SEANCE DU 5 DECEMBRE 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Organisme extraparlementaire
(p.
1
).
3.
Loi de finances pour 2001.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
2
).
Aménagement du territoire et environnement
I. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (p.
3
)
MM. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean Pépin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Janine
Bardou, MM. Paul Girod, Gérard Le Cam, Jacques Bellanger, Paul Masson, Daniel
Hoeffel, Aymeri de Montesquiou, Jean-Pierre Demerliat, Gérard Cornu, Philippe
Richert, Jean Huchon.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement.
Rejet des crédits.
Suspension et reprise de la séance (p. 4 )
M. le président.
II. - ENVIRONNEMENT (p. 5 )
M. le président.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme
Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
; M. Alain Lambert, président de la commission des finances.
MM. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles ; Mme le ministre.
Suspension et reprise de la séance (p. 6 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
M. Bernard Joly, Mme le ministre.
M. Gérard Le Cam, Mme le ministre.
M. Paul Raoult, Mme le ministre.
M. Serge Lepeltier, Mme le ministre.
M. Philippe Richert, Mme le ministre.
Mmes Anne Heinis, le ministre.
M. Roger Rinchet, Mme le ministre.
M. Michel Doublet, Mme le ministre.
M. Michel Bécot, Mme le ministre.
M. Marcel Vidal, Mme le ministre.
M. Paul Masson, Mme le ministre.
MM. le président de la commission, le président.
Crédits du titre III. - Rejet (p.
7
)
Crédits du titre IV (p.
8
)
M. Adrien Gouteyron, Mme le ministre, MM. Alain Lambert, Alain Vasselle.
Rejet des crédits.
Crédits des titres V et VI. - Rejet (p. 9 )
4. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 10 ).
Suspension et reprise de la séance (p. 11 )
5. Loi de finances pour 2001. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 12 ).
Affaires étrangères (p. 13 )
MM. Jacques Chaumont, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les affaires étrangères ; Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'aide au développement ; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les affaires étrangères ; Guy Penne, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour les relations culturelles extérieures et la francophonie ; Mmes Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l'aide au développement ; Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles, scientifiques et techniques ; MM. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie ; Xavier de Villepin, président de la commission des affaires étrangères ; Jean-Luc Bécart, Claude Estier, Robert Del Picchia, Jean-Pierre Cantegrit.
Suspension et reprise de la séance (p. 14 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
6.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
15
).
7.
Loi de finances pour 2001.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
16
).
Affaires étrangères (suite) (p. 17 )
MM. Hubert Durand-Chastel, Serge Mathieu, Jacques Pelletier, Gérard Le Cam, Mme
Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Daniel Hoeffel, André Ferrand, Aymeri de
Montesquiou, André Rouvière, Guy Penne.
MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères ; Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Crédits du titre III (p. 18 )
M. André Maman.
Amendement n° II-46 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le ministre.
- Retrait.
Adoption des crédits.
Crédits des titres IV à VI. - Adoption (p.
19
)
Article additionnel avant l'article 49 (p.
20
)
Amendement n° II-18 de la commission. - MM. Michel Charasse, rapporteur spécial
; le ministre délégué, Guy Penne. - Retrait.
8.
Transmission d'un projet de loi
(p.
21
).
9.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
22
).
10.
Dépôt d'un rapport
(p.
23
).
11.
Ordre du jour
(p.
24
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d'un
organisme extraparlementaire.
En conséquence, j'invite la commission des finances et la commission des
affaires étrangères à présenter chacune un candidat appelé à siéger au sein du
conseil d'orientation stratégique du fonds de solidarité prioritaire.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de cet organisme
extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par
l'article 9 du règlement.
3
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2001 (n° 91, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. (Rapport n° 92
[2000-2001].)
Aménagement du territoire et environnement
I. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du
territoire.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, le projet de budget sur lequel nous sommes
appelés à nous prononcer est un petit budget, puisqu'il s'élève à moins de 2
milliards de francs, son montant fluctue selon les années, tantôt à la hausse,
tantôt à la baisse.
Cette année, c'est la baisse. L'année dernière, c'était la hausse. Depuis que
je suis rapporteur spécial, je me suis habitué à ce va-et-vient.
En général, la variation du budget de l'aménagement du territoire s'explique
par l'évolution du stock de reports relatifs à la prime d'aménagement du
territoire, la PAT : si les reports augmentent, on diminue les crédits figurent
dans le budget, si les reports diminuent, on majore les crédits du budget.
Ce mouvement est normal et relève, je crois, d'une bonne gestion.
En revanche, ce qui me paraît plus surprenant, c'est que les reports
réapparaissent dès que l'on semble commencer à les endiguer.
Cette année, cependant, la baisse des crédits dédiés à la PAT ne représente
que les deux tiers de la diminution de votre projet de budget, madame la
ministre, et les crédits de paiement du Fonds national d'aménagement et de
développement du territoire, le FNADT, diminuent aussi.
En autorisations de programme, les crédits du FNADT inscrits dans votre projet
augmentent beaucoup. Mais, comme pour la prime, il faut examiner les crédits du
fonds disponibles pour un exercice donné, en tenant compte des reports de
l'exercice précédent. Or, si j'en crois les prévisions qui m'ont été
communiquées, le stock de crédits reportés a beaucoup diminué durant l'année
2000. Globalement, en autorisations de programme, les crédits disponibles pour
le FNADT devraient augmenter d'environ 1 % en 2001.
Mais je m'arrête là s'agissant des chiffres car, globalement, leur évolution
est, je crois, peu significative de ce budget. Je vous rappelle à cet égard,
mes chers collègues, que, en 1998 et 1999, environ 40 % des crédits que le
Parlement a votés n'ont pas été consommés et ont été reportés sur l'exercice
suivant.
Ce qui compte, à mes yeux, ce sont les orientations de la politique
d'aménagement du territoire, et je voudrais à présent, madame la ministre, vous
poser quelques questions et vous prier de réagir à quelques-unes de mes
observations, puisque telle semble être la nouvelle règle du jeu.
S'agissant, tout d'abord, du FNADT, j'ai reçu il y a une dizaine de jours la
nouvelle circulaire d'emploi des crédits, et je dois vous avouer que j'ai
quelque difficulté à en percevoir toute la lisibilité.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer quelles seront les
principales différences entre le nouveau régime et l'ancien régime ? Y
aura-t-il désormais des critères d'attribution plus précis qu'auparavant ? Les
entreprises pourront-elles recevoir des subventions du FNADT ? Comment sera
améliorée l'évaluation de l'impact des subventions du fonds, puisque le
groupement d'intérêt public prévu par la loi de 1995 n'a pas été mis en place ?
Ces questions, bien sûr, ne sont pas exhaustives et toutes les précisions que
vous voudrez bien nous donner sur ces sujets seront les bienvenues.
En second lieu, comment s'appliquera votre politique d'aménagement du
territoire, notamment dans les agglomérations ? Il est difficile de comprendre
comment cette politique s'articule avec les dispositifs traditionnels de
coopération intercommunale. Je peux vous assurer que de nombreux élus concernés
s'interrogent.
Ainsi, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale - une
communauté d'agglomération, une communauté de communes ou une communauté
urbaine - se crée, le préfet arrête son périmètre, les communes transfèrent des
compétences ; l'établissement public de coopération intercommunale prend le
relais, vote les taux de sa fiscalité et perçoit tout naturellement une
dotation globale de fonctionnement. A quel niveau de ce processus intervient la
politique mise en place en faveur des agglomérations au sens de la loi sur
l'aménagement du territoire du 25 juin 1999 ?
Une autre question concerne la réforme des zonages.
L'année dernière, à cette tribune, vous l'aviez annoncée pour l'année 2000.
Finalement, deux députés ont été nommés parlementaires en mission puisque,
apparemment, les conclusions du rapport Auroux ne suffisaient pas. Où en est-on
aujourd'hui ? Dans votre esprit, quels sont les zonages qui doivent et qui
peuvent être réformés ?
De nombreux élus se posent des questions récurrentes. Des zones entières de
notre territoire ont été écartées de la politique des zonages alors qu'elles
sont en grande difficulté. Est-il possible de remédier à ces injustices, qui
sont flagrantes dans mon département ?
Je voudrais exprimer maintenant un souhait : serait-il possible de faire
réaliser un bilan qualitatif des différents dispositifs dont bénéficient les
zones de revitalisation rurale, les ZRR ? Je ne crois pas qu'un tel document
existe. Il serait pourtant très utile.
Pour ce qui est des plates-formes d'initiative locale, leurs effets peuvent
être mesurés, et, vous le savez, madame la ministre, j'y suis attaché. La
création ou le maintien d'emplois marchands dans les zones défavorisées est en
effet une condition nécessaire d'une politique d'aménagement du territoire
réussie. Le système des prêts remboursables permet par ailleurs à une
subvention publique de contribuer à financer plusieurs projets.
Je ferai deux remarques.
Première remarque : en 2000, le FNADT a consacré presque deux fois plus
d'argent au nouvel institut des hautes études d'aménagement du territoire qu'à
la tête de réseau des plates-formes d'initiative locale, France Initiative
Réseau. Sans émettre au sujet de cet institut un jugement aussi sévère que
celui qu'a émis le rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée
nationale, je ne suis pas sûr que l'ordre de vos priorités soit le bon. Je
pense que les plates-formes d'initiative locale mériteraient un peu plus
d'attention et d'aides financières.
Seconde remarque : les plates-formes ne peuvent toujours pas bénéficier de
l'agrément du ministère du budget lorsqu'elles aident à la reprise
d'entreprise. Vous le savez, madame, le Sénat a adopté à plusieurs reprises un
amendement remédiant à cette difficulté, mais le Gouvernement ne l'a jamais
accepté. Pourquoi cette obstination, cette hostilité, face à une mesure qui me
semble simple, très utile et de bon sens ? Pourriez-vous nous dire où en est
cette question ?
Avant de conclure, je souhaite évoquer deux autres dossiers.
Le premier concerne la suppression du fonds d'investissement des transports
terrestres et des voies navigables, le FITTVN, que le Sénat a refusée en
supprimant l'article 22 du projet de loi de finances. Il est vrai que le fonds
a permis au ministère de l'équipement de débudgétiser certaines dépenses, mais
il fallait remédier à ce dysfonctionnement plutôt que de supprimer un
instrument dont le statut juridique de compte d'affection spécial permettait de
garantir que les crédits allaient bien servir à financer des infrastructures de
transport.
Dorénavant, c'est le budget général qui va « empocher » le produit des deux
taxes et récupérer au passage les crédits non consommés du fonds. A mon sens,
c'est très regrettable, et je souhaite connaître votre sentiment à ce sujet.
Le second dossier que je voudrais évoquer concerne la réforme de la prime
d'aménagement du territoire, la PAT, qui est régie par un décret, lequel doit
se conformer à des règles communautaires.
Cette affaire concerne, juridiquement, le Gouvernement et ses relations avec
la Commission européenne. Mais à aucun moment l'année dernière - j'ai bien relu
nos débats sur ce point - vous ne nous avez dit que nos dispositifs d'aides à
finalité régionale, dont la PAT et le fonds d'aide à la délocalisation, ne
seraient plus conformes au droit communautaire à compter du 1er janvier 2000.
Cette omission est grave et je regrette d'autant plus que le nouveau décret ne
soit toujours pas publié.
Je m'inquiète aussi pour les entreprises qui sortiront du zonage des aides à
finalité régionale. Envisagez-vous, en leur faveur, un dispositif de
phasing
out,
selon l'expression consacrée ?
Madame la ministre, telles sont les principales questions que je voulais vous
poser dans le temps très court qui m'est imparti, et je vous remercie par
avance de vos réponses.
