SEANCE DU 7 DECEMBRE 2000


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2001. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Agriculture et pêche (p. 2 )

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'agriculture ; Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la pêche ; Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour le développement rural ; Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les industries agricoles et alimentaires ; Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole ; Roland du Luart, Bernard Joly, Gérard Le Cam, Jean-Marc Pastor, Jean Bizet, Pierre Jarlier, Serge Mathieu, Aymeri de Montesquiou, Mme Odette Terrade, MM. Roland Courteau, Roger Besse, Bernard Barraux, Jean-Paul Emorine, Gérard Delfau, Mme Yolande Boyer, MM. Yves Rispat, Jean Huchon.

Suspension et reprise de la séance (p. 3 )

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

3. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 4 ).

natura 2000 (p. 5 )

MM. Aymeri de Montesquiou, Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

agenda social européen (p. 6 )

Mme Nicole Borvo, M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

plan d'aide à la filière bovine (p. 7 )

MM. André Dulait, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

situation de l'enseignement agricole (p. 8 )

MM. Jean-Claude Carle, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

suites de la crise de la « vache folle » (p. 9 )

Mme Yolande Boyer, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

état des réformes dans le domaine
de la justice (p. 10 )

M. Bernard Fournier, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice.

conformité aux directives européennes
de la législation française
en matière de chasse (p. 11 )

Mme Anne Heinis, M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.

grève des avocats pour la revalorisation
de l'aide juridictionnelle (p. 12 )

M. Jean-Pierre Plancade, Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice.

pénurie de main-d'oeuvre
dans certains secteurs d'activité (p. 13 )

M. Adrien Gouteyron, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.

plan d'aide à la filière bovine (p. 14 )

MM. Alain Hethener, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Suspension et reprise de la séance (p. 15 )

4. Loi de finances pour 2001. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 16 ).

Agriculture et pêche (suite) (p. 17 )

MM. Charles Revet, André Lejeune, Jacques-Richard Delong, Marcel Deneux, Bernard Piras, Yann Gaillard, Rémi Herment, Paul Raoult, Daniel Goulet, Pierre-Yvon Trémel.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Crédits du titre III (p. 18 )

Amendement n° II-59 du Gouvernement. - MM. le ministre, Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances. - Adoption.
MM. le rapporteur spécial, le ministre.
Rejet, par scrutin public, des crédits modifiés.

Crédits du titre IV (p. 19 )

Amendement n° II-60 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial. - Adoption.
Rejet, par scrutin public, des crédits modifiés.

Crédits des titres V et VI. - Rejet (p. 20 )

Article 49 (p. 21 )

Amendement n° II-19 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Alain Lambert, président de la commission des finances. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 49 bis (p. 22 )

M. Marcel Deneux.
Adoption de l'article.

Article 50 (p. 23 )

MM. Marcel Deneux, le ministre.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 50 (p. 24 )

Amendement n° II-49 de M. Gérard Le Cam. - MM. Jean-Luc Bécart, le rapporteur spécial, le ministre, le président de la commission. - Irrecevabilité.
Amendement n° II-52 de M. Pierre-Yvon Trémel. - MM. Pierre-Yvon Trémel, le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° II-51 de M. Jean-Marc Pastor. - Mme Yolande Boyer, MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 50 bis à 50 quater. - Adoption (p. 25 )

Budget annexe des prestations sociales agricoles
(p. 26 )

MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Jean-Luc Bécart, Bernard Piras, Rémi Herment.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Adoption des crédits figurant aux articles 35 et 36.

Suspension et reprise de la séance (p. 27 )

5. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 28 ).

6. Loi de finances pour 2001. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 29 ).

Défense (p. 30 )

MM. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital ; François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les dépenses ordinaires ; Xavier de Villepin, en remplacement de M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le nucléaire, l'espace et les services communs ; Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Gendarmerie » ; Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Forces terrestres » ; Bernard Plasait, en remplacement de M. Jean-Claude Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Air » ; André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Marine » ; Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; Jean-Luc Bécart, Bertrand Auban, Serge Vinçon, Pierre Hérisson, Bernard Plasait, Pierre Laffitte, Gérard Roujas, Robert Del Picchia, André Boyer, André Rouvière, Alain Hethener, Aymeri de Montesquiou.
M. Alain Richard, ministre de la défense.

Article 33 (p. 31 )

Rejet des crédits du titre III.
Rejet de l'article.

Article 34 (p. 32 )

Rejet des crédits des titres V et VI.
Rejet de l'article.

7. Transmission de projets de loi (p. 33 ).

8. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 34 ).

9. Ordre du jour (p. 35 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2001

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 92 (2000-2001).]

