tous les documents qui lui sont nécessaires ?
Je souhaiterais que ces procédures soient supprimées. Nous entrons dans une
nouvelle vague de fonds européens, notamment au titre du programme LEADER, avec
le programme LEADER Plus. Le programme LEADER est très important, très
intéressant pour des secteurs défavorisés, des secteurs ruraux. C'est là que
nous mettons en place des services aux personnes. L'initiative locale se trouve
transformée et fortement aidée. C'est très important. Il faut mettre fin à
cette complexité administrative, car elle est tout à fait déplorable !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le sénateur, la
description que vous faites de ce monde kafkaïen m'inspire quelques
remarques.
Tout d'abord, le choix de la Commission européenne a été, pour un ensemble de
300 millions d'habitants, de n'avoir qu'une petite administration, comptant 16
000 personnes, soit l'effectif administratif d'un département français
moyen.
La contrepartie de la délégation des responsabilités aux territoires
nationaux, régions, Länder ou autres, c'est une réglementation stricte pour
s'assurer du bon usage des fonds européens et éviter tout dérapage. La France
n'était pas concernée, mais l'expertise des concours du FEDER en Italie, il y a
maintenant longtemps, a révélé des usages de ces fonds tout à fait surprenants.
On comprend donc le souci de la Commission européenne.
S'agissant de la France, la sous-consommation des crédits européens est un
fait avéré. Chacun peut le constater en lisant les statistiques portant sur les
cinq ou six dernières années, à l'heure des bilans des périodes de
contractualisations pluriannuelles. Cela résulte sans doute autant de la
complexité des procédures et de l'instruction des dossiers que, peut-être, du
caractère un peu concentré de nos dispositifs comparativement à ceux de
quelques pays voisins qui savent sans doute faire descendre la décision plus
près des acteurs et du terrain.
Mais c'est un sujet que, j'imagine, vous aurez à coeur, avec d'autres,
d'aborder à l'occasion du débat qui va s'ouvrir sur la deuxième phase de la
décentralisation puisque c'est, je crois, un des éléments qui sont pointés dans
le rapport que M. Pierre Mauroy a remis au Premier ministre voilà maintenant
quelques semaines. Ce sera l'occasion de tenter de rapprocher au plus près du
terrain les décisions en matière de fonds européens.
Vous décrivez aussi le processus dans lequel il y a à la fois la règle - et je
crois qu'il est sain qu'il y en ait une et qu'elle soit claire - et le souci,
notamment pour la période qui s'ouvre de 2000 à 2006, de redéfinir des éléments
de procédure très clairs, qui puissent permettre aux acteurs de mieux s'y
retrouver.
D'ailleurs, s'agissant précisément de l'Ille-et-Vilaine, un travail a été fait
avec les services administratifs pour étudier comment, tout en respectant la
réglementation, on pouvait alléger la procédure de réalisation. C'est une
affaire autant de règlements que de psychologie de ceux qui ont à les appliquer
: rigueur dans la gestion des fonds publics et peut-être un peu plus de
souplesse dans l'application des textes afin de rendre plus facile et plus
fluide la capacité à mener à bien des projets en lien avec les acteurs
locaux.
Les consignes qui ont été données devraient, je crois, de ce point de vue,
répondre à votre souci et, je l'espère, permettre à d'autres, demain, de ne pas
connaître autant d'affres et de difficultés pour satisfaire aux obligations
administratives.
M. Patrick Lassourd.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
Monsieur le secrétaire d'Etat, loin de moi, évidemment, l'idée qu'il puisse
n'y avoir aucun contrôle sur l'utilisation des fonds européens. Il faut qu'il y
ait un contrôle, cela me paraît évident, de façon à ne pas connaître des
dérapages, des dérives, qui seraient tout à fait condamnables.
Je pense que le problème porte davantage sur les modalités du contrôle que sur
le principe du contrôle lui-même, que je ne remets pas en cause. Je dois vous
dire, à cet égard, que j'entretiens les meilleures relations avec la préfecture
d'Ille-et-Vilaine, à laquelle je me suis ouvert de ces difficultés. Elle n'en
peut mais, obligée qu'elle est d'appliquer la réglementation en vigueur.
Vous avez évoqué la décentralisation. Certes, monsieur le secrétaire d'Etat.
Encore faut-il que la haute administration ne mette pas des bâtons dans les
roues pour empêcher une décentralisation voulue par les politiques. Or c'est
une tendance que j'ai souvent observée.
Néanmoins, je veux être optimiste. J'ai noté votre souhait que des procédures
nouvelles soient désormais appliquées pour l'attribution des fonds européens,
notamment dans le prochain programme 2002-2006. J'espère qu'elles
correspondront aux souhaits que j'ai moi-même exprimés et gommeront les
difficultés que j'ai évoquées.
M. le président.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux
; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures
cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)