SEANCE DU 18 DECEMBRE 2000
M. le président.
Par amendement n° 71, MM. Arthuis, Belot, Demilly, Fréville, Michel Mercier,
Monory, Richert, Vecten et les membres du groupe de l'Union centriste proposent
d'insérer, après l'article 5
ter,
un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Après l'article L. 3334-7-1 du code général des collectivités
territoriales, il est inséré un article ainsi rédigé :
«
Art. L...
- Il est créé, au sein de la dotation globale de
fonctionnement des départements, une dotation dont le montant est égal à la
part des dépenses prises en compte, pour l'application des dispositions du I de
l'article 13 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une
couverture maladie universelle, correspondant à des frais de gestion, au
règlement de contentieux d'assurance personnelle et à la prise en charge de
plus de quatre trimestres de dépenses d'aide médicale au cours de l'exercice
1997.
« Cette dotation est répartie entre les départements par la commission
mentionnée à l'article L. 1614-3. »
« II. - La dotation globale de fonctionnement est majorée de 409 millions de
francs. Cette majoration n'est pas prise en compte dans le montant de cette
dotation pour l'application du I et du II de l'article 57 de la loi de finances
pour 1999.
« III. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration de la
dotation globale de fonctionnement prévue au II est compensée par la création
d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Nous changeons de sujet, puisque nous abordons la question des finances
locales.
A la suite de l'instauration de la CMU, des ajustements en matière de dotation
globale de décentralisation ont dû être opérés et, comme c'est le cas
normalement, un arrêté a fixé le montant des charges transférées des
départements à l'Etat. Lors de la publication de cet arrêté, soixante et un
départements ont constaté des écarts assez importants entre les montants
calculés par leurs services et ceux qui étaient fixés par l'arrêté.
A la suite de ce désaccord, une discussion s'est engagée. L'assemblée des
départements de France s'est concertée avec le ministère de l'intérieur. Chaque
département concerné a d'ailleurs pu fournir l'attestation de son
trésorier-payeur départemental certifiant l'origine des écarts constatés.
Après ces différentes réunions de travail, le montant des ajustements pris en
compte s'élevait à 512 millions de francs. Or, très curieusement, dans le
collectif qui nous est proposé, les ajustements sur la dotation générale de
décentralisation représentent non pas 512 millions de francs, comme nous
aurions pu le supposer à la suite de cette concertation - elle n'avait pas, je
le conçois parfaitement, de valeur juridique - mais simplement 100 millions de
francs. Ces ajustements, qui ont été acceptés, concernent des erreurs de
relevé, des dépenses non médicales, des recettes non prises en compte et des
avances de trésorerie. En revanche, étaient refusés les frais de gestion pour
64 millions de francs, des contentieux d'assurance personnelle pour 227
millions de francs et des dépenses reportées en 1997 pour 117 millions de
francs.
Tel est le contentieux et il faut le résoudre, me semble-t-il, dans l'esprit
des lois de décentralisation : chaque fois qu'il y a un transfert de charges
entre l'Etat et les collectivités locales, il faut d'abord en évaluer le
montant de la façon la plus juste possible à partir des comptes administratifs,
puis faire en sorte que l'Etat compense aux collectivités locales le manque à
gagner.
Comment procéder ? On ne peut pas, dans le cadre des dispositions de
l'ordonnance de 1959 portant loi organique, prévoir une majoration de la DGD.
Par conséquent, mes collègues et moi-même avons pensé que la bonne façon d'agir
était tout simplement de créer, pour l'écart entre ce qui avait été constaté,
d'une part, et ce qui avait été accepté - à peine un cinquième - par le
Gouvernement, d'autre part, un concours particulier de la DGF de manière à
rétablir l'équité et l'esprit des lois de décentralisation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous abordons l'un des deux sujets importants
relatifs aux finances locales contenus dans le collectif budgétaire.
L'amendement présenté par M. Fréville, dont MM. Arthuis et Demilly sont
cosignataires, tend à éviter que la mise en place de la CMU ne porte un
préjudice financier aux départements en leur remboursant, par la voie d'un
concours particulier au sein de la DGF, le trop-perçu par l'Etat au titre de la
dotation générale de décentralisation.