Agriculture et pêche

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année encore, malgré les circonstances qui ont particulièrement ébranlé le secteur agricole - les tempêtes de la fin 1999, la persistance inquiétante de la crise de la vache folle, les difficultés économiques quotidiennes dans le secteur des pêches maritimes -, le budget de l'agriculture et de la pêche n'apparaît pas comme un budget prioritaire au sein du budget de l'Etat.
En effet, il s'élève, pour 2001, à quelque 30 milliards de francs, soit une augmentation apparente de 2 % par rapport à l'année 2000, mais, à structure constante, il n'augmente que de 0,6 %, soit sensiblement moins que la hausse de 1,5 % de l'ensemble du budget de l'Etat et sensiblement moins également que la hausse des prix.
Alors que l'année 2000 a été une véritable année d'épreuves pour l'ensemble du secteur agricole, épreuves qui auraient dû susciter un véritable engagement de la part du Gouvernement et entraîner des décisions suivies d'effets, nous sommes crédités d'actions improvisées dans l'urgence. Le Gouvernement fait preuve d'une gestion insuffisante et hasardeuse des crises qui affectent le secteur agricole, insuffisance qui transparaît d'ailleurs dans le projet de budget de l'agriculture et de la pêche pour 2001.
La crise de l'encéphalite spongiforme bovine, l'ESB, a marqué l'actualité tout au long de cette année, notamment en raison de l'augmentation continue du nombre de cas décelés en France. L'annonce, le 14 novembre dernier, du plan gouvernemental d'urgence de soutien à la filière bovine n'a pas vraiment permis ni de convaincre ni de rassurer les éleveurs bovins ou l'ensemble des acteurs de la filière bovine d'ailleurs.
Derrière l'annonce très médiatisée de ce plan de 3,2 milliards de francs en faveur de l'élevage bovin, complété cette semaine par une aide de l'Union européenne pour financer notamment le plan d'élimination des farines animales et la destruction des bovins de plus de trente mois non testés, subsitent de nombreuses imprécisions.
Les plus évidentes portent sur la nature et le mode de transmission de l'ESB. Quand on entend un expert - du moins on l'espère -, M. Franz Fischler, commissaire européen à l'agriculture, déclarer que « l'hypothèse d'une mutation spontanée des cellules bovines paraît aujourd'hui très vraisemblable », on se demande si n'est pas venu le temps d'une réflexion cohérente sur ce sujet. Le fait que le domaine soit incertain n'exclut pas d'élaborer un véritable consensus éthique à partir des hypothèses les plus vraisemblables !
Il subsiste aussi une imprécision sur les coûts instantanés et dans le temps que la filière bovine subit ou subira. Les services du ministère, connus pour leur sérieux et leurs compétences, ont sans aucun doute mesuré les coûts subis non seulement par les éleveurs, mais aussi, en amont, par ceux qui leur vendent des intrants, les producteurs de farines, leurs fournisseurs, et, en aval, par les abattoirs, les conserveries et les bouchers. Certains avancent un coût instantané de 30 milliards de francs. Ne disposant pas personnellement d'un modèle très opérant dans ce domaine, je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous fassiez part des estimations auxquelles sont parvenus vos services et donc des chiffres en votre possession.
Il subsiste encore une imprécision sur votre plan lui-même et sur le complément financé par l'Union européenne. Alors que maints éleveurs et maintes entreprises de la filière sont privés de chiffre d'affaires, de revenus, de trésorerie et accumulent des charges de gestion, le Gouvernement nous propose des mesures qui ne seront perceptibles que dans le temps ; ces situations tragiques nécessiteraient pourtant des mesures d'indemnisation immédiates. Compte tenu du fait qu'il est urgent de faire quelque chose pour ces milliers de familles désespérées, monsieur le ministre, comptez-vous prendre les mesures qui s'imposent au lieu de celles qui ont été annoncées ?
Une imprécision subsiste également sur le retrait, le stockage et la destruction des farines carnées ainsi que sur le coût de ces opérations. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière pour l'année qui vient ?
Une imprécision subsiste enfin sur le programme d'utilisation ou de relance de la culture des oléoprotéagineux en France.
Monsieur le ministre, il vous faut répondre à ces questions non seulement avec clairvoyance et lucidité, mais aussi avec courage - vous en avez. Tout ce que vous ne nous direz pas, nous le saurons bientôt, et tout ce que vous ne ferez pas, nous le saurons demain ! (M. Raoult rit.)
Le constat pourrait être le même s'agissant de la gestion de la crise dans le secteur sylvicole à la suite des tempêtes de la fin 1999, qui ont décimé une grande partie de nos forêts.
Des intentions louables sont affichées par le Gouvernement puisque les crédits sont en augmentation de 563 millions de francs dans le budget de l'agriculture pour 2001, soit une hausse de 31 %. Un plan national d'urgence a également été décidé pour la forêt en janvier 2000.
Mais, sur le terrain, la réalité déçoit les sylviculteurs et les propriétaires forestiers. En effet, la plupart des aides directes promises par le Gouvernement ne sont toujours pas parvenues à leurs destinataires, lesquels sont pourtant dans des situations désespérées. Les moyens financiers mis à la disposition des propriétaires forestiers privés ne sont pas à la hauteur de la gravité de la situation.
En outre, le projet de loi d'orientation sur la forêt, dont la commission des finances s'est saisie pour avis et qui devrait être discuté au Sénat en janvier 2001, est bien en deçà des espérances en matière fiscale et financière.
Tout me porte à penser, monsieur le ministre, que la priorité annoncée pour la forêt dans votre budget pour 2001 est très mal gérée par le Gouvernement.
Autre secteur, autre crise, autre déception : les pêches maritimes et l'aquaculture. Ce secteur a connu en 2000 une année d'épreuves marquée par les sinistres provoqués par les tempêtes et la marée noire liée au naufrage de l' Erika de la fin de 1999, ainsi que par une hausse continue du prix des carburants menaçant l'existence même des entreprises de pêche. Les événements de l'été 2000 ont confirmé la fragilité des entreprises, dont la rentabilité reste tributaire de phénomènes conjoncturels tels que le niveau des cours, les coûts de production et l'état de la ressource.
Monsieur le ministre, j'aimerais savoir pourquoi, dans ces conditions, les dépenses en capital, c'est-à-dire aussi bien les dépenses en faveur de la modernisation et du développement des entreprises de pêche et d'aquaculture que celles qui sont destinées à l'industrie et à la commercialisation des produits de la mer, connaissent une baisse de près de 50 % par rapport à ce qui était prévu pour l'année 2000.
Enfin, concernant toujours la gestion des crises dans le secteur agricole, je m'interroge, monsieur le ministre, sur cet outil inique que représente le Fonds national de garantie contre les calamités agricoles, dont les modalités de financement font l'objet cette année d'un article rattaché, l'article 49 du projet de loi de finances pour 2001.
Selon la loi, ce fonds doit être financé à parité par l'Etat et les agriculteurs. Or la contribution de ces derniers a été deux fois et demie supérieure à celle de l'Etat entre 1993 et 1997. Depuis 1993, le désengagement de l'Etat est réel, et, cette année encore, la subvention de l'Etat à ce fonds ne sera que de 50 millions de francs alors que les agriculteurs y participeront à hauteur de 400 millions de francs. Il serait temps pour le Gouvernement de remédier à cette injustice.
Vous arguerez, monsieur le ministre, que le Gouvernement participe par d'autres biais à l'indemnisation des agriculteurs victimes de calamités agricoles. Soit, mais ce que je conteste ici, c'est que, une fois de plus, une loi ait été votée et ne soit pas appliquée. En l'occurrence, je dirai que la loi est bafouée. Dans sa lettre, elle est pourtant claire, puisqu'elle prévoit que la subvention de l'Etat doit être « au moins égale au produit des contributions » des agriculteurs. Cette disposition n'est pas respectée.
Autre sujet d'inquiétude cette année : l'échec de la mise en oeuvre des contrats territoriaux d'exploitation, les fameux CTE. Il n'est que de regarder la réalité des données budgétaires pour s'en rendre compte ; en 1999, une ligne budgétaire spécifique est consacrée aux CTE avec la création d'un fonds de financement doté de 300 millions de francs ; en 2000, la dotation du fonds de financement est portée à 950 millions de francs, augmentation due principalement à des redéploiements de crédits. L'objectif du ministère était de conclure 50 000 CTE d'ici à la fin 2000, et d'atteindre le chiffre de 100 000 CTE conclus en 2002 puis de 205 000 d'ici à 2006.
Pourtant, à la fin de cette année 2000, la désillusion est totale. A ce jour, guère plus de 4 000 CTE ont été signés par les agriculteurs. La dotation allouée au fonds de financement des CTE passe pour 2001 à 400 millions de francs, ce qui représente une réduction de 550 millions de francs par rapport à 2000. Cette mesure est présentée comme une « adaptation de la dotation au rythme de montée en puissance du dispositif et de son impact sur le niveau des dépenses correspondantes ».
Je m'interroge cependant, monsieur le ministre, et peut-être pourrez-vous m'éclairer, sur la nature de cette adaptation : s'agit-il d'un simple contretemps dans la montée en puissance du dispositif ou d'une véritable remise en cause ?
Les raisons qui expliquent cet échec cuisant sont multiples. Je me contenterai de citer la complexité administrative du dispositif, qui le rend hermétique à la plupart des agriculteurs, ainsi que son mode de financement qui est contesté. Je voudrais notamment attirer l'attention sur le principe très critiqué de la modulation des aides dont le produit doit précisément servir au financement des CTE.
Les critères retenus pour le calcul du taux de modulation des aides ne reflètent souvent pas le niveau réel de revenu de l'exploitation : l'emploi, notamment l'emploi salarié, est insuffisamment pris en compte tandis que le critère de la marge brute d'exploitation est un outil satistique d'une grande complexité qui conduit à des charges de gestion administrative très lourdes pour les agriculteurs. Ce système présente également un caractère inéquitable : ce sont les zones intermédiaires, où les rendements sont faibles ou moyens, qui sont les plus touchées ; certaines productions à quotas sont épargnées, alors que d'autres productions sont plus durement touchées en raison de leur montant d'aides à l'hectare très élevé.
Au total, ce système de modulation des aides, complexe et inéquitable, entraîne souvent des situations de trésorerie inextricables pour les agriculteurs concernés. Ainsi, certains d'entre eux, qui sont dans une situation de détresse en raison de la crise actuelle, vont être appelés prochainement à contribuer au paiement de leur modulation ; c'est quand même extraordinaire !
Je voudrais également évoquer devant vous le recul inquiétant de la politique de la montagne, notamment le démantèlement inacceptable des indemnités compensatrices de handicaps naturels - ICHN.
Ce dispositif sera modifié en 2001 et, monsieur le ministre, malgré l'engagement que vous avez pris d'éviter tout bouleversement, de nombreux exploitants verront sans doute leurs indemnités diminuer, voire totalement disparaître d'ici à deux ans. En effet, le nouveau dispositif tend à détourner les ICHN de leurs fonctions premières : l'indemnisation des agriculteurs confrontés aux handicaps naturels permanents.
J'estime aujourd'hui indispensable que vous vous engagiez à ce qu'aucun exploitant percevant actuellement les ICHN ne soit exclu du nouveau dispositif et qu'aucun ne se retrouve avec des indemnités réduites.
Enfin, dernière critique et non des moindres : elle porte sur les résultats très insuffisants de la politique d'installation menée par le Gouvernement.
Le constat est le suivant : alors que le nombre d'installations aidées est aujourd'hui en perte de vitesse, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit un montant de dotation aux jeunes agriculteurs - DJA - identique à celui du budget pour 2000, soit 490 millions de francs, ce qui correspond à 8 000 installations.
Le projet de budget pour 2001 ne reflète donc pas la priorité à l'installation fixée par la loi d'orientation agricole de 1999. Une revalorisation de la DJA aurait pu être envisagée, mais il s'agit surtout aujourd'hui de mettre en oeuvre des actions de promotion du métier d'agriculteur afin de susciter des vocations, notamment hors du cadre familial. Des outils existent mais ils sont encore insuffisamment exploités. Des outils fiscaux, notamment, pourraient être utilisés à bon escient, comme le suggère le récent rapport Marre-Cahuzac relatif à la fiscalité agricole.
Des solutions sont donc à votre disposition, monsieur le ministre, et je me désole de ne pas vous voir les prendre en compte.
C'est en fonction de ces observations, et d'autres que je garde par-devers moi, que la commission des finances a décidé de demander au Sénat de rejeter les crédits de l'agriculture et de la pêche. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que cinq rapporteurs pour avis doivent intervenir et que de très nombreux orateurs sont inscrits dans la discussion.
La conférence des présidents a fixé le temps imparti à chacun, y compris en la circonstance au ministre, afin que l'ensemble des points figurant à l'ordre du jour puissent être examinés dans les délais prévus.
Je demande donc à chacun de vous de faire les efforts nécessaires pour respecter scrupuleusement cette consigne.
La parole est à M. César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour l'agriculture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'avis sur le projet de budget de l'agriculture que je présente aujourd'hui, au nom de la commission des affaires économiques, prend une tonalité particulière au regard des difficultés rencontrées par ce secteur pendant l'année qui vient de s'écouler, difficultés qui sont actuellement aggravées par la nouvelle crise qui secoue la filière bovine.
Fragilisée par la diminution du revenu agricole, diminution de 5,7 % pour l'année 1999 si l'on retient le résultat global agricole comme indicateur et qui devrait se poursuivre jusqu'à la fin de l'année 2000, voire en 2001, compte tenu de l'augmentation des coûts des moyens de production tels que les carburants et les engrais, mais aussi du fléchissement continu des prix agricoles, l'agriculture française est frappée de plein fouet par les conséquences des développements récents du dossier de l'ESB.
Confrontés à une diminution de moitié de la consommation de viande bovine, des milliers d'éleveurs ne parviennent plus à écouler leurs productions.
Comme l'a indiqué le président des coopératives agricoles d'Auvergne lors des manifestations d'hier, « les étables sont pleines, les abattoirs sont vides ». Le chômage partiel fait son apparition dans un certain nombre d'abattoirs.
Au regard de cette détresse, les mesures prises par les pouvoirs publics sont loin d'être à la hauteur. L'enveloppe de 1,64 milliard de francs allouée aux éleveurs dans le cadre du plan français de soutien à la filière bovine servira essentiellement à financer non pas le versement d'aides directes, qui permettraient de compenser les pertes de revenus subies, mais des allégements et des reports de charge qui ne règleront rien, pas plus que les emprunts à taux réduits. Les agriculteurs ne veulent plus d'emprunts !
Seuls des effacements de charges peuvent, en effet, concourir à la survie des éleveurs. En outre, alors que l'efficacité du stockage privé est, on le sait, très limitée, la mise en place d'un dispositif ambitieux d'intervention publique, seul à même de redresser les prix du marché, a jusqu'à présent été refusé.
Le Conseil « agriculture » exceptionnel, réuni lundi sous votre présidence, monsieur le ministre, n'a, lui non plus, pas répondu aux attentes des éleveurs, même s'il convient de saluer les mesures sanitaires exigentes prises à cette occasion. Je soulignerai, à cet égard, l'incertitude qui demeure au niveau de l'indemnisation des éleveurs dont les bovins sont détruits.
Soutenant par ailleurs sans réserve les mouvements de protestation des éleveurs, je souhaite vivement que le Gouvernement mette tout en oeuvre, notamment à l'occasion du sommet de Nice, qui se tient actuellement, mais également dans le cadre du comité de gestion qui se réunira le 12 décembre, pour faire adopter à ses partenaires un plan de soutien aux éleveurs à la mesure du volet sanitaire approuvé lundi dernier.
Dans ce contexte difficile, il faut le souligner, pour l'agriculture française, ce projet de budget paraît tout à fait insatisfaisant, en raison tout d'abord de la non-prise en compte réelle des priorités affichées comme telles par le Gouvernement.
Il en va ainsi des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, que M. le rapporteur spécial, Joël Bourdin, vient d'évoquer, dont les crédits, passant de 950 millions de francs en 2000 à 400 millions de francs pour 2001, diminuent de plus de la moitié, au motif d'une sous-consommation durant l'année 2000, ce qui est tout à fait vrai.
M. Charles Revet. C'est la preuve que le dispositif n'est pas adapté !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Quelles que soient les réserves qu'appelle cet instrument, je m'interroge sur la légitimité d'une telle baisse alors que le faible succès des CTE est en grande partie imputable aux lenteurs administratives, au caractère contradictoire, nous le savons bien, monsieur le ministre, de nombreuses circulaires explicatives et à la complexité de la démarche de signature de ces contrats.
Cette baisse des crédits confirme le constat d'échec des CTE. En effet, au 1er décembre 2000, seuls 2 334 contrats étaient signés alors que l'objectif du Gouvernement pour l'année 2000 était, nous nous en souvenons tous, la signature de 50 000 CTE.
De même, alors que le Gouvernement prétend vouloir réévaluer le montant des petites retraites agricoles, il n'a toujours pas proposé la création d'un régime complémentaire obligatoire par répartition. Or, sans la mise en place d'un tel régime, l'actuel programme de revalorisation, qui arrivera à son terme à la fin de 2002, ne suffira pas à hisser ces retraites au niveau de celles des salariés. J'appelle de mes voeux, avec tous les agriculteurs, l'instauration de ce régime de retraite complémentaire obligatoire, qui exprimerait la légitime reconnaissance de la nation envers ses agriculteurs.
Au-delà de l'appréciation portée sur les prétendues priorités de ce projet de budget, je tiens à exprimer deux autres motifs particuliers d'insatisfaction.
D'une part, la modestie de la dotation au Fonds national de garantie des calamités agricoles, qui s'élève à 50 millions de francs pour 2001, ne me paraît pas du tout en mesure de répondre à l'ambition de la mise en place d'une assurance-récolte, réforme particulièrement attendue, notamment depuis l'annonce de la remise au Gouvernement du rapport Babusiaux sur les risques en agriculture. A ce propos, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quand sera rendu public ce rapport qui intéresse fortement le monde agricole. Nous l'attendons depuis longtemps ; on nous annonce qu'il est prêt, j'aimerais donc bien en prendre connaissance. Je pense que, à l'image de son rapporteur, ce rapport sera de qualité.
D'autre part, j'ai constaté à regret que les dispositions fiscales de l'article 11 du projet de loi de finances, dites d'adaptation de la fiscalité agricole, ne sont pas à la hauteur de la réforme fiscale ambitieuse que le monde agricole escomptait depuis la parution du rapport Marre-Cahuzac.
Si je me félicite de l'adoption par le Sénat, il y a quelques jours, de mesures positives telles que l'exonération des plus-values sur les cessions réalisées au profit de jeunes agriculteurs, je regrette que le Gouvernement n'ait pas proposé des mesures d'envergure, en vue notamment de séparer, pour les exploitants, les revenus du travail et ceux du capital.
Jugeant ce budget globalement insatisfaisant, en raison tant de son manque d'ambition que des diminutions sectorielles de crédits qu'il inflige à un secteur économique fragilisé, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur l'adoption des crédits de l'agriculture. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les questions agricoles, nous abordons le budget de la pêche. Ce budget a été, pour la commission des affaires économiques, parfois un motif de satisfaction, souvent un motif d'inquiétude. Il est vrai qu'il s'inscrit dans un contexte difficile.
Comme vous le savez, la pêche et les pêcheurs français ont, cette année, été victimes du pétrole par deux fois : une première fois, en raison de la marée noire due au naufrage de l' Erika, une seconde fois, à cause de la hausse du prix du gazole. La pêche française a été d'autant plus touchée que les marins français pêchent essentiellement en dehors des eaux territoriales françaises, sur les mers d'Islande ou d'Irlande. Cela explique que le gazole représente jusqu'à 30 % des coûts d'exploitation de certaines entreprises de pêche. C'est dire combien le triplement de son prix a pu ruiner la rentabilité de certaines pêches !
Au-delà de ces difficultés, que nous espérons conjoncturelles, notre inquiétude concerne également le long terme. La flotte de pêche française ne cesse de décliner. Elle a diminué de moitié depuis 1992. Le nombre d'emplois décroît également de façon continue depuis dix ans.
Si cette tendance se poursuit, il est à craindre que, dans une décennie ou deux, la flotte de pêche française ne soit plus composée que de bateaux à vocation touristique.
Il me semble que les pouvoirs publics, à Paris, mais surtout à Bruxelles, s'accoutumeraient de cette situation, que, pour notre part, nous refusons d'envisager. Il n'y a aucune fatalité au déclin de la pêche française et au développement de la pêche irlandaise, pour ne citer qu'elle.
Je dis cela, parce que l'on a parfois l'impression que la Commission européenne envisagerait sans réticence une spécialisation géographique de la pêche européenne dans des pays dont la France ne fait manifestement pas partie.
La Commission des affaires économiques et du Plan estime que le Gouvernement doit défendre notre tradition maritime et tout mettre en oeuvre pour développer et moderniser nos entreprises de pêche.
Dans ce contexte difficile, le plan gouvernemental en faveur de la pêche, adopté cette année, est un motif à la fois de satisfaction et d'inquiétude.
Force est de constater qu'il a été bien accueilli par les professionnels. Les indemnisations et les allégements de charges fiscales et sociales prévues devraient permettre de réduire les difficultés financières de ces entreprises. On peut toutefois s'interroger, monsieur le ministre, sur les raisons pour lesquelles le FIPOL, le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, met tant de temps à instruire les dossiers d'indemnisation.
La commission des affaires économiques espère que le Gouvernement a pris toutes les précautions pour que ce plan soit jugé compatible avec le droit communautaire. Ce ne serait par rendre service aux pêcheurs que de leur offrir un nouveau plan textile ! Nous aimerions savoir, monsieur le ministre, où en sont les négociations communautaires sur ce point ? Il serait inadmissible que les entreprises de pêche aient à rembourser les aides que l'Etat leur aurait consenties.
D'autres dossiers sont avant tout des motifs d'interrogation.
Il s'agit, notamment, de la réglementation de l'exercice de la pêche côtière. Des propositions de réforme ont été soumises au ministre. Le rapport Bolopion prévoit une série de mesures tendant à une exploitation durable des ressources dans la bande côtière des douze miles. Quelles sont celles que le Gouvernement entend retenir ?
Vous avez également été saisi de plusieurs propositions de réforme de l'organisation des activités portuaires. La commission des affaires économiques estime, sur ce point, que la séparation des activités portuaires et des activités liées aux criées peut être de nature à clarifier les missions de chacun.
Le remplacement de la taxe à la criée par une facturation à la prestation me semble soulever plus de difficultés. Un tel système pourrait, en effet, favoriser l'éclatement des prestations et réduire le caractère redistributif des tarifications. Nous aimerions connaître, monsieur le ministre, votre position sur ce point.
L'avenir dépendra également - c'est un euphémisme - des autorités communautaires. Nous avons assisté, l'année dernière, à une réforme des actions structurelles de la Communauté dans le secteur de la pêche et à une réforme de l'organisation commune des marchés.
La commission des affaires économiques avait exprimé ses plus vives préoccupations face aux mesures relatives au renouvellement et à la modernisation de la flotte. De même, l'ouverture excessive aux importations prévue par le texte relatif à l'organisation commune des marchés n'a pas manqué d'inquiéter.
La prochaine étape, mes chers collègues, est la réforme de la politique commune de la pêche d'ici à 2002. Sur ce point, les professionnels se sont déjà exprimés. Ils souhaiteraient, notamment, que les programmes d'orientation pluriannuels, les POP, soient très largement réformés. Il conviendra de les écouter.
De même, la réforme des taux autorisés de capture et des quotas que vous devriez adopter, monsieur le ministre, au Conseil européen des 14 et 15 décembre prochain, suscite les plus vives inquiétudes des professionnels.
Un mot, enfin, des crédits de la pêche, qui diminuent cette année de 4,8 %. Certes, les dotations consacrées à l'adaptation de la filière pêche augmentent de 8 %, mais celles qui sont destinées à la modernisation de la flottille diminuent de 50 %
Mes chers collègues, l'incertitude qui pèse sur le plan gouvernemental en faveur de la pêche, comme sur les orientations actuelles de la politique communautaire de la pêche, et la faiblesse du budget, à un moment où ce secteur connaît tant de difficultés, ont conduit la commission des affaires économiques à donner un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de la pêche pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Revol, rapporteur pour avis.
M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour le développement rural. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous présenter l'avis de la commision, je voudrais faire deux remarques.
La première concerne un problème qui a déjà été évoqué par notre éminent collègue Joël Bourdin, celui des tempêtes qui ont été très durement ressenties par la population vivant en zone rurale. En effet, en de nombreux endroits, les habitants ont été coupés du monde pendant plusieurs jours.
Ces tempêtes ont, par ailleurs, causé dans les forêts françaises des dégâts sans précédent, mettant à terre un volume de bois de près de 140 millions de mètres cubes.
Si les pouvoirs publics ont pris, à la suite de ces tempêtes, un certain nombre de mesures en direction des agriculteurs, des populations vivant en zone rurale et du secteur forestier, on peut néanmoins regretter que les moyens dits « d'urgence » aient été mis tardivement à la disposition de leurs destinataires. Par ailleurs, les mesures de soutien prises en faveur des propriétaires forestiers et des communes forestières n'ont pas été à la hauteur des attentes.
Ma seconde remarque sera pour souligner les mécontentements suscités par certains volets du nouveau plan français de développement rural, en particulier celui qui réforme les indemnités compensatoires de handicaps naturels.
Le nouveau régime proposé tend, en effet, à transformer ces indemnités en simples mesures agri-environnementales, ne tenant plus compte des difficultés spécifiques que doivent affronter les agriculteurs en zone de montagne. Il aura pour conséquence, vu les critères restrictifs retenus par le Gouvernement, d'exclure du dispositif près de 10 % des bénéficiaires actuels.
Grâce à la mobilisation des organisations professionnelles agricoles et des élus de la montagne, à laquelle je m'associe totalement, vous vous êtres engagé, monsieur le ministre, à renégocier ce dossier à Bruxelles. J'aimerais savoir où en est actuellement cette négociation.
En ce qui concerne, maintenant, les crédits du développement rural, je me contenterai, compte tenu du temps qui m'est imparti, de souligner deux points marquants.
La progression des crédits consacrés à la forêt, pour importante et légitime qu'elle soit, ne compense toutefois pas les dégâts que celle-ci a subis à la fin du mois de décembre 1999. Il faut donc souhaiter que cette augmentation de crédits ne soit pas un simple affichage, comme cela semble avoir été le cas pour une partie des crédits alloués dans le cadre du plan national pour la forêt.
En outre, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de prolonger cet effort financier sur le plan fiscal, en particulier par la mise en place d'un dispositif fiscal d'incitation à l'investissement forestier. A cet égard, je souhaiterais connaître les propositions du groupe de travail dont la mise en place avait été annoncée par le Gouvernement lors de l'examen de la loi d'orientation pour la forêt à l'Assemblée nationale.
Les dotations affectées à la compensation de handicaps ou de contraintes spécifiques, notamment à l'agriculture de montagne, doivent faire l'objet d'une appréciation particulière.
La commission des affaires économiques a particulièrement critiqué la diminution de 17,7 % des crédits affectés aux indemnités compensatoires de handicaps naturels.
A la suite des protestations des agriculteurs et des élus de la montagne, vous avez annoncé, monsieur le ministre, l'octroi de 500 millions de francs supplémentaires à la politique de la montagne. J'aimerais savoir quand ces crédits seront effectivement alloués et quelle en sera la répartition. Il serait souhaitable qu'ils soient utilisés, au moins en partie, pour assouplir les seuils de chargement retenus pour le versement des indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN, et donc pour réintégrer dans le dispositif les bénéficiaires exclus par la réforme.
Je déplore également la stagnation de la dotation allouée aux bâtiments d'élevage et à la mécanisation en zone de montagne, qui devrait, compte tenu de la reconduction de l'enveloppe affectée au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, s'établir à 74 millions de francs. Il est urgent de procéder à une revalorisation substantielle de cette dotation, dès lors que de nombreux exploitants en zone de montagne n'ont pas encore, faute de crédits, accès à ces aides.
Enfin, je constate, à l'instar de notre collègue Gérard César, le succès pour le moins mitigé des contrats territoriaux d'exploitation, qui étaient pourtant censés devenir la pièce maîtresse de la politique de développement rural. Alors que le nombre de contrats signés est très loin d'atteindre les objectifs affichés, il y a lieu de déplorer la diminution de 58 % des crédits affectés aux CTE et de s'interroger sur la légitimité des prélèvements opérés, pour les financer, à travers la modulation, sur le revenu d'une partie des agriculteurs.
En conséquence, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de développement rural inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. André Lejeune. C'est la majorité de la commission des affaires économiques qui en a décidé ainsi.
M. le président. La parole est à M. Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour les industries agricoles et alimentaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous présenter l'avis de la commission des affaires économiques sur les crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2001, aux industries agroalimentaires, je souhaite formuler quelques remarques relatives à la situation de ce secteur économique et à l'évolution de son environnement juridique.
Avec une production en augmentation de 1,4 % en volume et un chiffre d'affaires s'établissant à 709,6 milliards de francs pour l'année 1999, ce secteur affiche une croissance honorable, quoique encore modeste du fait du fléchissement des prix à la production, de la faible progression de la consommation des ménages ainsi que du ralentissement des exportations. En outre, les industries agroalimentaires constituent un secteur moteur à la fois pour l'emploi, avec une augmentation de 1,8 % des effectifs, et pour les échanges extérieurs, la balance commerciale ayant dégagé l'année dernière, sur ce poste, un excédent de près de 62 milliards de francs.
Cette relative bonne santé n'en est pas moins régulièrement affectée par la multiplication des crises alimentaires, qui ne laissent pas d'inquiéter les consommateurs. Je pourrais évoquer les épisodes d'alerte à la listeria, qui mettent parfois en péril des filières entières, comme celle de la charcuterie au début de cette année. Mais, compte tenu de la gravité de la situation actuelle, je m'en tiendrai à l'évocation des effets de ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la nouvelle crise de l'ESB sur la filière de la viande bovine.
Eleveurs, abattoirs, ateliers de découpe, industries de la transformation sont confrontés à une diminution sans précédent, de l'ordre de 50 %, de la consommation de viande bovine par les ménages, de sorte que la pérennité des 50 000 emplois de la filière est aujourd'hui menacée.
En dépit des mesures prises en faveur des industries de la viande dans le cadre du plan de soutien à la filière, cette crise entraînera vraisemblablement la restructuration d'un certain nombre d'entreprises agroalimentaires, mais également, il faut l'espérer, l'affirmation de nouvelles filières, si l'essor annoncé de la production d'oléo-protéagineux se confirme.
L'ampleur des récentes crises alimentaires et la forte réactivité des consommateurs à leur égard plaident en faveur d'un renforcement et d'une harmonisation des règles de sécurité sanitaire en vigueur. De ce point de vue, les progrès réalisés cette année à l'échelon européen ont été significatifs.
L'adoption par l'Union européenne d'un livre blanc sur la sécurité alimentaire et le projet, qui en découle, de création d'une autorité alimentaire européenne indépendante chargée, en collaboration avec les agences nationales, de l'évaluation des risques vont dans le bon sens.
L'adoption, en janvier 2000, de deux importants règlements sur l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés doit également être signalée.
Plus récemment, la prise de conscience de la dimension européenne de l'épidémie d'ESB a enfin permis l'adoption de mesures communes à l'ensemble des Etats membres, telle la suspension de l'utilisation des farines animales.
Dans ce contexte, les crédits alloués aux industries agroalimentaires dans le projet de loi de finances pour 2001 ont également pris en compte l'objectif de sécurité et de qualité alimentaires, notamment par la progression des moyens de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
En revanche, la diminution de 3,3 millions de francs des crédits consacrés à la promotion des ventes, en particulier sur les marchés étrangers, de produits agricoles et alimentaires, et qui sont pour l'essentiel destinés au financement de la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires français, la SOPEXA, apparaît comme regrettable.
Outre le fait que cette baisse des crédits s'inscrit dans une tendance de moyen terme que la commission des affaires économiques a déjà critiquée les années précédentes, elle paraît particulièrement inopportune. En effet, le soutien des exportations de certains produits, notamment des viandes, est actuellement plus que nécessaire, compte tenu de l'effondrement de la demande extérieure de viande bovine française et du renchérissement des coûts de production des autres filières de viande, lié à l'interdiction des farines animales.
En ce qui concerne plus particulièrement la SOPEXA, je voudrais connaître, monsieur le ministre, l'état des travaux de clarification du régime administratif et financier de cet organisme, que vous aviez évoqués devant la commission des affaires économiques.
Contrairement aux conclusions de son rapporteur pour avis, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable quant à l'adoption des crédits alloués aux industries agroalimentaires dans le projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Vecten, rapporteur pour avis.
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement agricole. Monsieur le ministre, avant d'analyser le budget, je voudrais évoquer le climat préoccupant qui règne aujourd'hui dans l'enseignement agricole, marqué par les tensions qu'ont suscitées les propos tenus en votre nom lors de la dernière réunion du Conseil national d'enseignement agricole. Ces propos appellent de ma part des questions auxquelles je souhaite que vous répondiez clairement. Voulez-vous opposer public et privé, au mépris de l'esprit des lois de 1984 et des réalités de terrain ? Est-il question de porter la part de l'enseignement public à plus de 50 % des effectifs ? Souhaitez-vous recentrer les formations agricoles sur la production et l'agroalimentaire ?
L'inquiétude qu'ont engendrée ces propos confirme les craintes que m'a inspirées le budget pour 2001. En effet, l'effort engagé en faveur de l'enseignement agricole se ralentit.
A structure constante, les crédits de l'enseignement agricole progresseront, en 2001, de 2,46 % contre 3,58 % en 2000. Les moyens supplémentaires seront essentiellement consacrés au renforcement des moyens en personnels de l'enseignement public.
Les créations d'emplois, dont le nombre est comparable à celles de cette année, sont cependant encore loin d'apporter une réponse définitive aux difficultés des établissements, en particulier pour les personnels non enseignants.
En revanche, il convient de saluer l'effort significatif de résorption de l'emploi précaire, dont l'importance excessive résulte de l'insuffisance chronique des créations d'emplois constatées dans le passé.
Si ces meures vont dans le bon sens, le budget traduit également des évolutions préoccupantes et, à ce titre, suscite bon nombre d'interrogations pour l'avenir, que ce soit pour l'enseignement public ou l'enseignement privé.
Les dépenses pédagogiques des établissements agricoles publics augmenteront en 2001 à un rythme de moitié inférieur à celui qui a été constaté cette année. Ce ralentissement contraste avec les besoins des établissements, dans l'enseignement technique, contraint depuis plusieurs années de vivre d'expédients, comme dans l'enseignement supérieur, dont les moyens sont sans rapport avec les objectifs qui lui sont assignés.
L'évolution des subventions aux établissements d'enseignement privé soulève aussi de sérieux motifs d'inquiétude, surtout à la lumière de ce que j'évoquais tout à l'heure.
S'agissant des établissements du second degré, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, comment sera financée la réforme du statut des professeurs de lycées professionnels. L'éducation nationale a prévu, dès le collectif de printemps, les moyens correspondants pour le public comme pour le privé. Mais dans le budget de l'enseignement agricole, rien n'est prévu pour l'enseignement privé. Je souhaite obtenir de votre part, monsieur le ministre, des éclaircissements sur cette différence de traitement qui constitue une entorse au principe de parité.
Quant aux établissements d'enseignement supérieur privé, la revalorisation de leurs subventions est à nouveau ajournée. L'étude réalisée à votre demande par le Comité national d'évaluation a pourtant mis en lumière qu'ils n'ont pas les moyens d'assurer leur mission de service public, en particulier dans le domaine de la recherche.
Tout cela est préoccupant. Mais la commission des affaires culturelles s'est aussi inquiétée de l'absence de réflexion prospective sur l'enseignement agricole. Cet enseignement attire désormais moins que par le passé. Pour la première fois, à la rentrée 2000, ses effectifs ont diminué. Cela tient, bien sûr, pour partie aux évolutions démographiques et au tassement de la tendance à l'allongement des études. Mais la « fermeture » des formations agricoles imposée à partir de 1997 n'est certainement pas non plus étrangère à ce phénomène. J'avais vigoureusement combattu cette vision malthusienne. Aucune ambition nouvelle ne l'a encore remplacée. Le succès de l'enseignement agricole mérite pourtant mieux qu'une gestion au fil de l'eau.
Le constat n'et guère plus encourageant pour l'enseignement supérieur. La modernisation des structures marque le pas. La loi d'orientation de 1999 n'a pas permis de développer de nouveaux pôles de compétence. Les relations entre les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche sont insuffisantes au regard de la demande sociale en matière de sécurité sanitaire et de protection de l'environnement.
Le projet de budget ne permet donc guère de préparer l'avenir de l'enseignement agricole et c'est pour cette raison que la commission des affaires culturelles a donné un avis défavorable quant à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole pour 2001.
M. Hilaire Flandre. Elle a eu raison !
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis. J'ajouterai, monsieur le ministre, que toute perspective de rupture de la paix scolaire serait encore plus dangereuse, pour cet avenir, qu'un médiocre budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 63 minutes ;
Groupe socialiste, 41 minutes ;
Goupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 37 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 17 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu, au maximum, pour 50 minutes.
Mes chers collègues, vingt-sept orateurs sont inscrits dans la discussion générale, Si chacun d'eux dépasse son temps de parole de une ou deux minutes, je vous laisse le soin de penser à quelle heure la séance se terminera cette nuit ! Je compte donc sur votre solidarité envers les collègues qui interviendront cet après-midi et ce soir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les craintes exprimées par nos compatriotes vis-à-vis de leur alimentation et la crise sans précédent qui frappe la filière bovine me conduisent à consacrer l'essentiel de mon intervention à l'encéphalite spongiforme bovine, l'ESB, en ma qualité de président du groupe de l'élevage.
Je placerai cette intervention sous le double signe de la santé publique et du souci de sauvegarder une composante essentielle de notre économie agricole et alimentaire.
L'ESB est une maladie à prion, le prion étant une protéine pathogène qui se développe dans le système nerveux central des animaux, provoquant des troubles neurophysiologiques dont les manifestations chez les bovins sont voisines de celles qui ont été constatées de longue date chez les ovins atteints de la tremblante du mouton.
Il n'est pas excessif de dire que la « maladie de la vache folle » est une maladie d'importation. En effet, le laboratoire vétérinaire central britannique a identifié en novembre 1986 un premier cas d'ESB chez une vache qui présentait des symptômes neurologiques atypiques. Les recherches effectuées ont montré que cette maladie provenait sans aucun doute des farines de viande et d'os ingérées par les bovins. Or, au début des années quatre-vingt, les autorités britanniques ont diminué les contraintes de fabrication - température et pression - des farines animales, alors que l'on sait que, pour détruire le prion, il faut chauffer les denrées animales à une température de 133 degrés pendant vingt minutes et sous une pression de trois bars.
Ce relâchement des précautions dans la fabrication des farines animales en Grande-Bretagne est de toute évidence à l'origine de la prolifération de l'ESB qui a touché au Royaume-Uni 180 000 bovins, qu'il a fallu abattre.
En juillet 1988, le ministre de l'agriculture britannique a interdit l'utilisation des farines d'origine animale dans l'alimentation des bovins tout en maintenant l'autorisation d'exporter ces farines, ainsi que les abats à risque, jusqu'à leur interdiction, en France, en 1990.
En 1996, les recherches effectuées en Grande-Bretagne ont mis en évidence le franchissement de la barrière des espèces, la « maladie de la vache folle » pouvant être transmissible à l'homme sous la forme de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Cette découverte a provoqué la première grande crise qui a affecté la filière bovine.
Le 22 mars 1996, la France, suivie de plusieurs autres pays de la Commission européenne, a décidé l'embargo sur les importations de viande bovine. Dès 1990, notre pays avait déjà proscrit l'utilisation des farines de viande dans l'alimentation des bovins. Il faudra attendre le 14 novembre 2000 pour que le Gouvernement français, après la mise en garde du Président de la République, étende cette interdiction aux porcs, aux volailles et aux poissons.
La crise actuelle, qui est à l'origine d'une chute de 50 % de la consommation de viande bovine, a été provoquée par l'introduction dans l'abattoir d'un animal malade, étant toutefois précisé que les procédures de sécurité et de traçabilité ont parfaitement fonctionné : pas le moindre gramme de cette vache n'est sorti de l'abattoir pour être livré aux consommateurs.
Il est paradoxal que notre pays, qui est relativement peu touché par l'ESB, fasse l'objet d'un embargo par certains des pays membres de l'Union européenne qui n'ont pas pris les mêmes précautions que la France, tant en matière de détection de l'ESB que du point de vue sanitaire. Ces mêmes pays, en vertu du principe de la libre circulation des produits, peuvent exporter des viandes et des animaux qui ont été alimentés avec des farines carnées.
Il me semble utile, monsieur le ministre, mes chers collègues, de rappeler les mesures engagées par les gouvernements successifs, en liaison avec la profession, pour assurer la sécurité alimentaire de nos compatriotes : mise en oeuvre de la traçabilité de la filière bovine de l'élevage au consommateur ; interdiction de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des ruminants depuis 1990 ; promotion de labels et de certifications sur l'origine française de la viande bovine - label viande bovine française - et renforcement du caractère informatif de l'étiquetage - il faut bien convenir que cette mesure ne parvient plus à rassurer les consommateurs ; abattage de tous les animaux d'un troupeau dans lequel un cas d'ESB est décelé ; développement des contrôles préventifs systématiques dans les régions particulièrement exposées ; interdiction de la commercialisation des parties du corps des bovins susceptibles de présenter des risques - cervelle, moelle épinière, intestins, thymus, qui sont détruits par incinération ; enfin, mise en place de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA.
Or, malgré ces dispositifs, la confiance des Français dans leur alimentation diminue d'une manière alarmante. Une récente étude du centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, montre que 63 % des consommateurs estiment que les produits alimentaires présentent des risques pour la santé. Parmi les produits alimentaires, les viandes sont suspectées à hauteur de 21 %, alors que - et cela n'est pas la moindre surprise - l'alcool n'est considéré comme un produit à risque qu'à hauteur de 6 % de l'ensemble des produits alimentaires.
Paradoxalement, au fur et à mesure que les mesures dictées par le principe de précaution sont engagées, la confiance des consommateurs se dégrade, comme si ces dispositions de sécurité sanitaire confirmaient la réalité d'un risque alimentaire.
J'ajouterai que le rôle de certains médias a contribué à susciter ou à aggraver la psychose qui a gagné les consommateurs. Il importe, dès lors, comme l'a décidé le ministre de la recherche, de développer les recherches relatives aux maladies à prion et de tenter de mettre au point un test de dépistage du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob : 25 millions de francs supplémentaires sont prévus à cet effet.
Face à la véritable psychose qui s'est emparée des Français depuis quelques semaines, et qui s'est traduite par une diminution de 40 à 50 % de la consommation de viande bovine, il convient de rassurer nos compatriotes. Il y a lieu, tout d'abord, de confirmer que le prion n'est pas présent dans le muscle des bovins et que toutes les parties à risques du corps des animaux sont éliminées de la chaîne alimentaire.
S'agissant des risques de transmission de l'ESB à l'homme, il convient de se garder de tenir des propos excessivement alarmistes, comme l'a fait récemment la secrétaire d'Etat à la santé.
Avant d'examiner les décisions arrêtées à Bruxelles le 5 décembre dernier, je souhaite aborder les mesures nationales que vous avez engagées, monsieur le ministre, en faveur des éleveurs et des autres agents de la filière affectés par la crise de l'ESB.
S'agissant des exploitants directement touchés par la crise, puisqu'il n'existe pratiquement plus de marché et que les prix se sont effondrés, je crains, monsieur le ministre, qu'on ne puisse se limiter à consentir de différer le versement des cotisations sociales. Le plan que vous avez présenté le 21 novembre dernier prévoit 1,64 milliard de francs d'aides, dont 400 millions de francs émanent du fonds d'allégement des charges. C'est dérisoire ! Les éleveurs viennent tout juste de rembourser le différé de 1996 à la Mutualité sociale agricole, la MSA.
Il aurait fallu, me semble-t-il, s'orienter vers des aides directes aux éleveurs de bovins qui ne peuvent commercialiser leurs animaux et engager le stockage public et privé. Les prêts bonifiés accordés à hauteur de 500 millions de francs, à 1,5 % de taux d'intérêt, ne permettront pas aux éleveurs de reconstituer, de manière significative, leur trésorerie gravement affectée par la crise. N'aurait-il pas fallu instituer des primes à l'abattage ?
J'ai bien noté la mise en place d'une aide à la promotion à l'exportation des jeunes bovins. Nous ne saurions méconnaître que c'est l'ensemble de la filière qui est touchée : les producteurs, les négociants, les abattoirs, les tripiers, les ateliers de découpe. Les entreprises de la filière qui emploient cinquante-mille salariés sont d'ores et déjà contraintes de recourir au chômage technique, les salariés n'étant indemnisés qu'à hauteur de 29 francs de l'heure.
Un décret du 1er décembre dernier a fixé les conditions d'indemnisation des entreprises productrices de farines et de graisses animales. Mais je le répète, monsieur le ministre, face au désarroi des producteurs et des entreprises, il faut mettre en place d'urgence des mesures directes pour intervenir efficacement sur la trésorerie des éleveurs et des entreprises. L'Union européenne, depuis l'origine de la crise, a peiné à définir une politique cohérente face à la « maladie de la vache folle » et aux dispositions de nature à l'éradiquer.
Au cours de la période récente, je relève que le Conseil agricole européen du 20 novembre a été une véritable cacophonie, nos partenaires s'opposant à la proposition française d'interdire le recours aux farines carnées pour tous les animaux d'élevage.
La détection de cas d'ESB en Allemagne et en Espagne ayant démontré que l'épizootie ne s'arrêtait pas aux frontières, les Quinze ont décidé, le 5 décembre, de « suspendre » - sans doute définitivement - l'utilisation des farines de viandes et d'os dans l'alimentation des animaux. Je vous donne acte, monsieur le ministre, que cette décision a été obtenue sur la proposition de la présidence française. Voudriez-vous indiquer au Sénat quel sera le coût, pour l'Europe et pour notre pays, de l'interdiction des farines animales ?
Je ne méconnais pas les difficultés que rencontrera notre pays pour stocker ou incinérer des centaines de milliers de tonnes de farines et de corps gras.
Il est essentiel, pour remplacer les farines de viande et d'os, de développer notre production de protéines végétales et, par conséquent, de renégocier, dans le cadre de l'OMC, les accords de Blair House de 1992, qui limitent la production européenne d'oléagineux. Il est urgent, en outre, d'accroître la production de protéagineux. Rappelons que, lors des négociations, notre pays avait été contraint de geler une superficie de 1,5 million d'hectares susceptibles d'être affectés à la culture d'oléoprotéagineux.
Vous avez prévu des crédits pour organiser le testage des bovins. Aujourd'hui, je pense qu'ils sont peut-être insuffisants en termes de personnels qualifiés. Mais, à la lecture des deux amendements que vous avez déposés et que je viens de découvrir, monsieur le ministre, je vous annonce que moi-même je voterai, avec beaucoup de mes collègues, ces crédits de l'article 31 qui me paraissent essentiels.
Le retrait des animaux non testés, dont on ignore le coût, sera cofinancé par l'Union à hauteur de 70 %, le reste incombant aux Etats membres. Votre budget, monsieur le ministre, pourra-t-il supporter cette charge nouvelle ? Nous attendons vos précisions.
Certaines régions, Pays de la Loire, par exemple, se sont déclarées prêtes à participer à l'effort de traçabilité et de promotion des viandes bovines de qualité. Ma région envisage ainsi de consacrer à ces mesures 125 millions de francs en deux ans, en partenariat avec l'Europe et l'Etat.
Le laboratoire départemental de la Sarthe a proposé sa candidature à votre ministère pour la réalisation des tests de dépistage de l'ESB dans le cadre de l'enquête épidémiologique, au printemps dernier. Il n'a pas été retenu. Je vous propose de nouveau sa candidature pour participer à la réalisation des analyses sur la chaîne d'abattage des animaux de plus de trente mois.
Vous êtes, monsieur le ministre, confronté à un double défi. Vous devez, ainsi que l'ensemble de vos collègues concernés par ce dossier, d'un côté, rassurer nos compatriotes de sorte qu'ils retrouvent la confiance dans les viandes de qualité que produisent nos éleveurs, en particulier les producteurs du troupeau allaitant, et ce en leur rappelant une chose toute simple : nos animaux mangent de l'herbe, du foin et de l'ensilage de maïs, complémenté parfois par du grain produit sur l'exploitation. Vous devez, d'un autre côté, tenter de restaurer l'équilibre économique de l'ensemble de la filière bovine qui, gravement menacée par la crise actuelle, ne survivrait pas à une poursuite dans la durée de la chute de la consommation de viande bovine. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur le projet de budget de l'agriculture pour 2001 prend une tonalité particulière compte tenu de l'actualité qui secoue la communauté agricole, et plus particulièrement la filière bovine, ces dernières semaines. J'y suis d'autant plus sensible que la Haute-Saône a connu son quatrième cas d'ESB ces jours-ci, et que j'ai rencontré moi-même, comme beaucoup d'entre vous, je pense, les éleveurs sur le terrain. Ils sont inquiets, subissent la situation plus qu'ils ne voient venir ce qui pourrait leur redonner confiance.
Le Gouvernement a adopté un plan en sept volets pour répondre aux impératifs de santé. Parmi les mesures prises, on note un moratoire sur les farines animales, qui a été suivi par le conseil agricole européen de lundi dernier. Le groupe du RDSE ne peut que se féliciter de cette décision. Elle répond tout à fait aux conclusions que nous avions déjà tirées à l'occasion de notre colloque de juin dernier qui avait réuni, sur le thème de la « vache folle », d'éminents spécialistes scientifiques, des responsables politiques et des représentants de la filière à la fois britanniques et français. Il est dommage que ni votre cabinet ni vos services n'aient souhaité répondre à notre invitation, monsieur le ministre.
Lors de cette journée, des interrogations s'étaient également élevées sur la nécessité réelle d'abattre tout un troupeau pour un cas d'ESB. Perdre son troupeau pour un éleveur passionné, comme le sont souvent les éleveurs, est toujours vécu comme un drame. Et toutes les mesures qui pourront être mises en place ne pourront effacer cette cicatrice dans la vie de l'éleveur et de l'homme.
Vous avez répondu à la psychose de l'opinion, monsieur le ministre, et je vous sais gré de votre pugnacité auprès de vos collègues européens. Mais il serait également souhaitable aujourd'hui que vous répondiez à la détresse de tous les acteurs de la filière bovine.
Certes, vous avez annoncé un plan national d'urgence de 3,2 milliards de francs auxquels a été ajoutée une enveloppe de 500 millions de francs en prêts bonifiés. Mais il semble que ce plan n'ait pas convaincu. Il recèle beaucoup d'imprécisions que nous souhaiterions vous voir lever. Il semble que certains crédits étaient déjà alloués, que d'autres soient de simples reports de cotisations.
Beaucoup de questions demeurent, notamment après les décisions du Conseil européen. Comment vont s'articuler les deux plans, national et européen ? Quelle sera l'exacte indemnisation des éleveurs, en contrepartie de la mesure de destruction-achat des bovins âgés de plus de trente mois ? Quelles seront les orientations du plan « protéines » ? Quand aurons-nous les premiers enseignements du programme de dépistage - 48 000 tests - lancé en juin ?
Je ne vais pas énumérer toutes les questions que se posent légitimement les éleveurs. Je sais que votre tâche est lourde, monsieur le ministre, mais la suspicion est jetée sur une filière et il faut l'aider à retrouver la confiance, la confiance en elle-même et la confiance des consommateurs.
Pour revenir à votre projet de budget pour 2001, il reflète à la fois la poursuite d'actions traditionnelles engagées depuis plusieurs années et des priorités nouvelles résultant des crises de confiance et des événements climatiques.
Je me réjouis, à cet égard, de l'augmentation des crédits alloués à l'enseignement agricole ou encore à la forêt, qui a particulièrement souffert, l'an dernier, avec la tempête de décembre. Force est de constater néanmoins que ce budget ne semble pas porteur d'ambitions pour la politique agricole. Outre l'échec incontestable des CTE, ni les moyens en diminution de l'agriculture productive, ni les dotations insuffisantes en faveur des aides à l'installation ne permettent d'engager l'agriculture française dans des choix stratégiques pour l'avenir.
Enfin, bien des secteurs comme l'environnement, les retraites, la fiscalité, mériteraient une attention accrue.
Avec la création des CTE par la loi d'orientation agricole votée en 1999, le Gouvernement a entendu initier une véritable rupture idéologique dans la politique agricole française. Or, le moins que l'on puisse dire est que cette révolution culturelle n'a pas véritablement trouvé d'écho dans les campagnes, comme l'ont souligné les rapporteurs.
M. Roland Courteau. C'est faux !
M. Bernard Joly. Vous avez récemment déclaré que ce nouvel outil faisait appel avant tout à l'intelligence des agriculteurs. Avec 1 700 CTE souscrits et environ 2 000 en cours, comment interpréter ces propos ? Il faut sans doute y voir une maladresse et la marque d'un embarras de votre part, car il est vrai que l'on est loin des objectifs affichés par votre ministère.
Les raisons de cet échec manifeste sont nombreuses. Ainsi, la complexité et l'illisibilité de la réglementation ont rendu l'outil hermétique pour les agriculteurs ; l'administration locale est trop pointilleuse ; les dispositifs sont jugés trop contraignants ou trop exigeants ; l'intérêt financier est limité et ne permet pas de couvrir le surcoût engendré par la réalisation des investissements rendus nécessaires, et, par-dessus tout, les modalités de financement des CTE par la modulation sont sérieusement contestées.
Alors que le budget pour 2000 avait dégagé 950 millions de francs pour les CTE, le projet pour 2001 s'établit à 400 millions de francs. Même compensé par le report des crédits non consommés en 2000, on ne peut que regretter ce désengagement de l'Etat d'un outil qu'il qualifie lui-même de « pilier de l'agriculture multifonctionnelle ».
Manque également sérieusement d'ambition la politique d'aide à l'installation. Cette année, la dotation aux jeunes agriculteurs s'élève à 490 millions de francs, soit un niveau identique à celui de 2000. Les actions de formation à la préparation à l'installation sont, elles aussi, simplement reconduites. Quand on sait que l'installation des jeunes est en chute libre, il y a de quoi s'étonner !
L'émergence des préoccupations environnementales ces vingt dernières années a conduit à la mise en cause des pratiques agricoles. L'évolution vers une agriculture intensive a indéniablement eu des répercussions parfois lourdes sur l'environnement ; je pense notamment à la pollution des nappes phréatiques dans certaines régions.
Conscients de ces risques et de l'attente croissante des consommateurs, les agriculteurs se sont, depuis quelque temps, engagés d'eux-mêmes dans la voie de pratiques culturales plus respectueuses de l'environnement. Il est particulièrement regrettable que ce projet de budget ne vienne pas soutenir les efforts entrepris. Les moyens consacrés aux mesures agri-environnementales sont en diminution. Même si elle est en augmentation sensible, la dotation au programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, reste modeste eu égard aux objectifs de ce programme.
Toujours au chapitre agriculture et environnement, j'en viens au problème de l'épandage des boues des stations d'épuration, sujet à propos duquel j'ai déjà interrogé Mme Voynet, mardi dernier, lors de la discussion de son projet de budget.
D'ores et déjà, 60 % des 7 000 tonnes de boues produites chaque année font l'objet d'un épandage, mais cette pratique a soulevé des questions dans un contexte de sensibilité accrue de l'opinion publique au regard des risques sanitaires. Les intérêts divergents entre élus et agriculteurs ont favorisé la concentration des rejets sur certains sites, ce qui n'est en aucun cas satisfaisant. Aujourd'hui encore, la Haute-Saône accueille des boues de départements voisins.
Un projet d'accord national a été proposé aux différents acteurs concernés par cette pratique. Il semble qu'un consensus semble s'être dégagé en faveur de l'épandage. Monsieur le ministre, la grande distribution a-t-elle fait savoir son adhésion explicite à ce projet ? Est-il proposé une gestion des boues par département ?
Enfin - ce sera mon dernier point - je traiterai des retraites agricoles. La revalorisation se poursuit, mais deux réformes essentielles pour les agriculteurs demeurent en souffrance. Il s'agit de la mise en place d'un régime de retraite complémentaire et de la mensualisation des retraites agricoles.
Au-delà du strict cadre de votre budget, les inquiétudes se portent sur le niveau des revenus des agriculteurs. A l'inverse des autres secteurs économiques, qui ont tous bénéficié de la croissance, le secteur agricole a accusé une baisse de revenu de 10 % l'an dernier. Certes, cette baisse est due à la conjonction de plusieurs facteurs : la baisse continue des prix mondiaux, les aléas climatiques et l'augmentation des coûts de production liée à la hausse du prix des carburants.
Mais il faut dire aussi que certaines des mesures prises par le Gouvernement amputent un peu plus encore les résultats des exploitations. Je pense là à la TGAP sur les produits phytosanitaires et aux taxes qui se profilent à l'horizon avec la réforme de la politique de l'eau.
Tout cet argent prélevé sur les revenus des agriculteurs semble échapper à un secteur qui est le grand oublié de la reprise économique.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Bernard Joly. Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe du RDSE votera contre ce budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup d'événements douloureux sont venus perturber voire remettre en cause les activités du secteur agricole et de la pêche.
Tandis que la forêt subit encore les conséquences désastreuses des tempêtes de fin décembre 1999, que la pêche et la conchyliculture souffrent, qui des pollutions maritimes, qui du renchérissement du dollar et du prix du gazole, la filière agroalimentaire en général, et la filière bovine en particulier, connaît une récession sans précédent, consécutive aux suspicions nées de la crise dite de la « vache folle ».
Soulignons d'ores et déjà qu'aux aides et plans de sauvetage destinés aux secteurs les plus touchés, inclus dans le collectif pour 1999, s'ajoutent, dans le projet de budget pour 2001, les 3 milliards de francs supplémentaires pour l'ensemble de la filière bovine.
Le budget de l'agriculture et de la pêche avec 29,617 milliards de francs s'inscrit à structures constantes en hausse de 0,6 %, soit deux fois la norme choisie pour l'ensemble des crédits budgétaires.
Si l'on ajoute les engagements du budget annexe des prestations sociales agricoles et divers autres financements d'environ 74 milliards de francs, dont 68 milliards de francs d'origine communautaire, l'augmentation en volume atteint 3,65 %. Ces chiffres témoignent d'un important effort quantitatif.
D'un point de vue qualitatif, l'effort n'est pas non plus négligeable.
La priorité donnée aux dépenses en capital - 35 % en autorisations de programme et 13,8 % en crédits de paiement - participe d'un souci qui vise à inscrire l'agriculture dans une dynamique de long terme.
Un effort particulier à travers l'ouverture d'un crédit de bonification de 300 millions de francs est opéré en faveur de la forêt.
C'est donc un budget globalement encourageant.
On peut distinguer quatre priorités dans l'action gouvernementale : le renforcement des contrôles sanitaires et de la prévention des risques alimentaires ; le développement d'une agriculture multifonctionnelle dans le cadre du programme de développement rural national ; l'intensification des actions en faveur de la formation, tout particulièrement au profit de l'enseignement supérieur agricole ; la relance de l'ensemble du secteur forestier, dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi d'orientation sur la forêt, dont la discussion est prévue pour janvier 2001 dans cet hémicycle.
S'agissant des enjeux de la sécurité alimentaire, ma collègue Odette Terrade reviendra plus largement sur la question dans la suite de la discussion.
Je centrerai donc mon intervention sur les autres aspects et sur les priorités retenues, au travers de l'analyse des données économiques du secteur.
L'examen de la situation due à la dérive productiviste n'a fait qu'accentuer la tendance à la baisse des prix et donc la dégradation du revenu agricole.
La chute des cours de la plupart des productions agricoles a conduit à une diminution de 4 % du revenu agricole moyen par actif en 1999.
En 2000, le prix des gros bovins, qui s'était maintenu, s'effondre, pour des raisons que nous connaissons. L'ensemble des productions animales se porte plutôt mieux. On doit noter le redressement du prix du porc, qui permet aux producteurs de commencer à combler les lourds déficits accumulés les deux années précédentes, et la nécessité de poursuivre la relance de la production ovine.
Les grandes cultures souffrent des contraintes du GATT, qui limite le volume des exportations subventionnées. Quant aux fruits et légumes, le bilan reste mitigé.
Sur la longue période, en francs constants, les prix alimentaires à la consommation sont demeurés quasiment stables, alors que les prix à la production ont été divisés par deux.
Où est passée la différence, est-on tenté de dire ?
Tandis que la production agricole ne cessait d'augmenter en volume, sa valeur ne cessait de décroître.
La réduction de la population active agricole et l'incorporation du progrès technique ne suffisent pas à expliquer ce paradoxe, et il faut se livrer à une analyse serrée des bouleversements d'ordre socio-économique de ce secteur d'activité.
La course effrénée à l'accroissement des rendements, la pression permanente sur les cours - tandis qu'une bonne partie de la valeur ajoutée est accaparée à l'aval de la filière agroalimentaire, que ce soit par les industries de transformation ou par le secteur de la grande distribution - ont conduit à cette dérive.
La pression tendancielle à la baisse des cours, et donc des coûts, ne cesse de s'imposer.
Inverser cette logique permettrait pourtant d'assurer un revenu décent aux agriculteurs.
Cette pression se traduit aussi dans d'autres secteurs - céréaliers, oléagineux... - par une concurrence accrue au niveau international visant la conquête des parts de marché et la spécialisation sur les créneaux les plus juteux et les plus directement spéculatifs.
Dans ce jeu concurrentiel, il y beaucoup de perdants et peu de gagnants.
Pour autant, les contradictions ne font que s'accumuler.
La substitution des oléagineux et protéagineux aux farines animales frappées d'interdiction risque d'accroître les importations en provenance des Etats-Unis et de nous contraindre à accepter le pire de l'OMC, sauce Blair House ou White House.
Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, le poids réel de ces accords sur la production nationale et européenne ainsi que notre liberté de manoeuvre au sein de l'Europe concernant ces productions et les aides pouvant leur être attribuées ? Il serait en effet important que, dès février 2001, les premières cultures de pois et féveroles puissent être ensemencées afin de réduire progressivement notre déficit en protéines végétales.
Essentiellement d'origine transgénique, ces importations peuvent causer des risques qu'en l'état actuel de nos connaissances nous sommes bien incapables de mesurer. Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, tomber de Charybde en Scylla !
La France utilise environ 32 millions de tonnes de protéines végétales, dont environ 70 % sont importés. Réduire la dépendance de l'agriculture française et européenne en utilisant les surfaces qui sont en jachère, voire celles qui sont utilisées à des fins exportatrices, est une nécessité. Les biocarburants qui libèrent des tourteaux et la réorientation de certaines cultures peuvent également y contribuer. Je pense notamment au maïs.
Pour les besoins restants, l'approvisionnement pourrait provisoirement s'effectuer auprès des pays, tel le Brésil, qui ont exclu les OGM de leur production.
La multifonctionnalité de l'agriculture vise à inscrire celle-ci au coeur d'un processus de développement durable et à promouvoir une agriculture de qualité, participant de l'aménagement du territoire.
Au coeur du dispositif, on trouve les contrats territoriaux d'exploitation.
Le contrat territorial d'exploitation, en misant sur les multiples potentialités offertes par l'agriculture, incite les exploitants agricoles à développer un projet économique global.
La souplesse des formules CTE-exploitation, CTE-transmission, CTE-installation permet une adaptation aux besoins et suscite un intérêt important chez les jeunes.
Des financements importants ont été débloqués, un cofinancement communautaire à hauteur de 50 % obtenu. Ayant reçu un écho favorable au niveau européen, ce type de dispositif pourrait inspirer d'autres pays.
Certes, le démarrage de cette nouvelle formule est lent. Pour l'instant, moins de 3 000 CTE ont été signés, mais plusieurs milliers d'autres sont en cours de conclusion.
La crise actuelle de l'ESB suffit à elle seule à justifier les CTE. L'enjeu est bien de produire propre, de produire durable, de produire solidaire, pour s'assurer la confiance du marché des consommateurs.
La situation actuelle illustre bien cette situation avec la mévente, les importations accrues, la santé publique mise en danger. Voilà à quoi mène le libéralisme, qu'il soit de nature agricole, agroalimentaire ou industrielle !
Les temps changent, monsieur le ministre !
L'Union européenne vient de suivre la France en décidant l'interdiction des farines animales et la systématisation du dépistage de l'ESB pour les animaux de plus de trente mois.
Un modèle de développement de l'agriculture semble avoir échoué.
Notre agriculture, en s'appuyant sur ces acquis, en développant, comme l'y invite ce projet de budget, la formation des jeunes exploitants, notamment dans le domaine de l'enseignement supérieur, peut jouer demain, de nouveau, un grand rôle dans l'économie du pays.
Le projet de budget de la pêche pour 2001 connaît une progression de 7,9 %, tout en restant modeste. A l'issue d'une année noire marquée par les dégâts des tempêtes et par le naufrage de l' Erika et de l' Ievoli Sun , le monde de la pêche révèle encore davantage ses faiblesses : déficit du commerce extérieur, à hauteur de 13 milliards de francs ; entreprises fragilisées par la dégradation des ressources naturelles ; multiplication des réglementations ; augmentation du cours des carburants, réticence, compréhensible à investir.
Je salue la volonté de porter un effort particulier en direction de la modernisation des navires et de l'aquaculture, le succès de ce dernier secteur étant étroitement lié aux nouvelles pratiques agricoles contenues dans les CTE, mais aussi à la sécurité maritime.
L'an passé, j'avais évoqué, monsieur le ministre, les dégâts provoqués par la pratique de la pêche minotière, qui porte atteinte aux ressources. Quel sera l'impact de ces pratiques eu égard au déficit en protéines de la France et de l'Europe, monsieur le ministre ?
La procédure d'urgence d'allégement des charges qui a suivi l'augmentation du prix des carburants va-t-elle être remplacée par une politique de défiscalisation adaptée des carburants ?
Un système de taxation des produits dangereux pour l'environnement circulant dans le rail d'Ouessant ne pourrait-il pas être négocié à l'organisation maritime internationale, l'OMI et venir en aide à ceux qui en sont les victimes chroniques, ce système ne les exonérant pas, évidemment, de l'indemnisation des catastrophes ?
Au regard de ces remarques et de ces questions, monsieur le ministre, nous sommes conscients de votre volonté de faire progresser harmonieusement le monde de la pêche et celui de l'agriculture. Aussi, nous voterons ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'agriculture que nous examinons cette année s'inscrit dans un contexte particulier. En effet, la crise qui nous frappe depuis plusieurs mois, accentuée depuis quelques semaines de manière irraisonnée, fait que nous vivons dans une suspicion permanente.
De plus, la situation est paradoxale. Alors que les Français, d'une manière générale, apprécient l'image d'une France rurale qui cultive et préserve ses terroirs, ils se méfient de plus en plus de ses productions, persuadés qu'elle est capable du meilleur comme du pire.
Pourtant, il s'agit bien, aujourd'hui, d'identifier le vrai coupable dans de telles pratiques, et c'est peut-être aussi pour nous le moment de nous arrêter un instant sur nos systèmes de production, qui privilégient des méthodes intensives pour toujours plus de profit.
Monsieur le ministre, votre administration et les responsables professionnels doivent se mobiliser pour conforter la mise en oeuvre de la loi d'orientation de juillet 1999.
Les deux points forts de votre section sont, tout d'abord, la loi d'orientation et les CTE, qui ont déjà donné le ton face à la nécessaire réconciliation, qui était devenue urgente, entre l'agriculture et la société - mon collègue André Lejeune y reviendra - et, ensuite, les décisions courageuse prises depuis 1997 par le Gouvernement de M. Lionel Jospin : aucun autre gouvernement européen n'a accordé autant d'importance aux graves problèmes que connaît l'agriculture et n'a joué autant la carte de la transparence. Ainsi, au-delà de l'application du principe de précaution, nous pouvons - je veux le dire avec force ici - nous enorgueillir d'avoir, dans notre pays, une vraie politique de prévention et de maîtrise des risques.
Permettez-moi de revenir un instant sur les discussions qui ont alimenté le conseil agricole européen des 20 et 21 novembre, ainsi que la toute dernière rencontre européenne.
Grâce à votre opiniâtreté, monsieur le ministre, vous êtes parvenu sinon à obtenir un accord, du moins à fixer une ligne de conduite européenne.
Je tiens à rappeler que l'Espagne et l'Italie se détournent des produits de l'élevage français pour préférer les produits allemands, nettement moins contrôlés que les nôtres, et que la Finlande et la Suède n'ont pris aucune mesure de dépistage.
Toutes ces actions marquent la volonté du gouvernement français de respecter le consommateur, tout en protégeant le producteur.
C'est votre politique qui, dans ce domaine, va tirer les autres pays vers le haut, notre collègue Yolande Boyer reviendra sur cette question.
Dans ces conditions, chacun comprendra l'ambition principale du projet de budget qui nous est soumis : il s'agit de conforter par tous les moyens l'esprit de la loi d'orientation, afin de faire vivre une agriculture raisonnée, respectueuse des hommes qui en sont les acteurs.
Ce budget traduit donc la poursuite d'une politique en faveur d'une nouvelle agriculture, tout en confortant les moyens plus traditionnels qui sont mis à sa disposition et qui s'élèvent à 29,617 milliards de francs.
Toutefois, pour quantifier l'effort global réalisé en faveur de l'agriculture, il ne faut pas oublier l'ensemble des autres concours financiers qui y sont consacrés.
Ainsi, le budget annexe des prestations sociales agricoles - notre collègue Bernard Piras aura l'occasion de revenir sur ce sujet - s'élève à 73,874 milliards de francs pour financer l'action sociale, et les autres financements, notamment ceux qui sont en provenance de l'Europe, représentent 68 milliards de francs de retours européens. L'ensemble de ces concours dégagent donc plus de 177 milliards de francs en direction de notre agriculture.
Le Gouvernement nous soumet un budget doté de moyens à la hauteur de ses choix, et je tenais, monsieur le ministre, à l'exprimer clairement.
Ces choix, quels sont-ils ?
En 1999, nous avons voté la loi d'orientation agricole, qui dessine et affirme les grandes tendances que nous souhaitons donner à notre politique agricole.
Ces tendances doivent être, au fil des années, au fil des budgets, traduites par des dispositions plus concrètes et dotées de moyens financiers. La première volonté du budget pour 2001 est donc, comme cela a déjà été le cas l'an dernier, de mettre en oeuvre cette loi, de la faire vivre.
Votre deuxième choix n'est pas des moindres dans la période troublée que nous vivons, et nous l'en approuvons d'autant plus : il s'agit de la sécurité alimentaire.
Enfin, la dernière volonté traduite par ce budget est de soutenir notre patrimoine forestier, fortement dévasté par les intempéries de la fin de l'année 1999.
Vos choix affichés, il faut les doter de moyens.
J'aborderai tout d'abord les mesures traditionnelles en faveur de notre agriculture : en effet, afin de développer une agriculture multifonctionnelle pour l'avenir, il s'agit d'abord de consolider des secteurs prioritaires comme l'installation des jeunes agriculteurs, le soutien aux filières et les productions de qualité.
Alors que les aides au départ connaissent une baisse de 16 %, liée tout simplement à la structure des classes d'âge, la dotation aux jeunes agriculteurs s'établit à 490 millions de francs, ce qui permettra de financer près de 8 000 installations.
Les soutiens nationaux sont une nouvelle fois confirmés : c'est le cas pour les indemnités compensatoires de handicap naturel, ou ICHN, qui sont dotées de 1 284 millions de francs, mais aussi pour les zones défavorisées, en augmentation de 32 %, ou pour la PMTVA, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, dont le budget pour 2001 permettra le financement de la deuxième tranche d'un programme qui prévoit, en trois ans, de relever le niveau de la prime nationale de 30 euros à 50 euros.
Le PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, enregistre, pour sa part, une augmentation de 19 %.
Le soutien aux filières est maintenu avec la reconduction des crédits octroyés aux offices agricoles, pour près de 3 milliards de francs.
Enfin, permettez-moi d'aborder la question des retraites agricoles, qui, conformément aux engagements pris en 1997, connaissent une nouvelle hausse, ce qui leur permet d'approcher sensiblement l'objectif fixé pour 2002.
Je salue, certes, cette avancée significative sur un dossier qu'aucun autre gouvernement n'avait pris à bras-le-corps ; pour autant, les niveaux atteints restent encore faibles et une question essentielle reste encore à régler, monsieur le ministre : je veux parler de la mensualisation des retraites agricoles.
A cet égard, je tiens à souligner que notre groupe a déposé un amendement relatif aux retraites des personnels de l'enseignement privé.
Ce budget consolide donc les acquis, mais il mobilise également les moyens nécessaires pour un développement harmonieux et durable de notre agriculture.
Nous avons besoin, pour cela, d'un enseignement agricole de qualité, pour que les jeunes soient bien formés. Ce budget nous en donne les moyens - nous en sommes très heureux ! - et il traduit un effort tout particulier en direction de l'emploi, aussi bien en termes de créations de postes que de résorption significative de l'emploi précaire dans le domaine de l'enseignement.
En conclusion, permettez-moi, monsieur le ministre, en préambule, en quelque sorte, à l'intervention que feront dans un instant certains de mes collègues - de vous rappeler quelques-unes des revendications que nous souhaiterions vous voir prendre en compte, car vos réponses sont très attendues par le monde agricole.
Tout d'abord, la profession espère une augmentation significative des envelopppes financières afin de soutenir le monde de l'élevage à la suite de la crise de l'ESB. Mais j'ai cru comprendre qu'une partie des amendements que vous aviez déposés sur les titres III et IV pourraient apporter une réponse à cette question.
Toujours en ce qui concerne l'ESB, il faut éviter que les indemnités versées aux agriculteurs ne subissent des pénalisations fiscales.
Dans ce même domaine fiscal, je veux revenir sur un souhait que j'ai déjà exprimé à cette tribune : les aides contractuelles du type CTE ne doivent plus être considérées comme une créance dès la signature du contrat.
Enfin, dans le domaine des plus-values sur la transmission des biens, le rapport Marre-Cahuzac fait apparaître le souhait qu'une véritable distinction soit recherchée entre les biens maintenus dans l'activité agricole et ceux qui sont cédés à d'autres fins.
Après ces quelques remarques d'ordre général d'autres collègues du groupe évoqueront plus en détail des questions plus précises liées aux productions, aux filières, aux CTE, au BAPSA, etc.
En tout cas, je signale d'ores et déjà que le groupe socialiste s'associera au vote de l'Assemblée nationale en faveur d'une agriculture courageuse et responsable. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits demandés au titre de l'agriculture et de la pêche pour 2001 s'élèvent à 29,617 milliards de francs, soit une progression de 2 %. C'est donc une augmentation, certes, mais une augmentation, qui n'est qu'apparente et se limite, en réalité, à 0,6 % à structure constante.
J'aurais souhaité, compte tenu des enjeux actuels, un engagement plus marqué de la part du Gouvernement, estimant que nombre de préoccupations des exploitants agricoles sont insuffisamment prises en considération.
Dans un contexte de crise de confiance exprimée par les consommateurs mais également par les producteurs, qui manifestent leur inquiétude face à des difficultés répétées qui, chaque fois, déstabilisent et fragilisent un peu plus notre agriculture, il eût été pertinent, me semble-t-il, de la part du Gouvernement, de montrer clairement sa solidarité et son soutien face à ces importantes remises en question.
Or, je constate qu'il n'en est rien, car bien des aspects essentiels pour garantir l'avenir et rassurer les exploitants sont tout simplement passés sous silence. Je me permettrai, monsieur le ministre, d'en souligner les principaux dans la suite de mon propos.
Je débuterai par un constat bien regrettable, auquel il faut pourtant se résoudre, car il est bien réel : l'agriculture n'attire plus. En effet, il est aisé de constater, en considérant la diminution constante du nombre d'installations de jeunes, que cette profession a fortement perdu de son attrait. Cette évolution est très préjudiciable au dynamisme des zones rurales, les chiffres du dernier recensement ne faisant que confirmer la tendance au vieillissement de la population et à la désertification de nos campagnes.
Il est important de mettre en exergue certaines difficultés qui sont à l'origine de cette désaffection.
D'abord, l'internationalisation des échanges induit une tension perpétuelle sur les prix, dont le mode de fixation traduit une concurrence de plus en plus vive qui, finalement, entraîne une diminution constante des prix des produits agricoles.
Cette situation a naturellement une incidence très négative sur le revenu des agriculteurs et n'encourage pas les jeunes à s'engager dans ce métier.
Je regrette en effet que les ressources des agriculteurs soient continuellement en diminution en francs constants et que, de ce fait, cette catégorie soit de plus en plus exclue du bénéfice de la croissance.
Je considère donc qu'il est indispensable de repenser la valorisation des produits agricoles dans le contexte actuel, où les préoccupations de sécurité alimentaire prennent toute leur importance.
En effet, les différentes mesures mises en place en matière de traçabilité, d'identification et de certification ont forcément un coût, et il serait rationnel que les consommateurs en prennent pleinement conscience.
Les produits agricoles de base, qui sont ensuite transformés, ont un coût. Ce coût ne peut être inférieur au prix de revient de nos agriculteurs, la notion de référence à un prix mondial ayant quelque chose de virtuel lorsque l'on sait que les Etats-Unis ont subventionné leur agriculture, l'an dernier, à hauteur de 21 milliards de dollars !
La même réflexion vaut concernant les rapports de l'agriculture et de la grande distribution. Cette dernière ne peut se permettre, à court terme, de continuer à capter la majeure partie de la valeur ajoutée des produits agro-alimentaires.
La contractualisation entre agriculture et distribution est appelée à se développer sur la base de cahiers des charges devant impérativement rester la propriété des éleveurs. Si tel n'est pas le cas, le Gouvernement prendra une lourde responsabilité au regard de l'équilibre et de l'harmonisation de la société et des territoires.
Ce premier point que je viens d'évoquer est primordial et recouvre, en fait, une question que chacun se pose, mais à laquelle personne n'a, à ce jour, apporté de vraie réponse : quel avenir pour notre agriculture, quelle place pour elle dans la société ?
Face à la crispation passéiste des uns, à l'engagement productiviste des autres, il convient d'apporter une autre réponse pour l'agriculture du caractère xxie siècle.
Les contrats territoriaux d'exploitation étaient censés apporter cette réponse permettant une réconciliation entre l'agriculture et l'ensemble de la société. Cette fausse bonne réponse n'a pas été acceptée par les agriculteurs, si j'en crois les premiers résultats de sa mise en oeuvre.
J'en profite pour souligner que 350 millions de francs ont été perdus par la France, à cette occasion, à partir du milliard de francs prélevé au titre de la modulation, pour cause, précisément, de non-évolution de cette mesure.
Je souhaite malgré tout que nous revenions sur ce sujet, au cours des mois à venir, car si, malheureusement, la profession agricole n'a pas répondu à la mise en place des CTE, c'est, me semble-t-il, parce que ce n'était pas la bonne réponse ; mais, il faudra bien en proposer une autre !
Dans le même état d'esprit, je soulignerai l'intérêt de la constitution à court terme d'un système de retraite complémentaire obligatoire et par répartition. En effet, la grande majorité des agriculteurs est désormais convaincue de la nécessité de créer un tel système pour améliorer les perspectives de retraite des exploitants en activité et pour servir immédiatement un complément de retraite aux actuels retraités. J'insiste, toutefois, sur la nécessité d'obtenir un engagement financier du Gouvernement pour soutenir ce régime, en raison de l'important déséquilibre démographique auquel il devrait faire face.
Il me semble également important de souligner le poids de la fiscalité qui pèse sur le revenu des agriculteurs. Je regrette la création de la TGAP, qui est appréhendée essentiellement comme une taxation supplémentaire.
Il serait pertinent, là aussi, de revoir radicalement cette approche. Les agriculteurs sont parfaitement conscients de l'importance de l'environnement et ils sont acquis à sa protection. Mais, il faut en convenir, l'approche du Gouvernement est fondée plus sur la fiscalisation que sur l'orientation et l'éducation, puisqu'il s'agit de financer la réduction du temps de travail en imposant une profession qui dépasse largement les trente-cinq heures hebdomadaires !
Je ne puis m'empêcher de souligner également l'incohérence à laquelle nous conduit l'application de la TGAP. Le coût de la luzerne déshydratée, par exemple, devrait augmenter, cette année, de plus de 17 %, précisément à cause de la TGAP énergie, au moment même où la suppression des protéines animales dans l'alimentation animale nous oblige à importer des protéines végétales. Taxer notre propre production de protéines végétales, qui est largement insuffisante, serait inconcevable !
En ce qui concerne l'ESB, je prends acte, pour m'en réjouir, de la décision d'interdire les farines animales sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Je m'étais permis, dès le 27 octobre dernier, de souligner que cette décision était urgente et ne pouvait qu'être communautaire.
Je regrette toutefois que l'Union européenne ne se soit pas engagée avec plus de précision sur des aides directes aux éleveurs. Il convient en effet de noter l'urgence d'une redéfinition des critères de chargement des bovins sur les exploitations déterminant les primes aux bovins mâles et aux vaches allaitantes, d'une politique de stockage tant privé que public et d'une attribution d'aides directes au travers de la prime à l'abattage prévue dans les accords de Berlin.
La crise de l'ESB va globalement coûter, de l'amont à l'aval, 25 milliards de francs, monsieur le ministre. Vous n'avez, à ce jour, proposé que 3,240 milliards de francs.
Compte tenu de l'enjeu pour l'ensemble de la filière, la France, avec près de 21 millions de bovins, ne peut se soustraire à une politique nationale d'accompagnement forte. L'approvisionnement en protéines végétales au lieu et place des protéines animales sous-entend, là aussi, une volonté forte et de la France et de l'Europe.
Chaque année, j'ai dénoncé cette dépendance vis-à-vis des Etats-Unis. Chaque année, ma question n'a reçu qu'une réponse certes polie mais évasive. Cette année, je souligne qu'il appartient à l'Europe et à la France, dans les toutes prochaines semaines, de réorienter la production vers les protéagineux, car les semis devront être réalisés avant février ou mars. Une telle mesure aurait un coût estimé à 100 millions d'euros.
Dans un deuxième temps, il appartiendra de repenser les accords de Blair House, car les oléagineux en France ne peuvent rester au niveau actuel d'emblavement.
Un autre problème me paraît essentiel, dont il n'est pourtant pas fait mention dans ce projet de loi de finances pour 2001, celui du traitement fiscal des indemnités perçues par les exploitants au titre des dommages causés par l'ESB. En effet, la crise de la « vache folle » a créé des situations critiques chez les agriculteurs, en particulier chez ceux qui ont dû se résoudre à l'abattage de l'ensemble de leur troupeau.
Mon propos est non pas de me prononcer sur le bien-fondé de cette mesure, qu'au demeurant j'approuve totalement, mais de m'interroger sur la nature de la réparation qui est versée à l'exploitant dans ce cas. Jusqu'à présent, les fonds reçus sont considérés comme un revenu, soumis, à ce titre, à l'impôt. Cette situation ne me semble pas supportable, car elle tend à pénaliser les éleveurs à deux reprises, l'Etat reprenant d'une main ce qu'il a donné de l'autre, cette réparation ne pouvant en aucun cas être assimilée à un revenu, ni à une cession d'actifs.
J'aurais donc souhaité un texte plus ambitieux et surtout plus en adéquation avec les préoccupations des agriculteurs, qui attendent, dans un contexte tourmenté, un geste fort du Gouvernement à leur égard.
Je crains sincèrement que ce budget ne réponde pas au projet des agriculteurs de ce pays, un projet qu'il nous appartiendra d'écrire ensemble, la profession agricole, certes, mais aussi l'ensemble de la société. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peut-on parler de ce budget sans évoquer la crise sans précédent que connaît aujourd'hui la filière bovine ? La réponse me semble avoir été donnée par les différents intervenants qui m'ont précédé à cette tribune.
Sénateur du Cantal, je représente ici un département de montagne et d'élevage dans lequel 20 % des actifs vivent de l'agriculture.
La situation est grave, très grave, car toute notre filière bovine est en situation de cessation de paiement, et les agriculteurs ont le sentiment que les décideurs français et européens sont sourds à leurs messages de désespoir.
J'en donnerai un exemple concret : actuellement, dans le Cantal, 60 000 broutards prêts à la vente sont bloqués sur les exploitations faute d'acheteurs et restent donc sur les bras de nos éleveurs. Non seulement aucune recette ne rentre, mais, en plus, il faut nourrir ces bêtes avec les réserves de l'hiver. En outre, le dépassement des taux de chargement des exploitations risque de pénaliser les exploitants.
Pour ce qui est des transactions, outre le fait que les exportations sont purement et simplement stoppées, les prix observés sur les quelques rares ventes ont baissé de quatre à cinq francs au kilo, soit environ de 35 % en moins d'un mois.
Mardi dernier, vous le savez, monsieur le ministre, les éleveurs du Massif central ont manifesté massivement dans les rues de Clermont-Ferrand, car ils sont désespérés. Leur colère est légitime, car ils n'ont aucune perspective face à cette situation désastreuse.
Mais ce qui provoque encore plus leur colère, c'est de constater que leurs animaux, produits avec des labels de qualité certifiés, sont logés à la même enseigne que ceux des filières à risque. De ce fait, plusieurs années d'efforts consentis pour améliorer la qualité de la viande et sa traçabilité semblent aujourd'hui anéanties. Permettez-moi de le dire, tout cela est injuste.
En effet, plus de la moitié des éleveurs cantaliens, soit plus de 3 000 d'entre eux, ont signé depuis déjà quatre ans une charte de qualité de l'élevage bovin en partenariat avec l'Etat, le conseil général et les organisations agricoles, charte dans laquelle les signataires se sont engagés à supprimer les farines et les graisses animales de l'alimentation des bovins.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, c'est toute l'économie des départements de montagne qui est en jeu face à cette situation dramatique. On peut craindre de voir s'accentuer aussi, à court terme, la désertification de nos zones rurales.
Déjà, en cinq ans, il faut le rappeler, 800 exploitations agricoles ont disparu dans le Cantal. Combien disparaîtront encore à très court terme si d'autres mesures concrètes ne sont pas prises d'urgence ?
Car, il faut bien le dire, les dispositions que vous avez annoncées, monsieur le ministre, dans le cadre du plan de lutte contre l'ESB, ne répondent malheureusement que très partiellement à la détresse des éleveurs, en l'absence d'un soutien fort et rapide au dégagement du marché, notamment celui du broutard.
Les aides à la trésorerie, même complétées par la nouvelle enveloppe de 500 millions de francs de prêts bonifiés que vous avez annoncée, ne suffiront pas à faire face à l'ampleur des difficultés rencontrées par les éleveurs sur le terrain.
Pour sortir de cette crise sans précédent, à court terme et de façon durable, au moins trois actions sont à engager au plus vite.
Dans le prolongement des décisions prises lundi dernier lors de la réunion des ministres de l'agriculture de l'Union européenne, une aide aux dégagements des broutards, assortie de la fixation d'un prix plancher, serait, je l'ai dit, de nature à permettre la reprise de la commercialisation des animaux, notamment desdits broutards.
La réouverture du dossier de soutien de l'Union européenne à la production à l'herbe s'avère tout aussi urgente, d'une part, pour répondre à la demande légitime du consommateur en attente d'une production de qualité, d'autre part, pour rééquilibrer les aides européennes dans ce sens.
Il faut rappeler qu'actuellement les aides sont de 2 500 francs par hectare pour la production de maïs et de 300 francs par hectare pour la production d'herbe. Or, on le sait, l'herbe de montagne est un aliment naturel ; il est le plus riche et le plus équilibré.
Enfin, si la décision de la pratique du test systématique sur tous les animaux est de nature à rassurer le consommateur, il faut aussi accélérer l'agrément des laboratoires départementaux qui en ont fait la demande. Tel est le cas du laboratoire du Cantal, M. Roger Besse, président du conseil général, ayant fait la demande d'agrément voilà plus d'un an, demande qui a été réitérée par l'ensemble des parlementaires du Cantal voilà quelques jours. Il faut aussi dégager très vite les moyens suffisants pour réaliser ces tests.
C'est donc solennellement, et avec la plus grande insistance, que je vous demande, monsieur le ministre, comme vous le demandent aussi les agriculteurs et les élus de montagne, de bien vouloir prendre d'urgence, en liaison avec l'Union européenne, ces mesures vitales pour l'avenir de l'élevage de nos régions de montagne et de l'ensemble de la filière bovine. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ma qualité de président du groupe d'études de la viticulture de notre Haute Assemblée, je consacrerai l'essentiel de mon propos à la situation du secteur vitivinicole et à la politique mise en oeuvre par les pouvoirs publics européen et français dans ce domaine.
Je donnerai tout d'abord quelques indications sur la récolte 2000. Cette année, la vendange s'élève à 57,68 millions d'hectolitres contre 62,9 millions en 1999. Comparée aux cinq dernières années, il s'agit d'une récolte moyenne. Certaines zones de production - l'Hérault, le Gard, les Charentes et la Bourgogne - enregistrent une baisse significative. Malgré un printemps et un début d'été pluvieux, les conditions climatiques favorables d'août et septembre ont permis des vendanges précoces, un bon état sanitaire, une bonne maturité, une richesse en sucre et des conditions de récolte favorables qui permettent de présager un bon millésime 2000. (Exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Aymeri de Montesquiou. Enfin une bonne nouvelle !
M. Serge Mathieu. Ces résultats qualitatifs encourageants sont dus à l'effort soutenu des producteurs, en matière tant d'investissements consacrés à la vinification, que de rénovation des vignobles, de détermination des meilleures périodes de récolte et, plus généralement, grâce à une action continue en faveur de la qualité de la production.
Le poids des stocks, estimé à 32 millions d'hectolitres à la fin du mois d'août, soit 18 % de plus qu'en 1999 à la même époque, a pesé sur les prix, d'autant que la distillation ouverte début septembre dans le cadre des mesures prévues par la nouvelle organisation commune des marchés, l'OCM, n'a pas attiré d'inscription en France en raison du faible prix payé aux producteurs : 16,30 francs le degré/hecto.
Ce volume élevé des stocks s'explique en particulier par la crise qui a affecté les vins de table et les vins de pays, fortement concurrencés par les vins des différents pays de la Communauté économique européenne dont les professionnels de la filière dénoncent la traçabilité douteuse et souhaitent que les vins entrant dans leur composition soit mentionnés sur l'étiquette.
Un crédit de 75 millions de francs a été alloué par le Gouvernement à la fin du mois d'août, pour renforcer les actions de promotion des vins français afin de développer les ventes à l'exportation et, par conséquent, de contribuer à une remontée des cours.
Pour nos exportations de vins et spiritueux, l'année 1999 a constitué un excellent millésime, avec un chiffre d'affaires à l'exportation de 49 milliards de francs, soit une progression de 8 %. Cette progression importante est liée surtout au champagne, qui a enregistré une hausse des ventes à l'exportation de 25,9 % en volume et de 35,5 % en valeur, soit 12 milliards de francs, sans doute en raison du passage à l'an 2000. Les mousseux AOC hors champagne en ont bénéficié : ils gagnent 63,2 % en valeur et 59,5 % en volume. Les vins tranquilles AOC connaissent un léger repli en valeur de 2,6 % - 18,6 milliards de francs - mais consolident la progression réalisée depuis deux ans, 132 % par rapport à 1997. Les spiritueux réalisent une bonne performance en 1999, avec un chiffre d'affaires de 11,4 milliards de francs, en progression de 5,1 %, en raison de la remarquable progression des liqueurs - 25 % - et du redressement du cognac - 2 %.
M. Aymeri de Montesquiou. Et l'armagnac ?
M. Serge Mathieu. Les Etats-Unis restent le premier marché d'exportation des vins et spiritueux, avec 9,3 milliards de francs, en hausse de 19,2 %, devant le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg ainsi que le Japon. Singapour et Taïwan montrent des signes encourageants de reprise après une année 1998 difficile. Il est à souligner que la part des vins et spiritueux dans nos exportations agroalimentaires est passée, de 1974 à 1999, de 13 % à 20 % en valeur. Il convient toutefois d'observer que notre viticulture de qualité est de plus en plus concurrencée par de nouveaux pays producteurs comme l'Australie, l'Amérique du Sud ou la Californie, qui misent sur des vins de cépage.
La structure de notre commerce extérieur de vins et spiritueux aussi bien que l'évolution à long terme de la consommation intérieure attestent que la promotion de la qualité doit être poursuivie par les producteurs et encouragée par les pouvoirs publics.
A cet égard, je me plais à signaler le classement de nouveaux crus en AOC, parmi lesquels les vins des coteaux du Vendômois, le Touraine Noble Joué, le montravel en Dordogne.
A l'échelon des régions de production, l'organisation interprofessionnelle progresse ; j'en veux pour preuve la mise en place d'une interprofession unique pour les vins d'AOC du Roussillon et la naissance de l'interprofession des vins de Loire, troisième région viticole de France.
Le comité des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO, a été saisi de projets de textes réglementaires tendant à une réforme des procédures d'agrément fondée sur quatre objectifs : faire du respect des conditions de production un préalable à l'agrément, s'assurer que la dégustation vise bien à reconnaître la typicité et la qualité, obtenir l'homogénéité et la rigueur de la procédure d'agrément applicable à toute appellation, responsabiliser les organismes agréés dans la limite du respect du cadre général défini en autorisant, notamment, l'agrément à durée limitée.
Cette même instance a confirmé que la mention des cépages est contraire au principe de l'AOC et ne doit donc pas figurer sur l'étiquette des vins d'appellations d'origine contrôlées.
Le secteur de la viticulture de qualité a entrepris de se couvrir contre les fluctuations de prix, parfois spectaculaires, d'une année sur l'autre. A cet effet, au printemps prochain, un contrat à terme sur les grands vins de Bordeaux sera négocié à la Bourse de Paris ; si cette initiative est couronnée de succès, elle sera étendue à d'autres grands crus, de Bourgogne, notamment.
L'ensemble des professionnels de la filière vitivinicole a été consterné par les dispositions de l'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qui prévoient l'affectation au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, nécessitée par le passage aux 35 heures, du produit des droits de circulation sur les alcools.
Il est, en effet, légitime que ces sommes soient affectées au financement de la traçabilité et de la qualité des vins. Tel était du reste le cas jusqu'au milieu des années quatre-vingt, lorsque le produit des droits de circulation était en partie affecté au financement de l'INAO.
Aussi convient-il de saluer la cohérence de la position adoptée par le Sénat, lors de sa séance du 15 novembre dernier, qui a décidé la suppression de l'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
L'un des thèmes qui a mobilisé les organisations professionnelles et les élus représentant les régions de production a été, au cours des mois récents, celui des liens entre vin et santé. En effet, le rapport présenté par le professeur Roques a, de manière excessive, assimilé la consommation de boissons alcoolisées à celle de stupéfiants. (Exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Quelle honte !
M. Serge Mathieu. Or, il est bien certain qu'une consommation modérée de vin de qualité ne saurait nuire à la santé de nos compatriotes (Nouvelles exclamations),...
M. Jean Chérioux. Bien au contraire !
M. Serge Mathieu. ... comme l'atteste du reste la notion de french paradox mise en évidence par des chercheurs américains.
La formation des futurs exploitants agricoles est décisive pour assurer le développement d'une économie agroalimentaire performante et pour favoriser le renouvellement démographique de la profession grâce à l'installation de jeunes exploitants capables de maîtriser aussi bien les techniques de production que la gestion de leurs entreprises.
C'est pourquoi, chaque année, j'examine avec une particulière attention l'évolution des crédits inscrits dans le projet de loi de finances bénéficiant à l'enseignement agricole, crédits que retrace dans son rapport notre collègue M. Albert Vecten, au nom de la commission des affaires culturelles. En 2001, les crédits de fonctionnement alloués à l'enseignement public agricole progressent de 3 %, permettant la création de 180 emplois, dont 120 d'enseignant.
Les dotations affectées à l'enseignement agricole privé s'élèvent à 2,95 milliards de francs, soit une augmentation de 2,1 %. Les subventions aux établissements du « rythme approprié », c'est-à-dire ceux qui mettent en oeuvre des formations en alternance, s'élèvent à 990,6 millions de francs, soit une hausse de 1 %, les effectifs de ces établissements demeurant stables.
Je tiens, à cet égard, à souligner le rôle déterminant des Maisons familiales rurales, qui proposent une formation répartie entre l'enseignement en établissement et les stages en exploitation.
En conclusion de ce rapide exposé, je voudrais, monsieur le ministre, mes chers collègues, faire justice d'une affirmation que l'on entend parfois proférer concernant le secteur vitivinicole qui serait en quelque sorte priviligié au sein de l'économie agricole et alimentaire. Certes, en 1999, alors que le revenu moyen de l'ensemble des exploitants agricoles a diminué d'environ 7 %, celui des viticulteurs a progressé. Il convient, tout d'abord, d'observer que la viticulture ne perçoit aucune subvention nationale ou communautaire. En outre, les viticulteurs sont des producteurs agricoles à part entière. Aussi, alors que certains secteurs de notre agriculture sont confrontés à de graves difficultés, je pense tout particulièrement à la filière bovine, je voudrais exprimer la profonde solidarité des viticulteurs avec l'ensemble des exploitants agricoles de notre pays. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'agriculture est examiné cette année dans un contexte de double crise : crise de l'ESB et crise structurelle profonde de l'agriculture française frappée en 1999 par une baisse de 10 % du revenu des agriculteurs.
Je voudrais, à ce propos, rappeler que le Gouvernement s'est interrogé sur l'affectation du surplus fiscal et que les agriculteurs sont le seul groupe social dont le revenu ait baissé. Pourquoi n'a-t-il pas bénéficié d'une attribution qui aurait pu prendre la forme d'un abattement fiscal ? Les agriculteurs ont ressenti cette absence de considération comme une grande injustice.
Votre budget apporte-t-il des réponses adaptées à ces deux crises ?
Une crise, par étymologie, c'est le moment où tout est encore possible, où l'on peut réussir à passer d'un côté ou de l'autre de la difficulté. Avez-vous fait les bons choix ? Je ne le pense pas.
Ainsi, les dépenses d'administration, qui représentent 40 % des presque 30 milliards de francs de votre budget, sont beaucoup trop lourdes. Ainsi encore, 340 postes de fonctionnaire supplémentaires sont prévus cette année. Etait-ce indispensable ?
M. André Lejeune. Oui !
M. Aymeri de Montesquiou. A quelles tâches vont-ils être employés ? Il en découle que les investissements sont trop faibles et, plus grave, on ne voit toujours pas s'amorcer la réforme fiscale absolument indispensable pour que les productions françaises puissent se confronter avec succès aux concurrences européenne et internationale. On ne peut participer à une compétition mondiale à chance égale avec autant de handicaps administratifs et fiscaux.
Mes collègues ont excellemment abordé le très grave problème de la crise de l'ESB. Je rappelle que le colloque international sur l'ESB, organisé par mon groupe du RDSE, en juin dernier, avait conclu déjà à la nécessité d'interdire immédiatement les farines animales.
M. Alain Gournac. Immédiatement !
M. Aymeri de Montesquiou. Je me félicite que le Président de la République ait le premier demandé la suppression de ces farines et que le Gouvernement se soit rassemblé derrière lui. (M. le ministre sourit.) Je sais qu'assumer une présidence de l'Union n'est pas le meilleur moyen d'imposer ses vues, surtout lorsque le pays concerné est le premier bénéficiaire de la PAC.
Aujourd'hui, la polémique sur les délais de décision et l'interdiction des farines animales est close. Néanmoins, je veux rappeler que la confiance que nous devons accorder aux éleveurs doit être proportionnelle à l'exigence dont il est fait preuve à leur égard. La filière bovine ne saurait être mise en accusation si la traçabilité est d'une fiabilité absolue.
C'est une bonne chose que les moyens relatifs à la sécurité sanitaire, au contrôle de la santé des animaux, à leur identification, à la sélection animale, et à l'Agence française de sécurité sanitaire et alimentaire aient été renforcés. Votre budget initial prévoyait la création de 20 postes de vétérinaire sanitaire. Les députés ont voté un amendement permettant la création de 30 postes supplémentaires. Cela dit, les vétérinaires libéraux avaient la compétence et la fiabilité nécessaires pour tenir ce rôle. De plus, de nombreux vacataires sont disponibles.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous parallèlement faciliter les adaptations des filières qui vont remplacer les farines carnées ? Qui paiera le surcoût économique de l'interdiction des farines animales ? Les éleveurs ? Les consommateurs ? Les collectivités locales ?
Pour ce qui est de la crise plus générale à laquelle est confrontée l'agriculture française, j'insisterai sur les réformes fiscales tant attendues, notamment pour l'installation. Compte tenu de la compétition mondiale dans laquelle s'affrontent l'Union européenne, les Etats-Unis et le groupe de Cairns, les Etats-Unis ne jouent pas le jeu de la concurrence. En juin dernier, ils ont décidé d'accroître les subventions de plus de 110 milliards de francs et ils ont multiplié par huit leurs soutiens depuis 1996. Bien sûr, ils prétendent le contraire. Pour que la comparaison soit incontestable, peut-être faudrait-il que l'Union européenne adopte un système identique. Pourquoi serait-il trop tard ? De toute façon, dans les futures négociations de l'OMC, il sera indispensable que les systèmes de subventions se rapprochent.
Mais, de façon catégorique, le seul moyen sérieux et pragmatique pour rester compétitif est de mettre en oeuvre une politique fiscale offensive auprès de laquelle vos contrats territoriaux d'exploitation apparaissent comme des gadgets. La meilleure preuve est qu'ils ne trouvent pas preneurs. En effet, alors que vous en aviez prévu 50 000 pour l'année 2 000, 1 417 étaient signés au 1er octobre, environ 2000 ayant reçu un avis favorable des commissions départementales d'orientation de l'agriculture.
Les 950 millions de francs crédités pour les CTE sur le budget 2000 n'ont donc pas été dépensés. Cette dotation devait être utilisée pour financer des mesures fiscales, par exemple au moment de l'installation et de la transmission de l'exploitation.
Vous aviez affiché comme l'une des priorités de la loi d'orientation agricole l'installation des jeunes. Or, depuis trois ans, les installations ont enregistré une chute de 35 %. Aujourd'hui, ces jeunes s'estiment à juste titre trompés. Je rappelle qu'entre 1995 et 1997 la courbe des installations s'était inversée favorablement. Les engagements n'ont-ils pas été respectés ? Aujourd'hui, de nombreux jeunes sont découragés, voire désespérés.
Dans la compétition internationale, la formation professionnelle des agriculteurs français, des jeunes en particulier, est indispensable ; elle doit être assurée dans les meilleures conditions. Or le budget de l'enseignement privé agricole est aujourd'hui en baisse. A titre d'exemple, dans ce budget, les maisons familiales rurales voient leurs possibilités d'évolution limitées, alors qu'elles sont la seule composante de l'enseignement agricole dont les effectifs soient en croissance.
Pourquoi la dotation aux jeunes agriculteurs est-elle stabilisée à 490 millions de francs, alors qu'elle avait été amputée d'un quart de ses crédits ? Il aurait dû y avoir un rattrapage ! L'an dernier, je m'étais élevé, comme le Centre national des jeunes agriculteurs, contre l'assèchement du Fonds pour l'installation en agriculture.
Les premières années sont les plus délicates pour un agriculteur qui s'installe. Les jeunes agriculteurs installés depuis moins de dix ans devraient être exonérés des charges sociales. Ils devraient bénéficier de prêts bonifiés à très faible taux et obtenir un abattement sur le revenu imposable durant les cinq première années.
Pour inciter les exploitants à céder leur exploitation à un plus jeune, une exonération des plus-values est nécessaire.
Plus généralement, une réflexion doit être conduite pour arriver, à terme, à une assiette de cotisation qui serait assise non plus sur les revenus du travail et du capital, mais seulement sur le revenu du travail. D'une part, c'est une question d'équité, d'autre part, cela permettrait de s'aligner sur une fiscalité moderne.
Le Gouvernement a étendu la suppression de la vignette automobile aux véhicules de moins de deux tonnes pour les artisans, les associations et les syndicats. Pourquoi pas aux agriculteurs ? Pourquoi deux poids, deux mesures ?
Le monde agricole est très attentif à des réponses précises à ces questions.
Les agriculteurs oscillent, à juste titre, hélas ! « entre déprime et révolte ». Rendus très soucieux par la réforme de la PAC, inquiets des conséquences de l'entrée prochaine de grands pays à tradition agricole dans l'Union, ils s'interrogent sur leur avenir. Ils attendent d'abord les réformes profondes en matière fiscale. Ils attendent que les promesses sur les retraites soient tenues. Le minimum vieillesse est indigne pour ceux qui se sont usés à la tâche durant toute une vie. Quand l'objectif de 75 % du SMIC, martelé chaque année, arrivera-t-il à s'imposer ?
Monsieur le ministre, je crains que l'on ne prépare la désertification des campagnes où l'agriculture est la plus difficile. Membre du Rassemblement démocratique et social européen, je ne peux accepter de voter le projet de budget que vous nous proposez. Je suivrai donc l'avis de la commission des finances. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la suspicion, non dénuée de fondement à l'égard de l'utilisation des farines animales infectées - et cela malgré l'embargo de 1990 - a provoqué une réduction de la consommation de viande de 20 %, tandis que, dans certains abattoirs, la production chutait de 40 %.
Une psychose alimentée par des pratiques politiciennes douteuses s'est emparée de la France. Dans ce contexte, nous avons pris acte avec satisfaction des mesures mises en place par le Gouvernement. Toutefois, ce que l'on doit redouter le plus, c'est qu'à ces peurs irrationnelles ne succède une vague généralisée et durable de méfiance à l'égard de nos produits alimentaires.
A la lumière des multiples crises qui ont ponctué ici et là le « paysage » alimentaire - ESB, listériose, dioxine, légionellose, - et autres -, qui pourrait reprocher au consommateur d'être devenu plus attentif à la qualité non seulement sanitaire, mais aussi gustative de son alimentation ?
Le développement des élevages et productions hors-sol ainsi que la réduction des cycles de production afin de répondre à la pression permanente de réduction des coûts ne contribuent-ils pas à un accroissement des risques alimentaires et à une dégradation de la qualité alimentaire ?
Que dire, par exemple, d'un poulet élevé et abattu à quarante et un jours ? Etait-il vraiment sans risque d'inciter à la production de plus de 12 000 kilogrammes de lait par an et par vache laitière ?
La vérité est qu'une certaine conception de l'alimentation et de la consommation a conduit à créer des filières dédiées à une production de masse, de qualité faible, sinon médiocre, et destinée à la clientèle la plus appauvrie de notre pays.
A une agriculture de rendement intensif correspond en effet une stratification du commerce et de la distribution qui fait de la recherche du profit immédiat, au détriment de la qualité et parfois de la santé publique, l'alpha et l'oméga de sa démarche.
La pression sur les cours pousse à la faute, puis à la fraude, en acculant certains producteurs à vendre toujours plus tout en récoltant toujours moins le résultat de leurs efforts.
A ce propos, formulons deux observations essentielles.
D'une part, la crise sensible de la filière bovine et de la sécurité alimentaire en général conduit déjà, dans de nombreuses entreprises, à l'annonce, dans un premier temps, de période de chômage technique puis de plans de suppressions d'emplois.
Je ne parle pas des problèmes rencontrés par le secteur des abattoirs pour lequel l'engagement des collectivités locales, en termes de garantie, est souvent important.
Elue du Val-de-Marne, j'ai déjà été alertée par les salariés du marché d'intérêt national de Rungis de la mise en oeuvre de dispositifs de suppressions d'emplois, qui reportent le coût de la dégradation de l'ensemble de la filière sur la solidarité et la collectivité nationales.
Cela n'empêchera cependant pas les professionnels de la transformation et de la découpe, notamment les entreprises qui proposent ce que l'on appelle les produits de « quatrième gamme », de continuer de réaliser un certain volume d'affaires et de profits.
De manière assez paradoxale, par ailleurs, notons que le plan de stockage et d'élimination des farines animales infectées ou douteuses semble devoir générer quelques menus profits pour les bailleurs de locaux d'entreposage, compte tenu de la forte pression existante.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce point ainsi que sur les mesures prévues pour les communes contraintes d'accepter et de gérer ce stockage sur leur territoire ?
D'autre part, se pose de manière particulièrement forte le problème de la légitime rémunération des producteurs, problème que nous avions notamment évoqué, à l'occasion du débat sur les nouvelles régulations économiques et qui passe, compte tenu des limites de la négociation interprofessionnelle, par l'adoption de mesures directes émanant de la puissance publique.
Il y va, de notre de point vue, du maintien de l'activité de nombreux producteurs, activité indispensable pour pouvoir continuer de proposer aux consommateurs la qualité de production qu'ils sont en droit d'attendre.
On comprend le dégoût des consommateurs face à une production alimentaire déréglée par tout un système de production et de distribution.
La sécurité alimentaire se définit comme une réponse à un problème important de santé publique, dont nous sommes d'ailleurs aujourd'hui dans l'incapacité d'évaluer totalement les conséquences et les implications.
Elle se définit aussi au regard de l'approche critique d'un mode de production agricole et d'un mode de consommation dont mon collègue Gérard Le Cam a largement parlé dans son intervention. On peut même considérer que le rôle imputé tant aux autorités indépendantes qui interviennent en matière de sécurité alimentaire et sanitaire qu'aux directions des services vétérinaires conduira fatalement à la mise en question de ce mode de production.
La juste rémunération du travail des producteurs et la garantie de la sécurité alimentaire pour le consommateur sont deux des objectifs que nous devons poursuivre.
Les moyens budgétaires consacrés à ces missions sont d'ailleurs en hausse non négligeable : 9 millions de francs au chapitre de l'appui scientifique et technique de l'AFSSA ; 1,6 million de francs pour l'évaluation des risques ; 110 millions de francs au chapitre 44-70 consacré à la promotion et au contrôle de la qualité. On constate aussi une augmentation des crédits d'équipement de l'agence.
L'ensemble de ces dépenses témoigne manifestement d'un effort significatif en termes budgétaires et traduit clairement les orientations et les choix politiques de ce gouvernement qui, nous le constatons, s'est placé résolument du côté de la qualité et de la sécurité, rompant avec une tradition ancienne de clientélisme dont certains témoignent ici.
Que la ténacité et la pugnacité du Gouvernement aient été enfin reconnues, au niveau communautaire, avec la création de l'Agence européenne de sécurité alimentaire confirme cette analyse.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce sont là, les quelques observations que le groupe communiste, républicain et citoyen voulait faire sur cette question fondamentale de la sécurité alimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, un cri d'alarme vient d'être lancé par le monde de la viticulture contre la menace d'une mondialisation et d'une logique industrielle appliquées au vin. S'ajoute à cela le problème plus récent de l'arrivée sur le marché de produits issus du mélange de vins de différents pays de la Communauté européenne et appelés VDPCE. Certaines personnes n'hésitent pas à s'interroger sur la malbouffe. Allons-nous y ajouter le malboire ?
Le problème est bien réel. Ces produits, dont la traçabilité est douteuse et qui transiteraient chaque semaine par le port de Sète à raison de 5 000 hectolitres et à un prix allant de 1 à 2 francs le litre, concurrencent de manière déloyale nos vins de qualité.
Il importe que les consommateurs soient pleinement informés sur le fait que ces vins sont sans origine ni loyauté marchande et qu'ils sont composés de mélanges, informations importantes dans une démarche de traçabilité et de sécurité alimentaire.
Il faut que l'on réagisse face à la traçabilité douteuse de tels produits et que de telles pratiques disparaissent d'autant plus vite que notre viticulture, vous le savez mieux que d'autres, monsieur le ministre, a construit son image sur la garantie de l'origine et de la qualité de ses produits. Il serait par conséquent injuste que nos viticulteurs, qui ont réalisé ces dernières décennies de coûteux efforts de qualité, subissent cette concurrence déloyale.
J'en viens à la seconde partie de mon intervention, qui concerne la déréglementation du marché à laquelle on assiste.
Nous vivons une situation préoccupante due à la conjonction de plusieurs facteurs : importations de vins à bas prix qui pèsent sur la demande et la déséquilibre et une récolte 2000 dont le volume est important. Le marché est engorgé et donc quasiment atone. Si nous ne réagissons pas, cette situation affectera gravement le revenu des viticulteurs.
Monsieur le ministre, où en sont les négociations engagées à Bruxelles tant sur la question des VDPCE que sur le dispositif de modulation de la distillation ? Il est urgent, si l'on veut sauver cette campagne, de mettre en place les moyens nécessaires à l'ouverture de la distillation préventive de un million d'hectolitres à 25 francs le degré-hecto. En effet, la mesure prévue dans le cadre de la nouvelle organisation commune des marchés ne répond pas, en France en tout cas, à l'objectif recherché en raison d'un prix trop bas, de l'ordre de 16,30 francs. La profession attend donc une rallonge pour la distillation communautaire, permettant d'assurer un prix plancher efficace et donc de désengorger le marché et de reconstruire sur de meilleures bases.
Monsieur le ministre, si j'insiste aujourd'hui sur ces différents problèmes, c'est parce qu'il est encore temps d'aider notre viticulture à franchir un cap difficile et que, par expérience, nous savons pouvoir compter sur vous. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Besse.
M. Roger Besse. Monsieur le ministre, je souhaiterais, au cours de cette brève intervention, évoquer deux problèmes qui relèvent de votre compétence et qui sont de nature très différente.
Le premier concerne l'incident qui a affecté la réunion du Conseil national de l'enseignement agricole du jeudi 30 novembre 2000.
Ce jour-là, des représentants du Conseil national de l'enseignement agricole privé et de la Fédération familiale nationale pour l'enseignement agricole privé, la FFN, au titre des parents d'élèves, ont été conduits, et ce pour la première fois, à quitter la séance et, ainsi, à rompre les discussions engagées concernant les adaptations de l'enseignement agricole.
En effet, lors de cette réunion, le directeur général de l'enseignement et de la recherche a fait état des axes d'une politique nouvelle initiée par l'enseignement agricole et qui viserait explicitement à réduire, de façon drastique, le développement de l'enseignement privé et à rendre majoritaire les effectifs de l'enseignement public.
Outre le fait que ces orientations ne sont pas conformes au troisième schéma des formations ni aux orientations de la loi adoptée par le Parlement, je tiens à rappeler que ces nouveaux axes de travail ont été révélés « aux représentants du Conseil national de l'enseignement agricole privé et aux représentants des maisons familiales et rurales sans aucune concertation préalable ». Il s'agit là, à mon sens, d'un incident grave qui constitue un changement majeur dans les orientations de l'enseignement agricole, dont il n'a été débattu dans aucune instance prévue par la loi.
Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que les représentants de l'enseignement public se soient déclarés très satisfaits de ces nouvelles orientations, estimant qu'il s'agissait d'un tournant qu'ils ont qualifié d'« historique ».
Monsieur le ministre, l'enseignement agricole ne peut se réduire à cette opposition destructrice et archaïque entre public et privé.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous sommes d'accord.
M. Roger Besse. Il faut tenir compte de l'originalité de ses quatre composantes - l'enseignement public, l'enseignement privé confessionnnel, l'enseignement associatif par alternance et l'enseignement professionnel - qui ont chacune leurs caractéristiques et qui concourent à sa réussite et à sa richesse dans la diversité.
L'enseignement agricole est, depuis des décennies, marqué par des innovations pédagogiques, par la variété de ses méthodes et de ses filières, par sa capacité de réponse rapide aux besoins des territoires, par ses établissements à taille humaine, enfin, par ses liens étroits avec la profession.
Ses missions de formation, d'animation, de développement et de coopération, ainsi que sa diversité ont toujours été reconnues sans ambiguïté et avec force. Elles ont, de plus, été confirmées par la loi d'orientation agricole de 1999.
Aujourd'hui, il semblerait que, par la déclaration abrupte et provocatrice du directeur général de l'enseignement et de la recherche, tous ces acquis soient publiquement remis en cause.
Par respect pour les 105 000 élèves, les 10 000 formateurs et leurs familles que représente l'enseignement privé en France, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir informer la Haute Assemblée, en précisant dans votre réponse si la voix de M. le directeur général de l'enseignement et de la recherche est également la vôtre.
Si tel était le cas, la paix scolaire, la capacité de dialogue, d'écoute et de coopération deviendraient alors difficiles, pour ne pas dire impossibles, avec les représentants élus de l'enseignement privé.
Je souhaite, pour ma part, que vous acceptiez, monsieur le ministre, de tout mettre en oeuvre pour nous épargner une nouvelle guerre scolaire, estimant que le choix de l'école est aussi l'exercice d'une liberté qui a valeur constitutionnelle et à laquelle nous sommes particulièrement attachés.
Avant de conclure sur ce point, je souhaiterais, monsieur le ministre, vous rappeler que, dès le 19 mai dernier, pressentant des difficultés dans mon département, j'avais attiré votre attention sur l'inquiétude des présidents des maisons familiales et rurales par le truchement d'une question écrite à laquelle à ce jour, hélas ! il n'a toujours pas été répondu.
La deuxième partie de mon intervention portera sur les conséquences de la crise de l'ESB sur la filière bovine. Vous en connaissez mieux que d'autres, monsieur le ministre, tous les aspects, ce qui m'évitera de faire l'historique de cette crise, si ce n'est pour vous dire que j'apprécie à leur juste valeur les efforts déployés par le Gouvernement et les mesures concrètes qui ont été prises depuis quelques semaines tant à Paris qu'à Bruxelles, sans omettre de saluer votre pugnacité, qui s'impose dans des négociations internationales que nous imaginons, tous, comme difficiles et ardues.
Qu'il me soit permis, monsieur le ministre, d'évoquer à cet instant de mon propos deux points spécifiques qui me paraissent essentiels pour les éleveurs du Massif central.
Le Massif central est durement touché par les effets de cette crise, l'élevage bovin jouant un rôle majeur dans l'activité économique et humaine de ce territoire, qu'il est convenu d'appeler la plus grande prairie naturelle d'Europe.
Mardi 5 décembre, près de 15 000 éleveurs de dix-sept départements ont exprimé leur désarroi lors d'une grande manifestation à Clermont-Ferrand. Il s'agissait d'un geste fort, à la veille du sommet des chefs d'Etat européens à Nice. Le message de ces éleveurs est clair : ils considèrent que les mesures arrêtées le 4 décembre vont dans le bon sens et constituent réellement une avancée significative, mais ils demandent que soient pris en compte par le Gouvernement les problèmes liés à la commercialisation des broutards, production spécifique de leur élevage. Ces broutards, veaux âgés de huit à dix mois, destinés à l'engraissement, élevés à l'herbe, exportés à plus de 90 %, représentent 1 million de têtes.
A ce jour, plus de 60 % de ces animaux, dont 80 % proviennent du Cantal, restent invendus. A l'évidence, les éleveurs, plus particulièrement ceux des zones de montagne, sont dans l'incapacité d'hiverner ces animaux par manque de bâtiments adaptés et, plus encore, de les nourrir par manque de trésorerie.
En leur nom, je vous demande, monsieur le ministre, à la suite de mon collègue Pierre Jarlier, d'organiser dans l'urgence un système d'intervention efficace, tant pour les broutards que pour les vaches de réforme, dont les cours se sont effondrés, ce qui implique, semble-t-il, une modification des règlements européens.
Parallèlement aux mesures d'intervention qui s'imposent, l'indemnisation des pertes subies par les éleveurs, consécutives à la dégradation importante et brutale du prix de vente de leurs animaux, s'avère indispensable.
Je sais que les préfets des départements de la région Auvergne vous ont fait parvenir des rapports exprimant leur vive inquiétude à l'égard d'une situation extrêmement tendue, voire explosive, qui, pour certains éleveurs, peut confiner au désespoir. L'hiver est à notre porte : il convient, monsieur le ministre, de faire vite ; par avance, je vous en remercie.
Le dernier point de mon propos fait référence à un courrier que je vous ai adressé le 2 février dernier pour vous confirmer la candidature du laboratoire départemental d'analyses et de recherches vétérinaires du Cantal pour le dépistage de l'ESB en région Auvergne. Récemment, vous avez agréé quatorze laboratoires, dont un dans l'Allier ; nous nous en réjouissons.
Compte tenu de l'évolution rapide de la situation, de la volonté clairement exprimée de dépistage systématique, je me permets, monsieur le ministre, de réitérer avec une particulière insistance ma demande d'agrément du laboratoire d'Aurillac. Cet agrément se justifie à mes yeux, d'une part, par la qualité et la performance scientifique de ce laboratoire, qui ne date que de quatre ans, et, d'autre part, par la présence de 450 000 bovins dans mon département.
Persuadé que de la rapidité d'exécution des tests et de leur fiabilité dépend, pour une large part, la reconquête de la confiance des consomateurs, je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, dans un moment crucial pour la filière bovine, de ne pas repousser l'offre de collaboration qui vous est faite. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a déjà été dit mais il faut le répéter : le séisme qui s'est abattu ces dernières semaines sur l'élevage bovin et sur l'ensemble de la filière bovine est un drame sans précédent pour toutes les corporations qui la composent, soit 500 000 éleveurs, 2 500 entreprises employant plus de 150 000 salariés, toutes plus ou moins en difficulté, 30 000 points de vente en boucherie et en grandes et moyennes surfaces, qui emploient 80 000 personnes.
En 1996, l'annonce de la transmission à l'homme de la maladie de la « vache folle » avait créé un choc considérable auprès des consommateurs de viande, mais, Dieu merci ! insensiblement, chacun avait repris ses vieilles habitudes et la consommation était redevenue presque normale.
Aujourd'hui, nous sommes dans une situation complètement paradoxale, dans la mesure où cette tornade économique a été déclenchée par un événement qui, au contraire, aurait plutôt dû être considéré comme rassurant. C'est en retirant de ses étalages un lot de viande suspect qu'une grande surface, qui croyait augmenter ainsi la confiance de ses clients, donc des consommateurs, en leur prouvant la parfaite surveillance de ses produits, s'est vu au contraire critiquée... Et on connaît le reste de l'histoire !
Nos médias se sont emparés de cette information et, en répétant sans cesse les noms de M. Creutzfeldt et de M. Jakob, du matin jusqu'au soir, méthode Coué oblige, et ce pendant plusieurs semaines, ils ont réussi à créer un climat de suspicion, de crainte et, maintenant, d'affolement.
Quand bien même chacun de nous, à une génération près, est originaire du monde agricole, il est depuis un certain temps de bon ton, dans certains milieux dits « intellectuels », de « bavasser » sur tout ce qui est d'origine rurale en reniant sans vergogne ses origines : au point que d'aucuns n'hésitent pas à rendre l'agriculture et l'élevage responsables de tous nos maux.
Nous avons tous entendu l'exposition de ces états d'âme presque métaphysiques de personnes complètement bouleversées parce que les vaches avaient consommé de la farine de viande. Permettez-moi, monsieur le ministre, de ramener cette affirmation à sa juste valeur.
Une vache consomme journellement, en moyenne, vingt-cinq à trente kilos de fourrage divers - paille, foin ou ensilage - et trois ou quatre kilos de granulés d'aliments du bétail...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ce n'est plus vrai depuis dix ans.
M. Bernard Barraux. Dans la composition de cet aliment, figure la farine de viande, certes, mais elle y est incorporée au maximum à 3 %, ce qui, ramené à la ration journalière, représente 0,3 %, soit 3 0/00 de tous les aliments consommés par les vaches.
Avec la suppression des farines de viande, nos chiens et nos chats souffriront bien plus d'être transformés en végétariens que nos vaches ont souffert d'être transformées en carnivores.
Alors que les scientifiques les plus éminents sont à la recherche de la vérité sur ce problème grave et complexe, nos saltimbanques de l'analyse et de la vulgarisation ont commenté, jugé et condamné tous les maillons de la chaîne de production de viande bovine. Chaque corporation devint à son tour un bouc émissaire, personne ne fut épargné.
La grande majorité d'entre nous n'ayant aucune compétence pour juger du bien-fondé de ces morbides refrains de condamnation, il était bien naturel que, pour un temps tout au moins, bon nombre de consommateurs s'interrogent et s'éloignent progressivement du rayon boucherie en se repliant sur les rayons volaille et poisson. Mais les conséquences économiques de cette suspicion n'ont pas été mesurées, et c'est aujourd'hui l'irrationnel qui l'emporte sur le bon sens, quoique tout le monde sache qu'il est 10 000 fois plus risqué de s'installer au volant de sa voiture que de s'asseoir devant une assiette de bifteck frites.
Nous avons perdu toute notion de la hiérarchisation des risques. La preuve : le professeur Maurice Tubiana, cancérologue à l'hôpital de Villejuif, écrivait, il y a peu, dans un journal, « qu'il suffirait que l'on consomme un peu plus de fruits, un peu plus de légumes, un peu moins de graisse d'origine animale pour que des dizaines de milliers de cancers et de maladies cardio-vasculaires soient évités. »
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ce sont les frites qui sont dangereuses ! (Sourires.)
M. Bernard Barraux. Les conséquences sont lourdes et cruelles pour la filière bovine et pour l'Etat. En effet, si les 535 000 tonnes de farines de viande que nous consommions devront être détruites, elles devront, en outre, être remplacées, en tenant compte qu'un kilo de farine de viande correspond en protéines à 1,25 kilo de soja, 1,35 kilo de tournesol, 2,2 kilos de colza et 2,75 kilos de pois protéagineux, auxquels il faut ajouter 40 000 tonnes de phosphates naturellement présentes dans la farine de viande.
Déjà, en 1973, le président Nixon nous avait infligé un embargo total sur le soja pendant plusieurs mois, ce qui avait conduit le président Pompidou à décider d'orienter notre pays vers une plus grande indépendance protéique. C'est d'ailleurs à cette époque que l'on a vu les champs de céréales se transformer en champ de colza, de tournesol et de pois protéagineux. Mais l'ensemble des accords internationaux de Blair House a bloqué l'extension de ces cultures.
Avant de relancer ces productions, il nous faudra obtenir de nos amis américains la rupture de certains petits contrats, nous rappelant au passage que, depuis quelques années seulement - on sait bien que l'agriculture en général est aidée, mais que le soja ne l'était pas - les fermiers américains ont une garantie de revenus sur la production de soja. Devinez pourquoi ils ont doublé leur emblavement !
La France consomme aujourd'hui 4 270 000 tonnes de soja. La moitié nous vient du Brésil, sous forme de tourteaux, prétendument sans OGM. Mais les autorités brésiliennes viennent de décider que les producteurs seront libres d'utiliser ou non les OGM. L'autre moitié nous vient des Etats-Unis, avec OGM et sans OGM. De toute façon, tout est mélangé au cours du stockage et du transport. A bon entendeur, salut !
La crise de 1973 avait vu les cours du soja passer en un mois de 800 à 3 000 francs la tonne. Depuis le début de la crise, le prix du soja est passé de 1 150 à 2 000 francs la tonne, et il continue de monter... Croyez-vous qu'il existe encore des gens qui se demandent à qui peut bien profiter la situation actuelle ?
Je suis élu d'une région où la pierre angulaire de l'économie est la vache à viande, la charolaise. Les veaux sont nourris, comme chacun sait, avec de l'herbe, de façon naturelle, et, les premiers jours de leur vie, ils ne consomment que le lait maternel. L'extensification de ce type d'élevage est pratiquée non par vertu, mais pour de simples raisons physiologiques incontournables. Et pourtant, nous sommes largement autant pénalisés que les autres éleveurs, à cette différence près que, nous, nous n'avons pas de lait à vendre !
Le nombre de cas d'ESB dans le troupeau allaitant est infinitésimal par rapport au nombre de cas détectés en France, mais nous souffrons des nouvelles directives européennes, qui ont supprimé le code de la race. Notre charolais souffre d'une trop grande discrétion, et nous souhaitons vivement que le code de la race - 38 pour le charolais - soit rétabli.
Nous étions plus de 10 000, mardi dernier, à Clermont-Ferrand, à clamer désespoir, détresse et désarroi.
A l'approche de l'hiver, les éleveurs ont besoin de vendre pour faire de la place dans les étables et, surtout, pour avoir de la trésorerie afin de faire face aux échéances. Ceux qui sont obligés de vendre parce qu'ils ne peuvent pas attendre perdent entre 2 000 et 3 000 francs par broutard ; les autres gardent leurs broutards, mais, obligés de les nourrir, ils épuisent prématurément leurs stocks.
Monsieur le ministre, nos éleveurs ont absolument besoin d'argent frais pour compenser ces pertes et ces invendus ; il leur faut 2 000 à 3 000 francs par animal, un plafond d'une dizaine d'animaux par exploitation pouvant être alors envisagé.
Nous devons trouver le moyen de rétablir la confiance. Même si d'aucuns s'acharnent à faire des prévisions apocalyptiques quant à l'incertaine période d'incubation et au nombre des animaux qui risqueraient d'être atteints, souvenons-nous tout de même que, depuis 1991, 178 cas ont été détectés en France, à comparer aux 8 553 000 vaches de notre troupeau national ! Cela représente un taux de contamination de 2 pour 1 000.
Mais, comme disait Einstein, « il est bien plus facile de désintégrer une molécule que de désintégrer un préjugé » ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui le projet de budget relatif à l'agriculture et à la pêche dans un contexte particulièrement grave, celui d'une nouvelle crise de la « vache folle », qui inquiète fortement nos concitoyens et qui connaît un retentissement tant national qu'européen.
Ce budget s'établit à 29,6 milliards ; à structure constante, c'est un budget quasiment stable puisqu'il n'augmente que de 0,6 % par rapport à l'année dernière. Et si nous tenons compte des prévisions d'inflation du Gouvernement, soit 1,2 %, ce budget est, en fait, en baisse de 0,6 %. Comme l'an dernier, nous pouvons donc conclure que l'agriculture n'est pas une priorité pour le Gouvernement, ce que nous regrettons vivement.
En outre, comme je le soulignais déjà l'an passé, la politique macro-économique du Gouvernement handicape le secteur agricole : je pense, par exemple, aux 35 heures ou à la TGAP.
Dans ce cadre général de faiblesse budgétaire, il est consolant de constater que priorité est donnée à la sécurité alimentaire. Il s'agit là d'un impératif au regard de la protection de la santé publique dans notre pays. Comment, d'ailleurs, pourrait-il en être autrement compte tenu d'une actualité si intense sur le sujet ?
A propos de l'ESB, le 21 novembre dernier, le Sénat a décidé de mettre en place une commission d'enquête sur l'utilisation des farines animales. Au cours de nos débats, nous avons évoqué l'ampleur de cette crise et la nécessité de mesures fortes pour rassurer les consommateurs.
Aujourd'hui, je souhaite revenir sur la situation critique dans laquelle se trouvent de nombreux éleveurs face à la chute vertigineuse - et, malheureusement, peut-être durable - de la consommation de viande bovine. Ils rencontrent d'énormes problèmes financiers en pleine période de paiement des fermages et des annuités d'emprunt. C'est pourquoi, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, nous avons adopté un amendement visant à exclure de la définition des bénéfices de l'exploitation les sommes perçues au titre des indemnisations des pertes de cheptel bovin touché par l'ESB.
Toute la filière, qu'il s'agisse des négociants en bestiaux, des groupements de producteurs, des associations d'éleveurs ou des abattoirs, connaît les mêmes problèmes, ce qui justifie des aides appropriées pour chacun.
Dans ces circonstances particulières, monsieur le ministre, trois actions me semblent indispensables.
Il faut d'abord que les contrôles dans les exploitations concernant le chargement/hectare et la prime à l'herbe cessent pendant la période de crise, sachant que chaque éleveur a environ 20 % de cheptel en plus.
M. Serge Mathieu. Très bien !
M. Charles Revet. Très bonne idée !
M. Jean-Paul Emorine. Ensuite, il ne faut retarder aucune mesure de communication permettant de rassurer nos concitoyens, et il est urgent, parallèlement, de mettre en oeuvre concrètement des indications géographiques protégées.
Enfin, il convient de rééquilibrer le marché de la viande bovine, en France comme en Europe. Dans un rapport sur la PAC que j'avais eu l'occasion de présenter avec mon collègue Marcel Deneux, nous avions déjà proposé une maîtrise de la production bovine au niveau communautaire.
Sur ce dossier de la « vache folle », nous constatons avec satisfaction que nos partenaires européens se rallient finalement à vos propositions. La Commission européenne a fini par recommander la suspension des farines carnées, qui vient d'être décidée au conseil des ministres de l'agriculture de lundi dernier.
Que cela ne soit pas une raison de baisser la garde ! La crise de l'ESB devra trouver une solution à l'échelon européen, ce qui implique, d'une part, que les embargos partiels décrétés par certains pays à l'encontre des viandes françaises ne sont pas justifiés, d'autre part, que la généralisation des tests en abattoirs, la mise au point d'un test et le développement de la recherche scientifique sur la maladie elle-même doivent être des objectifs prioritaires pour l'Union européenne, enfin, qu'une politique européenne de production de protéines végétales, utilisant les terres gelées, doit être décidée.
Il vous faut, monsieur le ministre, saisir l'opportunité de la présidence française de l'Union européenne et du sommet de Nice pour que soient prises en compte ces propositions.
Au-delà de la sécurité alimentaire, votre budget laisse le monde agricole inquiet quant à son avenir.
Premièrement, je note simplement que nos craintes sur le CTE se révèlent de plus en plus justifiées, comme l'a montré notre collègue M. Joël Bourdin dans son rapport.
MM. Jean-Claude Carle et Charles Revet. Très juste !
M. Jean-Paul Emorine. Deuxièmement, la politique d'installation des jeunes est menacée : la dotation aux jeunes agriculteurs est seulement stabilisée par rapport à 2000, année où elle a subi une réduction de près de 25 %. Nous avions déjà dénoncé cette aberration l'an passé.
M. Serge Mathieu. Absolument !
M. Jean-Paul Emorine. Votre argument consistait alors à dire que ces crédits demeuraient dans la mesure où ils étaient affectés aux CTE. En réalité, cela signifie que, pour s'installer et être aidé, tout jeune doit souscrire un CTE. Ainsi, l'échec aujourd'hui évident des CTE participe à l'insuffisance du nombre d'installations. Il s'agit là d'un cercle vicieux qu'il nous faut impérativement enrayer !
En effet, les mauvais résultats de l'installation des jeunes - on enregistre une diminution de 35 % en trois ans - ont de graves conséquences en matière d'emplois et d'aménagement du territoire. De nouvelles mesures pour relancer l'installation sont donc pleinement justifiées.
Je vous ai proposé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, un dispositif qui mérite qu'on y réfléchisse. Il s'agit de remplacer un cédant par un jeune exploitant, le rapport est alors bien de un pour un, alors que, dans le cadre actuel, il y a souvent deux cédants pour une seule installation. Cette proposition pourrait, en outre, avoir un aspect social dans la mesure où l'agriculteur de cinquante-cinq ans travaille souvent depuis quarante ans. Vous invoquez notamment le coût financier qu'aurait une telle disposition, mais je vous rappelle que l'Union européenne peut apporter 50 % du financement.
Troisièmement, la réforme de l'assurance récolte n'est toujours pas opérationnelle. M. Babusiaux a rendu son rapport au début du mois de novembre. Nous aimerions connaître vos intentions à ce sujet, monsieur le ministre.
Quatrièmement, en ce qui concerne les retraites agricoles, vous poursuivez le plan de revalorisation mis en place antérieurement. Cependant, je regrette que vous n'ayez pas choisi d'accélérer ce plan, ce que permettent le retour de la croissance et les rentrées fiscales. Parallèlement, il faut aller vers la mensualisation du paiement des retraites agricoles.
Enfin, je souhaiterais savoir dans quelles conditions sera prorogé le PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
La loi de finances pour 1997 prévoyait la présentation au Parlement d'un rapport, mais celle-ci n'a jamais eu lieu.
Le Gouvernement a récemment transmis de nouveaux textes réglementaires à Bruxelles ; nous voudrions savoir quelles sont les nouvelles priorités du programme, dans quelles conditions les petites exploitations y seront intégrées, quelle sera l'année d'intégration et comment seront traités tous les dossiers, notamment ceux des listes d'attente qui se sont constituées sur la base des anciennes modalités, c'est-à-dire entre 1996 et 2000 ?
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer et pour celles que nos rapporteurs ont développées avec plus de précision, monsieur le ministre, le budget de l'agriculture et de la pêche ne nous paraît pas satisfaisant : le groupe des Républicains et Indépendants ne le votera pas. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la viticulture du Languedoc-Roussillon est à un tournant.
Elle a effectué à marche forcée une transformation du vignoble, passant de la production de masse à la mise sur pied de produits de qualité. Encépagement, méthodes de vinification, connaissance des sols et de la maturité du raisin : toutes les techniques scientifiques ont été mises en oeuvre pour atteindre ce résultat impressionnant que le monde entier nous envie.
Le vignoble du Languedoc-Roussillon est à la mode chez les grands experts internationaux, chez les prescripteurs du goût, notamment américains et australiens.
Les grands opérateurs étrangers négocient à haut prix l'achat d'un foncier qui, peu à peu, échappe à nos jeunes viticulteurs. Tout près de ma commune, Mondavi, une winery de la Napa Valley, cherche à s'installer sur des terres de garrigue, provoquant d'ailleurs une certaine inquiétude chez les agriculteurs.
le prix de la bouteille de vin de cépage ou d'un AOC atteint des niveaux records à l'exportation : de 80 francs à 400 francs, pour un vignoble de renommée internationale, situé dans la vallée de l'Hérault, lui aussi.
Or, paradoxe, dans le même temps, se profile à nouveau la mévente du vin, phénomène que l'on croyait révolu et qui plonge les producteurs de nos villages dans le désarroi. Les vins de table ne trouvent pas preneur. Le prix de vente des vins de pays est au plus bas. Le spectre d'une crise grave, qui anéantirait l'effort admirable de toute une génération, est à nouveau présent, ravivant les pires souvenirs dans la mémoire collective.
C'est la raison pour laquelle, après un temps de mobilisation, 5 000 vignerons ont défilé lundi à Montpellier, accompagnés de nombreux élus. J'ai pu constater, à cette occasion, la froide détermination qui les animait, et aussi leur sens de la responsabilité.
Hier soir, à une heure tardive, monsieur le ministre, vous avez reçu leur délégation, conduite par Denis Verdier et Jean Huillet. Après une longue négociation, vous avez fait droit à leur principale demande : une distillation substantielle à un prix rémunérateur, soit 24 francs le degré/hecto. Ils m'ont chargé, monsieur le ministre, de vous dire leur satisfaction devant ce geste des pouvoirs publics qui, en permettant de retirer les produits les moins nobles, doit relancer le marché et enrayer la mévente.
Ils savent toutefois qu'il ne serait pas raisonnable de se reposer sur la seule bonne volonté de la collectivité nationale. Nous, gens du Languedoc-Roussillon, nous devons admettre lucidement qu'un signal d'alerte s'est déclenché. Oui, il y a risque à nouveau pour notre viticulture si une nouvelle étape n'est pas franchie par nos producteurs.
Nous sommes ici, au Sénat, dans un débat budgétaire Nous, parlementaires, sommes chargés de servir d'interface entre vous, monsieur le ministre, et la profession ; nous devons participer à la recherche de solutions d'avenir.
L'ensemble de la filière - coopératives, caves particulières, groupements de producteurs, négoce - a compris que les efforts considérables effectués sur l'amont de la production ne suffisaient plus. Il faut, à présent, accélérer la marche à l'excellence en matière de comercialisation, de marketing, de promotion et de conquête de marchés internationaux. Il faut vendre, non pas du vin, mais l'image de « notre » vin, telle que deux millénaires d'histoire l'ont façonnée.
Cette réorientation, vous en avez pour partie la responsabilité, monsieur le ministre. C'est un deuxième tournant historique, pour lequel nous vous demandons de nous accompagner. Les vignerons sont prêts à ce nouvel effort. Les élus sont mobilisés. Nous attendons de vous un engagement et une promesse : celle du soutien de la nation. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Parce que nous savons que nous pouvons compter sur vous et sur le Gouvernement pour nous aider à franchir cette étape (Exclammations sur les travées des Républicains et Indépendants), avec d'ailleurs moins d'argent public que pour beaucoup d'autres régions, je le dis au passage, et parce que, plus largement, nous apprécions votre politique sur tous les fronts - et ce n'est pas facile ! - sachez que nous, sénateurs radicaux, voterons avec plaisir votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer. Le monde de la pêche est rude. Vous en savez quelque chose, monsieur le ministre, puisque, récemment, vous avez partagé une nuit de pêche en mer sur un chalutier finistérien.
L'année qui s'achève a été particulièrement dure pour les pêcheurs : naufrage de l' Erika avec son flot de conséquences, et augmentation du prix du gasoil. Les organisations professionnelles ont d'ailleurs salué l'efficacité de votre action en cette occasion ; c'est une belle reconnaissance du souci que vous avez pour les entreprises de pêche.
Mais, au-delà des problèmes conjoncturels, plus inquiétants sont les problèmes structurels. La discussion budgétaire est l'occasion d'en débattre : quelle pêche aurons-nous demain et pour quels pêcheurs ?
M. Henri de Raincourt. Une pêche d'enfer ! (Sourires.)
Mme Yolande Boyer. Le souci numéro un, c'est, bien sûr, la protection de la ressource, qui passe entre autres par les totaux admissibles de capture. Des professionnels ont réagi vivement à la récente décision d'extension des quotas à de nouvelles espèces. Malheureusement, la pénurie est bien là et il faut imaginer des solutions. La réduction de la capacité des flotilles en est une, mais elle a montré ses limites.
En concertation avec les organisations professionnelles et les scientifiques, d'autres moyens sont à explorer, comme les licences d'exploitation ou l'amélioration des engins de pêche. Sur le plan européen, nous devons également obtenir les moyens de moderniser notre flotte. A ce propos, monsieur le ministre, pouvez-vous évoquer la préparation de la politique commune des pêches pour 2002 ?
Les deux rapports qui vous ont été remis sur la pêche dans la bande côtière et sur les activités portuaires contiennent des propositions constructives. Certaines peuvent être mises en oeuvre rapidement : la réforme de la taxe portuaire, l'organisation des criées ou encore la redevance équipement.
Dans la deuxième partie de mon intervention, je veux insister plus particulièrement sur certains aspects.
Le budget de l'OFIMER, de 95,8 millions de francs, est en faible augmentation : 0,2 %. Est-il vraiment suffisant pour que s'affirme son rôle en matière de politique de filière et de recherche de la qualité pour la valorisation des produits ? En effet, l'avenir de la pêche française sera d'autant mieux assuré qu'elle parviendra à opérer sa « révolution qualitative ». Compte tenu du caractère limité des ressources, c'est non pas la course à la production, mais la recherche de qualité, la garantie de traçabilité et la création de valeur ajoutée qui assureront la rentabilité pour les pêcheurs.
En ce qui concerne la fiscalité, des propositions faites à l'Assemblée nationale par mon collègue finistérien Gilbert Le Bris, destinées à mieux soutenir les revenus des marins, me semblent dignes d'intérêt. Elles consistent à prévoir des exonérations fiscales spécifiques, comme cela se pratique dans d'autres pays européens ou pour la marine marchande.
En effet, le système de rémunération à la part ne favorise pas l'intérêt des jeunes pour ce métier difficile, dont l'image doit être améliorée. Cela passe aussi par la formation. Les professionnels se prononcent pour le baccalauréat professionnel « secteur pêche » et pour la sensibilisation des jeunes aux problèmes des ressources biologiques et de la qualité des produits.
J'évoquerai en troisième lieu, ce qui ne surprendra personne, la place des femmes.
Le statut de conjoint collaborateur, établi par la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines de 1997, représente une avancée considérable, mais il faut aller plus loin. La parité avance dans le domaine politique. Je connais l'attention que vous portez à ce sujet puisque, pas plus tard que mardi dernier, vous avez réuni au ministère des femmes représentantes des milieux de la pêche et de l'agriculture. Les associations de femmes réclament une juste représentation dans les instances professionnelles telles que les comités locaux des pêches ou le comité national. Comment pensez-vous favoriser cette évolution ?
Le dernier point que je traiterai concerne la politique sociale. Pouvez-vous nous faire part, monsieur le ministre, de l'évolution de la négociation sur le repos hebdomadaire ?
Je veux également remercier le Sénat qui, voilà quelques jours, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, a voté, à l'unanimité, un amendement que j'avais cosigné avec Marie-Madeleine Dieulangard, permettant une revalorisation des indemnités maladie des marins. Ce pas est important pour la profession.
En conclusion, l'augmentation de 8 % des crédits d'intervention va dans le bon sens. L'effort est particulièrement significatif en ce qui concerne les entreprises de pêche et l'aquaculture, qui bénéficient d'une augmentation de 21,5 %, soit près de 12 millions de francs supplémentaires. Nous savons votre volonté et connaissons votre action pour que la France, dans la Communauté européenne, conserve une activité de pêche vivante et dynamique. C'est pourquoi le groupe socialiste votera votre budget.
Toutefois, en tant qu'élue bretonne, je ne peux quitter cette tribune sans vous faire part, monsieur le ministre, de la profonde détresse des agriculteurs face au drame que représente la crise actuelle de la filière bovine ; cela a été largement évoqué ce matin.
Les aides aux producteurs sont indispensables, mais restaurer la confiance des consommateurs, notamment par des tests systématiques, est également essentiel pour résoudre cette crise. J'aurai l'occasion de vous interroger plus spécifiquement cet après-midi sur ce sujet. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Rispat.
M. Yves Rispat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà plus de trente ans que je partage sur le plan professionnel, consulaire, et aujourd'hui en tant qu'élu, le combat du monde agricole et rural, notamment dans mon département, le Gers.
Depuis 1977, je n'ai jamais connu de situation aussi dramatique ni une telle chute de revenus pour des agriculteurs, tout particulièrement les éleveurs, qui sont désignés aujourd'hui comme les boucs émissaires d'une situation dont ils ne sont pas responsables. Comment ne pas se sentir concerné par les difficultés qu'ils rencontrent en ce moment ? Comment ne pas les assurer de tout notre soutien dans cette période de marasme ? L'agriculture française a connu de nombreuses mutations en trente ans, notamment après les lois d'orientation agricole de 1960 et de 1962, qui, en affirmant la maîtrise du sol par les agriculteurs, ont entraîné une formidable relance de ses capacités de production. Cela a permis à la France d'être la deuxième puissance exportatrice mondiale. L'agriculture française est reconnue comme l'une des meilleures du monde.
Aujourd'hui, après la limitation des productions imposée par la politique agricole commune, l'introduction des jachères, la crise de la « vache folle » vient d'entrer avec fracas. Elle divise l'Europe, les Etats, et angoisse, à juste titre, tous nos compatriotes.
Au-delà des sondages - cela a été dit à plusieurs reprises - la constatation est évidente : la consommation de viande de boeuf a baissé de 40 %.
La confusion est grande. On désigne trop facilement les éleveurs, et même l'ensemble des agriculteurs, comme des coupables. Ne sont-ils pas d'abord des victimes ? Les intermédiaires, les industriels de la viande, les bouchers artisanaux ne sont-ils pas eux aussi, à leur manière, des victimes non responsables ?
Faute d'images claires de l'origine de la transmission de la maladie, des conséquences qui en résulteront, de réalités scientifiques incontestables, nous risquons de rester longtemps dans la crise, dans l'irrationnel et dans cette psychose qui conduit non pas aux bonnes décisions, mais à une sorte de panique très dommageable pour une politique publique rationnelle dans ce domaine.
En matière de sécurité alimentaire, personne ne méconnaît la nécessité de l'urgence d'agir, ce que viennent de faire les ministres de l'agriculture des Quinze - à notre demande, monsieur le ministre - qui ont décidé, le 4 décembre dernier, d'interdire enfin les farines animales dans l'alimentation des animaux de ferme, comme le demandait la France.
En quelques jours, la crise a pris la dimension d'une psychose nationale. C'est donc bien d'une affaire d'Etat qu'il s'agit, posant une nouvelle fois un problème de santé publique. C'est une crise de confiance alimentaire, mais aussi une crise de confiance dans notre agriculture.
Il faut que les citoyens-consommateurs, les scientifiques et nous, acteurs politiques, débattions plus que jamais pour réfléchir à notre modèle de consommation et au type de production qui pourrait lui correspondre. C'est l'enjeu du siècle à venir.
Une fois mis en pratique le fameux principe de précaution, auquel tous les consommateurs sont très justement attachés, il ne faut pas que ce principe de précaution devienne systématiquement un principe d'interdiction généralisée. Les agriculteurs ont en effet besoin de ce que j'appellerai aujourd'hui le « principe d'espérance ».
Dans notre département, comme chaque fois que les intérêts de nos producteurs sont en jeu et que la qualité de nos produits doit être affirmée, nous savons unir nos efforts pour retrouver l'heureux temps du « Bonheur dans le pré » et dans l'assiette, du « Suivez le boeuf », et pourquoi pas, de « La vache qui rit ».
Quand on sait ce que l'agriculture et le monde rural français ont apporté à la France en termes de sacrifices humains, quand on pense aux révolutions culturales qui ont permis de faire de la France la deuxième puissance agricole mondiale, quand on pense au formidable bond en avant de l'agriculture gersoise pendant les trente dernières années, à son taux encore exceptionnel de population agricole - plus de 25 %, c'est-à-dire le plus important de France - on ne peut pas décemment accepter que les agriculteurs, les éleveurs, les paysans soient ainsi montrés du doigt et désignés à la vindicte publique comme pour mieux les faire disparaître.
En ce qui concerne le département dont j'ai l'honneur d'être l'élu, l'un des tous premiers en matière d'oléagineux, je souhaite que soit relancée la filière oléo-protéagineuse, la protéine végétale devant nous permettre, à terme, d'assurer une autosuffisance en dehors du marché américain.
Je déplore à nouveau les lourdes conséquences des concessions excessives faites aux Etats-Unis lors des accords de Blair House , qui ont entraîné une limitation des surfaces d'oléagineux et de protéagineux, nous rendant ainsi de plus en plus dépendants du continent américain. Je souhaite donc que soient mises en place des aides importantes pour relancer ces cultures et les rendre plus attractives aux producteurs.
De même, des aides importantes doivent être consenties aux éleveurs dans le cadre de la crise de la « vache folle » : elles pourraient se situer à 1 000 francs par tête pour frais de garde et pour compenser la chute des cours.
Je me réjouis de l'adoption par le Sénat d'un amendement que j'ai cosigné, prévoyant l'exonération de l'impôt sur le revenu des sommes perçues au titre des indemnisations des pertes de cheptels bovins résultant de l'ESB.
Il est également indispensable de prévoir à l'égard des viticulteurs des mesures exceptionnelles de soutien, face à leur confrontation de plus en plus vive à la concurrence de productions, européennes et latino-américaines, alors que l'effort de qualité a été, dans ce domaine aussi, indéniable.
J'ajouterai aussi qu'il est urgent, mais vous ne l'ignorez pas, de revaloriser les retraites agricoles. Le combat est engagé depuis 1996. Il faudra encore attendre l'année 2002 pour que les plus petites retraites atteignent le minimum vieillesse.
Comment assurer le financement de toutes ces actions ? Par l'Etat, bien sûr, et plus sérieusement que ce que vous avez prévu ; par l'Europe aussi ; mais également - je veux vous faire part d'une proposition - par l'un des partenaires essentiels des agriculteurs et du monde agricole, qui a largement profité de leur confiance et de leur fidélité : le Crédit agricole.
Permettez-moi de rappeler l'importance de cet établissement bancaire, qui représente aujourd'hui un capital de plus de 500 milliards de francs : première banque française, deuxième banque européenne, quatrième banque mondiale.
Cette banque, gérée remarquablement par une technostructure très compétente, multiplie ses participations dans tous les domaines. Elle affiche un résultat net pour 1999 de 15,6 milliards de francs, soit une hausse de 26,3 % par rapport à l'année précédente.
Cette banque ne peut oublier ses fondateurs. Dans sa structure juridique, elle reste toujours mutualiste, ce qui la protège de toute OPA et de tout rachat.
Mais à qui appartient donc le capital du Crédit agricole ? En effet, y cohabitent aujourd'hui des actionnaires - l'ensemble du personnel et les représentants des cinquante-trois caisses régionales - et des sociétaires. Les 5,61 millions de sociétaires restent détenteurs des seules parts sociales, toujours évaluées à leur valeur nominale d'émission, et subissent, de ce fait, un incontestable préjudice.
Il paraît urgent de modifier le code rural, particulièrement l'article 618 concernant cette banque coopérative. Il convient, en effet, d'attribuer à ces parts sociales leur valeur réelle, peut-être en les transformant en actions.
On pourrait s'inspirer, pour cette adaptation, du modèle anglais de privatisation des mutuelles. Que l'on m'entende bien : il ne s'agit pas de remettre ici en cause le système coopératif qui, fondé sur la solidarité mutualiste, a fait ses preuves et a largement participé au développement de notre agriculture.
Dans une coopérative de production, de collecte ou d'approvisionnement, on n'impose pas à chaque opération de vente ou d'achat un prélèvement de parts sociales. L'apport se fait au moment de l'adhésion du coopérateur, ou lorsque la coopérative décide une augmentation du capital. Au Crédit agricole, c'est sur chaque opération nouvelle de prêt que l'on prélève un pourcentage de parts sociales, des parts qui ne sont presque jamais rémunérées ou, si elles le sont, c'est à des taux généralement très faibles, voire sous la forme d'une attribution de nouvelles parts sociales.
C'est pourquoi, dans cette assemblée qui est aussi la « Chambre d'écho » (Sourires) du monde rural, je tenais à vous faire part, monsieur le ministre, de cette préoccupation.
Devant la crise que va traverser le monde agricole, il importe de mettre chacun face à ses responsabilités, sans exonérer les pouvoirs publics des leurs.
C'est, en effet, en mobilisant tous les moyens disponibles que l'on pourra redonner espoir au monde agricole. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vivant au milieu des éleveurs, je veux vous faire part de leur état d'esprit et de la détresse qui les accable.
La façon dont la crise de l'ESB a été traitée par les médias, les informations flamboyantes et affolantes qui ont été répandues ont causé la situation que nous vivons aujourd'hui : mévente, plongée des cours et chute verticale de la consommation !
La filière s'est ainsi paralysée et, aucune amélioration n'étant perceptible, un climat de désespoir s'est installé, sans doute pour durer. C'est que les trésoreries sont épuisées, les échéances de fin d'année tombent, l'ambiance est à l'accablement, d'autant que l'opinion publique ne manque pas d'en rajouter et de culpabiliser les éleveurs.
Ces derniers perdent confiance. Ils ne croient plus dans le pouvoir, pas plus que dans les élus, qui, à leurs yeux, dispensent des promesses avec abondance mais les concrétisent avec parcimonie.
En même temps que des aides financières, il attendent surtout du Gouvernement qu'il use de son influence et de son poids, qui est grand, pour inverser la tempête médiatique qui a tout démoli.
A entendre certains médias, nous serions revenus à l'époque de la Peste noire, quand les charretiers du roi passaient chaque matin enlever les cadavres sortis des habitations. Heureusement, il n'en est rien. Certes, nous avons à regretter deux ou trois victimes, mais, grâce aux précautions que vous avez prises, monsieur le ministre - nous vous en remercions et nous vous en félicitons - bien que le risque zéro n'existe pas, on peut maintenant consommer en France de la viande sans craindre quoi que ce soit.
Disons-le et redisons-le encore, il faut désintoxiquer cette opinion publique malade. Il faut employer les mêmes moyens que ceux qui ont si largement contribué à compromettre la situation.
Les éleveurs sont en mauvaise position et d'autres producteurs, notamment de fruits et légumes, ont à faire face également à des problèmes. C'est pourquoi, d'une façon générale, les paysans se sentent isolés et abandonnés.
Dans un pays qui bénéficie de la reprise économique et dans lequel les entreprises vont bien, les agriculteurs se sentent écrasés par un système où ils sont les seuls à être tout à la fois responsables et victimes. Ils sont entourés par un environnement qui les broient et qui, lui, vit dans la sérénité et la sécurité.
Les agriculteurs, et j'ai peine à le dire, n'ont pas vraiment confiance dans leur syndicalisme : il y a de moins en moins d'adhérents et le pluralisme syndical, avec la guerre des chefs qui en découle, les agace profondément.
Ils avaient mis en place voilà quelques décennies un système mutualiste de crédits, de coopératives et d'organisations diverses qui, jusqu'à ces dernières années, donnait satisfaction et avait la confiance des adhérents. Hélas ! les circonstances ont conduit tout ce système para-agricole à évoluer vers le gigantisme : l'homme ne s'y retrouve plus. On m'interroge constamment sur cette situation dans laquelle l'exploitant est livré à lui-même et à la loi du marché, et ce sans protection face aux aléas du commerce mondial.
A titre d'exemple, les jeunes éleveurs de mon pays ont trouvé dans un restaurant d'une chaîne nationale de la viande d'Argentine ! Le mystère demeure sur le circuit qu'elle a emprunté pour parvenir dans la vallée de la Loire mais, si son origine est indiscutable, il est bien entendu qu'aucune marque d'identification ou de traçabilité n'existe.
Monsieur le ministre, une situation aussi trouble provoque le désespoir, qui lui-même annonce parfois la violence. Il faut éviter d'en arriver là ! Le conseil régional des Pays de la Loire, sur l'initiative de son président et avec la participation des cinq départements qui composent la région, a dégagé des crédits importants. Les élus régionaux et départementaux attendent une participation équivalente de l'Etat afin de mener des opérations de dépistage et d'aide.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas rester insensible à cet appel et à cette action !
J'évoquerai un dernier point, monsieur le ministre, après M. Vecten, rapporteur pour avis, qui vous a alerté sur les bruits pessimistes provoqués par les propos de votre directeur général de l'enseignement agricole. Au moment où la situation sur le terrain est celle que nous vivons, la résurrection d'une guerre scolaire semble totalement irréaliste et choquante. L'agriculture et le milieu rural ont besoin de toutes les synergies pour sortir des difficultés. Le système scolaire pluriel installé par la loi de 1984 doit être maintenu, et nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour couper court à des bruits et à des intentions qui ne peuvent que mener à un grave malaise dont ni votre ministère et ni les agriculteurs n'ont besoin. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jacques Valade.)