Mes chers collègues, compte tenu des lacunes constatées et déplorées, je vous
invite, au nom de la commission des finances, à rejeter les crédits de
l'aménagement du territoire qui sont inscrits dans le projet de loi de finances
pour 2001.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les crédits de
l'« aménagement du territoire » pour 2001 s'élèvent à 1,749 milliard de francs
en dépenses ordinaires et crédits de paiement, en baisse de 9,8 % par rapport
au budget voté pour 2000.
Les autorisations de programme demandées pour 2001 s'élèvent, en revanche, à
1,735 milliard de francs, en hausse de 12,4 % par rapport à la dotation votée
en 2000.
Pour résumer, soulignons que le budget prévu pour être dépensé en 2001 au
titre de l'aménagement du territoire baissera de près de 10 %. Certes,
l'astucieuse présentation budgétaire mélangeant les dépenses ordinaires -
c'est-à-dire les crédits de fonctionnement et d'intervention qui seront
dépensés au cours de l'année budgétaire considérée - et les autorisations de
programme fait apparaître, pour 2001, une augmentation des « moyens
d'engagement », selon l'expression de Mme le ministre, de 13,4 % !
Dans ses notes de présentation, le Gouvernement insiste beaucoup sur ce
chiffre. Mais ce qui compte avant tout pour un budget soumis à la règle de
l'annualité budgétaire, c'est le montant de la dépense autorisée par le
Parlement pour l'année visée par le projet de loi de finances.
La baisse importante des crédits de paiement demandés pour 2001 suscite des
interrogations.
Madame le ministre, vous faites valoir que cette réduction est liée à une «
adaptation mécanique aux conditions d'exécution des programmes d'investissement
».
Lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, j'ai
évoqué plusieurs questions.
Les reports de crédits de paiement non consommés en 2000 suffiront-ils aux
besoins de paiement des programmes prévus pour 2001 ? Pourquoi ces crédits
n'ont-ils pas été consommés ? Les programmes de dépenses étaient-ils
surdimensionnés ? Vos réponses à ces questions n'ont pas été, me semble-t-il,
d'une totale clarté.
S'agissant du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire,
le FNADT, deux grands programmes sont en cours de réalisation.
Le premier, appelé Euro Méditerranée, tend à faire de Marseille le port
naturel de la Méditerranée pour l'Union européenne. Belle ambition !
L'avancement des travaux s'est accéléré en 1999, nécessitant un budget de près
de 360 millions de francs, dont 88 millions de francs fournis par le fonds. De
nombreux collègues ont estimé que ce programme était quelque peu en
contradiction avec l'abandon du projet de liaison fluviale à grand gabarit
Saône-Rhin !
Le second programme vise le réaménagement de l'espace économique lorrain,
notamment par la réhabilitation de friches industrielles, ce qui nous paraît
tout à fait justifié.
J'en viens à la prime d'aménagement du territoire.
Le 1er mars 2000, la Commission européenne a approuvé une nouvelle carte des
aides à finalité régionale couvrant 34 % de la population française, soit six
points de moins par rapport à la période précédente ; cela était prévu.
La commission des affaires économiques et du Plan ne peut qu'exprimer à
nouveau ses plus vives réserves quant aux conditions d'élaboration de la
nouvelle carte des aides à finalité régionale.
Certains départements ruraux se trouvent désormais exclus du zonage et
considèrent, à bon droit, cette situation comme un déni de justice.
Au même titre que pour la réforme des fonds structurels européens, notre
commission a plusieurs fois émis le souhait que les collectivités
territoriales, voire le Sénat lui-même, soient mieux associées à la réforme de
la PAT ; il n'en a rien été.
En outre, la sous-consommation chronique des crédits de la PAT montre que la
procédure et les critères d'attribution de cette prime étaient, jusqu'à
présent, largement inadaptés.
Malgré une amélioration et même si nos propositions ont été écoutées, la
réforme adoptée ne résout en rien le problème des très petites entreprises - la
« micro-PAT » - dont le rôle, en termes d'aménagement du territoire, est
cependant tout à fait essentiel. Est-il si difficile de résoudre le problème
?
S'agissant des schémas de services collectifs, les documents finalisés le 26
octobre dernier sont actuellement l'objet d'une concertation régionale conduite
depuis la fin du mois de novembre 2000 et cela jusqu'au 15 avril 2001, durant
laquelle le Gouvernement recueillera l'avis des conférences régionales de
l'aménagement et du développement du territoire puis des conseils régionaux.
Avant le 30 mai 2001, les projets de documents seront examinés par le Conseil
national de l'aménagement et du développement du territoire, le CNADT, et par
les délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du
territoire.
Les schémas seront ensuite transmis au Conseil d'Etat en vue de leur
approbation par décret attendue avant le 15 juillet 2001. Que cela est long et
complexe !
S'agissant des fonds structurels européens, chacun sait que la nouvelle carte
a été adoptée par la Commission européenne le 7 mars 2000. Elle diffère
profondément de la carte des objectifs 2 et 5 b du zonage précédent. Les zones
éligibles aux anciens objectifs 5 b et 2 se trouvent réduites dans des
proportions approchant un tiers ! De nouveaux territoires apparaissent dans le
cadre du nouvel objectif 2 : il s'agit des quartiers urbains en difficulté, des
secteurs touchés par la reconversion des industries de l'armement, mais
également des zones rurales.
Les zones qui ont disparu du nouveau zonage se situent notamment dans les
régions de l'Ouest. Un soutien provisoire leur a été consenti : le
phasing
out.
M. le président.
Monsieur Pépin, je suis obligé de vous rappeler que la règle fixée par la
conférence des présidents limite à cinq minutes le temps de parole dont
disposent les rapporteurs pour avis. Je vous demande, par conséquent, de bien
vouloir conclure.
M. Jean Pépin,
rapporteur pour avis.
Bon ! Je ne dirai donc pas dans le détail ce que
j'aurais voulu dire pour justifier l'avis de la commission des affaires
économiques et du Plan !
Constatant que trop d'incertitudes demeurent, que les crédits du budget
général baissent de 10 %, ceux du FNADT de 13,3 % et de la PAT de 28,5 %, je
vous propose, mes chers collègues, de repousser les crédits ceux de
l'aménagement du territoire inscrits dans le projet de loi de finances pour
2001.
M. le président.
Je vous remercie, monsieur Pépin.
Pardonnez-moi d'avoir été un peu directif, mais je suis ici pour faire
respecter la règle fixée par la conférence des présidents.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
- Groupe du Rassemblement pour la République, 25 minutes ;
- Groupe socialiste, 19 minutes ;
- Groupe de l'Union centriste, 13 minutes;
- Groupe des Républicains et Indépendants, 11 minutes ;
- Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;
- Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs de groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu pour vingt
minutes au maximum.
Vous voyez que le temps de parole de chacun est encadré de la façon très
stricte.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année
dernière, lors de la discussion du budget de l'aménagement du territoire, je
vous avais alertée, madame la ministre, sur les vives inquiétudes ressenties
par le département de la Lozère, à la suite de son exclusion des zones
bénéficiant de la prime d'aménagement du territoire.
A l'époque, je vous avais demandé quelles étaient les mesures compensatoires
que vous comptiez mettre en place pour le monde rural, particulièrement pour la
montagne. J'avais cru comprendre dans votre réponse que vous n'étiez pas
insensible à ces problèmes et que vous étiez prête à étudier des mesures
particulières. Malheureusement, cette année, nous avons attendu en vain,
puisque aucune disposition n'est venue compenser cette exclusion ni apaiser nos
craintes.
Par conséquent, je souhaite aujourd'hui évoquer à nouveau cette situation
d'autant plus pénalisante que la référence à la PAT est omniprésente et
indispensable pour pouvoir bénéficier de l'octroi des aides des régions et des
départements. Nous nous trouvons donc doublement pénalisés.
Comme je l'ai dit lors des travaux de commission, l'exclusion de la Lozère du
zonage PAT est un véritable « déni de justice ». C'est même tellement
inacceptable que l'ensemble des élus du sud du Massif central ont encore
récemment soutenu l'action conduite par les élus lozériens, en s'associant à
l'appel que nous avions lancé à M. le Premier ministre.
Il vient de nous être précisé que le Gouvernement avait pris conscience des
conséquences du nouveau zonage pour ces territoires et qu'il négocierait, avec
la Commission européenne et les ministères, la mise en place de dispositifs
d'aides aux entreprises abondés par les fonds structurels de l'objectif 2 et
permettant de maintenir des outils indispensables au développement local.
Peut-être pourrez-vous nous donner quelques informations à ce sujet, madame la
ministre ?
Alors que notre département fait preuve de dynamisme, crée de l'emploi et voit
sa population augmenter pour la première fois depuis plus d'un siècle, c'est
compromettre gravement son avenir que de le tenir à l'écart de cette mesure
d'aménagement du territoire dont il a encore tant besoin.
Cette décision injuste et tout à fait inadmissible est fondée sur des critères
incompréhensibles à l'échelle de notre département, je pense tout
particulièrement au critère de la population. Augmenter sa population de 1 %
sur 70 000 habitants n'a pas, vous en conviendrez, grande signification et
méritait sans doute d'être mieux analysé.
Pourtant, les résultats que nous avons obtenus en Lozère, département rural et
montagnard s'il en est, prouvent que l'aménagement du territoire a un sens et
porte ses fruits. Nous avons en effet su tirer profit des aides passées pour
créer de l'activité et donner à la Lozère un élan économique novateur.
L'INSEE vient d'annoncer que le rural avait de l'avenir. Mais qu'en sera-t-il
de la Lozère si elle ne peut plus bénéficier des taux d'aides liés à la PAT
?
Nous sommes évidemment très inquiets quant aux conséquences désastreuses de
cette décision d'exclusion et au danger qu'elle fait courir à notre
département.
C'est, à terme, une compétition déloyale qui va s'instaurer entre départements
voisins, entre ceux qui sont éligibles à la PAT et ceux qui ne le sont plus.
Mais c'est surtout un handicap terrible pour notre développement.
Nous redoutons même des délocalisations d'entreprises puisque nous ne pouvons
leur offrir les mêmes avantages que les départements voisins, plus attractifs
au regard des aides.
Aujourd'hui plus que jamais, alors que nos territoires préservés ont leur
raison d'être - accueillant de nouveaux arrivants actifs qui créent de
l'emploi, qui font preuve d'initiative, qui manifestent une volonté forte de
vivre et de travailler au pays -, il n'est nullement exagéré de dire que cette
exclusion menace notre avenir même.
Si le rural commence à relever la tête, il a encore besoin de soutien pour
conforter la dynamique qui a été enclenchée, car il ne peut pas jouer à armes
égales avec d'autres territoires déjà plus favorisés.
Face aux difficultés croissantes que nous rencontrons pour faire valoir nos
préoccupations, voire simplement pour nous faire entendre, dans un
environnement tant national qu'européen qui tend à se focaliser sur les seules
problématiques urbaines, il est indispensable de donner toutes les chances à
chaque territoire, les zones peu denses ayant droit, comme les autres, à une
attention particulière des pouvoirs publics.
En effet, les territoires ruraux en difficulté continuent à pâtir d'une forte
marginalisation, l'exclusion de la PAT étant le dernier coup qui nous a été
porté ; et j'espère bien que ce sera vraiment le dernier !
Il faut donc que ces territoires soient reconnus comme territoires
spécifiques, sur les plans tant économique, social et culturel
qu'environnemental, dont les handicaps requièrent au titre de la solidarité
nationale une compensation légitime, mais dont les atouts justifient aussi
pleinement qu'on leur laisse les moyens d'avoir de réelles perspectives
d'avenir.
Cela est possible, mais encore faut-il en avoir la volonté. La politique
d'aménagement du territoire n'a de sens que si elle corrige - et même combat -
la logique aveugle du marché, qui favorise le développement des activités dans
les zones à forte densité de population, négligeant par là même les territoires
ruraux, relégués au rang d'espaces de respiration ou d'« aménités récréatives
», comme j'ai pu le lire dans l'un de vos rapports.