Le problème a été rappelé par M. Fréville : après une expertise de
l'administration, à laquelle la commission consultative sur l'évaluation des
charges a donné mandat au cours de sa réunion du 16 décembre 1999, les
départements considèrent que le prélèvement sur leur DGD est supérieur de 513
millions de francs à ce qu'il aurait dû être. Or 104 millions de francs
seulement sont prévus au titre des ajustements sur la DGD.
Je vais essayer d'analyser brièvement l'écart entre ces deux montants. Mais,
auparavant je formulerai une remarque et j'apporterai deux précisions.
Tout d'abord, en 2000, madame la secrétaire d'Etat, la couverture maladie
universelle semble avoir été une bonne affaire financière pour l'Etat. Outre la
réduction de la DGD des départements supérieure de 409 millions de francs à ce
qu'elle aurait dû être, on observe que l'Etat n'a pas dépensé ce qu'il avait
prévu : 7 milliards de francs étaient inscrits au projet de loi de finances
pour 2000 et, en fin d'exercice, la consommation sera égale au mieux à 5,5
milliards de francs.
Comment l'Etat a-t-il choisi de gérer cet écart entre les ressources et les
dépenses ? Il aurait pu décider de réduire le taux des contributions demandées
aux compagnies d'assurances, mais il a préféré annuler 1,5 milliard de francs
sur le budget de la santé et de la solidarité. Si l'on ajoute les 409 millions
de francs économisés sur la DGD au 1,5 milliard de francs annulé, on observe
que la CMU a permis à l'Etat de réaliser près de 2 milliards de francs
d'économie en 2000, ce qui, bien entendu, est mal perçu par les départements,
et il faut le comprendre.
J'en viens aux précisions. En premier lieu, madame la secrétaire d'Etat, le
collectif budgétaire majore la DGD de 173 millions de francs et non de 104
millions de francs. Mais il faut être précis, les 68 millions de francs restant
relèvent des traditionnels ajustements de la DGD, par exemple en raison des
mouvements de personnels ou de l'évolution des partages de services. En second
lieu, la loi du 27 juillet 1999 portant création de la CMU n'a rien prévu pour
corriger les marges d'erreur dans l'appréciation des dépenses des départements
correspondant à l'aide médicale. S'il existe bien un abattement de 5 %, il a
pour objet de corriger les doubles comptes, et notamment les dépenses liées au
RMI que les départements prenaient jusque-là indûment en charge.
Une fois ces précisions apportées, mes chers collègues, interrogeons-nous sur
la question de savoir comment s'explique l'écart entre les évaluations du
Gouvernement et celles des départements.
Tout le monde s'accorde sur les 104 millions de francs, qui correspondent à
des erreurs de relevés, à des dépenses non médicales, à la correction d'erreurs
après consultation des trésoriers-payeurs généraux et aux avances de trésorerie
prévues par le code de la sécurité sociale.
Demeurent les 409 millions de francs. Ils résultent, à mon sens, de trois
éléments.
Il s'agit, d'abord, des dépenses correspondant à la prise en charge, en 1997,
d'un cinquième trimestre, c'est-à-dire le règlement de dépenses correspondant à
un exercice antérieur.
Il s'agit, ensuite, du règlement de contentieux. Les dépenses correspondantes
ont pu majorer celles de l'exercice 1997 alors qu'elles étaient
exceptionnelles. Je citerai un exemple qui m'a été notamment soumis, celui du
département de la Somme : ce département devrait voir chaque année sa DGD
réduite d'une somme de 28 millions de francs correspondant au règlement d'un
contentieux avec l'URSSAF intervenu en 1997. C'est important, 28 millions de
francs sur 409 millions de francs pour un seul département ! Cela aurait dû
rester ponctuel et ne concerner qu'un seul exercice. Or, par un effet
mécanique, cela vient limiter les droits de ce département à la DGD chaque
année.