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je tiens à vous informer que M. le président du Sénat ne peut présider aujourd'hui la séance des questions d'actualité car il effectue en ce moment même une visite officielle à l'étranger.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur et le ministre disposent chacun de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps de parole qui lui est imparti afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.

NATURA 2000

M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Madame la ministre, je souhaite vous poser une question sur les derniers rebondissements du feuilleton Natura 2000, une vieille histoire qui remonte à 1992. (Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
En 1998, prétextant que c'était trop tôt, vous aviez refusé que soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale une proposition de loi de notre collègue et ami Jean-François Le Grand (Oh ! sur les mêmes travées), adoptée par le Sénat, et qui aurait permis la transposition de cette directive en droit français. Vous aviez déclaré que c'était « une initiative prématurée ».
Aujourd'hui, selon vous, c'est trop tard, puisque vous avez noyé cette directive dans un projet de loi fourre-tout (Marques d'approbation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Et exclamations sur les travées socialistes) autorisant le Gouvernement à transposer par ordonnances et dans l'urgence plus de soixante directives.
M. Paul Raoult. Et vous, vous ne l'avez jamais fait ?
M. Jean-Jacques Hyest. Jamais !
M. Aymeri de Montesquiou. Le 25 octobre, le Sénat avait refusé que ce texte à caractère législatif soit examiné « à la sauvette », vous offrant ainsi la possibilité d'un véritable débat. Or, l'Assemblée nationale l'a malheureusement réintégré, avec votre assentiment.
M. Alain Gournac. Hélas !
M. Aymeri de Montesquiou. Je ne parviens pas à suivre la cohérence de votre position.
M. Jean Chérioux. Il n'y en a pas !
M. Aymeri de Montesquiou. Un jour, c'est trop tôt, le lendemain, c'est trop tard ! Cette directive touche un point sensible puisqu'elle affecte le droit de propriété. Elle est de première importance pour nos concitoyens des zones rurales, et en particulier pour les chasseurs.
Vous vous plaignez des tensions qui existent avec eux. Vous aviez l'opportunité d'ouvrir un dialogue et d'apaiser ces tensions, vous l'avez refusée.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez poser votre question, car vous avez déjà épuisé le temps de parole qui vous était imparti.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer votre attitude ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, s'agissant de Natura 2000, je peux vous confirmer que l'Assemblée nationale a adopté mardi, en première lecture, le principe d'une transposition de cette directive par voie d'ordonnance, mais en l'assortissant d'un certain nombre de garanties. Il y a d'ailleurs eu un débat intéressant, long et constructif, au cours duquel des points de vues de droite et de gauche se sont rejoints sur cette question (Exclamations sur les travées du RPR), débat qui a permis d'encadrer l'habilitation législative donnée au Gouvernement en ce qui concerne Natura 2000.
Je voudrais d'abord rappeler que la proposition de loi de M. Le Grand était incomplète (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR) puisqu'elle concernait seulement les sites, et non la transposition de l'ensemble de la directive. Depuis, Mme Voynet a constitué une commission nationale, elle a mis en place des comités régionaux qui ont permis d'associer toutes les parties intéressées : les défenseurs de la nature, les élus locaux, mais aussi les associations de chasse.
Le texte reviendra devant le Sénat puisqu'une commission mixte paritaire se réunira mardi prochain pour examiner si une convergence peut être trouvée sur Natura 2000. En tout cas, je peux vous dire que le texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale ne fait pas des zones Natura 2000, comme on a voulu parfois le dire, de véritables sanctuaires où toute activité humaine serait prohibée, bien au contraire. En effet, il a été précisé, dans le texte du projet de loi, que des activités humaines compatibles avec l'objectif de classement en zone naturelle seront maintenues dans ces zones. Par ailleurs, les conseils municipaux ou les conseils des établissements publics de coopération intercommunale compétents, syndicats ou communautés de communes, seront plus directement associés, puisqu'ils rendront un avis motivé sur les décisions de classement. De plus, le préfet, qui prendra les décisions de classement au nom de l'Etat, le fera aussi sur une base motivée.
Cette disposition sera encadrée. Il y aura des garanties suffisantes. Le Sénat pourra donc, dans sa grande sagesse, adopter ce dispositif. Ainsi, notre pays pourra remplir ses obligations européennes. Je rappelle que nous sommes menacés de non-versement des fonds structurels par le commissaire européen chargé de ce dossier. Sur ce plan, la représentation nationale doit s'efforcer de concilier protection de la nature et maintien des activités humaines. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Gérard Delfau applaudit également.)

AGENDA SOCIAL EUROPÉEN

M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Conseil européen de Nice, qui s'ouvre aujourd'hui, marque la fin de la présidence française de l'Union européenne.
M. le Premier ministre avait annoncé, au mois de mai dernier, que l'adoption d'un agenda social constituant un programme de travail de l'Union européenne pour les cinq années à venir serait l'une des actions prioritaires de la présidence française de l'Union européenne. L'enjeu de cet agenda social européen n'est pas mince, puisqu'il s'agit tout simplement de rééquilibrer la part du social par rapport à l'économique dans la construction européenne.
Les lignes directrices de cet agenda social sont certes séduisantes. On y parle de sécurité, d'égalité ou de lutte contre l'exclusion. Mais l'orientation économique et sociale de l'Europe est tout autre. L'actualité, monsieur le ministre, c'est la levée de l'interdiction du travail de nuit des femmes ; c'est le développement de la précarité et le maintien d'un taux élevé du chômage à travers toute l'Europe ; c'est également une pression permanente sur les salaires. Le libéralisme progresse en Europe et vous savez bien qu'il s'accomode mal du progrès social.
Les dizaines de milliers de citoyens de tous les pays européens qui se sont retrouvés à Nice ont exprimé avec force cette volonté de voir se substituer à l'Europe de l'argent une Europe du progrès et de la justice sociale.
Or nous constatons l'absence d'engagements précis et chiffrés contraignant les Etats à adopter une politique sociale ambitieuse. La charte européenne des droits fondamentaux, qui devrait refléter cette volonté populaire européenne, apparaît comme un accord a minima , bien souvent en deçà de notre législation sociale. Monsieur le ministre, la France sera-t-elle porteuse de ces exigences ? Les orientations que le Gouvernement entend faire prévaloir porteront-elles sur les conditions d'une Europe de progrès social, fondée sur l'intérêt général - je pense notamment aux services publics -, fondée sur les droits sociaux, sur les coopérations avec le Sud, plutôt que sur les intérêts particuliers des plus favorisés ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, je peux vous confirmer que la présidence française avait placé les questions sociales parmi ses actions prioritaires. Le Conseil européen de Lisbonne, sous la présidence portugaise, l'avait d'ailleurs mandatée pour parvenir à un accord sur un agenda social européen, puisqu'il s'agissait bien d'assurer le social au coeur de l'Europe et de promouvoir une Europe plus proche des citoyens.
Conformément à ce mandat, le conseil « emploi et politique sociale » du 28 novembre, présidé par Mme Elisabeth Guigou, est parvenu à un accord à l'unanimité sur l'agenda social européen. Cet accord sera examiné par le Conseil européen de Nice. Il porte sur l'accès à l'emploi, la protection des travailleurs, la lutte contre la pauvreté et les discriminations, ainsi que sur l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est la feuille de route européenne pour les cinq ans à venir. Il faudra la remplir.
Comme vous l'indiquiez, madame Borvo, la France sera porteuse des exigences sociales, en particulier pour l'application de cet agenda, qui n'est qu'un volet. Vous avez évoqué la charte des droits fondamentaux. Elle était en retard. La France s'est efforcée de débloquer ce dossier, notamment par des contacts bilatéraux entre les représentants de l'exécutif français - le Président de la République et le Premier ministre - et les représentants des exécutifs étrangers. La charte des droits fondamentaux va être adoptée à Nice. Elle représente une avancée importante parce qu'elle constituera un socle de droit pour les pays européens. Il est vrai que ce texte n'a pas aujourd'hui un caractère contraignant puisqu'il n'est pas intégré au traité,...
Mme Hélène Luc. C'est dommage !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. ... mais des progrès sont possibles, et il faut le considérer dans cet esprit. En tout cas, c'est le souhait de la France et son message pour parvenir à inscrire dans les textes européens des niveaux plus élevés de droit social. Je pense aussi que la mobilisation des partenaires sociaux, plus particulièrement dans le cadre de la confédération européenne des syndicats, puisque participaient les grandes organisations syndicales françaises, est un élément pour faire progresser cette Europe sociale que nous appelons de nos voeux. Je crois que la présidence française, de ce point de vue, a permis d'avancer.
Un sénateur du RPR. Merci Chirac !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Il faudra continuer, en particulier sous les prochaines présidences suédoise et belge. Oui, l'Europe sociale doit être construite et des fondations solides ont été placées dans le cadre de la présidence française. (Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Gérard Le Cam applaudit également.)

PLAN D'AIDE À LA FILIÈRE BOVINE

M. le président. La parole est à M. Dulait.
M. André Dulait. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture. Il s'agit d'une question technique, mais qui revêt un caractère d'acuité dans les circonstances actuelles.
La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 dispose que « les producteurs organisés peuvent bénéficier de priorités dans l'attribution de l'aide que l'Etat peut apporter pour l'organisation de la production et des marchés ». Or, dans le cadre de ce texte, les éleveurs auront le choix entre deux niveaux d'engagement particulièrement contraignants. Je citerai pour exemple le second niveau de contrainte : il s'agit de vendre 70 % de la production à trois acheteurs désignés en début d'année.
Cette nouvelle organisation va à l'encontre des éleveurs qui commercialisent leur production sur les marchés aux bestiaux. Le principe de la réduction du potentiel d'acheteurs est en effet en opposition avec le concept de libre concurrence.
De nombreuses associations de producteurs dénoncent cette nouvelle organisation, qui va à l'encontre de leurs intérêts. Il n'est pas concevable que cet accord, très contesté, soit finalisé en l'état.
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de revenir sur cet accord ou, tout au moins, d'en différer la mise en oeuvre ? En effet, la situation actuelle de l'élevage réclame surtout de ne pas créer de contraintes supplémentaires, car les acheteurs de viande bovine ne sont pas légion sur les marchés en cette période. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » ! Moi qui habite dans les Pyrénées, je regarde toujours la frontière avec beaucoup de prudence ! (Sourires.)
Dans cette affaire, à quoi étions-nous confrontés ? A des positions différentes, et même antagonistes, entre les producteurs bovins de la fédération bovine de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et les coopératives.
Ces dernières, contrairement à ce que vous indiquez, demandaient plus de contraintes pour renforcer l'organisation économique, ce qui n'est pas, en soi, contestable. En effet, je pense que l'organisation économique est une bonne chose : tout seul, on est faible ; organisé, on est plus fort.
La fédération nationale bovine m'a donc demandé de préférer l'incitation à l'obligation, et c'est ainsi que j'ai arbitré in fine .
Vous qui me reprochez d'administrer trop l'économie agricole, vous me prenez à front renversé en me reprochant de n'avoir pas été assez contraignant. Je vous demande de m'excuser, mais je préfère être incitatif qu'obligataire, si j'ose dire. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.).

SITUATION DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE

M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, vingt ans après, vous êtes en train de relancer la guerre scolaire. (Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Paul Raoult. Ah ! cela fait longtemps qu'on ne l'avait pas entendue, celle-là ! Ils n'ont plus rien à dire !
M. Jean-Claude Carle. Oh ! certes, de façon moins spectaculaire qu'il y a vingt ans, mais de façon beaucoup plus pernicieuse, et malheureusement plus efficace.
J'en veux pour preuve deux faits précis.
Premièrement, votre intention de vouloir assassiner l'enseignement agricole, et à tout le moins une de ses composantes essentielles, les maisons familiales rurales. (Nouvelles protestations sur les travées socialistes.)
Ainsi, lors du dernier conseil national de l'enseignement agricole, il a été décidé, sans concertation aucune, de priver les maisons familiales rurales, comme d'ailleurs l'ensemble de l'enseignement agricole, des classes de quatrième et de troisième, qui constituent leur vivier naturel. De plus, il a été décidé, pour les maisons familiales rurales, de bloquer toute contractualisation nouvelle.
Il y a deux manières d'assassiner : la manière forte, et la manière douce, qui consiste à priver le corps d'oxygène. C'est cette dernière que vous avez choisie !
La petite souris agricole effraie-t-elle à ce point le mammouth qu'il veuille l'ingérer ? (Sourires.)
Un autre exemple montre votre volonté d'assassiner d'une manière générale la filière de l'alternance, en la confinant dans la voie d'une orientation par défaut : cette année, vous avez réduit l'aide à l'embauche au seul niveau V.
Pour 2001, le projet de loi de finances va plus loin encore en supprimant cette aide pour une grande partie des contrats de qualification. Là encore, l'euthanasie est douce et progressive. (M. Piras proteste.)
Prenez garde, car vous êtes en train de réduire à néant des acquis encore fragiles obtenus par l'implication des professions, des chambres consulaires et des régions.
Notre collègue Jean Boyer s'en est fortement inquiété, voilà deux jours, lors de la discussion du budget de l'emploi et de la formation professionnelle. Aucune réponse ne lui a été apportée.
Votre méfiance instinctive envers ceux qui innovent et entreprennent, votre aveuglement idéologique (Vives protestations sur les travées socialistes),...
M. Adrien Gouteyron. Il a raison !
M. Jean-Claude Carle. ... votre souci constant de ne pas braquer certains syndicats qui drainent une partie de votre base électorale. (Brouhaha sur les travées socialistes),...
M. Adrien Gouteyron. Il a raison !
M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Carle achever son intervention ! M. Jean-Claude Carle. Toute vérité n'est pas bonne à entendre !
Tout cela ne vous conduit-il pas à remettre en cause un mode d'enseignement qui a compris mieux que d'autres la nécessité de valoriser cette intelligence de la main qui, aujourd'hui, fait défaut et qui permet à des milliers de jeunes de réussir leur vie professionnelle ?
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Bernard Piras. La question !
M. Dominique Leclerc. Cela vous ennuie ?
M. Jean-Claude Carle. Voulez-vous rendre encore plus difficile la situation de nombreuses entreprises, des commerçants, des artisans, des entreprises du BTP, de l'industrie, de l'agroalimentaire, des métiers de bouche, qui n'arrivent pas à trouver le personnel qualifié dont elles ont besoin?
En définitive, monsieur le ministre, voulez-vous tuer l'enseignement agricole parce qu'il réussit mieux que d'autres ?
M. Paul Loridant. La question !
M. Jean-Claude Carle. Voulez-vous tuer la filière de l'alternance parce qu'elle a le mérite d'apporter mieux que d'autres cette double réponse au souhait des jeunes et au besoin de notre économie ? (Vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Delaneau. Cela va nous changer de la « vache folle » !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, pas plus que je pense que l'éducation nationale serait un mammouth indomptable, pas plus je pense que l'enseignement agricole serait une petite souris. Je pense que c'est un fier alezan, qui va bon train et qui réussit très bien. (Vifs applaudissements sur les travées socialistes.)
Ce fier alezan, je le défends,...
M. Adrien Gouteyron. Nous vous aiderons à le défendre !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... y compris dans le budget que je suis en train de présenter ce jour même devant votre assemblée.
M. Adrien Gouteyron. Il y a beaucoup à dire sur le sujet !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Force est de constater - ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les organisations syndicales - que nous n'avons jamais eu de meilleur budget pour l'enseignement agricole depuis vingt ans.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. C'est exact !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ainsi, pour la première fois depuis des années, nous n'avons pas connu de grève à la rentrée, compte tenu des annonces budgétaires.
M. Jean-Marc Pastor. C'est exact !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je ne peux donc pas vous laisser dire que nous serions dans une logique assassine à l'égard de l'enseignement agricole, puisque ce budget est le meilleur depuis vingt ans !
M. Charles Revet. C'est plus subtil que cela !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. J'ajoute que, s'agissant de l'équilibre entre le public et le privé, je ne sais pas qui a fait la guerre, mais je sais qui l'a éteinte : c'est Michel Rocard, alors ministre de l'agriculture, avec les lois de 1984.
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Et, pour ce qui me concerne, j'applique les lois de 1984, toutes les lois, rien que les lois !
M. Jean-Claude Carle. Ce n'est pas la question !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Vous constaterez d'ailleurs que, dans l'application de ce budget à l'enseignement agricole, l'ensemble des équilibres voulus par les lois de 1984 seront respectés.
En particulier - puisque l'on me fait de mauvais procès -, j'ai recherché à quoi correspondait, en termes d'ouverture de classes, le projet de budget que je présentais devant le Sénat aujourd'hui : il y a 47 ouvertures dans le public, 46 dans le privé. Vous le voyez, les équilibres sont là !
M. Claude Estier. C'est vrai !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous ne pouvons donc porter le moindre crédit à vos accusations. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

SUITES DE LA CRISE DE LA « VACHE FOLLE »

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. (Encore ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Elle concerne la grave crise que traverse aujourd'hui la filière bovine.
Dans ma région, la Bretagne, ce sont des milliers d'emplois directs qui en dépendent. Or, depuis cinq semaines, la moyenne d'abattage a baissé de 40 %.
Monsieur le ministre, je salue votre combativité et les résultats que vous avez obtenus à Bruxelles. Je crois que tout le monde doit vous en féliciter.
M. Paul Raoult. Très bien ! C'est un très bon ministre ! Il est meilleur que Vasseur !
M. Adrien Gouteyron. La voie a été ouverte par le Président de la République !
Mme Yolande Boyer. Dans cette grave crise de l'ESB, les consommateurs ont besoin d'être rassurés, et les éleveurs ainsi que l'ensemble de la filière ont besoin de compensations pour leurs pertes de revenus.
C'est pourquoi je souhaite savoir comment vous allez continuer à agir, tant en France que sur le plan européen.
S'agissant, d'abord, des mesures ponctuelles, quelles aides directes envisagez-vous pour les producteurs, et selon quelles échéances ?
Le souci de compensation au plus proche du préjudice subi me semble être un élément important à prendre en compte.
Par ailleurs, quels mécanismes d'intervention comptez-vous mettre en place pour retrouver la fluidité du marché ?
J'évoquerai ensuite les mesures de fond.
Comment généraliser les tests ? Pourront-ils être pris en charge par les entreprises elles-mêmes, et si oui, avec quels contrôles ?
Quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour atteindre l'autonomie de la production en protéines végétales, autonomie qui va de pair, bien sûr, avec le refus des importations de soja transgénique ?
Face à la détresse des professionnels, pour assurer l'avenir de la filière en regagnant la confiance des consommateurs, des mesures s'imposent ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la sénatrice, je vais essayer de répondre en deux minutes trente à un nombre de questions considérable...
Face à cette crise désastreuse pour l'ensemble de la filière, pour les producteurs, pour les éleveurs bovins, mais aussi - je veux le dire ici et j'y reviendrai dans ma préponse aux interventions des différents orateurs dans le débat budgétaire - pour les salariés des entreprises de l'aval, c'est-à-dire pour les abattoirs comme pour les entreprises de transformation, la solidarité nationale et européenne doit jouer.
J'ai annoncé deux plans de mesures nationales, mais j'ai toujours dit que ceux-ci ne seraient efficaces que s'ils venaient en appui de mesures européennes. Or, de ce point de vue, je considère que ce que nous avons obtenu lundi à Bruxelles, lors du conseil de l'agriculture extraordinaire, représente - je le pense sincèrement, au moment où nous nous interrogeons tous sur le bilan de la présidence française - un bilan très positif, que nous pouvons mettre à l'actif de la présidence française.
Sur le plan sanitaire, nous avons ainsi obtenu la communautarisation de l'interdiction de la commercialisation des farines animales. Pour six mois, certes, mais je pense que personne ne reviendra sur ce point.
M. Alain Gournac. Merci Chirac !
Un sénateur socialiste. D'avoir mis le feu ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'était une volonté française, et je me suis battu pour obtenir cette communautarisation. J'en suis très heureux !
Nous avons également obtenu des mesures de retrait de matériaux à risques spécifiques, toujours en application de la position française : je pense à la communautarisation de l'interdiction des intestins de bovin, par exemple.

M. Alain Gournac. Chirac avait vu juste !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Par ailleurs, des procédures ont été mises en place pour que, dans les deux mois, soient retirés d'autres matériaux à risques : je pense à la colonne vertébrale, à la rate, au thymus, ou encore aux graisses animales. De plus, les T bones ne seront plus découpés comme ils le sont actuellement. Ce sont autant de propositions françaises qui vont être maintenant soumises au comité scientifique directeur.
Toujours sur le plan sanitaire, la montée en puissance des tests est, pour nous, très importante, et nous avons pris la décision de ne plus faire entrer dans la chaîne alimentaire des bovins de plus de trente mois non testés. C'est, à bien des égards, une sécurité considérable et un progrès.
Des mesures sont également prévues en faveur de la filière.
Vous savez que, pour les bovins de plus de trente mois, sont prévus soit le test systématique soit l'achat-destruction, ce qui va nous permettre d'assainir le marché. Ces mesures seront financées à 70 % par l'Union européenne.
Nous avons aussi prévu des mesures d'intervention publique, avec un stockage public financé à 100 % par l'Union européenne, et des avances de trésorerie, les avances sur primes étant anticipées, sur proposition de la France, et accrues, sur proposition de l'Union européenne.
Toute cette palette de mesures va être mise en oeuvre très rapidement et, de ce point de vue, nous avons deux rendez-vous : le lundi 11 décembre - lundi prochain ! - l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, nous rendra compte des résultats de 15 000 premiers tests. Et, si nous testons beaucoup en France, ce n'est pas pour le plaisir de tester, mais pour en tirer des enseignements avant de décider, éventuellement, la montée en puissance du programme de tests. Par ailleurs, un comité de gestion se réunira mardi à Bruxelles pour mettre en oeuvre les interventions publiques et prendre concrètement des mesures.
Ainsi, dès le début de la semaine prochaine, nous entamerons l'application concrète des mesures que nous avons obtenues à Bruxelles et nous répondrons alors concrètement et directement aux demandes de l'agriculture et de l'ensemble de la filière.

ÉTAT DES RÉFORMES DANS LE DOMAINE DE LA JUSTICE

M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux.
Madame le garde des sceaux, les avocats étaient plus de 4 000, vendredi dernier, à défiler devant votre ministère. Sur tout le territoire, les barreaux sont en grève, les juridictions s'engorgent et la justice n'est pas rendue.
Le saupoudrage des quelques mesures éparses grassement proposées avant-hier n'élude absolument pas le problème posé. Personne n'est dupe, d'ailleurs !
Les négociations ont été rompues au petit matin et les avocats ne sont pas les seuls à exprimer leur mécontentement : les magistrats et les greffiers ne peuvent plus supporter que rien ne soit fait pour permettre que la justice soit rendue de manière décente.
Mme Guigou se félicitait, lorsqu'elle occupait votre place, de ne jamais proposer de réforme qui ne serait pas financée. Or, malheureusement, la réalité est sans appel : rien n'a été prévu pour que la loi sur la présomption d'innocence puisse être appliquée dès le 1er janvier 2001.
Après avoir beaucoup promis, Mme Guigou a déserté la place Vendôme en laissant ardoises et bombes à retardement.
M. Henri de Raincourt. Comme Mme Aubry !
M. Bernard Fournier. Votre prise de fonctions récente, madame le garde des sceaux, n'excuse en rien votre reculade récente. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Alors que vous annonciez, il y a quelques jours encore, que l'application de la loi ne serait pas reportée, vous vous êtes reniée hier en proposant un mécanisme transitoire. Autant dire que vous enterrez la réforme !
Ce report nous afflige, parce que le Gouvernement n'a pris aucune des dispositions nécessaires pour que cette réforme essentielle voie le jour. Ce sont encore nos concitoyens qui vont en pâtir !
Alors, madame le garde des sceaux, que comptez-vous faire ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, on pourrait jouer, comme vous l'avez fait dans le ton de votre question, de ce qui se passe en ce moment. Mais je pense que la justice mérite beaucoup mieux que cela.
M. Charles Revet. Sûrement !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je ne vous répondrai pas sur ce qui a été « grassement » proposé hier. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
En ce qui concerne le projet de loi sur la présomption d'innocence, le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire était excellent, et vous avez bien fait de le voter, même si vous semblez aujourd'hui le regretter. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac. Il faut maintenant l'appliquer !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. C'est un grand texte de liberté et de droit, qui est d'ailleurs largement salué comme tel.
Vous affirmez que rien n'a été fait pour le mettre en application. Je vais vous répondre sur les deux grands sujets que vous avez évoqués.
S'agissant des magistrats, si vous voulez parler de l'héritage de Mme Guigou, parlons de l'héritage collectif depuis vingt ans !
M. Jean Delaneau. Depuis vingt ans, d'accord !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je ne fais pas, moi, de différence. Voilà des années que l'on n'a pas créé de postes de magistrat. En 1997, par exemple, on avait prévu la création de 30 postes. Mme Guigou, elle, en a proposé 739, que vous avez d'ailleurs acceptés, pour les trois premières années. C'est la première fois qu'il y en a tant. C'est autant que dans les vingt ans qui ont précédé.
On a dit, ensuite, qu'il n'y avait pas de greffiers. C'est vrai, on manque cruellement de greffiers, et c'est pour cela que je propose une mesure transitoire.
Je note tout de même que les greffiers ont reçu satisfaction,... M. Alain Gournac. Je ne le pense pas !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. ... même si celle-ci n'est pas complète.
Il y a eu 134 nominations en 1999, il y en a 269 cette année et 405 sont prévues en 2001. Cela dit, je vous rappelle, puisque vous l'avez pris sur ce ton, qu'en 1997 vous avez oublié de faire un concours pour l'Ecole nationale des greffes (Ah oui ! sur les travées socialistes !) et qu'en 1998 il n'y avait donc aucun greffier disponible pour les créations de poste que nous avions prévues. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.) Si donc l'on veut parler de l'héritage, on va jusqu'au bout !
Effectivement, hier, j'ai proposé que, pour les détenus condamnés à ce que l'on appelle malencontreusement des courtes peines - car cinq ans ou six ans, c'est long - avant une véritable audience, qu'ils méritent et qu'ils auront peut-être à compter de juillet si vous l'acceptez, intervienne, entre le 1er janvier et une date qui dépendra de l'Assemblée nationale et du Sénat, une mesure transitoire permettant aux avocats - pour cet acte-là, l'aide juridictionnelle sera financée sur les 191 millions de francs inscrits au budget - de défendre leur dossier devant la commission d'application des peines. C'est là une évolution notable, même si elle est insuffisante.
Il faut, en tout cas, s'agissant des greffiers, que j'attende la sortie de la promotion, fin avril - elle prendra son travail en mai - pour que, de façon sereine, l'application des peines fonctionne bien dans les prisons. Car nous avons tous envie que ce tribunal d'application des peines, né d'une idée de M. Badinter, soit une réussite.
En revanche, pour ceux qui sont condamnés à une peine de plus de dix ans, la juridiction régionale d'application des peines, dont vous avez souhaité la création, avec juste raison, après vos collègues de l'Assemblée nationale, sera totalement installée dès le 1er janvier.
Donc cette mesure technique apportera un peu d'oxygène, c'est vrai, en attendant l'arrivée de la promotion des greffiers de 2001, qui comblera le trou de la promotion de 1997.
Quant au problème des avocats, je l'évoquerai rapidement parce que le temps dont je dispose ne doit pas être loin d'être épuisé.
M. le président. Il est largement dépassé, madame le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Dans ce cas, j'y reviendrai tout à l'heure, car je sais qu'une autre question m'a été posée sur ce sujet. (Rires. - Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

CONFORMITÉ AUX DIRECTIVES EUROPÉENNES
DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE EN MATIÈRE DE CHASSE

M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Ma question, qui concerne l'exercice de la chasse, s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, dont je regrette vivement l'absence.
Au niveau communautaire, la Cour de justice se prononce aujourd'hui sur le recours en manquement introduit à l'encontre de la France. Par la Commission européenne sur les lois de 1994 et 1998. Ce recours se fonde sur la non-transposition du principe de « protection complète » des espèces migratrices pendant la période de nidification et sur le trajet de retour vers le lieu de nidification, énoncé par la directive du 2 avril 1979 relative à la conservation des oiseaux sauvages.
Pour quelles raisons, monsieur le ministre - puisque Mme la ministre n'est pas là ! - la Commission de Bruxelles, destinataire de la loi du 26 juillet 2000 relative à la chasse et du décret du 1er août 2000 relatif aux dates de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau, ne s'est-elle pas désistée de sa requête, puisqu'on peut désormais, en principe, considérer que la réglementation nationale est conforme aux obligations fixées par la directive ? C'est, en tout cas, ce que l'on nous avait dit.
Par ailleurs - c'est ma deuxième question - peut-on encore considérer, comme on l'affirmait, que cette nouvelle loi met en place les éléments fondateurs d'une « chasse apaisée », alors que les décrets du 1er août 2000 font l'objet d'un recours des opposants à la chasse devant le Conseil d'Etat et qu'une dizaine de procédures sont en cours devant les tribunaux administratifs, instruites par les mêmes personnes, qui contestent les arrêtés préfectoraux de fermeture de la clase aux oiseaux migrateurs ?
Comme on pouvait le craindre, la loi du 26 juillet dernier n'a fait qu'illusion, puisque les contentieux sur son application se multiplient, laissant craindre de graves difficultés pour la clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs.
Aussi, je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez apporter les éléments de réponse à ces deux questions, compte tenu, notamment, de l'arrêt qui a été rendu public ce matin. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, vous l'avez dit, la Cour de justice des Communautés européennes a condamné une nouvelle fois la loi de 1998 sur la chasse. Cela n'a pas surpris le Gouvernement, qui considérait que cette loi n'était pas compatible avec le droit communautaire. C'est d'ailleurs pourquoi une nouvelle loi sur la chasse, à laquelle vous faites allusion, a été adoptée cette année, la loi du 26 juillet 2000.
La Cour de justice des Communautés européennes a donc condamné une loi qui l'a déjà été par le Gouvernement et par le Parlement français. On peut d'ailleurs s'étonner - je m'étonne comme vous - que, dans ces conditions, la Commission n'ait pas jugé utile d'abandonner la procédure qu'elle avait envisagée contre la loi de 1998, en dépit de la demande de Mme Voynet auprès de son homologue commissaire à l'environnement, Mme Wallström, ce qui a conduit la Cour de justice à statuer sur un contentieux dont les fondements n'existent plus. Telle est ma réponse à votre question première.
Pour ce qui est de votre seconde question, la loi du 26 juillet 2000 et son décret d'application sur les dates de chasse sont désormais applicables et sont en conformité avec les dispositions de la directive « Oiseaux ». En effet, ces textes transposent le principe de protection complète et entérinent la date butoir du 1er septembre pour l'ouverture et celle du 31 janvier pour la fermeture. Même si des recours sont formés devant les tribunaux administratifs ou le Conseil d'Etat - c'est un droit pour tous nos concitoyens d'en déposer - ils ne sont pas suspensifs et n'entravent donc pas l'application de cette loi.
Quelques exceptions très limitées au-delà de ces dates ont été prévues pour certaines espèces d'oiseaux et reposent sur des données scientifiques.
Un arrêté fixant les modalités d'application des dérogations aux dates de fermeture de la chasse et, éventuellement, la délimitation des grandes zones de nidification doit encore être adopté et communiqué à la Commission.
La Commission reconnaît que le nouveau régime français relatif aux dates de chasse constitue une amélioration par rapport à celui qui vient d'être censuré par la cour. Elle estime qu'il soulève encore des difficultés s'agissant de l'échelonnement des dates de chasse pour certaines espèces.
La communication par les autorités françaises de la totalité des mesures d'application de la nouvelle loi et des données scientifiques pertinentes qui les justifient devrait permettre de clore prochainement ce dossier d'infraction et mettre ainsi notre législation en conformité avec le droit européen.
Voilà la réponse que je tenais à apporter aux deux questions que vous avez posées, madame, après la décision dont nous avons eu connaissance ce matin. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

GRÈVE DES AVOCATS POUR LA REVALORISATION
DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.
Le Gouvernement a engagé une vaste réforme de la justice qui s'est traduite par l'adoption de lois importantes. Je pense, en particulier, à la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits et à la récente loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Dans ce cadre, les avocats sont amenés à jouer un rôle de plus en plus important et, du fait des difficultés économiques engendrées par les dernières années de crise, un nombre important de nos concitoyens ont recours à l'aide juridictionnelle.
De nouveaux moyens importants ont été alloués pour la justice, dont le budget a été augmenté de plus de 17 % en quatre ans, ce qui constitue un effort sans précédent depuis vingt ans. Le Parlement a d'ailleurs soutenu cet effort.
Cependant, certaines difficultés demeurent. Je veux parler ici de la situation des avocats, qui ont entamé un mouvement de protestation et qui, dans ce cadre, ont appelé à la grève. Ils entendent ainsi exprimer le malaise né d'une insuffisante indemnisation de l'aide juridictionnelle.
Si l'aide juridictionnelle est non pas une rémunération mais une indemnisation des frais, aujourd'hui, il faut bien le reconnaître, son montant ne couvre plus les charges courantes inhérentes à une procédure judiciaire. Les avocats réclament le doublement immédiat des indemnités qui leur sont versées par l'Etat pour assister en justice les plus démunis de nos concitoyens.
Ma conviction est totale : il est du devoir de la République de permettre aux plus pauvres d'accéder à la justice, et je sais, madame la garde des sceaux, que vous travaillez en ce sens.
Vous avez engagé des négociations avec les représentants des avocats. Je crois savoir que plusieurs réunions de travail ont eu lieu avec l'ensemble des représentants nationaux des barreaux.
Alors que ces négociations semblaient sur le point d'aboutir à un accord, elles viennent d'être suspendues. La détermination des avocats de voir aboutir leurs revendications reste entière.
Pouvez-vous nous dire, madame la garde des sceaux, où en sont les discussions avec les avocats et quelles solutions vous envisagez de proposer pour mettre fin au conflit ? (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, les avocats ont effectivement entamé une série de grèves, la plupart du temps des grèves du zèle, car ils n'ont pas déserté les juridictions, les prétoires. Par ailleurs, une manifestation a rassemblé un certain nombre d'entre eux sur la place Vendôme il y a quelque temps.
Le mouvement ne date pas d'hier.
M. Alain Joyandet. De 1997 !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Il s'explique d'ailleurs par le fait que, lorsque l'on sort de crises économiques - le Premier ministre l'a dit fort justement - on a à gérer tous les stigmates de la crise sociale, qui demeurent. Et dans un contexte de reprise, il est encore plus difficile de dire à quelqu'un qu'on ne peut pas le défendre parce que le cabinet connaît un déséquilibre financier.
Certains avocats travaillent dans des zones particulièrement difficiles. Je pense aux barreaux de Bobigny, de Créteil, d'Evry, de Marseille, dans lesquels jusqu'à 80 % des affaires qu'ils traitent relèvent de l'aide juridictionnelle. Cela pose un vrai problème.
C'est Henri Nallet qui, en 1991, a voulu que l'on passe d'un système d'assistance juridique gratuite à un système d'indemnisation des avocats, avec l'idée que se crée, à l'intérieur des barreaux, une solidarité entre ceux qui avaient beaucoup d'affaires bien rémunérées et ceux qui assuraient l'aide juridictionnelle, alors gratuite. Il fallait éviter que, systématiquement, les jeunes avocats se voient confier les affaires relevant de l'aide gratuite pour « se faire la main ». Ce n'était acceptable ni pour les avocats ni pour les justiciables.
Mais, dix ans après, le système n'est plus adapté à la réalité, en raison de la différence très forte qui existe entre les barreaux. Ainsi, à Paris, où l'on compte 13 000 avocats - presque la moitié du nombre total d'avocats en France - quantité de jugements relèvent du droit des affaires. Nombre d'avocats ne vont jamais plaider parce que leur cabinet s'occupe de transactions, de négociations commerciales, etc. Et puis, il y a les barreaux dans lesquels la plupart des affaires relèvent du droit de la famille, ou sont de petites affaires pénales pour lesquelles on recourt à l'aide juridictionnelle.
Compte tenu de cette situation, j'ai fait deux proposition.
D'abord, j'ai proposé de remettre tout le système à plat. En effet, on aura beau augmenter l'unité de valeur, qui détermine le barème, c'est-à-dire ce que touche l'avocat pour un divorce, pour un problème de logement, pour une reconduite à la frontière, pour une audience correctionnelle, etc., on ne réglera pas le problème du déséquilibre entre les barreaux, non plus que celui de la lourdeur de la gestion.
J'ai demandé à Paul Bouchet, président d'ATD-quart monde, qui était à l'origine avec Henri Nallet, des dispositions de 1991, de remettre tout le système à plat pour déboucher sur une loi qui vous sera proposée et qui appellera sans doute un budget extrêmement important.
Les avocats veulent absolument que cela se passe avant mars 2002, comme s'ils craignaient qu'en mars 2002 ceux qui pourraient éventuellement nous succéder ne mettent pas en oeuvre cette volonté ! (Rires et vives exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Je ne le crois pas car, sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée nationale comme sur l'ensemble des travées du Sénat, les avocats sont soutenus. Je ne comprends donc pas leurs inquiétudes.
Mais, en attendant, que faire au titre des mesures d'urgence ?
Nous avons proposé, pour les affaires les plus difficiles, pour les arrêtés d'expulsion, les affaires en correctionnelle qui concernent les gens les plus en difficulté - vous êtes sans doute nombreux à avoir vu comment se passaient les comparutions immédiates ! - de doubler les indemnités, conformément aux demandes.
Pour d'autres affaires, nous avons proposé un échelonnement de l'augmentation de 25 % à 30 % entre 2001 et 2002, c'est-à-dire une augmentation par palier, pour finir, en 2002, par cette loi qui, bien évidemment, en 2003 au plus tard, appellera un budget beaucoup plus important.
Par conséquent, les résultats d'une négociation qui, lundi soir, avaient été qualifiés par les avocats d'« avancées très significatives », sont devenus insuffisants hier, pour des raisons, je vous le dis très franchement, que je n'ai pas bien comprises.
Cela étant, peu importe : ce qui me gêne dans cette affaire, monsieur le sénateur, c'est qu'il faut absolument que le décret concernant les nouvelles mesures paraisse. En effet, nous avons prévu un budget pour financer toutes les dispositions que nous avons proposées, s'agissant notamment de la présence d'un avocat dès la première heure de garde à vue et du remboursement des frais de déplacement, qui n'étaient d'ailleurs jamais pris en compte auparavant, mais il faut que ce décret soit pris. Or, tant que les avocats ne m'auront pas rendu leur avis, je ne pourrai pas le transmettre au Conseil d'Etat.
Pour ma part, je reste persuadée que, en dépit des difficultés réelles que rencontrent nombre d'avocats, un apport supplémentaire du Gouvernement, qui consistera en la prise en compte de l'inégalité géographique, doit nous permettre de sortir sereinement et par le haut d'une négociation dont chacun comprend la portée sur le fond, mais qu'il faut accompagner par des mesures budgétaires, que j'ai obtenues pour une large part. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

PÉNURIE DE MAIN-D'OEUVRE
DANS CERTAINS SECTEURS D'ACTIVITÉ

M. le président. La parole est à M. Gouteyron. (Marques de satisfaction sur les travées du RPR.)
M. Adrien Gouteyron. Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, mais je sais que c'est vous, madame la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, qui allez me répondre.
Ma question porte sur la situation de l'emploi,...
M. Roland Courteau. Elle est meilleure !
M. Adrien Gouteyron. ... laquelle s'est beaucoup améliorée, c'est vrai, et nous nous en réjouissons tous. (Ah ! sur les travées socialistes.)
M. Roland Courteau. Il le reconnaît !
M. Adrien Gouteyron. On sait que la cause de cette amélioration, c'est la croissance mondiale et européenne. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées socialistes.)
Nous ne voulons pas le laisser oublier, et c'est pourquoi nous le rappelons !
M. Roland Courteau. Il aurait fallu le dire à Juppé !
M. Adrien Gouteyron. Je voudrais aussi rappeler que cette situation recouvre des réalités diverses et souvent peu satisfaisantes.
Ainsi, notre pays compte encore deux millions de chômeurs, et ce sont pourtant quelque 800 000 postes qui ne trouvent pas preneurs. Je tiens à souligner que la formation des jeunes ne permet pas de faire face à cette distorsion entre l'offre et la demande,...
M. Charles Revet. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. ... entre les propositions des entreprises et les demandes, en particulier celles des jeunes qui veulent entrer dans le monde du travail.
Hier encore, ou plus exactement cette nuit, M. Mélenchon reconnaissait que la baisse des effectifs, dans l'enseignement secondaire, était due, pour les deux tiers, à la diminution du nombre d'élèves dans l'enseignement professionnel. Paradoxe insupportable !
M. Jean-Claude Carle. Exact !
M. Adrien Gouteyron. Que va-t-on faire pour porter remède à cet état de choses ? C'est une question que nous devons tous nous poser.
On connaît la situation peu satisfaisante qui prévaut dans le secteur du bâtiment. Dans tous nos départements, nous entendons les chefs d'entreprise se plaindre de ne pas trouver de main-d'oeuvre. On sait aussi combien est difficile la situation des demandeurs d'emploi de plus de cinquante ans, qui éprouvent souvent un sentiment profond d'abandon.
M. Jean-Marc Pastor. La question !
M. Adrien Gouteyron. Or un rapport vient d'être publié, un rapport, chers collègues qui siégez à gauche de cet hémicycle, que vous ne pouvez pas contester,...
M. Alain Gournac. Ah !
M. Adrien Gouteyron. ... car il émane du conseil d'analyse économique, lequel est placé auprès du Premier ministre. (Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
La presse en a largement rapporté les conclusions, commentées par M. Pisani-Ferry. Celles-ci sont fort intéressantes, mes chers collègues, et permettez-moi de constater, au risque de vous ennuyer un peu, qu'elles rejoignent largement les propositions faites par l'opposition (Tout à fait ! sur les travées du RPR),...
Mme Nicole Borvo. La question !
M. Adrien Gouteyron. ... y compris à l'occasion de la tenue d'une récente convention portant précisément sur l'emploi. Mais sans doute, chers collègues de la minorité sénatoriale, accorderez-vous plus d'attention aux propositions de M. Pisani-Ferry qu'aux nôtres !
M. Gérard Delfau. C'est un discours ou une question ?
M. Adrien Gouteyron. Eh bien, la question, la voici ! (Ah ! sur les travées socialistes.)
Pouvez-vous, madame la ministre,...
M. Jean-Marc Pastor. Elle peut !
M. Adrien Gouteyron. ... nous dire ce que vous pensez de ses conclusions ?
Etes-vous prêts, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement - je regrette bien sûr que M. le Premier ministre ne soit pas présent, mais je sais où il est (Rires) , je ne lui adresse donc pas de reproche -...
M. Henri de Raincourt. Il manifeste avec José Bové !
M. Adrien Gouteyron. ... à assouplir la loi sur les 35 heures, en particulier pour les petites et moyennes entreprises ?
M. Alain Gournac. Oui !
M. Adrien Gouteyron. Etes-vous prêts à assouplir le régime des heures supplémentaires, de façon à le rendre moins pénalisant pour les entreprises et aussi plus intéressant pour les travailleurs ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Oui !
M. Dominique Leclerc. Ils ne savent pas ce que c'est qu'une PME !
M. Adrien Gouteyron. Etes-vous prêts à lutter contre ce que l'on appelle les « trappes à inactivité », qui rendent peu attractives l'insertion dans le monde du travail ou la reprise d'un emploi par les demandeurs d'emploi et les chômeurs ?
Etes-vous prêts à amplifier la baisse des charges sociales pesant sur les bas salaires pour favoriser l'emploi des personnes non qualifiées ? (Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Voilà nos propositions ! Dites-nous, madame la ministre, ce que vous comptez faire ; si vous décidez d'aller dans ce sens, nous nous en réjouirons. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre, qui dispose, comme M. Gouteyron, de deux minutes et demi... (Rires.)
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance. Monsieur Gouteyron, je voudrais tout d'abord vous remercier pour l'hommage que vous avez rendu à l'action et aux réussites du Gouvernement s'agissant de l'emploi. (Rires sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées du RPR.)
En effet, si des tensions se font jour sur le marché du travail - je crois que c'est là le coeur de votre question - c'est avant tout parce que le chômage recule : vous qui croyez en la loi du marché, vous ne contesterez pas cette évidence !
M. Adrien Gouteyron. Vous n'y croyez pas, vous !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Vous avez cité le secteur du bâtiment. Il est vrai que, grâce à la baisse de la TVA, le Gouvernement l'a puissamment relancé, ...
M. Alain Gournac. Et la tempête ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. ... et il est donc normal qu'il soit à la recherche de salariés. Il en va de même pour l'hôtellerie, car on sait bien que lorsque la croissance économique reprend, l'activité du secteur des loisirs en bénéficie. Il s'agit donc là de signes de créations d'emplois et de reprise.
J'observe, en outre, que dans ces secteurs l'emploi était traditionnellement précaire, souvent mal rémunéré, avec des horaires contraignants.
M. Alain Gournac. Et la pénurie dans l'informatique ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Je constate, sur le terrain, que, dans la plupart des cas, lorsque les entreprises rémunèrent correctement leurs salariés, elles parviennent à embaucher. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. Et la pénurie dans l'informatique ?
M. Adrien Gouteyron. Demandez aux chefs d'entreprise !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. En réponse à certains reproches lancinants portant sur l'emploi, je ferai remarquer, d'une part, que l'on observe un rééquilibrage du rapport de forces entre les employeurs et les salariés,...
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. ... ce qui n'est pas dommage dans certains secteurs (Applaudissements sur les travées socialistes) , et, d'autre part, que dans ceux où les salariés sont mieux payés et mieux considérés, où les conditions de travail sont meilleures, les artisans et les chefs d'entreprise parviennent, dans la plupart des cas, à embaucher.
M. Alain Gournac. Et l'informatique ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Les patrons et les employeurs détiennent donc une partie de la réponse, et il leur revient aussi de réfléchir à l'évolution du marché du travail.
En ce qui concerne la formation, je crois que vous avez raison, monsieur Gouteyron, et je vous en donne acte. Le Gouvernement met en place, vous le savez, une meilleure articulation entre l'éducation nationale et les différentes branches professionnelles. Cependant, la formation professionnelle relève aussi des régions, qui doivent mener leur action par bassin d'emplois, afin de mieux répondre aux préoccupations des entreprises. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
J'en viens à vos questions, monsieur Gouteyron. (Ah ! sur les travées du RPR.)
Tout d'abord, vous nous avez demandé si nous étions prêts à assouplir l'application de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail pour les entreprises.
M. Adrien Gouteyron. Comme le demande le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. La réponse est négative, dans la mesure où cela a déjà été fait. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux. Non, cela n'a pas été fait !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. En effet, des assouplissements sont déjà prévus dans la loi, en particulier pour les entreprises comptant moins de vingt salariés.
Par ailleurs, nous n'avons pas l'intention d'assouplir le régime des heures supplémentaires, car là aussi c'est déjà fait, puisqu'une majoration réduite est prévue, au bénéfice des petites entreprises, pour les premières heures supplémentaires travaillées.
De plus, nous venons également de réduire les charges sociales, monsieur Gouteyron. (Protestations sur les travées du RPR. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles Revet. Ah bon ?
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. Je rappelle en outre la baisse de la contribution sociale généralisée.
Enfin, s'agissant de votre question relative aux « trappes à inactivité », monsieur le sénateur, j'indiquerai qu'il appartient aux employeurs et aux patrons de répondre aux attentes des salariés (Rires sur les travées du RPR),...
M. Alain Gournac. A bas les patrons !
M. Henri de Raincourt. C'est scandaleux !
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée. ... ce qui leur permettra, en distribuant des rémunérations correctes, d'embaucher des personnes qui seront à la hauteur du travail demandé. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

PLAN D'AIDE À LA FILIÈRE BOVINE

M. le président. La parole est à M. Hethener. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Hethener. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, lors du dernier conseil « agriculture », les Quinze se sont ralliés, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, à la proposition de décision de la Commission européenne visant à interdire, pour au moins six mois, l'utilisation des farines carnées pour l'alimentation de tous les animaux d'élevage, donnant ainsi pleinement raison au Président de la République. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.- Applaudissements sur les travées du RPR.) Je sais que certains d'entre vous n'aiment pas entendre cela, mes chers collègues, mais il me plaît tellement de le répéter !
Si l'absence de certitudes commandait incontestablement de prendre cette décision, se pose toujours la question de la substitution des protéines végétales aux protéines animales.
En effet, pour renoncer à l'utilisation des farines de viande dans l'Union européenne, il faudrait accroître de 30 %, soit de 2 millions d'hectares, les surfaces actuellement consacrées aux oléagineux et aux protéagineux, qui couvrent 6,5 millions d'hectares.
Cet objectif ne pourra bien évidemment être atteint que grâce à des mesures d'accompagnement prises au titre de la politique agricole commune.
S'agissant du dépistage de l'ESB, le Conseil a suivi la proposition de la Commission européenne d'exclure de la chaîne alimentaire, les animaux non testés, âgés de plus de trente mois.
Si cette dernière mesure représente également, nous n'en doutons pas, un réel progrès, son efficacité sera directement liée aux modalités de sa mise en oeuvre, particulièrement au nombre de tests et de laboratoires disponibles, au choix des plans de tests, au recrutement et à la formation des vétérinaires ou encore à l'harmonisation des contrôles.
Monsieur le ministre, je ne suis pas sénateur depuis très longtemps, mais mon expérience d'élu local me permet de savoir que les sénateurs ne sont pas des « baratineurs » et que, quand ils retournent dans leurs départements, ils aiment pouvoir répondre d'une manière précise aux questions qui leur sont posées.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Alain Hethener. Pouvez-vous donc nous éclairer sur ces questions particulièrement importantes, auxquelles il faut apporter des réponses si l'on souhaite rassurer les consommateurs et, par là même, relancer la consommation de viande bovine ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. S'agissant des protéines végétales, monsieur le sénateur, il est vrai que l'interdiction des farines animales accroîtra les besoins communautaires.
De ce point de vue, je voudrais mettre trois points en exergue.
Premièrement, je ne crois pas que nous soyons contraints par les engagements pris à Blair House , puisque ceux-ci sont en voie de devenir caducs. En effet, les engagements d'autolimitation de production de protéines végétales que nous avions pris étaient en quelque sorte la contrepartie d'une surprime accordée aux productions végétales. A partir du moment où nous avons décidé en 1998, à Berlin - ce qui était contestable et que j'ai contesté, mais le processus est maintenant en cours - de supprimer ces surprimes aux oléoprotéagineux, nous sommes libérés de fait des accords de Blair House .
Par conséquent, nous ne serons plus tenus de limiter notre production de protéines végétales, et je suis très heureux de constater que la Commission partage cet avis.
Deuxièmement, dans le cadre des décisions arrêtées lundi à Bruxelles, des engagements ont été pris à notre demande par la Commission européenne de présenter un bilan des productions d'oléoprotéagineux en Europe et de faire des propositions.
Troisièmement, rien ne nous empêche, pour ce qui nous concerne, de développer en France la production d'oléoprotéagineux. Nous avons d'ailleurs pris l'année dernière des mesures pour encourager la production de tournesol ou la production de soja de pays. Nous allons renouveler ces expériences pour les faire monter en régime en 2001, le Premier ministre m'en a donné les moyens.
Quant à la montée en puissance du programme de tests, il tiendra compte de l'évaluation du risque faite par l'AFSSA sur la base des 15 000 premiers tests. Nous avons en effet besoin de savoir quelles sont les régions les plus touchées, quelle catégorie de bovins, à quel âge, etc. pour adapter au mieux notre dispositif d'abattage ou de tests systématiques. Nous aurons la réponse lundi prochain.
Evidemment, je suis entièrement d'accord avec vous pour dire que passer de 48 000 tests à plusieurs centaines de milliers, sans doute un million, voire plus, nous obligera à fournir un gros effort.
Treize laboratoires sont actuellement agréés, et il faudra au moins doubler ce chiffre. Nous y reviendrons tout à l'heure, lorsque nous reprendrons la discussion budgétaire. Il faudra bien entendu recruter des vétérinaires inspecteurs. Le Premier ministre, dans le plan qu'il a lui-même annoncé, a prévu la création de 300 postes en deux ans de vétérinaire inspecteur pour accompagner ce mouvement. En tout cas, nous aurons ce soir, par voie d'amendement au budget, de quoi enclencher ce mouvement de recrutement.
Nous serons donc effectivement confrontés à des problèmes matériels considérables mais nous sommes en train de nous donner les moyens d'y faire face. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vais suspendre la séance pour quelques instants.
Nous reprendrons ensuite l'examen des crédits de l'agriculture au sein du projet de loi de finances pour 2001.
Je vous rappelle qu'il reste dix orateurs et la réponse du ministre à entendre. Par ailleurs, six amendements sont à examiner.
Puis, nous passerons à la discussion du budget annexe des prestations sociales agricoles et du budget de la défense.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

4


LOI DE FINANCES POUR 2001

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale [Rapport n° 92 (2000-2001).]

