SEANCE DU 19 DECEMBRE 2000
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 916, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement vient de réaffirmer fortement
sa priorité pour les transports interurbains au fret ferroviaire et aux modes
alternatifs à la route. Il se fixe l'objectif de doubler au minimum le trafic
ferroviaire de fret à l'horizon 2010.
En tant qu'élue communiste, je ne peux qu'approuver ces orientations, comme le
fait d'ailleurs la quasi-totalité de la population. Or la décision de mettre un
terme à la rame 5034 du dernier train postal de l'Hexagone serait en
contradiction totale avec ces orientations.
Aujourd'hui, le transport du courrier par la route représente environ 76 % du
trafic total alors que le transport ferroviaire atteint 4 %, soit trois TGV et
un train poste autonome, celui de Paris-Besançon précisément. Sa suppression
serait d'autant plus aberrante que ce train donne entièrement satisfaction et
qu'une étude du coût d'exploitation annuel du transport par fer sur la base de
251 trajets aller et retour établit en 1998 les frais à 11 600 000 francs par
an pour ce convoi ferroviaire, alors que le coût des camions à prestations
égales est estimé à 12 096 000 francs.
Quant à la rapidité, le train relie Paris à Besançon en trois heures quarante,
durée qui pourrait, avec l'avènement du TGV, baisser jusqu'à deux heures
quarante, tandis que les experts évaluent la durée du trajet routier entre cinq
heures trente et sept heures.
Les populations concernées, les élus, de nombreuses associations, les
syndicats et jusqu'à vos collègues ministres se sont émus de cette menace de
fermeture.
Je prends acte que La Poste a reporté l'arrêt du train postal, qui devait
intervenir le 5 décembre, au 30 décembre pour laisser place à la concertation
même si je constate que seuls quelques colis et quelques écoplis sont encore
embarqués dans le train. Il s'agit, en fait, d'une quarantaine de containers
sur les 250 qu'il transportait quotidiennement. La majorité de sa cargaison est
déjà transférée par camions. Le train roule mais il s'agit presque d'un train
fantôme.
Cette situation engendre déjà d'importants mécontentements dus aux retards de
livraison de la presse, qui ne sont que les prémices d'une détérioration
durable en cas de suppression définitive du train.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les hésitations de la direction de La Poste
mettent la SNCF, qui a des créneaux horaires difficiles à gérer sur une ligne
qui est déjà fréquentée, dans une situation extrêmement périlleuse. Pour
trouver une solution, il est indispensable, à mon avis, que par votre action
vous fassiez en sorte qu'un service public tel que La Poste soit en cohérence
avec ce qui s'est dit il y a quelques jours aux assises européennes du
ferroutage et revienne donc définitivement et sans plus tarder sur la mise à
mort programmée du dernier train postal.
Monsieur le secrétaire d'Etat, où en est ce dossier ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Madame la sénatrice, vous posez une
question importante, et je voudrais vous rassurer.
Mon collègue M. Gayssot et moi-même voulons naturellement, sous l'impulsion de
M. le Premier ministre, mettre en place un système de transports de nature à
faire conquérir au fret ferroviaire toute la place que ce mode de transport
doit avoir dans une politique équilibrée des transports et respectueuse de
l'environnement.
C'est dans cet esprit que la politique de transport de La Poste - je suis
formel - ne la conduit nullement à se désengager du rail par principe. Elle est
et restera un partenaire important de la SNCF.
Ainsi, elle a investi dans l'acquisition de rames de TGV sur l'axe
Paris-Méditerranée, et elle s'associe à l'extension et à la modernisation de ce
réseau en affectant 20 millions de francs d'ici à 2001 et 40 millions de francs
en 2004 pour passer à la norme « 300 kilomètres/heure ». Vous voyez que La
Poste ne néglige absolument pas le train.
Quant au trafic lettres à destination de la Franche-Comté, il est acheminé,
pour partie, par le TGV postal
via
le terminal de Mâcon.