Il s'agit, enfin, des frais de gestion, dont le cas est particulièrement
surprenant : ces frais de gestion qui n'ont pas été pris en compte par le
Gouvernement relèvent de la même logique que les avances de trésorerie qui,
elles, ont été prises en compte par le Gouvernement.
Ces éléments correspondent au financement de l'externalisation de la gestion
des dossiers d'aide médicale aux caisses de sécurité sociale dans les
conditions prévues par le code de la sécurité sociale. Les départements qui
avaient choisi d'externaliser par la procédure du versement de frais de gestion
sont donc pénalisés par rapport à ceux qui géraient eux-mêmes les dossiers
d'aide médicale. Ce cas de figure est d'autant plus choquant que ces frais de
gestion correspondent à des frais de personnel, alors que la loi sur la CMU
précise bien que le prélèvement sur la dotation générale de décentralisation
est calculée à partir des dépenses d'aide médicale.
Il est dès lors indispensable, madame la secrétaire d'Etat, que le
Gouvernement explique point par point pourquoi il refuse de prendre en compte
ces différentes dépenses que je viens de rappeler.
En conclusion, je souhaite insister sur deux points.
En premier lieu, l'incertitude actuelle dans le recensement des dépenses
d'aide médicale qui doivent être déduites de la dotation générale de
décentralisation des départements risque de donner lieu à de nombreux
contentieux. Nous savons que cinq ou six tribunaux administratifs sont déjà
saisis.
En second lieu, le peu de cas qui est fait des avis de la commission
consultative sur l'évaluation des charges est tout à fait regrettable. La loi
du 27 juillet 1999 prévoit, vous le savez, que la réduction de la dotation
générale de décentralisation est fixée pour chaque département par arrêté
conjoint des ministres chargés des collectivités territoriales et du budget,
après avis de la commission. Madame la secrétaire d'Etat, cet arrêté est-il
paru ? Je ne l'ai pas trouvé au
Journal officiel
.
Le dispositif qui est proposé par l'amendement présenté par M. Fréville pour
remédier à cette difficulté me conduit à la conclusion suivante.
Il est suggéré de majorer la DGF de 409 millions de francs et de créer un
concours particulier au sein de la DGF des départements. Une majoration de la
DGD aurait sans doute été préférable, car plus claire. Mais l'article 40 de la
Constitution prévoit que le Gouvernement peut seul procéder à une telle
majoration de dépenses. Dès lors, la solution qui est ici proposée s'imposait.
C'était la seule possible.
Au terme de toutes ces explications, malheureusement un peu longues, mais le
sujet est assez technique et il est très important pour nombre de départements,
la commission des finances émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Dans le présent collectif budgétaire, le Gouvernement
propose, au-delà des ajustements techniques, de majorer de 104 millions de
francs les crédits de la DGD, afin de restituer à certains départements les
montants qui ont été prélevés à tort sur leur DGD au titre de la mise en place
de la CMU.
Si des ajustements supplémentaires étaient opérés à hauteur de 400 millions de
francs, ce qui est le sens de l'amendement n° 71, ceux-ci me paraîtraient très
contestables, ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, ils ne correspondraient pas strictement aux critères qui sont
posés par la loi du 27 juillet 1999 selon lesquels l'assiette du prélèvement
est constituée des dépenses qui sont consacrées à l'aide médicale et qui sont
inscrites dans les comptes administratifs de 1997 des départements.
Deuxièmement, pour tenir compte des différents aléas qui ont pu affecter ces
dépenses en 1997, la loi du 27 juillet 1999 avait prévu un abattement de 5 %
sur l'assiette des dépenses prises en compte pour effectuer le prélèvement sur
la DGD.
Par conséquent, le prélèvement de DGD qui a été opéré dans le cadre de la mise
en oeuvre de la CMU a été minoré de 500 millions de francs pour tenir compte du
fait qu'au moment où se mettait en place ce dispositif on savait que certaines
dépenses inscrites aux comptes administratifs des départements de 1997 étaient
entachées d'aléas. Cette disposition a fait l'objet de débats devant votre
Haute Assemblée lors de l'examen de cette loi de 1999. D'ailleurs,
préalablement au vote de ce texte, l'assemblée des départements de France
s'était concertée avec le ministère de l'intérieur et le ministère de
l'économie et des finances pour examiner cette question de l'écrêtement de 5
%.