Agriculture et pêche (suite)

M. le président. Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi concernant l'agriculture et la pêche.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, à partir de la situation dans laquelle est plongée l'agriculture, en particulier la filière bovine, et qui a été évoquée par la plupart des intervenants, je souhaite formuler quelques réflexions et surtout poser quelques questions.
Quel est le constat ? La crise de l'ESB a eu pour première conséquence une diminution importante de la consommation de viande bovine. Si l'inquiétude de nos concitoyens, même si elle est compréhensible, paraît injustifiée, selon les scientifiques ; il n'en demeure pas moins que les conséquences sont dramatiques pour nombreux de producteurs concernés et mettent en grande difficulté l'ensemble de la filière. Voilà qui justifie des mesures fortes d'autant que nous ne pouvons pas connaître la durée de cette crise.
La France, fort justement, a décidé de supprimer l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation animale. La Commission européenne vient de reprendre à son compte cette disposition en l'étendant à tous les pays de l'Union européenne suite au constat de cas d'ESB en Espagne et en Allemagne.
L'interdiction des farines carnées pose le problème de l'approvisionnement en protéines dont la France et l'Europe sont largement déficitaires. N'est-il pas temps, monsieur le ministre, de poser à nouveau le problème de cette filière ?
Si la capacité de développement de la culture du soja ne permettra pas de répondre aux besoins, il existe des possibilités de production à travers d'autres oléagineux, des protéagineux, et des légumineuses qui pourraient être autant de substituts qui, par ailleurs, auraient d'autres effets bénéfiques.
J'ai eu l'occasion, monsieur le ministre, d'évoquer à plusieurs reprises les graves problèmes que nous avons connus en France ces derniers mois, en Seine-Maritime en particulier.
Je vous rappelle que, dans mon département, plusieurs personnes sont décédées à la suite des inondations provoquées par les intempéries. Si je me garderai bien de laisser entendre que l'agriculture en est la cause principale - il y en a d'autres - la suppression des prairies accentue ou, pour le moins, contribue à aggraver la situation.
Je me suis laissé dire, voilà quelques jours, monsieur le ministre, que 13 000 hectares de prairies en Seine-Maritime étaient encore potentiellement susceptibles d'être mis en culture du fait du dispositif actuel d'attribution des primes. Bien entendu, la plupart de ces surfaces se situent dans les bassins versants qui sont les causes principales des inondations.
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas revoir ces dispositifs aux effets pervers ? Pourquoi ne pas proposer des modifications du système des aides, qui favorisent le maintien et le développement des surfaces en herbe, en incitant les productions d'oléagineux, de protéagineux, de légumineuses.
Peut-être allez-vous évoquer les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE. Vous savez comme moi que, pour des raisons diverses - lourdeur, insuffisance des financements, notamment - cette politique ne peut pas répondre aux besoins.
Monsieur le ministre, mes questions seront simples.
En raison de l'inquiétude, de la gravité de la situation et des préoccupations tout à fait légitimes des agriculteurs, qui sont confrontés à des échéances immédiates, quelles mesures complémentaires entendez-vous mettre en place pour venir en aide aux producteurs et à l'ensemble des acteurs de la filière de la viande ?
S'agissant de la systématisation des tests de dépistage à l'abattage, quand serons-nous opérationnels ?
Par ailleurs, puisque certains départements sont demandeurs et peuvent intervenir dès aujourd'hui, quand les autoriserez-vous à procéder au dépistage systématique que prévoit la Commission ?
Monsieur le ministre, lors des questions d'actualité au Gouvernement - c'était il y a quelques semaines, et non aujourd'hui, vous êtes pourtant beaucoup intervenu - vous avez indiqué que vous entendiez profiter de la présidence française de l'Union européenne pour faire prendre des orientations qui tiennent compte de la situation nouvelle à laquelle nous sommes confrontés. Quelles évolutions pensez-vous suggérer ? Envisagez-vous de revoir le système des cultures primables ? Envisagez-vous en particulier de prendre dès maintenant des mesures qui favorisent le maintien et le développement des surfaces en herbe et la production d'oléagineux, de protéagineux, de légumineuses ?
La situation actuelle impose une remise en cause en profondeur. Etes-vous disposé, monsieur le ministre, à engager les actions qui seraient de nature tout à la fois à redonner confiance aux consommateurs qui s'interrogent, mais aussi aux producteurs qui, aujourd'hui, s'inquiètent fort justement pour leur avenir ?
Quand on contrarie la nature, elle se rebelle. Monsieur le ministre, pouvez-vous faire passer ce message à celles et ceux qui définissent la politique agricole ? Comme dans d'autres domaines, les solutions de bon sens sont souvent les plus simples et toujours les meilleures. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lejeune.
M. André Lejeune. Après la remarquable intervention, ce matin, de notre collègue Jean-Marc Pastor, à laquelle je m'associe pleinement, mon propos portera principalement sur les contrats territoriaux d'exploitation, qui, compte tenu des problèmes actuels, vont être amenés à jouer un rôle primordial.
Cet instrument novateur, créé par la loi d'orientation agricole, vise à reconnaître le caractère multifonctionnel du métier d'agriculteur. Le CTE est un contrat signé entre l'agriculteur et les pouvoirs publics qui permet de rémunérer les engagements en faveur de démarches de qualité, de préservation de l'environnement ou de gestion de l'espace et de création d'emplois.
Le nombre de CTE conclus à ce jour est inférieur à ce que nous avions espéré. Toutefois, une accélération semble se dessiner ces dernières semaines.
Il ne s'agit pas d'un échec, comme certains aiment à le présenter, d'un échec qu'ils souhaiteraient sans doute afin de ne pas avoir à admettre, l'idée ne venant pas d'eux, qu'il s'agit d'une innovation intéressante.
Cette lenteur au démarrage ne doit absolument pas remettre en cause ce formidable outil de développement au service de l'agriculture. Les raisons de cette lenteur, nous les connaissons. Il s'agit, d'une part, du temps pris par la négociation du plan national de développement rural, qui n'a pu être adopté qu'en septembre et, d'autre part, de la complexité du dispositif.
Cela ne vous a pas échappé, monsieur le ministre, puisque vous avez engagé un travail de simplification et d'orientation. Nous vous en savons gré et nous souhaitons que vos efforts en ce sens aboutissent.
La dotation du fonds de financement des CTE pour 2000 n'a été, de ce fait, que partiellement consommée. Le projet de budget qui nous est proposé ajuste donc cette dotation, qui s'élève à 400 millions de francs pour 2001 contre 950 millions de francs en 2000.
Vous nous avez assurés que les crédits non consommés en 2000 seraient intégralement reportés sur 2001. Cela permettra de conserver cette enveloppe à l'agriculture et de poursuivre la tâche entreprise dans de bonnes conditions.
Aujourd'hui, les projets collectifs avancent et un grand nombre sont sur le point de se traduire en contrat-type.
Dans mon département, où nous avions eu le plaisir de vous accueillir pour la signature des premiers contrats, le nombre de CTE conclus vient de tripler ces derniers jours !
La modulation va permettre de distribuer des aides financières aux agriculteurs selon des critères qualitatifs et non pas seulement productivistes. Cette mesure va dans le bon sens.
Le système de production privilégiant la recherche de la productivité et du profit au détriment de l'environnement et de la sécurité des consommateurs, système qui a trop souvent prévalu et que nous n'avions pas manqué de dénoncer, doit être remis en cause.
Les éleveurs qui pratiquent l'élevage extensif doivent être plus que jamais encouragés. Ils sont très sensibles à l'avenir de la prime au maintien des systèmes d'élevages extensifs, dite prime à l'herbe, que nous devons défendre en veillant à ce que les montants à l'hectare soient revalorisés.
Aujourd'hui, les agriculteurs sont inquiets pour l'avenir de leur profession. Quant aux consommateurs, ils s'inquiètent du contenu de leurs assiettes et demandent des produits de qualité plus proches du terroir et plus facilement identifiables. Il est impératif de favoriser la transparence afin de redonner confiance aux uns et aux autres et d'éviter que chaque crise sanitaire ne prenne des proportions considérables.
En rémunérant l'ensemble des fonctions qu'accomplissent les agriculteurs, les CTE permettront la mutation de l'agriculture française vers une agriculture plus durable et ils démontreront sa capacité d'adaptation aux nouvelles attentes de notre société. C'est en effet un formidable outil de diversification qui, en assurant la promotion de la recherche de la qualité devrait être un élément déterminant pour sortir de la crise actuelle.
La mobilisation de tous les acteurs est indispensable pour assurer la réussite de ce projet. En ce qui nous concerne, vous pouvez être assuré de notre total soutien et de tous nos encouragements, monsieur le ministre : bien entendu, nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques-Richard Delong. Monsieur le ministre, le langage que je vais tenir ne sera pas celui d'un ancien élève de l'Ecole nationale d'administration, il sera plus proche de celui d'un paysan du Danube.
J'ai l'impression qu'après le poisson, avec arêtes, et le rôti, avec os, qui vous ont été abondamment servis au cours de la matinée, il m'appartient de vous servir la salade, c'est-à-dire la forêt ! (Sourires.)
Les tempêtes de 1999 ont des conséquences financières importantes pour les communes forestières. Lorsque les dégâts excèdent deux ou trois années de récolte, il s'ensuit une remise en cause des budgets communaux. Or, dans un certain nombre de communes, ces dégâts atteignent quinze années de récolte.
Les engagements pris publiquement par M. le Premier ministre, le 12 janvier 2000, dans le feu de l'action, n'ont pas varié, mais ils doivent être profondément remaniés en ce qui concerne leur mise en oeuvre.
Il est indispensable de mettre en place des palliatifs pour faire face à une véritable détresse. En effet, en dépit des aides importantes prévues par le Gouvernement mais qui se révèlent, comme toujours, très insuffisantes, les communes devront reconstituer leur patrimoine forestier et devront à cette fin apporter un autofinancement minimum de 20 % sur un total qui peut être évalué à environ 2,5 milliards de francs sur une dizaine d'années.
Les circulaires interministérielles précisant les critères d'éligibilité à la subvention d'équilibre ont été publiées. Les commissions départementales ont été mises en place et ont fonctionné correctement en 2000.
Le ministère de l'intérieur, qui a mesuré l'ampleur du désastre financier pour les budgets des communes forestières, a accordé une dotation de 200 millions de francs au titre des subventions d'équilibre pour les années 2000 et 2001. Or la vente de la majeure partie des chablis durant l'année 2000, en dépit de la forte baisse de leur valeur marchande, a procuré des recettes souvent supérieures à la recette moyenne des trois dernières années. Ainsi, seule une faible partie des communes forestières bénéficie d'une subvention d'équilibre en 2000.
On connaît maintenant avec une précision acceptable le montant total de ces subventions pour l'exercice en cours : il atteindra 100 millions de francs. Mais il se révèle déjà très insuffisant. En revanche, la baisse sensible des recettes de ventes de bois en 2001 rendra éligible à la subvention d'équilibre un nombre de communes beaucoup plus important, et ce nombre sera encore plus important en 2002 et les années suivantes.
D'ores et déjà, d'après les estimations de la Fédération des communes forestières de France, on peut affirmer qu'une somme minimum de 350 millions de francs sera nécessaire en 2001 pour venir en aide aux communes forestières, sachant que la subvention d'équilibre ne constitue qu'une compensation partielle des pertes subies et en aucun cas une indemnisation.
Le 23 novembre dernier, la Fédération des communes forestières a demandé à M. le ministre de l'intérieur d'engager une étude destinée à évaluer le plus objectivement possible les pertes subies par chacune des communes forestières. Ce travail définirait l'évaluation des pertes subies, mais aussi la perspective à moyen terme qui, seule, peut permettre à la fois de déterminer les besoins nécessaires, d'appliquer de manière équitable les circulaires mentionnées et d'amorcer progressivement le redressement des finances des communes sinistrées.
Cependant, le ministre de l'agriculture et de la pêche est notre autorité normale. C'est donc à lui que nous demandons de coordonner l'action de ses collègues ou de stimuler leur inaction.
Depuis le printemps de cette année, les élus des communes forestières s'interrogent sur le phénomène météorologique que représente la tempête du mois de décembre 1999, qui fut extraordinaire par sa violence et par son étendue. Comme leurs administrés, les maires se demandent si ce phénomène risque d'être récurrent. Ils se demandent également comment il est possible de rendre les peuplements forestiers plus résistants.
Notre fédération a entrepris une réflexion approfondie avec les experts du ministère de l'agriculture et de la pêche et avec l'Office national des forêts pour essayer d'identifier les causes et les conséquences des dégâts occasionnés par la tempête aux forêts communales.
Nous sommes bien obligés d'admettre que la nature reste le grand maître de la forêt, car jamais l'homme ne pourra implanter ou réimplanter des massifs forestiers à même de résister à des vents dont la vitesse excède cent cinquante kilomètres à l'heure.
On doit faire preuve d'humilité quand on pratique la sylviculture. On doit faire preuve de patience aussi, les échéances sont à quatre-vingts ans, voire à deux cent-cinquante ans. Le rôle de l'homme consiste, en forêt, à imiter la nature et à hâter son oeuvre.
Le 6 octobre 2000, lors du colloque d'Epinal, la fédération des communes forestières a énoncé un certain nombre de principes qu'elle entend voir mis en oeuvre lors de la reconstitution des forêts. Au mois de janvier 2001, en commun avec l'Office national des forêts, elle éditera une plaquette qui sera présentée à la presse et diffusée dans le grand public.
Ne pouvant entrer, faute de temps, dans le détail des mesures, je peux dévoiler à cette tribune que les méthodes de sylviculture, qui sont nécessairement variées dans une forêt française déjà très diversifiée, ne seront pas radicalement remises en cause. Néanmoins, un certain nombre d'ajustements, de précautions et de pratiques devraient permettre, à l'avenir, de limiter, au moins en partie, certains risques.
Bien entendu, il sera fait appel à la régénération naturelle là où elle est possible et souhaitable, ainsi qu'à la constitution de peuplements mélangés.
Je tiens à souligner ici que la régénération naturelle est déjà largement mise en oeuvre par l'ONF dans les forêts communales et que, dans le renouvellement des peuplements arrivés à maturité, les plantations artificielles occupent une place très limitée. Au demeurant, elles sont nécessaires pour pallier des régénérations naturelles insuffisantes et pour diversifier les essences, notamment les essences précieuses comme le merisier, l'alisier ou le frêne.
Les modalités de reconstitution des forêts font actuellement l'objet d'une concertation avec l'ONF. Elles seront formalisées dans les mois à venir dans une charte commune à la fédération nationale des communes forestières de France et à l'ONF. Le principal obstacle à un débouché pratique est la méconnaissance profonde de l'évolution climatique des cent prochaines années.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire, le mot « savant » s'applique au petit bonheur et les déclarations des experts en climatologie ne sauraient nous rassurer, tant elles sont à la fois pessimistes et contradictoires. Où est la vérité ? En fait, nul ne le sait. Elle n'est pas, en tout cas, au fond d'un puits de carbone !
Faute de pouvoir influencer les humeurs de la météorologie, les communes forestières ont affirmé à différentes reprises leur volonté et la possibilité qu'elles ont de prendre leur part à la lutte contre l'effet de serre.
Si les acteurs de la vie économique, et même tous les Français, doivent contribuer à la diminution des pollutions de toute nature, les communes forestières proposent, par une politique dynamique de renouvellement des forêts communales, d'enrichissement des taillis sous futaie pauvres et de reboisement de terrains en déprise agricole, de créer des « geysers d'oxygène », improprement dénommés « puits de carbone », sur une surface de un million d'hectares en quinze ans. La Fédération nationale des communes forestières de France entend ainsi, avec l'aide de l'Etat, contribuer efficacement, de manière ingénieuse et peu coûteuse, à la fixation du dioxyde de carbone. Il s'agit là d'un service majeur que seule la forêt peut rendre à la société.
Afin que soient financées de façon pérenne toutes les actions déjà engagées ou à engager en forêt publique, ainsi que les services non marchands que rendent ces forêts, notamment les forêts communales, la Fédération nationale des communes forestières de France demande instamment à M. le Premier ministre que le produit de l'écotaxe soit affecté à la forêt à hauteur des besoins réels, soit au minimum 2 milliards de francs par an.
Monsieur le ministre, je suis sûr que vous suivez le déroulement de la réunion sur l'effet de serre d'Ottawa.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. De très près !
M. Jacques-Richard Delong. J'espère que la France saura défendre le rôle majeur de la forêt dans la lutte contre l'effet de serre. (M. le ministre fait un signe d'approbation.)
En conclusion, monsieur le ministre, je voterai votre budget sans arrière-pensées. Mais, bien entendu, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées du RPR. - M. Piras applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le ministre, le 14 novembre dernier, vous présentiez un plan général de lutte contre l'ESB, dont la principale mesure concerne la mise en place d'un moratoire sur l'utilisation des farines de viande et d'os dans l'alimentation de tous les animaux d'élevage.
Au regard du développement récent de la crise de la « vache folle » et de l'inquiétude sans précédent des consommateurs, les mesures annoncées vont dans le bon sens. Leur efficacité reste toutefois à démontrer. Je ne souhaite pas, faute de temps de parole, parler des mesures prises ou en cours de décision, d'autres collègues l'ont fait ou le feront.
Vos explications rassurantes, souvent courageuses, celles du Gouvernement depuis le début de la crise, n'ont pas suffi à arrêter le déferlement incontrôlé de déclarations irresponsables et trop médiatisées concernant les causes et surtout les conséquences de ce que l'on appelle maintenant dans un jargon employé par tous : la crise de la vache folle.
C'est une situation très grave que connaît le premier secteur économique de l'agriculture française. Il faudra plusieurs années pour revenir à un équilibre de la filière, mais rien ne sera plus véritablement comme avant.
La légitime aspiration des consommateurs à la transparence - qui doit être la conséquence d'une compréhension réciproque - ne se relâchera pas. Entre partenaires modernes et évolués d'une grande filière économique, il est normal qu'il en soit ainsi. Les pouvoirs publics étant un partenaire majeur, il vous appartient donc, monsieur le ministre, à vous et à quelques autres de vos collègues, de contribuer à rétablir le climat de confiance réciproque en l'absence duquel rien ne pourra être fait pour cette filière.
Le climat est détérioré. Paradoxalement, il s'est détérioré au moment où l'on commençait à prendre des mesures concrètes qui porteront progressivement leurs fruits.
Le phénomène s'est accru avec l'annonce que vous avez faite voilà trois semaines du chiffre de 3,2 milliards de francs, chiffre qui a circulé et que les médias ont repris et amplifié, sans chercher ni à l'analyser ni même à le comprendre.
Ainsi, depuis plusieurs semaines, la situation est incroyable : deux blocs de Français se regardent sans bien se comprendre. D'un côté, les consommateurs se rappellent qu'ils sont aussi contribuables ; de l'autre, les opérateurs économiques de la filière « viande » se demandent où sont ces 3,2 milliards de francs dont ils n'ont pas encore vu la couleur. Monsieur le ministre, il faut faire cesser ce climat, qui est malsain.
Ce chiffre de 3,2 milliards de francs est faux, c'est évident. Mais encore faut-il le dire et montrer le chemin de la vérité, qui redonne confiance. Il est faux car, dans la précipitation, on mélange allégrement, dans l'addition, des aides publiques nouvelles - il y en a peu -, des prêts bonifiés, des reports de paiements - sous conditions non précisées -, des crédits déjà programmés que l'on repasse une nouvelle fois, des aides financières et des aides européennes !
Tout cela contribue à un manque de crédibilité de l'ensemble des mesures prises ou à prendre. Monsieur le ministre, puisque ce chiffre est troublant, il faut en parler.
Si l'on analyse, point par point, l'ensemble des mesures qui constituent ce plan financier, on ne peut qu'être déçu par le volume des crédits prévus.
Ainsi, le report des cotisations sociales, estimé à 1,24 milliard de francs, ne coûtera à l'Etat que les avances de trésorerie consenties à la Mutualité sociale agricole car, au bout de trois années, ce sont bien les éleveurs concernés qui devront régler cette somme. C'est d'ailleurs en 1999 que les éleveurs ont remboursé les reports obtenus en 1996.
Quant aux 400 millions de francs du fonds d'allégement des charges, le Gouvernement mobilise les crédits des budgets 2000 et 2001, qui étaient déjà programmés pour résoudre les crises des marchés agricoles quelles qu'elles soient !
Le même recyclage budgétaire prévaut pour les soutiens financiers au plan « protéines végétales ». Il s'agit là du dispositif 2000, qui concerne les primes au soja de qualité et au tournesol, ainsi que la mesure en faveur du diester qui a déjà été obtenue lors de négociations qui ont abouti le 9 septembre dernier.
La filière industrielle bénéficie, pour sa part, de mesures sociales et financières qui se précisent ces jours-ci, mais qui ne sont toujours pas adaptées. Le compte n'y est pas et les bonnes procédures ne sont pas encore trouvées.
S'agissant de toutes les autres mesures annoncées, il faut faire la part des effets d'annonce et des moyens nouveaux réellement dégagés.
Lorsque l'on soustrait de son montant les simples avances de trésorerie et le redéploiement des crédits, il apparaît que le plan de soutien en faveur des éleveurs bovins et de la filière manque d'ambition. Où sont donc les 3,2 milliards de francs annoncés ?
L'absence de mesures immédiates de dégagement des marchés et d'aides d'urgence aux éleveurs nous porte à croire que le Gouvernement n'avait pas, voilà trois semaines, pris la réelle mesure de la gravité de la crise. Les dispositifs sont trop lents à se mettre en place. Il faut accélérer, monsieur le ministre. Vous avez une audience que je n'ai pas. Je compte sur votre autorité pour rétablir la vérité des chiffres. Il faut redonner l'espoir aux éleveurs et créer les conditions d'un dialogue avec les partenaires industriels de la filière pour parler de sa nécessaire restructuration.
Cette filière comporte une forte surcapacité d'équipements industriels qui se chiffre aujourd'hui entre 20 % et 35 % suivant les métiers et qui est la conséquence d'un passé trop marqué par l'action combinée des pouvoirs publics, des collectivités locales et d'opérateurs privés qui n'ont pas toujours bien mesuré les évolutions prévisibles du marché, le niveau de la concurrence et le besoin de gestion qualitative. Ainsi, 70 000 emplois sont fragilisés. Combien resteront ? Combien disparaîtront ? Cela dépendra des prochaines décisions en cours de discussion avec les pouvoirs publics et des « souplesses » sociales qui seront accordées. Cela se jouera dans les semaines qui viennent.
Côté élevage, il faut repenser tous nos équilibres entre troupeau allaitant et troupeau laitier, entre troupeau allaitant et aménagement du territoire, et s'adapter aux demandes du marché en matière de volumes produits.
Avec la crise que nous traversons, le devoir de rétablir la rentabilité de la filière s'impose à tous. Ce sera long et difficile. Il faudra beaucoup de courage à tous les décideurs publics et privés.
Monsieur le ministre, je souhaite que la proximité des échéances électorales ne soit pas, pour les décideurs publics ou politiques, le prétexte à une absence de rigueur au moment où il faudra prendre des décisions. Ce serait une occasion manquée que nous aurions à payer plus tard.
En plus de ce que j'avais préparé sur la « vache folle », je tiens à vous faire part de la dépêche que m'a apportée un collègue au moment où je montais à la tribune, et qui nécessite une réponse de votre part, monsieur le ministre.
Selon le quotidien économique Handelsblatt, le Gouvernement allemand veut empêcher que de nouvelles subventions ne soient attribuées aux agriculteurs victimes de la crise de la « vache folle » lors du sommet européen de Nice, qui s'est ouvert aujourd'hui.
Toujours selon le quotidien, qui cite le ministère des finances, en 1999, l'Allemagne a versé plus d'euros dans les caisses de l'Union européenne qu'elle n'en a reçu en retour. L'objectif de l'Allemagne est de continuer à réduire le différentiel.
Il est prévu de discuter à Nice des aides aux agriculteurs pour leur permettre de produire différemment, notamment après la décision européenne de suspendre pour six mois l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation de tous les animaux d'élevage.
Voilà la teneur de cette dépêche, monsieur le ministre. Je ne sais pas si vous en avez eu connaissance. De quelle manière pouvons-nous contrer cette décision ? Elle nécessite en tout cas que vous nous indiquiez ce que vous en pensez et ce qu'en pensent les Français présents au sommet de Nice.
J'évoquerai rapidement deux sujets ponctuels : l'avenir du sucre et de son règlement, et le sucre et les pays les moins avancés.
S'agissant du premier point, une émotion s'est installée après les déclarations publiques d'un commissaire à Bruxelles voilà quelques semaines. Vous avez obtenu des assurances sur le non-abandon du calendrier, ce qui vous a permis de rassurer les opérateurs de la filière sucre. Je vous remercie pour cette action. Il n'y a aucune raison de remettre en cause l'organisation d'une filière qui est exemplaire sur le plan des marchés agricoles.
S'agissant du second point, M. Lamy s'est fait récemment l'écho d'une action possible en faveur des PMA, à savoir l'ouverture d'un droit d'accès pour un million de tonnes de sucre. Pour ceux qui ne connaissent pas le sujet, je précise que un million de tonnes de sucre nécessitaient 120 000 hectares de betteraves voilà dix ans, 80 000 hectares aujourd'hui, c'est-à-dire sensiblement le cinquième de la production française. Ces chiffres sont effrayants !
Il est nécessaire de conduire des actions en faveur des pays les moins avancés. Mais, de grâce ! qu'elles soient réfléchies et progressives, afin de ne pas démolir cette filière dont la construction a demandé soixante-dix ans ! Monsieur le ministre, vous devez obtenir que ces actions s'incrivent dans un plan d'ensemble. Mais les négociations de l'OMC ne sont toujours pas ouvertes.
Je terminerai par le budget et ses priorités.
Je ne relèverai qu'un point : l'effort encore insuffisant pour la recherche. Je sais que deux ministères de tutelle sont concernés.
L'INRA prépare un plan sur quatre ans. Il faut le faire. Aujourd'hui, une convention avec l'ACTIA va être signée ; elle va dans le sens d'un rapprochement avec les professionnels, ce qui est bien.
Toutefois - je tiens à le dire publiquement -, on ne fait pas assez état des résultats exemplaires qui sont obtenus par les 11 000 personnes - si l'on compte les stagiaires - qui travaillent à l'INRA.
Il en est de même pour le CEMAGREF et quelques autres petits organismes de recherche qui dépendent de votre ministère.
On souhaite que l'on fasse plus pour les industries alimentaires et non alimentaires, car c'est là que se crée la valeur ajoutée de la filière agricole.
Si nous obtenions pour la filière viande les mêmes résultats que ceux que nous avons obtenus en trente ans pour le lait, l'avenir serait plus ouvert et les raisons d'espérer plus apparentes.
En période de crise, c'est le moment d'innover, d'autant plus que l'avenir, ça se contruit et c'est aussi un problème de volonté politique ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de cet examen du budget de l'agriculture et de la pêche, je vais intervenir maintenant sur l'avenir du secteur agricole par le biais de l'enseignement agricole, pour tout à l'heure, lors de l'examen du BAPSA, évoquer la légitime solidarité que nous devons démontrer à l'intention des anciennes générations.
Je suis particulièrement satisfait que le budget réservé à l'enseignement agricole - ce « fier alezan », selon l'expression que vous avez utilisée il y a quelques instants, monsieur le ministre - et les efforts qui sont poursuivis en matière de retraites agricoles marquent incontestablement le caractère prioritaire qu'accorde à ces sujets le gouvernement actuel.
L'intérêt affiché pour l'enseignement agricole n'est pas simplement un effet d'annonce, les chiffres sont là pour le prouver : les crédits s'élèvent pour 2001 à 7 521,28 millions de francs, en progression à structure constante de 2,46 %, alors que l'ensemble du budget du ministère de l'agriculture et de la pêche ne progresse que de 0,6 %.
J'ai lu et entendu que, malgré cette évolution indéniablement positive, certains voyaient un ralentissement dans l'effort engagé en faveur de l'enseignement agricole.
Pour ma part, j'estime que l'appréciation portée sur le budget de l'enseignement agricole doit l'être sur plusieurs exercices. Je rappelle donc les efforts des années précédentes : ce budget a connu une progression de 3,58 % en 2000, de 6,21 % en 1999 et de 4,64 % en 1998.
Cette vision plus globale nous permet de constater que, depuis quatre ans, l'enseignement agricole est une priorité pour nos gouvernements, ce dont je me félicite. Il faut tout de même préciser que, si un tel effort a été consenti et doit se poursuivre, c'est qu'il s'avérait nécessaire, voire indispensable, nous en sommes tous conscients.
Au-delà de cette appréciation générale, je souhaiterais articuler mon intervention autour de deux points, le premier portant sur une analyse plutôt comptable, le second sur une approche plus philosophique et prospective de l'enseignement agricole.
L'enseignement agricole est soumis à des maux profonds et structurels qui méritent, et même qui exigent, que les pouvoirs publics s'en saisisssent, la situation de l'emploi étant sans doute le plus marquant.
Il est donc nécessaire de créer des emplois et de résorber l'emploi précaire, ces deux aspects étant d'ailleurs intimement liés puisque la carence en création d'emplois a conduit au développement de l'emploi précaire. C'est ainsi que l'inspection générale de l'agriculture a calculé que la part des non-titulaires atteignait le taux record de 25 % dans l'enseignement agricole, alors que ce taux n'est « que » de 6 % dans l'éducation nationale.
Pour remédier à cette situation, le projet de loi de finances pour 2001 contient de très importantes dispositions tant en matière de création nette d'emplois qu'en matière de résorption de la précarité.
Pour ce qui est du premier point, 200 postes sont créés, la répartition étant la suivante : 120 emplois d'enseignant, qui s'ajoutent aux 158 emplois créés en 2000 et aux 150 emplois créés en 1999 ; quatorze emplois dans l'enseignement supérieur, ce qui marque une rupture avec le passé ; soixante postes de personnel non enseignant, qui s'ajoutent aux soixante emplois créés en 2000 et aux quarante emplois créés en 1999 ; six postes de personnel non enseignant dans l'enseignement supérieur.
En ce qui concerne le problème de la précarité, au-delà du projet de loi relatif à la réduction de l'emploi précaire dans la fonction publique, le projet de loi de finances pour 2001 prévoit, pour la quatrième année consécutive, des créations d'emplois par transformation de crédits de vacations et d'heures supplémentaires. Pour cette dernière mesure, près de 400 emplois sont créés qui se répartissent ainsi : 260 emplois pour le personnel enseignant du second degré et 137 emplois pour le personnel non enseignant.
Ces mesures concernant les créations de postes et la déprécarisation devraient conforter la situation des enseignants et des élèves de l'enseignement agricole. Ce rattrapage, s'il doit être loué, doit non pas se ralentir, mais bien au contraire se poursuivre.
J'aborderai très brièvement trois questions qui méritent des précisions de votre part, monsieur le ministre.
La première porte sur le constat fait par certains du ralentissement du rythme de progression des subventions de fonctionnement des établissements publics et privés. Il est évident que, dans un budget, des choix doivent être faits ; celui qui nous est soumis privilégie les effectifs. Néanmoins, il faut rester vigilant et s'assurer que la qualité de la pédagogie dans l'enseignement agricole soit préservée, car elle est unanimement reconnue.
Par ailleurs, et cela fera l'objet de ma deuxième remarque, il est regrettable que le fonds social lycéen soit simplement reconduit en francs courants à hauteur de la dotation inscrite en 2000.
Enfin, je voudrais évoquer, monsieur le ministre, le mécanisme du régime temporaire de retraite de l'enseignement privé, le RETREP, lequel est étendu aux contractuels de l'enseignement privé sous contrat relevant de l'éducation nationale, ce qui leur permettra de bénéficier d'une retraite à taux plein dès soixante ans. A ce sujet, avec mes collègues, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Marc Pastor, Yolande Boyer et dix-huit autres membres du groupe socialiste, nous avons déposé un amendement afin que, dès 2001, le personnel de l'enseignement privé agricole sous contrat bénéficie des mêmes dispositions que le personnel de l'enseignement public général.
Au-delà de cette analyse comptable, qui démontre que la politique poursuivie par ce gouvernement depuis plusieurs années répond en grande partie aux problèmes de l'enseignement agricole, une analyse plus qualitative de cet enseignement s'avère nécessaire.
Que ce soit en 1999 ou en 2000, dans mes interventions sur l'enseignement agricole lors de l'examen des lois de finances, j'ai évoqué la nécessité, dans la définition du contenu de cet enseignement, de prendre en considération le rôle multifonctionnel de l'agriculture affirmé par l'article 1er de la loi d'orientation du 10 juillet 1999.
L'actualité, à l'occasion de la crise de l'ESB et des farines animales, crise qui devrait d'ailleurs nous inciter à appréhender le problème des OGM d'une manière encore plus vigilante, vient confirmer l'obligation de remettre en cause la philosophie productiviste qui a guidé la prise de décisions en matière de politique agricole depuis des décennies.
Je rappellerai à ceux de nos collègues qui, malheureusement, n'étaient pas présents lors de l'examen de la loi d'orientation agricole la fameuse règle des 80 % - 20 %, que j'ai d'ailleurs répétée une vingtaine de fois dans cet hémicycle, c'est-à-dire la règle selon laquelle 80 % des subventions vont à 20 % des agriculteurs.
L'aspect multifonctionnel de notre agriculture doit se traduire dans l'enseignement agricole, objet de mon intervention. Jusqu'à présent, la mission principale, et je dirai même unique en caricaturant un peu, qui a été confiée à l'agriculture a été de produire une quantité maximale de denrées alimentaires à un coût minimal.
Je ne suis pas totalement naïf et je sais très bien que le productivisme a été guidé par la concurrence rencontrée sur les marchés mondiaux. Mais, désormais, l'agriculture est au centre de nombreux autres enjeux : le respect de l'environnement, l'aménagement cohérent du territoire, la qualité sanitaire des produits, la commercialisation même de ces produits...
Conscient de ce problème, monsieur le ministre, vous avez souhaité l'émergence d'un projet pour un service public d'enseignement agricole, soit, dans le jargon du ministère, PROSPEA. L'idée mais également la procédure de concertation suivie doivent être louées car notre enseignement agricole, au même titre que notre agriculture, est à un tournant de son histoire, et je le dis de la manière la plus solennelle.
La réflexion que vous avez engagée est vaste, mais, dans votre intervention du 14 juin dernier, vous avez précisé qu'il s'agissait notamment de réfléchir au contenu de l'enseignement, et ce au regard des enjeux posés à l'agriculture en matière de multifonctionnalité. Quelle place voulons-nous donner à l'enseignement agricole au regard de ces enjeux émergents mais affirmés ?
Cette vision productiviste a laissé place à une approche multifonctionnelle de l'agriculture, laquelle n'est plus isolée dans le monde rural mais en fait partie intégrante. La France est, à mon avis, en avance dans cette approche globale du monde rural.
Votre volonté, monsieur le ministre, de voir émerger un nouveau projet pour notre enseignement agricole est l'occasion que ce dernier intègre, par la spécialisation et la diversification de ses formations, la mission multifonctionnelle de l'agriculture de demain, laquelle a un rôle primordial à jouer dans l'animation du monde rural et l'aménagement de notre territoire.
Le défaut d'anticipation sur les effectifs dans l'enseignement agricole, qui nous oblige aujourd'hui à de douloureux rattrapages, ne doit pas se renouveler sur le contenu des formations dispensées. L'enseignement agricole doit savoir s'adapter, accompagner la mutation indispensable de la politique agricole menée et répondre ainsi aux enjeux de société et aux objectifs clairs et légitimes de la dernière loi d'orientation agricole. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Jacques-Richard Delong nous a parlé forêt. La forêt fait partie de la ruralité, et il ne peut y avoir de ruralité sans agriculture. Or notre agriculture est inquiète.
La Ve République a donné deux fondements à l'indépendance économique de la France : l'autosuffisance alimentaire et l'énergie nucléaire. Ce n'est pas un hasard si nous voyons les mêmes forces de désagrégation s'attaquer aujourd'hui à l'une et à l'autre.
MM. Jacques-Richard Delong et Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Yann Gaillard. Pour nous en tenir à l'agriculture, un contrat a été passé entre l'Etat et les paysans, à l'époque de la première loi d'orientation, de la loi complémentaire et des grands règlements de marché. C'était le temps de Chombart de Lauwe, de Debatisse et, à Bruxelles, de Mansholt, sans oublier Debré, Pisani et Edgar Faure.
Avec leur aide, les paysans ont doté notre pays d'une puissante industrie de la terre, capable de tenir tête à l'Amérique. Ils ont aussi maintenu la vie et la beauté de notre paysage. Or ils sont aujourd'hui l'objet de tous les procès : au nom de la consommation et de la sécurité alimentaire ; au nom de l'environnement. Prenez l'article de M. André Chandernagor, personnalité que je respecte par ailleurs, paru dans le Monde du 5 décembre et intitulé Santé et environnement d'abord. Tout y est passé : « les veaux aux hormones, les porcs aux antibiotiques, le poulet à la dioxine, la « vache folle », l'air que nous respirons, l'eau de nos sources et de nos rivières ». Qui nous vaut d'encourir ces terribles dangers ? Le « lobby productiviste agricole ». D'où, monsieur le ministre, le démantèlement recommandé de votre ministère, jugé trop docile.
Certes, emportée par l'élan, l'agriculture a pu commettre des excès. Qui n'en commet pas ? Mais elle bat sa coulpe bien volontiers. Le chef naturel de ce « lobby », le président de la FNSEA, M. Luc Guyau, dans son dernier ouvrage Le Défi paysan, qui mérite d'être médité, écrit - cela figure à la page 13 : « Nous ne pouvons plus admettre de réduire nos activités à la simple production de volumes. Nous avons aussi à préserver nos ressources naturelles et notre environnement, à assurer la qualité sanitaire de nos produits, à nous ouvrir aux nouveaux marchés, à consolider une Europe agricole qui tend à s'étoffer. Pour fonder cette « agriculture innovante et citoyenne », il préconise même un « serment d'Hippocrate de l'agriculteur ». La pensée de Bertrand Hervieu, qui est proche de vous, monsieur le ministre, n'est guère différente, si j'en juge par ses récents ouvrages.
Des mots, direz-vous ! Mais, sous la plume de celui qui les écrit, ils valent engagement.
La profession organisée a mené avec l'Etat la première révolution agricole ; elle est prête à engager la seconde. Elle a déjà commencé à le faire. Elle est composée d'hommes et de femmes modernes, véritables chefs d'entreprise, qui maîtrisent la technique et la gestion et à qui la révolution informatique n'est en rien étrangère. Etant moi-même étranger à ce milieu et ancien élève de l'ENA, mon cher collègue Delong, je suis heureux de lui rendre cet hommage. Qu'attend la profession de l'Etat, et donc de vous, monsieur le ministre ? Que vous vous mettiez au travail avec elle et prépariez ce nouveau contrat « entre les agriculteurs et leurs concitoyens ».
D'abord, commencez par maintenir intact le potentiel de renouvellement de cette agriculture. Je pense, bien sûr, à l'installation des jeunes, mais aussi à cet enseignement agricole, public et privé, dont vous êtes le tuteur. L'heure n'est pas à tenter d'opposer public et privé ni à afficher une volonté de se séparer de certaines formations pour les confier à l'éducation nationale, qui a déjà suffisamment à faire avec ses propres problèmes.
Je n'insiste pas davantage sur cette question que plusieurs orateurs, excellents, ont traitée avant moi.
Faites fond aussi sur la production agricole non alimentaire : les fibres textiles, comme le chanvre ; la chimie du lait ou de l'amidon de blé ; les carburants végétaux ; et, bien sûr, le bois.
Le bois, ... j'y reviens ! Il en est tombé beaucoup dans cette fameuse tempête de décembre 1999. M. Jacques-Richard Delong, président de la Fédération nationale des communes forestières de France, l'a dit avec l'autorité et la passion qu'on lui connaît. Je veux compléter son propos en ce qui concerne l'Office national des forêts.
Avec 20 millions de mètres cubes à terre, l'Etat, premier propriétaire forestier de France, est donc le premier touché, ce qui emporte des conséquences graves pour l'équilibre financier de l'Office.
Le rapport Bianco, excellent document, préconisait de mettre fin à un excédent constaté de bois sur pied, sorte de surcapitalisation technique, par une mobilisation accrue de 10 millions de mètres cubes pendant dix ans. Les recettes supplémentaires auraient permis de faire face, entre autres, à l'insuffisance chronique du versement compensateur.
Recettes en moins, charges en plus, la tempête creuse un trou de 250 millions de francs dans les finances de l'Office. Inutile de compter sur la provision pour variation de conjoncture, qui n'a été que trop ponctionnée.
Les communes forestières de France sont préoccupées par la fragilité financière de leur gestionnaire, sur qui elles veulent pouvoir compter pour mener à bien le programme de reconstitution de leurs forêts annoncé par le Premier ministre.
Nous demandons donc avec insistance que, après un premier acompte de 100 millions de franc, un second versement de 150 millions de francs soit effectué en faveur de l'établissement. Et l'opération devra sans aucun doute être renouvelée en 2002. Mais une recapitalisation financière par l'Etat serait certainement le meilleur moyen de remettre l'Office sur pied et de redonner confiance aux communes, ainsi qu'à l'ensemble de la filière.