Vous en conviendrez, cantonner les départements ruraux à cette seule vocation
est fortement réducteur. C'est une vue simpliste de leur place dans la société
de demain - une place qu'ils veulent cependant pleinement occuper -, qui ne
correspond en rien aux aspirations de nos populations.
Si j'ai beaucoup insisté sur le cas de la Lozère, madame la ministre, c'est
parce qu'à travers cet exemple transparaît une conception de la politique
d'aménagement du territoire à laquelle je ne peux adhérer.
Nous défendons tous l'égalité des chances pour tous les citoyens.
L'application de ce principe ne doit pas s'arrêter au seuil de nos territoires
ruraux, qui méritent eux aussi d'être pris en considération et ont un grand
besoin d'équité et de justice.
(Vifs applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Nicolas About.
Ça, c'est du solide !
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon
intervention sera forcément très brève, compte tenu d'un temps de parole
strictement limité.
Je veux d'abord m'associer aux propos de M. le rapporteur spécial concernant
France Initiative Réseau, une organisation que je connais bien puisqu'elle a,
dans l'Aisne, une importante plate-forme. Ce genre de structure me paraît
réellement de nature à favoriser l'éclosion des petites entreprises, sous
réserve toutefois que ceux qui s'y consacrent ne se soucient pas seulement de
suivre des modes, comme c'est malheureusement trop souvent le cas, mais croient
profondément à l'utilité de ce qu'ils font.
En tout cas, votre ministère serait bien avisé de les soutenir davantage.
Cela étant dit, l'essentiel de mon intervention portera sur le troisième
aéroport.
Madame le ministre, s'il y a quelque chose qui structure le territoire, ce
sont bien les infrastructures de transports. Je ne peux, dès lors, que
m'étonner de l'extraordinaire « dissonance harmonisée » qui, depuis quelques
semaines, entoure ce dossier.
Un site avait été choisi, dans la région Centre. Ce choix était certes celui
d'un gouvernement précédent, mais ce n'est pas parce qu'une décision émane d'un
autre gouvernement, soutenu par une autre majorité, qu'elle est forcément
mauvaise ! Or, depuis quelque temps, on nous explique que le troisième aéroport
sera finalement implanté à l'est de Paris, option qui a donc été remise au goût
du jour alors qu'elle avait été éliminée. Mais tout cela se fait dans un flou
tel que l'affolement des populations est actuellement à son maximum.
Je commence même à me demander s'il n'y a pas, de la part de certains - qui
prétendent d'ailleurs avoir leurs entrées dans votre ministère ou à Matignon -,
derrière ces bruits que l'on répand partout, des spéculations foncières à la
baisse.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Grave
accusation...
M. Paul Girod.
J'aimerais savoir, madame le ministre, quelle est votre opinion sur ce
troisième aéroport, et pourquoi le site de Beauvilliers a été abandonné.
Qu'est-ce qui justifie ce changement de direction ?
J'aimerais également savoir pourquoi on laisse planer cette incertitude
extrêmement dommageable pour la paix publique dans les départements de l'Aisne,
de la Marne et de la Haute-Marne !
Par ailleurs, madame le ministre, que pensez-vous des raisons pour lesquelles
on limite - et cela de manière totalement artificielle - l'évolution de la
plate-forme de Roissy à 55 millions de passagers ? Cette notion est d'ailleurs
complètement vide de sens, car ce qui compte, c'est le nombre de mouvements et
la quantité de décibels que doivent supporter les riverains. En réalité, les
raisons pour lesquelles cette plate-forme est dévaluée tiennent exclusivement,
paraît-il, au fait que n'ont pas été respectées un certain nombre de règles
d'urbanisme.
Madame le ministre, le cafouillage des autorités gouvernementales sur ce
dossier est tellement nocif que je me permets, à l'occasion de ce débat sur
l'aménagement du territoire, de vous interroger sur ce point.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de
budget de l'aménagement du territoire, comme celui de l'an dernier, ne retrace
qu'une partie de l'effort que l'Etat accomplit en la matière, la politique
menée par le ministère des transports, celui de l'intérieur ou, de façon
générale, la politique d'équipement civil participant également à cette
intervention publique.
Je n'aborderai que succinctement les données chiffrées du présent projet de
budget, l'essentiel étant de voir dans quelle mesure ces crédits contribuent à
la poursuite des orientations de la politique menée par le gouvernement de la
gauche plurielle.
Outre les crédits de fonctionnement de la DATAR, les crédits d'intervention
publique et les crédits d'équipement méritent évidemment une attention
particulière.
L'évolution la plus sensible du budget concerne la progression de la part des
crédits consacrés aux contrats de plan Etat-région, démarche pleinement
inscrite dans le processus issu de l'adoption de la loi d'orientation.
On notera ainsi que les crédits d'intervention publique doivent leur
progression à la montée en charge de la contractualisation, tandis que les
crédits d'équipement, s'ils connaissent une pause en matière de crédits de
paiement, sont marqués par une progression globale des autorisations de
programme.
Le caractère relativement imprécis des crédits ouverts illustre cependant, de
notre point de vue, l'une des limites de la politique d'aménagement du
territoire, celle qui tient précisément à son caractère contractuel, en ce sens
que l'intervention de l'Etat est clairement liée à l'engagement correspondant
des collectivités territoriales.
Pour autant, force est de constater que, au-delà des difficultés que soulève
le montage de tel ou tel projet structurant, les engagements pour 2001 du
ministère se situent clairement dans le droit-fil des choix opérés par ce
gouvernement en matière d'aménagement du territoire et de
contractualisation.
A cet égard, les choix d'aménagement du territoire formulés par le
Gouvernement à l'issue de l'adoption de la loi d'orientation se traduisent par
des décisions qui ne font pas nécessairement l'unanimité mais qui témoignent, à
notre sens, d'une nouvelle approche.
Il en est ainsi de la question, qui n'est toujours pas complètement résolue,
de la mise en place de fonds régionaux de développement venant se substituer,
dans les grandes lignes, aux principes qui présidaient précédemment à
l'attribution des aides de la PAT et du FNADT, principes qui ont trop longtemps
placé la politique d'aménagement du territoire à la remorque de mesures ciblées
de dépense fiscale d'un montant autrement plus important que celui des crédits
distribués par la DATAR.
Il n'en demeure pas moins que nous nous devons de réfléchir à la portée de ces
dispositions, notamment lorsqu'on garde à l'esprit que le FNADT est venu, à
l'époque de la loi Pasqua, se substituer aux divers fonds d'aide aux régions en
difficulté, en particulier du fait des reconversions industrielles.
Cette politique régionale doit d'ailleurs, selon nous, être examinée en
prenant en compte les effets de la politique structurelle communautaire, dont
on sait qu'elle a été reprofilée et qu'elle présente l'incroyable particularité
de souffrir d'une sous-consommation des crédits ouverts.
Cela signifie que la problématique qui nous occupait à l'origine n'est
manifestement pas isolée.
Si nous devions d'ailleurs donner un relief particulier à ce débat, ce serait
bien pour dire qu'un effort doit encore être accompli, maintenant que nous
disposons des outils et des procédures indispensables à la concertation au plus
près des besoins du pays et du terrain, dans la transparence de l'instruction
des aides financières.
Il conviendrait, par exemple, d'accorder la PAT aux entreprises de moins de
vingt salariés et de subventionner ainsi le petit commerce et l'artisanat,
activités particulièrement créatrices d'emplois et structurantes de l'espace
rural.
Une meilleure consommation de ces crédits est possible si l'on augmente le
taux de participation au bénéfice des collectivités les moins riches qui, faute
de moyens, ne peuvent mener à bien les projets d'aménagement qu'elles
souhaitent pourtant pouvoir conduire.
Il y va, nous semble-t-il, de la cohérence de la politique d'aménagement du
territoire dans notre pays, de son efficacité, de la manière dont elle peut
contribuer, à l'instar de l'ensemble de la politique gouvernementale, à
conforter la croissance et à nous éviter, en matière de partage des fruits de
la croissance, d'ajouter à l'inégalité sociale l'inégalité territoriale, déjà
creusée par des années de destructuration de nos régions, pendant lesquelles
furent menées des politiques restrictives.
J'ajouterai quelques mots sur les neuf schémas de services collectifs, dont la
délégation du Sénat à l'aménagement du territoire vient de prendre
connaissance.
Ils se présentent comme une délicate synthèse de la programmation pour les
vingt années à venir et de la somme des contrats de plan Etat-région en
cours.
Je prendrai pour exemple le schéma des services collectifs sanitaires, qui
donne la vision la plus avancée dans la mesure où il a été élaboré plus tôt, au
sein des agences régionales de l'hospitalisation, et a donné lieu à une
certaine concertation locale.
Ces schémas sont élaborés par les services de l'Etat et financés par l'argent
public. Aussi ne faudrait-il jamais perdre de vue qu'ils doivent d'abord servir
l'intérêt public et le service public.
Evitons donc des situations comme celle de Dinan, en Côtes-d'Armor, où nous
manifestions samedi dernier contre la suppression de la chirurgie à l'hôpital
public, au profit de la clinique privée locale.
Nous attendons, enfin, une véritable amélioration des mécanismes de
péréquation, qui contribuerait à un véritable aménagement du territoire. Cela
suppose une grande réforme des finances locales, et nous regrettons que la «
loi Chevènement » ait consacré une France à trois vitesses : celle à 175
francs, celle à 250 francs et celle à 500 francs de DGF par habitant.
Si cela coûte aussi peu cher de vivre en milieu rural, il me paraît urgent
d'inciter vivement les projets à s'y développer et les populations à s'y
déplacer, d'autant qu'un habitant de communauté urbaine coûterait trois fois
plus cher.
Nous avons cependant espoir dans l'évolution et l'amélioration de la politique
d'aménagement du territoire, grâce aux projets de loi à venir. C'est pourquoi
les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront les crédits
de l'aménagement du territoire pour 2001.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année,
le Parlement examine les crédits de l'aménagement du territoire alors que la
plupart des grandes réformes législatives dans ce domaine sont achevées : loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, loi
d'orientation agricole, loi relative à la coopération intercommunale et, tout
récemment, loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Parallèlement à l'adoption de ces grandes lois, une nouvelle génération de
contrats de plan Etat-région a vu le jour et les zonages ont été redéfinis.
Ce socle législatif, réglementaire et contractuel est au service des trois
ojectifs prioritiares de la majorité : l'emploi, la solidarité et le
développement durable. Il s'appuie aussi sur une nouvelle façon de concevoir
l'action publique : davantage de concertation ; davantage de dialogue ;
davantage de place donnée aux initiatives locales dès lors qu'elles sont
structurantes et porteuses d'un projet de développement.
Pour illustrer mon propos, je prendrai quelques exemples : la systématisation
du recours à l'enquête publique pour l'élaboration des documents d'urbanisme ;
la procédure d'adoption des schémas de services collectifs fondée sur un
échange entre l'Etat et les régions, dans le respect des prérogatives du
Parlement au travers de ses délégations à l'aménagement du territoire ; ou
encore la promotion de ces nouveaux territoires de projets que sont les pays et
les agglomérations.
Il faut donc, madame la ministre, que le Gouvernement assure maintenant la
mise en oeuvre de ces lois. Or le Parlement ne cesse de constater la difficulté
de cette seconde étape, quelles que soient, d'ailleurs, les majorités.
Sur le plan budgétaire, le Gouvernement propose une nouvelle doctrine d'emploi
du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire en vue,
notamment, de renforcer la section locale libre d'emploi et de soutenir les
projets intercommunaux. Le texte réglementaire qui supporte cette réforme est,
me semble-t-il, à la signature du Premier ministre ; nous attendons sa
publication. Je me félicite néanmoins que la priorité soit donnée à la
contractualisation et au financement des projets territoriaux dans les crédits
du fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire.