Si un ajustement devait être opéré à titre complémentaire, notamment pour
tenir compte des frais de gestion versés à des tiers - vous les avez évoqués,
monsieur le rapporteur général - ou bien des dépenses exceptionnelles imputées
par certains départements sur 1997, cela irait donc au-delà de ce que prévoit
la loi de 1999 et devrait avoir pour contrepartie logique - j'attire votre
attention sur ce point - une majoration de l'écrêtement des départements qui se
trouvent dans des situations inverses.
Donc, puisque nous examinons les demandes formulées par soixante et un
départements qui se disent privés d'une DGD qui leur serait due, à l'inverse,
si nous devions remettre en cause le dispositif, il conviendrait d'examiner ce
qui se passe pour les départements qui ne formulent aucune demande.
S'agissant de la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle,
j'insiste sur le fait qu'en transférant sur l'Etat et, pour la partie régime de
base, sur la sécurité sociale, des charges qui incombaient, depuis 1983, aux
départements, on aboutit à un résultat tout de même extrêmement important car,
en fait, c'est sur l'Etat que reposera dorénavant la charge de la croissance
future du dispositif, et non sur les départements.
Pour l'avenir, donc, les départements sont « désintéressés », si je puis dire,
s'agissant d'une dépense qui, on le sait, va croître et dont l'Etat assumera
tout le poids.
En ce qui concerne le règlement de charges transférées dans le cadre des lois
de décentralisation, les règles générales de la décentralisation veulent que
tout ajustement passe par la dotation générale de décentralisation et non par
la dotation globale de fonctionnement, comme proposé à l'amendement n° 71.
Enfin, je tiens à rectifier une erreur que j'ai commise à l'Assemblée
nationale et préciser à M. le rapporteur général que la commission consultative
sur l'évaluation des charges ne s'est effectivement pas encore prononcée,
contrairement à ce qui a pu apparaître dans les colonnes du
Journal
officiel.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 71.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, mes chers collègues, ne croyez pas que je sois
insensible à cette affaire. Moi aussi, je gère, comme vice-président chargé des
finances, le conseil général de mon département et c'est une question qui
intéresse tous les départements.
Mes chers collègues, la question, au fond, est assez simple à poser, pas
forcément simple à résoudre : ou l'Etat doit aux départements ou il ne doit
pas. Pour l'instant, j'ai bien lu l'objet de l'amendement n° 71 de notre
collègue M. Jean Arthuis et de ses amis, mais je ne sais pas d'où sortent ces
chiffres ou qui les a évalués. Ont-ils été évalués de façon contradictoire ? Je
l'ignore.
Par conséquent, la première chose serait tout de même que nous puissions avoir
un arbitrage impartial : oui, il y a une dette ; non, il n'y en a pas et, s'il
y en a une, voilà de combien elle est. Et nous pourrions alors nous rallier au
chiffre obtenu.
Or, je le dis amicalement à nos collègues, c'est aller un peu vite en besogne
que de trancher aujourd'hui. Moi, je n'ai jamais vu passer ces éléments
autrement que dans les travaux de l'association des présidents de conseils
généraux, pour laquelle j'ai un grand respect, mais j'aime bien avoir l'opinion
contraire.
La deuxième chose, c'est que non seulement nous ne réglons pas convenablement
la question, puisque l'on ne sait pas si le chiffre est bon ou s'il n'est pas
bon, mais, comme l'ont dit d'ailleurs M. le rapporteur général et Mme le
secrétaire d'Etat, nous le réglons d'une manière techniquement inappropriée. En
effet, les 104 millions de francs qui sont inscrits dans le collectif sont à la
DGD. Et nous proposerions, de notre côté, d'inscrire 409 millions de francs à
la DGF ? C'est-à-dire qu'il y aurait deux solutions différentes pour régler la
même question ?