Monsieur le ministre, l'avenir de notre agriculture et celui de notre forêt ne se séparent pas. Ils sont l'un et l'autre entre vos mains ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes collègues du groupe de l'Union centriste ayant longuement évoqué la crise de la maladie de la « vache folle » et la situation dramatique des éleveurs qui s'est ensuivie, je me bornerai à parler du problème de la traçabilité et de l'étiquetage.
Puisque l'interdiction des farines animales est aujourd'hui une réalité dans l'ensemble de l'Europe, avez-vous l'intention, monsieur le ministre, de relancer le plus rapidement possible la production de cultures végétales, notamment d'oléoprotéagineux, la France et l'Europe ne couvrant pas, aujourd'hui, leurs besoins en ce domaine ?
Afin d'assurer une véritable transparence concernant la filière alimentaire, notamment, il s'avère nécessaire que tous les produits soient étiquetés dans le cas où ils contiendraient des OGM ou des dérivés d'OGM.
Toutefois, aujourd'hui, l'étiquetage et la traçabilité ne sont que très peu développés en Europe et encore moins dans le reste du monde. Les règles communautaires doivent être complétées et clarifiées afin de permettre une véritable information du consommateur. C'est dans cette optique que la directive 90/220/CEE va être révisée.
Il convient surtout d'être particulièrement vigilant à l'égard des céréales provenant des Etats-Unis, notamment le maïs grain ou les fèves de soja. Le dispositif communautaire en matière d'étiquetage porte aujourd'hui, d'une part, sur les semences et, d'autre part, sur les produits finis. En revanche, entre les deux extrémités de la filière, il n'y a pas d'obligation réglementaire quant à la mention : « génétiquement modifié ».
Du fait de ces lacunes, les fabricants de produits alimentaires ont des difficultés à disposer d'une information précise quant au caractère « OGM » des ingrédients qui leur sont livrés et, par conséquent, à appliquer un étiquetage fiable des produits finis.
Etiquetage et traçabilité sont liés, mais les dispositifs en vigueur sont insuffisants, même s'ils ont le mérite d'exister. La traçabilité, notion assez récente en ce domaine, n'est pas sérieusement assurée de bout en bout de la chaîne alimentaire.
En s'appuyant sur le principe de précaution, la France peut montrer l'exemple, car les directives européennes, malgré leur précision habituelle, sont en la matière incomplètes, insuffisamment rigoureuses et partielles.
S'agissant, par ailleurs, de la situation des exploitations agricoles, il faut reconnaître qu'elle est particulièrement préoccupante. En effet, l'alourdissement des charges menace nombre d'entre elles. La maîtrise des charges est à nouveau une priorité.
Les efforts individuels ne seront pas suffisants, surtout si la concurrence, au sein de l'Union européenne, ne peut pas s'exercer pleinement entre les fournisseurs. En outre, à ces charges s'ajoute l'ensemble du dispositif de taxes mis en place par le Gouvernement ; je pense notamment à la TGAP, dont nous avons demandé la suppression. S'ajoute encore la modulation, essentiellement supportée par les céréaliers pour financer les CTE.
Il est donc urgent de prendre des mesures fiscales fortes pour compenser le nouvel appauvrissement de la « ferme France », lié à la baisse des prix de soutien. Depuis un certain temps déjà, le Gouvernement fait miroiter un plan d'aménagement de la fiscalité agricole, mais il est dommage que des mesures ne soient proposées que sous la pression.
Le poids des impôts et des prélèvements sociaux varie d'un pays européen à l'autre. Si je prends l'exemple du revenu net imposable, le calcul n'est pas le même partout : un agriculteur néerlandais et un agriculteur français ayant des exploitations laitières similaires - mêmes quotas laitiers, même quantité de lait produite - ont un revenu imposable différent ; entre autres raisons, le quota laitier est amortissable aux Pays-Bas, alors qu'il ne l'est pas en France. Et ce n'est là qu'un exemple parmi beaucoup d'autres.
Monsieur le ministre, il est temps de mettre en place un véritable plan de réduction des charges sociales et fiscales qui pèsent sur le secteur agricole.
Avec la crise sans précédent que connaissent les éleveurs, le métier d'agriculteur est un métier aujourd'hui très compromis.
Le recul des installations en est une preuve supplémentaire : elles ont chuté de plus de 30 % en trois ans. Or une agriculture qui ne se renouvelle plus est une agriculture qui n'a plus confiance en son avenir.
Que fait le Gouvernement pour y remédier dans le budget de l'agriculture pour 2001 ? Il se contente de reconduire à l'identique la dotation à l'installation votée en 2000. Si aucun effort particulier n'est réalisé en ce domaine, on ne peut parler de priorité à l'installation.
Je ne voudrais pas terminer mon propos sans évoquer, en ma qualité de représentant du département de la Meuse, la situation des exploitants forestiers.
Vous avez décidé d'augmenter de 33 % les crédits alloués pour 2001 à la forêt. Le plan national pour la forêt contient des mesures pour mobiliser les bois abattus, les stocker et les valoriser, reconstituer les forêts sinistrées, soutenir les communes forestières. A ce propos, je souligne la modestie des aides qui sont réellement versées aux communes et qui ne correspondent pas à leurs attentes.
Où en sont les exploitants forestiers aujourd'hui ? Ils ont passé une année effroyable à attendre des aides pour tenter de sauver leur activité.
Nous appelons de tous nos voeux un très ambitieux projet de loi d'orientation sur la forêt, à l'examen duquel nous ne manquerons pas d'apporter la plus grande vigilance. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, le projet de budget pour 2001 du ministère de l'agriculture s'inscrit dans un contexte à la fois national et européen bien particulier.
Lundi dernier, à Bruxelles, le conseil européen de l'agriculture, sous votre présidence, monsieur le ministre, a réexaminé le dossier de la « vache folle ». Je me félicite que les principes et les mesures nationales que vous défendiez voilà quelques jours devant nos partenaires européens aient enfin pu être repris à l'échelon européen.
J'espère que les mesures communautaires ainsi mises en place apporteront aux consommateurs toutes les garanties de sécurité sur la viande bovine, à la fois par l'interdiction totale des farines animales et par l'extension des tests de dépistage de l'ESB à tous les bovins de plus de trente mois.
En outre, la Commission s'est engagée à intervenir également afin de rétablir le bon fonctionnement de la filière, la situation des éleveurs étant profondément affectée par l'état actuel du marché.
Votre engagement, monsieur le ministre - je pourrais même parler d'un marathon, entamé voilà plusieurs mois -, ainsi que les décisions nationales d'interdiction, de contrôle intensif et de vigilance prises par le Gouvernement ont montré la détermination de la France face à ses partenaires et votre volonté constante - que vous partagez avec tout le Gouvernement - d'agir sur la base du principe de précaution, des recommandations des scientifiques de l'AFSSA, tout en prenant la mesure de toutes les conséquences de ces décisions.
Au-delà du cadre communautaire qui se met en place et qui renforce le dispositif sanitaire national, que beaucoup d'experts ou d'observateurs reconnaissent comme le plus complet en Europe, deux grandes questions préoccupent nos concitoyens et nos éleveurs. Comment rassurer les consommateurs, retrouver leur confiance ? Comment sauver l'élevage bovin et répondre aux attentes des producteurs face à une crise à la fois morale et économique, la deuxième en cinq ans ?
Au-delà des mesures conjoncturelles d'ordre sanitaire qui ont été annoncées dans votre plan, le projet de budget pour 2001 y répond également.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, confirme les objectifs définis dans la loi d'orientation en matière de soutien aux agriculteurs et à l'ensemble des secteurs de l'agriculture. Ainsi, l'action de l'Etat au service d'une agriculture multifonctionnelle, diversifiée, dynamique, performante et sûre, au service d'un territoire et des hommes qui y vivent bénéficiera de 29,6 milliards de francs, avec une progression de 2 %.
Tous ces soutiens sont utiles alors que se multiplient les problèmes et les défis : exigences croissantes et légitimes des consommateurs quant à la qualité, notamment sur le plan sanitaire ; compétition mondiale accrue ; dégâts subis par la forêt française en décembre 1999 ; inégalités des revenus ; désertification de certains territoires ruraux.
Les priorités clairement affichées dans votre précédent budget sont réaffirmées dans ce projet : effort soutenu en faveur de l'enseignement agricole, de la formation et de la recherche, auxquels sont consacrés 7,5 milliards de francs, soit 5,5 % de plus par rapport à 2000 ; effort en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs, maintenu au niveau de 2000, avec 490 millions de francs.
Je voudrais dire, à ce propos, que l'on nous fait souvent un mauvais procès quant à la diminution, aujourd'hui effective, de l'installation des jeunes agriculteurs. Je constate sur le terrain que ce sont souvent les agriculteurs en place qui empêchent les jeunes de s'installer en offrant des prix exorbitants pour reprendre des terres disponibles. J'ai pu constater que des exploitants étaient prêts à payer 20 000, 30 000, 40 000, voire 50 000 francs l'hectare pour des reprises, empêchant par là même des jeunes de s'aligner sur ces prix et donc de s'installer.
Faut-il, de ce point de vue, empêcher les agriculteurs de reprendre les terres pour s'agrandir ? La question doit être posée.
Une autre de vos priorités est le renforcement de la sécurité sanitaire, à la suite de la crise de l'ESB, bien sûr, mais aussi pour répondre au souci des consommateurs quant à la qualité des aliments, à leur origine, à leur traçabilité et aux questions soulevées par les OGM. Les dotations consacrées à ce volet de l'action du ministère progressent de 14 %.
Quant à la forêt, qui constitue une grande richesse nationale, elle bénéficie de crédits en forte progression : 11 %.
Vous réaffirmez également une grande ambition pour notre agriculture en soutenant son rôle économique et sa contribution majeure au développement rural et à l'aménagement du territoire. Je note avec satisfaction, dans ce domaine, l'augmentation de 14 % des crédits finançant la part nationale de la prime à la vache allaitante, qui atteignent 903 millions de francs.
J'insisterai également sur trois points qui me tiennent particulièrement à coeur, et d'abord celui de la lutte contre les pollutions.
La mise aux normes du bâtiment d'élevage participe à une indispensable reconquête de la qualité de l'eau. Les besoins dans ce domaine sont importants et un effort considérable a déjà été entrepris à partir de 1993. En 2001, il sera nécessaire de le soutenir.
Je suis régulièrement interpellé, comme mes collègues, par les éleveurs de ma région concernant l'évolution des PMPOA.
D'une part, je m'inquiète des capacités du secteur de l'élevage à concrétiser les engagements au titre du PMPOA, alors que ce secteur est aujourd'hui frappé de plein fouet par la crise de l'ESB, et cela malgré le soutien continu des collectivités territoriales.
D'autre part, compte tenu de l'ampleur des sommes en jeu, et sur la base d'un rapport d'évaluation technique, économique et financière, le Gouvernement a souhaité faire des propositions pour réformer le PMPOA et le rendre plus performant.
Beaucoup de professionnels sont légitimement préoccupés par le contenu de cette réforme. Il est difficilement acceptable que la volonté de maîtrise des coûts de ce programme puisse se traduire par une baisse des taux de subvention et une plus grande sélectivité des élevages éligibles.
L'importance des moyens à mobiliser exige un examen d'étape, afin de recadrer la hauteur des investissements et nos interventions vers les zones sensibles et prioritaires.
Par ailleurs, j'ai personnellement suivi la mise en place des mesures agro-environnementales dont le CTE prend aujourd'hui le relais. Je peux témoigner, en tant que président du parc naturel régional de l'Avesnois, région de bocage, de leur succès et de leur efficacité. Malgré l'accord tardif de l'Europe sur le plan national de développement rural, je suis confiant dans la mise en oeuvre de cette politique.
La réussite des CTE s'appuiera sur leurs réelles capacités à prendre en compte l'ensemble des problématiques agricoles qui existent à travers les territoires composant la France. Mais il y faudra beaucoup de temps, du fait de la diversité du monde agricole. Un véritable travail de dentelle est sans doute nécessaire, mais c'est effectivement la meilleure des solutions.
Enfin, je me permettrai de recommander avec insistance une mesure qui prendrait aujourd'hui tout son sens : la revalorisation de la prime à l'herbe.
Une alternative simple s'offre aux agriculteurs de régions traditionnelles d'élevage comme les territoires de bocage : la qualité, pour ne pas dire le bonheur est dans le pré. Or ce système d'exploitation est aujourd'hui souvent abandonné au profit de cultures fourragères plus avantageuses que des primes et destructrices sur le plan paysager.
La profession réclame une reconnaissance spécifique de ces zones d'élevage, un assouplissement des critères de chargement et une revalorisation sensible et suffisamment incitative du montant de la prime à l'herbe pour atteindre 1 000 francs. Satisfaire cette revendication permettrait de préserver la prairie et de maintenir la qualité d'une production tout en limitant nos importations de soja. C'est une proposition que je vous invite à examiner attentivement. Il nous faut tout faire pour retrouver rapidement une consommation proche de la normale.
Pour conclure, notre groupe, monsieur le ministre, a pris la mesure des efforts considérables qui sont ainsi accomplis. Nous apporterons un ferme soutien aux orientations et engagements définis, qui illustrent avec force les priorités nouvelles et conjoncturelles de la politique agricole tout en confirmant les efforts conduits précédemment. Nous voterons votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai qu'un grand nombre de réponses aux problèmes agricoles dépendent d'un règlement sur le plan international ou communautaire. En revanche, d'autres mesures relèvent d'une politique nationale, et l'interdépendance internationale ne doit pas servir d'alibi à la carence d'une vraie stratégie agricole française.
Alors, puisque vous êtes au Sénat pour un débat qui, je l'espère, ne sera pas tronqué, monsieur le ministre, et s'agissant de l'un des principaux budgets dont soit dotée la nation dans un contexte assez exceptionnel, parlons des vrais problèmes qui préoccupent au premier chef nos communes et nos départements ruraux, loin des débats politiciens sur l'inversion du calendrier électoral, par exemple, dont nos citoyens sont bien éloignés.
La Basse-Normandie - je la prendrai comme référence - a le triste privilège de cumuler sur la même aire géographique la totalité des avanies et des sinistres qu'a connus la France au cours de l'année qui vient de s'écouler, et qui est bien une année noire : tempête, marée noire ou plutôt chimique, listeria, ESB et son cortège de drames.
En ce qui concerne les suites de la tempête de décembre dernier, la région de Basse-Normandie, plus particulièrement touchée, a été contrainte de conclure, dans le cadre du contrat de Plan Etat-région, un avenant de 222 millions de francs consacré non seulement au solde des réparations, mais aussi à la mise en place d'actions de prévention. Cet avenant a été signé le 17 octobre dernier. Autant dire qu'il reste beaucoup à faire !
Si vous parcourez le bocage normand, vous verrez, par exemple à Mantilly - je choisis cette commune parmi d'autres, car les sinistres qu'elle a subis sont très représentatifs - que 60 % à 70 % des arbres fruitiers ont été détruits sans que les réparations ne soient encore effectives.
Bien que la filière cidricole ait été gravement touchée, les producteurs ont décidé de réagir non pas seulement en réclamant des indemnisations, mais également en faisant preuve d'obstination, de solidarité et d'ouverture d'esprit. C'est ainsi que sont nées l'AOC de Pays d'Auge et celle des Cidres des vergers du Pays d'Auge. Quant aux AOC Pommeau de Normandie, Calvados et Poiré du Bocage, elles ont dû faire face à tous ces sinistres qui avaient mis à mal leur production.
Il faut donc souligner que les efforts de cette filière cidricole, l'un des fleurons des productions normandes, et de l'association régionale pour le développement de l'économie cidricole de Basse-Normandie, sont sans précédent.
La tempête ayant ruiné trois années de production, la filière bois mettra des décennies avant de retrouver le rythme normal de son exploitation forestière et des industries de transformation qui en découlent.
En ce qui concerne l'enseignement agricole, en tant que membre de conseils d'administration de certains établissements, je veux vous dire, monsieur le ministre, que l'argent consacré à cet enseignement est un argent bien placé !
Malgré nos difficultés d'adaptation et d'évolution permanente, nous sommes très fiers de notre formation agricole, qui regroupe en Basse-Normandie près de huit mille élèves dans les établissements privés ou publics. D'ailleurs, beaucoup de pays étrangers ne s'y trompent pas et s'inspirent de la qualité de notre formation et de nos méthodes.
Si j'approuve le projet de budget de cette année, qui marque, sur ce point, une augmentation significative, laquelle doit servir à la création de deux cents emplois et à la titularisation de quatre cents emplois précaires, j'espère qu'il ne s'agit pas seulement d'une louable intention.
L'originalité et la réussite de cet enseignement sont dues, nous le savons tous, à quatre composantes : l'enseignement public, l'enseignement privé, l'enseignement confessionnel et l'enseignement associatif, et surtout celui en alternance des maisons familiales rurales, ainsi que l'enseignement professionnel des compagnies consulaires.
Dans le cadre du plan régional des formations professionnelles, je souhaite vous dire que nous assurons, quant à nous, l'adéquation de la formation des jeunes avec les besoins du marché de l'emploi, ce qui explique le succès de cet enseignement qui n'a pas connu, contrairement à l'enseignement traditionnel, de baisses d'effectifs.
L'ouverture de cet enseignement vers les métiers périphériques de l'agriculture, les services ou la production, c'est-à-dire le tourisme rural, les métiers de l'eau et de l'environnement, les industries agroalimentaires, l'aide à domicile, les services aux retraités, constitue un facteur de vitalité de cette branche.
Les huit mille élèves et leurs enseignants contribuent d'ailleurs à limiter les effets de la désertification de nos campagnes. Si notre département ne garde pas tous ses jeunes, il garde encore, grâce à ce type d'établissements, ses jeunes agriculteurs.
J'en viens maintenant aux maisons familiales rurales ; on y a déjà fait allusion cet après-midi.
Ce genre de formation en alternance et en apprentissage, qui concerne 180 000 élèves en France, doit être soutenu. Or il semble que des menaces pèsent sur cette filière.
Les délibérations du Conseil national de l'enseignement agricole, le 30 novembre dernier, ont donné lieu à des réactions et à des inquiétudes quant à une volonté affichée de se séparer de certaines formations ou d'en exclure les maisons familiales et rurales. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des assurances sur l'avenir de ce type d'enseignement, car parents, professeurs et élèves attendent votre position sans équivoque ?
En ce qui concerne la fiscalité des agriculteurs, j'aurais beaucoup à dire sur la question des retraites des agriculteurs. En effet, pas une semaine ne se passe sans que les aînés ruraux nous interpellent sur cette question. Oui ou non pourrons-nous, un jour, leur assurer une retraite décente qu'ils ont bien méritée ?
La question essentielle concerne toutefois le revenu agricole, dont la baisse - moins 8,3 % en Basse-Normandie - m'avait conduit à solliciter quelques explications à l'occasion d'une question écrite en juillet 2000. En toute hypothèse, une vaste concertation s'impose non seulement avec la représentation nationale, mais encore avec les représentants des milieux agricoles actifs et retraités.
S'agissant du dossier de la sécurité alimentaire et de l'ESB, vous comprendrez qu'un élu de Normandie puisse aussi vous poser un certain nombre de questions à cet égard.
Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, j'ai fait adopter un amendement pour que les indemnisations versées au titre de l'ESB ne soient pas considérées come un revenu et qu'elles ne soient donc pas intégrées à l'assiette de l'impôt.
Il faut que cette disposition soit soutenue par le ministre de l'agriculture. Cette mesure de simple justice sociale doit être votée par l'Assemblée nationale et vous devez, monsieur le ministre, donner votre feu vert. Vous avez vous-même déclaré que votre plan n'était pas pour solde de tout compte. Voici le bon moment et le bon sujet, monsieur le ministre, pour transformer vos intentions en actes.
La crise de la filière bovine occupe une grande partie de votre temps et le nôtre aussi et nos efforts doivent converger vers la recherche d'une solution qui passe en priorité, tout le monde le dit, par une réconciliation du consommateur et du producteur.
La communication en matière de sécurité alimentaire ne se satisfait ni de slogans ni de dogmes. C'est vrai, il faut rassurer le consommateur, mais surtout il faut organiser une communication cohérente en matière de sécurité alimentaire. Le public est gavé et repu de mesures qui ne sont que des effets d'annonce.
Le consommateur vient d'« essuyer » successivement le sang contaminé, la dioxine, la listeria, les hormones, les OGM.
Nombreux sont les commentateurs de la vie politique qui ont, à juste titre me semble-t-il, considéré que cette crise de la « vache folle » était plutôt une crise de confiance dans le discours politique et, surtout, dans ceux qui le véhiculent.
A cet égard, nous sommes tous concernés. Je veux dire que chaque homme politique est concerné. La gestion du risque et de ses effets est une question autant politique que scientifique.
Il fallait prévoir qu'avec l'organisation d'une campagne de tests dans le Grand Ouest, par exemple, nous trouverions des cas de « vache folle ». Pourquoi n'avoir pas écouté ou entendu les responsables de la filière bovine et recherché un minimum de concertation avec les dirigeants ?
Nous avons en Normandie, comme dans d'autres régions d'ailleurs, des élevages de qualité labélisés : la race Normand, la Normandie-Maine. Ces dernières années, les professionnels ont fait de réels efforts pour tendre vers cette agriculture raisonnée, prônée par tous, dans un environnement de qualité ! C'est ainsi, par exemple, que sous l'égide de l'agence de l'eau Seine-Normandie, des agriculteurs d'un petit village de mon département, dans le sous-bassin de la Rouvre, mènent des actions significatives pour réduire l'utilisation de pesticides et nombreuses sont dans le département les expériences similaires, celle-là étant la plus récente.
Ces actions doivent être encouragées et soutenues, monsieur le ministre.
Face à cette volonté de maintenir vivaces et crédibles le secteur agricole et la ruralité, face aux efforts consentis pour investir dans des outils de production plus performants, les mises aux normes de sécurité, quoiqu'onéreuses dans les recherches génétiques d'amélioration des races, dans le sens d'une plus grande sécurité sanitaire des productions et de leur lisibilité, face à une agriculture normande qui est sans doute l'une des plus saines d'Europe, je considère comme dramatique, irresponsable et criminelle l'absence d'anticipation des conséquences d'une médiatisation anarchique de la crise de l'ESB.
Dans l'Orne, les personnels des abattoirs sont au chômage technique, ceux des sociétés d'équarissage aussi, ainsi que ceux des industries agro-alimentaires qui travaillent la viande et sont pourtant réputées.
Alors, monsieur le ministre, qu'avez-vous prévu pour la suite, je veux dire pour la communication de ces prochaines semaines lorsque tous les résultats des 14 000 tests pratiqués seront rendus publics ?
Une autre erreur de communication tuerait à coup sûr une filière aujourd'hui moribonde.
Quant aux tests, leur généralisation, voire leur systématisation, est une nécessité, car le public est dans les mêmes dispositions d'esprit que dans l'affaire du sang contaminé et il souhaite s'en remettre à la science pour être rassuré.
Quels moyens avez-vous mis en oeuvre pour activer la recherche sur les animaux vivants ? Combien avez-vous recruté de vétérinaires et d'agents de contrôle des filières agroalimentaires ? Trop peu, nous semble-t-il. En effet, alors que 430 emplois sont créés dans les services administratifs, 50 emplois seulement concernent les services de contrôles vétérinaires.
Dès lors, comment comptez-vous pouvoir effectuer les 48 000 prélèvements qui doivent être réalisés dans le Grand Ouest dans le cadre de la campagne de dépistage ?
Les missions de contrôles alimentaires sont prioritaires, monsieur le ministre. Vous avez, comme nous tous, été alerté par le syndicat des vétérinaires inspecteurs. Plutôt que de se lancer dans une campagne de communication aléatoire et onéreuse de réhabilitation de l'image nécessaire et prioritaire, qui doit être en grande partie confiée à la filière elle-même, ne croyez-vous pas que le budget devrait marquer la volonté du Gouvernementt de rassurer les Français sur leur alimentation ?
En conclusion, il est grand temps que nos compatriotes puissent reprendre le chemin des boucheries pour consommer de la viande produite dans les filières les plus sûres d'Europe.
C'est sous cette condition, et cette seule condition, que vous sauverez une filière dont les acteurs aujourd'hui sont aussi inquiets qu'interrogatifs, aussi déprimés qu'anéantis, aussi désabusés que lassés. Ils attendent que, d'urgence, soient prises des mesures de désengorgement du marché, faute de quoi la colère va bientôt céder la place à la révolte. En effet, les éleveurs n'ont plus rien à perdre et, comme le disait un célèbre politicien, il ne faut pas « désespérer Billancourt » (Exclamations sur les travées socialistes.)
A mon tour, je vous dis et je vous supplie de ne pas désespérer plus encore les acteurs de la filière bovine et ses milliers de salariés de la transformation : il sont plus de trente mille en Normandie à s'interroger, à juste titre, sur leur avenir. (Applaudissements sur les travées RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vingt-septième orateur inscrit après la présentation des rapporteurs, une Haute Assemblée qui attend l'intervention du ministre, un ministre sans nul doute pressé de répondre aux diverses questions qui lui ont été posées, vous comprendrez dès lors que je concentre mes propos autour de quelques points que j'évoquerai rapidement : l'ambiance dans le monde rural, la fiscalité, l'enseignement, les retraites et la pêche.
Pour ce qui est de l'ambiance dans le monde rural, nous discutons, monsieur le ministre, des crédits qui sont alloués à votre ministère à un moment où règne au sein du monde agricole un climat de morosité, de désespoir rarement atteint. Ce climat est dû aux effets de la crise de l'ESB - on en a beaucoup parlé - à la baisse des revenus agricoles dans certaines filières - et à la hausse des coûts de production.
Toutefois, la vulnérabilité de l'agriculture, à la fois conjoncturelle et parfois structurelle, a aussi des incidences très lourdes, qui ne sont pas toutes nécessairement chiffrables, dans le monde rural.
Sentiment d'abandon, complexe de culpabilité, perte de confiance dans l'avenir, désaffection pour la profession, monsieur le ministre, élus nationaux et élus locaux, nous nous sentons, comme vous, très concernés par cette ambiance qu'il faut contribuer à changer.
S'agissant de la fiscalité, nous parlons souvent ici du rapport dont vous aviez chargé nos collègues députés Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac, sur la fiscalité agricole. On y évalue les adaptations qu'il conviendrait d'apporter à la fiscalité des exploitations agricoles et au mode de calcul de leurs cotisations sociales.
Vous vous en êtes déjà inspiré puisque, dès ce projet de loi de finances, on trouve des mesures positives pour les agriculteurs. Je citerai la baisse de l'impôt sur le revenu, la baisse de l'impôt sur les sociétés, la baisse de la CSG, le tout représentant un allégement de charges fiscales et sociales loin d'être négligeable.
Mais certaines mesures restent attendues, en particulier l'imposition spécifique des revenus exceptionnels, la fiscalité de la transmission des exploitations, la fiscalité concernant l'installation des jeunes agriculteurs, mesures qui sont souvent évoquées devant nous.
Je suis sûr que vous voudrez bien nous dire quelles sont les grandes orientations que vous comptez privilégier afin de susciter, en faveur de la profession agricole, une plus grande attractivité.
S'agissant de l'enseignement, qui est l'une de vos priorités, mon collègue et ami Bernard Piras, grand spécialiste de la question, a tout à l'heure montré combien nous avions là un bon budget. Pour la troisième année consécutive, en effet, les crédits consacrés à l'enseignement connaissent un rattrapage, qui était nécessaire.
Ce débat est l'occasion pour nous d'évoquer un dossier que vous connaissez bien : le fameux RETREP, le régime temporaire de retraite de l'enseignement privé.
Je continue à penser que le fait de permettre aux personnels contractuels de l'enseignement agricole privé sous contrat de bénéficier des mêmes conditions d'accès à la retraite que les contractuels de l'enseignement général privé est une mesure d'équité.
Nous sommes quelques sénateurs à présenter un amendement qui, je l'espère, recevra un accueil favorable de votre part comme de celle de la Haute Assemblée.
Les retraites agricoles sont aussi l'une des priorités de votre budget. Nous savons tout le retard qu'il faut rattraper dans ce domaine. Le gouvernement de Lionel Jospin a lancé un programme pluriannuel.
Nous entrons dans la quatrième année de ce plan, avec un coût induit supplémentaire de 1,6 milliard de francs.
Cet effort était nécessaire, car les retraites agricoles sont très faibles, les plus faibles du système social français.
Cela étant, même revalorisées, ces retraites agricoles restent faibles et un certain nombre de mesures devraient pouvoir soutenir la mise à niveau indispensable que nous appelons tous de nos voeux. C'est ce que propose le député Germinal Peiro dans un rapport que nous évoquons régulièrement.
Deux mesures proposées dans ce rapport mériteraient d'entrer rapidement dans notre dispositif social.
Il s'agit, d'une part, de la mensualisation, car le paiement trimestriel des retraites accroît les difficultés des personnes les plus défavorisées.
Je sais, monsieur le ministre, que vous souhaitez avancer sur ce dossier. Elément nouveau, la direction de la MSA a fait savoir qu'elle était prête à assurer la trésorerie de cette mesure au moyen d'un emprunt et avec la participation de l'Etat. Quel échéancier vous donnez-vous pour essayer de finaliser cette proposition intéressante ?
Il s'agit, d'autre part, de l'instauration d'un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition.
Là encore, je sais que vous êtes favorable au principe d'un tel régime et que vous attendez les propositions des professionnels. Pouvez-vous nous communiquer le calendrier que vous vous fixez ?
Enfin, je n'oublie pas, monsieur le ministre, que je suis parlementaire breton, élu d'un département qui a trois cent cinquante kilomètres de côtes, et que vous, ministre de la pêche, vous aimez la mer, les marins et les marins pêcheurs. Vous l'avez encore montré tout récemment encore, en passant une nuit en mer sur un chalutier de Roscoff, il est plus difficile de tenir debout sur un pont que sur les moquettes du ministère ou du Sénat ! (Rires.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est vrai !
M. Pierre-Yvon Trémel. Je voulais vous dire combien ont été appréciées les mesures que vous venez de prendre afin de permettre aux entreprises travaillant à la pêche de faire face à la hausse du prix du gazole.
Bien sûr, on attend désormais dans les ports de pêche que les mesures prises puissent se prolonger tant que les coûts d'exploitation restent à un niveau insupportable. Songez, mes chers collègues, qu'un chalutier consomme 12 000 litres de carburant par semaine !
Pour terminer, je souhaite aborder très rapidement un sujet qui me tient à coeur, celui de la formation maritime et aquacole.
Celle-ci relève de la compétence du ministère des transports, ce que je regrette pour la filière pêche et l'aquaculture.
En dépit des efforts financiers liés à une réforme statutaire qui était nécessaire, la rentrée scolaire 2000 a été extrêmement difficile. La prochaine rentrée risque, nous dit-on, d'être encore marquée par certains dysfonctionnements.
Je souhaite qu'avec votre collègue Jean-Claude Gayssot vous mettiez tout en oeuvre pour que les jeunes qui se destinent au noble métier de marin pêcheur puissent être accueillis dans des établissements dotés normalement en personnels.
Monsieur le ministre, je vous félicite d'avoir su écouter avec une attention soutenue cette longue suite d'interventions. Continuez de vous battre comme vous le faites pour l'agriculture et pour la pêche ; nous sommes à vos côtés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'adresserai tout d'abord mes remerciements les plus vifs à M. Bourdin, rapporteur spécial, ainsi qu'à MM. les rapporteurs pour avis, M. César, pour l'agriculture, M. Gérard, pour la pêche, M. Revol, pour le développement rural, M. Dussaut, pour les industries agricoles et alimentaires, et M. Vecten, pour l'enseignement agricole.
Avant d'en venir aux grandes lignes de ce budget, il me paraît indispensable de faire le point sur deux sujets d'actualité majeurs : la sécurité alimentaire, qui a, si j'ose dire, « alimenté » l'essentiel de nos débats, et la présidence française.
Cette présidence ne s'achève pas avec le Conseil européen de Nice, qui réunit actuellement les chefs d'Etat et de gouvernement, elle se prolongera encore quelques semaines. Elle me donnera notamment l'occasion de présider encore un conseil de l'agriculture et un conseil de la pêche. Nous approchons malgré tout de la fin, et le bilan est possible.
En matière agricole, ce bilan est très positif. Nous avons, en juillet, réglé plusieurs dossiers lourds hérités de la présidence portugaise. Je pense à l'organisation commune des marchés du lin et du chanvre, au dossier difficile du lait dans les écoles, au « paquet prix », qui traînait depuis plusieurs mois. Donc, nous avons pu solder, dès juillet, nombre de dossiers qui étaient en souffrance.
En outre, nous avons avancé sur des sujets horizontaux. Je pense ici à l'élargissement de l'Europe, dont le cadrage a été opéré pour le volet agricole lors du conseil d'octobre. Je pense également à la simplification administrative de la PAC, priorité française sur laquelle nous avons, en octobre également, obtenu un engagement fort de la Commission et un programme de travail comportant un échéancier de dizaines de mesures à l'examen. Je pense, enfin, à l'organisation mondiale du commerce, sujet pour moi fondamental. Lors du conseil de l'agriculture du mois de novembre, nous avons pu arrêter un mandat de négociation agricole pour l'OMC et pour la Commission ; nous en sortons renforcés, puisque ce mandat se fonde sur des idées proches de celles de la France. Par conséquent, sur ces sujet horizontaux, de nombreux points positifs sont à relever.
Il en va de même pour les organisations communes de marchés. La principale organisation, celle des fruits et légumes, a été réformée, avec succès, mais cela est passé à peu près inaperçu, compte tenu de la crise de l'ESB. Cette réforme était très attendue par les professionnels ; nous y avons beaucoup travaillé, mais nous avons remporté un vrai succès, salué par les intéressés. Ces derniers ont notamment reconnu le travail effectué avec nos amis espagnols, grecs, italiens et portugais pour sinon rééquilibrer du moins promouvoir les soutiens en faveur des productions méditerranéennes. Nous avons fait un pas non négligeable sous présidence française, ce dont je me réjouis.
Sur la réforme de l'OCM ovine, je rappelle que, lors d'un colloque fructueux qui a réuni, à Bruxelles, le 20 novembre dernier, tous les ministres concernés, nous avons lancé un travail de réflexion en exerçant une salutaire pression sur la Commission ; ce travail devra déboucher dans les mois qui viennent.
En revanche, la réforme de l'organisation commune des marchés du sucre connaît certaines péripéties qui sont liées à l'attitude de la Commission. La position française, très ferme, d'autant plus qu'elle est soutenue par une majorité assez large au sein du conseil de l'agriculture, nous permet de faire pression pour la faire évoluer.
Ma position à moi, et celle du Gouvernement français, est simple : quand une OCM fonctionne et ne coûte rien - en tout cas, très peu - il est absurde de remettre en cause ses fondements et peut-être encore plus absurde de faire des concessions inutiles avant le début des négociations.
J'en viens au dossier de la sécurité alimentaire et à la gestion de la crise de l'ESB. Quelques remarques de bon sens, d'abord : il est encore difficile de dresser un bilan d'une crise dont nous ne sommes toujours pas sortis.
Comme vous, je m'interroge sur ce qui a pu provoquer cette flambée de défiance à l'égard de la consommation de viande bovine alors qu'aucun fait nouveau - au moins en France - aucun événement particulier n'est venu l'accréditer.
D'ailleurs, je profite de l'occasion pour répondre à M. du Luart, qui, en aparté, s'inquiétait du cas d'un bovin contaminé dans le Calvados. Non, monsieur le sénateur, soyez rassuré, aucune viande contaminée n'est entrée, par cet abattoir, dans la chaîne alimentaire.
M. Roland du Luart. La traçabilité a bien fonctionné !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. En effet, les services de contrôle ont très bien réagi. Simplement, nous avons voulu aller au bout du principe de précaution, qui préconise l'abattage de l'ensemble du troupeau. Nous avons donc recherché ces bêtes sans préjuger le moins du monde de leur contamination. D'ailleurs, elles avaient, au contraire, passé avec succès, les épreuves de contrôle ante mortem à l'entrée de l'abattoir.
Rien n'est donc venu conforter cette défiance, sinon, peut-être, certaines déclarations médiatiques de journalistes pas assez scrupuleux. Surtout, la France a payé le prix de son courage. A partir du moment où, en effet, nous étions les premiers en Europe à nous lancer dans ce programme de dépistage - je vous rappelle qu'il s'agit de 48 000 tests, c'est-à-dire d'une opération à grande échelle - nous avons effectivement pris un risque, le risque, en cherchant des cas, d'en trouver et en trouvant, de provoquer des réactions dans l'opinion. C'est une réalité objective qu'il faut bien garder à l'esprit.
Cela étant, je suis persuadé que l'on ne restaurera pas la confiance par des artifices ou des subterfuges, et encore moins en cachant des vérités. La confiance reviendra quand on sera allé au bout de l'opération de vérité...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... c'est-à-dire au-delà même de ce programme de tests, dont il faudra tirer les conclusions, pour arriver au dépistage systématique.
M. Charles Revet. Il faut aller très vite !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Mais personne ne va plus vite que le gouvernement français, monsieur le sénateur !
Nous avons pris un certain nombre de mesures.
Il y a eu d'abord, les mesures, arrêtées et annoncées par le Premier ministre en matière de précaution sanitaire et de sécurité alimentaire, avec la décision française d'interdire les farines carnées, plus un certain nombre d'autres décisions, notamment la montée en régime du programme de tests, ainsi que des moyens complémentaires pour la sécurité alimentaire, notamment pour le budget de l'agriculture.
Ensuite, est intervenu le plan de soutien à la filière bovine, que j'ai annoncé.
Enfin, après des atermoiements européens, il y a eu les décisions que nous avons arrêtées au Conseil de l'agriculture du 4 décembre, qui ont permis de parachever le dispositif.
Je n'ai jamais dit que les mesures franco-françaises étaient suffisantes. Dès le début, aussi bien sur le volet sanitaire que sur le volet du soutien à la filière, j'ai toujours affirmé que le dispositif ne serait complet que lorsque l'Europe viendrait le renforcer et que bien des aspects du dossier dépendaient de l'Europe.
L'Europe a bougé. Il s'agit de savoir pourquoi et comment.
Pourquoi ? Vous le savez bien. Certains pays nous assuraient mordicus, depuis des mois et des années, qu'ils étaient totalement épargnés par l'ESB je pense à l'Allemagne et à l'Espagne et, dans une certaine mesure, à l'Italie et à l'Autriche, qui se préparent à nous rejoindre et qui ont donc été plus sensibles que d'autres à la prise de conscience européenne. En gros, tous ces pays nous reprochaient nos mesures de précaution, nous accusaient d'en faire trop en se vantant d'être, eux, absolument indemnes.
Les mêmes pays ont, depuis, découvert des cas d'ESB et ont changé brutalement d'attitude. Tant mieux ! Je ne me réjouis pas que les cheptels de nos voisins et amis soient touchés par l'ESB, je me réjouis que la vérité progresse. En effet, quand la vérité progresse, c'est la lucidité des gouvernements qui progresse. Or quand la lucidité des gouvernements progresse, je l'ai déjà dit, c'est l'Europe qui peut progresser, ce qu'elle a fait.
Comment l'Europe a-t-elle progressé ? Elle a progressé avec un plan en deux volets : un volet sanitaire et un volet de soutien à la filière.
S'agissant du volet sanitaire, elle a arrêté quelques grandes mesures : la communautarisation de l'interdiction des farines animales, que la France souhaitait et qui est un bon aboutissement, même si c'est une suspension pour six mois, car personne, en tout cas pas moi, je le dis comme je le pense, ne peut imaginer que dans six mois on reviendra en arrière. Il s'agit d'une mesure lourde de conséquences mais qui est très importante.
Elle a également progressé sur le plan sanitaire en procédant à de nouveaux retraits de matériaux à risques spécifiés, à l'incitation de la France. Je pense à l'interdiction de l'utilisation des intestins de bovins, que nous avions déjà instaurée dans notre pays pour la charcuterie et qui est désormais communautarisée.
L'Europe a également envisagé d'instaurer des procédures visant à retirer des nouveaux matériaux à risques spécifiés, à l'instigation de la France. Elle ne les a pas encore établies, mais elle a mis en place une procédure pour soumettre ces mesures au comité scientifique directeur. Je pense à l'interdiction des colonnes vertébrales, de la rate, du thymus, des graisses animales et au changement de découpe de T-bone. Ces mesures seront soumises au comité scientifique directeur avant le 15 janvier, et j'espère que nous tirerons les leçons en communautarisant ces retraits.
Enfin, sur le plan de la protection, elle a mis en place ce programme de tests généralisés et systématiques pour les bovins de plus de trente mois non abattus, dans le cadre d'une procédure d'achat-destruction.
L'Europe a donc fait des pas en avant considérables en matière de sécurité alimentaire, même si je considère que ce n'est jamais fini.
S'agissant du second volet, le soutien à la filière, elle a mis en place un système d'abattage-destruction, qui nous permettra de dégager des marchés pour les bovins de plus de trente mois. Pour ces bovins, nous aurons le choix, soit de les abattre et de les détruire, soit de les tester systématiquement pour les faire entrer dans la chaîne alimentaire, soit de les maintenir dans les élevages, pour, plus tard, les abattre et les détruire ou les tester. Le dispositif est donc cohérent.
Nous avons, en outre, des décisions de soutien à la filière par l'intervention publique - le stockage public financé par l'Union européenne - et par des mesures d'avance de trésorerie s'agissant des primes pour les éleveurs de bovins. Le taux de ces primes passera de 60 % à 80 %. C'est une décision communautaire - et elles seront avancées dans le temps, au tout début du mois de janvier. C'est une décision nationale. Le dispositif est lourd de conséquences.
M. Deneux me disait : vous avez dit 3,2 milliards de francs, ou en tout cas cela a été dit, mais moi je regarde de près, je vois que ce n'est pas cela, qu'il ne s'agit pas d'aides directes, et donc que le compte n'y est pas. De mon point de vue, ces 3,2 milliards de francs - et c'est une explication sur laquelle nous pourrons nous entendre - ce sont non seulement des aides aux éleveurs mais également des aides aux entreprises de l'aval. Il s'agit d'aides directes ou de reports de charges sociales ou financières. C'est un ensemble de mesures sur lequel j'ai fait mon devoir, plus que d'autres à une certaine époque, mais peu importe. J'ai toujours dit que ce soutien européen était nécessaire. Nous avons de quoi agir.
Je ferai maintenant trois réflexions pour en terminer sur ce point. Premièrement, ces dispositions européennes sont financées. J'entends dire : il faut qu'à Nice les chefs d'Etat et de gouvernement se saisissent de ce dossier pour dégager les moyens financiers permettant d'appliquer le plan arrêté par les ministres européens de l'agriculture, afin que l'on aide enfin directement les agriculteurs qui connaissent des difficultés. Ce que feront en plus les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Nice sera le bienvenu, s'ils ont le temps de le faire car leur cahier des charges est déjà très lourd !
L'ensemble des mesures que je viens d'énoncer sont financées par le conseil « agriculture » de lundi. Les ministres européens de l'agriculture et le commissaire européen chargé de l'agriculture n'ont pas été irresponsables au point de prendre des mesures sans les financer. Elles sont financées par une ouverture de crédits de 800 millions d'euros, soit plus de 4,5 milliards de francs, dans le cadre des perspectives financières et budgétaires ouvertes à Berlin, lors de l'Agenda 2000. Donc, les choses sont très claires au sein de l'Union européenne.
M. Roland du Luart. Cela suffira-t-il ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour l'instant, monsieur le sénateur. En effet, qui peut dire ce que va devenir cette crise, et si nous allons en sortir dans un mois, deux mois, trois mois, six mois ou deux ans ? J'ai le sentiment que ce ne sera pas par un coup de baguette magique, d'ici à quelques jours. En tout cas, nous avons de quoi agir dans la durée, notamment pour faire les dégagements de marché les plus importants qui sont espérés en urgence. Donc, nous avons financé ce dispositif.
J'en viens à ma deuxième réflexion. Nous allons tirer les leçons de ces décisions pour les mettre en oeuvre. De ce point de vue, comme je l'ai dit tout à l'heure lors des questions d'actualité au Gouvernement, nous avons deux rendez-vous. Le premier, c'est celui du lundi 11 décembre 2000, jour où l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments nous rendra son avis sur les leçons qu'elle tite des 15 000 premiers tests effectués en France. Nous ne faisons pas des tests pour le plaisir, nous les faisons pour comprendre et mieux connaître cette épizootie, d'un point de vue tant qualitatif que quantitatif. Où ? Dans quelles régions ? Sur quelles classes d'âge des bovins ? Pour quelles races ou quelle qualité de bétail ?
Nous le saurons. De cette connaissance améliorée de l'épizootie dans notre cheptel, nous tirerons des conséquences, notamment pour gérer le dispositif, à savoir abattage ou tests systématiques. Nous pourrons donc, à partir de lundi prochain, monter concrètement ce dispositif.
Je souhaite répondre plus précisément à quelques-unes de vos questions. Vous dites que certaines de ces mesures exigeront des moyens. Bien sûr. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement proposera plusieurs amendements au projet de loi de finances. Cela permettra d'abonder les crédits, et rendra donc caduques un certain nombre de réflexions relatives au montant des crédits et aux pourcentages.
Il faut en effet abonder ces crédits. Le Gouvernement a prévu, en particulier, de créer, et c'est un engagement du Premier ministre, 300 postes de vétérinaire inspecteur, notamment, mais également des postes pour ceux qui seront chargés de la montée en régime du programme de tests, lesquels sont indispensables.
En Europe, nous sommes le premier pays à avoir fait des tests. A ce jour, entre 15 000 et 20 000 tests ont été effectués. On en dénombrera 48 000 à la fin de cette expérimentation, dans quelques semaines. Nous devrons faire effectuer plusieurs centaines de milliers de tests en 2001, peut-être même plus de un million.
Cela exigera des personnels supplémentaires, mais aussi des moyens supplémentaires. Je commence d'ailleurs à vous en demander et je pense que vous les voterez.
Cela exigera également des laboratoires supplémentaires et nous devrons en agréer de nouveaux. Pour l'instant, nous en avons agréé treize, il en faudra davantage. D'ailleurs, je compte m'adresser dans les prochains jours, peut-être même dans les toutes prochaines heures, aux présidents de conseil général qui ont des laboratoires départementaux pour leur demander dans quelles conditions ils sont prêts à jouer le jeu s'agissant de cet agrément. Je sais que nombre d'entre eux sont prêts, qu'ils le souhaitent et me le demandent avec insistance. Tant mieux !
M. Roland du Luart. On vous l'a proposé !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je le sais. Je dis d'entrée de jeu, ici, que l'Etat est bien sûr prêt à s'engager dans cette coopération.
Le second rendez-vous, c'est la réunion du mardi 12 décembre prochain, qui sera consacrée au soutien à la filière bovine. Ce jour-là, à l'échelon européen, un comité de gestion de l'OCM bovine se réunira à la demande de la France et en urgence, car nous ne voulions pas attendre trop longtemps. Ce comité indiquera concrètement les modalités de mise en oeuvre des mesures, qu'il s'agisse de l'abattage, des interventions publiques ou des avances de trésorerie.
Ainsi, lundi et mardi prochains, nous disposerons donc de tous les éléments permettant non pas de sortir de la crise, mais d'en gérer la suite.
Pour terminer sur ce long point - nous y reviendrons peut-être tout à l'heure - nous voulons tous dire dans cette enceinte - et là je réponds notamment à Mme Terrade - notre solidarité à l'égard des éleveurs de bovins. Ils sont bien sûr dans une situation très critique. Il s'agit d'un véritable désastre. Cela exige de l'ensemble de la représentation nationale, des pouvoirs publics, l'exercice de la solidarité nationale. Nous mettons en oeuvre cette solidarité avec le plan national et le plan européen.
Je veux aussi dire ma solidarité à l'égard des salariés des entreprises de l'aval,...
M. Roland du Luart. C'est très important !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... qu'il s'agisse des abattoirs ou des entreprises de transformation.
M. Roland du Luart. On est d'accord !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Certains sont en chômage technique. D'autres ont été licenciés. Ils sont dans une situation précaire, et connaissent de grandes difficultés. Je veux dire mon engagement total, à la fois pour aider ces entreprises et leurs salariés, et pour accélérer la mise en oeuvre des mesures que nous avons mises en place dans un dialogue tripartite entre l'Etat, les entreprises et les organisations de salariés, car cela me paraît important et indispensable. En tout cas, je voulais l'affirmer ici, devant votre assemblée.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour en terminer sur la crise alimentaire on pourrait encore en parler des heures et en réponse à plusieurs d'entre vous, en particulier à M. Le Cam, j'évoquerai le plan « protéines ».
Comme je l'ai dit tout à l'heure, en réponse à une question d'actualité, l'interdiction des farines animales va accroître notre besoin en protéines végétales. De ce point de vue, je souhaiterais faire trois observations.
Premièrement, nous ne sommes plus bloqués par les accords de Blair House. En effet, il s'agissait d'un engagement à double sens dans lequel l'Europe s'était auto-limitée en productions de protéines végétales, en oléoprotéagineux, en échange d'un droit qu'elle s'était accordé de « surprimer », de donner des primes supérieures à celles qu'elle accorde aux céréaliers pour la production d'oléoprotéagineux.
A partir du moment où, à Berlin, l'Europe a décidé à la majorité, contre l'avis de la France, de baisser les surprimes qu'elle accorde pour la production d'oléoprotéagineux afin que les primes soient ramenées au niveau de celles qui sont versées pour les céréales, automatiquement, car d'un malheur il faut tirer un bienfait, nous nous libérons des engagements de Blair House. Nous n'avons plus de surprime, nous ne pouvons pas, en plus, avoir la contrainte de l'autolimitation. C'est mon analyse, c'est celle du gouvernement français et, je le dis avec satisfaction, c'est aussi celle de la Commission européenne, qui se considérera comme libérée de cette contrainte le jour où nous aurons achevé notre programme de réduction des surprimes concernant les productions d'oléoprotéagineux.
Deuxièmement, nous devons, à l'évidence, nous engager dans un programme ambitieux de relance des productions d'oléoprotéagineux. Le conseil « agriculture » de lundi dernier en a pris acte, en a passé commande à la Commission. Dans notre relevé de décisions de lundi dernier figure bien la commande passée à la Commission de faire un bilan et des propositions concrètes dans ce sens, et un engagement de la Commission devrait donc intervenir assez vite.
Troisièmement, en attendant que les accords de Blair House soit remisés dans le passé, en attendant que la Commission fasse cette proposition, nous pouvons agir sur le plan national.
L'année dernière, le Gouvernement a mis en place deux mesures d'encouragement sur la base d'engagements agri-environnementaux : les mesures « tournesol » et les mesures « soja de pays ». A cet égard, il faut une montée en régime en 2001. Nous avons le moyen de le faire. En effet, ces cultures d'oléoprotéagineux sont, de plus, des cultures propres, très économes en nitrates. D'un point de vue agronomique, elles nettoient le sol. Nous pouvons donc encourager leur production en termes agri-environnementaux.
Après avoir dressé ce bilan rapide de la crise alimentaire, j'en viens au budget de l'agriculture, même si, à travers ce plan que j'ai évoqué, j'ai déjà dit beaucoup de choses sur ledit budget. Bien avant la crise de l'ESB, ce budget était déjà marqué du sceau de la sécurité alimentaire dont nous avons considérablement accru les moyens.
Je dirai d'abord quelques mots de la partie « recettes » de ce budget. Je souhaite rappeler, après avoir entendu certains intervenants, que la baisse des charges est effective pour les agriculteurs. Les agriculteurs s'inscrivent totalement dans la baisse des impôts et des charges que le Gouvernement a souhaité mettre en place pour l'ensemble des Français. Ils n'en sont absolument pas exclus.
Je cite pour mémoire : 2,2 milliards de francs d'allégements de recettes fiscales bénéficient aux agriculteurs, grâce aux mesures concernant la contribution sociale généralisée - désormais les deux tiers des agriculteurs vont être exonérés de cette contribution - la baisse de l'impôt sur le revenu et la baisse de l'impôt sur les sociétés puisque 8 000 sociétés agricoles vont en bénéficier.
S'y ajoutent certaines mesures spécifiques aux agriculteurs, qui vont être mises en place. Il s'agit de 200 millions de francs d'allégements fiscaux recommandés dans le rapport de Mme Béatrice Marre, auxquels votre rapporteur a su, si j'ai bien compris, vous convaincre d'ajouter de nouvelles dispositions, et de 138 millions de francs d'allégements sociaux préconisés par M. Jérôme Cahuzac.
C'est aussi le cas des 480 millions de francs de baisse de la taxe sur le fioul domestique, que seuls les agriculteurs peuvent utiliser à des fins professionnelles. Grâce à cette mesure rétroactive au 1er janvier 2000, c'est un milliard de francs au total que la ferme France récupère.
Si l'on additionne les 2,2 milliards de francs de mesures fiscales, le milliard de francs sur la TIPP, les 200 millions de francs de la mesure Marre et les 138 millions de francs sur les mesures Cahuzac, on obtient 3,5 milliards de francs d'allégements de charges sociales et fiscales pour les agriculteurs. C'est tout sauf rien !
Je l'affirme ici pour que les choses soient très claires, les agriculteurs bénéficient donc à plein - et c'est légitime et normal - de l'allégement des impôts et des charges que le Gouvernement a souhaité accorder à l'ensemble des Français.
En réponse à une remarque de M. Jean-Marc Pastor, qui m'interrogeait sur la fiscalité de l'indemnisation de l'ESB, j'indique très clairement que le Gouvernement - M. Laurent Fabius et Mme Florence Parly ont fait connaître cette décision par voie de circulaire à leurs services - a décidé que l'indemnisation des troupeaux serait fiscalement neutre. Cela allait sans dire, mais cela va mieux en le disant ! Je tiens donc à rassurer à cet égard les agriculteurs qui, voyant leur troupeau abattu à la suite de la découverte d'un cas ESB, subissaient un double traumatisme, le second, de nature fiscale, étant lié à une sur-recette qui n'est que passagère.
J'en viens aux dépenses.
Ce budget progresse de 2 %, soit 0,6 % à périmètre constant, ce qui est un peu supérieur à l'objectif assigné au budget général de l'Etat.
Il s'agit d'un budget sérieux, construit autour de certains besoins et des attentes de la société.
Compte tenu des amendements que le Gouvernement proposera cet après-midi afin d'abonder les crédits pour plusieurs centaines de millions de francs, ce budget progressera toutefois de 3,1 % à structure constante. C'est beaucoup plus que ce que certains ont dit, mais je ne peux leur en faire grief : pour répondre à la crise, le Gouvernement a déposé des amendements budgétaires qui augmentent à due proportion ce budget.
J'aborderai maintenant trois grands domaines et, d'abord, le développement rural, avec notamment le plan de développement rural national qui a été, enfin, validé par la Commission européenne au mois de juillet dernier et qui se traduira par 13 milliards de francs d'aides, dont 5,2 milliards de francs des crédits communautaires. Cet effort est sans précédent !
J'ai écouté avec beaucoup d'attention et d'intérêt les propositions agri-environnementales formulées par M. Raoult, et auxquelles je souscris. Je lui répondrai d'ailleurs plus en détail ultérieurement.
Vous avez évoqué, les uns et les autres, deux dossiers particuliers : les CTE et les ICHN.
A MM. Pastor, Piras et Lejeune, qui m'ont dit de tenir bon sur le CTE alors que d'autres me demandaient plutôt de lâcher prise, je répondrai que je tiens bon. Pourquoi ? Parce que je crois profondément que le contrat territorial d'exploitation correspond à une exigence et à un besoin de l'agriculture française.
M. Gérard Delfau. Oui !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Permettez-moi, à cet égard, un petit retour sur la crise de l'ESB.
Sans se livrer à une critique systématique, on ne peut contester l'idée que, sans doute, nous sommes allés un peu trop loin dans une certaine forme de productivisme avec les farines animales.
M. Gérard Delfau. Tout à fait !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour que les laitières produisent plus de dix mille litres de lait par an, il fallait de l'alimentation enrichie en protéines, et ce à tout prix.
Certains sénateurs de l'opposition nationale - ou de la majorité sénatoriale - me demandaient pourquoi l'on ne revenait pas à la bonne herbe. J'y souscris !
M. Hilaire Flandre. Mon oeil !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi ne pas envisager un petit CTE très simple qui prônerait dans son volet économique l'encouragement aux filières de qualité, dans son volet économique la traçabilité, la transparence, la qualité, la labellisation, et dans son volet environnemental le recours à l'herbe ?
M. Hilaire Flandre. On le fait !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je suis sûr que, si je vous propose un tel CTE - je suis en train d'y travailler et je suis à deux doigts d'aboutir - vous allez en signer des milliers dans vos départements ! A ce moment-là, vous allez découvrir les vertus du CTE ! Chiche ! J'en prends le pari ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Daniel Goulet. C'est trop compliqué !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. En tout cas, le CTE est un véritable besoin pour un retour à la qualité de l'environnement, à la qualité des pratiques, à la qualité de l'emploi, à la qualité des paysages, à la qualité des produits. Je pense que c'est un besoin incontournable et qu'il faut l'encourager.
On dit que c'est un échec...
M. Hilaire Flandre. C'est vrai !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je reconnais que l'objectif que je m'étais fixé - 100 000 CTE à la fin de la législature - est tel que vous ne pouvez pas encore y croire. Moi, j'y crois toujours, et vous verrez ! Car, aujourd'hui, si seuls 3 600 ou 3 700 CTE ont été agréés en commission départementale d'orientation de l'agriculture - c'est plus, en tout cas, que certains le disent - il ne faut cependant pas oublier qu'à l'heure actuelle 70 000 agriculteurs travaillent sur un projet de CTE. Par conséquent, les CTE vont monter en puissance.
Au demeurant, permettez-moi de vous dire les choses clairement. Sans doute avons-nous été confrontés à des difficultés dans la mise en oeuvre de ce dispositif,...
M. Daniel Goulet. Eh oui ! C'est trop compliqué !
M. Rémi Herment. Il y a trop de paperasse !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... et sans doute certains ont-ils compliqué le dispositif. Je ne veux pas faire de procès d'intention particulier, mais peut-être mon administration...
M. Hilaire Flandre. Vous pouvez le dire !
M. Daniel Goulet. Il faut y remédier !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... et sûrement aussi les organisations professionnelles agricoles en ont rajouté, parce qu'il fallait inventer toujours plus de mesures nouvelles. Disons en tout cas que nous nous sommes bien répartis la tâche : nous, les Français, nous aimons compliquer les choses.
M. Roland du Luart. C'est bien vrai !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour ma part, je souhaite les simplifier pour que ce dispositif soit opérationnel. Et il le sera, car c'est un véritable besoin. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Les crédits - j'y reviens - sont en baisse de 400 millions de francs, parce qu'il faut bien tenir compte de la non-consommation de 900 millions de francs de crédits l'année dernière. Mais j'ai pu obtenir du Premier ministre - et donc du ministre des finances - le report intégral des crédits non consommés. Si bien qu'aux crédits déjà consommés, 150 millions ou 200 millions de francs à la fin de cette année, s'ajouteront 700 millions de francs de report, plus 400 millions de francs nouveaux. Avec 1 100 millions de francs en 2001, nous aurons de quoi financer la montée en puissance des CTE.
Quoi qu'il en soit, je tiens bon, et je suis en train de prendre des dispositions pour accélérer le rythme. Je suis donc confiant, même si je mesure que l'ampleur de la tâche est encore considérable.
M. Daniel Goulet. Sinon, nous retournons à Bruxelles ! Rendez-vous l'année prochaine !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Non ! C'est plus compliqué que cela, parce que le CTE est financé par des crédits européens - mais, ceux-là, je ne les compte pas dans mon budget - et ce sont des crédits nationaux qui retourneraient dans le budget de l'Etat. C'est pourquoi je me bats pour qu'ils restent à l'agriculture.
M. Daniel Goulet. C'est bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je suis sûr que vous allez m'aider pour qu'ils ne retournent pas dans la cagnotte du ministère de l'économie et des finances ! Donc, aidez-moi !
J'en viens à l'ICHN, l'indemnité compensatoire de handicap naturel, dont nous avons eu l'occasion de parler à plusieurs reprises ici même au cours de ces derniers mois.
Sachez que, sur ce sujet, j'ai été très troublé et très meurtri. Ma volonté, en ma qualité d'élu d'un département de montagne, était d'accentuer la politique de la montagne et de l'enrichir, y compris en lui accordant 500 millions de francs supplémentaires par an pour renforcer l'aide que nous lui apportons. En effet, cette politique est indispensable, d'autant que l'agriculture de montagne est très engagée dans des filières de qualité, dans l'aménagement du territoire, dans l'aménagement de nos paysages et dans la structure de l'emploi dans des zones très reculées. Or cette volonté de stimuler cette politique s'est trouvée à un moment non pas contredite mais freinée, contrebattue par des positions prises par la Commission européenne dans le cadre de nos discussions sur le plan de développement rural national.
Nous avons ainsi dû refuser la proposition de la Commission qui consistait à exiger en contrepartie de ces ICHN de bonnes pratiques agricoles - cela, ça allait encore se mesurant - et là, ça n'allait plus ! - en taux de chargement, excluant de fait les moins de 0,2 UGB et les plus de 2 UGB à l'hectare...
Ce dernier point était d'autant plus inacceptable que, comme j'ai eu l'occasion de le dire, les conséquences de ce plan étaient telles que le département le plus touché par cette proposition de la Commission - je dis clairement les choses - aurait été le département des Hautes-Pyrénées, dont je me sens encore un peu l'élu - ne serait-ce que pour cette raison, cette proposition m'est apparue comme une provocation inacceptable - avant les Pyrénées-Atlantiques, le Cantal et le Lot...
Cette proposition de la Commission était inadmissible compte tenu de son caractère d'exclusion à l'égard de certains agriculteurs de montagne. Donc, je redis ici que la politique des ICHN ne sera pas amputée, mais qu'elle sera, au contraire, amplifiée.
S'agissant de l'installation, une DJA à 490 millions de francs nous permet de financer huit mille installations. C'est une préoccupation constante du Gouvernement : ainsi, à Etalans, dans le Doubs, le 15 mai dernier, j'ai participé à une réunion de travail organisée par le CNJA sur ce dossier de l'installation ; on m'a proposé vingt et une mesures, que j'ai acceptées et prises en compte et qui sont en cours de mise en oeuvre. Ensuite, le 24 octobre, nous avons fait passer l'exonération partielle de charges sociales de trois ans à cinq ans, et nous avons accordé une préretraite aux titulaires de CTE-transmission.
Je voudrais surtout vous dire ma conviction sincère que le problème de l'installation en France ne se réduit pas à un problème d'argent. La preuve en est que nous ne consommons pas tous nos crédits chaque année.
Ce n'est pas forcément un problème de mesures réglementaires ou législatives, puisque, chaque fois que l'on m'en demande, je les prends et que, d'une certaine manière, cela ne change rien. Au demeurant, je me demande si l'on ne prend pas trop de mesures, au point de rigidifier l'entrée dans la profession agricole et l'installation.
Mais il y a aussi des problèmes de discours dominant. Ainsi, quand je rencontre des organisations professionnelles agricoles qui me disent, dans un discours public enflammé, que tout va mal à cause de moi - évidemment, c'est toujours à cause de moi ! - que les revenus s'effondrent, que l'on ne peut plus vendre les produits, que l'on n'arrête pas d'embêter les gens avec le respect de l'environnement, que l'on suradministre l'agriculture, que la vie d'un agriculteur est épouvantable et sans avenir, je me demande comment on peut, dans ces conditions, convaincre un jeune de s'installer ! Disons-lui plutôt que c'est un beau métier, un métier qui répond à une attente de la société, à une grande tradition.
M. Hilaire Flandre. Oui : l'agriculture d'hier !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est encore le cas aujourd'hui, monsieur le sénateur ! Vous aussi, vous partagez cette volonté de tout peindre en noir ? Moi, je dis que cela reste un beau métier, plein d'avenir, pour peu que l'on ait conscience de répondre aux attentes de la société.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il ne faut pas non plus tomber dans la méthode Coué !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Non, je ne tombe pas dans la méthode Coué, et je peux vous dire que, çà et là, en signant des CTE, je rencontre des agriculteurs qui s'engagent dans un démarche pluriannuelle de qualité, répondant ainsi aux attentes de la société. Ceux-là sont en train de réunir de bonnes conditions de vie et de réussite pour l'avenir !
Je crois donc que, plutôt que de tout peindre en noir, il y a aussi la place pour un discours positif, pour inciter les jeunes à s'installer.
M. Gérard Delfau. Il a raison !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Permettez-moi un mot sur la politique de soutien aux filières.
La reconduction des crédits des offices se situe à presque 3 milliards de francs, ce qui montre l'effort de l'Etat en faveur des activités protectrices de l'environnement. C'est le cas, notamment, avec les crédits de paiement qui financent les bâtiments d'élevage et le programme de maintien des pollutions d'origine agricole, le PM POA.
Je réponds ici aux préoccupations de M. Raoult, mais je n'oublie pas MM. Courteau et Delfau, qui m'ont interrogé à propos de la filière viti-vinicole. Avec l'ensemble des représentants de la filière, nous avons eu une réunion de travail hier, tard dans la soirée, pour arrêter des mesures, et notamment des mesures conjoncturelles de distillation que je ne peux pas décider tout seul dans mon coin mais que je présenterai - la mesure est déjà inscrite à l'ordre du jour - au Conseil européen du 19 décembre prochain.
Je me battrai pour obtenir un million d'hectolitres à 24,30 francs le litre, mais, je veux le dire de manière très claire, cette mesure conjoncturelle n'a de sens que si elle est accompagnée de mesures structurelles pour que nous ne soyons pas confrontés année après année à de nouveaux problèmes.
L'ensemble des représentants de la profession sont d'accord, notamment ceux de la belle région de Languedoc-Roussillon qui, depuis vingt ans, ont fait des efforts considérables pour restructurer leur vignoble en termes de qualité, pour poursuivre dans ce sens. En effet, les beaux succès qui ont été remportés ne sont pas suffisants, il faut leur redonner vigueur pour aller jusqu'au bout de cette restructuration et de cette démarche de qualité. Mais je pense que les professionnels en sont tout à fait conscients.
S'agissant de la forêt et des suites des terribles tempêtes de décembre 1999, et avant le dépôt du projet de loi de modernisation forestière sur le bureau du Sénat très prochainement, je répondrai à M. Delong, qui est un éminent représentant des communes forestières et qui sait mieux que personne les dégâts qu'elles ont subis, que ces communes sont éligibles au plan « chablis » à la fois par l'autorisation de placement des ressources exceptionnelles qu'elles peuvent toucher, par l'accès aux prêts bonifiés - pour celles, en tout cas, qui ont gelé leurs coupes - par les subventions d'équilibre, même si je ne méconnais pas la difficulté que M. Delong a exposée, et par le bénéfice de la circulaire sur la reconstitution qui est sortie fin août, comme j'en avais pris l'engagement, et qui est créditée de 600 millions de francs par an pendant dix ans, soit 6 milliards de francs.
Cela nous a permis d'achever le dispositif de traitement de cette crise, qui, grosso modo , aura fonctionné. Je faisais, hier, le point avec la Fédération nationale du bois ; en cette fin d'année 2000, nous aurons globalement traité 50 % des chablis. Franchement, ceux qui, dans les premiers jours de l'année 2000, auraient avancé ce chiffre seraient passés pour des fous ou des optimistes délirants !
J'ajoute que ce n'est pas fini : les dispositions du plan chablis restent ouvertes pour les semaines et les mois qui viennent, puisqu'il y a encore des bois de qualité qui sont récupérables. Nous allons donc pouvoir achever ce plan.
Les crédits pour la forêt augmentent de 31 %, dans le budget de 2001. En particulier, les autorisations de programme s'accroissent de 392 millions de francs, soit de 95 %.
Monsieur Gaillard, le versement compensatoire à l'ONF est maintenu à son niveau de 2000, soit 957 millions de francs, mais l'Etat a déjà abondé le budget de cet organisme de 100 millions de francs dans le collectif de printemps et il fera de même dans le collectif de fin d'année, c'est-à-dire dans quelques jours.
Concernant l'enseignement agricole, je préciserai d'abord, comme je l'ai déjà fait tout à l'heure, lors des réponses aux questions d'actualité, que personne ne rallume je ne sais quelle guerre scolaire. Je note d'ailleurs que, s'il y a eu des guerres scolaires, c'est toujours la gauche qui les a éteintes, qu'elle ne les a jamais allumées.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Chacun écrit l'histoire à sa façon !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. On doit la loi de 1984 à Michel Rocard !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Et les millions de Français dans la rue ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ça, c'était en janvier 1994, contre la loi Falloux !
S'agissant du dernier conseil national de l'enseignement agricole, ce qu'a dit le directeur général de l'enseignement et de la recherche m'engage totalement, et ce d'autant plus qu'il n'a pas dit du tout ce que vous lui avez fait dire.
M. Hilaire Flandre. Il faut décrypter !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vais décrypter devant vous, pour que les choses soient claires, pour que vous soyez rassurés parce que je vous vois très inquiets, angoissés même, et cela m'ennuie beaucoup. Je ne voudrais pas que vous retourniez dans votre département dans un état pareil ! (Sourires.)
Mon souci, ce sont les équilibres fixés par la loi de 1984, c'est toute la loi, rien que la loi ! Aussi, je défie quiconque de prouver qu'à travers les dispositions que nous prenons nous dérogeons à ces équilibres.
Intrigué par certains courriers, par certains fax, par des communiqués de certaines organisations professionnelles à la suite de cette séance du conseil national de l'enseignement agricole, j'ai comparé - j'aurais pu prendre d'autres exemples - les ouvertures de classes à la rentrée prochaine : quarante-sept ouvertures de classes dans le public, quarante-six dans le privé. Si la parité n'est pas totalement respectée, j'en conviens, reconnaissez que l'équilibre général l'est.
Il n'y a donc aucune volonté de ma part de rallumer de quelque façon que ce soit une guerre scolaire qui n'aurait pas de sens. Simplement, nous faisons le nécessaire pour que les choses aillent dans le bon sens.
Comme l'indiquait notamment M. Bernard Piras, le budget de l'enseignement agricole est un bon budget. C'est objectivement le meilleur depuis vingt ans en termes de créations de postes comme au regard de l'évolution des crédits.
La preuve en est, si j'ose dire, que, pour la première fois depuis des années, il n'y a pas eu de grève le jour de la rentrée scolaire. C'était pour moi non pas un miracle, car je n'y crois pas, mais en tout cas une bonne surprise.
Pour ce qui est des personnels, nous avons créé 600 postes, 400 par voie de « déprécarisation » et 200 par création d'emplois nouveaux, dont 60 d'ATOS. En outre, tous les professeurs des lycées professionnels, qu'ils soient de l'enseignement public ou de l'enseignement privé, bénéficieront de la réduction de leur horaire légal de 23 heures à 18 heures, ce qui représente un effort tout à fait remarquable.
J'en viens aux crédits de la pêche.
Mme Yolande Boyer, M. Pierre-Yvon Trémel et les rapporteurs ont bien décrit les difficultés de ce secteur et les solutions possibles.
Les deux rapports dont nous discutons, l'un sur la pêche côtière, l'autre sur les ports de pêche, sont désormais publics. Ils ont été présentés au CSO pêche. Nous avons engagé la concertation en vue d'une application concrète. Je ne souhaite pas qu'ils rejoignent, comme beaucoup d'autres, des étagères et qu'il se couvrent petit à petit de poussière. J'ai souhaité que l'on puisse très vite en tirer des leçons et des mesures concrètes.
Le « coup est parti ». Ces rapports font l'objet de concertation entre l'administration et les organisations professionnelles de pêcheurs. Cela nous permettra de les appliquer le plus rapidement possible.
La politique commune de la pêche ne viendra à échéance qu'en 2002. Mais j'ai souhaité que, sous la présidence française, elle fasse l'objet de débats d'orientation. Cela a été le cas à deux reprises. Cela a permis de cerner les choses, de préciser notamment que la politique des totaux admissibles de captures, des TAC et quotas devait redevenir le pilier central de la politique commune de pêche.
L'idée que les programmes d'orientation pluriannuels, les plans de maîtrise de nos flottes doivent être remis à leur juste place, qu'ils ne doivent pas être le b a-ba de la politique commune de pêche a, je crois, beaucoup progressé au sein du Conseil « pêche », au niveau communautaire. Ces débats d'orientation que nous avons pu organiser nous ont donc permis d'aller dans le bon sens.
Il reste que le conseil « TAC et quotas » du mois de décembre ne se présente pas très bien. Je le dis ici clairement. Les inquiétudes des professionnels sont fondées. Les évaluations scientifiques faites sur les ressources sont inquiétantes pour plusieurs espèces, notamment pour le merlu.
Cela va sans doute nous conduire à décider des réductions assez draconiennes, même si comme je m'y étais engagé, j'ai souhaité engager la Commission et le Conseil européen sur la voie d'une gestion pluriannuelle des TAC at quotas. Ce point commence à être discuté. Il le sera encore lors de notre prochain Conseil « pêche », mais la gestion ne pourra pas être opérationnelle dès cette année.
Donc, nous aurons un conseil « TAC et quotas » difficile, en raison des évaluations scientifiques.
Cela étant, je rappelle que, cette année, avant même le projet de loi de finances pour 2001, l'Etat avait déjà dégagé 450 millions de francs supplémentaires, soit un effort de grande ampleur, pour réparer les effets des tempêtes et du naufrage de l' Erika , et pour contribuer à atténuer la hausse du carburant, et que, dans le projet de loi de finances pour 2001, les dépenses ordinaires de la pêche progressent de presque 8 %, ce qui montre que notre préoccupation pour ce secteur reste vive et que notre souci de le soutenir est entier.
Je pense avoir ainsi répondu à peu près à toutes les questions. Si tel n'était pas le cas, je me tiens à la disposition du Sénat pour le faire par écrit. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche, et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 718 988 243 francs. »

Par amendement n° II-59, le Gouvernement propose de majorer ces crédits de 70 765 000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Ce premier amendement, que j'ai annoncé tout à l'heure, a pour objet de renforcer les moyens en personnels du ministère dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre l'ESB.
Les crédits demandés doivent permettre de financer, d'une part, la création de 120 emplois de titulaires ainsi que les moyens de fonctionnement correspondants et, d'autre part, le relèvement du taux de vacation servi aux agents intervenant dans la lutte contre l'ESB. Nous faisons en effet appel à des vétérinaires vacataires, dont les taux de vacation horaire étaient très faibles. Nous avons réussi à obtenir une revalorisation de 40 % de cette vacation, ce qui nous permettra de trouver plus facilement des vétérinaires vacataires.
L'ensemble de ces mesures se concrétisent dans cet amendement qui nous permet de majorer de 70 765 000 francs les crédits du titre III.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission des finances a déjà été saisie d'amendements analogues, liés à l'ESB, sur les crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité, d'abord sur les crédits destinés à l'emploi, pour la création de trente postes d'inspecteurs du travail, notamment, ensuite sur les crédits de la santé, pour la création de 85 emplois de médecin, de pharmacien et d'ingénieur.
La commission des finances a émis un avis favorable sur ces deux amendements, qui ont d'ailleurs été adoptés par le Sénat. Elle ne s'oppose donc pas au présent amendement, pour lequel elle s'en remet à la sagesse du Sénat, étant entendu que cet avis ne préjuge en rien celui qu'elle émettra ensuite sur l'ensemble des crédits du titre III.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-59, pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission des finances avait, avant cette discussion, décidé d'émettre un avis défavorable sur l'ensemble de ce budget, estimant que les mesures proposées, notamment concernant l'ESB, n'étaient ni suffisantes ni suffisamment adaptées. Nous manquait, et nous manque encore, monsieur le ministre, une évaluation, qui a bien dû être faite par le ministère, du coût total de cette épidémie pour les éleveurs, bien sûr, mais aussi en amont et en aval.
N'ayant pas obtenu de réponse sur ce point, n'ayant pas été convaincue, sur l'essentiel, par vos explications, la commission des finances n'a pas changé d'avis : elle est défavorable à l'adoption du titre III.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le rapporteur, les crédits inscrits au titre III concernent les moyens en personnels du ministère. Vous pouvez avoir de nobles raisons de ne pas les adopter, mais pas celle que vous avez invoquée. C'est en effet au travers de l'amendement que j'ai déposé sur le titre IV que je vous apporterai la réponse que vous souhaitez.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 24:

Nombre de votants 312
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 102
Contre 210

« Titre IV : moins 320 169 666 francs. »

Par amendement n° II-60, le Gouvernement propose de majorer ces crédits de 600 000 000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cet amendement constitue une réponse au souhait exprimé par M. le rapporteur spécial à l'occasion de l'examen du titre précédent. Il vise à abonder de 600 millions de francs le titre IV, ce qui n'est pas rien !
Dans le cadre du programme de lutte contre l'ESB, le Gouvernement a décidé l'extension de la liste des matériaux à risques spécifiés, l'interdiction de l'utilisation des farines et des graisses animales dans l'alimentation animale et le renforcement du programme de tests de dépistage de la maladie. Parallèlement, le Gouvernement a annoncé des mesures de soutien aux filières agricoles et agroalimentaires touchées par la crise.
Le présent amendement a donc pour objet d'ouvrir les crédits nécessaires à l'élimination des stocks de farines et graisses détenus par les opérateurs des filières de production et de commercialisation, à l'indemnisation des pertes financières en découlant et à l'élimination des stocks de tissus de ruminants à risques visés par l'arrêté du 10 novembre 2000. Cela permettra aussi d'étendre le programme de dépistage et de financer des mesures destinées à soutenir la filière viande.
Pour financer une partie de ces actions, il est proposé de créer un nouveau chapitre, numéroté 44-71 et intitulé : « Moyens concourant aux actions de lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine ».
Ces crédits sont répartis de la manière suivante : 100 millions de francs sont affectés au chapitre 44-53, article 10 ; 200 millions de francs sont inscrits à l'article 20 ; 300 millions de francs sont alloués au chapitre 44-71, article 20, intitulé : « Elimination des coproduits animaux ».
Au total, ces 600 millions de francs supplémentaires nous permettront de mettre en oeuvre le programme que nous avons annoncé publiquement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission note une avancée par rapport à ce qui nous avait été présenté initialement, mais si elle est favorable à cet amendement, l'effort consenti lui paraît minimal et indispensable, et non pas satisfaisant et suffisant. La commission portera donc une appréciation différente sur le titre IV.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-60, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 25:

Nombre de votants 312
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 102
Contre 210

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 105 500 000 francs ;

« Crédits de paiement : 31 650 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 1 599 190 000 francs ;
« Crédits de paiement : 557 985 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 49, 49 bis , 50, 50 bis , 50 ter et 50 quater , qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de l'agriculture et de la pêche.

Agriculture et pêche

Article 49



M. le président.
« Art. 49. - I. - Le 1° de l'article L. 361-5 du code rural est ainsi rédigé :
« 1° Une contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d'assurance couvrant, à titre exclusif ou principal, d'une part les dommages aux bâtiments et au cheptel mort affectés aux exploitations agricoles, et d'autre part les risques de responsabilité civile et de dommages relatifs aux véhicules utilitaires affectés aux exploitations agricoles.
« La contribution est assise sur la totalité des primes ou cotisations. Elle est liquidée et recouvrée suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et sous les mêmes sanctions que la taxe annuelle sur les conventions d'assurance, prévue à l'article 991 du code général des impôts. Le taux de la contribution est fixé à 11 %. »
« II. - Le treizième alinéa du même article est supprimé. »
Par amendement n° II-19, M. Bourdin, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je me suis déjà expliqué sur ce sujet lors de mon intervention dans la discussion et dans mon rapport. L'article 49 concerne les modalités de financement du Fonds national de garantie des calamités agricoles et vise à établir de manière pérenne et uniforme le taux de la contribution additionnelle des agriculteurs à ce fonds.
La parité instituée par la loi n'étant pas assurée, puisqu'il est prévu que les agriculteurs contribuent à hauteur de 400 millions de francs au fonds en 2001, alors que 50 millions de francs seulement seront apportés par l'Etat, la commission des finances demande la suppression de cet article, qui contrevient en somme à une loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Je trouve paradoxale l'attitude de la commission des finances, qui considère que le Gouvernement n'alloue pas suffisamment de crédits au Fonds national de garantie des calamités agricoles mais voudrait supprimer ceux qu'il souhaite lui affecter !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Non !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Non, on peut en discuter !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. En tout cas, si votre amendement était adopté, les crédits du fonds se trouveraient réduits, alors même que vous les jugez insuffisants ! C'est bien un paradoxe, même si je reconnais que la procédure budgétaire ne vous laisse guère de marge de manoeuvre.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Non ! C'est de la dialectique de conseil général !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. C'est une réalité objective !
Je voudrais simplement dire devant le Sénat, pour faire pièce aux commentaires alarmistes sur la situation du fonds, que celui-ci dispose grosso modo de un milliard de francs et qu'il n'y a donc pas péril en la demeure.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Il faut réduire la cotisation !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Puisque M. le ministre interprète la position de la commission, qu'il me soit permis d'interpréter la politique du Gouvernement : monsieur le ministre, vous ne faites pas assez, vous ne méritez pas d'être soutenu et c'est la raison de notre attitude !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Les agriculteurs apprécieront !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ils comprendront, surtout !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 49 est supprimé.

Article 49 bis



M. le président.
« Art. 49 bis . - Après le premier alinéa de l'article L. 724-9 du code rural, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les agents visés à l'alinéa précédent peuvent accéder aux informations détenues par les services déconcentrés du ministère chargé de l'agriculture, relatives aux exploitations agricoles que ces agents ont la charge de contrôler. A la demande des caisses de mutualité sociale agricole, ces services leur transmettent les données, relatives aux bénéficiaires des primes communautaires, dont ils disposent. »
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. La disposition prévue à l'article 49 bis vient à point nommé. En effet, elle évitera des divergences et rendra bien service à de nombreux exploitants qui se sont trouvés confrontés à des tracasseries administratives qui auraient pu être évitées. Nous aurions dû prendre cette mesure voilà plusieurs années, je tenais à le dire !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 49 bis .

(L'article 49 bis est adopté.)

Article 50



M. le président.
« Art. 50. - I. - Le I de l'article L. 732-30 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 2001, le minimum prévu à l'alinéa précédent pour les personnes non susceptibles de bénéficier de la revalorisation de la majoration des pensions de réversion prévue au II de l'article L. 732-33 est relevé par décret.
« II. - Au cinquième alinéa de l'article L. 732-31 du code rural, après les mots : "A compter du 1er janvier 2000", sont insérés les mots : "puis, en ce qui concerne les périodes accomplies comme conjoint, du 1er janvier 2001".
« III. - L'article L. 732-33 du code rural est ainsi modifié :
« 1° Au dernier alinéa du I, après les mots : "A compter du 1er janvier 2000", sont insérés les mots : "puis du 1er janvier 2001" ; à la dernière phrase du même alinéa, le mot : "celle" est remplacé par les mots : "la majoration totale" ;
« 2° Au dernier alinéa du II, après les mots : "A compter du 1er janvier 2000", sont insérés les mots : "puis du 1er janvier 2001" ;
« 3° Le dernier alinéa du III est ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 2000, le montant de cette majoration, tel que prévu au deuxième alinéa, est relevé par décret pour les personnes remplissant à cette date les conditions fixées au premier alinéa. Il en est de même, à compter du 1er janvier 2001, pour les personnes considérées comme conjoints ou chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole et qui remplissent à cette seconde date lesdites conditions.
« IV. - Le dernier alinéa du III de l'article L. 732-30 du code rural et l'avant-dernier alinéa des articles L. 732-24 et L. 762-29 du même code sont supprimés.
« V. - Le quatrième alinéa de l'article L. 732-34 du code rural est supprimé à compter du 1er janvier 2001.
« Pour les conjoints de chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole qui, au 31 décembre 2000, bénéficiaient de la procédure de partage des points de retraite proportionnelle entre époux prévue à l'article L. 732-34 du code rural, la date limite d'option pour le statut de conjoint collaborateur, prévue au cinquième alinéa de l'article L. 321-5, au quatrième alinéa de l'article L. 732-31 et au dernier alinéa du I de l'article L. 732-35 du même code est reportée au 1er juillet 2001.
« Lorsque les personnes mentionnées à l'alinéa précédent font le choix du statut de conjoint collaborateur à titre rétroactif pour 1999, 2000 et 2001 entre le 1er janvier 2001 et le 1er juillet 2001, la cotisation prévue au 2° de l'article L. 731-42 du code rural due pour l'année 2001 est, par dérogation aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 321-5 du même code, majorée au titre des années 1999 et 2000 dans des conditions prévues par décret.
« Les points de retraite proportionnelle qui avaient été imputés au conjoint dans le cadre de la procédure de partage des points au titre de périodes postérieures à la date d'effet de l'option pour le statut de conjoint collaborateur sont réimputés au chef d'exploitation ou d'entreprise.
« VI. - Au cinquième alinéa de l'article L. 321-5, au quatrième alinéa de l'article L. 732-31 et au dernier alinéa du I de l'article L. 732-35 du code rural, les mots : "avant le 1er juillet 2000" sont remplacés par les mots : "avant le 1er janvier 2001". »
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. A propos de cet article, je note avec satisfaction la poursuite de la mise en oeuvre du plan de revalorisation des petites retraites agricoles, mais je voudrais rappeler l'engagement des pouvoirs publics d'achever ce processus avant la fin de 2002.
Pour éviter que, à l'avenir, cette question de la revalorisation des petites retraites agricoles ne resurgisse, je souhaiterais la mise en place, dans les meilleurs délais, d'un système de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.
A l'occasion de l'examen de cet article, je me permettrai d'attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessaire modification de l'année de référence prise en compte pour le calcul des cotisations sociales des non-salariés agricoles, en dépit des difficultés pratiques liées à la périodicité selon laquelle sont connus les revenus des exploitants agricoles.
En effet, la profession a toujours marqué son attachement au principe de la détermination d'une assiette de cotisations dont les bases soient le moins éloignées possible dans le temps. Or aujourd'hui, à l'issue de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, il apparaît, au travers des articles 5, relatif à l'assiette des cotisations sociales des non-salariés agricoles, et 6, concernant l'assiette de la CSG acquittée par les non-salariés agricoles, que les cotisations des exploitants agricoles sont calculées sur une moyenne triennale établie à partir des revenus des années n-3, n-2 et n-1 ou, sur option, sur les revenus de l'année n-1. La crise sans précédent dans laquelle est en train de s'enfoncer l'élevage bovin, et qui affecte les revenus de nombreux exploitants agricoles, montre bien l'intérêt d'une assiette des cotisations sociales définie en fonction des revenus de l'année en cours.
C'est la raison pour laquelle il est essentiel que l'assiette des cotisations et, en conséquence, l'assiette de la CSG soit fondée non sur les revenus de l'année n-1 mais sur ceux de l'année n. Cette demande vaut pour tous les exploitants agricoles relevant fiscalement du régime réel ou du forfait ainsi que pour les cotisants de solidarité. Cette modification, concernant l'ensemble des exploitants, ne remet pas en cause, d'ailleurs, le travail de simplification opéré dans le cadre du rapport de Mme Marre et de M. Cahuzac, et soutenu par le Gouvernement, qui consiste à ne retenir que deux assiettes de cotisations au lieu de cinq auparavant.
M. Hilaire Flandre. Très bien !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Deneux, le sujet que vous avez soulevé fait l'objet de nombreuses discussions entre mes collaborateurs et moi-même et les organisations professionnelles agricoles.
Voilà quelques mois, tout le monde s'accordait à dire que se fonder sur l'année n-1 permettait de simplifier le dispositif. Maintenant, on nous demande de revenir à l'année n, notamment à cause de la crise bovine.
Nous nous heurtons toujours au même écueil : chaque fois que nous cherchons à simplifier un dispositif, une crise surgit et nous empêche de le faire. Pour ma part, je préfère que l'on s'en tienne à l'année n-1 dans un souci de simplification, quitte à accorder des dérogations aux agriculteurs qui sont touchés par la crise, en particulier les éleveurs de bovins. Sinon, on n'avancera jamais, il y aura toujours, hélas, une crise qui nous empêchera de simplifier !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 50.

(L'article 50 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 50



M. le président.
Par amendement n° II-49, M. Le Cam, Mme Terrade, M. Lefebvre et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 50, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La première phrase du deuxième alinéa (1°) de l'article L. 732-24 du code rural est ainsi rédigée :
« Une pension de retraite forfaitaire dont le montant maximal attribué pour une durée minimale d'activité agricole non salariée est égal à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance brut. »
« II. - A la fin du premier alinéa du 1 du I de l'article 150 O-A du code général des impôts, la somme : "50 000 francs" est remplacée par la somme : "20 000 francs". »
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. L'amendement s'explique par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de modifier le code rural de façon à préciser que les chefs d'exploitations ou d'entreprises agricoles qui ont exercé à titre exclusif ou à titre principal une activité agricole non salariée ont droit à une pension de retraite qui comprend notamment une pension forfaitaire, dont le montant maximal attribué pour une durée minimale d'activité agricole non salariée est égal à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance brut.
Le texte initial précisait que le montant maximal de cette pension forfaitaire était égal à celui de l'allocation versée aux vieux travailleurs salariés.
Avant de se prononcer, la commission des finances souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. L'intention des auteurs de cet amendement est fort louable. Il s'agit d'accélérer la mise en place du plan de revalorisation des retraites.
Je dirai tout à l'heure, lors d'un ultime débat, que le plan quinquennal du Gouvernement pour la revalorisation des petites retraites agricoles est parvenu à sa quatrième étape. Aller plus vite est certainement un souci honorable, mais une telle disposition implique une dépense supplémentaire pour l'Etat. Je me vois donc contraint d'invoquer l'article 40 de la Constitution.
M. Roland du Luart. Quel et le montant de cette dépense supplémentaire ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Des milliards de francs !
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, l'article 40 est-il applicable ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° II-49 n'est pas recevable.
Par amendement n° II-52, MM. Trémel, Piras, Pastor, Mme Boyer, MM. Plancade, Dussaut, Marc, Domeizel, Mme Dieulangard, MM. Bellanger, Besson, Bony, Courteau, Désiré, Fatous, Godard, Journet, Lejeune, Percheron, Raoult, Rinchet, Teston et Weber proposent d'insérer, après l'article 50, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les enseignants des établissements d'enseignement agricole privés liés à l'Etat par contrat en application de l'article L. 813-8 du code rural qui cessent leur activité dans les mêmes conditions d'âge, de durée d'activité ou de charges de famille que les enseignants titulaires des établissements d'enseignement agricole publics et n'ont pas droit auprès des régimes de retraite dont ils relèvent à une pension de vieillesse au taux défini au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, perçoivent une allocation temporaire de cessation anticipée d'activité à la charge de l'Etat.
« II. - Le montant de cette allocation est calculée par application des règles en vigueur dans les régimes de retraite dont relèvent ces enseignants sur la base de l'ensemble des services d'enseignement et des services assimilés effectués par le bénéficiaire en appliquant le taux défini au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale. L'allocation est versée jusqu'à la date où l'enseignant peut bénéficier d'une pension de vieillesse calculée à ce taux.
« III. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article.
« IV. - Les dépenses résultant des I et II ci-dessus sont compensées par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Cet amendement vise à instaurer le RETREP, le régime temporaire de retraite de l'enseignement privé, pour les personnels de l'enseignement agricole privé.
Il s'agit d'accorder aux personnels de l'enseignement agricole privé les mêmes avantages, en matière de conditions de cessation d'activité, que ceux qui sont accordés à leurs homologues dépendant du ministère de l'éducation nationale ou aux personnels enseignants de la fonction publique.
L'amendement a donc pour objet de poser le principe d'une égalité d'âge avec le personnel de l'enseignement public lorsqu'il s'agit de faire valoir des droits à pension de retraite.
En fait, les enseignants des établissements agricoles privés n'ont pas pu bénéficier jusqu'à présent de ce dispositif, car la loi Rocard de 1984, évoquée par M. le ministre cet après-midi, qui définit leur situation, prévoit bien une parité en matière de rémunération lorsque les agents sont en activité, mais elle n'a pas étendu cette parité aux conditions de cessation d'activité.
Si nous créions ce RETREP pour l'enseignement agricole privé, des personnes pourraient, à l'heure actuelle, bénéficier de la disposition proposée : ce sont, par exemple, les femmes qui ont élevé trois enfants et qui justifient de quinze années d'exercice, les personnes qui souhaitent cesser leur activité à l'âge de soixante ans et qui n'ont pas une durée d'assurance suffisante pour prétendre à une retraite à taux plein ou bien encore des personnes reconnues inaptes au travail par la commission de réforme.
Cet amendement a donc pour objet d'instaurer une équité entre personnels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission des finances a examiné avec beaucoup d'attention cet amendement qui est bienvenu, compte tenu des discussions qui ont eu lieu à plusieurs reprises au cours de cette journée. Il s'agit d'une mesure d'harmonisation statutaire des règles applicables aux personnels enseignants agricoles privés, d'une part, et publics, d'autre part.
La commission des finances est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Cet amendement va dans le sens des intérêts des catégories de personnels enseignants visés par M. Trémel. Sur le fond, je ne peux que l'approuver.
Mais la situation dans laquelle je me trouve est très embarrassante puisque le Gouvernement, qui procède actuellement à une consultation interministérielle sur le sujet, ne m'a pas encore donné l'autorisation d'approuver une telle mesure. Je ne peux donc que m'en remettre à la sagesse de votre Haute Assemblée.
M. le président. Monsieur le ministre, levez-vous le gage ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je ne peux pas, monsieur le président.
M. le président. Qu'en pense la commission des finances ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. On verra cela plus tard !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On nettoiera après !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-52, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. Roland du Luart. Je suis étonné que l'on n'ait pas invoqué l'article 40 de la Constitution !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 50.
Par amendement n° II-51, MM. Pastor, Bellanger, Besson, Bony, Mme Boyer, MM. Courteau, Désiré, Dussaut, Fatous, Godard, Journet, Lejeune, Percheron, Piras, Plancade, Raoult, Rinchet, Teston, Trémel, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer après l'article 50, un article additionnel ainsi rédigé :
« A la fin du premier alinéa de l'article L. 621-1-1 du code rural, les mots : "et de l'aquaculture", sont remplacés par les mots : ", de l'aquaculture et de la pêche professionnelle en eau douce". »
La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer. Il s'agit tout simplement de réparer un oubli dans les dispositions statutaires concernant l'Office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture, l'OFIMER.
Cet office a, bien sûr, vocation à intervenir également dans le domaine des produits de la pêche professionnelle en eau douce, qui est un secteur à part entière de la filière aquacole impliquant quelque 800 entreprises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement apporte une précision utile, dans la mesure où l'OFIMER a vocation effectivement à intervenir dans le domaine des produits de la pêche professionnelle en eau douce.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement est également favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement II-51, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 50.

Articles 50 bis, 50 ter et 50 quater



M. le président.
« Art. 50 bis . - I. - Le 2° de l'article L. 761-42 du code rural est ainsi rédigé :
« 2° a) Une cotisation due pour chaque chef d'exploitation ou d'entreprise calculée dans les conditions de celle qui est mentionné au 1° ;
« b) Une cotisation due pour chaque aide familial défini au 2° de l'article L. 722-10 à partir de l'âge de la majorité ainsi qu'une cotisation due pour le conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise mentionné à l'article L. 732-35 ; l'assiette de ces cotisations est déterminée forfaitairement dans des conditions fixées par décret.
« II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2001. » - (Adopté.)
« Art. 50 ter . - I. - Il est inséré, après l'article L. 762-1 du code rural, un article L. 762-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 762-1-1. - Pour les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, le budget annexe des prestations sociales agricoles mentionné à l'article L. 731-1 comporte, en recettes et en dépenses, les opérations résultant du présent chapitre à l'exclusion des dépenses de gestion et des recettes correspondantes ainsi que des dépenses et recettes concernant l'action sociale prévue aux articles L. 752-7 et L. 752-8 du code de la sécurité sociale.
« II. - 1. Le premier alinéa de l'article 1106-20 du code rural est supprimé.
« 2. Les articles 1142-10 et 1142-20 du même code sont abrogés. » - (Adopté.)
« Art. 50 quater. - Dans l'avant-dernier alinéa (4°) de l'article L. 2335-9 du code général des collectivités territoriales, l'année : "2000" est remplacée par l'année : "2006". » - (Adopté.)
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'agriculture et la pêche.