La publication des décrets de la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement durable du territoire ne va pas à grand rythme. Quatre décrets
ont été publiés : deux sont relatifs aux instances consultatives de
l'aménagement du territoire - le Conseil national de l'aménagement et du
développement du territoire, le CNADT, et les conférences régionales
d'aménagement et de développement du territoire, les CRADT - le troisième
concerne les pays et le quatrième a trait aux schémas de services collectifs.
Deux décrets très attendus n'ont pas encore été publiés : l'un porte sur les
agglomérations et l'autre sur les services publics. J'espère qu'ils le seront
très prochainement ; nous y serons très attentifs.
Lors des débats sur cette loi, les sénateurs socialistes ont été
particulièrement présents sur les dispositions traitant des services
publics.
Nous avons été à l'origine de deux dispositions, à nos yeux importantes, pour
assurer le maillage du territoire en termes de services publics. Nous avons
tout d'abord prévu que, dans les zones urbaines sensibles et dans les zones de
revitalisation rurale, l'Etat rembourse aux collectivités locales tout ou
partie des rémunérations et des charges liées à la mise à disposition de locaux
ou de personnels, en vue de favoriser le développement des maisons de services
publics ou lorsqu'une collectivité territoriale apporte par convention son
concours au fonctionnement d'un service public. Pourriez-vous, nous indiquer,
madame la ministre, comment le Gouvernement entend donner corps à cette mesure,
et sur quels crédits budgétaires ?
Nous avions aussi prévu la mise en oeuvre d'une étude d'impact dès lors que
dans les zones sensibles est envisagée la suppression de services publics. Là
encore, nous attendons de connaître les modalités d'application de cette
mesure.
De plus en plus, les services publics ont un effet structurant sur les
territoires, tout autant que les infrastructures ou la qualification de la
main-d'oeuvre. Certes, notre société est encore une société industrielle, mais
elle devient une société de services ; les services publics en font partie.
L'Union européenne reconnaît progressivement le caractère structurant des
services d'intérêt général. L'article 16 du traité place ces services parmi les
valeurs communes de l'Union et confirme leur rôle dans la promotion de la
cohésion sociale et territoriale. Le Conseil de Lisbonne qui s'est tenu au mois
de mars dernier a conforté cette place et a mandaté la Commission européenne
pour rénover sa communication de 1996 sur les services d'intérêt général. Dans
sa récente communication, la Commission a reconnu le principe d'adaptabilité
des services d'intérêt général. Il s'agit d'un élément important et tout à fait
positif qui, dans l'avenir, devrait permettre l'enrichissement de ces services
en fonction des évolutions technologiques. J'espère que le sommet de Nice sera
l'occasion de formuler des propositions encore plus concrètes.
Les services publics se doivent être innovants, dans leur contenu, mais aussi
dans leur organisation. La LOADT a défini un mode d'organisation intéressant au
travers des maisons de services publics : en un point, l'usager peut avoir
accès à plusieurs types d'informations et de services. Il serait intéressant,
madame la ministre, que votre ministère, par nature coordonnateur, puisse
centraliser en son sein les expériences actuellement menées et ainsi en dresser
le bilan. En effet, à ce jour, nous avons beaucoup de difficulté à faire le
point sur des initiatives qui sont prises en ce domaine.
Enfin, s'agissant du schéma des services collectifs de l'information et de la
communication, son enjeu est fondamental : il y va de l'accès aux savoirs et à
l'information sur tous les points du territoire.
Le projet de schéma fixe des perspectives à dix ans. Certaines sont
intéressantes. Il est prévu qu'avec l'aide de l'Etat les petites et moyennes
entreprises puissent échanger des informations et des biens
via
des «
ruches numériques ». Des « extranets » régionaux regrouperont tous les acteurs
privés et publics d'importance : services déconcentrés de l'Etat, collectivités
locales, offices du tourisme...
L'objectif est de faire en sorte qu'en 2010 tout le monde ait accès au réseau
à haut débit. Cet objectif est, sans conteste, un moyen d'éviter la fracture
territoriale numérique.
Mais sa mise en oeuvre est plus délicate : toutes les technologies ne sont pas
accessibles en tout point du territoire ; leur coût diffère ; les opérateurs
vont refuser de desservir des zones non rentables. J'aimerais, madame la
ministre, que vous m'indiquiez comment, concrètement, nous pouvons atteindre
cet objectif.
Durant mon intervention, j'ai peu parlé chiffres.
L'importance de ce ministère ne s'évalue pas au volume de ses dotations. Elles
sont modestes : 2,4 milliards de francs en moyens d'engagement, soit tout de
même une augmentation de 13 % ; 1,8 milliard de francs en crédits de paiement,
soit une réduction de 10 %. Cette baisse répond à un souci de transparence et
de bonne gestion de l'argent public, que la majorité sénatoriale devrait
saluer. Pour ma part, j'en prends acte. Les autorisations de programme engagent
l'avenir ; elles augmentent. Les crédits de paiement devraient suivre cette
tendance l'année prochaine.
Ces remarques étant faites, le groupe socialiste votera les crédits de
l'aménagement du territoire, au service d'une politique de développement
durable et solidaire du territoire, que nous approuvons totalement.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Fonds
national d'aménagement et de développement du territoire, créé en 1995,
représente en gros les trois quarts du budget de la DATAR. Cette enveloppe
globale, on le sait, diminuera de 5 % en 2001. Et, à l'intérieur même de cette
enveloppe, la part consacrée aux investissements - il s'agit du titre VI -
régresse elle-même, puisqu'elle passe de 942 millions de francs à 777 millions
de francs, soit une diminution de 18 %.
Il y a donc, déjà amorcée en 2000 et confirmée en 2001, une ferme volonté de
basculer les crédits du titre VI au titre IV, qui regroupe toutes les
interventions de votre ministère, madame la ministre, en faveur soit des
contrats de plan, soit des opérations décidées par le CIADT, soit encore de la
section locale du FNADT, à la disposition des préfets.
Ce choix politique que vous avez plusieurs fois exposé et qui marque un
tournant de la politique d'aménagement du territoire a sa logique. Cependant,
pour réussir, il suppose une cohérence dans l'action, une adhésion claire de
l'administration d'Etat et l'adaptation des textes qui réglementent le
fonctionnement des finances des collectivités, lesquels ne paraissent pas tout
à fait adaptés à la situation. Il importe que le Gouvernement développe la
politique des pays qui a été définie par l'article 22 de votre loi de 1999,
madame la ministre, et qu'il aide les syndicats de communes créés à cet effet à
bâtir leurs projets.
Je me permettrai de formuler sur cette politique un certain nombre
d'observations pratiques, qui peuvent, me semble-t-il, intéresser votre
ministère et singulièrement vous-même.
En premier lieu, j'observe que cette politique paraît encore mal comprise dans
les administrations locales. Les services déconcentrés de l'Etat ont une faible
connaissance de ces procédures, qu'ils n'ont pour la plupart jamais pratiquées.
Habitués aux montages financiers classiques à partir de crédits le plus souvent
issus de ressources des collectivités territoriales, leurs responsables ne sont
pas préparés au concept global d'aménagement de l'espace. Le cloisonnement même
de ces services, historiquement reliés à leurs administrations parisiennes et
coiffés par des ministères traditionnellement soucieux de leurs prérogatives,
ne favorise pas un travail en commun au niveau local, surtout lorsqu'on sait
combien cette approche réductrice de l'action est amplifiée localement par la
multiplication des missions locales, elles-mêmes préoccupées essentiellement
par le développement de leurs propres responsabilités techniques, également
réductrices.
Sans doute une réponse vient-elle à l'esprit : il appartient aux préfets de
faire passer cette politique nouvelle dans les faits et d'assurer la
coordination de l'action gouvernementale.
Malheureusement, madame la ministre, le préfet, comme le roi, est nu. Les
mille responsabilités qui l'accablent, toutes issues des exigences de
l'actualité, lui interdisent pratiquement d'accorder à cette politique nouvelle
l'intérêt qu'elle mérite. Certains s'y intéressent, mais d'une façon très
personnelle et volontariste, et ont tendance à intervenir directement. D'autres
s'en méfient : ils y voient une « sous-jacence » de la politique et cherchent
simplement à peser le poids du notable local qui doit conduire telle opération.
Enfin, d'autres s'en désintéressent et s'en écartent. Je ne crois pas que l'on
puisse touver là une réponse aux problèmes de ces administrations
traditionnelles, qui n'ont pas été formées à cette perspective.
Ma deuxième observation, madame la ministre, concerne la loi du 25 juin 1999,
qui me paraît particulièrement compliquée. La double procédure, soumise chaque
fois à la double expertise des départements et des régions et sanctionnée par
deux arrêtés préfectoraux, est assez rébarbative pour des associations ou des
élus locaux qui hésitent devant ces formules nouvelles, lesquelles génèrent,
comme ils disent, des « paperasses » et les embarrassent. Nous ne sommes pas
ici dans le monde assez spécialisé des cabinets minitériels et des
administrations centrales.
Les élus ruraux ou « rurbains » évoluent dans des milieux souvent très
traditionnels et, surtout, ils disposent d'une administration modeste, peu
familiarisée avec les arabesques procédurales.
Cette course d'obstacles qu'ils découvrent progressivement risque de
décourager nombre de ceux qui sont instinctivement proches de cette expérience.
J'en connais même qui étaient tentés par l'aventure et qui songent à y
renoncer.
Ma troisième observation porte sur cette ingénierie locale que votre budget
compte soutenir par priorité, aussi bien dans la phase de préfiguration que
dans celle de contractualisation des pays.
Financièrement, le soutien de la DATAR, aussi généreux soit-il, n'assure pas
la totalité du montant des prestations ou des crédits engagés. Quelle que soit
la part complémentaire apportée par la région ou le département, voire par
d'autres financements, il restera toujours 20 % d'autofinancement à trouver par
le maître d'ouvrage local : un malheureux décret de décembre 1999 a en effet
réglementé durement le régime des subventions en interdisant les cumuls au-delà
de 80 %. Cette règle était déjà pratiquée dans les faits, mais des dérogations
existaient. Personne n'avait éprouvé, jusqu'alors, le besoin de l'inscrire dans
la loi.
A l'heure où la politique contractuelle de l'Etat s'affirme, pourquoi certains
ont-ils éprouvé le besoin de durcir le dispositif ? La reconcentration, madame
la ministre, le jacobinisme rampant des administrations avancent souvent à pas
feutrés ; nous en avons là un discret exemple.
Les pays comme les associations auront des difficultés à autofinancer les
études et les équipes qui les portent. Il manque aujourd'hui à cette expérience
nouvelle, impulsée à Paris, un relais local, qui reste à trouver et qui portera
l'étude à la place des structures intercommunales, afin d'assurer
l'autofinancement actuellement non garanti.
Ma dernière observation porte sur l'étrange divergence des textes qui
régissent ces matières.
Par définition, un pays « fait faire ». Il porte des projets organisés autour
d'une ambition : la charte de développement. Il met en oeuvre cette charte
grâce à des maîtres d'ouvrage multiples et très différents. Il ne gère pas
lui-même, sauf à se transformer en étage supplémentaire de l'administration
locale, ce dont personne ne veut. Le pays doit donc répartir ses moyens entre
toutes les collectivités, les établissements publics et les associations qui
ont adhéré à ces objectifs. Ce système fonctionne d'ailleurs depuis des années
dans bien des collectivités.
Mais l'administration des finances veille. Elle s'inquiète de cette politique
nouvelle des contrats, dont on commence localement à comprendre qu'elle peut se
développer.
C'est ainsi que, dans une inspiration inédite, un paléontologiste du règlement
a redécouvert récemment un décret-loi Daladier de 1938 ! Ce texte de
circonstance - nous étions alors à la veille de la guerre - interdit à un
bénéficiaire de subventions de redistribuer ces ressources venues du ministère
à d'autres collectivités ou associations, sauf autorisation expresse du
contrôle d'Etat du ministère. Pour compléter le dispositif, on appelle à la
rescousse un décret de 1962. Tout risque d'être subitement bloqué.