J'ai bien compris les motivations des auteurs de l'amendement, qui sont d'une
grande habileté, et ils ont raison : sur la DGF, c'est un prélèvement sur
recettes, et on peut contourner l'article 40, alors que, sur la DGD, cela crée
une charge, et il y a automatiquement l'article 40.
Est-ce que vous pensez, mes chers collègues, que c'est une bonne solution
d'avoir ces deux dotations, à supposer que l'amendement soit voté, inscrites à
deux endroits différents alors qu'elles visent à compenser les mêmes choses
?
J'ajoute, monsieur Fréville, mais vous le savez très bien, puisque vous siégez
au comité des finances locales avec moi, que la DGF des départements, comme
d'ailleurs la DGF des communes, est péréquée. Donc, on va péréquer la somme de
409 millions de francs que vous proposez d'ajouter à la DGF des départements,
tant et si bien que certains départements toucheront plus que ce à quoi ils
peuvent prétendre et d'autres moins.
Nous serions beaucoup plus rassurés, en tant que parlementaires, mais aussi en
tant que gestionnaires de départements, si le Gouvernement nous disait qu'il
réunit très vite la commission consultative sur l'évaluation des charges - j'ai
cru comprendre que cela allait être le cas - et qu'en fonction des chiffres qui
seront arrêtés par cette commission, dont je dois dire qu'elle fonctionne
depuis la loi Defferre et qu'elle n'a jamais fait preuve de beaucoup de
complaisance à l'égard de personne, ni des élus ni de l'Etat, le Gouvernement
serait prêt à tirer les conséquences, sans chercher à ergoter ou à mégoter.
D'ailleurs, si le Gouvernement cherchait à mégoter après un avis de la
commission consultative sur l'évaluation des charges, il pourrait se retrouver
au Conseil d'Etat avec,
in fine,
des arrêts qui lui seraient
défavorables.
Par conséquent, monsieur le rapporteur général, nous pourrions considérer, si
vous en étiez d'accord, l'amendement n° 71 comme un amendement d'appel. Si Mme
le secrétaire d'Etat prenait l'engagement que j'ai dit, plutôt que de monter
cette « usine à gaz » absolument épouvantable qui fait que, demain, je vais
peut-être toucher moins que ce à quoi j'ai droit ou plus que ce à quoi j'ai
droit, parce que d'autres toucheront moins, ce serait beaucoup plus simple pour
tout le monde.
M. Yves Fréville.
Mais non ! Il n'y a pas de péréquation !
M. Michel Charasse.
Je pense que nous allons vers la péréquation. La DGF des départements est
péréquée ; il existe déjà un prélèvement sur les département pauvres. Moi, je
préfère être prudent ! Franchement, si le Gouvernement s'engageait sur cette
question, ce serait beaucoup plus simple.
M. Philippe Adnot.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
J'ai, moi aussi, déposé un amendement d'appel, mais à l'article 7, pour ouvrir
le débat et vous offrir l'occasion de répondre aux questions que nous nous
posons sur ce sujet, madame le secrétaire d'Etat.
Permettez-moi d'abord un rappel. Le dispositif n'a pu être mis en place qu'au
terme d'un accord entre les départements et le Gouvernement. Nous avons été des
partenaires tout à fait loyaux lorsqu'il s'est agi de définir les conditions
dans lesquelles la CMU allait être mise en place.
Vous avez reconnu, j'en prends acte, que la commission consultative sur
l'évaluation des charges ne s'est pas encore prononcée, contrairement à ce qui
a été dit à l'Assemblée nationale. En qualité de membre de cette commission, je
n'aurais pas manqué de vous faire observer que cette commission avait décidé,
ce jour-là, de faire procéder à une enquête par tous les préfets et à une
validation des comptes par tous les payeurs départementaux. C'est d'ailleurs ce
qui a été fait.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Exactement !
M. Philippe Adnot.
La contestation de départ portait sur 780 millions de francs. Après passage
devant les préfets et les payeurs départementaux, après concertation avec des
représentants du ministère de l'intérieur - je représentais les départements au
sein de cette commission - nous avons reconnu d'un commun accord que nous
pouvions travailler sur la base d'un peu plus de 500 millions de francs.