Budget annexe des prestations sociales agricoles

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, pour 2001 s'établit à près de 91 milliards de francs, soit une légère progression de 1,54 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.
S'agissant de ses recettes, je formulerai quatre remarques.
Premièrement, le montant des contributions professionnelles affiche une légère diminution, de l'ordre de 0,3 %, mais elles ne représentent guère plus de 18 % du financement total du BAPSA, la majeure partie des ressources de ce dernier étant d'origine externe.
Deuxièmement, les taxes affectées au BAPSA, telles que la fraction de TVA et autres taxes diverses, traditionnellement dynamiques en période de croissance, sont en progression de 2 %.
Troisièmement, il faut noter, cette année, une réduction de 3,7 % du montant des transferts de compensation démographique.
Quatrièmement, enfin, on peut également remarquer une très nette augmentation de la participation de l'Etat se traduisant par une augmentation de près de 63 % de la subvention budgétaire d'équilibre, conséquence directe de la diminution des transferts de compensation démographique.
S'agissant des dépenses, je formulerai trois remarques.
Les dépenses de prestations d'assurance vieillesse s'établissent, pour 2001, à près de 51 milliards de francs et demeurent donc le principal poste de dépenses du BAPSA. Ces dépenses s'inscrivent dans le cadre du plan pluriannuel de revalorisation des petites retraites agricoles qui a pour objectif de porter, en 2002, le minimum mensuel de pension agricole au niveau du minimum vieillesse.
Les dépenses de prestation d'assurance maladie, maternité et invalidité constituent le deuxième poste de dépenses du BAPSA avec près de 35 milliards de francs, soit une augmentation de 2,2 % par rapport à l'année dernière.
Les dépenses de prestations familiales, troisième poste de dépenses, s'élèvent à 3,9 milliards de francs et connaissent, cette année, une augmentation de l'ordre de 3 %, ce qui constitue une rupture dans leur évolution et qui est notamment due à l'intégration dans le projet de loi de finances pour 2001 de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
Pourtant, ce budget présente quelques incertitudes et des imprécisions que je me dois de souligner. Il apparaît, d'une part, que certaines recettes de ce budget font l'objet d'une surestimation manifeste - c'est le cas, notamment, des cotisations sociales agricoles, dont la surestimation résulte en particulier de la non-prise en considération de la chute du revenu agricole depuis 1998 - et, d'autre part, que certaines des dépenses de ce budget, parmi lesquelles les dépenses d'assurance maladie par exemple, les frais financiers ou encore les dépenses de prestations d'assurance vieillesse, sont clairement sous-estimées. Je voudrais d'ailleurs, monsieur le ministre, m'arrêter un instant sur ce point.
D'abord, en ce qui concerne les charges d'intérêt qui constituent les dépenses du titre Ier de ce budget, leur montant estimé pour 2001 demeure à 230 millions de francs, soit le même montant que celui qui figure dans la loi de finances initiale pour 2000, alors même que les prévisions d'exécution du BAPSA pour 2000 font apparaître des dépenses relatives aux intérêts dus au titre de la dette de 350 millions de francs, soit un écart de 52 % par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale et qui explique en partie un déficit d'exécution du BAPSA 2000 de 2,4 milliards de francs !
En outre, la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale a entraîné une élévation du plafond d'avances accordé au régime agricole de 12,5 milliards de francs à 13,5 milliards de francs, compte tenu de la mesure de report des cotisations sociales agricoles dans le cadre du plan de soutien de la filière bovine dont le régime des exploitants agricoles supportera seul la charge de trésorerie. Le montant des intérêts financiers s'élève donc d'année en année, mais cette donnée n'est pas prise en compte au moment de l'élaboration du BAPSA.
J'aimerais savoir, monsieur le ministre, premièrement, comment une telle erreur de prévision budgétaire peut se produire, de manière systématique d'ailleurs, et, deuxièmement, pourquoi le projet de BAPSA pour 2001 prévoit à nouveau un montant des charges d'intérêt de 230 millions de francs quand toutes les conditions financières sont réunies pour que l'encours moyen de la dette en 2001 ne soit pas inférieur à celui de 2000. Ne serait-il pas temps, monsieur le ministre, de porter remède à ces erreurs ?
De manière générale, pouvez-vous également préciser, monsieur le ministre, les conséquences sur le BAPSA du plan de soutien à la filière bovine ?
Concernant maintenant les dépenses liées à la revalorisation des retraites agricoles, sans revenir sur le mode de financement contestable de ces mesures de revalorisation, via un prélèvement sur le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur la manière dont vous comptez financer les 274 millions de francs de coût supplémentaire pour le BAPSA qu'implique la mesure de revalorisation de 2,2 % des pensions de retraite prévue par l'article 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, auxquels s'ajoutent d'ailleurs les 16 millions de francs supplémentaires découlant des mesures de revalorisation de 1,7 % des prestations familiales, également prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je m'étonne de voir que les mesures sociales que vous promettez aux agriculteurs disposent d'un financement improbable, voire introuvable ! Sur ce point, j'attends, monsieur le ministre, une réponse précise de votre part.
Ces remarques concernant la sous-estimation des dépenses du BAPSA pour 2001, donc son imprécision budgétaire, m'amènent à attirer votre attention sur l'absence totale de coordination entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le BAPSA, qui fait apparaître des dissonances fâcheuses entre les mesures agricoles prévues dans le PLFSS pour 2001 et le BAPSA.
Comme je l'évoquais précédemment, les incidences financières de certaines des mesures prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, telles la revalorisation des pensions de retraites ou celle des prestations familiales, ne sont pas toujours répercutées sur le BAPSA, ce qui pose sans nul doute la question de l'opportunité de l'existence d'un budget annexe des prestations sociales agricoles et, plus encore, de la viabilité de ce budget annexe sur le long terme.
Ne serait-il pas plus logique d'intégrer l'ensemble des mesures relatives à la protection sociale des agriculteurs dans la loi de financement de la sécurité sociale, ce qui supposerait bien sûr une réforme du mode d'élaboration des lois de financement ?
Pour en venir aux questions de fond, je tiens à souligner, à propos des retraites agricoles, que des progrès réels ont été accomplis depuis 1994, et qu'ils se sont poursuivis par la mise en oeuvre du plan pluriannuel de revalorisation des petites retraites agricoles ainsi que par la mise en place du statut de conjoint collaborateur.
Des incertitudes persistent cependant concernant notamment la création, aujourd'hui indispensable, d'un régime de retraite complémentaire obligatoire. Le rapport du Gouvernement sur cette question, prévu dans la loi d'orientation agricole de juillet 1999, n'est toujours pas paru ; il y a donc plus d'un an de retard !
Je me demande, monsieur le ministre, ce que vous attendez et ce qu'attend votre gouvernement pour mettre en place un régime que tous les agriculteurs appellent de leurs voeux.
Le principe fait l'unanimité, mais les modalités divisent les partenaires. L'essentiel est cependant de trouver une solution consensuelle, et de l'appliquer rapidement.
Autre question incontournable aujourd'hui : l'amélioration de la couverture du risque accidents du travail. Il s'agit là encore d'une réforme que le Gouvernement retarde. Les bases en sont contenues dans le rapport de nos collègues députés, qui ont déjà été abondamment cités, Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac, rapport paru en avril dernier et relatif aux adaptations à apporter à la fiscalité et au mode de calcul des cotisations sociales agricoles.
Il s'agirait de créer un véritable régime dont la gestion serait assurée par une pluralité d'assureurs, en coordination avec la mutualité sociale agricole. Les prestations seraient revalorisées, servies sur la base de cotisations sociales uniformes à l'intérieur de chaque catégorie de risques et forfaitisées. Les modalités de cette réforme sont cependant contestées par les assureurs.
En tout état de cause, je me félicite de voir que des propositions de réforme existent. Encore faudrait-il qu'elles aboutissent rapidement et, surtout, qu'elles fassent l'objet d'une concertation approfondie de toutes les organisations professionnelles concernées ! Pouvez-vous monsieur le ministre, nous en dire un peu plus sur les projets du Gouvernement à cet égard, en nous donnant notamment des informations sur le calendrier précis ?
Malgré ces quelques points critiques, que je me devais de souligner, la commission des finances a décidé d'adopter le budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2001. (M. Herment applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, disposant d'un temps particulièrement réduit et intervenant après M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, dont l'exposé a été excellent, je me bornerai à formuler une remarque de forme et deux observations de fond.
Une remarque de forme, d'abord : le projet de BAPSA pour 2001 franchit un palier supplémentaire dans la complexité.
Selon une répartition dont la logique semble arbitraire, des dispositions affectant le régime des exploitants agricoles sont présentées dans le projet de loi de finances alors que d'autres sont inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Une fois de plus, on se demande s'il est pertinent de discuter d'un régime de protection sociale dans le cadre d'un budget annexe à la loi de finances.
J'ajoute que, la subvention d'équilibre étant rattachée au budget des charges communes et non plus au budget du ministère de l'agriculture, il serait presque aussi logique de discuter du BAPSA à l'issue de l'examen du budget des charges communes plutôt que du budget du ministère de l'agriculture.
Ces questions relatives au BAPSA devront être étudiées avec attention à l'occasion de la réforme de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959. La proposition du rapporteur général de l'Assemblée nationale présente la particularité de supprimer les budgets annexes : le BAPSA que nous examinons aujourd'hui pourraît être le dernier...
Dans ce cas, il serait nécessaire de donner au régime agricole une place particulière au cours de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dès à présent, je remarque, monsieur le ministre, que votre présence au banc du Gouvernement lors de la discussion des articles 4 bis , 5, 5 bis et 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 n'aurait rien eu d'illogique.
Après cette remarque de forme, je n'évoquerai que deux questions de fond : les retraites et la branche accidents du travail.
Tout d'abord, je me félicite de la mesure de revalorisation des petites retraites, d'autant plus qu'elle est inscrite dès le projet de loi initial. Nous avons trop fustigé, par le passé, « l'amendement de revalorisation », qui arrivait en première lecture du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, pour ne pas nous féliciter de cette évolution.
Le financement de la mesure reste étonnant : l'article 24 du projet de loi de finances voté par l'Assemblée nationale prévoit un prélèvement de 1,35 milliard de francs sur la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, la C3S. Pourtant, l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait prévu que le BAPSA ne bénéficierait plus de cette contribution.
Ainsi, le Gouvernement demande une nouvelle fois au Parlement de déroger en loi de finances à une règle posée en loi de financement et concernant une imposition affectée à la protection sociale.
En nouvelle lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi de financement, cette affectation de C3S a été majorée de 350 millions de francs supplémentaires, en « compensation » d'une diminution de la subvention d'équilibre. Ces « tuyauteries » ont été dénoncées par la commission des affaires sociales lors de la nouvelle lecture, dans notre assemblée, du projet de loi de financement.
Le Gouvernement dispose avec libéralité des excédents de la C3S affectés au fonds de solidarité vieillesse. Tout cela n'est pas digne : il aurait été préférable que le Gouvernement « assume » les conséquences de la mesure de revalorisation, en augmentant à due concurrence la subvention d'équilibre. Faute de pouvoir augmenter les dépenses de l'Etat, en raison de l'article 40 de la Constitution, la commission des finances a proposé, en première partie de la loi de finances, de relever le taux de TVA affecté au BAPSA. La commission des affaires sociales approuve naturellement cette solution.
Il reste désormais à préciser la dernière étape du plan de revalorisation. Celle qui est annoncée pour 2002 coûte nettement plus cher, compte tenu de l'objectif : atteindre, pour les chefs d'exploitation, le montant du minimum vieillesse.
Mais, pour que les exploitants agricoles disposent de pensions de retraite égales à 75 % du SMIC, nous savons tous qu'un régime complémentaire obligatoire par répartition sera nécessaire.
C'est sur ce point que le bilan du Gouvernement est nettement moins flatteur. Voilà deux ans que la profession agricole s'est ralliée à cette idée. Voilà un an et demi que le Parlement attend un rapport, qui devait paraître trois mois après la publication de la loi d'orientation agricole au Journal officiel , c'est-à-dire trois mois après le 10 juillet 1999...
Monsieur le ministre, j'ai bien compris que la question du financement de ce régime complémentaire obligatoire était la cause de ce retard.
Pouvez-vous dès aujourd'hui nous en dire davantage ? Le projet de loi de modernisation sociale prévoira-t-il cette disposition ? Le mécanisme sera-t-il prêt à entrer en vigueur en 2002 ?
Par ailleurs, je crois que la mensualisation des pensions est désormais une nécessité. Le coût annoncé de 8,8 milliards de francs explique que le Gouvernement hésite. Mais la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole a fait plusieurs propositions, le recours à l'emprunt paraissant la solution la plus judicieuse. J'ajoute que l'on pourrait tout à fait « lisser » la charge financière dans le temps, en commençant par une mensualisation des seules pensions dépassant un plafond : par exemple, 2 000 francs mensuels.
J'en viens à la deuxième question, la création d'une véritable branche accidents du travail pour les exploitants agricoles.
Là aussi, le constat est - je crois - unanimement partagé : le système mis en place par les lois de 1966 et de 1972 n'est plus satisfaisant. La réparation est insuffisante, la prévention est déficiente.
L'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale comprenait un article procédant à une réforme d'ampleur. Il a disparu au stade du projet de loi. Le Gouvernement nous a expliqué que l'article avait dû être « disjoint » à la suite de l'avis du Conseil d'Etat. Certes ! Ne disposant pas de l'avis du Conseil d'Etat, je me garderai bien de rentrer dans le débat juridique.
Le Gouvernement nous renvoie désormais au projet de loi de modernisation sociale... dont j'espère la discussion au Parlement moins hypothétique que celle des « DMOS » que le Gouvernement a annoncées depuis 1998...
Comme l'a dit M. le rapporteur spécial, le projet gouvernemental était perfectible. Certes, et je suis sûr que le débat parlementaire aurait permis d'améliorer ce texte.
En tout état de cause, monsieur le ministre, ce nouveau report est bien regrettable.
Sous réserve de ces observations, mais compte tenu de la nouvelle mesure de revalorisation des retraites qu'il comporte, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur le projet de BAPSA pour 2001.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 6 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 5 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen : 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. (Sourires.)
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour quinze minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'examen du projet de BAPSA pour 2001 nous permet de constater une nouvelle fois que ce budget souffre d'un profond déséquilibre démographique entre cotisants et retraités.
Il est toujours marqué par le problème récurrent de l'indigence des retraites agricoles et par l'exigence d'une revalorisation des prestations familiales ou maladie.
Cette situation pèse lourdement sur l'équilibre de chacune des branches. Par exemple, en ce qui concerne la branche vieillesse, les cotisations représentent moins de 12 % du montant des prestations.
Ce budget reste donc largement tributaire de recettes extérieures destinées à assurer son équilibre.
Sur un total de plus de 96 milliards de francs, 33 milliards de francs proviennent de recettes de TVA et 34 milliards de francs sont apportés par la contribution du régime général.
Enfin, la subvention d'équilibre issue du budget général s'élève cette année à 5,7 milliards de francs.
Que la solidarité nationale s'exprime en faveur du secteur de l'agriculture nous apparaît tout à fait logique. Les agriculteurs ont en effet à faire face à une situation doublement pénalisante : les retraités deviennent de plus en plus nombreux par rapport aux actifs et les revenus agricoles demeurent très insuffisants, du fait de la déflation de ces dernières années. Il est donc d'autant plus normal que la nation prenne en compte cette situation que la production agricole contribue largement, chacun le sait, à l'excédent de notre balance commerciale.
Dans le détail du chapitre du budget, observons que le problème essentiel est celui des retraites.
Malgré le plan pluriannuel 1997-2002 de relèvement des retraites les plus faibles que nous soutenons, le niveau des retraites agricoles reste bas. « Le compte n'y est pas encore ! », entend-on sur le terrain.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire remarquer que, par rapport à 1997, la croissance actuelle libère des marges de manoeuvre plus importantes.
Nous tenons aussi à attirer votre attention sur la situation des conjoints des chefs d'exploitation et des aides familiaux. La retraite minimale de ces personnes est inférieure de plus de 700 francs mensuels à celle que touchent les chefs d'exploitation. Pourtant, les femmes des exploitants ont fourni autant de travail sur l'exploitation que leur mari. Elles ont cotisé et validé les mêmes annuités. Il ne nous paraît donc pas très normal que, à l'heure où l'on parle de plus en plus d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les agricultrices retraitées demeurent des retraitées de seconde zone.
Toujours sur le chapitre des retraites agricoles, je souhaite aborder le problème du coefficient de minoration.
Les retraités agricoles qui justifient d'une durée de cotisation inférieure à trente-sept annuités et demie n'ont pas bénéficié au prorata des majorations successives de la retraite forfaitaire. Ceux qui peuvent justifier de moins de trente-deux annuités et demie de cotisation n'ont eu droit qu'à de faibles revalorisations.
Cette situation, qui pénalise tant de retraités agricoles, est due à l'application du coefficient de minoration institué par décret en 1997.
Nous attendons avec impatience le rapport du Gouvernement établi à partir de celui de M. Germinal Peiro, afin qu'un certain nombre de revendications puissent être satisfaites ; je pense non seulement aux plus faibles pensions, mais aussi à la mise en place d'un régime de retraites complémentaires obligatoires et d'une mensualiation des retraites.
Sous le bénéfice de ces quelques remarques, le groupe communiste républicain et citoyen votera le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 2001.
M. le président. La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de mon intervention relative au budget consacré à l'enseignement agricole, j'ai souhaité qu'à l'occasion de la réflexion qui est actuellement menée cet enseignement intègre le rôle multifonctionnel désormais dévolu à notre agriculture.
S'il faut préparer l'avenir, il est aussi nécessaire de montrer notre solidarité avec les générations qui ont contribué à rendre notre agriculture performante. Cette préoccupation est concrétisée car, même si le budget annexe des prestations sociales agricoles ne concerne pas uniquement les retraites, ces dernières représentent quand même 56,2 % de ses dépenses.
Rappelons que l'objectif de revalorisation des retraites agricoles - lesquelles sont, pour les non-salariés agricoles, les plus faibles de notre système de protection sociale - est inscrit dans l'article 1er de la loi d'orientation agricole. N'oublions pas non plus que la question des retraites agricoles concerne plus de 2,2 millions de personnes.
Dans un premier temps, j'évoquerai les points positifs de ce projet de loi de finances pour 2001 puis, dans un second, j'aborderai les sujets restant en suspens.
Le plan de revalorisation des retraites agricoles qui est conduit depuis 1997 a pour objectif, à son terme en 2002, d'amener les plus faibles retraites au niveau du minimum vieillesse pour une carrière complète. Conformément aux engagements, ce plan se poursuit et le budget 2001 en est la quatrième étape. Celle-ci engendre un coût supplémentaire de 1,24 milliard de francs - 1,6 milliard de francs en année pleine. Cumulé sur toutes ces années, ce plan représentera un effort national important de plusieurs milliards de francs.
Cette nouvelle hausse va permettre de porter le minimum mensuel de pension à 3 395 francs pour les chefs d'exploitation, cette pension n'étant plus ainsi qu'à 181 francs du minimum vieillesse, lequel s'élève à 3 576 francs. Rappelons qu'en 1997 cette pension était de 2 751 francs.
Le minimum mensuel de pension va être porté à 3 185 francs pour une personne veuve ; un effort plus important devra donc être fourni pour atteindre ce minimum vieillesse. Cette pension n'était que de 2 478 francs en 1997.
Le minimum mensuel de pension va être porté à 2 740 francs pour les conjoints et les aides familiaux, alors que la pension se montait à 1 587 francs en 1997.
Ces chiffres nous permettent de prendre conscience de l'effort qui a déjà été consenti et de celui qui nous reste à faire. Ce plan est très important, notamment au regard du changement des modes de vie dans le monde rural. Ce dernier se caractérisait par une solidarité entre les générations qui permettait d'atténuer les conséquences des faibles pensions versées. Désormais, le manque de moyens accroît l'isolement.
Si le budget qui nous est présenté va, je le répète, dans le bon sens, il s'avère nénamoins que des décisions importantes pour le régime social agricole demeurent en suspens. J'en évoquerai ici brièvement trois : la mensualisation des pensions, la retraite complémentaire obligatoire et le coefficent de minoration.
Actuellement, les pensions agricoles sont versées par trimestre, ce qui, compte tenu de leur faiblesse, complique notablement la vie quotidiennne des bénéficiaires. Depuis longtemps, la mensualisation est réclamée à juste titre. L'obstacle majeur était jusqu'à présent le coût de trésorerie engendré par une telle réforme, lequel ne porterait d'ailleurs que sur la première année. Il a été évalué à 7 milliards de francs. Je me réjouis que la Mutualité sociale agricole soit prête à faire un emprunt pour lisser sur plusieurs annnées les conséquences de cette réforme, le coût final de cette opération, de 250 millions de francs par an, étant pris en charge par l'Etat. Je suis satisfait de constater, monsieur le ministre, que vous souhaitez voir aboutir favorablement ce dossier et que vous avez pris l'engagement d'y travailler.
En ce qui concerne la mise en place d'un régime complémentaire par répartition, la profession agricole étant la seule à ne pas en bénéficier, j'ai pris note de l'accord de principe que vous avez donné le 24 octobre dernier, ainsi que de celui des différents organismes concernés : FNSEA, Confédération paysanne, MSA, APCA... Mais, au-delà de cette volonté, un tel projet soulève de très nombreuses questions. Quelles seront les personnes bénéficiaires, les conditions pour en bénéficier ou encore à combien s'élèvera la participation de l'Etat ?
Enfin, j'évoquerai très brièvement la question du seuil permettant de bénéficier des revalorisations programmées. Il est, sans doute à juste titre pour une plus grande équité sociale, réclamé un abaissement de ce seuil de 32,5 années pour les polypensionnés à 27,5 années, comme cela a été fait l'an passé pour les monopensionnés.
Devant toutes ces questions, auxquelles il faut notamment ajouter la création d'une nouvelle branche, celle des accidents du travail des exploitants agricoles - la couverture étant acutellement très insuffisante -, certains ont évoqué une nouvelle loi sociale agricole pour le printemps 2001.
Compte tenu de l'urgence de ces questions, il me semble que cette idée est intéressante sur le principe. Au même titre que les mesures prises par le Gouvernement depuis 1997, elle conduirait à améliorer notablement les conditions de vie des retraités agricoles, qui ont largement contribué au développement de notre pays et qui méritent, à cet égard, une reconnaissance et une solidarité particulières.
Monsieur le ministre, comme vous vous en doutez, le groupe socialiste approuvera ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Quelle surprise !
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles s'élèvera, en 2001, hors restitution de TVA, à un peu plus de 90 milliards de francs, soit une progression de 1,5 % par rapport à la loi de finances pour 2000.
Les dépenses d'assurance vieillesse en constituent, comme chaque année, le principal poste de dépenses et posent, avec plus de 50 milliards de francs, la question lancinante du niveau des retraites agricoles.
Le Gouvernement a engagé, en 1997, un plan pluriannuel de revalorisation des petites retraites agricoles qui vise à porter, en 2002, le minimum des pensions de retraite, pour une carrière pleine, au niveau du minimum vieillesse.
La loi de finances pour 2001 majore donc les pensions de retraite et porte les minima à 3 395 francs par mois pour les chefs d'exploitation, à 3 185 francs par mois pour les personnes veuves et à 2 740 francs par mois pour les conjoints.
Ces mesures sont réellement insuffisantes ; il est impératif d'atteindre l'objectif d'une retraite minimale équivalente à 75 % du SMIC pour les anciens chefs d'exploitation. Cette réévaluation doit profiter en priorité aux retraités agricoles « monopensionnés ».
Une amélioration de toutes les retraites, quel que soit leur niveau - en retenant les meilleures années de cotisation, comme pour les autres régimes -, est absolument nécessaire.
Par ailleurs, deux réformes essentielles pour les agriculteurs demeurent en souffrance. Il s'agit, d'une part, de la mise en place d'un régime de retraite complémentaire obligatoire, par répartition, pouvant bénéficier également aux actuels retraités et, d'autre part, de la mensualisation des retraites agricoles. Fût-ce d'une manière progressive et limitée aux retraites, dont le montant le justifierait, la mensualisation des pensions paraît d'autant plus nécessaire que le régime agricole est le dernier à ne pas l'avoir mise en place.
Pourquoi les retraités de l'agriculture ne pourraient-ils pas bénéficier, comme les salariés, les commerçants et les artisans, d'un versement mensuel de leur pension de retraite ?
Enfin, le rapporteur de la commission des affaires sociales a insisté sur l'importance de la redéfinition d'une branche accident du travail et donc de la création d'un nouveau risque accident du travail pour les agriculteurs. Monsieur le ministre, où en est-on sur ce point ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, je limiterai mon propos à quelques précisions.
Je voudrais dire d'abord à M. le rapporteur spécial de la commission des finances que le BAPSA pour 2000 se soldera par un déficit prévisionnel de l'ordre de 2,9 %, soit 2,5 milliards de francs sur un budget de 90 milliards de francs grosso modo ! Ce déficit peut vous paraître considérable, mais les maires et les présidents de conseil général présents dans cet hémicycle parviennent-ils systématiquement, dans la gestion du budget prévisionnel de leur collectivité locale, à un ajustement plus réduit que celui-là ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Ma question n'était pas celle-là !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Nous pouvons sûrement améliorer les choses en termes de prévisions, mais l'ordre de grandeur de ce déficit n'est pas aussi choquant que cela !
Vous m'avez également demandé pourquoi il était couvert pour partie en loi de finances rectificative par une augmentation de la subvention de 2,21 milliards de francs et, d'autre part, par un excédent de la contribution sociale de solidarité des sociétés de l'ordre de 350 millions de francs. Peut-être serez-vous un jour ministre des finances, monsieur le rapporteur spécial. Compte tenu de vos engagements personnels, je vous le souhaite, compte tenu de nos engagements politiques, je souhaite que ce soit le plus tard possible ! (Rires.)
Quand vous aurez à équilibrer un budget, vous verrez que l'on essaie de répartir les charges harmonieusement sur différents modes de financement. En tout état de cause, cette question ne me paraît pas fondamentale dans ce débat.
Je voudrais revenir sur deux points : d'une part, les allégements de charges et, d'autre part, les retraites.
Ce BAPSA prévoit des allégements de charges sociales, conformément à l'engagement pris par le Gouvernement voilà un peu plus d'un an. Il avait en effet alors indiqué aux organisations professionnelles qu'il allait confier un rapport sur les charges fiscales à Mme Marre ainsi qu'un rapport sur les charges sociales à M. Cahuzac et qu'il en tirerait des leçons dans la loi de finances pour 2001. C'est fait pour les mesures recommandées par Mme Marre ; nous en avons parlé tout à l'heure. Quant aux mesures proposées par M. Cahuzac en matière de charges sociales, elles figurent dans la loi de financement de la sécurité sociale ou dans le BAPSA. Je rappelle que les allégements de charges sociales prévus dans le BAPSA se chiffrent à environ 150 millions de francs, ce qui n'est pas totalement négligeable.
En ce qui concerne les retraites, je précise d'abord que le rapport du Gouvernement, prolongement naturel du rapport établi par M. Germinal Peiro, député de la Dordogne, sera disponible dans les tout prochains jours.
Par ailleurs, 2001 est la quatrième année du plan pluriannuel de revalorisation des retraites agricoles. De ce point de vue, les engagements du Gouvernement sont scrupuleusement tenus. Cette quatrième étape conduit à une revalorisation du BAPSA de 1,2 milliard de francs, correspondant à 1,6 milliard de francs en année pleine. Le rythme est donc conforme aux engagements pris.
Je rappelle que ce plan quinquennal, qui s'achèvera à la fin de la législature, vise à amener l'ensemble des petites retraites au niveau des minima sociaux.
A l'issue du plan, nous devrons passer à l'étape suivante. Autrement dit, la question qui se pose aujourd'hui à nous est celle de savoir quel prolongement il conviendra de donner à ce plan de revalorisation.
Je le dis depuis deux ou trois ans, à mes yeux, le prolongement logique, c'est l'institution d'un régime de retraite obligatoire par répartition.
Je suis désormais autorisé par M. le Premier ministre, après discussion interministérielle, à travailler dans cette direction, le principe étant maintenant acquis.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la mensualisation, qui est une belle idée.
Nous mesurons tous le coût d'une telle mesure : plus de 8 milliards de francs. Certes, c'est un fusil à un coup, puisque cela ne pèse que sur un exercice, mais c'est tout de même un gros coup !
Je n'imaginais pas que, même si cela correspondait à une priorité sociale, pareille dépense pourrait être acceptée sans difficulté.
Il est vrai que la proposition de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole, impliquant un emprunt assorti de frais financiers beaucoup moins importants - de 200 millions à 250 millions de francs - fait que le problème se pose en des termes nouveaux. Elle me paraît intéressante et je vais l'étudier.
Bien entendu, s'il s'avère qu'il est possible d'aller dans ce sens - peut-être pas pour l'ensemble des retraites agricoles, mais quelques retraites ciblées pourraient être traitées en priorité - nous le ferons.
En tout cas, cette proposition, comme tout ce que propose l'équipe dirigeante de la MSA, est sérieuse et raisonnable. J'essaierai donc d'y donner suite.
Monsieur le président, je me suis efforcé de répondre de la manière la plus concise possible aux différentes interventions sur le BAPSA.
M. le président. Je vous félicite, monsieur le ministre, pour cette performance !
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles et figurant aux articles 35 et 36 du projet de loi.

Services votés

M. le président. « Crédits : 95 165 980 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 35 au titre des services votés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. « II. - Crédits : 1 055 020 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits inscrits au paragraphe II de l'article 36 au titre des mesures nouvelles.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des prestations sociales agricoles.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heure quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heure quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

5

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 7 décembre 2000, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

6

LOI DE FINANCES POUR 2001

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de la défense.
La parole est à M. Blin, rapporteur spécial.