C'est un souci de qualité et de performance qui anime La Poste. Elle souhaite
maîtriser la croissance des flux de trafic. Cela l'a amenée à automatiser les
traitements et à favoriser, en aval de ses activités, innovation technologique
et emploi.
Dans ce contexte, l'organisation traditionnelle en rames postales, mise en
place à l'origine pour effectuer le tri sur le parcours, disparaît
progressivement. La rame postale de Paris à Besançon est actuellement affectée
au seul transport - vous l'avez souligné dans votre question - d'un trafic
résiduel par sa quantité, mais important par sa signification, puisqu'il s'agit
du transport de la presse. A l'arrivée, les colis doivent être transbordés sur
des véhicules routiers - il y a donc rupture de charge - pour desservir les
départements de destination, en particulier la Haute-Saône.
Les éditeurs de presse sont particulièrement attentifs à la qualité du service
rendu, qui est essentielle pour fidéliser leurs abonnés.
Malgré l'énormité de son trafic, à savoir 24 milliards d'objets par an, La
Poste ne contribue que pour 1,5 % au trafic routier de fret à l'échelon
national.
Très attentif aux préoccupations exprimées par les élus, j'ai demandé à
l'entreprise, comme je m'y étais engagé devant vous, de consacrer tout le temps
nécessaire à la concertation. Un dialogue est en cours entre La Poste et la
SNCF, associant les élus locaux, pour imaginer des solutions alternatives
cohérentes avec les obligations de qualité du service public et sa nécessaire
performance au regard de celle de ses concurrents. Quelles que soient les
solutions retenues à l'issue de cette concertation qui durera plusieurs mois,
l'emploi n'est aucunement menacé.
Le service public du courrier, que nous défendons au sein de l'Union
européenne avec l'appui des parlementaires nationaux et européens, ce sont
d'abord 90 000 facteurs qui rendent chaque jour un service de proximité
irremplaçable et très apprécié de la population.
Je souligne, à cet égard, l'importance du vote par le Parlement européen, le
14 décembre dernier, à une majorité écrasante, d'un compromis, dans la
perspective de la future directive européenne, qui assure la pérennité du
service universel postal dans les pays de l'Union.
Votre question, madame Borvo, et la réponse que j'y apporte s'inscrivent dans
cette perspective dynamique de défense de La Poste et, bien entendu, de la
SNCF.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ferai d'abord une remarque personnelle :
nous vous avons beaucoup aidé à défendre les intérêts de La Poste en Europe
!...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
Mme Nicole Borvo.
En ce qui concerne le train postal Paris-Besançon, votre réponse n'est pas
entièrement satisfaisante.
Vous dites que la concertation va durer plusieurs mois : j'espère qu'elle sera
réelle et qu'elle aboutira.
Dans le cas de la suppression du train Paris-Besançon, ce sont huit poids
lourds qui desserviraient Mulhouse par Besançon, Belfort par Vesoul et
Lons-le-Saulnier, avec des capacités allant de quarante à douze tonnes selon
les jours de la semaine, la majorité des liaisons « retour » se faisant avec
des camions vides de matériels postaux, hormis la réexpédition systématique et
nombre pour nombre des conteneurs vides.
Le train postal, en revanche, est chargé dans les deux sens et il ne met
actuellement que trois heures quarante, durée qu'il est possible d'abaisser
d'une heure.
Par ailleurs, le transport par la route aurait des effets néfastes sur
l'environnement et la sécurité. Ai-je besoin de rappeler que le secteur des
transports routiers contribue pour 25 % environ aux émissions de gaz à effet de
serre ?
On le voit, les arguments s'accumulent en faveur du maintien de ce train, et
l'on comprend la sensibilisation des élus et de la population à ce cas
particulier.
Il est vraiment urgent d'engager le débat le plus large possible sur le
véritable coût de l'acheminement du courrier par la route et sur l'intérêt du
développement du transport ferroviaire pour les produits postaux.
Je souhaite, bien sûr, que ce débat débouche sur le maintien de la liaison
Paris-Besançon par train postal.
ARMES DES AGENTS DE POLICE MUNICIPALE