Aujourd'hui, les spécialistes locaux qui avaient découvert cette procédure
s'emploient à contourner ce texte inattendu après qu'ils l'ont eux-mêmes
réinventé ! N'est-ce pas une illustration très courtelinesque d'une
administration qui n'en demande pas tant ?
Pour éviter la même mésaventure au texte Chevènement, il a fallu, au Sénat,
introduire un amendement en catastrophe - c'est l'article 17 - en espérant
qu'il ne donnera pas lieu à de nouvelles controverses lors de son
application.
Ainsi vont les grands desseins, madame la ministre, dans ce pays où,
paraît-il, nous avons toujours la meilleure administration du monde...
Sans doute ce propos, assez spécialisé, s'éloigne-t-il des grands débats
d'idées que nous aimons tant les uns et les autres. Mais tous ceux qui gèrent
les finances locales savent bien que le diable est dans les détails.
Pardonnez-moi d'avoir émaillé le débat de cette litanie de détails.
Je vous suggère cependant, madame la ministre, en conclusion de ce propos, de
convier votre administration à convaincre celle des finances, dont je sais la
souveraine solitude, que tout gouvernement doit avoir une intendance qui suit
et que la vôtre, fût-elle très dynamique, ne peut pas échapper à cette règle.
(Applaudissements sur les travées RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
J'approuve les conclusions de nos deux rapporteurs, nos collègues Roger Besse
et Jean Pépin, tout en ne méconnaissant pas, madame la ministre, les
contraintes d'ordre national et international qui sont les vôtres.
Mon intervention ne concernera qu'un aspect de la politique d'aménagement du
territoire, qui n'apparaît pas dans votre présentation budgétaire : il s'agit
du rôle déterminant que peut et doit jouer la voie navigable.
Deux exemples illustrent le fossé qui existe entre les intentions que vous
exprimez à cet égard et les conclusions qu'il conviendrait d'en tirer.
Premier exemple : l'un des programmes territoriaux dont le financement est
prévu par le fonds national d'aménagement et de développement du territoire
tend à faire de Marseille le port naturel de la Méditerranée pour l'Union
européenne. La logique voudrait que cette vocation entraîne le prolongement de
la voie d'eau rhodanienne par la liaison avec le bassin rhénan.
M. Aymeri de Montesquiou.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
Deuxième exemple : l'un des cinq choix multimodaux retenus dans le schéma des
services collectifs de transport met l'accent sur le bon fonctionnement des
grands corridors de transport internationaux, et notamment l'axe
Allemagne-Lyon-Marseille. On est en droit d'espérer, à ce propos, que la
multimodalité ne se limite pas au rail et à la route sur cet axe.
La voie d'eau, surtout dans une Europe qui s'élargit vers l'Est, correspond à
une nécessité économique, géopolitique et écologique. Ce sont les pays les plus
soucieux de l'environnement qui investissent le plus dans le transport fluvial.
C'est la voie d'eau qui permet d'insérer l'espace français au sein de l'espace
européen. C'est la voie d'eau qui permettrait de désengorger les couloirs
rhénan et rhodanien.
M. Jean-Paul Emorine.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Le problème du coût de la liaison Rhin-Rhône, qui représente le tiers de
l'effort consenti par l'Etat sur les 35 heures, à titre de comparaison - et qui
avait trouvé sa solution dans la loi de février 1995, ne doit pas être
considéré comme un obstacle. Je ne puis, à cet égard, que regretter - avec le
rapporteur spécial, M. Roger Besse, que les instruments financiers créés aient
été laissés en déshérence, voire supprimés, s'agissant du fonds
d'investissement des transports.
Puissiez-vous, madame la ministre, réintégrer la voie d'eau dans vos
orientations de la politique d'aménagement du territoire et considérer qu'une
France ouverte sur l'Europe, moderne et respectueuse de l'environnement doit
accepter la plurimodalité sans exclusive aucune.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Madame la ministre, vous nous proposez de « relever le défi du développement
durable ». Faut-il voir une tentative d'humour dans un terme aussi peu
approprié ? En effet, les budgets successifs semblent jouer au yo-yo : après
une hausse de 7,1 % en 2000, on note une baisse de 10 % cette année. De
surcroît, le budget pour 2001 foisonne de nouvelles structures : AFII, UHEDAT,
MIIAT... Quelle orientation ces sigles ponctuent-ils, madame la ministre ?
Je m'inquiète de l'avenir des services publics en milieu rural. En effet, le
moratoire sur les fermetures des services publics en zones rurales, décidé en
mai 1993, a été levé en décembre 1998. Cela a, hélas ! été confirmé en juillet
2000 par un circulaire du Premier ministre. Vous sacrifiez l'avenir des zones
rurales, alors qu'une majorité de nos concitoyens souhaitent vivre dans une
petite commune.
Comment une population qui a un haut niveau de formation et qui veut
transférer son lieu de travail loin des grandes agglomérations, loin de leur
pollution et de leur insécurité, et grâce aux nouvelles techniques de
télécommunication, pourra-t-elle s'installer dans un environnement à l'écart
des services publics ? Vous gâchez là une chance de revitalisation de ces
zones.
Le premier objectif de l'aménagement du territoire est d'organiser l'égalité
des chances sur l'ensemble de tous les territoires de la République. La prime
d'aménagement du territoire en est un des instruments. Mon intervention sera
donc axée principalement sur ce dispositif.
Le 24 février 1998, la Commission européenne a considéré que le système
d'aides composites accordées aux entreprises était inadapté aux exigences
européennes.
La nouvelle carte de la PAT a été approuvée en mars 2000 par la Commission.
Notre rapporteur signale que le nouveau décret relatif à la PAT serait
actuellement devant le Conseil d'Etat. Madame la ministre, pouvez-vous nous
donner le contour de ce décret ? Il n'est pas acceptable que le Parlement soit
laissé à l'écart de cette réforme essentielle pour nos concitoyens qui vivent
en zones rurales. Puisque vous ne nous informez pas spontanément, madame la
ministre, je vous poserai quelques questions.
Envisagez-vous une réforme de l'exonération de la taxe professionnelle et dans
quel délais ? Peut-on envisager des critères d'attribution de la PAT plus
justes, évitant la sous-consommation chronique ? Que comptez-vous faire pour
les entreprises hors zones PAT mais en zones non industrialisées ? Une révision
des zonages serait prévue en 2003. Pouvez-vous en donner, en primeur, quelques
éléments ?
Le Gouvernement a montré qu'il abandonnait les zones rurales en délaissant les
dispositifs traditionnels et en n'informant guère le Parlement quant à la mise
à disposition d'instruments nouveaux. Pour ces motifs, qui sont lourds, la
majorité des membres du groupe du RDSE ne votera pas ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Votre projet de budget, madame la ministre, s'inscrit dans la logique de la
loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire,
promulguée le 25 juin 1999. Avec la publication des textes d'application et
l'approbation des schémas de services collectifs, la politique d'aménagement du
territoire sera encore plus opérationnelle en 2001.
Ce projet de budget annonce une hausse très importante des autorisations de
programme, puisque celles-ci progressent de 13,4 %. Cependant, il convient de
remarquer - et de déplorer - la baisse de 9,8 % des crédits de paiement, due,
pour l'essentiel, aux retards de consommation liés à l'irrégularité des
arrivées des dossiers de projets.
Je note aussi avec satisfaction la progression de 14 % de la dotation du Fonds
national d'aménagement et développement du territoire afin de contribuer
efficacement au financement des contrats de plan Etat-Région. Cette
augmentation manifeste bien la volonté du Gouvernement de privilégier les
territoires porteurs de projets.
Outil majeur pour la création d'emplois et le développement économique de
certaines zones prioritaires, la prime d'aménagement du territoire verra les
crédits qui lui sont destinés portés à 400 millions de francs en autorisations
de programme ; mais les crédits de paiement diminuent du fait, là aussi,
d'importants reports. Il serait opportun de réfléchir aux moyens d'améliorer le
taux d'exécution des autorisations budgétaires.
Parallèlement à l'instauration de la nouvelle génération de fonds structurels
pour la période 2000-2006, une révision de la carte des aides à finalité
régionale a été arrêtée par la Commission européenne pour tous les Etats
membres.
Cette nouvelle carte PAT suscite quelques inquiétudes chez un grand nombre
d'élus, dont je suis. En effet, le zonage retenu en Limousin ne prend pas en
compte certains territoires qui, pourtant, y auraient largement leur place.
C'est ainsi que la carte PAT « industrie » écarte l'arrondissement de Limoges
de l'éligibilité à cette aide, alors qu'il regroupe près de 80 % de la
population du département.
Limoges et son agglomération jouent un rôle moteur pour toute la région
Limousin. Or, depuis dix ans, elles ont été durement touchées économiquement :
restructurations militaires, délocalisations du textile, difficultés du secteur
porcelainier et fermeture du site Pechiney.
La situation est aggravée par la non-éligibilité à l'objectif 2 d'un nombre
important de communes, au-delà même de l'agglomération.
Il faut rappeler que l'arrondissement de Limoges, hors Limoges, est territoire
de développement prioritaire. Soulignons que, dans le régime jusque-là en
vigueur, la non-éligibilité à la PAT « industrie » limitait fortement l'effet
d'autres aides à l'investissement en faveur de ce secteur. Si ces règles
devaient être maintenues en l'état, ces territoires verraient se réduire
gravement la portée des politiques de soutien au développement économique.
C'est pourquoi, afin d'appuyer la continuité des efforts engagés, il est
primordial de mettre en place des dérogations pour soutenir les projets
économiques importants.
Par ailleurs, j'aimerais souligner ici quelques difficultés de coordination
des politiques en matière d'aménagement du territoire.
La présence de commerces de proximité en zone rurale contribue, pour une large
part, à limiter la désertification de nos campagnes. Par exemple, les élus des
petites communes rurales comprennent difficilement qu'une réglementation
tatillonne empêche la création de bureaux de tabac. J'ai d'ailleurs eu
l'occasion d'attirer l'attention de votre collègue chargée du budget sur ce
problème. Chacun sait qu'un multiple rural fidélisera plus facilement sa
clientèle s'il peut bénéficier d'une licence de vente de tabac. Je sais, madame
la ministre, que cette question ne relève pas de votre domaine d'intervention.
Elle en est proche néanmoins puisqu'elle concerne le maintien des populations
en zone rurale. Sur ce point, tout en reconnaissant les efforts que vous
déployez et que j'apprécie, je pense que vous conviendrez avec moi qu'il y a
encore beaucoup à faire.
Cela étant dit, votre budget, je le répète, madame la ministre, est un bon
budget, et je le voterai, bien évidemment, avec l'ensemble du groupe
socialiste.
M. Michel Moreigne.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
... malgré tout !
M. le président.
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, loi Voynet,
contrats de plan, recomposition du territoire en agglomérations et pays,
schémas de services collectifs, réforme des fonds structurels : autant de
nouveaux concepts et outils qui devraient, nous dit-on, donner à notre pays les
moyens d'un développement durable.
Comme ce terme consacré par le Gouvernement auquel vous appartenez tend à
l'illustrer, l'aménagement du territoire est un investissement à long terme.
Aussi doit-il être guidé par une volonté politique claire, ne souffrant ni
non-dits ni ambiguïté volontairement entretenue.
A travers la loi qui porte votre nom, vous avez voulu relancer la
planification à long terme du territoire, madame la ministre. La loi Pasqua le
faisait, mais en rassemblant une vision d'avenir de la France en un seul
document.
Vous lui avez substitué des « schémas collectifs » dans neuf secteurs clés. Je
ne suis d'ailleurs pas certain que l'abandon du schéma national d'aménagement
du territoire ait été la meilleure idée que vous ayez eue ; mais soit ! Nous
avons cessé de pleurer sur le lait renversé. La volonté qui existe sur le plan
local de prendre en main son destin a été la plus forte. Chacun, acteur public
et privé, doit désormais s'approprier ces outils ; encore faut-il qu'ils soient
opérationnels !