Défense

M. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est proposé ce soir comporte un certain nombre d'éléments positifs qu'il convient de souligner.
La professionnalisation qui a été engagée en 1996 se poursuit. C'est une révolution, le mot n'est pas trop fort. L'orientation européenne de notre politique de défense se confirme. La force européenne de réaction rapide devrait voir le jour en 2003. Le calendrier paraît un peu serré. Il s'agit, vous le savez, de soixante mille hommes envoyés loin du territoire national pendant un an. C'est aussi une révolution.
La coopération européenne en matière d'armement se poursuit également. Je citerai rapidement le missile Météor, préféré par les Anglais à son concurrent américain, mais aussi les frégates Horizon et la défection de la Grande-Bretagne, les hélicoptères NH 90 et Tigre, et les hésitations allemandes. L'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR, se voit confier pour la première fois des responsabilités en matière de recherche. Enfin, le nouvel avion de transport futur, l'A 400 M est doté, dans le collectif que nous examinerons bientôt, de 20 milliards de francs sur les 40 milliards de francs que coûte l'ensemble du programme. Cela est tout à fait positif.
En revanche - c'est un détail, mais il a son importance - j'ai constaté que, dans le cadre du programme de simulation qui remplace les expérimentations en vraie grandeur du Pacifique et qui est confié à la direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, il y a avait une diminution de crédits sur ce projet sensible qu'est le laser Mégajoule. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en dire un peu plus sur ce sujet ?
Enfin, d'autres points sont intéressants. Le niveau d'activité de nos forces se redresse. Les crédits consacrés à l'espace remontent après une chute sensible en 2000. Le litige sur les M 51 entre la Direction générale pour l'armement, la DGA, et AEDS est en voie de règlement, semble-t-il. La réduction du coût d'intervention de la DGA est en bonne voie : il s'agissait, vous vous le rappelez, de réaliser une économie de 30 % en six ans et l'on devrait atteindre bientôt une baisse de 23 %, à condition, soulignons-le, qu'il ne s'agisse pas d'un simple étalement des programmes, car cet étalement coûte beaucoup plus cher qu'on ne le pense. Les crédits pour le renseignement augmentent : Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, Direction de renseignement militaire, la DRM, Direction de la surveillance du territoire, la DST. L'association de la Direction des constructions navales, la DCN, avec Thomson est opportune. Malheureusement, comment ne pas le dire, la situation du GIAT, reste critique : sa recapitalisation aura coûté, aujourd'hui, 18 milliards de francs, soit à peu près le prix d'un porte-avions nucléaire. Enfin, les moyens de la gendarmerie sont accrus.
Pour toutes ces raisons, certains ont pu parler d'un budget « globalement » positif. En réalité, mes chers collègues, si l'on rapproche - c'est le rôle de la commission des finances - les ambitions formulées, à savoir la création d'une armée professionnelle et la mise en place d'une défense proprement européenne, et, en face, les moyens financiers qui leur sont affectés, la situation, je regrette de le dire, est loin d'être satisfaisante.
Je vous citerai quelques chiffres, mais je n'en abuserai pas.
Rapportées au PIB, les dépenses militaires représentaient, en 1996, 2,41 % ; elles s'élèvent aujourd'hui à 1,96 %, et ont connu en dix ans, une chute de 15 % en francs constants. Dans le présent budget, les budgets civils augmentent de 0,4 % en francs constants. Le budget militaire régresse de 0,72 %, toujours en francs constants.
Depuis 1990, la relation titre III-titre V s'est très exactement inversée : les crédits d'équipement ont régressé de 57 % à 43 % et, inversement, les crédits en personnels sont passés de 44 % à 57 %.
Enfin, et ce n'est pas le moindre, les crédits de recherche hors budget civil de recherche et de développement technologique, le BCRD, régresseront l'année prochaine de 4,5 %, alors - faut-il le rappeler ? - qu'ils augmentent aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
Dès lors, mes chers collègues, nous sommes confrontés à deux paradoxes. D'une part, dans une armée professionnelle, en bonne logique, la part de l'équipement devrait augmenter. Or, aujourd'hui, elle diminue.
D'autre part, alors que la croissance et les ressources fiscales augmentent, le budget des armées, je regrette de le dire, paraît étriqué : il stagne ou il régresse.
Face aux crédits consacrés à la fonction publique civile, la fonction militaire, disons-le, n'est décidément pas prioritaire. Pourquoi ? C'est une question que nous devons vous poser, monsieur le ministre, ainsi qu'à beaucoup d'autres.
Je laisserai à mon collègue François Trucy le soin de traiter le titre III et m'attacherai au titre V.
Je me contenterai de formuler une observation. Une armée professionnelle supportera demain de plein fouet la concurrence de la société civile, en particulier en matière d'emploi : elle doit attirer les meilleurs, s'assurer de leur fidélité, prévoir leur renouvellement. La nôtre en sera-t-elle capable ? Ce sera le grand défi de la prochaine loi de programmation. A l'heure où nous sommes, il n'est pas du tout sûr qu'il soit relevé.
Enfin, la chute des crédits du titre V se poursuit : dans la loi de programmation initiale, ils s'élevaient à 90,3 milliards de francs ; après la révision des programmes, ils ont été ramenés à 86,9 milliards de francs - c'était en 1998. Puis vint « l'encoche » de 1999 : le Sénat, souvenez-vous en, avait alors voté le budget sous une condition, à savoir l'engagement du Gouvernement de maintenir les crédits à 85 milliards de francs, soit, en francs constants d'aujourd'hui, 86,9 milliards de francs en 2001. Or, l'an prochain, les autorisations de programme ne s'élèveront qu'à 83,4 milliards de francs et les crédits de paiement à 82,7 milliards de francs.
Vous nous objecterez, monsieur le ministre - vous l'avez dit et vous l'avez écrit - qu'il ne faut proposer que des crédits susceptibles d'être consommés. C'est le bon sens même ! Or la Cour des comptes a relevé en 1999, dernier budget connu, que nous avions voté 86 milliards de francs, mais que seuls 69 milliards de francs, hors BCRD et dotation au CEA, avaient été consommés. Pourquoi ? Nous voudrions savoir ce qu'il en très exactement car, à ce rythme, à la fin de l'année 2002, il y aurait un an et demi de retard sur la programmation initiale.
Tout cela se paye d'un retard dans l'exécution des programmes ; le rapport au Parlement sur l'exécution de la loi de programmation d'octobre 2000 en témoigne. Je citerai quelques exemples.
Fin 2001, 294 Rafale devraient être livrés : fin 1999, 49 ont été commandés et un seul a été livré. Il est prévu 406 chars Leclerc : fin 1999, 310 ont été commandés et 186 livrés dont 17, les premiers, sont impropres à l'activité militaire et sans doute voués à la « cannibalisation ». En matière d'hélicoptères, nous devrons avoir 95 NH 90 : 27 sont commandés et pas un seul livré. Quant aux Tigre, nous en prévoyons 120 : fin 1999, 80 ont été commandés et aucun n'a été livré.
Il s'ensuit un vieillissement inquiétant du matériel et surtout une rupture, certaine maintenant, à prévoir en matière d'équipement entre 2005 et 2012.
Le Rafale, faut-il le dire, aura nécessité seize ans pour naître. Or le coût de ce retard est impressionnant. Aujourd'hui se fait jour un décalage entre l'appareil tel qu'il fut conçu voilà presque deux décennies et la demande qui s'exprime à son endroit et que l'on ne pourra satisfaire qu'en modernisant l'avion. A quel coût ?
Le porte-avions Charles-de-Gaulle aura connu, lui aussi, de longues années de mûrissement. Il supporte aujourd'hui une avarie grave. Monsieur le ministre, quels effets cette avarie risque-t-elle d'avoir sur sa présence à la mer ?
Certains Transall - pas tous, mais beaucoup d'entre eux - ont près de quarante ans d'âge. Les hélicoptères Puma sont presque à bout de souffle. On retrouvera cette rupture au niveau des frégates Horizon et du véhicule blindé de combat d'infanterie, le VBCI. Dans le même temps - je me l'explique mal, monsieur le ministre, mais vous allez nous éclairer - les crédits d'entretien diminuent.
Vous nous direz que la structure intégrée de maintien en conditions opérationnelles des matériels aéronautiques de la défense, la SIMMAD, a été mise en place. Le soutien à la flotte l'accompagne. Mais leurs effets ne seront sensibles que dans deux ans. Qu'en sera-t-il d'ici là ? Par conséquent, la disponibilité des matériels n'est pas ce qu'elle devrait être ; elle régresse pour certains d'entre eux.
Enfin, et ce sera mon dernier point, l'écart se creuse entre la France et la Grande-Bretagne. Je vous renvoie sur ce point à mon rapport écrit. Je ne prendrai qu'un simple exemple, celui de la marine : en 1999, ses crédits ont été amputés, comme d'ailleurs ceux de l'espace, pour financer le lancement de l'hélicoptère NH 90.
Certes, en 2001, les autorisations de programme repassent de 19 milliards de francs à 22 milliards de francs. Mais il est bien tard, comme les chiffres en témoignent.
S'agissant des bâtiments de défense aérienne, la France disposera demain de deux frégates Horizon, alors qu'au même moment la Grande-Bretagne aura douze bâtiments éauivalents. Et ces frégates Horizon ne seront mises en service actif qu'au début de 2006.
Quant aux bâtiments de surface, si les chiffres qui m'ont été soumis sont exacts - et je crois qu'ils le sont - la France en aura huit et la Grande-Bretagne vingt-huit.
Ce décalage se retrouve dans la différence entre les crédits d'équipements assumés par chacun des pays. L'année prochaine, la Grande-Bretagne consacrera 100 milliards de francs à ses équipements militaires ; la France, 82 milliards de francs. Et j'ose à peine parler de l'Allemagne, qui dépassera difficilement les 40 milliards de francs.
Je conclurai sur cinq questions :
Premièrement, pourquoi, monsieur le ministre, la défense est-elle aussi médiocrement traitée ?
Deuxièmement, pouvons-nous prendre le risque de laisser se creuser l'écart entre la France et la Grande-Bretagne, laquelle manifeste ouvertement sa volonté de dominer demain la défense européenne ? Et ce risque est aggravé par le déclin de l'effort de l'Allemagne en matière d'armement.
Troisièmement, comment espérer que l'Europe acquière jamais son autonomie face aux Etats-Unis quand ceux-ci dépensent en équipement 36 000 dollars par soldat, soit très exactement trois fois plus qu'elle ?
Quatrièmement, qu'en sera-t-il de la loi de programmation 2003-2008, années non plus de développement, comme c'est aujourd'hui le cas, mais de fabrication des équipements ? Verra-t-elle seulement le jour ? Chacun sait que le ministère des finances n'y est pas fondamentalement favorable, c'est le moins qu'on puisse dire. Le Parlement devrait être associé à sa préparation.
Monsieur le ministre, je vous livre une idée ; elle vaut ce qu'elle vaut, mais je crois qu'elle a son prix : je suggère que le titre V, c'est-à-dire l'investissement en matériel, soit « sanctuarisé ». Ce n'est qu'à ce prix qu'il cessera de servir, comme ce fut le cas depuis de nombreuses années - et cela a précédé votre venue au ministère, je le sais bien - de variable d'ajustement du budget général.
Cinquièmement, ne peut-on craindre - et cette question est sans doute la plus délicate de toutes - que l'armée professionnelle, faute de recrutement et d'équipement en nombre et en qualité suffisants, tant en hommes qu'en matériel, ne se vide pour ainsi dire de l'intérieur sous l'effet d'une sorte d'hémorragie silencieuse ? Bien évidemment, les militaires ne manifestent pas. Ils ne descendent pas dans les rues mais ils souffrent et se taisent. Leur manière de ne pas se satisfaire de la situation qui leur est faite sera de rester le long du chemin. Les jeunes ne rejoindront pas cette armée qui a longtemps représenté pour eux une destination d'élite.
Telles sont, monsieur le ministre, les graves questions que la commission des finances, après l'étude attentive de votre budget, a été conduite à se poser. C'est parce qu'elles sont aujourd'hui sans réponses qu'elle ne peut, mes chers collègues, pas plus que l'année dernière - et cette décision peut coûter - vous en recommander l'adoption. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation pour les dépenses ordinaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dépenses ordinaires du budget de la défense proposé pour 2001 s'élèveront à 105,5 milliards de francs, dont 85 milliards de francs de rémunérations et de charges sociales. Les effectifs budgétaires s'établiront à moins de 450 000 emplois budgétaires.
Cela représente une progression de 0,9 % en francs courants, à rapprocher des 2,3 % accordés aux dépenses de fonctionnement des budgets civils et du taux d'inflation prévu, soit déjà 1,6 % en 2000. Par conséquent, le budget est en régression en francs constants.
Je souhaite, monsieur le ministre, saluer à mon tour, après M. Blin et sans doute avant d'autres rapporteurs, l'ampleur, la portée et la réussite de la considérable réforme administrative conduite par vous et, en partie, par votre prédécesseur, au titre de la professionnalisation de nos armées.
Vous vous êtes totalement investi dans cette réforme exceptionnelle. Mais il est possible d'être un bon ministre et d'avoir un mauvais budget.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Eh oui !
M. François Trucy, rapporteur spécial. Les observations que je formulerai vous irriteront sans aucun doute. J'espère cependant que vous leur prêterez attention.
Mon analyse critique conduira en effet à mesurer les limites et les risques inhérents à la situation atteinte aujourd'hui.
Selon le Gouvernement, le projet de budget militaire pour 2001, dans son titre III, garantit « globalement » la réussite du modèle de professionnalisation arrêté en 1996 et intégré dans la loi de programmation.
En réalité, le niveau des effectifs atteint aujourd'hui se rapproche de la prévision mais son coût est beaucoup plus élevé que prévu. La réforme me paraît reposer, en outre, sur des déséquilibres catégoriels qui risquent de s'accroître, au détriment de la professionnalisation.
La réduction des effectifs pèse d'abord plus lourdement que prévu sur les officiers et les sous-officiers.
Ainsi, pour les deux exercices 2000 et 2001, pour 6 658 suppressions d'emplois envisagées, 7 402 ont été effectivement réalisées. Comme, parallèlement, la part relative des militaires du rang s'est accrue plus que prévu - 1 600 créations effectives contre 15 600 prévues - on risque d'évoluer vers un sous-encadrement et vers une détérioration de la qualité des effectifs, contraire aux objectifs affirmés de la loi de programmation.
Cette diminution du nombre des sous-officiers s'accompagne, en outre, d'un rajeunissement des cadres, que votre ministère présente comme « conforme aux normes d'une armée professionnelle », mais qui repose, nous le savons, sur des considérations purement budgétaires, dès lors que le rajeunissement coûte moins cher.
Cela posera, assez rapidement, le problème de la coexistence de cadres militaires rajeunis avec des personnels civils plus anciens, parce que non soumis à des impératifs de mobilité et de départ précoce.
Ensuite, le recrutement des militaires du rang, enjeu essentiel et principale difficulté des armées professionnalisées, suscite aujourd'hui de réelles inquiétudes.
Plusieurs facteurs pèseront rapidement sur le volume et la qualité du recrutement au sein des armées, et surtout sur la capacité de celles-ci à « conserver », à fidéliser leur ressource : la reprise économique et celle du marché du travail, l'application des 35 heures sur le marché privé et sa transposition à la fonction publique civile, en regard des lourdes contraintes propres au métier militaire, et l'insuffisance évidente, en l'état actuel, des « avantages annexes » "tels qu'on les définit" proposés, en particulier pour ce qui concerne les capacités, les aides au logement et les avantages familiaux, lesquels sont très en retard.
Enfin, les prévisions faites en matière de recrutement de personnels civils sont clairement infirmées par la réalité.
Sur les 3 867 emplois nouveaux prévus sur 2000-2001 par la loi de programmation, l'armée a dû accepter d'en supprimer 651. Le déficit en personnels civils prend désormais une ampleur inquiétante. Il oblige, en particulier, à faire assumer une part croissante des tâches civiles par les personnels militaires, ce qui est dissuasif pour le recrutement, va à l'encontre de la notion de « professionnalisation » et compromet le renouvellement des contrats.
Au total, le projet de loi de finances pour 2001 accentue la réduction d'effectifs prévue par la loi de programmation militaire. De fait, monsieur le ministre, certains secteurs, comme le service de santé, les ingénieurs de l'armement, les informaticiens et les atomiciens connaissent aujourd'hui des difficultés de recrutement réellement préoccupantes. Je sais que vous avez prévu des mesures pour les deux premières catégories. Mais seront-elles suffisantes pour enrayer la tendance ?
Deuxièmement, la progression des dépenses de rémunérations et de charges sociales depuis 1996 se poursuit dans le budget pour 2001. Ce n'est pas une critique ; c'est une constatation. Mais elle a des conséquences.
De fait, le niveau d'exécution du titre III, depuis 1995, est systématiquement supérieur au montant des crédits inscrits en loi de finances initiale.
Avec près de 85 milliards de francs, les dépenses de rémunérations et de charges sociales pour 2001 représentent désormais plus de 80 % du titre III, soit près de la moitié du budget militaire.
En exécution, de 1996 à 1999, les dépenses de rémunérations auront progressé de plus de 8 %, celles des charges sociales de près de 17 %, tandis que les crédits de fonctionnement courant auront diminué de 20 %.
Certes, plusieurs facteurs, de nature différente et indépendants de votre volonté, concourent à cette évolution.
Toutefois, il est clair que l'incidence financière de la professionnalisation n'a jamais été évaluée à sa juste mesure et qu'il faut tenir compte de cette notion pour la future loi de programmation.
Si la professionnalisation s'accompagne d'une baisse des effectifs, les professionnels, même moins nombreux que les appelés, coûtent beaucoup plus cher.
Surtout, ce qui nous paraît grave, c'est que cette progression des dépenses de rémunérations et de charges sociales se fait à enveloppe fermée, au détriment des crédits de fonctionnement courant et d'entretien, et donc in fine de la capacité opérationnelle des armées françaises.
La diminution de 20 % en trois ans des dépenses d'entretien et de fonctionnement courant se traduit - je vous prie de le croire car je l'ai constaté sur place au cours des différentes visites que j'ai effectuées sur le terrain - par l'incapacité d'entretenir le matériel de façon correcte, par l'insuffisance croissante des pièces de rechanges, et in fine par la détérioration constante de la capacité opérationnelle de l'armée française : chars Leclerc, hélicoptères, bâtiments de la marine nationale immobilisés.
Il est de notoriété publique que, pendant la première moitié de l'actuelle loi de programmation, les crédits de fonctionnement ont chaque année servi de variable d'ajustement au sein du titre III - M. Blin en parlait dans les mêmes termes - et ont financé la hausse des crédits de rémunérations et de charges sociales.
Certes, il faut vous en donner acte, cette tendance est partiellement enrayée depuis la loi de finances initiale pour 2000, mais nous serons particulièrement attentifs aux conditions d'exécution budgétaire définitive, qui, nous devons le reconnaître, s'écartent quasiment chaque année des prévisions initiales. Dans ce domaine, la très faible reprise ainsi amorcée ne suffit en aucun cas à pallier les effets du retard accumulé depuis trois ans et l'augmentation des crédits affichée pour 2001 n'améliore pas sensiblement les moyens.
Ainsi, la dotation « carburants », qui s'élève à 2 970 millions de francs, soit une hausse de près de 700 millions de francs, dans le projet de loi de finances est fondée sur des hypothèses d'ores et déjà dépassées : baril de pétrole à 20 dollars et dollar à 6,50 francs, soit une sous-estimation de plus de 70 % du prix du baril actuel exprimé en francs ; cela impliquera nécessairement d'importants abondements en cours d'exercice.
N'avez-vous pas dû, en 2000, obtenir près de 900 millions de francs de crédits supplémentaires ? Dans ce domaine, ce n'est plus de la prévision, le ministère joue l'impasse. Le prix du pétrole ne reviendra sans doute jamais plus au niveau que nous avons connu, l'OPEP, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, y veille.
De même, les crédits consacrés aux activités des forces restent modestes et, surtout, inférieurs aux besoins.
L'amélioration annoncée ne permettra pas de combler les écarts - désormais importants - avec l'armée britannique - M. Blin a suffisamment insisté sur ce point mais nous travaillons tous en termes de comparaisons et quand on parle de l'Europe, il faut bien faire des comparaisons - 81 jours de sortie en moyenne pour l'armée de terre française, contre 110 à 150 jours pour les Britanniques ; 90 jours de sortie en mer, contre 150 ; 181 heures de vol pour les pilotes de combat, contre 211.
En tout état de cause, l'effort promis à ce titre ne fera-t-il pas long feu, dans la mesure où le dispositif nouveau annoncé pour 200 millions de francs l'est « à titre non reconductible » à hauteur de 150 millions de francs ?
S'agissant de l'« externalisation », on pourra s'étonner du fait que cette démarche, pourtant qualifiée de « prometteuse », semble déjà marquer le pas : 216 milions de francs de mesures nouvelles en 2000, la moitié seulement - 104 millions de francs - en 2001. En outre, ces « mesures nouvelles » n'en sont pas véritablement à nos yeux puisqu'elles sont gagées par des gels d'emplois militaires pour un montant équivalent. Il paraît en tout cas souhaitable - et vous l'avez certainement demandé, monsieur le ministre - avant de poursuivre cette expérience, d'ailleurs plus avancée chez nos partenaires allemand et britannique, de procéder à une analyse comparative détaillée des fonctions ainsi exercées, et de s'assurer de la sécurité juridique et financière des activités sous-traitées. Ces éléments permettront sans doute de définir une politique d'externalisation véritable et pérenne.
Au total, il est impossible de conclure, dans ce budget, à une réelle amélioration des moyens de fonctionnement et d'entretien. Les retards accumulés depuis 1996 persistent. Il en résulte que cette évolution risque de disqualifier cette réussite « globale » de la professionnalisation française, que nous reconnaissons. Je rappellerai à nouveau qu'en 1999 le montant des moyens de fonctionnement par militaire français était deux fois moindre qu'au Royaume-Uni et, M. Blin l'a dit, près de trois fois inférieur au niveau américain.
Je souhaiterais, en conclusion, vous faire part de mes interrogations sur la charge croissante des missions de service public assurées quasiment sans relâche par nos militaires et sur l'insuffisance de la prévision budgétaire pour les OPEX, les opérations extérieures.
Opération POLMAR, plan de lutte contre les pollutions marines - 180 millions de francs - et suites du naufrage de l' Erika , opération ORSEC, organisation des secours - 75 millions de francs - liée aux tempêtes de la fin décembre 1999, naufrage de l' Ievoli Sun voilà quelques semaines, ces missions finissent nécessairement par s'effectuer au détriment des tâches strictement militaires et ne nous paraissent pas conformes, à ce niveau-là, à la notion d'armée professionnelle.
L'armée rend incontestablement des services. Elle le fait dans de parfaites conditions et avec une immense bonne volonté, mais ce n'est tout de même pas sa première tâche. En tout état de cause, ces sommes doivent faire l'objet d'un remboursement spécifique. Monsieur le ministre, sera-t-il effectué ? Elles ne doivent pas trop obérer ni la formation, ni l'entraînement, ni les conditions de vie familiale des militaires.
Enfin, à quoi rime, dans ce budget de la défense, de faire systématiquement l'impasse - je suis un peu brutal dans mon expression - sur l'essentiel des crédits destinés aux opérations extérieures ?
Pour le titre III, le surcoût lié à ces opérations a été, en 1999, de 4 563 millions de francs ; en 2000, il est estimé à 3 368 millions de francs. En 2000, vous avez dû dégager 2 016 millions de francs dans le collectif.
Ne pas inscrire un crédit au moins provisoire pour des opérations dont plusieurs sont maintenues depuis des années et que l'on connait pas coeur, d'une part, fait prendre au budget de la défense le risque des incertitudes de toute loi de finances rectificative - c'est toujours un pari - et, d'autre part, ne donne pas à ce budget un visage sincère.
Au total, monsieur le ministre, si nous saluons très sincèrement la performance accomplie avec la professionnalisation, par vous et par votre entourage, nous avons néanmoins le sentiment d'arriver, en fin de programmation, à un niveau d'effectifs inférieur à la prévision, un peu plus jeunes, moins « civilisés » - en ce sens qu'ils ont moins de tâches civiles que prévu et pourtant plus coûteux. Mais ce n'est pas le plus grave.
Ces effectifs ne disposent pas de moyens de fonctionnement à la hauteur, précisément, d'une armée professionnelle ; nous espérons vous en avoir convaincu.
A l'heure où la défense européenne a franchi, grâce à vous notamment, des étapes considérables, nous ne souhaitons pas voir nos armées rester sur le bord du chemin, et nous ne voulons pas voir la professionnalisation, unanimement décidée, marquer le pas. C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission des finances a décidé de proposer au Sénat le rejet des crédits inscrits au titre III du budget de la défense.
Si vous le permettez, j'ajouterai un mot pour conclure, en soulignant que, pour le Gouvernement, il n'était pas vraiment très difficile de « boucler » financièrement le budget pour 2001. Dans ces conditions, alors que des sommes considérables sont affectées à des objectifs au caractère politique bien précis, il était possible de donner au titre III de ce budget de la défense quelques moyens supplémentaires qui auraient effacé les critiques que je viens de formuler. Il n'en a rien été. C'est dommage, grand dommage ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Villepin, rapporteur pour avis.
M. Xavier de Villepin, en remplacement de M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour le nucléaire, l'espace et les services communs. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser notre collègue Jean Faure qui, retenu, m'a demandé de le suppléer ce soir.
Sur l'ensemble très divers des crédits du nucléaire, de l'espace et des services communs, je m'en tiendrai à quatre observations principales.
Dans le domaine spatial, nous sommes préoccupés par la poursuite des programmes d'observation Hélios II et de télécommunications Syracuse III. Intégralement supporté par la France, faute de partenaire, leur financement sera-t-il assuré au cours des prochaines années, de manière à disposer aux échéances prévues des capacités correspondantes ?
Nous nous interrogeons aussi sur le degré réel d'engagement de l'Allemagne et de l'Italie dans les programmes d'observation radar qu'elles proposent de mettre à la disposition de l'Union européenne. Dans quelles conditions et à quelle échéance pourrait fonctionner un système européen autonome et complet d'observation spatiale, organisé autour d'Hélios II et des équipements radars italiens et allemands ?
S'agissant de la délégation générale pour l'armement, nous regrettons les difficultés persistantes de consommation des crédits d'équipement. Etes-vous parvenu, monsieur le ministre, à en identifier toutes les causes, et comment peut-on rapidement améliorer la situation ?
Une deuxième inquiétude concerne les dotations d'études en amont, qui ont diminué de 25 % depuis 1996 et qui seront simplement stabilisées en 2001. Il est indispensable d'inverser cette évolution qui nous rétrograde par rapport au Royaume-Uni et creuse l'écart, déjà considérable, avec les Etats-Unis.
Enfin, nous prenons acte de la lente évolution de la direction des constructions navales, la DCN, et de la constitution d'une société que vous connaissez tous, mes chers collègues, et qui a pour nom Thalès. Peut-on cependant espérer voir la DCN enfin dotée, en 2001, d'un statut plus adapté, lui permettant de conserver son rang dans la compétition commerciale internationale ?
Notre troisième observation concerne le service de santé des armées, dont la commission des affaires étrangères a souligné, en 1999, dans un rapport d'information, la situation difficile. Une prise de conscience semble enfin s'être opérée, avec un début de revalorisation de la carrière des médecins militaires.
Ces mesures sont malheureusement tardives et insuffisantes. Le sous-effectif en médecins s'aggrave, le recrutement sur titres est un échec, les départs de médecins militaires vers le secteur civil s'amplifient et la condition des personnels n'a pas suivi l'augmentation de la charge de travail, due, notamment, aux missions extérieures. C'est une action beaucoup plus vigoureuse qu'il faudra mener si nous voulons conserver dans nos armées un soutien médical de haute qualité, qui demeure une spécificité française.
Enfin, je terminerai par la dissuasion nucléaire. Avec 15,6 milliards de francs, les crédits consacrés au nucléaire enregistrent une nouvelle diminution et atteignent leur niveau historiquement le plus bas.
Nous souhaiterions des précisions sur l'accord intervenu avec les industriels sur le programme M51. Quel sera son surcoût pour la défense par rapport aux montants définis en 1998 ?
Nous constatons avec inquiétude que les crédits du nucléaire diminuent sensiblement plus vite que ne le prévoyait la loi de programmation.
Nous redoutons les conséquences, non visibles aujourd'hui, de cette érosion, qui n'a pas affecté les grands programmes mais qui pèse sur le financement de la recherche et la préparation de l'avenir.
Dans un domaine aussi complexe et sensible, il ne faudrait pas que cette tendance se prolonge, sous peine d'affecter insidieusement la qualité de nos capacités scientifiques et technologiques.
D'autre part, la période 2003-2008 exigera une remontée des crédits du nucléaire pour la réalisation d'équipements majeurs, en particulier pour les moyens de simulation. Nous pensons que la forte décrue opérée depuis 1997 ne nous place pas dans une situation optimale pour aborder la phase suivante de l'adaptation de l'outil de dissuasion. C'est pourquoi, tout en reconnaissant que les objectifs de modernisation définis en 1996 ne sont pas remis en cause, la commission demeurera extrêmement vigilante sur le sort qui sera réservé au financement de la dissuasion nucléaire dans la prochaine loi de programmation militaire.
En conclusion, malgré quelques motifs de satisfaction, les crédits relevant du nucléaire, de l'espace et des services communs souffrent du non-respect, pour la deuxième année consécutive, des engagements de stabilisation des crédits d'équipement pris en 1998, alors même que se renouvellent des opérations aussi contestables que la ponction sur le titre V, au titre du budget civil de recherche et développement.
Pour cet ensemble de raisons, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis défavorable sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Masson, rapporteur pour avis.
M. Paul Masson, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la section « Gendarmerie ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le bref temps qui m'est imparti, je voudrais aller à l'essentiel.
Je ne remplirais pas, ici, mon rôle de rapporteur pour avis de la gendarmerie si je ne vous disais pas ce soir qu'il y a dans l'arme une mauvaise humeur indéniable - même si nous n'en percevez pas, monsieur le ministre, et c'est normal, directement les effets -, voire un certain malaise. Je fais cette constatation sans la moindre humeur et sans la moindre polémique, mais je vous dois la vérité, tout au moins celle que je ressens.
Le premier sujet de préoccupation de l'arme concerne la répartition des effectifs et leur évolution à terme. Il faut apprécier ce problème au regard de l'accroissement des missions confiées à la gendarmerie depuis de nombreuses années.
L'arme se trouve de plus en plus impliquée, vous le savez parfaitement, monsieur le ministre, dans la sécurité des zones périurbaines. Aujourd'hui, les brigades en zones périurbaines ne réunissent que 39 % des effectifs, mais elles supportent la moitié du total des crimes et délits concernés par la gendarmerie. Ces chiffres nous donnent la mesure de l'effort qui reste à faire pour renforcer ces unités !
C'est un problème difficile, mais ce déséquilibre ne fera que croître, et nous ne pouvons pas passer à côté de cette très grave question d'effectifs.
On ne peut pas laisser croire que les seuls gendarmes adjoints permettront, à terme, de répondre à cette urgence ! Il faudra créer des postes de professionnels, et nous nous réjouissons, à cet égard, de la création de 1 500 emplois d'officiers, prévue sur trois ans.
Quelle sera l'orientation de la future loi de programmation ? Vous ne pourrez pas transiger sur ce point essentiel, même avec le ministère de l'économie et des finances !
La deuxième observation que je me permets de formuler ce soir a trait aux conditions actuelles d'exercice des missions de la gendarmerie.
Pour comprendre les raisons de l'inquiétude de l'arme, il faut considérer que la charge de travail de certaines gendarmeries va à l'encontre de l'évolution générale de la société dans ce domaine. L'évolution de la condition de la gendarmerie, telle qu'elle est perçue dans les unités, dans les brigades, va ainsi à rebours des tendances de la société.
Les personnels comme les familles s'en aperçoivent, et ils supportent de moins en moins bien, il faut le dire, les perturbations que le travail provoque sur la vie familiale.
Il n'est pas question d'appliquer la loi sur les 35 heures, qui n'est pas compatible avec le statut militaire, mais ces sujétions méritent de ne pas rester sans contrepartie. Il y va, je le crois, du caractère attractif du métier pour la génération à venir.
L'obtention d'une indemnité pour charge de travail a-t-elle une chance de se concrétiser dans un délai relativement rapproché ?
En troisième lieu, les divers besoins que je viens d'évoquer doivent s'apprécier dans un contexte de profonde transformation, dans les dix ans, des missions confiées à la gendarmerie. L'arme aura, en 2007 ou en 2010, des missions très différentes de celles qu'elle connaît aujourd'hui. L'implication croissante de la gendarmerie dans les zones périurbaines, en particulier, suppose non seulement un renforcement, mais aussi une adaptation considérable des méthodes d'action.
Dans cette perspective, les conditions de recrutement et de formation des fonctionnaires doivent naturellement retenir toute notre attention.
Inspirée par la volonté de rapprocher davantage la gendarmerie de la société, au contact de laquelle elle évolue, la réforme du recrutement des officiers, qui sera mise en oeuvre dès l'année prochaine, va dans le sens d'une diversification souhaitable de l'origine des cadres de l'arme.
Cette mutation profonde et, je crois, nécessaire, ne doit cependant pas affaiblir le lien que la gendarmerie a avec l'institution militaire, qui constitue l'un de ses atouts essentiels. Au moment où des voix s'élèvent, dans notre pays mais aussi dans certaines enceintes européennes, pour contester le caractère militaire des forces de sécurité, il nous paraît indispensable de réaffirmer tout l'intérêt, pour notre pays, de la spécificité du statut de la gendarmerie.
Je suis persuadé que vous pourrez, monsieur le ministre, dissiper ce soir les inquiétudes qui se sont manifestées à cet égard, ainsi que les rumeurs qui se multiplient sur ce thème dans certains syndicats de police.
Sans doute les crédits réservés à la gendarmerie progressent-ils de 2,6 % au sein du budget de la défense.
Sans doute les besoins seront-ils satisfaits en matière de fonctionnement.
Il convient cependant de rappeler qu'il ne s'agit que d'un rattrapage tout à fait justifié, après les dotations notamment insuffisantes des derniers budgets de la gendarmerie. Mais, monsieur le ministre, le budget de la défense forme un tout ! L'insuffisance manifeste des moyens des autres armées, exprimée avec force par mes excellents collègues rapporteurs, nous conduit à proposer, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées le rejet global de votre budget. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vinçon, rapporteur pour avis.
M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Forces terrestres ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des forces terrestres pour 2001 présente des caractéristiques très proches de celui de l'an passé.
Nous regrettons, tout d'abord, la remise en cause, pour la deuxième année consécutive, des engagements pris en 1998. Les dotations d'équipement de l'armée de terre sont nettement inférieures au niveau défini après la « revue de programmes », l'écart s'élevant à 1 milliard de francs pour les crédits de paiement et à 800 millions de francs pour les autorisations de programme.
Cette nouvelle érosion du titre V risque d'entraîner retards et surcoûts, alors que, par ailleurs, l'insuffisance persiste en matière de crédits d'études, d'infrastructures ou d'entretien programmé des matériels.
La disponibilité opérationnelle des matériels majeurs de l'armée de terre s'est gravement détériorée et se situe dix à quinze points au-dessous du niveau acceptable. Cette situation exigera un vigoureux effort de remise à niveau.
Ma deuxième observation porte sur le titre III, dont le niveau ne permet pas de lever toutes les contraintes qui pèsent sur le fonctionnement d'une armée en profonde restructuration et fortement sollicitée, tant à l'extérieur que sur le territoire national.
Certes, la diminution des crédits de fonctionnement se ralentit quelque peu. Mais les crédits supplémentaires destinés aux produits pétroliers se fondent sur des prix inférieurs de 40 % aux cours actuels, alors que ceux qui sont prévus pour des actions nouvelles de sous-traitance ne font que compenser des suppressions de postes d'appelés ou de civils.
Seules deux mesures permettent réellement de dégager des moyens nouveaux : l'une pour les frais de transport des compagnies tournantes outre-mer, l'autre pour relever de sept jours le taux d'activité des forces terrestres.
Ces mesures sont bienvenues, mais ne permettent pas de remédier aux nombreuses insuffisances que j'avais déjà soulignées l'an passé. En matière d'activités, nous sommes encore loin de l'objectif de 100 jours, lui-même inférieur aux taux constatés chez les Américains ou chez les Britanniques. Cela a déjà été dit.
Les crédits de fonctionnement demeurent également insuffisants pour l'entretien immobilier, les dépenses liées au dispositif de recrutement et de reconversion, l'informatique courante des unités et les surcoûts liés à la transition, par exemple les frais de formation des personnels civils ou ceux de gardiennage d'emprises libérées par les formations.
Ma troisième observation porte sur le rythme d'activités de l'armée de terre, qui a atteint un sommet au début de cette année 2000. Ce que l'on a appelé la « surchauffe » s'est atténuée, mais elle a fortement pesé sur la charge de travail des personnels.
Tout indique que la durée moyenne de travail des militaires de l'armée de terre dépasse très largement, évidemment, celle qui est en vigueur, dans le milieu civil.
S'agissant des conditions de vie et de travail des personnels de l'armée de terre, la commission estime que les contraintes inhérentes à la condition militaire doivent impérativement être prises en compte, en considérant à la fois la réalité du rythme d'activité et la nécessité d'éviter une grande différence entre l'évolution sociale de l'environnement civil et celle du milieu militaire. Or, nous ne trouvons dans ce budget aucune traduction concrète d'une amélioration de la condition militaire.
Cette réalité ne pourra pas rester sans reconnaissance, sous une forme ou sous une autre. Aux yeux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, une amélioration du régime indemnitaire ou la mise en place de mesures de compensation est indispensable, faute de quoi nous risquerions de connaître des difficultés de recrutement ainsi qu'une dégradation du moral et de la motivation dans les formations.
Je conclurai en remarquant que ce budget pour 2001 confirme un évident recul de la défense dans l'ordre des priorités gouvernementales, au moment même où la contrainte budgétaire générale s'avère moins forte et permet certaines marges de manoeuvre.
Ces arbitrages financiers défavorables à la défense se trouvent être en contradiction avec nos ambitions justement affichées de renforecment des capacités européennes de défense. Il est désormais clair que les moyens budgétaires ne sont pas à la mesure du rôle d'entraînement que prétendait jouer notre pays.
A quelques mois de l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire, cette tendance est inquiétante, car elle porte en germe un affaiblissement relatif de nos capacités militaires, notamment par rapport au Royaume-Uni.
L'érosion du budget de l'armée de terre pour 2001 traduit le fléchissement imposé à notre effort de défense malgré l'amélioration des finances publiques. C'est dans ce contexte que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis défavorable sur ce budget des forces terrestres. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Plasait, rapporteur pour avis.
M. Bernard Plasait, en remplacement de M. Jean-Claude Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour la section « Air ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Jean-Claude Gaudin, empêché, m'a demandé de le suppléer, ce que je fais bien volontiers.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Sans l'accent ! (Sourires.)
M. Bernard Plasait, rapporteur pour avis. Le présent projet de budget de l'armée de l'air pour 2001 consacre son passage à l'armée professionnelle.
Dans ce contexte, la dotation de fontionnement permet, cette année, de répondre aux exigences de la professionnalisation et de l'activité opérationnelle de l'armée de l'air. Les crédits d'équipement, en revanche, en s'inscrivant dans la continuité des dotations contraintes, ne permettent pas de rattraper les encoches du passé et de préparer l'avenir dans de bonnes conditions. D'ores et déjà, le « contrat » de modèle d'armée de l'air prévu pour 2015 ne sera atteint, sur le plan qualitatif, qu'à hauteur de 50 %.
Avec 15,7 milliards de francs, soit un niveau analogue à celui de l'an passé, les crédits de fonctionnement permettent d'honorer les échéances définies par la loi de programmation.
La professionnalisation est désormais accomplie : avec 68 600 hommes en 2001, l'armée de l'air recrutera 433 volontaires, 1 466 militaires techniciens de l'air et 159 civils afin de compenser la diminution prévue de 3 348 postes.
Dans un marché du travail de nouveau concurrentiel, le recrutement doit être l'un des éléments d'une véritable politique de ressources humaines, afin d'attirer, au sein de l'armée de l'air, des personnels de qualité.
Le recrutement dans certaines filières proposées par l'armée de l'air demeure cependant, à ce jour, déficitaire, faute d'une revalorisation attendue depuis l'an passé. Je pense, en particulier, à la situation des commandos de l'air, à ce jour non résolue, et à l'hémorragie des informaticiens que connaît actuellement notre armée.
Monsieur le ministre, comment sera-t-il possible de résoudre ces problèmes d'effectifs, qui risquent, à terme, d'affecter d'une certaine façon le fonctionnement de l'armée de l'air ?
La professionnalisation implique le développement de l'externalisation de fonctions non opérationnelles, pour laquelle le projet de budget 2001 prévoit 105 millions de francs. Monsieur le ministre, quelles seront, selon vous, les mesures qui permettront d'étendre l'expérience conduite sur la base de Varennes-sur-Allier, sans nécessairement entraîner de surcoût ?
Par ailleurs, la dotation attribuée au fonctionnement courant, qui représente 10,8 % du titre III, devrait permettre à nos pilotes de combat d'atteindre le seuil des 180 heures de vol annuel correspondant à la norme OTAN et de participer davantage aux exercices interalliés.
Je rappelle, par ailleurs, monsieur le ministre, que l'augmentation de 29 % consentie cette année en faveur de la dotation des carburants aéronautiques ne permettra pas, du fait de la sous-évaluation de ses bases de calcul, de couvrir la totalité de notre activité aérienne.
Les crédits d'équipement, avec 18,5 milliards de francs, sont, pour leur part, inférieurs de près de 2 milliards de francs à l'annuité définie dans la loi de programmation ajustée par la revue de programmes. Dans cette enveloppe très serrée, la priorité est accordée aux programmes majeurs présentés dans mon rapport écrit. Je me bornerai à évoquer deux éléments importants pour l'armée de l'air : le Rafale et l'A400M.
Douze avions Rafale seront commandés cette année et permettront de constituer le premier escadron en 2005. Dont acte.
Il reste que l'accumulation des retards que ce programme a subis au cours des dix dernières années, sans affecter la qualité opérationnelle de l'appareil, complique ses chances à l'exportation. L'enjeu semble porter aujourd'hui sur l'éventuelle participation de l'Etat au développement d'un standard spécifique à l'exportation.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer l'état de vos réflexions sur ce sujet ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. J'aimerais aussi connaître les vôtres !
M. Bernard Plasait, rapporteur pour avis. Bien qu'indépendante du présent projet de budget, il faut se féliciter de l'ouverture de 20 milliards de francs d'autorisations de programme par le collectif budgétaire actuellement en cours de discussion, qui permettra à l'armée de l'air d'honorer sa première commande d'A400M au printemps 2001.
Cependant, au-delà de ce geste, qui témoigne clairement de notre volonté de participer activement à l'Europe de la défense et à la réalisation d'une capacité de projection essentielle pour l'avenir, l'armée de l'air devra contribuer, sur ses propres autorisations de programme, à hauteur de quelque cinq milliards de francs. Ce prélèvement ne risque-t-il pas d'affecter sa capacité d'engagements futurs ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte stratégique où l'arme aérienne revêt une importance cruciale, dont nos partenaires Britanniques ont d'ailleurs déjà tiré, pour leur part, les conséquences financières appropriées, nous aurions apprécié que le projet de budget « Air » pour 2000 montre plus d'ambition pour compenser les contraintes passées.
C'est dans cet esprit que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s'est déclarée défavorable à l'adoption des crédits de la défense pour 2001. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendant, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la section « Marine ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour 2001, le budget de la marine s'élèvera à 33,4 milliards de francs, en augmentation de 1,3 % par rapport à 2000, en raison essentiellement de la hausse des crédits du titre V, qui enregistreront une progression significative de 16,3 % en autorisations de programme, pour atteindre 21,9 milliards de francs, et de 3,2 % en crédits de paiement, pour atteindre 20,75 milliards de francs.
Le niveau des crédits du titre III - 12,7 milliards de francs - paraît satisfaire aux besoins de la marine, malgré une légère diminution à structure constante.
En 2001, les crédits de personnel resteront prépondérants dans le titre III - 78,6 % - et permettront d'accompagner la professionnalisation. Plus de 3 400 postes seront supprimés, portant l'effectif total à 55 300 personnes. La marine sera totalement professionnalisée et aura rejoint son nouveau format à la fin de l'année prochaine.
Pour compenser partiellement la baisse du nombre d'appelés et d'officiers mariniers, plusieurs catégories de personnels voient leurs effectifs augmenter. La marine fera notamment apppel à 427 civils supplémentaires.
En la matière, pourtant, elle doit faire face à des difficultés persistantes. Le déficit du recrutement s'élève à 10 % des effectifs, sans que sa résorption paraisse possible à brève échéance. Pour pallier le manque d'environ 900 civils, la marine a cherché à recruter par concours et à développer la sous-traitance, en gageant 188 postes vacants d'ouvriers et 40 postes d'appelés, ce qui porte à 127 millions de francs les crédits dévolus à la sous-traitance.
Dans ce domaine, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer comment et dans quels délais vous pensez pouvoir résorber le déficit en personnels civils et dans quelle mesure la sous-traitance doit encore se développer dans les armées ?
Au sein des crédits du titre III, je souhaite attirer votre attention sur le niveau des crédits destinés aux produits pétroliers, car ceux-ci conditionnent largement le niveau d'activité de nos bâtiments, et donc le bon entraînement de la marine.
Je constate avec satisfaction que, en 2000, à l'occasion de deux lois de finances rectificatives, des moyens supplémentaires ont été dégagés à hauteur de 85 millions et 90 millions de francs pour garantir un taux moyen de 90 jours de mer.
En 2001, en raison de la hausse des prix du pétrole et du cours du dollar, ces crédits doivent progresser de 30,5 % par rapport à la dotation initiale du budget de 2000, atteignant 485 millions de francs. Cette dotation risque pourtant d'être insuffisante. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur ce point, alors que la remonté du taux d'activité de nos forces est, je n'en doute pas, l'un de vos objectifs pour 2001 ?
La progression significative des crédits du titre V, tout en restant assez nettement en dessous des prévisions de la revue de programmes, est par ailleurs un élément encourageant de ce budget. Il faut souligner qu'au cours de l'année 2000 devraient être commandés plus de bâtiments que durant toute la décennie précédente. C'est dire le poids financier à venir du renouvellement de notre flotte de surface ; avec les frégates antiaériennes Horizon, les nouveaux transports de chalands de débarquement et, vraisemblablement, dans la prochaine loi de programmation militaire, les frégates multimission.
Pour faire face à l'ensemble de ces programmes, la marine devra utiliser toutes ses marges de manoeuvre. La gestion de 2001 des crédits du titre V sera d'autant plus tendue que, lors du dernier collectif budgétaire, plus d'un milliard de francs de crédits de paiement a été supprimés.
Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, si l'évolution à la hausse des crédits du titre V est appelée à se poursuivre, permettant à la marine de réaliser en temps voulu le « modèle 2015 ».
Pouvez-vous également nous confirmer que deux transports de chalands de débarquement seront bien commandés d'ici à la fin de l'année et nous préciser comment se répartira la charge de travail entre la DCN et les Chantiers de l'Atlantique ?
Enfin, monsieur le ministre, vous comprendrez que je ne puisse passer sous silence l'accident qui a affecté une hélice du Charles-de-Gaulle, obligeant celui-ci à interrompre sa traversée de longue durée. Cet événement nous laisse particulièrement inquiets, en raison des interrogations qu'il fait peser sur nos capacités opérationnelles. La France se retrouve en effet sans porte-avions pour la première fois depuis cinquante ans. Qu'en est-il réellement ? Une solution peut-elle être trouvée au manque d'hélices de rechange ? Quelles en seraient exactement les conséquences opérationnelles ? Des négligences ont-elles été commises et quelles mesures avez-vous prises pour faire toute la lumière sur cette affaire ? Nous serons particulièrement attentifs, monsieur le ministre, aux informations que vous nous apporterez.
Pour conclure ce bref commentaire du projet de budget pour 2001 qui nous est présenté, j'ajouterai que le niveau des crédits du titre III me paraît satisfaisant et que la remontée des crédits du titre V est encourageante. Ces derniers restent néanmoins inférieurs aux prévisions de la revue de programme, comme pour les autres armées ; c'est d'ailleurs la raison qui a conduit la majorité des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à proposer au Sénat de rejeter les crédits du ministère de la défense. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a découvert le projet de budget de la défense pour 2001 avec déception.
Certes, le titre III, en permettant la poursuite de la professionnalisation dans des conditions satisfaisantes, répond à l'une des ambitions majeures de la programmation en cours. Par ailleurs, en relevant le montant des dotations de fonctionnement, excessivement réduit les années passées, il permet la reprise de l'activité des forces et donc de leur entraînement.
Mais l'inquiétude naît de l'analyse du titre V. Comme l'an passé, le projet de loi de finances ne respecte pas les engagements souscrits par le Gouvernement lors de la revue de programme, à savoir, en contrepartie des économies que celle-ci permettait, la garantie d'une ressource annuelle de 85 milliards de francs, valeur 1998, pour l'équipement des forces. Une fois actualisée, cette somme correspondrait en 2000 à 86,9 milliards de francs. Or nous en sommes aujourd'hui à 82,2 milliards de francs hors budget civil de recherche et de développement technologique.
Le fait que les armées ne consomment pas la totalité des crédits qui leur sont accordés pose un vrai problème de fond. La représentation nationale est dans l'attente d'une explication précise non seulement sur les causes de cette situation, mais aussi sur ses conséquences physiques pour notre équipement militaire. Nous souhaiterions vivement que la construction de la prochaine loi de programmation nous donne les moyens d'appréhender plus clairement cet aspect des programmes d'équipement.
Certes, les crédits d'équipement pour 2001 permettront d'honorer les commandes et d'assurer le bon déroulement des programmes majeurs. Je pense cependant que, au-delà de ces impératifs, il eût été opportun d'augmenter certaines dotations d'équipement, ne serait-ce, par exemple, que pour maintenir ou développer le financement des activités de recherche qui conditionnent l'avenir de notre équipement et de nos industries de défense, ou encore pour abonder les crédits d'entretien des matériels, dont l'insuffisance conduit à des taux d'indisponibilité des matériels trop souvent supérieurs à la norme acceptable.
Le risque que fait encourir le présent projet de budget de la défense - il en allait d'ailleurs de même de celui de l'an passé - est qu'il va inévitablement conduire Bercy à considérer les dotations affectées à l'équipement des armées en loi de finances initiale comme la référence de base pour la prochaine loi de programmation militaire. Chacun sait pourtant ici que cette prochaine loi, si on la veut cohérente avec le modèle d'armée 2015, devra mobiliser beaucoup plus de ressources financières et qu'elle ne souffrira pas les régulations habituelles. Il s'agira, en effet, d'une loi de fabrication pour des programmes arrivés à maturité, qui devra prendre en compte le développement de certaines capacités clés, liées notamment aux enjeux de défense européenne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2001, hors pensions, fait désormais passer, je le souligne, la part de la défense en dessous du seuil symbolique de 2 % du PIB. Je ne crois pas, d'une façon générale, qu'il soit sage de considérer comme secondaires les efforts budgétaires consentis pour la défense et la sécurité internationale. Je suis de ceux qui plaident pour une gestion rigoureuse des finances publiques, mais gardons-nous cependant d'exercer notre vertu financière sur les seuls crédits de défense, et ce pour deux raisons : d'abord, parce que leur incidence sur l'activité économique et l'emploi est loin d'être négligeable ; ensuite, parce que si nous raisonnons à plus long terme, il n'est jamais inutile de financer comme il convient tout ce qui concourt à favoriser, en Europe d'abord, mais aussi à sa périphérie voire au-delà, le retour de la paix, de la stabilité et donc du développement. Aujourd'hui, notre outil de défense, tant national qu'européen, ne sert pas d'autres objectifs.
C'est pour cet ensemble de raisons que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de défense pour 2001.
Par-delà ces données purement budgétaires, je ne voudrais pas omettre de rappeler le progrès considérable réalisé, sous présidence française et dans un délai très court, dans la mise en place d'une défense européenne. Je me limiterai, sur cette question, à trois observations.
La première concerne la relation France-OTAN. On se rappelle que, en 1996, une esquisse de rapprochement entre la France et l'OTAN n'avait pu aller jusqu'à son terme, du fait de l'opposition de certains alliés à un meilleur partage des responsabilités entre l'Europe et les Etats-Unis au sein des grands commandements de l'Organisation. C'était au temps du développement d'une identité européenne de défense dans l'alliance. La création d'une capacité européenne de défense autonome et crédible, désormais extérieure à l'OTAN, mais qui lui sera liée par diverses modalités de coopération, notamment en ce qui concerne la planification opérationnelle, constitue-t-elle ou non une innovation de nature à relancer la réflexion sur notre position spécifique dans l'organisation atlantique ? Plus généralement, monsieur le ministre, comment réagissez-vous aux inquiétudes exprimées par M. Cohen, le secrétaire d'Etat américain à la défense, et certains de nos alliés européens quant aux risques d'affaiblissement de l'OTAN au cas où l'Union devrait se doter de ses propres capacités de planification ?
La deuxième observation concerne le mécanisme de suivi et d'évaluation, dont l'objet est de permettre de vérifier la mise en oeuvre concrète des engagements de capacités souscrits par les pays membres au profit de la force européenne. A ce titre, il constituera un élément important de la crédibilité des décisions prises à Bruxelles le 20 novembre dernier. Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir nous préciser le contenu de ce mécanisme, l'autorité qui aura la charge de le conduire et, enfin, l'influence, indicative, incitative ou contraignante des conclusions auxquelles il permettra d'aboutir.
Ma troisième et dernière observation a déjà été formulée par M. Maurice Blin : elle concerne les efforts budgétaires comparés de notre pays et de la Grande-Bretagne. Sur ce point, nous ne sommes pas suffisamment informés par vos services, monsieur le ministre. Il apparaît cependant clairement que la Grande-Bretagne, en conformité d'ailleurs avec son implication récente mais résolue en faveur de la défense européenne, a, depuis plusieurs années, engagé un effort financier très significatif au profit tant du fonctionnement que de l'équipement de ses forces. On évalue ainsi à quelque 15 milliards de francs par an l'écart entre les dépenses d'équipement respectives de nos armées, à l'avantage des Britanniques. Si cette comparaison me paraît essentielle, c'est que l'installation d'un décalage durable et croissant de capacités entre nos deux pays aurait des conséquences opérationnelles et politiques considérables.
En effet, il hypothéquerait la possibilité, pour la France, de prétendre au rôle de nation-cadre dans une coalition européenne chargée de la gestion d'une crise de quelque intensité, alors même que cette ambition guide notre effort d'équipement depuis des années.
En outre, il y va de la cohérence de notre engagement politique constant pour la défense européenne, qu'il est essentiel, ne serait-ce qu'à l'intention de nos partenaires britanniques et allemands, de traduire dans les faits. Vous nous indiquerez, monsieur le ministre, si cet élément guide les réflexions sur les objectifs et les moyens de notre prochaine loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 29 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 23 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 13 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.
Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps prévu pour le Gouvernement est de cinquante-cinq minutes au maximum.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget, comme ceux des années précédentes, suscite des réactions mitigées parmi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, même si les motifs de satisfaction prennent le dessus sur les interrogations et les préventions.
La part des richesses nationales consacrée à l'effort de défense est plus conforme que par le passé à l'environnement mondial, à ses menaces et aux possibilités du pays, ainsi qu'à la prise en compte d'autres priorités, notamment sociales et économiques.
Il est maintenant communément admis que, à un peu plus de 2 % du PIB, l'effort de défense d'un pays comme la France, dans le contexte mondial actuel, se situe à un niveau pertinent.
Cela étant, établir un tel projet de budget demeure un exercice rude, comportant des contradictions difficiles à surmonter. Si le sort réservé cette année au titre III est plus favorable, les pressions et sujets d'inquiétude perdurent pour le titre V.
La professionnalisation complète de nos forces armées, dont le bien-fondé ne nous paraît toujours pas évident, coûte plus cher que ce qui avait été annoncé initialement, et si le tableau de marche établi pour sa montée en puissance est globalement respecté, c'est aussi grâce au retard important qui pénalise l'embauche, elle aussi programmée, des personnels civils. Ce déficit sensible n'est pas sans conséquences fâcheuses pour le fonctionnement de certains services.
Cela étant, les critiques exprimées par nos collègues de la droit sénatoriale sont à votre avis parfaitement excessives.
Le budget pour 2001 respecte à peu près la loi de programmation militaire, préparée par le Président de la République et par le Gouvernement et approuvée par la droite sénatoriale. Rappelons que les deux précédentes lois de programmation militaire s'étaient « volatilisées », elles n'avaient pas été respectées, ce qui, à l'époque, n'avait occasionné aucune remarque de ladite droite sénatoriale.
Beaucoup ici vont voter contre ce projet de budget réclamant une hausse substantielle des dépenses, arguant de l'existence de la croissance. Mais les mêmes demandaient, il y a quelques jours, une baisse importante des impôts, du fait de ladite croissance, et une baisse générale des dépenses publiques. C'est le refrain libéral bien connu. J'avoue que nous avons un peu de mal à nous y retrouver dans ce dédale d'incohérence.
Il n'est pas certain que l'opinion publique française accepterait une forte hausse des dépenses militaires.
Ce constat présente certes des aspects positifs. Les Français ressentent bien qu'il n'y a plus de menace militaire globale prévisible, ils voient bien que la politique extérieure suivie par le Gouvernement s'efforce d'aller vers un monde plus équilibré et plus apaisé, et ils partagent, dans leur grande majorité, les idéaux de paix.
Mais ce constat présente également des aspects négatifs. On peut sentir de nouveaux relâchements dans le lien entre l'armée et la nation. Par ailleurs, trop de discours lénifiants sur l'Europe de la défense ont pu laisser croire à certains de nos compatriotes que l'Europe, tel un esprit bienfaisant planant au-dessus de nos têtes, allait s'occuper aussi de notre sécurité et de notre défense et qu'il suffirait de s'en remettre à ce bon génie.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'opinion publique a besoin d'explications sur ce sujet, nos compatriotes doivent saisir la portée des accords nouvellement conclus dans ce domaine.
Nous sommes à un carrefour. A nous de nous engager dans la bonne voie. Il y a quelques années, même les plus optimistes pouvaient douter d'y parvenir, tellement « l'otanisation » paraissait insurmontable.
Il faut apprécier à leur juste valeur les efforts et l'intelligence politique déployés par le Gouvernement et par vous-même, monsieur le ministre, pour faire évoluer certains de nos partenaires européens, pour leur faire accepter d'entrer dans un processus de défense autonome et pour parvenir au récent accord de Bruxelles.
Il y aura certainement encore des obstacles à surmonter pour bien ancrer ce processus. Les réactions des conservateurs britanniques au lendemain de la conférence de Bruxelles en témoignent. Leur leader, William Hague, a déclaré : « Tous les soldats connaissent le sens du mot demi-tour. Et il est temps que Tony Blair fasse demi-tour avant qu'il ne fasse de gros dégâts à l'OTAN ». Quant à Lady Margaret Thatcher, toujours en pleine forme, sortant de sa semi-retraite, elle s'en va dire dans les médias : « C'est un cas de folie monumentale qui menace notre sécurité dans le but de satisfaire une vanité publique... les plans du Gouvernement visant à créer une nouvelle armée européenne n'ont aucun sens militaire ni pour la Grande-Bretagne, dont les forces sont déjà réduites, ni pour l'Europe, qui a encore moins de chance de devenir une puissance militaire, ni pour l'OTAN, que ce projet menace de diviser et de détruire ».
Puisse cette chère Maggy avoir raison sur ce dernier point, serais-je tenté d'ajouter.
Pour mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, l'OTAN, seule organisation politico-militaire à avoir survécu à la menace qui avait présidé à sa création, n'a plus beaucoup de légitimité.
Pis, le processus de ses élargissements successifs porte en lui des facteurs de graves tensions avec la Russie.
L'adhésion de la Pologne à l'OTAN a été mal prise par Moscou. L'adhésion des pays baltes, qui considèrent que leur admission future dans l'Union européenne est à mettre en parallèle avec leur entrée dans l'OTAN, serait considérée par les Russes comme une provocation. Quant à l'éventualité de l'adhésion à l'OTAN de l'Ukraine, qui est le coeur historique de la Russie et son principal débouché maritime en eau toujours libre, elle serait considérée comme une déclaration de guerre !
Sans faire de l'angélisme, il me semble que la création entre les pays de l'Union européenne d'une force et de moyens mis au service d'une politique de prévention et de gestion de crises pourrait être une alternative à l'adhésion à l'OTAN de pays ex-soviétiques ou ex-membres du pacte de Varsovie.
Nous tenons là une possibilité de décrisper les relations avec la Russie. Il serait vain de vouloir construire ou reconstruire dans la stabilité au-delà des frontières de l'actuelle Union européenne en faisant l'impasse sur la nécessité de relations de confiance avec la Russie, la confiance n'excluant pas la franchise, et encore moins la fermeté le moment venu.
Pour l'heure, la Russie recommence à percevoir l'Occident comme une menace et se rapproche de la Chine et de l'Iran, entre autres.
L'attitude américaine et celle de l'OTAN sont pour beaucoup dans cette spirale orientale dans laquelle la Russie est entrée. Ce n'est pas de l'intérêt de la France et des Européens de laisser se développer une telle évolution.
Outre-Atlantique, certains milieux, notamment républicains, préconisent une attitude dure à l'égard de la Russie, comptant sur de nouvelles tensions pour souder les Européens autour du leadership américain.
Nous savons bien que les Américains, même les plus modérés, font toujours le même rêve : continuer à dominer l'Europe. S'ils acceptent la création d'un pilier européen de défense, c'est pour alléger leur facture, mais ils ne veulent pas partager le pouvoir.
Tant que, pour les pays de l'Est européen, l'alternative sera « ou l'OTAN ou rien », nous pousserons la Russie à se raidir et à regarder vers l'Est.
Un autre élément nouveau vient perturber les relations internationales : le NMD, le projet américain de bouclier antimissiles, sensé protéger les Etats-Unis d'attaques balistiques provenant, disent-ils, « d'Etats voyous ».
Pour l'heure, ce projet d'interception par coup direct d'un missile balistique intercontinental est loin d'être techniquement au point. Mais il pourrait l'être un jour prochain même si - c'est la vieille histoire de l'épée et du bouclier - des progrès pourraient également être faits côté missile assaillant au niveau des leurres, de la variation de trajectoire et de vitesse, voire de l'autodéfense. Tout cela s'appelle la relance de la course aux armements !
Le problème du NMD n'est pas technique, il est hautement politique.
Remettant en cause le traité ABM, ce projet aurait des répercussions désastreuses sabotant tous les efforts consentis ces dernières années dans les enceintes internationales en faveur de la limitation et de l'interdiction d'armements.
Dans ce contexte, que va devenir le traité de non-prolifération nucléaire ? Que va devenir le récent et fragile traité sur l'interdiction des essais nucléaires ?
Comment, dans de telles conditions, discuter avec l'Inde et le Pakistan pour les conduire à s'inscrire dans une logique de désescalade nucléaire ?
Ne pousse-t-on pas l'Iran, la Corée du Nord ou d'autres encore à accentuer leurs efforts - et ceux de leurs alliés russes et chinois - pour se doter d'une capacité balistique nucléaire ?
Ne pousse-t-on pas la Chine et la Russie à se lancer éventuellement dans l'aventure de la dissémination nucléaire en rétorsion au projet américain ?
Ce projet poussera inévitablement la Chine à accentuer ses efforts pour se doter d'une capacité de frappe nucléaire capable de saturer un éventuel bouclier américain.
Beaucoup de grandes nations, dont la nôtre, ont manifesté leur opposition à ce projet, et je ne doute pas que notre gouvernement mettra à profit le répit accordé par le président Clinton avant toute prise de décision pour rassembler un front uni de nations afin de contraindre les Américains à reculer.
Les négociations en vue du futur accord START III, auxquelles nous souhaitons que la France participe, peuvent constituer une occasion.
A ce propos, monsieur le ministre, nous espérons voir, un jour prochain, la France prendre des initiatives pour relancer un processus de réduction des arsenaux nucléaires qui s'essouffle.
Nous souhaitons que s'engage au Parlement un grand débat sur cette question.
Le temps qui m'est imparti ne me permettra d'aborder que ces quelques grands sujets, et je le regrette.
Je voudrais tout de même mentionner également la situation préoccupante de nos industries de défense, tant dans le privé, où la restructuration d'EADS induit des suppressions d'emplois, soulève des interrogations quant à la différence de traitement commercial entre le Rafale et l'Eurofighter, que dans le public, où l'avenir immédiat du GIAT, de la DCN et de la SNPE appelle des dispositions concrètes et un effort particulier, ne serait-ce que pour que soient respectés les plans de charge initialement prévus.
Tout en saluant les points forts de ce budget et les décisions qui viennent d'être prises, notamment celle de lancer l'A 400 M, tout en approuvant la logique qui se dégage de l'accord de Bruxelles, mais en regrettant les choix encore trop marqués par les orientations inspirées par le Président de la République en 1996, notre groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Auban.
M. Bertrand Auban. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2001 qui nous est soumis traduit, en ce qui concerne les crédits de la défense, les objectifs et les priorités gouvernementales. Ces priorités concernent la professionnalisation et la modernisation de l'outil de défense, le renforcement des moyens affectés à la sécurité des Français, le développement de la coopération européenne, et, enfin, la rénovation des structures, avec la recherche d'une meilleure adéquation des dotations budgétaires aux besoins nouveaux.
Cela doit être réalisé dans le cadre d'une stricte maîtrise des dépenses publiques.
Certains de nos collègues se plaisent à critiquer votre budget. Bien entendu, il n'est pas parfait - j'en conviens ! - mais le rejeter globalement n'est pas faire oeuvre utile.
En effet, ce budget est né sous la contrainte, une contrainte acceptée par les plus hautes autorités de l'Etat et par une majorité de Français puisqu'il s'agit du respect des engagements pris par la France dans le cadre du pacte de stabilité budgétaire européen lors de l'institution de la monnaie unique.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé récemment que « les règles européennes de stabilité budgétaire fixent l'augmentation maximale du budget de l'Etat au montant de l'inflation augmenté de 0,3 %. Dans cette perspective, la progression de 0,9 % des crédits du budget de la défense, loin de représenter un désarmement budgétaire, constitue un effort notable. Quant à imaginer une diminution des budgets civils au profit du budget militaire, il est de la responsabilité de chacun d'envisager une telle évolution ; tel n'est pas le choix du Gouvernement. »
Il s'agit donc d'un budget de continuité et de respect des engagements pris, notamment dans la loi de programmation militaire. Certes, il y a encore un décalage entre la programmation et la réalité des lois des finances. Toutefois, je vous invite à regarder ce qui s'est passé avec les programmations précédentes. Vous constaterez ainsi que l'actuelle loi de programmation est mieux respectée que les autres.
Je souhaite apporter au débat quelques considérations sur le dossier des industries de défense en France et en Europe. D'abord, il convient de constater que le développement de la coopération entre les Etats européens permet de créer une dynamique qui aura des conséquences en matière de choix d'armement. En outre, ce processus devrait aboutir à une plus grande homogénéité des forces de l'Union européenne et à la nécessaire réduction des coûts.
J'ai eu récemment l'occasion d'évoquer devant vous la question fondamentale de la mise en cohérence des politiques d'acquisition d'équipements militaires. En effet, des programmes que nous qualifierons de « fédérateurs » sont très importants pour donner une impulsion déterminante à la construction européenne.
Ainsi, l'Airbus de transport militaire, l'A 400 M, est un projet fédérateur au niveau européen ; il revêt une très grande importance pour notre tissu industriel et pour l'Europe de la défense.
Ce programme a besoin, pour son lancement, de 20 milliards de francs, qui seront inscrits dans la prochaine loi de finances rectificative. Ce moment est attendu avec une certaine impatience.
Ce programme majeur, destiné à remplacer les flottes vieillissantes de C-130 Hercules et C 160 Transall, préfigure une nouvelle donne européenne. Au niveau industriel, il permet d'affronter les défis technologiques issus de la nouvelle situation stratégique. Au niveau politique et stratégique, il pose les jalons d'une future mutualisation des forces et des moyens par la construction d'un commandement européen du transport militaire.
L'objectif qui nous intéresse est bien entendu le maintien d'une industrie de défense forte et compétitive, capable d'être en concurrence avec les meilleures du monde.
Pour satisfaire pleinement aux besoins définis lors de la conférence d'engagement, qui a eu lieu à Bruxelles le 21 novembre dernier, il faudra réellement intensifier la coopération européenne aussi bien dans le domaine de la recherche que dans celui de la production industrielle d'armements.
Nous savons déjà que la France ne pourra pas tout faire toute seule et qu'il est nécessaire d'avancer vers une européanisation de tous les secteurs de la défense. Toutefois, la France doit maintenir son effort dans un certain nombre de domaines essentiels : le nucléaire, le spatial, la recherche-développement. Elle doit assurer sa place au sein de la défense européenne. Là, elle est maître d'oeuvre et elle entend le rester.
Pour cela, il me semble primordial de garder une politique de recherche-développement forte et ambitieuse. En Europe, seules la France et la Grande-Bretagne font un réel effort dans ce domaine. Il ne faudrait pas, à l'avenir, que la Grande-Bretagne seule ait à assurer une part croissante de cette tâche. Nous avons des responsabilités politiques, industrielles, stratégiques, que nous devons assumer et qui passent par une augmentation des dépenses en recherche-développement. Je sais, monsieur le ministre, que vous partagez cette analyse.
Or, si les crédits d'équipement sont globalement positifs, j'éprouve quelques inquiétudes devant la baisse constatée des crédits destinés aux études. Les dotations affectées à la recherche de défense ne sont pas encore à la hauteur des défis actuels.
Nous savons que les restructurations ne vont pas s'arrêter aux portes des industries qui s'occupent de l'armement terrestre. Je considère positivement l'annonce faite par GIAT et Renault véhicules industriels de créer une société commune pour les véhicules blindés à roues.
Le plan de restructuration en cours dans le GIAT doit placer ce groupe en situation de pouvoir affronter la concurrence extérieure. Les sacrifices ont été importants : d'un effectif de 17 500 personnes on est passé à 7 800 actuellement.
La direction du GIAT mise sur d'importants contrats à l'exportation pour doubler le carnet de commandes. Nous ne pouvons que l'encourager dans cette voie.
Toutefois, des incertitudes demeurent.
Quelles possibilités d'alliance ou de partenariat s'offrent au GIAT ? Après l'arrêt du programme Trigat, et dans la mesure où le besoin opérationnel existe, quelles sont les possibilités de développer un autre programme ?
Comment faire coexister l'industrie mécanique allemande, qui possède plusieurs grands groupes, l'industrie britannique, intégrée dans British Aerospace, et l'industrie française ?
Peut-on aller, en Europe, vers une harmonisation des calendriers des besoins pour l'armement terrestre ?
Monsieur le ministre, selon la presse, vous avez manifesté votre volonté d'ouvrir le dossier de la restructuration des chantiers navals. Ouvrir n'est pas le mot exact, puisque vous vous occupez depuis déjà pas mal de temps de ce délicat dossier. Cependant, il est vrai qu'en annonçant à la fin du mois d'octobre que le ministère de la défense « réfléchissait à une réorganisation du secteur » la délégation générale pour l'armement a pu laisser libre cours à diverses interprétations. Le moment est venu, monsieur le ministre, de nous faire part de vos réflexions et de vos propositions en la matière.
Je considère que le domaine naval constitue l'une des clés nécessaires à la réussite de la construction industrielle européenne. L'idée d'un « Airbus naval » peut paraître séduisante, à condition toutefois de bien la définir pour savoir si elle peut s'appliquer à l'industrie navale européenne.
Je souhaite saluer l'accord intervenu entre la DGA et les industriels sur le financement de la poursuite du développement du missile M 51. Le maître d'oeuvre de ce programme est la société European Aeronautic Defense and Space Company ; nous trouvons aussi d'autres entreprises, pour la propulsion, notamment la Société nationale d'étude et de construction des moteurs d'aviation et la Société nationale des poudres et explosifs. Il reste à espérer que le contrat sera bientôt notifié.
Avant de terminer cette intervention, je voudrais également évoquer birèvement deux dossiers qui concernent la Haute-Garonne, toujours présente à mon esprit.
Le premier concerne la pérennité du centre d'essais aéronautique de Toulouse, le CEAT, sur laquelle j'attire votre attention.
Le projet de plan stratégique de la direction des centres d'essais et expertises envisage le transfert en région parisienne de l'activité « matériaux » du CEAT. Dans votre réponse du 27 juin 2000, vous m'aviez indiqué que les activités de ce centre en matière de matériaux et structures, de compatibilité électromagnétique, de systèmes de conditionnement d'air et de qualité des logiciels avaient été reconnues comme pôle d'excellence.
J'ajoute que l'activité « matériaux » constitue un tout indissociable de l'activité « structures ». L'expérience et le savoir-faire acquis en ces matières depuis vingt-cinq ans par le CEAT, dont la performance est reconnue en France en Europe, doivent être préservés. C'est pourquoi je souhaite que la Direction des centres d'essais et expertises révise son projet de transfert afin que l'activité matériaux reste au CEAT.
Le second dossier concerne le projet de création de l'Autorité européenne pour la sécurité aérienne.
La Haute-Garonne possède une vocation toute naturelle à accueillir cette autorité par l'importance unique en Europe de son pôle aéronautique et spatial. La présence du constructeur EADS, de la société européenne AIC, le lancement prochain du programme A3 XX, le tissu économique, scientifique et industriel sont autant d'atouts et d'éléments favorables à l'action de cette nouvelle autorité communautaire. Sa présence pourrait générer une activité supplémentaire pour le CEAT. C'est pourquoi, même si ce dossier relève des ministres européens des transports, je souhaite connaître votre analyse sur la candidature de la Haute-Garonne à l'implantation de cette Autorité européenne pour la sécurité aérienne.
Le secteur de l'industrie de défense dispose aujourd'hui des moyens de son développement. La politique du Gouvernement, votre politique, monsieur le ministre, a oeuvré depuis 1997 pour faciliter les grandes alliances industrielles, pour accompagner et soutenir la montée en puissance de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement et pour obtenir la signature, par six pays européens en juillet 2000, de l'accord-cadre pour l'harmonisation et la modification des règles applicables aux industries de défense.
Cette politique mérite notre approbation. Le groupe socialiste votera le budget qui permettra de la poursuivre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon. Monsieur le ministre, vous avez déclaré devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que les crédits de la défense étaient au rendez-vous. Il n'en est rien. En effet, si le budget augmente en volume, passant de 187,4 milliards de francs à 188,9 milliards de francs, il diminue en réalité en francs constants et ne représente que 1,96 % du produit intérieur brut de la nation.
L'engagement pris en 1998 par le Premier ministre, à l'issue de la revue de programmes, de maintenir à un niveau constant les crédits de la défense de 1999 à 2002 n'est pas respecté cette année encore. Il était pourtant la contrepartie d'une révision à la baisse de la loi de programmation militaire.
Au total, le budget baissera de 0,4 %, et ce malgré les plus-values en recettes fiscales enregistrées au cours des années 1999 et 2000. Nous regrettons fortement que les armées, qui ont pourtant engagé avec un courage exemplaire une réforme structurelle sans précédent, ne profitent pas des fruits de la croissance. Comment croire alors qu'elles figurent parmi les priorités du Gouvernement ?
Force est de constater que plusieurs de nos alliés se donnent les moyens de mener une politique de défense ambitieuse, le cas le plus révélateur étant le Royaume-Uni, qui, sous gouvernement Blair, met l'accent tant sur la recherche que sur la modernisation de l'équipement, et est en passe de dominer l'Europe militaire. Son budget est ainsi passé de 22 milliards de livres en 2000 à 23 milliards de livres en 2001, soit l'équivalent de 254 milliards de francs.
Alors que les forces françaises et britanniques sont équivalentes, la Royal Air Force risque de supplanter l'armée de l'air d'ici à dix ans parce que nous n'assumons pas financièrement nos choix politiques. Tirant les enseignements des conflits récents, les Britanniques ont alloué 40 % des dotations budgétaires en équipement à la Royal Air Force et ont déjà commandé aux Américains vingt-cinq C 130 qui seront livrés à partir de 2001.
Nous le savons pertinemment, l'armée de l'air accusera une réduction majeure de sa capacité de transport à partir de 2005 sous l'effet des retraits de service de vingt-sept Transall.
Si aucun crédit n'apparaît dans le projet de loi de finances pour 2001 pour le programme d'avion de transport futur A 400 M, nous nous réjouissons, en revanche, que le Gouvernement ait inscrit 15 milliards de francs d'autorisations de programme au titre du collectif budgétaire 2000, enveloppe qui a été concédée par Bercy et qui devrait être complétée par une autre de 5 milliards de francs émanant du ministère de la défense. Nous souhaitons vivement que ces engagements soient tenus et, par là-même, que la totalité des autorisations de programme soit disponible dès le premier trimestre de l'année 2001, date de la signature du contrat, qui marquera un pas important dans la défense européenne.
En ce qui concerne la marine, alors que les performances des frégates Horizon sont très élevées, le Gouvernement répugne à les doter d'une défense antimissiles balistiques. Il sait pourtant qu'elle est déjà à l'étude pour les futures frégates britanniques T45.
Alors que le Royaume-Uni planifie la construction de deux porte-avions, la question du deuxième porte-avions français se trouve reportée à la prochaine loi de programmation. Connaissant déjà les périodes d'indisponibilité du Charles-de-Gaulle , il est impossible que la France puisse aligner un groupe aéronaval. Outre la mise en péril de notre souveraineté, cela ne risque-t-il pas d'anéantir, à terme, les efforts entrepris dans le domaine du groupe aérien naval, à savoir les avions Rafale et les frégates Horizon ?
Les arbitrages financiers du Gouvernement signent l'affaiblissement de nos capacités militaires par rapport à celles de nos alliés.
Les crédits de fonctionnement du titre III baissent de 0,4 % en francs constants par rapport à la loi de finances 2000.
Des crédits supplémentaires ont été dégagés pour l'actualisation des produits pétroliers et ils constituent l'essentiel des augmentations consenties au titre III. Mais, comme l'ont souligné tous les chefs d'état-major, cette majoration se fonde sur des prix inférieurs à 40 % aux cours actuels. Si nous voulons que les armées assurent leur nombre de jours d'activité, des besoins supplémentaires seront à couvrir en cours de gestion.
Le problème majeur réside dans l'entretien programmé des matériels auquel les armées ne pourront faire face. En baisse de 4 % par rapport au budget précédent, il met à mal la capacité de notre dispositif de défense.
Quelques exemples suffisent. Le taux de disponibilité des matériels est actuellement de 65 % pour les blindés, de 55 % pour les hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre et de 67 % pour les Mirage 2000. La marine accuse, quant à elle, 35 % d'indisponibilité de sa flotte.
Par ailleurs, les crédits de fonctionnement du titre III ne permettent pas, comme je l'ai souligné tout à l'heure, d'améliorer de façon convenable les conditions de vie et de travail des personnels, notamment celles de l'armée de terre. Or, monsieur le ministre, si l'on veut réussir la professionnalisation dans la durée et compte tenu de l'environnement social dans le secteur privé avec l'effet des 35 heures, il faut faire un effort dans ce domaine.
Les crédits d'équipement du titre V se situent toujours sous la barre des annuités de 85,9 milliards de francs fixées en 1998, puisqu'ils s'élèvent à 83,4 milliards de francs et accusent une baisse de 0,3 % par rapport au budget 2000.
Pour 2001, les autorisations de programme diminuent de 3,1 % et l'armée de terre enregistre son plus bas niveau depuis 25 ans avec 19 % de diminution.
Cette dotation insuffisante aura des conséquences néfastes. En effet, la passation des commandes globales s'annonce extrêmement délicate pour 2001 et risque de se faire au détriment d'un certain nombre de programmes. Au-delà, elle obère la réalisation, dans les délais, du modèle 2015 prévu par la programmation.
Quant aux crédits de paiement, ils ne permettent pas de rattraper les retards enregistrés en début d'exécution de la loi ; ils contribuent au contraire à les amplifier.
En conséquence, le maintien de la capacité opérationnelle de nos matériels n'est pas assuré.
En analysant les budgets des différentes armées, nous constatons que leurs crédits d'équipement sont tous insuffisants.
S'agissant de l'armée de terre, ils sont en retrait par rapport au budget 2000 et ne lui permettent pas de se doter des moyens nécessaires aux missions qui lui sont confiées. Nous pensons notamment à la protection individuelle du combattant et au renfort des capacités de transport aéromobile lors d'opérations extérieures.
En ce qui concerne la marine, seuls les programmes majeurs reçoivent une enveloppe correspondant aux besoins. Sachant qu'une vingtaine de bâtiments a été désarmée depuis 1996, nous estimons que la situation de la flotte est préoccupante. Il est par conséquent nécessaire d'insister sur cette fragilité qui rend la marine d'autant plus sensible aux aléas de gestion.
Les crédits du titre V permettront à l'armée de l'air de commander et de payer les programmes tels que les a prévus la revue de programmes, mais ils accuseront un retard par rapport à l'objectif fixé dans la loi de programmation. Ainsi, en 2015, l'armée de l'air ne bénéficiera que de 50 % des Rafale, ce qui compromet par ailleurs les chances de cet appareil à l'exportation.
Comme l'a souligné son chef d'état-major, l'armée de l'air va passer d'une loi de développement de programmes à une loi d'équipement qui demandera un effort beaucoup plus important sur le titre V, notamment pour la fabrication des Rafale et des A 400 M.
Quant à la gendarmerie, ses dépenses d'investissement du titre V accusent une baisse de 2,5 %. Elle pourra difficilement acquérir des moyens de transport en nombres suffisants.
Nous allons entamer la cinquième année d'exécution de la loi de programmation 1997-2002.
En examinant son déroulement, nous constatons que le titre V a le plus souvent servi de variable d'ajustement au budget de l'Etat.
En 1998, ses crédits ont accusé une baisse de 9,9 % par rapport à 1997, et ce après des amputations s'élevant à 12,5 milliards de francs. En 2000, ils enregistraient une baisse de 4,4 %.
Ce n'est pas sans porter atteinte au plan de charges des industries de défense et à leurs investissements à long terme ; cela limite aussi les emplois dans les bassins fort malmenés. Ce n'est pas M. Lepeltier, maire de Bourges, qui me contredira.
Seul le budget de la défense pour l'année 1999 était conforme à la loi de programmation militaire. Il a, hélas ! enregistré 12 milliards de francs d'annulations dans le collectif budgétaire de 2000. Ainsi, non seulement le Gouvernement ne respecte pas une loi pourtant votée par le Parlement, ni les engagements qu'il a pris au moment de la revue de programmes, mais il aggrave la situation des armées en annulant, gelant ou reportant ses crédits lorsque le budget de l'Etat rencontre des difficultés. Il s'agit non pas de hasards répétés, mais bien d'un choix politique de Bercy contre les intérêts de la défense et, j'en suis convaincu, contre votre propre action. La gestion tendue des crédits d'équipement est génératrice de retards, d'allongements de la durée des programmes et donc de renchérissement significatif de leur coût.
A titre d'exemple, nous pouvons citer, d'une part, les modernisations successives du Super-Etendard, qui auront coûté 12 % du prix du Rafale, soit 5 milliards de francs, d'autre part, les reports successifs du porte-avions Charles-de-Gaulle qui sont à l'origine de surcoûts et, qui sait ? de réajustements, voire d'avaries.
Malgré une aisance incontestable, nous notons le manque de volontarisme budgétaire du Gouvernement pour ce qui concerne la défense nationale et estimons que le budget 2001 signera le déclin durable de nos armées si aucune relance des dépenses n'est engagée.
De ce fait, le modèle d'armées 2015 se trouve compromis et les difficultés d'élaboration de la prochaine loi de programmation sont d'ores et déjà imaginables.
Par ailleurs, la précarité des moyens mis à la disposition des armées contraste avec nos ambitions politiques européennes.
C'est ainsi que, si nous nous sommes félicités de la mise en place de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR, nous déplorons que seuls 9 % des crédits de paiement afférents aux dépenses françaises d'équipement soient mobilisés à ce titre en 2001.
De même, la mise en place de la force européenne repose en partie sur la convergence des choix budgétaires des pays membres. Or, nous l'avons vu, l'écart se creuse entre le Royaume-Uni et la France.
Malgré notre volonté affichée, nous ne pourrons, en conséquence, jouer notre rôle de puissance majeure au sein de l'Union européenne.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, élu de Haute-Savoie, avec mon collègue Jean-Claude Carle, j'ai été invité il y a quelque temps à visiter l'usine Marcel Dassault d'Argonay, une commune de notre département, où sont fabriqués des équipements et des systèmes de commande de vol.
J'y suis allé la tête pleine d'images d'Epinal, a priori comme : « Le Rafale est un superbe avion, mais il coûte beaucoup trop cher ! »
Or, au terme de cette visite, après avoir discuté avec les gens qui travaillent au sein de cette usine, ma vision des choses a changé, et, en tant que membre de la commission des affaires économiques, j'ai décidé de m'intéresser aux aspects économiques de notre défense et de m'interroger : l'aéronautique militaire a-t-elle un avenir dans notre pays ?
Le Rafale est né du choix fait par le Gouvernement français et l'armée de l'air en 1985 de quitter le consortium de conception d'un avion européen et de réaliser un avion polyvalent français.
En 1988, le programme Rafale lancé, les premières livraisons devant avoir lieu en 1998.
Les industriels, voulant avancer la date de livraison de deux ans, pour bien asseoir leur avance technologique, notamment à l'exportation, acceptent, fait unique dans l'histoire de l'aéronautique, de financer 25 % du coût du développement, ce qui représente actuellement 12 miliards de francs.
Le calendrier était donc le suivant : 1996, premières livraisons ; 2000, 137 avions, pour aboutir, par la suite, à un total de 294 appareils. Ce programme permettait le renouvellement naturel de notre flotte atteinte peu à peu de vieillissement et nous ofrrait en même temps l'occasion de creuser un réel écart technologique avec nos concurrents.
Monsieur le ministre, nous sommes à la fin de l'année 2000. Depuis 1986, cinq appareils Rafale ont été livrés, un point c'est tout !
Que s'est-il donc passé ?
La réponse est simple : d'année en année, de lois de programmation militaire en lois de finances rectificatives, les gouvernements successifs ont, de façon systématique, puisé dans les budgets de la défense et retardé le programme Rafale.
En douze ans, le programme Rafale a été retardé de neuf ans.
Que reproche-t-on au Rafale ? Ses qualités, ses capacités ? Certainement pas !
Le Rafale n'a pas de problèmes techniques. C'est un avion de nouvelle génération qui intègre les technologies les plus complexes et les plus pointues. Surtout, il est polyvalent, c'est-à-dire capable d'exécuter à lui seul les missions de plusieurs avions.
Ainsi, pendant la guerre du Kosovo, nous avons envoyé sept types d'appareils. Si la guerre du Kosovo avait lieu aujourd'hui, nous n'enverrions qu'un seul type d'appareil : le Rafale, précisément parce qu'il est polyvalent.
A ma connaissance, l'Eurofighter a une seule définition air-air.
Quant au JSF américain, ce n'est, pour l'instant, qu'un concept.
Autre reproche entendu au sujet du Rafale : il serait budgétivore.
Alors, laissons parler les chiffres !
Le total du coût du programme est de 150 milliards de francs hors taxes sur trente ans, ce qui inclut les dépenses de développement, la mise en place de la fabrication, les 294 avions prévus, les matériels, les simulateurs, etc.
Ce chiffre est quasiment définitif aujourd'hui car les prix sont arrêtés. Cela représente 5 milliards de francs par an, c'est-à-dire 5,8 % du budget d'investissement de la défense. Trouvez-vous cela « budgétivore », monsieur le ministre ?
Bien sûr, il y a eu une augmentation du coût du fait des retards accumulés et des améliorations demandées par nos armées au fil des progrès scientifiques et des avancées de nos concurrents. Mais j'ai cru comprendre que, après une négociation, les industriels avaient accepté une baisse des coûts de série. Nous sommes donc à enveloppe constante.
Le Rafale est-il plus cher que l'Eurofighter ?
J'ai voulu analyser les chiffres officiels, je me suis renseigné, j'ai posé des questions. Je vous livre les conclusions : le coût de développement de l'Eurofighter est environ trois fois plus important que celui du Rafale ; le prix de série de l'Eurofighter est supérieur à celui du Rafale.
Alors, dernière question : le Rafale génère-t-il moins d'emplois en France que l'Eurofighter ?
Là, nous sommes au coeur du paradoxe !
Le Rafale est un avion français, fabriqué en France, avec un moteur français et une électronique de bord française. Il induit des centaines de sous-traitants et des milliers d'emplois.
Au contraire, l'Eurofighter est intégralement fabriqué hors de France. Il ne génère aucun emploi dans notre pays.
Ce tour d'horizon étant fait, la conclusion est claire : nous avons - tout le monde en convient - une industrie aéronautique performante, vivier d'emplois et de matière grise et un avion tout à fait remarquable ; nous avons donc là un potentiel incroyable d'exportation, de rentrée de devises et de création de richesse pour notre pays.
Dès lors, réapparaît la question fondamentale, cruciale que je posais au début de mon propos : quel est l'avenir de notre industrie aéronautique ?
J'ai appris que le président Clinton avait mis en place une commission, la Blue ribbon commission, qui a pour objet de déterminer les actions prioritaires, les développements essentiels qui permettront aux Etats-Unis de conforter leur leadership dans le monde.
La conclusion est simple : le domaine aéronautique et spatial figure au premier rang, bien avant l'informatique, car il réunit à lui seul dix-sept des hautes technologies de demain et assurera la suprématie dans les conflits du futur.
La maîtrise de l'air et de l'espace est donc primordiale.
Les gouvernements des pays industrialisés ont parfaitement intégré ce paramètre. Ils soutiennent massivement leur industrie aéronautique et spatiale à l'intérieur de leurs frontières comme à l'exportation. Monsieur le ministre, il s'agit là d'une vraie guerre économique.
Et nous, que faisons-nous ? Que fait notre gouvernement pour soutenir les exportations du Rafale ?
Si le premier client du Rafale ne répond pas présent, que vont donc penser les clients étrangers ? Car ils sont là, eux : de nombreux pays manifestent en effet leur intérêt pour cet avion.
Monsieur le ministre, je vous le demande : y a-t-il une volonté nationale ? Y a-t-il une ambition pour notre pays en matière d'exportation aéronautique ?
Ou bien deviendrons-nous, dans les dix années qui viennent, des sous-traitants, une nation has been dans ce domaine ? Et que deviendra cette usine exceptionnelle, fleuron technologique de la Haute-Savoie ?
Des centaines de salariés de ce département, des milliers de salariés de notre pays attendent une réponse. Ils sont inquiets, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'il est un domaine dans lequel un large consensus peut et doit se dégager, c'est bien celui de la défense, tant il y va des intérêts essentiels de la nation.
Aussi, au-delà de toute considération politique, le souhait de tout parlementaire est-il de pouvoir voter le budget de la défense.
Or force est de constater que le souhaitable n'est aujourd'hui plus possible. Et, croyez-le bien, monsieur le ministre, je le regrette vivement, car c'est la crédibilité même de notre pays qui est là en question.
C'est d'ailleurs le souci majeur qui a animé la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat tout au long de ses travaux, conduits par son président, notre éminent collègue Xavier de Villepin.
En se gardant de tout catastrophisme, comme de toute polémique inutile, tous les rapporteurs ont mis en évidence les graves inquiétudes qui pèsent sur l'avenir de notre outil de défense.
En effet, ces dernières années, des choix importants ont été faits en la matière, au premier rang desquels celui de la professionnalisation de nos armées.
Pour que ces choix soient réellement opérants, il fallait bien évidemment que les moyens budgétaires nécessaires y soient affectés. Dans cet esprit, et nous le savions tous, la professionnalisation devait certes conduire à la réduction du format de nos armées, mais sans pour autant entamer notre potentiel de défense, bien au contraire !
Cependant, nous sommes aujourd'hui clairement dans l'impasse. Si les dépenses de rémunérations et de fonctionnement s'accélérent, ce qui est logique, le budget militaire dans son ensemble poursuit sa baisse et le projet de budget pour 2001 s'insère malheureusement dans une tendance longue de réduction des dépenses militaires.
Ainsi, de 1990 à 2000, en loi de finances initiale, le budget de la défense, hors pensions, est resté quasiment identique en francs courants.
La part du budget militaire dans le PIB national décroît passant de 2,4 % en 1996 à 1,96 % en 2001 ; il s'établit désormais sensiblement en deçà du taux britannique. De fait, en 1999, la part des dépenses militaires dans le PIB est de 2,19 % pour la France et de 2,47 % pour le Royaume-Uni. Quant à la part des seules dépenses d'équipement militaire, elle représente respectivement 0,64 % et 0,79 % des PIB des deux pays en 2000.
En outre, cette évolution générale recouvre un important « effet de ciseaux » entre dépenses ordinaires et dépenses d'équipement.
En 1990, les dépenses ordinaires, hors pensions, s'élevaient à 87 milliards de francs et les dépenses d'équipement à 102 milliards de francs. En 2000, la situation est presque exactement inverse, avec 105 milliards de francs de dépenses de fonctionnement et 83 milliards de francs de dépenses d'équipement.
Cela signifie, d'une part, que les dépenses de fonctionnement ne progressent qu'en raison des rémunérations et des charges sociales, au détriment, en particulier, de l'entretien programmé du matériel et, d'autre part, que notre effort militaire régresse dangereusement.
Je ne reprendrai pas le détail des programmes annulés, reportés ou allongés ; ils sont, hélas ! fort nombreux. J'insisterai simplement sur l'insuffisance des crédits alloués au Commissariat à l'énergie atomique, qui diminuent de 4 % par rapport à l'an dernier. Et nous déplorons la diminution de moitié des crédits consacrés au « programme de simulation » qui se substituera aux essais nucléaires.
Bien entendu, on ne peut que se réjouir de la forte augmentation des crédits affectés à l'espace, même s'il faut bien se rendre à l'évidence : le chemin à parcourir sera encore long avant que les armées européennes, et en particulier la nôtre, ne soient plus dépendantes, en opérations, des moyens d'observation américains.
Dans le même esprit, nous regrettons la faiblesse des moyens consacrés aux programmes de télécommunications militaires.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, et même si le tableau n'est pas complètement noir, comme l'a montré avec une grande objectivité notre excellent collègue Paul Masson, concernant les moyens attribués à la gendarmerie, on est bien loin du compte.
On peut certes espérer que le budget de 2002 sera meilleur, même si l'on a du mal à comprendre que nos armées n'aient pas pu bénéficier, dès cette année, des surplus budgétaires dégagés par la croissance.
A ce propos, ayant écouté M. Bécart avec beaucoup d'attention, j'aimerais qu'il me laisse un jour lui expliquer qu'un libéral refuse la défense publique mal placée, mais donne en revanche à l'Etat tous les moyens d'accomplir ses missions régaliennes.
Je tiens à attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les conséquences qu'aura inévitablement le budget de 2001 sur la politique européenne de défense.
En effet, la politique européenne de défense et de sécurité a franchi, il y a un an, au sommet d'Helsinki, une étape décisive avec l'adoption du projet de mise en place d'une « force de réaction rapide » propre à l'Union européenne, confirmant ainsi la décision franco-britannique de Saint-Malo, prise en décembre 1998.
Parallèlement, le choix du missile air-air Meteor par le Royaume-Uni et la décision, confirmée au salon de Farnborough, en juillet 2000, de choisir comme futur avion de transport européen l'Airbus A 400 M ont contribué à conforter la consolidation de la coopération européenne en matière d'armement.
De nombreux points sensibles et stratégiques restent toutefois à définir avant que puisse être concrètement mise en oeuvre la force européenne.
Surtout, les conditions et même le succès de la mise en place de la force européenne paraissent étroitement dépendants d'un degré minimum de convergence des choix budgétaires des pays membres.
Or dans ce domaine, la divergence s'accroît entre la France et le Royaume-Uni, d'un côté, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, de l'autre, mais surtout, et cela me paraît plus grave, entre le Royaume-Uni et la France.
Cette dernière tendance, récente, mais qui se confirme, pourrait bien, à terme, réduire à peu de chose la volonté affichée par la France de se poser en leader de la défense européenne.
On peut même d'ores et déjà considérer, sans forcer le trait, me semble-t-il, que le Royaume-Uni est militairement et industriellement en voie de dominer l'Europe de la défense. C'est la raison pour laquelle nous sommes déçus. Cette évolution nous préoccupe. Notre situation militaire risque d'infirmer le discours volontariste tenu par la France dans les enceintes européennes et internationales. En outre, elle pourrait, à terme, compromettre notre position de membre du Conseil de sécurité.
Votre talent, votre savoir-faire, monsieur le ministre, ne pourront pas dissimuler le fait que votre budget n'assume pas les choix politiques. C'est pourquoi nous ne pouvons que le rejeter. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je parlerai de l'importance de la recherche dans un budget militaire.
Vous connaissez, monsieur le ministre, l'importance de la partie recherche du budget de la défense de nos amis américains. Il est nettement plus élevé que celui des pays européens. Même quand leur budget militaire diminue, ils augmentent leur budget recherche. Je crains que votre budget ne porte pas la marque du caractère stratégique que revêt de plus en plus la recherche en matière de stratégie militaire, y compris la recherche très en amont, du point de vue de la défense nationale et de la défense européenne.
On vient d'évoquer l'européanisation progressive de notre structure de défense, monsieur le ministre. C'est un élément très positif. Mais il nous faut le sursaut qui a été promis à Lisbonne, et en particulier un financement massif de la recherche européenne. C'est capital ! Désormais, nous en avons les moyens puisque l'on a ponctionné plus de 500 milliards de francs sur le secteur des technologies de l'information et de la communication, secteur fondamental pour le développement économique en Europe. Cet argent n'est pas encore totalement disponible. Il convient de s'interroger par des débats parlementaires dans chacun des pays concernés sur son affectation. A cet égard, le Sénat pourrait vous apporter son aide, monsieur le ministre.
L'ensemble des parlements européens devraient avoir un sursaut en la matière et développer massivement des recherches militaires duales. En effet, non seulement les Etats-Unis augmentent leur effort de recherche militaire, mais ils l'utilisent massivement pour développer leur potentiel dans l'industrie stratégique. Ainsi, vous le savez, monsieur le ministre, les Américains consacrent plus de 30 milliards de dollars à leurs programmes statiaux, ceci de façon duale.
Dans ces domaines tout à fait stratégiques, en particulier la télécommunication spatiale, nous sommes sous la dépendance totale du programme de positionnement géographique, le GPS, sous contrôle du Pentagone. Le projet Galiléo mérite d'être soutenu avec force car c'est le seul qui puisse nous éviter de tomber sous la dépendance à la fois civile et militaire des Etats-Unis.
Par ailleurs le Centre national d'études spatiales, le CNES, a déjà pris une option sur une bande de fréquences, la bande L 5. En matière de fréquences, vous connaissez les difficultés rencontrées avec le programme Skybridge pour l'obtention d'une bande de fréquences correspondantes. Les Etats-Unis ont aussi déposé une demande sur la bande de fréquences L 5 qui est nécessaire pour le fonctionnement du projet Galiléo.
Monsieur le ministre, je vous demande instamment de faire en sorte que non seulement la France, mais également l'ensemble des pays de l'Europe et des pays associés à l'Europe puissent agir et soient extrêmement vigilants à cet égard dans le cadre des structures de concertation, qu'il s'agisse de l'IETF ou de l'Union internationale des télécommunications.
Par ailleurs, l'Europe devrait financer, à partir de Bruxelles, un programme massif de recherche duale, ce qui nous permettrait de ne pas être accusés par l'Organisation mondiale du commerce lorsque nous voulons financer nos industries stratégiques, alors que les Américains le font systématiquement par les recherches duales du DOD.
Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen sera très attentif à vos réponses sur ces questions, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. En préambule à mon intervention, permettez-moi de vous adresser, monsieur le ministre, mes plus vives félicitations pour les décisions qui ont été prises lors du conseil des ministres européens de la défense, que vous présidiez, concernant la mise en oeuvre d'une force européenne de réaction rapide.
Plus nous avancerons vers une Europe de la défense, plus nous pourrons maîtriser la part des dépenses militaires dans le budget de la France. Je ne pense pas, à la différence de nombreux orateurs des groupes de la majorité du Sénat, qu'un budget est forcément mauvais s'il n'augmente pas. Nous pourrons ainsi consacrer plus de moyens à l'organisation de la sécurité intérieure, donc à la gendarmerie.
Le Gouvernement a fait de la sécurité sa deuxième priorité, immédiatement après la lutte pour l'emploi. C'est ainsi que le budget de la gendarmerie pour l'année 2001 progresse. Les chiffres ont été présentés par M. le rapporteur pour avis ; aussi me limiterai-je à souligner quelques aspects qui me semblent particulièrement importants.
La sécurité intérieure apparaît, à l'aube du xxie siècle, comme un défi majeur posé à toutes les sociétés modernes. Il s'agit, d'une part, bien entendu, de la question du maintien de l'ordre public, et, d'autre part - c'est à mes yeux le plus important - d'une question de justice sociale. En effet, la délinquance ne pèse pas de la même façon sur tous les citoyens. Les plus pauvres d'entre eux sont souvent aussi les plus démunis face à la violence.
Pour nous socialistes, l'égal accès de tous à la sécurité doit être la pierre angulaire de toute politique en matière de sécurité intérieure. Voilà pourquoi nous soutenons les mesures qui ont été prises par le Gouvernement : renforcement de la proximité des services de sécurité ; renforcement de leur présence dans les zones sensibles ; modernisation des moyens ; enfin, revalorisation des conditions de travail et de vie des gendarmes.
La gendarmerie mérite qu'un effort soutenu soit accompli pour rendre son action encore plus efficace. Elle doit pouvoir s'adapter aux évolutions de la société et aux nouvelles formes de criminalité. Aujourd'hui, on demande aux hommes et aux structures de la gendarmerie des efforts d'adaptation constants. Pour cela, il faut des moyens.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, permet de poursuivre et d'amplifier la progression des ressources constatée depuis 1997 : 23 milliards de francs pour 2001 pour les seuls crédits de fonctionnement, soit une progression de presque 7 %.
Si l'on prend les crédits de fonctionnement des formations, ceux-ci passent de 1,62 milliard de francs à 1,95 milliard de francs, soit une augmentation de plus de 20 %.
Au passage, permettez-moi de souligner que la qualité de la formation dans la gendarmerie est aujourd'hui reconnue par tous.
Quant au redéploiement des forces de sécurité, il semble se dérouler convenablement. Il s'agit de redéployer les moyens de la gendarmerie vers les zones périurbaines, tout en maintenant le maillage cantonal de l'implantation des brigades.
En tant qu'élu rural, je suis très attaché à cette présence. Nos concitoyens ne comprendraient d'ailleurs pas que, pour apporter une plus grande sécurité à une zone périurbaine, on dégarnisse une zone rurale. Je tiens à souligner que telle n'est pas votre politique ni celle du Gouvernement, et je m'en réjouis.
Cela dit, je soulignerai quelques inquiétudes et apporterai une modeste contribution au débat.
La première concerne le recrutement des gendarmes adjoints. Pourrons-nous atteindre les objectifs fixés de 11 000 adjoints en 2001 et de 16 000 en 2002 ? Ne serait-il pas possible de lancer une campagne publicitaire efficace, comme vous l'avez fait pour l'armée de l'air, campagne qui a donné, selon mes sources, d'excellents résultats ?
Ma deuxième inquiétude porte sur les conditions de travail et de vie des gendarmes. Je me souviens qu'il n'y a pas si longtemps les brigades, dépourvues d'équipements de base, faisaient souvent appel aux communes pour les photocopies, par exemple. Fort heureusement, la situation a évolué depuis, et vous n'y êtes pas pour rien.
Dès le début de l'année 2000, vous avez pris plusieurs mesures qui vont dans le bon sens et portent leurs fruits. Dans nos brigades, on reconnaît aujourd'hui être bien doté, notamment en véhicules.
Peut-être faudrait-il réexaminer le problème de l'équipement informatique, qui évolue très rapidement, en ayant plutôt recours au système de location qu'à l'achat. Le renouvellement du matériel serait ainsi permanent. Dans ce domaine, il faut aussi tendre, me semble-t-il, vers l'objectif d'un ordinateur par gendarme.
Pour autant, le malaise n'est pas totalement dissipé. Nous avons vu, ici ou là, quelques signes d'impatience et même une sorte de « coordination des femmes de gendarmes » qui revendique par voie de presse. Il est difficile de ne pas comprendre cette impatience.
Alors même que la société, dans son ensemble, tend vers la diminution du temps de travail - les 35 heures, etc. - comment pourrait-on demander aux gendarmes de travailler toujours plus ? Il s'agit là d'un problème difficile que vous vous attachez à résoudre.
Je souhaite aborder rapidement la question de l'immobilier.
Il me semble que le plan-cadre, qui a plus de trente ans, devrait être actualisé et mieux adapté aux réalités du terrain.
Qu'en est-il, par exemple, des locaux de garde à vue spécifiques équipés en audiovisuel ?
En ce qui concerne les futures gendarmeries, ne serait-il pas souhaitable de prévoir quelques petits logements pour les gendarmes adjoints ? Ainsi pourrait-on diminuer le nombre de logements extérieurs qui, outre leur coût, pose souvent des problèmes d'organisation du travail et des permanences. C'est ainsi que, dans une brigade de mon département, sur trente gendarmes ou adjoints, dix-huit sont logés à l'extérieur.
Le dernier point que je souhaite traiter concerne le recentrage des missions des gendarmes. Je crois que nous devrions réfléchir aux moyens d'éviter le recours à la gendarmerie pour remplir certains missions, telles que la délivrance de procurations pour les élections ou encore l'obligation, pour la gendarmerie, d'émettre un avis systématique chaque fois qu'un maire prend un arrêté municipal lors de manifestations sur la voie publique ou autre.
Ainsi, nous déchargerions nos brigades d'un travail administratif lourd pour permettre un recentrage des missions essentielles que sont la sécurité publique et le service de proximité.
En conclusion, je souhaite réaffirmer le soutien des élus aux personnels de la gendarmerie et rendre hommage à leur engagement sans faille, en toute circonstance, au service du pays.
Je souhaite aussi affirmer le soutien plein et entier du groupe socialiste pour l'action que vous avez engagée, monsieur le ministre, en faveur d'une gendarmerie compétente, efficace, présente sur le terrain. Sans aucune hésitation, nous voterons le projet de budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons entendu beaucoup de chiffres ce soir et, à cette heure avancée de la nuit, je me bornerai à formuler quelques remarques et à poser quelques questions.
Les dépenses d'équipement diminuent. Cela remet en cause des commandes futures. Il y a dans ce contexte, monsieur le ministre, une conséquence que l'on n'évoque que rarement, celle des répercussions sociales. En effet, l'industrie de la défense représente de nombreux emplois. Les commandes militaires en génèrent, tout en apportant à nos armées l'équipement nécessaire.
Votre Gouvernement, qui se donne parmi ses objectifs prioritaires, et c'est louable, la lutte contre le chômage, devrait peut-être méditer sur une utilisation rationnelle de ses finances et permettre ces commandes qui maintiennent et créent des emplois.
Monsieur le ministre, j'ai relevé que les crédits alloués au Commissariat à l'énergie atomique diminuent de 4 %. C'est beaucoup et cela peut susciter aussi des interrogations.
Et puis, il est un point à éclaircir, monsieur le ministre. La construction du laser Mégajoule se poursuit, mais les besoins financiers iront croissant au cours de la prochaine loi de programmation. Cela va exiger un redressement des crédits affectés au nucléaire.
Vous diminuerez également de moitié, l'an prochain, les crédits consacrés au programme de simulation et vous ne lui accorderez que 856 millions de francs. Avec la commission de la défense, nous avons visité le site. Nous avons été impressionnés par cette réalisation tout à fait à la pointe de la recherche militaire. Nous avons été convaincus de son sérieux et des promesses qu'elle représente pour l'avenir.
Certes, ce ne sont pas des critères de décision, mais diminuer ce budget dans des proportions aussi importantes nous conduit à nous poser des questions : quel est le sens de cette réduction que nous a annoncée M. le rapporteur ? Souhaite-t-on arrêter le programme ? Nous sommes perplexes sur l'avenir. Mais peut-être allez-vous nous rassurer, monsieur le ministre.
Dans ce domaine de la recherche, nous sommes également étonnés d'une dérive budgétaire du financement du budget civil de recherche et de développement technologique. On continue à opérer des prélèvements sur le titre VI du budget de la défense. Est-ce conforme à la loi ? On prévoit 1 250 millions de francs pour 2001, me semble-t-il. Cela nécessite peut-être aussi quelques explications.
Une question que nous nous posons aussi, monsieur le ministre, toujours dans le domaine de la recherche, concerne ces crédits que la défense transfère au Centre national d'études spatiales. Ce prélèvement est exclu par la loi de programmation, mais là n'est pas mon interrogation. Ma question est la suivante : cela sert-il la défense ? En clair, y a-t-il des retombées, si je puis dire, sans jeu de mots, pour nos armées ? Dans l'affirmative, quelles sont-elles ?
J'aimerais à présent vous parler du Kosovo et des opérations extérieures, monsieur le ministre.
Pouvez-vous nous expliquer comment sont financées les opérations extérieures ? Elles sont de plus en plus nombreuses : il y a de plus en plus de militaires français en opération à l'étranger, pour de bonnes raisons, certes, que nous ne discutons pas, mais cela représente un surcoût annuel dont le financement nous paraît un peu opaque.
Gérés dans les divers chapitres, les surcoûts, si j'ai bien compris, sont régularisés en fin d'année et intégrés dans la loi de finances rectificative. Mais ce que je ne comprends pas ce sont les appellations Opex ordinaire et Opex extraordinaire.
Classe-t-on vraiment les opérations extérieures ? Si oui, comment expliquez-vous alors que les opérations au Kosovo soient payées sur le budget de la défense ? Elles sont pourtant prévisibles ! Tout le monde sait qu'elles vont durer plusieurs années. L'armée de terre construit même ses installations en dur ou semi-dur.
Dès lors, pourquoi n'impute-t-on pas ces dépenses sur le budget ordinaire, alors que l'on sait qu'elles existeront encore l'année prochaine et peut-être l'année suivante ? Cela allégerait d'autant votre budget, monsieur le ministre.
A ce propos, pouvez-vous nous dire ce que vous prévoyez ou à combien se sont élevés ou s'élèveront cette année les remboursements ONU ou OTAN, autant qu'elle existe, monsieur Bécart.
Monsieur le ministre, si je pose ces questions critiques sur votre budget, je me dois, en revanche, de reconnaître deux grands succès. Le premier, c'est la professionnalisation. Le second, que vous avez accompli avec le Président de la République, c'est la défense européenne. C'est d'ailleurs peut-être ce qui va sauver le succès de la présidence française à Nice, car c'est un résultat très positif déjà acquis, les autres étant encore suspendus à bien des incertitudes.
Mais le corps de réaction rapide, la défense européenne, cela va aussi coûter de l'argent. Ces nouvelles dépenses ne sont pas encore bien évaluées mais elles seront prises sur le budget de la défense, et ce aux dépens des autres utilisation du budget.
Il y a là, peut-être, une raison supplémentaire de renforcer ce budget, d'être attentif aux efforts budgétaires. Puis il y aura aussi le financement de l'état-major européen, qu'il faudra, je suppose, financer directement. Par quel budget ?
Monsieur le ministre, avant d'en terminer, j'en viens, car je ne peux exclure ce point de mon intervention, au Charles-de-Gaulle . Je ne vous interrogerai pas une nouvelle fois sur les raisons de l'absence de décision pour un second porte-avions. Je ne vous questionnerai pas sur les différentes avaries inhérentes, semble-t-il, à la trop longue durée de la construction. J'évoquerai le dernier incident.
Passe encore le défaut de fabrication qui semble bien être à l'origine des problèmes de l'hélice perdue. Mais l'affaire devient rocambolesque, et c'est grave pour le nom que porte ce fleuron de la flotte française et qui est plus que chahuté par la presse de façon irrespectueuse !
A moins que l'affaire ne soit plus sérieuse. Mais là, on manque peut-être d'explications. Avouez, monsieur le ministre, que l'incendie qui s'est produit dans les locaux de la société chargée de la construction de ces hélices est plus qu'innoportun.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Il n'y a pas d'incendie opportun, de toute façon !
M. Robert Del Picchia. Il devient suspect lorsqu'un représentant syndical déclare sur une station de radio qu'il y a peut-être eu sabotage. Sans doute nous donnerez-vous des précisions à cet égard.
Trois questions se posent, monsieur le ministre. Une enquête est-elle menée sur ce point ? Combien de temps dureront les réparations ? Quel sera le retard pour les missions ?
Pour conclure sur ce budget pour 2001, monsieur le ministre, malgré vos efforts - vous n'êtes pas en cause - vous jonglez certainement entre la rigueur de Bercy et la rigueur politique, qui quelquefois est difficile à appliquer.
Ce budget, en apparence à peu près équilibré, est en réalité préoccupant en raison des tendances de dérive des crédits d'équipement, ce qui pose un problème de financement. Tous les stratèges savent qu'en ce début du troisième millénaire - c'est peut-être regrettable mais c'est ainsi - la question du poids des capacités de défense d'un pays est non plus : « Combien de divisions ? » mais : « Combien de milliards ? ».
Pour toutes ces raisons, afin de vous encourager sur cette voie et de vous permettre de convaincre Bercy du bien-fondé de votre démarche, après avoir voté votre budget voilà deux ans, je suivrai cette année l'avis défavorable émis par la commission des finances sur l'ensemble des crédits de votre ministère inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de la défense pour 2001 doit d'ores et déjà être analysé au regard des progrès de l'Europe de la défense. Cela paraît une évidence au moment où s'ouvre le sommet de Nice.
Cette évolution majeure est d'autant plus importante qu'il est probable que, dans l'avenir, nos armées interviendront fréquemment dans ce cadre, que les forces mises à la disposition de l'Europe représentent une part très importante des capacités de projection et de commandement de notre pays, et que les engagements souscrits devront être remplis aussi bien en quantité qu'en qualité pour que la France y tienne sa place. Ce nouveau contexte entraînera une évolution de nos forces et de leur emploi, et une adaptation de notre outil industriel.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je centrerai mon intervention sur la construction de la défense européenne et, à propos de notre industrie de défense, sur l'avenir de la DCN.
S'agissant de la construction de l'Europe de la défense, tout d'abord, plusieurs questions se posent : quelles sont exactement les contributions des différents pays et comment se coordonnent-elles entre elles ? Quelle en sera l'organisation opérationnelle ? Comment s'harmoniseront les efforts de défense ?
Lors de la conférence d'engagement des capacités, qui s'est tenue voilà deux semaines environ, les pays européens se sont engagés à constituer un réservoir de forces de 100 000 hommes, 400 avions de combat et 100 bâtiments permettant de projeter une force européenne de 60 000 hommes déployable en soixante jours pendant un an. Chaque pays a alors fourni une première évaluation de ce qu'il mettrait à la disposition de l'Europe. La France a proposé 12 000 hommes, 12 bâtiments et 75 avions ; le Royaume-Uni, 12 500 hommes, 18 bâtiments et 72 avions de combat ; l'Allemagne, au moins 13 500 hommes au titre de l'armée de terre, ces trois pays fournissant l'apport le plus important. Mais les premiers chiffres des différentes participations doivent être confirmés, car ils doivent réellement correspondre à des troupes projetables et équipées de moyens modernes. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser où en sont les différents pays de l'Union ?
Par ailleurs, si beaucoup de pays ont annoncé qu'ils mettraient des capacités à la disposition de l'Europe, celles-ci ne sont pas toujours disponibles en permanence. Je prendrai l'exemple des capacités aéronavales. La France devrait mettre à la disposition de l'Europe le porte-avions Charles-de-Gaulle, avec son groupe aérien et une escorte. L'Italie et l'Espagne feront de même en apportant à l'Europe un porte-aéronefs chacune, le Giuseppe Garibaldi et le Principe de Asturias. Le Royaume-Uni apportera, pour sa part un porte-aéronefs et un porte-hélicoptères. Or seul le Royaume-Uni, qui possède trois porte-aéronefs - dont un en réserve ou en réparation - aura la possibilité d'en mettre un, en permanence, à la disposition de l'Europe. La France, elle, n'a pour l'instant qu'un seul porte-avions, disposant, il est vrai, de capacités militaires assez nettement supérieures. Elle ne pourra le mettre à la disposition de l'Europe que pour une période de six mois en moyenne, quand il sera enfin en service. Il s'agit donc d'une disponibilité partielle, limitée par les périodes d'entretien et de relève ou de repos des équipages. Dès lors, comment les pays européens pourront-ils être assurés de disposer en permanence des moyens aéronavals indispensables à toute opération de projection de forces ?
Des solutions concrètes, monsieur le ministre, ont-elles été envisagées pour résoudre cette difficulté ? Une coordination des périodes de disponibilité entre les différentes marines est-elle envisagée ? Un effort concerté d'équipement est-il à l'étude ?
A cet égard, l'Italie a très récemment annoncé la construction d'un porte-aéronefs amphibie de 22 000 tonnes, pouvant embarquer des avions Harrier à décollage court et atterrissage vertical ayant pour mission d'appuyer un débarquement. Sa livraison étant prévue en 2007, l'Italie devrait donc disposer de deux porte-aéronefs à la fin de la décennie. De même, le Royaume-Uni a entamé la modernisation de ses moyens aéronavals, en admettant récemment au service actif le porte-hélicoptères HMS Ocean et en poursuivant un programme de construction de deux porte-avions de 40 000 tonnes pour 2012-2015. La France devrait, elle, mettre en chantier deux nouveaux transports - TCD - de chalands de débarquement d'environ 20 000 tonnes ayant une capacité porte-hélicoptères, mais ne pouvant pas, bien entendu, mettre en oeuvre l'aviation embarquée du Charles-de-Gaulle, ce qui souligne à nouveau la nécessité de mettre en chantier un second porte-avions, outil indispensable de la projection de force et de puissance.
L'existence de certaines lacunes conduit, en outre, logiquement, à s'interroger sur le niveau de l'effort consenti par chaque pays de l'Union européenne pour sa défense. Or de fortes divergences apparaissent. Le Royaume-Uni consacre 2,5 % de sa richesse nationale à sa défense, la France environ 2 % et tous les autres pays 1 % ou moins. Il y a là un défi très important et difficile à relever. Si un critère de convergence en pourcentage du PIB ne semble pas avoir été retenu, où en est-on, monsieur le ministre, de l'élaboration de mécanismes incitatifs et d'indicateurs de cohérence ?
L'exemple des capacités aéronavales et de transport tactique maritime conduit enfin à s'interroger sur le niveau de la coopération militaire en Europe. L'Europe de la défense consiste pour l'instant à mettre à disposition des forces nationales et à organiser progressivement une coordination opérationnelle des fonctions dites « douces », correspondant au transport et à la logistique. A cet égard, qu'en est-il des réflexions sur un commandement européen du transport tactique maritime auquel participeraient les Pays-Bas, la Belgique et la France ? D'autres pays européens seraient-ils prêts à y participer comme en matière de transport aérien ? Pourra-t-on définir un type identique de bâtiment ? Ce premier pas important ne devrait-il pas conduire à une mutualisation des fonctions « dures », c'est-à-dire de combat ? Alors que se constitue une force de projection européenne, il sera inévitable de s'accorder sur les équipements les plus utiles à la réussite des opérations.
Par ailleurs, le nouveau contexte européen aura, à l'évidence, une influence directe sur l'organisation de l'industrie navale militaire, à l'image de l'évolution rapide de l'industrie aéronautique, et posant la question de l'avenir de la DCN. Je formulerai à cet égard une inquiétude et une interrogation.
L'inquiétude tout d'abord : aujourd'hui, la DCN doit impérativement trouver des marchés à l'exportation pour maintenir un niveau suffisant d'activité, pallier la forte diminution, depuis dix ans, des commandes de l'Etat et réussir sa réforme. Elle s'y emploie activement en matière de frégates ou de sous-marins, et souvent avec succès. Toutefois, les récents contrats, conclus avec Singapour pour des frégates de type La Fayette et avec le Pakistan pour des sous-marins diesel de type Agosta, prévoient un seul bâtiment construit en France, les autres étant construits dans le pays client, ce qui entraîne d'importants transferts de technologie. La DCN prend ainsi le risque de se créer de nouveaux concurrents capables, à terme, de fabriquer du matériel de très haute technicité. Ces transferts de technologie, nous le savons, sont inévitables. Ils sont devenus le lot commun des exportations d'armements, tout client exigeant le plus de contreparties possibles pour ses industriels.
Néanmoins, cette stratégie d'exportation ne pourra être pérenne que si un effort suffisant est consenti en matière de recherche et développement pour perfectionner les équipements ou en développer de nouveaux, afin de maintenir le savoir-faire et l'avance technologique de la DCN. Mais je ne suis malheureusement pas sûr que ce soit le cas aujourd'hui, alors que la recherche militaire dispose de peu de crédits. Sa compétitivité est également intimement liée aux progrès de productivité qu'elle sera capable de réaliser et qui tardent pour l'instant à se concrétiser. J'ajouterai que ces progrès de productivité sont aussi très attendus de son principal client, la Marine nationale, pour laquelle ils sont la clef de la réalisation du « modèle 2015 ».
Enfin, l'avenir de la DCN ne peut désormais se comprendre que dans le cadre d'une restructuration de la construction navale militaire européenne. Dans cette restructuration, quelle sera la place de la DCN ? Avec quel statut : public ou privé ? A ce propos, où en sont les négociations avec Thomson-CSF, qui marqueront la première étape, à l'échelon national, de ces restructurations ? Les Chantiers de l'Atlantique y seront-ils associés afin de constituer une société française duale permettant d'associer des savoir-faire de tout premier plan aussi bien civils que militaires ?
En Europe, les industriels du secteur sont, selon les pays, privés ou publics, et parfois en voie de privatisation ; certains ont, en outre, une activité qui n'est pas exclusivement militaire. Dès lors, des alliances peuvent-elles être envisagées avec le constructeur espagnol Bazan avec qui la DCN coopère sur le sous-marin Scorpène déjà vendu au Chili ou avec l'Italien Fincantieri qui participe aux programmes Horizon ? D'autres rapprochements sont-ils possibles avec Bae Systems ou avec le groupe germano-suédois HDW qui est notre concurrent direct en matière de sous-marin ?
A l'heure où l'on construit un avion de transport militaire européen, l'A 400-M, ne peut-on pas concevoir, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'un industriel européen construise un jour un TCD ou une frégate européenne, réalisant sur les flots ce qu'Airbus a réussi dans les airs ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la gendarmerie pour 2001 est un bon budget. Au demeurant, l'analyse objective de notre rapporteur - dans son rapport écrit... - en souligne les points forts, qui concrétisent clairement la volonté du gouvernement de Lionel Jospin de continuer à donner une réelle priorité aux questions de sécurité.
Avec un montant de crédits de 23,77 milliards de francs, le projet de budget de la gendarmerie pour 2001 progresse de 2,6 %, ce qui prolonge et conforte l'augmentation de 2,3 % de l'an dernier. Cela permet à notre rapporteur d'écrire, dans son introduction : « Le projet de budget de la gendarmerie pour 2001 permettra de répondre dans une large mesure aux exigences liées au fonctionnement courant des unités. »
Ce budget permettra, je le rappelle, la création de postes d'officiers, de sous-officiers et de volontaires, afin de compenser largement la diminution du nombre d'appelés.
En outre, les traitements seront revalorisés. L'enveloppe pour la réserve progresse. L'aide aux collectivités pour la création de logements et de casernes augmente. La fidélisation, contrairement à certains pronostics, est une réussite.
Bref, monsieur le ministre, toutes ces analyses sont positives. Vous devez en être félicité et remercié.
On pourrait donc logiquement s'attendre à une large satisfaction des gendarmes, de leurs familles et des élus. Hélas ! il n'en est rien. Le malaise - qu'il ne faut cependant pas exagérer - des uns et des autres est toutefois une réalité, et le mouvement des femmes de gendarmes en est la manifestation, qui s'est concrétisée sous la forme de la création d'une association régie par la loi de 1901.
A l'heure où le dialogue s'instaure dans presque tous les secteurs de la société, cette initiative ne doit pas être condamnée, dans la mesure, bien sûr, où son action s'inscrit dans ses buts initiaux, à savoir assistance aux familles en difficulté, réflexion et information sur les problèmes vécus ou subis par les gendarmes et leurs familles.
Plusieurs hypothèses sont avancées sur l'origine de ce malaise : mobilité jugée parfois excessive, généralisation des 35 heures en dehors de la gendarmerie, multiplication et complexité des missions.
Sans méconnaître la réalité de chacun de ces constats, je m'attarderai sur deux problèmes dont l'importance n'est pas toujours appréhendée.
Le premier réside dans le non-remplacement des gendarmes absents, dont le nombre a tendance à progresser en raison des congés, des maladies, des stages, des missions à l'étranger. Ces absences sont d'autant plus pénalisantes que la brigade a un effectif plus réduit, et c'est le monde rural qui vit le plus mal cette situation, car certaines de ses brigades n'ont jamais un effectif au complet.
Dans ces conditions, les présents assument leur travail ainsi que celui des absents, et personne n'est content, même pas ceux qui sont absents, car ils savent qu'ils pénalisent involontairement leurs collègues. Cette situation endémique dans le monde rural est pour beaucup dans le malaise actuel.
Monsieur le ministre, permettez-moi à cet égard de reprendre une suggestion que j'ai déjà formulée dans le passé mais qui n'a pas retenu votre attention : pourquoi ne mettez-vous pas en place, au niveau soit des départements soit des régions, des brigades que l'on pourrait qualifier de « volantes », dont les membres auraient comme fonction, entre autres, de remplacer les absents ?
Où prendre les effectifs, me direz-vous ? Peut-être - et c'est une autre suggestion - dans les effectifs que l'on affecte aux missions internationales ! Là aussi, la progression est assez inquiétante : je suis d'accord pour la participation au maintien de la paix dans le monde, à condition toutefois que ce ne soit pas au détriment de nos brigades territoriales !
Le deuxième problème que je souhaite évoquer intéresse les gendarmes et les élus ruraux.
Monsieur le ministre, les populations rurales changent, elles subissent de plus en plus des mouvements de populations à problème. Pour l'instant - mais pour l'instant seulement - il s'agit de ce que l'on pourrait appeler des nuisances en continu émanant de jeunes enfants : ils insultent, ils menacent, ils pénètrent dans les jardins voire dans les domiciles, ils détruisent, volent, perturbent. Quant aux parents, ils ont généralement abdiqué.
Les élus sont alors harcelés de pétitions et de réclamations, hélas ! justifiées. Ils font appel aux gendarmes, qui avouent souvent leur impuissance. La prévention est de plus en plus absente dans le monde rural, monsieur le ministre ! Les gendarmes n'ont plus le temps d'y faire face.
Des actions de prévention sont menées, certes timidement, en milieu urbain et périurbain, et c'est bien. Mais, depuis des années, la prévention dans le monde rural est pénalisée : la brigade est jugée, notée sur ses interventions constatées, sur ses résultats tangibles, et celle dans laquelle il ne se passe rien est qualifiée d'inutile. Rien n'est plus faux ! Un tel raisonnement condamne la prévention, car celle-ci exige la présence de brigades, certes, mais également de gendarmes !
Mes réflexions n'enlèvent rien aux qualités de votre budget, monsieur le ministre. Après avoir procédé à une analyse objective - dans son rapport écrit, je le répète - notre rapporteur et la majorité de la commission des affaires étrangères ont apporté une conclusion qui, elle, est non pas objective mais politique et en totale contradiction avec l'analyse qui précède. Cette attitude ne permet pas d'atténuer le malaise que notre rapporteur déplore !
Le budget de la gendarmerie est un bon budget, mais, par son vote, la majorité de notre assemblée le rejette. C'est que la plupart des gendarmes, hélas ! retiendront. Mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, votre vote n'aidera pas cette arme, dont vous souhaitez pourtant, dites-vous, le bon fonctionnement ! Sur l'ensemble du budget de la défense, je me contenterai de souligner certains points. Ce budget répond aux besoins de nos armées. Il permet de concrétiser les orientations de la loi de programmation corrigée par la revue des programmes. Il consolide la professionnalisation de nos forces. Il renforce les moyens de fonctionnement et modernise les équipements.
Par ailleurs, l'Europe de la défense réalise des progrès certains. L'Union européenne a décidé de se doter, à terme, des moyens nécessaires pour être un acteur politique majeur et assumer pleinement son rôle sur la scène internationale. En un temps très court, elle a pris des mesures décisives auxquelles, monsieur le ministre, vous n'êtes pas étranger. Votre action en faveur de la défense européenne mérite notre soutien, voire celui de la totalité des membres de notre assemblée.
Monsieur le ministre, votre budget est cohérent avec les orientations que vous avez définies. Il répond aux objectifs de notre défense nationale. Le groupe socialiste votera donc les crédits affectés à votre ministère pour 2001 ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Hethener.
M. Alain Hethener. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous préoccupe ce soir est de la plus haute importance. En effet, la question, sous-jacente, est de savoir si nous serons encore en mesure, dans dix ans, dans vingt ans, de défendre nos intérêts vitaux sans recourir à une quelconque aide internationale. Qui le sait aujourd'hui ?
A l'analyse du budget pour 2001, la réponse n'est pas si aisée. En effet, il semblerait que le Premier minisstre n'ait pas la fibre militaire : grâce à toute l'importance que le Premier ministre accorde à ces questions, le budget de la défense vient de passer du deuxième rang au troisième rang, ce qui est en soi novateur puisque, à la différence de la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont décidé d'accroître leurs budgets depuis quelques années.
J'en déduis que le Premier ministre est plus subtil que ses collègues pour estimer que l'armée française pourra réaliser ses objectifs avec un budget en baisse. En effet, quand le Gouvernement laisse croire que la France peut tenir son rang et jouer un rôle clé dans les crises à venir, les Américains, qui, eux, voient leur budget de la défense passer de 290 milliards de dollars à plus de 310 milliards de dollars, soit une hausse de plus de 7 %, déclarent que « c'est un bon début pour stopper le "déclin des forces militaires" et qu'il manque toujours 30 milliards de dollars par an pour permettre une modernisation ». De plus, ils concluent en estimant qu'il s'agit d'un budget d'attente. En France, le Gouvernement nous propose un budget d'avenir, mais malheureusement en baisse.
C'est en tout cas ce qui ressort de l'analyse des données chiffrées : le titre V, qui concerne les équipements - et dont le précédent Gouvernement avait prévu, à travers la loi de programmation militaire votée en 1996, qu'il devait se situer au moins au-dessus de 86 milliards de francs -, atteindra tout juste les 83 milliards de francs. En outre, il est en baisse de 0,3 % par rapport au budget de 2000.
Quant au titre III, il est en baisse de 0,4 % en francs constants, comme l'ont indiqué certains des orateurs qui m'ont précédé.
A la lumière de ce budget, nous pouvons donc dire que notre pays n'assume pas financièrement ses choix politiques. Aucun crédit n'est inscrit dans le budget pour l'avion de transport futur, alors que l'armée de l'air n'est pas en mesure de faire face au vieillissement de son parc de Transall. La Royal Air Force sera sans doute dans dix ans plus performante que l'armée de l'air française, alors qu'aujourd'hui elles sont de force comparable.
Avec la question du second porte-avions, c'est toute la problématique de notre capacité à projeter nos forces qui se pose. En effet, le porte-avions Charles-de-Gaulle n'est opérationnel que pendant les deux tiers de l'année.
Que sommes-nous capables de proposer à nos partenaires au sein de l'OTAN ? Sommes-nous vraiment crédibles en affichant une incapacité à projeter nos forces pendant quatre mois de l'année ? Le porte-avions, qui est l'instrument de souveraineté par excellence et de projection de puissance, ne peut et ne doit pas rester inutilisable le tiers de l'année.
C'est avec de telles carences que nous risquons de voir, monsieur le ministre, notre siège au Conseil de sécurité des Nations unies être remis en cause par d'autres Etats qui, eux, se seront donné les moyens de leurs ambitions.
Mon intervention ne se veut pas exhaustive, monsieur le ministre. C'est la raison pour laquelle je vais conclure. Mais, au moment où les avions Rafale promis à nos armées se font attendre, au moment où notre porte-avions cale et, enfin, au moment où le Gouvernement décide de ne pas suivre le mouvement de hausses budgétaires décidé par nos partenaires, il convient de s'interroger sur le rôle que nous pourrons jouer à l'avenir dans l'OTAN : il semblerait qu'à force de renoncements sur nombre de points nous risquons d'avoir un strapontin dans les différentes institutions chargées de la sécurité européenne.
Pour conclure définitivement, je dirai, après M. Blin, que ce budget comprend quelques points positifs, notamment en ce qui concerne la gendarmerie ; mais je pense que le budget global n'est pas à la hauteur de nos ambitions et ne permet sûrement pas à la France d'assurer à l'avenir la place qui doit être la sienne au sein de la défense européenne et dans le monde. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la défense me plonge dans la perplexité.
Je ne fais pas allusion à la complexité de leur présentation, mais au décalage qui subsiste toujours par rapport à l'évolution géopolitique. En effet, tout le monde s'accorde à affirmer que la construction européenne rend impossible un conflit armé au sein de l'Union. La dilution de la menace militaire directe, ou plutôt son changement de nature, réduit fortement les risques d'un conflit frontal sur notre continent.
De deux choses l'une : soit notre effort bugétaire est largement insuffisant pour une défense tous azimuts dans la mesure où il ne permet pas à notre nation de prendre seule en charge un conflit dont la nature est, de plus, aujourd'hui mal définie ; soit les crédits sont mal orientés et certaines lignes budgétaires sont inutiles, car les conflits sont aujourd'hui devenus avant tout économiques et diplomatiques.
Nos offensives doivent donc aussi se traduire par le développement de l'influence culturelle française et européenne. C'est ainsi qu'avant-hier, lors du débat sur les crédits des affaires étrangères, je suggérais, devant un auditoire aujourd'hui pas encore converti, le transfert de quelques milliards de francs du budget de la défense, ce qui ne l'aurait pas profondément affaibli, sur celui des affaires étrangères, ce qui l'aurait grandement renforcé.
Vous l'aurez compris, je suis favorable à un plus grand ciblage du budget de la défense. Les zones d'action prioritaires sont presque exclusivement l'Europe, la Méditerranée et l'Afrique.
Je conçois qu'il soit très difficile de réorienter des programmes qui s'étalent parfois sur quelques dizaines d'années. Mais construiriez-vous aujourd'hui le porte-avions Charles-de-Gaulle ?
Son utilisation est sans doute tout à fait nécessaire dans un conflit du type de celui des Balkans, mais ne faudrait-il pas aujourd'hui « penser Europe » dans la conception et le financement d'une force aéronavale ? Son sistership, s'il est indispensable, ne doit-il pas s'inscrire dans cette stratégie ?
De toute façon, nous ne pouvons utiliser nos forces sans l'accord et le concours de nos alliés européens. C'est pourquoi, Européen convaincu, je me félicite, comme M. le président de Villepin, des progrès réalisés par les gouvernements et les industriels de l'armement dans la mise en place d'une défense européenne.
Dans un autre domaine, tenant compte de l'évolution radicale des problèmes de défense, vous avez modulé la livraison des chars Leclerc, considérant certainement aussi que la perspective d'un choc frontal en Europe centrale appartenait au passé.
Je comprends que de telles décisions soient très difficiles à prendre, car elles atteignent notre fierté nationale, au regard de notre glorieux passé militaire. Je suis cependant convaincu qu'il faut avoir le courage de sacrifier certaines lignes de crédits pour pouvoir en renforcer d'autres. S'il en va autrement, nous subirons un éparpillement des dépenses qui nous conduira à un système d'armes « échantillons » et interdira toute efficacité et tout concept global de notre défense.
La gendarmerie est l'une de mes préoccupations majeures, dans votre budget.
Tous les citoyens reconnaissent que les gendarmes allient la rigueur militaire à la connaissance profonde de la société. Votre projet de budget pour 2001 donne-t-il aux gendarmes les moyens de remplir efficacement leurs missions en France ?
La progression des effectifs dans les années à venir sera-t-elle suffisante pour faire face aux problèmes de sécurité intérieure grandissants auxquels nous serons confrontés ?
Au-delà de la question des effectifs, la gendarmerie doit répondre à des doutes qui affectent son moral et son efficacité.
Pour ce qui est de son moral, je constate que les 35 heures sont à l'origine d'un malaise, en raison des comparaisons spontanées avec les autres fonctionnaires, notamment avec la police. Les gendarmes ont l'habitude de servir, mais ils ne comprennent pas pourquoi ils seraient affligés d'un statut aussi particulier.
Les redéploiements ont souvent réduit la présence et l'efficacité de la gendarmerie dans les campagnes, à l'intérieur d'un même département. Il est évident, par ailleurs, que les gendarmes adjoints sont moins opérationnels, du fait d'une expérience moindre. C'est une erreur de prendre le risque d'une plus grande insécurité dans nos campagnes.
Il faut également apporter un soin particulier au quotidien des gendarmes. Mais les crédits prévus pour 2001, en dérisoire progression, sont largement insuffisants pour moderniser les équipements bureautiques, fournir les hommes en armes performantes, les munir de gilets de protection pour qu'ils assurent mieux la sécurité des citoyens et, hélas ! aujourd'hui, leur propre sécurité.
En conclusion, face à ce budget, je suis soucieux et, comme beaucoup d'autres membres du groupe du Rassemblement démocratique social et européen, je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez apaiser les inquiétudes dont j'ai fait état. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite énoncer les principes qui guident ce budget de la défense de 2001, tout en répondant aux interventions très nombreuses et de grande qualité qui ont nourri le débat jusqu'à présent.
Comme plusieurs orateurs l'ont souligné, à la suite du président de la commission des affaires étrangères, M. de Villepin, notre pays est engagé dans une rénovation profonde de son outil de défense lui permettant d'assurer sa sécurité dans des conditions nouvelles, de remplir ses engagements internationaux et d'assurer la pérennité de son rayonnement en Europe et dans le monde.
Depuis mon arrivée à la tête de ce ministère, j'ai oeuvré à cette transformation et à l'application de la loi de programmation qui la soutient. Cet effort, mené dans la durée et conjugué à l'engagement exemplaire des personnels militaires et civils de la défense, permet à notre pays de disposer d'un outil militaire adapté aux défis d'aujourd'hui.
Notre nouveau modèle d'armée nous permet en effet de faire face efficacement aux crises qui secouent la communauté des nations, et je veux remercier ceux des orateurs qui, dans leur intervention, ont partagé cette analyse. J'appelle toutefois leur attention sur le fait que, si nous connaissons aujourd'hui certaines menaces, si nous pouvons prévoir l'occurrence de certaines crises dans les prochaines années, nous avons, en même temps, la responsabilité d'anticiper des types de risques qui apparaissent aujourd'hui lointains, mais auxquels on ne peut réagir qu'en prenant ses précautions très longtemps à l'avance.
Notre pays, je le souligne, prend ses responsabilités - bien plus que d'autres ! - pour faire respecter la légalité internationale, et il a, pour cela, créé un outil militaire efficace et adapté. L'effort accompli nous permet aujourd'hui de jouer un rôle important dans les progrès décisifs opérés par l'Europe pour prendre en main sa propre sécurité - j'y reviendrai. C'est en tout cas dans cette perspective que s'inscrit le budget qui vous est aujourd'hui soumis.
Voilà maintenant deux semaines, j'ai pu, avec satisfaction, vous exposer les résultats importants auxquels nous sommes parvenus, pendant la présidence française de l'Union européenne, en matière de défense. L'Europe est en effet en train de se doter d'un outil commun : une force de réaction rapide appuyée sur de véritables capacités stratégiques lui permettant, dans les années qui viennent, de décider seule et pour l'essentiel, d'agir seule. Je ne reprends pas la description de cet outil ; nous en avons parlé récemment dans ce débat qui a été fort riche.
Pendant la présidence française, une étape cruciale aura été franchie sur la voie de la constitution d'une capacité européenne d'action militaire au service de notre politique commune de sécurité et de défense.
Nous pouvons, je crois, assumer avec une certaine fierté le rôle joué par notre pays dans ce qui sera, si nous nous en donnons les moyens, un grand succès pour l'Europe.
Cet engagement de la France n'a été rendu possible que grâce à l'intense effort d'adaptation de son outil militaire que nous menons depuis 1996. J'y trouve, comme bien d'autres, la confirmation de la pertinence du choix de modèle d'armée qui a été fait en 1996 sur la base du Livre blanc de 1994. C'est grâce au choix d'une armée professionnelle, adaptable, projetable, bien entraînée et bien équipée que la France peut tenir sa place en Europe.
La perspective européenne dans laquelle s'inscrit ce budget est aussi une perspective industrielle. L'Europe est en train de se doter d'une base technique et industrielle forte et compétitive, élément indispensable pour soutenir l'autonomie stratégique de la défense de notre continent.
Depuis maintenant trois ans, ce Gouvernement a encouragé la restructuration de l'offre technologique et industrielle de l'Europe et rationalisé la demande grâce à une plus grande coopération entre les Etats.
Je veux rappeler les lancements de programmes conjoints entre Européens qui ont marqué ces deux dernières années : le Tigre, en 1999 ; l'hélicoptère de transport NH 90 cette année, étant précisé, monsieur Blin, qu'il n'a jamais été question qu'il soit livré cette année puisque c'est cette année que nous avons conclu la commande ; toujours en 2000, la commande des frégates franco-italiennes Horizon et de leurs systèmes d'armes trinationales PAAMS, avec les Britanniques enfin, l'engagement de sept pays de l'Union européenne et de nos partenaires turcs dans le projet A 400 M d'avion de transport, dont la commande devrait intervenir en 2001. L'entente de cinq pays pour un missile air-air de nouvelle génération commun au Rafale et à l'Eurofighter, le Meteor constitue un autre projet majeur.
De même, ainsi que l'a mentionné M. de Villepin en présentant le rapport de M. Jean Faure, la combinaison du projet franco-italien et de la décision allemande de lancer des satellites d'observation radar pour les besoins interalliés complétera les capacités européennes en matière de renseignement, jugées prioritaires par les Etats européens lors du sommet d'Helsinki.
La question a été posée de la fermeté des décisions italienne et allemande. Pour m'entretenir fréquemment avec mes homologues italiens et allemands, qui souhaitent tous deux ardemment que la France partage cet effort avec ses partenaires non pas sous la forme d'un engagement financier mais sous celle d'un partenariat technique et opérationnel, je crois pouvoir dire que leur détermination est tout à fait réelle.
Au-delà de ces différents programmes, nous sommes en train de faire monter progressivement le rythme d'activité de l'OCCAR, l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, qui regroupe les quatre plus gros acheteurs européens. C'est, assurément, la voie d'avenir non seulement pour les acquisitions, mais aussi, comme le faisait justement remarquer M. Laffitte tout à l'heure, pour un début de coopération européenne en matière de recherche et d'études prospectives.
Dans le même temps que la demande s'est fortement rassemblée, nous avons restructuré l'offre dans des domaines importants de l'industrie de défense européenne. Nous avons en effet joué, avec nos principaux partenaires, un rôle important dans la constitution de grands groupes européens capables d'affronter la concurrence mondiale.
Le groupe EADS, désormais constitué, a renforcé ses partenariats avec les industries britanniques et italiennes. Thomson-CSF a affermi son positionnement européen par son rapprochement avec le groupe britannique Racal. C'est sur la base de cette consolidation qu'il a choisi le nouveau nom de Thales aujourd'hui même.
Nous avons signé, à six pays européens, un accord cadre pour harmoniser les règles applicables aux industries de défense, qui permettra de réaliser des synergies entre les industries nationales.
Dans le domaine de l'industrie navale de défense, la réforme de la DCN constitue un axe majeur de la politique de modernisation du ministère. Cette réforme, sur laquelle plusieurs orateurs m'ont interrogé, a pour objectif de restaurer la compétitivité de la DCN, afin qu'elle continue de répondre aux besoins de la marine nationale et qu'elle occupe, sur le marché mondial, la place que ses savoir-faire lui permettent d'espérer.
Je veux d'ailleurs faire observer, à cet égard, que, compte tenu des commandes en cours de conclusion et de celles qui vont bientôt être signées - j'y reviendrai - le chiffre d'affaires de la DCN au titre de la marine nationale devrait connaître une augmentation substantielle au cours des prochaines années.
Pour développer leurs atouts sur le marché international, l'Etat, propriétaire de la DCN, et le groupe Thales, s'appuyant sur des partenariats éprouvés de longue date, ont décidé de constituer une société commune de commercialisation et de maîtrise d'oeuvre industrielle en ce qui concerne les navires armés ou leurs systèmes de combat en vue de leur exportation.
Les discussions relatives à la constitution de cette société commune ont abouti. Leur traduction législative est incluse, ce soir même, dans un amendement au projet de loi de finances rectificative actuellement en discussion à l'Assemblée nationale et dont vous serez saisis dans quelques jours.
Ces évolutions, vous le voyez, sont importantes : elles engagent l'avenir à long terme de nos capacités industrielles de défense ; elles confirment aussi, je l'ai dit, la pertinence de notre modèle d'armée, qui a fondé l'actuelle loi de programmation militaire.
Le budget pour 2001 qui est soumis aujourd'hui au Sénat permettra à notre pays de poursuivre dans de bonnes conditions l'adaptation de son outil militaire. Le montant des crédits dont disposera le ministère de la défense sera de près de 189 milliards de francs. Contrairement à ce que pouvaient laisser croire des propos que j'ai entendus mais que je n'ai pas compris, il est en augmentation - et non en réduction - de 0,55 % par rapport aux chiffres de la loi de finances initiale de 2000.
Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, en bons praticiens budgétaires que vous êtes, que l'augmentation des moyens effectivement disponibles sera, en pratique, de 1 %, compte tenu, d'une part, d'une économie de l'ordre de 500 millions de francs résultant de la baisse d'un point du taux de la TVA applicable à la majeure partie des achats courants et des équipements, et, d'autre part, d'une réduction de 250 millions de francs du transfert opéré au profit du budget civil de recherche et de développement. Il s'agit donc bien d'un budget en augmentation.
Par conséquent, l'effort de la France en matière de défense demeure à un niveau élevé. La baisse relative du ratio de la dépense consacrée à la défense sur le PIB s'explique par la croissance exceptionnellement rapide du PIB et non par une réduction du numérateur. Cette dépense est en croissance incontestable. Nous avons connu des temps où, comme le dénominateur stagnait, il était naturellement moins difficile de maintenir ce ratio, mais je pense que personne ici ne souhaite le retour à cette période.
Je voudrais aussi répondre brièvement aux propos tenus par plusieurs orateurs de l'opposition sur les conséquences qui résulteraient, pour l'Europe de la défense, de la comparaison entre notre budget d'investissement et celui du Royaume-Uni. Au fil de ce raisonnement, les treize autres nations de l'Union européenne ont d'ailleurs quasiment disparu.
Avez-vous remarqué, mesdames et messieurs les orateurs de l'opposition, que cette construction politique se fait à quinze et que si nous avions la courte vue ou la maladresse de prétendre, contre toute rationalité, nous arroger un leadership de principe dans cette construction, celle-ci n'aurait tout simplement jamais vu le jour ?
Il nous faut donc sortir d'un provincialisme légèrement attardé, qui consiste à penser qu'il doit forcément y avoir un chef. J'ai souvent entendu ce raisonnement, décalé, me semble-t-il, par rapport à la réalité et qui présuppose, au fond, que nous construirions seuls l'Europe et que le rôle des quatorze autres Etats serait simplement d'écouter nos leçons. Or l'Europe ne s'est jamais construite ainsi.
Je crois que cette attitude relève d'une « infirmité » de la pensée et que les nations qui consacrent moins de moyens que nous au budget d'investissement de leurs armées ne seront pas des « nains » dans l'Europe de la défense. Nous écouterons leurs avis, nous aurons le souci d'une véritable cohésion de l'Europe de la défense, et je souhaiterais donc que nos partenaires européens n'aient pas le sentiment, à la lecture de nos débats de ce soir, que, pour une grande partie de notre représentation nationale, il existe une hiérarchie acquise d'avance, et que nous serions engagés avec nos amis britaniques dans une dispute pour le leadership , laissant derrière tous les autres pays, ce qui, soit dit au passage, contredirait les propos parfois tenus par ceux-là mêmes que j'évoquais sur l'importance du couple franco-allemand.
Chacun sait, en effet, que le budget d'investissement du ministère allemand de la défense est, grosso modo , équivalent à la moitié du nôtre. Or personne ici, je le suppose, ne prétend reconnaître à l'Allemagne, dans l'Europe de la défense, une influence qui serait moitié moindre que la nôtre.
En revanche, les observations relatives à la nécessité de disposer d'indicateurs de cohérence rejoignent l'appréciation du Gouvernement, et se rattachent à un courant de réflexion qui a souvent réuni les ministres de la défense de l'Union européenne. Une première étape peut être franchie dans ce sens, par la tenue des engagements pris à Bruxelles lors de la conférence d'engagement de capacités quant au comblement des déficiences de l'Europe de la défense. Il en a été peu parlé, mais il existe bien entendu des déficiences par rapport au catalogue de forces optimal que nous avons défini ensemble.
Cela étant, cela signifie que lorsque les Européens ont défini ce catalogue de forces nécessaires, ils ne se sont pas autocensurés. Ils n'ont pas cherché à définir l'objectif simplement en fonction de leurs possibilités du moment ; ils ont cherché quels étaient les moyens à déployer pour assurer la crédibilité et la solidité de la force de réaction rapide que nous voulions construire ensemble.
Par ailleurs, ces déficiences, qui naturellement existaient déjà auparavant mais que personne ne soulignait, notamment au sein de l'alliance, sont maintenant devenues un objet d'engagement public et positif des Européens entre eux. Il n'existe pas encore, et cela ne surprendra personne, de mécanisme impératif d'encadrement des budgets de défense, mais un engagement politique public a au moins été pris, soumis au regard des opinions publiques et des parlements européens, mais plus encore à l'analyse critique de certains de nos partenaires, notamment de nos amis américains. Apparaît donc un début de processus de mobilisation des Européens pour que leurs budgets de défense soient cohérents avec les engagements publics qu'ils viennent de prendre.
J'en viens maintenant aux titres budgétaires.
Le titre III passe de 105 milliards de francs à 105,5 milliards de francs, alors que les effectifs globaux diminuent de près de 6 %, ce qui signifie que, par rapport à ceux-ci, les crédits vont croître de façon substantielle.
Les effectifs budgétaires du ministère de la défense s'établissent pour 2001 à 446 143 postes, avec la suppression de 39 657 postes budgétaires d'appelé et la création nette de 11 791 emplois professionnels civils ou militaires.
Le format des armées prévu par la loi de programmation est donc, à l'unité près, parfaitement respecté, monsieur Trucy. Nous sommes en train de relever le double défi que présentait la professionnalisation : diminuer de façon ordonnée le format des armées tout en attirant de nouvelles compétences.
Nous continuerons également à assurer le départ de cadres, sur la base du volontariat, grâce à un important travail de reconversion et aux pécules. La dotation de 627 millions de francs pour 2001 permettra, à elle seule, d'assurer le départ volontaire, dans de bonnes conditions, de plus de deux mille cadres. Dans le cas des officiers, la réduction des effectifs sera d'ailleurs moins importante que prévu, car nous tenons compte des besoins grandissants qui se font jour dans certains domaines, en particulier dans les structures internationales. Ainsi, un orateur a demandé tout à l'heure quelle serait notre contribution à l'état-major européen : elle sera de l'ordre d'une vingtaine d'officiers, et nous nous sommes donné les moyens de la financer.
Dans le même temps, le recrutement des militaires du rang engagés continue à s'effectuer à un rythme soutenu. En 2001, 7 700 emplois seront créés, et nous aurons ainsi atteint à raison de 83 % l'objectif fixé par la loi de programmation.
La montée en puissance des volontaires se poursuivra, avec 7 000 postes nouveaux en 2001. Les créations d'emplois civils qui ont été mentionnés, à juste titre, par plusieurs orateurs, sont également importantes. Au titre du projet de budget pour 2001, ce sont 3 014 postes de fonctionnaire civil qui seront créés. En outre, s'agissant des emplois d'ouvrier d'Etat, j'ai obtenu du Gouvernement l'autorisation d'ouvrir au recrutement 250 postes dans les spécialités les plus rares.
Mais je voudrais souligner que nous procéderons, du point de vue des postes à pourvoir, à 6 500 recrutements effectifs de fonctionnaires civils. Nous allons donc connaître une remontée du taux d'emplois pourvus.
Par ailleurs, nous poursuivons la politique d'externalisation. A cet égard, il a été observé que la croissance des crédits affectés à l'externalisation était moins importante que celle qui a été observée pendant l'année 2000, ce qui est tout à fait logique : nous avions décidé, en 2000, d'ouvrir un plus grand nombre de postes à l'externalisation ; d'autres le seront en 2001, mais ils seront moins nombreux, d'où un effort à consentir moins important.
J'ai toujours souligné, notamment au fil du dialogue social au sein du ministère, que ces opérations d'externalisation devraient être réversibles. Il existe une charte de l'externalisation publique dans le ministère qui précise dans quelles limites, selon quelles procédures et avec quel accompagnement social se pratique l'externalisation. Pour répondre à la question posée par M. Plasait, j'indique que l'expérience de Varennes-sur-Allier permet une économie de l'ordre de 20 % par rapport au coût qu'auraient représenté les rémunérations d'agents titulaires. Par conséquent, nous pouvons poursuivre cette expérience, mais elle reste ponctuelle et devra donner lieu à une évaluation attentive avant que nous ne décidions de l'étendre.
Notre effort porte également sur les mesures indemnitaires. Elles feront l'objet d'un nouveau rattrapage de 200 millions de francs, après celui qui a été opéré en 2000, ce qui nous rapprochera beaucoup du niveau de ressources nécessaire. Plusieurs dispositions indemnitaires sont prévues en faveur des diverses catégories dans le projet de budget pour 2001, pour un total de 86,5 millions de francs. Elles concernent en particulier les personnels du service de santé des armées, à propos desquels plusieurs orateurs m'ont interrogé, et consistent en un plan d'amélioration sur deux ans de l'avancement des médecins, ainsi qu'en une compensation nettement plus substantielle des gardes hospitalières, de manière à instaurer l'équité entre la situation des médecins militaires servant en hôpital et celle des médecins hospitaliers civils.
La gendarmerie est également concernée. Conformément aux engagements que j'ai pris au printemps dernier dans le cadre de la concertation, les orientations gouvernementales se traduisent - plusieurs orateurs l'ont fait remarquer, notamment MM. Roujas et Rouvière - par une augmentation du budget de la gendarmerie, dont la zone de responsabilité accueillera, dans les dix ans à venir, au moins 80 % de la croissance de la population du pays, qu'il s'agisse de zones périurbaines ou de certaines zones purement rurales dont la population tend à augmenter lentement, ainsi que cela a été relevé notamment par M. Masson.
C'est ce constat qui oriente les travaux préparatoires de la loi de programmation militaire. Dans cette optique, il est exact que nous devons étudier particulièrement le format de la gendarmerie, au regard à la fois de la population croissante dont elle devra assurer la sécurité et de la complexité grandissante des missions qui lui sont confiées. Par conséquent, vos préoccupations et recommandations sont bien prises en compte dans les réflexions en cours.
Comme cela a été relevé par plusieurs orateurs, les effectifs de la gendarmerie seront renforcés au cours des années 2000, 2001 et 2002. Ainsi, le projet de budget pour 2001 prévoit d'ouvrir 1 050 postes budgétaires de sous-officier, dont 500 auront été pourvus par anticipation à la fin de l'exercice 2000, ainsi que cinquante postes de gendarme d'autoroute, pour tenir compte de l'accroissement du linéaire. S'ajoute à ces chiffres le renfort de 3 750 gendarmes adjoints volontaires, qui permettra notamment de soutenir les effectifs implantés dans les zones périurbaines des départements sensibles, lesquelles bénéficient de 700 militaires supplémentaires, sans que cela se fasse au détriment du réseau rural, dont plusieurs orateurs, notamment M. Rouvière, ont rappelé l'importance, qui ne fait à mes yeux aucun doute.
Afin de répondre de façon plus détaillée à la question du remplacement ou de la permanence que posait M. Rouvière, je voudrais souligner que, lors de la répartition des 500 postes supplémentaires dont nous bénéficions pour 2000, la direction générale de la gendarmerie m'a recommandé - ce qui m'a un peu surpris au départ, puisque j'étais, bien sûr, a priori soucieux de donner la priorité au secteur périurbain - de créer des PSIG, des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie donc des formations interbrigades, dans la plupart des compagnies de zone rurale. Celles-ci n'étaient pas prioritaires numériquement, mais il convenait précisément d'assurer la permanence et l'équilibrage entre les petites brigades dispersées lorsque apparaît une charge de travail particulière. C'est de cette façon que nous sommes en train de réorganiser le secteur rural : soixante pelotons de surveillance et d'intervention supplémentaires assureront ce travail de complémentarité.
Certains intervenants ont aussi fait remarquer que l'intégration des volontaires doit être la meilleure possible. A cet égard, je tiens à souligner qu'il ne faut pas comparer les capacités opérationnelles des volontaires avec celles de sous-officiers professionnels. Il faut d'abord les comparer avec les capacités opérationnelles des gendarmes auxiliaires appelés qu'ils sont en train de remplacer.
Or, non seulement les gendarmes adjoints serviront plus longtemps, non seulement ils auront un temps de formation supplémentaire par rapport aux gendarmes auxiliaires appelés, mais ils bénéficieront aussi d'un encadrement durable dans les brigades et d'une habilitation judiciaire qui sera supérieure à celle des auxiliaires. La capacité opérationnelle apportée par ces jeunes sera donc un progrès sur le plan qualitatif.
Je voudrais rappeler ici l'esprit qui a présidé à la réforme du recrutement et de la formation des officiers de gendarmerie.
Comme l'ont souligné plusieurs orateurs, notamment M. Masson, il s'agit bien de diversifier le recrutement et de l'adapter au mieux aux exigences d'un métier de plus en plus complexe. Il s'agit également d'affirmer très clairement, par les modalités de cette nouvelle formation, l'ancrage de la gendarmerie au sein de la commuauté militaire.
M. Paul Masson. Très bien !
M. Alain Richard, ministre de la défense. Les moyens de fonctionnement de la gendarmerie ont fait l'objet, dès 2000, d'une augmentation de 350 millions de francs, vous le savez, qui est portée dans le budget pour 2001 à 450 millions de francs, hors rémunérations.
Les crédits pour 2001 permettront par ailleurs la poursuite d'une action en faveur des infrastructures par la construction de 680 unités de logements au titre des collectivités locales. S'y ajouteront 787 unités de logements qui seront mises en chantier par l'Etat.
Des problèmes se posent quant aux délais de paiement des loyers de la gendarmerie aux collectivités locales. J'ai demandé une évaluation précise de la situation, de manière à apporter aux problèmes constatés des solutions, étant un financement inscrit au collectif de fin d'année. Je m'engage à donner connaissance aux deux commissions concernées des problèmes que nous aurons relevés et des solutions que nous leur apporterons.
Plus globalement, le projet de budget pour 2001 prévoit un redressement de l'ensemble des crédits de fonctionnement, qui a été noté à juste titre par plusieurs orateurs, y compris par ceux qui prétendaient que ce redressement était insuffisant.
Cette augmentation est indispensable pour bien insérer nos forces dans des dispositifs interalliés. Nous inscrivons donc un crédit supplémentaire de 200 millions de francs, qui permettra de faire passer le taux d'activité de l'armée de terre de soixante-treize jours d'entraînement par an en 2000 à quatre-vingts jours en 2001, le taux d'activité de la marine passant de quatre-vingt-neuf jours à quatre-vingt-quatorze jours à la mer. L'armée de l'air, enfin, dont les taux sont déjà aux normes de l'alliance - cent quatre-vingts heures par an pour les pilotes de combat - sera en mesure de développer les exercices interalliés pour renforcer son interopérabilité.
MM. Gaudin et André Boyer ont mentionné, à juste titre, pour la section « Marine », l'effet sur l'activité des armées de la hausse du prix des carburants.
Le Gouvernement a pris la mesure du problème et il a apporté des réponses. Avec les 500 millions de francs proposés ce jour même à l'Assemblée nationale en loi de finances rectificative qui s'ajoutent aux 350 millions de francs déjà votés lors du collectif budgétaire du printemps dernier, ce sont donc 850 millions de francs qui auront été ajoutés cette année aux dotations initiales. Pour 2001, 700 millions de francs supplémentaires ont déjà été provisionnés dans le projet de budget.
Certains orateurs ont relevé que, par rapport à une hypothèse haute du coût du baril et du cours du dollar, nous ne serions pas encore à l'optimum. Certes, mais il n'est pas nécessairement de bonne gestion financière de faire le pari le plus pessimiste. Il sera d'ailleurs tout à fait possible de procéder à des ajustements, sans doute avec des dotations moins importantes que cette année, lors des lois de finances rectificatives de 2001.
S'agissant des équipements, la réalisation de la loi de programmation se poursuit. La revue de programmes a permis de réaliser cette mise en oeuvre cohérente dans un contexte d'optimisation de la gestion des crédits et d'amélioration des méthodes.
Je souligne à cet égard que rares sont les programmes prévus sur l'ensemble des six années de la loi de programmation militaire qui n'auront pas fait l'objet de commandes avant la fin de l'année 2001, soit un an avant la fin de la période couverte. A la fin de l'année 2002, la loi, en crédits de paiement, aura été réalisée à plus de 95 % de son inscription initiale, ce qui constitue un niveau rarement atteint au cours des précédentes décennies. Je n'insiste pas davantage.
Les dotations des titres V et VI permettront donc de financer dans de bonnes conditions l'annuité 2001 de la loi de programmation militaire.
Les autorisations de programme s'élèvent à 84,75 milliards de francs, dont 1,25 milliard de francs au titre de la recherche spatiale duale. En citant ces chiffres, je réponds à la question sur l'avantage pour la défense d'apporter des crédits au CNES. Il est clair que l'ensemble de l'activité de recherche générale du CNES profite à la défense.
Ces autorisations de programme vont permettre de poursuivre la politique de commandes pluriannuelles que nous développons avec succès depuis trois ans, depuis trois ans seulement, dirais-je. Le montant de ces commandes pluriannuelles atteint déjà plus de 60 milliards de francs à la fin de l'année 2000.
Les crédits de paiement inscrits aux titres V et VI s'élèvent à 83,5 milliards de francs, dont 1,25 milliard de francs pour la recherche spatiale duale. Mais, compte tenu de l'impact de la baisse de la TVA, cela donne un accroissement des moyens disponibles de 0,5 % en francs constants, donc de 1,7 % en francs courants, ce qui permettra de financer les engagements pris.
Je voudrais souligner à ce propos que nous allons faire un effort sur l'entretien programmé. Mais les rapporteurs qui ont étudié de près ce dossier savent bien que les difficultés liées à l'entretien programmé ne sont pas principalement dues à des insuffisances de crédits et qu'elles résultent de la nouvelle organisation. Cette nouvelle organisation - complexe, il est vrai - a entraîné des bouleversements des chaînes d'entretien, mais elle est elle-même la conséquence de la restructuration des armées.
Nous avons arrêté des décisions pour reprendre l'accélération du traitement de ces opérations de maintenance. Nous avons créé le service d'entretien de la flotte et la structure intégrée de maintenance des matériels aéronautiques. L'armée de terre, de son côté, prend des mesures de redressement qui devraient permettre d'améliorer le taux de disponibilité des matériels dont M. de Villepin a rappelé l'importance, que je confirme.
Je voudrais maintenant insister, en ce qui concerne la réalisation de la loi de programmation, sur un point qui a été peu relevé par les intervenants de l'opposition, ce qui explique que je me permette d'insister quelque peu : la première façon de réaliser une loi de programmation, c'est de passer les commandes, de souscrire les engagements. Je vous rappellerai donc les chiffres de ces engagements par rapport à un objectif de 86,87 milliards ou 88 milliards de francs annuels.
Les engagements ont été de 78 milliards de francs en 1995 et de 61 milliards de francs en 1996, tout compris. Un petit détail « clochait » dans l'intervention de M. Blin ! Il a en effet comparé une inscription budgétaire de 86 milliards de francs avec une réalisation de 69 milliards de francs, en oubliant au passage les 9 milliards de francs de réalisation correspondant aux services rendus par le CNES et le CEA !
Mais revenons-en aux engagements : ils ont été de 78 milliards de francs en 1995 et de 61 milliards de francs en 1996, ils sont remontés à 80 milliards de francs en 1997 et en 1998, et ils ont atteint 86 milliards de francs de 1999. C'est la première année que les engagements, les souscriptions de commandes du ministère de la défense sont équivalents aux autorisations de programme. Il ne faut pas omettre de le rappeler !
Enfin, pour ce qui est de l'année 2000, sans trop préjuger le chiffre définitif, je peux néanmoins dire qu'il sera, à coup sûr, supérieur aux 86 milliards de francs de l'année 1999, donc supérieur aux crédits inscrits.
Nous mobilisons le stock d'autorisations de programme anciennes. C'est notre façon de mettre effectivement en oeuvre la loi d'orientation de programmation militaire.
Comme la plupart des intervenants de l'opposition l'avaient quelque peu perdu de vue, il me paraissait judicieux, pour l'équilibre du débat, de le souligner par ce bref rappel du passé.
Après cette petite rectification de méthode sur l'appréciation portée par M. Blin, j'indique que, si l'on additionne les paiements de commandes et les transferts au CEA, parce qu'il faut bien aussi rémunérer le Commissariat, nous allons passer, en exécution, de 77 milliards de francs environ au titre des années 1998 et 1999 à plus de 78 milliards de francs - j'espère même à près de 79 milliards de francs - au titre de l'année 2000 pour 83 milliards de francs de crédits de paiement sur l'ensemble de l'année. Nous serons donc arrivés à 95 % de réalisation pour le budget d'équipement du ministère de la défense.
Ces chiffres confirment l'appréciation positive de la Cour des comptes. Les orateurs qui ont cité la Cour des comptes ont pourtant omis de dire, et c'est fâcheux, que la Cour des comptes avait fait observer que, depuis 1998, le ministère de la défense consommait ses crédits d'équipement mieux que la moyenne des ministères civils.
L'accent a également été mis sur l'obtention de gains de productivité au sein de la délégation générale pour l'armement qui conduit l'essentiel des opérations d'équipement du ministère.
On peut dresser un bilan aux cinq sixièmes de la loi de programmation.
Concernant les moyens aériens : pour l'armée de l'air et la marine, 48 Rafale ont été commandés et 11 livrés, c'est certain. En revanche, je ne comprends pas comment on peut aujourd'hui, à la tribune du Sénat, avancer le nombre de Rafale qui seront commandés et livrés d'ici à 2015. Ces affirmations procèdent d'un don de divination devant lequel je m'incline, bien qu'avec quelque circonspection.
Par ailleurs, 41 Mirage 2000 D ont été livrés et 37 Mirage 2000 de défense aérienne ont été transformés en Mirage 2000-5 pour l'armée de l'air. C'est une façon de répondre à M. Hérisson que le plan de charge de l'entreprise à laquelle sa dernière visite l'a conduit à s'intéresser est ainsi largement assuré pour les prochaines années.
Les Super Etendard de la marine ont reçu des capacités complémentaires : 36 avions sont livrés.
S'agissant des hélicoptères, 27 NH 90 et 80 Tigre sont en commandes fermes alors que deux hélicoptères équipés du système de surveillance Horizon, très utile en période opérationnelle, ont été livrés.
La modernisation de la flotte de la marine se poursuit comme prévu. Ainsi, trois frégates Lafayette auront été livrées pendant ces quatre dernières années, et la dernière frégate de ce type sera livrée en 2001. Deux frégates spécialisées Horizon sont commandées et la modernisation de treize chasseurs 2000 de type Eridan est prévue. La réalisation d'un bâtiment océanographique de nouvelle génération a été lancée. Par ailleurs, 300 torpilles MU 90 sont commandées.
S'agissant du programme du nouveau transport de chalands de débarquement, les TCD, la DGA, maître d'ouvrage du programme, et la DCN ont conclu, à la fin du mois dernier, un accord sur les conditions de sa réalisation. Le contrat entrera en vigueur, comme je l'avais indiqué au début de cette année, dans le courant du mois de décembre, c'est-à-dire avec plus de six mois d'avance sur le calendrier initial. Cela permettra, chacun le conçoit, de renforcer l'activité de la DCN de Brest dès le début 2001.
Les deux navires dont la DCN assure la maîtrise d'oeuvre industrielle seront réalisés, monsieur André Boyer, dans le cadre d'un partenariat entre la DCN et les Chantiers de l'Atlantique, en s'appuyant sur les domaines d'excellence respectifs de ces deux entreprises. Ce partenariat, dans lequel la charge de travail sera répartie schématiquement par moitié en valeur, permet donc de disposer d'un produit compétitif susceptible, après bien sûr avoir satisfait aux besoins de la marine, de s'imposer sur le marché international.
Comme l'a souligné M. André Boyer, plus de bâtiments de la marine nationale auront été commandés dans la seule année 2000 que durant toute la décennie précédente. Puisque cela n'avait pas été souligné dans un certain nombre d'interventions qui visaient à justifier les votes négatifs, il me semble qu'il faut rappeler cette information au Sénat.
J'en reviens au Charles-de-Gaulle. Le premier commentaire qu'il m'est possible de faire en toute responsabilité, à l'instant où je vous parle, sur le grave dysfonctionnement que nous venons de constater, à la suite de la rupture d'une hélice, c'est que ce bâtiment, réalisé sur quatorze années, est une collection d'ambitions technologiques.
Lorsque l'on porte une appréciation sur l'atteinte de l'ensemble des objectifs, il faut garder à l'esprit que c'est un prototype dans un grand nombre de domaines, et que des défis technologiques ont été relevés, dont certains représentaient probablement la limite des capacités des entreprises sollicitées.
Une déficience a été constatée sur un élément essentiel du bateau, c'est pourquoi beaucoup ici, comme moi-même, sont choqués. Cette déficience contraste avec la tradition de fiabilité et de sécurité de la DCN pour l'ensemble des bâtiments de la marine nationale, qu'il s'agisse des bâtiments de surface ou des sous-marins.
Il y a donc manifestement lieu de mener une enquête pour chercher les causes de cette anomalie grave, tant elle contraste avec la fiabilité habituelle des réalisations de la DCN.
Une enquête a été engagée par l'inspecteur de la DGA. Les résultats me seront communiqués le 21 décembre prochain.
Une organisation syndicale a exprimé son appréciation sur ce grave incident en sous-entendant détenir des éléments d'information nouveaux, semble-t-il. Cette organisation syndicale fait partie de celles avec lesquelles le ministère et moi-même entretenons des relations loyales et constructives ; nous nous parlons toujours avec beaucoup de franchise. Si elle a en sa possession des informations qu'elle serait seule à détenir et qui seraient de nature à faciliter l'enquête entreprise par le ministère, je ne peux que lui être reconnaissant de transmettre les éléments objectifs en sa possession à l'autorité d'enquête.
Enfin, dernière observation sur ce point, je voudrais souligner que les nouveaux rapports de responsabilité que j'ai instaurés entre la délégation générale pour l'armement et la direction des constructions navales seront probablement de nature à éviter les difficultés dans la répartition des responsabilités qui sont certainement pour une part à l'origine de l'incident que nous avons dû déplorer. Les dispositions que j'ai prises quant à la réorganisation de la DCN offriront sans doute à l'avenir de meilleures garanties que le système antérieur, qui entraînait quelques confusions de responsabilité...
Quant à la date de remise en service du Charles-de-Gaulle si, après les investigations qui sont en cours sur le bâtiment, il se confirme que seul le remplacement de l'hélice défectueuse est nécessaire et que le système de propulsion ne comporte aucune autre avarie, le bâtiment sera de nouveau opérationnel dans les trois mois ou trois mois et demi, et le programme pourrait être achevé au cours de l'année 2000. En revanche, le programme opérationnel serait bien évidemment perturbé si d'autres avaries étaient décelées.
M. Paul Masson, rapporteur pour avis. Quelle hélice ?
M. Alain Richard, ministre de la défense. Celle qui conviendra après l'examen réalisé sur l'hélice actuelle. La question de l'hélice, monsieur Masson, est délicate.
Je rappelle à ce sujet que l'organisme de réception au sein de la DCN avait refusé plusieurs modèles d'hélice proposés antérieurement par la fonderie. Nous serons donc particulièrement attentifs sur ce point.
J'en reviens à la satisfaction des besoins des armées en équipements.
S'agissant des moyens terrestres, la rénovation de soixante AMX 10 RC a été commandée ; celle de vingt exemplaires sera réalisée en 2001. Par ailleurs, dix radars Cobra de contrebatterie ont été commandés ; un sera livré en 2001 et quatre en 2002.
De 1998 à 2001, 267 chars Leclerc ont été ou seront livrés. Les 52 derniers chars seront commandés d'ici à la fin 2001. En fin de période de programmation, l'armée de terre en possédera 320, l'objectif étant de 406 en 2015. Douze dépanneurs Leclerc seront livrés d'ici à 2002 ; la première livraison est intervenue en 1999. La commande du véhicule de combat de l'infanterie, qui est une voie de l'avenir, vient d'être notifiée à GIAT Industries et porte sur soixante-cinq véhicules sur un objectif de sept cents devant équiper l'armée de terre à partir de 2005, en partenariat - c'est une première pour GIAT Industries - avec Renault véhicules industriels.
Je passe rapidement sur les multiples commandes de missiles, mais chacun a pu constater, dans les circonstances opérationnelles récentes, à quels point ces missiles étaient impératifs pour la crédibilité et pour la sécurité de nos forces.
Je voudrais également mentionner la dissuasion, évoquée par plusieurs orateurs, pour laquelle prévalent la continuité des financements et le maintien des deux fonctions de cette dissuasion.
Alors que les deux premiers sous-marins nucléaires lanceurs d'engins ont été livrés, la commande du quatrième sous-marin nucléaire lance-engins de nouvelle génération a été passée à la fin du mois de juillet ; la construction du troisième se poursuit.
De même, les travaux concernant le missile air-sol moyenne portée amélioré se poursuivent selon le calendrier fixé.
Quant au missile M 51, qui a suscité beaucoup d'inquiétudes, l'accord avec l'industriel est acquis. Comme je m'y étais engagé, les intérêts de l'Etat auront été préservés et l'industriel aura finalement accepté de s'insérer dans le programme.
Je rappelle que, pour la conclusion de la nouvelle tranche de réalisation du M 51, les premières demandes de l'industriel étaient supérieures de 7 milliards de francs à l'évaluation des services, mais que, dans l'accord finalement conclu, l'augmentation demandée, justifiée par des prestations complémentaires, est de l'ordre du milliard de francs sur huit ans.
J'ai aussi entendu certains orateurs affirmer que les crédits de la simulation feraient l'objet d'un abattement de 50 % au sein du projet de loi de finances pour 2001. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous avoue mon incompréhension face à une telle affirmation, d'autant que les crédits de la simulation, qui ont été de 1,834 milliard de francs en 1999 et de 1,845 milliards de francs en 2000, seront de 2,16 milliards de francs en 2001, soit une augmentation de pratiquement 10 % sur deux ans. Il y a donc eu, me semble-t-il, une confusion dans l'analyse des documents.
S'agissant du domaine essentiel de la communication et du renseignements, notre pays dispose de capacités uniques en Europe tant dans le domaine de l'observation et des télécommunications par satellite que dans celui des systèmes d'information et de communication.
Nous avons pris la décision de doter Hélios II d'une capacité de très haute résolution. Il sera, bien sûr, un outil pour toute l'Europe. Nous avons notifié le contrat pour un premier satellite de télécommunication, dit successeur de Syracuse II, qui viendra consolider notre position. Plusieurs orateurs ont bien voulu noter que les moyens prévus dans le budget permettront de poursuivre cet effort.
Certains de ces systèmes d'information et de communication ont été utilisés avec succès lors des opérations du Kosovo, je pense à la station projetable du système Hélios ou au système de conduite des opérations aériennes. Je souligne aussi l'efficacité des moyens de transmission de l'armée de terre qui ont été commandés et celle des moyens de transmissions de la gendarmerie nationale avec le système Rubis.
Globalement, les crédits inscrits au titre V du budget 2001 permettront de conforter la modernisation des équipements de nos forces.
J'en viens aux crédits de la recherche.
Ils seront stables en 2001. En effet, les crédits de paiement pour les études amont et les programmes de recherche, qui s'élèvent à 4,5 milliards de francs, sont équivalents à ceux de 1999 et de 2000. Aux sénateurs qui ont, à juste titre d'ailleurs, fait des comparaisons à l'échelle européenne, je répondrai que notre pays fournit, avec cette somme, au moins 25 % des crédits de recherche militaire de l'ensemble de l'Europe, alors que le PIB de la France représente moins de 17 % du PIB européen !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Premier ministre a demandé au ministère de la défense de préparer, sur la base des travaux en cours de réalisation par les états-majors, un projet de loi de programmation militaire. Celle-ci doit, sans interruption, prendre le relais de l'actuelle loi en respectant la cohérence du modèle d'armée 2015 que nous soutenons tous. Lorsque ces travaux seront achevés, je présenterai ce projet au Gouvernement et au Président de la République.
Cette loi doit viser à consolider la professionnalisation, à dégager les moyens de développer l'entraînement des forces et à accroître la disponibilité des matériels. Elle doit comporter une programmation physique en matériels livrés, et financière, en crédits, de chacun des systèmes de force composant notre outil de défense. Elle doit, dans sa procédure d'élaboration et dans son fond, être en cohérence avec l'Europe de la défense qui monte en puissance.
Le Parlement doit contribuer à la réflexion commune sur cette loi. C'est pour cela que, dans les tout prochains jours, votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées recevra un document préparatoire lui permettant de développer sa propre réflexion, de faire des propositions et de livrer ses suggestions et ses recommandations avant que le Gouvernement mette la dernière main au projet de loi.
Pour sa part, le Gouvernement attache la plus grande importance à cette contribution parlementaire, conscient qu'il est de l'ampleur de l'effort consenti par nos concitoyens pour la défense et de l'intérêt majeur, pour notre démocratie, d'associer les représentants de la nation à la détermination des objectifs de sa défense. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de la défense et figurant aux articles 33 et 34.