Monsieur Charasse, les sommes en cause sont avérées et acceptées par le
Gouvernement comme par les départements.
M. Yann Gaillard.
Pas par le ministre !
M. Philippe Adnot.
Le travail interministériel n'y est pour rien. Simplement, les faits sont là
et les chiffres sont avérés.
Il importe de bien s'entendre sur le sujet. Les frais de gestion n'ont pas été
pris en compte, alors qu'ils auraient dû l'être manifestement.
S'agissant du contentieux d'assurance personnelle, je prends l'exemple d'un
contentieux vieux de plusieurs années. C'est comme si l'on avait concentré sur
l'année de référence l'ensemble des contentieux. Il eût été plus judicieux de
suivre une logique de
pro rata temporis
et d'examiner les contentieux
dans leur durée, parfois quatre ou cinq années, sans se limiter à l'année de
référence. Là, on peut travailler ; on peut discuter. Mais on ne peut pas
bloquer sur une seule année un contentieux et dire aux départements : « Pas de
chance, ce n'est pas cette année que vous auriez dû le régler, on ne va pas en
tenir compte ! »
Madame le secrétaire d'Etat, je pense qu'on peut également discuter sur les
problèmes de trimestre. Un certain nombre de départements ont voulu réclamer en
prétendant que le bon trimestre à retenir, c'était non pas le premier trimestre
de l'année de référence, mais celui de l'année suivante.
On ne peut pas jouer à ce jeu-là : on prend l'année de référence, c'est-à-dire
les quatre trimestres, sans les mélanger avec le trimestre suivant.
Vous le voyez donc, madame le secrétaire d'Etat, il y a matière à discussion.
Nous vous demandons aujourd'hui - mais vous allez avoir de nouveau ce débat à
l'Assemblée nationale, et il sera peut-être encore plus serré qu'ici - de
rouvrir le dossier, d'engager une discussion. Nous avons mis en place d'un
commun accord des groupes de travail pour évaluer la réalité du contentieux et
les problèmes posés. On ne peut pas s'en sortir avec des arguments du type des
5 % d'écrêtement. Il n'y a pas d'équivoque à cet égard, les 5 % ont déjà servi
pour les doubles comptes et ne peuvent servir une deuxième fois.
Je pense, madame le secrétaire d'Etat, qu'il vous faut aujourd'hui nous dire
très clairement que, conformément à la décision de la commission consultative
sur l'évaluation des charges et dans le droit-fil du travail qui a été effectué
entre le ministère de l'intérieur et les départements, vous allez remettre
l'ouvrage sur le métier et trouver une solution acceptable par tous.
M. Yves Fréville.
Très bien !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
La commission consultative sur l'évaluation des
charges travaille actuellement sur la base des demandes formulées par un
certain nombre de départements. Mais ce n'est pas à vous que je dois
l'apprendre, monsieur Adnot, car, faisant partie de cette commission, vous
savez mieux que personne ce sur quoi elle travaille.
Cette commission travaille donc sur un certain nombre de sujets en liaison
avec le ministère des finances et le ministère de l'intérieur. Elle a soulevé
diverses questions qui sont actuellement réexaminées.
Des questions sont également posées par des départements qui jugent qu'ils ont
été mal servis, si vous me permettez cette expression, dans le cadre de la
répartition des enveloppes de DGD, à la suite de la réforme de la couverture
maladie universelle.
Pour l'instant, nous ne disposons pas des résultats de cette évaluation mais,
en tout état de cause, si l'on suivait votre logique, monsieur Adnot, on serait
conduit à mettre à plat non seulement les demandes des soixante et un
départements qui considèrent que les attributions de DGD ne sont pas correctes
mais également celles de tous les autres. En effet, il me semble que, parmi les
silencieux, certains ont dû, symétriquement, recevoir un peu plus que ce qu'ils
auraient dû. De ce point de vue, si cette démarche doit être menée, elle doit
l'être jusqu'au bout !