La parution de ces schémas de services collectifs, autrement dit de ces
documents d'orientation au caractère largement prospectif, a été différée à
plusieurs reprises. Après l'urgence à ne pas appliquer la loi de 1995, il
semble y avoir aujourd'hui urgence à ne pas mettre en musique celle de 1999 :
il aura fallu attendre quinze mois pour que paraissent quatre décrets relatifs
aux instances de concertation et aux pays.
Les contrats de plan de la troisième génération ont certes été prolongés d'un
an pour s'achever en même temps que les programmes des fonds structurels
européens ; mais ceux de la quatrième génération ont été discutés puis signés
avant que les schémas de service ne soient élaborés, avant que l'on ne
connaisse le montant et le mode d'attribution des aides communautaires, avant
que ne soient définies les nouvelles règles d'intervention du fonds national
d'aménagement et de développement du territoire.
Vous conviendrez que l'on parvient ainsi à un dispositif qui n'est pas
cohérent et qui supposera, à l'évidence, que l'on reprenne les contrats de plan
l'an prochain pour les mettre en conformité avec les outils qui auront été
décrétés par ailleurs. Vous me permettrez de douter que ce soit là la meilleure
façon d'avancer.
Avez-vous conscience de ce que vous demandez aux responsables locaux, que nous
sommes pour la plupart, madame la ministre ? Aménager le territoire dont nous
sommes les élus suppose de prévoir, d'anticiper en connaissant les moyens dont
nous disposerons, en sachant quelles sont les priorités du Gouvernement. Il est
vrai que ce dernier n'a pas toujours l'air de les connaître lui-même ! J'en
veux pour preuve le dossier du troisième aéroport international, sur lequel la
clarté tarde à se faire.
Sur ce dossier, nous savons tous que deux versions opposées cohabitent au sein
de la majorité plurielle :...
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
C'est
toujours moins qu'à droite !
M. Gérard Cornu.
... l'une qui est hostile au projet, lui préférant le développement des
infrastructures régionales déjà existantes - c'est votre choix, madame la
ministre -, l'autre défendue par votre collègue des transports qui estime que
cette troisième plate-forme aéroportuaire est nécessaire pour répondre à
l'augmentation du trafic aérien et désengorger Roissy et Orly.
Après des mois de controverses, M. Lionel Jospin a fini par trancher et a pris
la décision de principe d'engager la construction d'un troisième aéroport
international dans la région parisienne. De cela, au moins, nous ne devrions
plus douter.
Mais une autre inconnue demeure : le choix du site. La nouvelle plate-forme
sera-t-elle implantée en région Centre, en Picardie ou encore en
Champagne-Ardenne ? Personne ne semble pressé de nous donner la réponse,
laquelle guiderait pourtant - chacun doit bien s'en rendre compte - nos choix
prospectifs en matière d'aménagement durable du territoire, comme vient de
l'évoquer précédemment notre collègue M. Paul Girod. Il n'est pourtant pas
difficile de comprendre que la décision finale est susceptible de modifier très
sensiblement le plan de développement de mon département d'Eure-et-Loir, sur
lequel est situé le site d'implantation potentielle de Beauvilliers et où tout
projet d'infrastructures est de près ou de loin suspendu.
On nous annonce un site pour 2001, à l'isssue d'un débat public. J'ai la
faiblesse de penser que, sur ce dossier comme sur d'autres, le Gouvernement
jugera urgent de faire traîner les choses, urgent d'attendre notamment que
certaines échéances - et il en est en 2002 qui ne sont pas de la dernière
importance, comme vous l'avez tous compris - soient passées. Il en est pourtant
de l'aménagement du territoire comme de bien d'autres domaines : le temps perdu
ne se rattrape jamais.
(Mme le ministre rit.)
C'est important ce que je
vous dis, madame la ministre, et vous le savez bien !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Oh oui
!
M. Gérard Cornu.
Quelle que soit la région finalement retenue, il aurait été plus cohérent
d'intégrer l'installation d'un tel équipement dans un plan de développement
d'ensemble, en l'occurrence dans le contrat de plan Etat-région pour la période
2000-2006, tout comme il conviendra, le moment venu, d'accompagner
l'installation de la plate-forme de mesures nécessaires à la maîtrise des
développements. Il faut notamment éviter de répéter les erreurs du passé,
celles dont pâtissent précisément les riverains des deux aéroports du bassin
parisien en termes de prévention contre les nuisances sonores, de préservation
du cadre de vie, etc.
Au lieu de cela, nous sommes condamnés à demeurer dans l'expectative la plus
complète pendant encore de longs mois. Le contrat de plan Etat-région ne tient
aucun compte de la faisabilité d'un tel projet, et il en est de même de notre
projet régional.
Quant au projet territorial de l'Etat en Eure-et-Loir, dont je viens de
prendre connaissance, c'est stupéfiant ! Il est mentionné, au chapitre du
développement économique, que, « dans l'hypothèse de la création d'un troisième
aéroport à Beauvilliers, il importerait de prévoir les infrastructures
autoroutières et ferroviaires nécessaires pour permettre des liaisons rapides
avec Paris et se mettre en état d'accueillir un chantier de grande ampleur » -
effectivement ! « Si cette décision était prise, ce dossier constituerait la
priorité essentielle des services de l'Etat » - c'est sûr ! - « qui devraient
se réorganiser profondément pour y répondre de manière optimale » - avec cela,
on est bien avancé ! « Il conviendrait dans cette optique de rédiger un avenant
au projet territorial, voire de le modifier substantiellement » - ainsi, on ne
se mouille pas trop !
Que d'énergie et de temps feriez-vous gagner à tout le monde si vous acceptiez
de nous dire aujourd'hui ce qu'il en sera demain ! Au lieu de cela, vous nous
laissez nous débattre avec nos incertitudes, nos interrogations, vous nous
laissez organiser l'avenir de nos territoires, quitte à nous condamner à faire
des choix inadaptés, pour des raisons qui ne tiennent qu'à des considérations
que j'estime politiciennes. Notre pays mériterait un peu plus de
considération.
Vous connaissez, madame la ministre, mon attachement et celui de la Haute
Assemblée à la défense du monde rural. C'est même ce point qui stigmatise mon
opposition à la politique que vous menez. Voici le quatrième budget que vous
nous présentez. Pas plus que les années précédentes, il ne me rassure sur votre
capacité à combler une fracture territoriale de plus en plus béante.
A vos yeux, je le sais, tout discours opposant villes et campagnes est
simpliste et réducteur. J'ose prétendre ne pas céder à cette tentation un peu
trop facile, il est vrai. Elu du monde rural, par le monde rural et pour le
monde rural, j'ai simplement à coeur de défendre ce dernier de mon mieux et de
contribuer à améliorer son avenir. Or, je suis chaque jour le spectateur désolé
et presque désarmé des conséquences des choix et du laisser-faire de ce
gouvernement. Ce n'est pas faute de tirer la sonnette d'alarme. Je le fais
systématiquement lors de l'examen du projet de budget de votre ministère.
Chaque année, je vous transmets la longue plainte tant des élus locaux que des
acteurs économiques, ou encore de la population de nos zones rurales. Tous ont
besoin, croyez-le bien, de signaux forts. Je pense notamment au nécessaire
allégement des circuits administratifs qui, quand ils ne découragent pas, font
perdre un temps et une énergie qui pourraient être utilisées à des fins plus
immédiatement productives.
A ce propos, madame la ministre, avez-vous travaillé à l'amélioration des
procédures d'accès aux fonds structurels et à l'accélération du déblocage des
crédits ? Je pense également au maintien des services publics en milieu rural,
et à la révision des zonages. La liste pourrait être longue.
En résumé, une fois de plus, le monde rural est le parent pauvre de votre
projet de budget : moins de 20 % des crédits d'aménagement du territoire lui
sont affectés, alors même que des efforts singuliers auraient été nécessaires
pour compenser les effets de la fusion des anciens objectifs 2 et 5 b, laquelle
signifie, pour notre pays, une réduction drastique des aides communautaires.
Pour seule réponse, vous nous assénez une baisse de 10 % des moyens de
paiement prévus pour 2001. Chacun appréciera et y verra le peu de cas que vous
faites de l'avenir de nos territoires.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une politique
d'aménagement du territoire ne peut être efficace que si tous les acteurs de
terrain oeuvrent dans le même sens. La faiblesse des crédits du ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement - d'ailleurs en baisse de 10
% - montre bien, en effet, que ce n'est pas par vous que l'espoir pourra naître
pour les territoires fragiles.
Vous l'avez d'ailleurs confirmé d'emblée : votre priorité est l'espace
urbain.
Madame, sachez que, si je partage votre souci de soutenir les territoires
sensibles des villes, je considère qu'il ne faut cependant pas oublier que les
dotations attribuées aux communautés urbaines - 450 francs de dotation globale
de fonctionnement par habitant - sont sans commune mesure avec les moyens qui
reviennent aux communautés de communes : 175 francs par habitant de dotation
globale de fonctionnement !
Plusieurs sénateurs sur les travées de l'Union centriste et du RPR.
En moyenne !
M. Philippe Richert.
Oui, il faudrait que tous les services, tous les ministères, partagent cette
volonté de rééquilibrer le territoire. Malheureusement, ce n'est pas ce que
nous constatons
de visu.
M. Hilaire Flandre.
Ils nous pompent nos sous !
M. Philippe Richert.
Je citerai un exemple flagrant : l'attribution des licences UMTS.
Le choix opéré en France pour cette attribution s'est singularisé par rapport
à la solution retenue, par exemple, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Il
s'est ensuivi un niveau de rentrées fiscales inférieur de près de la moitié
chez nous par rapport à ce qui a été enregistré chez nos voisins : 50 milliards
d'euros pour l'Allemagne, 38 milliards d'euros pour la Grande-Bretagne et 20
milliards d'euros pour la France !
Hypocritement, le Gouvernement a expliqué, pour ne pas perdre la face, qu'en
contrepartie les compagnies seront obligées, en France, de réaliser une
meilleure couverture géographique. Je ne sais pas si vous avez discuté avec les
responsables de ces compagnies, madame la ministre, mais c'est édifiant !
Nous savons bien qu'il n'en est rien et que cela est faux ! Plusieurs de ces
opérateurs ont déjà indiqué que des départements entiers ne les intéressaient
pas. Dans d'autres régions - c'est d'ailleurs le cas de la mienne - seules les
aires urbaines de plus de 50 000 habitants seront desservies. Une nouvelle
fois, les espaces fragiles seront laissés pour compte. Il en est toujours ainsi
lorsqu'il s'agit d'équipements ou de services nouveaux, modernes, structurants.
Cette fois-ci, ils auront en plus servi de caution sans retour pour justifier
un mode d'attribution beaucoup moins rentable que celui qui a été retenu par
nos voisins.
Une nouvelle fois, c'est vers les collectivités que se retourneront nos
concitoyens. En fait, ce sont elles qui, dans le domaine de l'aménagement du
territoire, ont pris l'habitude de suppléer un Etat défaillant.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon propos
sera très court, car je souscris, pour l'essentiel, aux exposés très précis et
très complets de nos excellents rapporteurs.
L'aménagement du territoire : mythe ou réalité ?
Cette noble intention, dont on parle toujours, peut-elle déboucher sur une
réalité ? Derrière la formule, que l'on ressasse depuis des décennies, et alors
que l'on n'a jamais atteint l'objectif, que de déceptions, que d'inventaires,
que de missions parlementaires, de rapports, de colloques... avec, de temps en
temps, des lois, peu ou pas appliquées, voire mises au placard, abandonnées par
le gouvernement suivant...