Article 33



M. le président.
« Art. 33. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2001, au titre des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 814 855 000 francs, applicables au titre III " Moyens des armes et services ". »
« II. - Pour 2001, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III " Moyens des armes et services " s'élèvent au total à la somme de 692 381 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 33.

(L'article 33 n'est pas adopté.)

Article 34



M. le président.
« Art. 34. - I. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2001, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :
« Titre V. - Equipement : 81 371 965 000 francs ;
« Titre VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat : 3 351 410 000 francs ;
« Total : 84 723 375 000 francs.
« II. - Il est ouvert au ministre de la défense, pour 2001, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des crédits de paiement ainsi répartis :
« Titre V. - Equipement : 23 605 263 000 francs ;
« Titre VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat : 2 177 023 000 francs ;
« Total : 25 782 286 000 francs.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 34.

(L'article 34 n'est pas adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la défense.

7

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 128, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'archéologie préventive.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 129, distribué et renvoyé à la commission des affaires culturelles.

8

TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du quatrième protocole fixant les conditions de pêche prévues dans l'accord en matière de pêche entre la Communauté économique européenne, d'une part, et le gouvernement du Danemark et le gouvernement local du Groenland, d'autre part.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1614 et distribué.

9

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée, à la demande du Gouvernement et en accord avec la commission des finances, à aujourd'hui, vendredi 8 décembre 2000, à onze heures, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Charges communes :
Comptes spéciaux du Trésor (art. 37 A, 37 à 41 bis ) :
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial (charges communes, rapport n° 92, annexe n° 7) ;
M. Paul Loridant, rapporteur spécial (comptes spéciaux du Trésor, rapport n° 92, annexe n° 45).
Budget annexe des Monnaies et médailles :
Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 41).
Economie, finances et industrie :
Services financiers (et consommation) :
M. Bernard Angels, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 11) ;
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (consommation et concurrence, avis n° 94, tome IX).
Industrie (et Poste) :
M. Jean Clouet, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 12) ;
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (industrie, avis n° 94, tome V) ;
M. Jean Besson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (énergie, avis n° 94, tome VI) ;
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (technologies de l'information et Poste, avis n° 94, tome XXI).
Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat (et articles 53 quinquies et 53 sexies ) :
M. René Ballayer, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 13) ;
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 94, tome VIII).
Commerce extérieur :
M. Marc Massion, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 14) ;
M. Michel Souplet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 94, tome X).
Recherche :
M. René Trégouët, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 34) ;
M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (recherche scientifique et technique, avis n° 93, tome VIII) ;
M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 94, tome VII).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2001

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2001 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2001

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2001, est fixé aujourd'hui, à seize heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat et portant modification du code de l'aviation civile (n° 90, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 12 décembre 2000, à dix-sept heures.
Questions orale avec débat n° 30 de M. Hubert Haenel à M. le ministre des affaires étrangères sur le Conseil européen de Nice.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 13 décembre 2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 125, 2000-2001) sur la proposition de loi de MM. Alain Gournac, Jean Arthuis, Pierre Laffitte, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan permettant de faire face aux pénuries de main-d'oeuvre et de lever les obstacles à la poursuite de la croissance économique (n° 44, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 13 décembre 2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles (n° 124, 2000-2001) sur la proposition de loi de MM. Josselin de Rohan, Paul Dubrule, Philippe François et Alain Gérard instituant un droit d'accès aux communes où sont organisées des manifestations culturelles sur la voie publique (n° 478, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 13 décembre 2000, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires économiques et du Plan (n° 122, 2000-2001) sur la proposition de résolution de MM. Gérard Larcher, Pierre Hérisson, Paul Girod, François Trucy et Louis Althapé, présentée en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (n° E 1520) (n° 89, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 13 décembre 2000, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 8 décembre 2000, à une heure trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Situation des masseurs-kinésithérapeutes

961. - 6 décembre 2000. - M. Gérard Cornu appelle l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur la situation des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs libéraux. Au mois d'août 2000, le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a décidé arbitrairement la baisse de leurs honoraires de 3 %, ramenant la valeur de leur lettre clé AMK à celle qu'elle était en avril 1997. Cette baisse a été décidée consécutivement à l'augmentation en volume des soins remboursés aux assurés sociaux au cours du premier quadrimestre 2000, à laquelle il a été ajouté les sanctions collectives en cas de dépassement des enveloppes. Or, cette augmentation est essentiellement due aux retards pris par les caisses dans le remboursement aux assurés en 1999 et à l'instauration de la couverture maladie universelle (CMU). La kinésithérapie libérale, qui ne représente que 0,9 % du budget total de la sécurité sociale, contre 58 % de dépenses hospitalières, voit dans cette décision une maîtrise purement comptable de la gestion du système de soins qui refuse de prendre en compte le réel besoin de nos concitoyens en matière de santé. En conséquence, il lui demande de bien vouloir mettre tout en oeuvre afin de redonner aux masseurs kinésithérapeutes libéraux la considération qu'ils sont en droit d'attendre en réajustant à son niveau 2000 la valeur de leur lettre clé et afin d'empêcher à l'avenir que la CNAM ne prenne de telles décisions sans aucune concertation préalable avec les professionnels concernés.

Axes de circulation dans la vallée du Rhône

962. - 7 décembre 2000. - M. Alain Dufaut attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les légitimes inquiétudes des habitants des communes de Bollène, Mondragon, Mornas et Piolenc, dans le département de Vaucluse, à la lecture des récentes déclarations du président de la Société des autoroutes du Sud de la France (ASF) concernant l'autoroute A 7. L'intéressé propose un passage à deux fois cinq voies (dont deux réservées aux poids lourds) sur l'itinéraire le plus sensible dans la vallée du Rhône, soit sur la section comprise entre Valence et Orange, pour faire face à l'augmentation continue du trafic routier, qui pourrait atteindre, selon les prévisions, le chiffre de 130 000 passages quotidiens à l'horizon été 2010. Il avait, dès le mois d'avril 1999, interrogé le directeur des routes à l'occasion d'un conseil d'administration des autoroutes du Sud de la France sur ses intentions en la matière, le mettant en garde contre la réaction des riverains de l'autoroute A 7 en zones péri-urbaines, qui subissent déjà des nuisances phoniques et une pollution très importantes. Conscient des répercussions négatives de l'augmentation constante de la fréquentation de cet axe autoroutier, et convaincu que le seuil de saturation sera bientôt atteint, il regrette que le Gouvernement ait renoncé de fait à assurer le délestage de l'A 7, en abandonnant successivement le projet de canal Rhin-Rhône en 1997, puis celui de construction de l'autoroute A 51 le 27 octobre 2000. Aussi, il lui demande s'il entend réserver une suite favorable à cette proposition.



ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 7 décembre 2000


SCRUTIN (n° 24)



sur le titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (Agriculture et pêche).


Nombre de votants : 312
Nombre de suffrages exprimés : 312
Pour : 102
Contre : 210

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour : 17.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Gérard Delfau.
Contre : 18.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 2. _ MM. Jacques Delong et Yann Gaillard.
Contre : 95.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (77) :

Pour : 77.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 1. _ M. Pierre Jarlier.
Contre : 51.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Contre : 46.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

N'ont pas pris part au vote : 7.

Ont voté pour


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Yann Gaillard
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jarlier
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

N'ont pas pris part au vote


MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Jacques Donnay, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Bernard Seillier et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 313
Nombre des suffrages exprimés : 313
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour : 101
Contre : 212

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 25)



sur le titre IV de l'état B du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale (Agriculture et pêche).


Nombre de votants : 312
Nombre de suffrages exprimés : 312
Pour : 102
Contre : 210

Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour : 17.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Gérard Delfau.
Contre : 18.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :

Pour : 2. _ MM. Jacques Delong et Yann Gaillard.
Contre : 95.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.

GROUPE SOCIALISTE (77) :

Pour : 77.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 1. _ M. Pierre Jarlier.
Contre : 51.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Contre : 46.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

N'ont pas pris part au vote : 7.

Ont voté pour


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Yann Gaillard
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Pierre Jarlier
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

Ont voté contre


Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

N'ont pas pris part au vote


MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Jacques Donnay, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Bernard Seillier et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Jacques Valade, qui présidait la séance.



Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 313
Nombre des suffrages exprimés : 313
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour : 101
Contre : 212

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.