Quant à l'écrêtement de 5 %, si l'on suit votre logique, il devrait être «
remis au pot ». L'Etat devrait donc le reprendre, puisqu'il l'a laissé à
l'intérieur de la DGD, pourrait-on dire, si l'on veut adopter une démarche
purement analytique.
(M. Philippe Adnot fait un signe de dénégation.)
Je ne crois pas qu'il soit dans votre intention de remettre en cause les 480
millions de francs ou 500 millions de francs que représentent les 5 %
d'écrêtement sur la DGD, qui ont été maintenus, de fait, à l'intérieur de la
DGD précisément pour tenir compte des aléas que pouvait emporter la référence -
qui est la référence légale - aux dépenses figurant dans les comptes
administratifs de 1997.
Mais je ne pense pas que tel soit le sens de votre intervention ; à défaut, je
ne vois pas comment nous pouvons trouver une solution par ce canal.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je suis vraiment très attristé de la réponse que vous
venez de nous faire, madame le secrétaire d'Etat.
Nous comprenons bien que la proposition du Gouvernement relève d'une logique
budgétaire : après avoir fait des arbitrages, vous estimez ne pas pouvoir «
lâcher » plus de 100 millions de francs. Telle est votre décision, soit ! Mais
n'allez pas nous emballer le tout dans une « analyse », encore moins dans une «
logique ». Il n'y a strictement aucune logique dans cette position ; il n'y a
là strictement rien de cohérent au regard des principes qui régissent la
compensation des compétences tranférées.
Vous ne nous dites pas, madame le secrétaire d'Etat, pourquoi vous traitez de
façon différente les avances de trésorerie et les frais de gestion.
Reprenez les textes de base en la matière, le code de la sécurité sociale,
notamment : vous y lirez que les frais de gestion et les avances de trésorerie
sont assimilés.
Relisez l'article L. 182-3 résultant de la loi du 29 juillet 1992, par
exemple. Il est bien clairement dans l'intention du législateur de traiter de
manière concomitante les avances de trésorerie et les frais de gestion. De
plus, pourquoi déduire les frais de gestion qui ne sont pas des dépenses d'aide
médicale ? Toutes ces questions nous semblent rester totalement sans
réponse.
Par ailleurs, madame le secrétaire d'Etat, nous ne pouvons pas ne pas réagir à
votre interprétation des 5 %. Nous estimons que cet abattement a été mis en
place pour tenir compte des aspects spécifiques du RMI et des doubles comptes.
Elle a bien fait l'objet d'une concertation entre les services de l'Etat et les
représentants des conseils généraux, qui s'est traduite dans l'article 13 de la
loi du 27 juillet 1999 relative à la couverture maladie universelle.
Enfin, il ne me semble pas convenable - et là, je me réfère à l'intervention
de M. Charasse - de jeter un doute sur le chiffrage. Celui-ci, et M. Adnot l'a
fort opportunément rappelé en tant que témoin et comme participant, résulte de
l'expertise de l'administration elle-même, réalisée à la demande de la
commission consultative sur l'évaluation des charges.
M. Michel Charasse.
Je ne le savais pas !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le débat est utile. Il nous permet de progresser
ensemble.
Il n'y a aucun doute sur le chiffrage. Madame le secrétaire d'Etat, nous
comprenons que vous ayez des impératifs budgétaires, mais ne les requalifiez
pas en essayant de trouver des raisonnements autojustificatifs lorsque ces
derniers ne sont pas conformes à la logique et à la pratique de la
décentralisation.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville
M. le rapporteur général a très bien répondu à Mme le secrétaire d'Etat en ce
qui concerne la question des 5 %.
Je souhaite simplement apporter une précision à M. Charasse afin de le
rassurer. Le chiffrage de l'amendement s'appuie bien entendu sur les
évaluations de la commission consultative sur l'évaluation des charges.
L'amendement précise que la répartition de cette dotation sera effectuée dans
les mêmes conditions par cette commission et il n'y aura donc en aucun cas une
péréquation entre des départements.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 5
ter
.
Article additionnel avant l'article 6