Aménager le territoire, c'est, pour un gouvernement républicain, faire en
sorte que l'ensemble du pays soit doté de services et d'activités qui assurent
aux citoyens un emploi et une certaine qualité de vie. Hélas, c'est loin d'être
le cas !
Pour s'en convaincre, il suffit de constater le déséquilibre désastreux des
finances locales. Si les grandes villes et les grandes structures sont
largement dotées, il est pénible de constater la pauvreté financière des
communes rurales. Les petites communes sont condamnées à la portion congrue -
les chiffres sont là pour le prouver.
M. Philippe Nogrix.
Bien sûr !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jean Huchon.
J'ai présidé, jusqu'à ces derniers temps, un syndicat de 65 communes
regroupant 100 000 habitants et constituant un pays qui sait depuis longtemps
pratiquer la solidarité et faire preuve de dynamisme. Hélas ! le budget de
fonctionnement de ce syndicat de 65 communes est de 3 500 francs par habitant.
Pour la ville voisine de 50 000 habitants, je signale qu'il est de 9 000
francs. Et plus la ville grandit, plus la somme augmente, pour atteindre des
montants vertigineux, six à huit fois plus, dans la région parisienne.
Va-t-on enfin comprendre que le milieu rural existe, que ses habitants sont
des citoyens français qui méritent les mêmes égards que leurs compatriotes
citadins ?
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jean Huchon.
Depuis des années, on parle de solidarité, de compensation, de péréquation.
Ces intentions sont concrétisées de façon tellement légère, je dirai même
tellement insignifiante, que les collectivités riches sont de plus en plus
riches, et les collectivités pauvres de plus en plus pauvres.
Vous me direz, madame la ministre, que l'intercommunalité est là pour nous
permettre d'affronter l'avenir. Hélas ! mon ami Philippe Richert vient de le
dire, il suffit de comparer les dotations des communautés d'agglomération et
des communautés de communes pour voir la différence !
Il y a là des anomalies et des injustices que nous considérons comme
inadmissibles.
Je ferai deux remarques concernant les services.
D'abord, l'amendement « cavalier », voté il y a quelques mois, qui bloque
toute nouvelle installation de pharmacie en milieu rural, puisque le seuil de
population est porté de 2 000 à 2 500 habitants et que toute dérogation
préfectorale est interdite, est un exemple du mépris à l'égard des habitants de
nos campagnes. Il me semble curieux que le lobby de la pharmacie, dont on
connaît l'éthique, ait trouvé en notre collègue M. Autain un défenseur aussi
efficace !
Ma deuxième remarque concerne La Poste. Nous sommes surpris : plus La Poste se
mécanise, s'automatise, s'informatise, plus on utilise des voitures et des
avions, plus le courrier est distribué tard et plus la levée du soir est
précoce !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
Il y a là un phénomène très surprenant dont nous souhaiterions avoir
l'explication.
Madame la ministre, pour toutes ces raisons, suivant nos rapporteurs, je ne
voterai pas votre budget.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Vous
l'aurez constaté, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget de
l'aménagement du territoire pour 2001 comporte les moyens nécessaires à la mise
en oeuvre d'une politique volontariste sur une base entièrement rénovée.
Je procéderai, bien sûr, dans quelques instants à la description de ce budget.
Je le ferai rapidement puisque vous avez, les uns et les autres, déjà travaillé
sur le sujet.
Mais, auparavant, je voudrais consacrer quelques instants à un rapide bilan
des deux dernières années, marquées par une réforme en profondeur de l'ensemble
des composantes de la politique nationale et communautaire d'aménagement du
territoire.
Après la promulgation de la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement durable du territoire, la LOADDT, le 25 juin 1999, l'année 2000 a
été consacrée à l'élaboration des textes réglementaires nécessaires à l'entrée
en vigueur effective de la loi.
Cinq décrets d'application de la loi ont été publiés au
Journal officiel
du 20 septembre dernier. Il s'agit des décrets relatifs au conseil national
de l'aménagement et du développement du territoire, les CNADT, aux conférences
régionales d'aménagement et de développement du territoire, les CRADT, aux
schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire, les STRADT,
qui confèrent une base juridique aux instances de concertation et aux documents
d'orientation, ainsi que des décrets relatifs aux pays et au groupement
d'intérêt public-environnement.
Vous avez déploré la lenteur de cette démarche, monsieur Cornu, et vous avez
eu raison. Mais dois-je vous rappeler que vous aviez demandé avec force, et
obtenu, qu'un temps important soit consacré à la concertation avec les
instances mises en place dans le domaine de l'aménagement du territoire ?
On ne peut pas à la fois déplorer la lenteur et la présumée irrésolution du
Gouvernement, qui prend le temps de la concertation, et la tentation de la
recentralisation et de l'autoritarisme quand n'est pas pris le temps nécessaire
à cette concertation !
Voilà quelques jours à peine, j'ai été invitée fermement, pour ne pas dire
sommée, par certains membres de la délégation parlementaire à l'aménagement du
territoire de donner davantage de temps à la concertation sur les projets de
schéma de services collectifs. Vous, vous craignez que cela ne prenne trop de
temps, alors qu'il m'a été demandé d'attendre après les élections municipales
pour finaliser cet important chantier, que vous attendez déjà depuis plus d'un
an.
Trois autres décrets sont à la signature des ministres, ceux qui sont relatifs
aux chemins ruraux et relevés topographiques, aux services publics - j'y
reviendrai - ainsi que celui, très attendu, qui est relatif aux
agglomérations.
M. Bellanger m'a interrogée sur ce dernier point. Ce texte est à la signature
de vingt ministres depuis pratiquement trois mois. Deux ministères n'ont pas
encore apporté leur signature. Je ne les dénoncerai pas... mais il se trouve
que le ministère chargé de l'élaboration de ce texte est en retard. Je vais,
bien évidemment, le mobiliser à nouveau.
Le décret relatif aux services publics est, vous le savez, en cours d'examen
au Conseil d'Etat. C'est un volet essentiel de la LOADDT, sur lequel M.
Bellanger et M. Le Cam m'ont interrogée.
Les objectifs de la loi sont de renforcer les modalités de concertation sur
les décisions de réorganisation ou de suppression de services que sont
susceptibles de prendre les grands organismes publics. Le décret en cours
d'examen précise la portée des plans départementaux pluriannuels - au moins
triennaux - d'organisation que devront souscrire les organismes publics ne
disposant pas de contrats de plan, de contrats de service public ou de cahier
des charges approuvé par décret. La liste des organismes concernés est annexée
au décret. Le plan prévoit la participation éventuelle à des maisons de
services publics.
Il faut rapprocher, à cet égard, la LOADDT de la loi du 12 avril 2000 relative
aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et,
notamment, de sa partie consacrée aux maisons de services publics. Cette loi
propose en effet un cadre juridique et oblige à préciser les moyens de
fonctionnement, ainsi que les règles de gestion des personnels.
Je peux vous fournir un chiffre : à ce jour, nous pouvons considérer que près
de trois cents maisons de services publics sont constituées et que l'adoption
des dispositions réglementaires suscitera d'autres initiatives.
Il s'agit, en général, de plates-formes de services publics dans les quartiers
en difficulté qui bénéficient de la politique de la ville menée par la
délégation interministérielle à la ville dans les zones urbaines sensibles.
A ce propos, monsieur Richert, vous avez prétendu tout à l'heure que j'aurais
affirmé vouloir donner la priorité à l'urbain.
M. Philippe Richert.
Cela a été dit !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Prouvez ce
que vous avancez !
M. Philippe Richert.
Sans problème !
Madame la ministre,...
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
Richert, je ne vous ai pas coupé la parole, je vous prie d'en faire autant.
Retrouvez le texte auquel vous songez ! Pour ma part, je suis certaine de
n'avoir jamais dit cela. De plus, même si j'avais été tentée de le dire,
franchement, il aurait fallu être complètement déraisonnable pour le faire ici
!
(Exclamations sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Philippe Richert.
Bien sûr, vous ne l'avez pas dit ici !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
J'en
reviens à mon propos.
Il s'agit également de points publics en milieu rural et d'espaces ruraux
emploi-formation en milieu rural ; il s'agit encore de points accueil-service
dans les endroits sans spécificité marquée.
Je voudrais insister aussi sur le partenariat de ces maisons de services
publics avec les associations, les collectivités territoriales, les services de
l'Etat, les organismes sociaux, les partenaires économiques, établissements et
exploitants publics tels que La Poste, EDF-GDF, France Télécom, la SNCF.
Je ne suis pas forcément d'accord avec l'ensemble des démonstrations qu'a
faites M. Huchon, mais il est vrai que je partage certaines de ses critiques,
notamment en ce qui concerne La Poste. Je pense à la suppression des derniers
trains postaux, qui ont été remplacés par des camions. Curieuse politique,
décidément, au moment où l'on cherche à unir nos efforts pour lutter contre
l'accumulation de gaz à effet de serre !
Le Gouvernement vient, par ailleurs, de définir les grandes orientations des
neuf projets de schémas de services collectifs, qu'il soumet à la concertation
régionale.
Ces schémas tracent les choix stratégiques de la politique d'aménagement et du
développement durable du territoire pour les vingt prochaines années dans les
principaux secteurs de l'intervention publique. Ils tendent à répondre aux
besoins collectifs réellement exprimés par nos concitoyens
Les territoires sont reconnus avec leur vitalité propre, leurs projets, leurs
acteurs politiques, économiques et sociaux.
Le champ de la planification territoriale, traditionnellement réduit à un seul
schéma d'infrastructures, est étendu à neuf schémas qui couvrent tous les
aspects de la vie économique et sociale : l'enseignement supérieur et la
recherche, la culture, la santé, évoqués par M. Le Cam, les transports de
voyageurs et de marchandises, l'énergie, les espaces naturels et ruraux, le
sport et les nouvelles technologies de l'information et de la communication,
sur lesquelles MM. Bellanger et Richert ont eu raison de beaucoup insister. Il
faut en effet plaider pour que, en ce qui concerne tant les licences UMTS que
les boucles locales radio, les enjeux de l'aménagement du territoire ne soient
pas sous-estimés. Le développement des nouvelles technologies de l'information
et de la communication est une occasion pour rebattre les cartes entre tous les
territoires et non pour accentuer les inégalités et les difficultés au
détriment des territoires aujourd'hui moins soucieux de leur développement dans
ces domaines.
Depuis l'adoption de la LOADDT, les régions ont travaillé à l'élaboration des
schémas de services collectifs. Elles ont fait parvenir au Gouvernement leurs
contributions. Aujourd'hui, le Gouvernement leur fait connaître les
propositions qu'il a élaborées après examen de ces contributions régionales,
sous la forme de projets de schémas.
C'est donc bien d'une élaboration partagée qu'il s'agit. Il revient maintenant
à l'ensemble des acteurs publics et privés dans les régions de se saisir de ce
débat, de faire entendre leur voix, de donner chair et vie dans l'ensemble des
territoires aux orientations qui sont présentées dans ces schémas de services
collectifs.
Nous avons souhaité laisser aux régions le temps nécessaire pour engager un
vrai travail de fond avec l'ensemble des collectivités et acteurs locaux :
elles auront jusqu'au 15 avril prochain pour communiquer leurs réactions, après
examen par les conférences régionales pour l'aménagement et le développement du
territoire, puis par les conseils économiques et sociaux des régions.
Parallèlement à ce travail, la consultation sera organisée au niveau national
avec le CNADT, dans sa nouvelle composition, plus représentative des acteurs
que sont les associations et les structures intercommunales, mais aussi avec
les délégations parlementaires à l'aménagement et au développement durable du
territoire que j'ai rencontrées ces jours derniers.
Au terme de ces allers et retours, l'Etat préparera les décrets relatifs à
chacun des schémas de services collectifs avant l'été.
La négociation d'une nouvelle génération de contrats de plan Etat-régions a
été menée dans des conditions globalement satisfaisantes tout au long des
années 1999 et 2000.
Après la phase de définition de la stratégie de l'Etat dans les régions et de
consultations et échanges, l'année 2000 a été consacrée à la négociation et à
la signature proprement dite des contrats sur une période qui s'est échelonnée
entre le 13 janvier et le 28 juillet 2000, soit un délai très court si on le
compare aux précédents contrats de plan.
Les orientations retenues dans ces contrats répondent aux trois grandes
priorités du Gouvernement : soutien à l'emploi, solidarité des territoires,
développement durable.
La réorientation de la politique des transports en faveur du développement de
l'intermodalité et du rail en est un élément important. Les investissements
dans le secteur ferroviaire devraient atteindre 30 milliards de francs sur la
période, tandis que les crédits consacrés à la route sont globalement
stabilisés.
Fondés sur une participation de l'Etat à leur financement, à hauteur de 114,8
milliards de francs auxquels s'ajoutent les crédits dévolus aux grands
programmes interrégionaux, pour 5,4 milliards de francs, et sur une
participation des régions de 116,4 milliards de francs, ces contrats témoignent
très clairement de la prise en compte de nouvelles préoccupations,
particulièrement sensibles en matière d'aménagement du territoire et
d'environnement, sans oublier les avenants aux contrats de plan Etat-région
justifiés par les tempêtes. C'est pourquoi j'ai souhaité que priorité soit
donnée, en 2001, dans l'affectation des crédits de la DATAR, au respect des
engagements pris dans ces contrats de plan.
Parallèlement, à l'échelon communautaire, l'année 2000 a été consacrée à la
traduction opérationnelle de l'accord conclu par les Quinze à Berlin sur la
réforme des fonds structurels et à l'établissement de leur nouvelle
cartographie. Les documents uniques de programmation, DOCUP, régionaux ont été
établis dans leur ensemble et adressés à la Commission avant le 30 avril pour
approbation. Les DOCUP objectif 1 ont d'ores et déjà reçu un accord de principe
de sa part, dans l'attente d'une adoption définitive attendue dans les jours
qui viennent, tandis que les négociations nationales sur les DOCUP pour les
vingt et une régions en objectif 2 sont achevées.
Par ailleurs, prenant acte des difficultés de trésorerie occasionnées, pour
les porteurs de projets, par les délais de mise à disposition des fonds, les
modalités de gestion nationale des crédits des fonds structurels ont été
repensées afin de raccourcir les délais de paiement des dossiers aux
bénéficiaires finals.
L'application des lignes directrices communautaires pour les aides à finalité
régionale a en outre conduit à une refonte du régime de la prime d'aménagement
du territoire, tant dans ses modalités d'application, qu'il s'agisse de la «
PAT tertiaire » ou de l'abaissement des seuils d'éligibilité, que dans la
couverture du territoire par une révision du zonage.
Quant à l'autre outil essentiel d'orientation de la politique d'aménagement du
territoire, le FNADT, ses modalités d'intervention ont été profondément revues
à l'issue de l'élaboration d'un rapport par l'Inspection générale des finances
et dans une perspective d'appui aux orientations de la LOADDT, la loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, notamment
en matière d'aide au développement des territoires de projets.
Une nouvelle circulaire relative à la doctrine d'emploi du fonds et à ses
modalités d'intervention, qui abroge et remplace la circulaire du 15 février
1995, vient d'être signée par M. le Premier ministre. En réponse à M. Besse, je
tiens à vous indiquer ses principales dispositions.
Elle confirme la réorientation des actions financées par le fonds vers les
trois domaines prioritaires que sont les projets en faveur de l'emploi, tels
que les démarches de développement local intégré et les systèmes productifs
locaux, les actions qui visent à accroître l'attractivité des territoires et
celles qui présentent un caractère innovant ou expérimental en matière
d'aménagement du territoire, en particulier le développement de l'ingénierie de
projet.
La section locale du FNADT a par ailleurs été augmentée pour répondre aux
besoins d'investissement liés à la montée en puissance des projets de pays et
d'agglomération. La partie contractualisée de cette section, qui alimente les
CPER, les contrats de plan Etat-région, financera plus particulièrement les
contrats de pays et d'agglomération. Les autres interventions contractualisées
se concentreront sur les politiques de massif, les programmes de conversion, le
développement des NTIC, les nouvelles technologies de l'information et de la
communication, et les opérations interrégionales.
La partie libre d'emploi, qui est à la disposition des préfets de région, sera
quant à elle plus nettement orientée en direction du financement des mesures
d'accompagnement relatives à l'évolution des services publics et des projets
menés à un échelon intercommunal.
Seules les demandes de financement supérieur à 2 millions de francs seront
désormais éligibles à la section nationale du FNADT, qui doit permettre de
financer des opérations d'envergure nationale, interrégionale, voire régionale
quand les montants sont trop importants pour être financés par la section
locale.
Après ces deux années de conception et de redéfinition des instruments
d'intervention en matière d'aménagement du territoire, l'année 2001 sera
consacrée à la mise en oeuvre pleine et entière de ces nouvelles orientations
politiques.
Sans reprendre la description du budget pour 2001 de mon ministère que j'ai
faite devant les commissions du Sénat, je souhaite répondre aux inquiétudes de
M. le rapporteur pour avis s'agissant de la diminution de 9,8 % des crédits de
paiement de la DATAR en 2001.
Je vous confirme que cette baisse résulte d'un ajustement au rythme de
consommation réel des crédits de la DATAR, dans un souci de transparence et de
bonne gestion des finances publiques, d'ailleurs salué par M. Bellanger, et
qu'elle ne portera nullement atteinte à la capacité de paiement de la
Délégation en 2001 ; elle ne sera donc cause d'aucun préjudice pour la conduite
des actions à venir.
M. Besse a bien décrit les effets de yoyo que subissent régulièrement, hélas !
les crédits de l'aménagement du territoire, même s'ils sont beaucoup moins
importants cette année qu'ils n'ont parfois pu l'être par le passé. M. le
rapporteur pour avis a lui aussi bien compris la situation, puisqu'il a
reconnu, au cours de son intervention, la sous-consommation chronique des
crédits alloués à la PAT.
La PAT n'en reste pas moins un outil auquel les élus locaux sont attachés,
outil très peu sélectif puisque la quasi-totalité des projets sont acceptés, ce
qui entraîne parfois quelques difficultés, puisque l'on est obligé de recouvrer
des sommes qui n'ont pas été utilisées en dépit de l'octroi, par les pouvoirs
publics, des montants demandés.
La baisse des crédits de paiement de 10 % en 2001 affecte, ainsi que vous avez
pu le constater dans le bleu budgétaire, au titre VI, les deux moyens
d'intervention de la DATAR que sont la PAT et le FNADT.
En revanche, les dépenses ordinaires, notamment les crédits inscrits au titre
IV pour le FNADT, qui constituent l'instrument privilégié de la politique de
développement des projets de territoire que sont les pays et les
agglomérations, progressent très fortement, puisqu'elles augmentent de 93
millions de francs, soit une hausse de 20 %.
Pour l'élaboration du projet de budget pour 2001, le « calibrage » des crédits
de paiement nécessaires s'est fait dans un esprit de sincérité budgétaire et de
bonne gestion de la ressource publique, par une détermination des montants
prenant en compte les prévisions de reports de crédits de 2000 sur 2001, tant
pour la PAT que pour les crédits d'investissement du FNADT.
Ainsi, l'établissement des crédits de paiement de la PAT à 300 millions de
francs en 2001, soit une baisse de 120 millions de francs par rapport aux 420
millions de francs inscrits en 2000, tient compte d'une prévision de reports
d'environ 200 millions de francs, ce qui porte le montant disponible à 500
millions de francs en 2001 pour un rythme de consommation moyen, d'une année
sur l'autre, compris entre 350 millions et 400 millions de francs.
De même, la fixation à 777,5 millions de francs des crédits de paiement du
FNADT inscrits au titre VI intègre une prévision de reports d'environ 400
millions de francs, ce qui porte le montant des crédits disponibles en 2001 à
1,2 milliard de francs, permettant largement de faire face aux besoins
anticipés sur le fonds l'année prochaine.
Il faut cependant se garder d'une appréciation hâtive, et je tiens à insister
sur le fait que l'existence de ces reports ne doit pas être interprétée comme
le signe d'une mauvaise gestion.
L'origine des reports en ce qui concerne la PAT est largement imputable à la
très forte augmentation des crédits de paiement constatée en loi de finances de
2000. Je rappelle que les crédits de paiement de la PAT avaient en effet
progressé de 33 % entre 1999 et 2000, passant de 315 millions de francs à 420
millions de francs en 2000.
Par ailleurs, le rythme de consommation des crédits découle aussi directement
de l'échéancier d'arrivée des dossiers.
Ainsi, on constate de manière systématique une accélération des demandes en
fin de période de programmation : cela a été particulièrement net en ce qui
concerne la PAT au terme de l'exercice 1999, du fait de la fin de l'application
du régime antérieur ; certains dossiers ont, en conséquence, dû être reportés
sur l'exercice 2000, au titre duquel ils ont bénéficié d'un financement à
hauteur de 41 millions de francs dès le début de l'année.
A contrario
, une sous-consommation de crédits peut apparaître
temporairement au commencement d'une nouvelle période de programmation : le
rythme d'engagement des crédits du FNADT a ainsi un peu ralenti depuis le début
de l'année, du fait de la mise en place des nouveaux contrats de plan.
Le projet de budget pour 2001 marque indéniablement la priorité accordée au
volet territorial des contrats de plan Etat-région par un renforcement des
crédits du FNADT.
Le budget propre de l'aménagement du territoire permettra d'abord d'encourager
et d'accompagner la mise en place des contrats d'agglomération et de pays.
Cette orientation politique trouve sa traduction financière dans la
progression des crédits d'engagement du Fonds national d'aménagement et de
développement du territoire, qui passera de 1 653 millions de francs en 2000 en
dépenses ordinaires et autorisations de programme à 1 883 millions de francs en
2001, ce qui représente un accroissement de 230 millions de francs, donc une
augmentation de 14 % de ses capacités à contribuer au financement des contrats
de plan.
La part des crédits contractualisés du FNADT progresse considérablement, pour
atteindre 8,6 milliards de francs sur la période. Ce montant est à comparer aux
4,7 milliards de francs consacrés à la précédente génération de contrats de
plan.
Pour l'année 2001, 1 041 millions de francs en dépenses ordinaires et en
autorisations de programme sont ainsi réservés au financement des contrats de
plan, avec une forte orientation en direction de leur volet territorial.
A cet effet, le FNADT a désormais vocation à privilégier le recours à
l'ingénierie de développement plutôt que le financement de projets
d'investissements plus lourds. Ses crédits d'intervention ont été mesurés en
conséquence : j'ai souhaité un renforcement du titre IV pour les premières
années de l'exécution des contrats de plan, afin d'assurer le financement d'une
ingénierie légère indispensable à l'émergence des projets territoriaux.
M. Masson a décrit quelques-unes des difficultés auxquelles les préfets, qu'il
connaît bien, sont confrontés. Pour l'essentiel, je partage son analyse.
Cependant, il faut souligner que la complexité parfois décourageante des
projets de pays a été voulue par les parlementaires pour leur permettre de se
prémunir contre la fragilisation des départements et le recouvrement des
territoires - qu'il s'agisse des agglomérations, des pays, des parcs naturels
régionaux organisés ou non en un ou plusieurs établissements publics de
coopération intercommunale - mais aussi pour éviter le recouvrement
institutionnel des régions, des départements et des communes. Malgré ces
difficultés, à la date du 30 juin 2000, cent quatre pays sont constatés par les
commissions départementales de coopération intercommunale, et près de deux
cents autres sont en projet ou en cours de constitution. La parution récente du
décret d'application de la LOADDT leur conférera la base d'une reconnaissance
officielle.
S'agissant du décret de 1999 sur les investissements, évoqué par M. Masson, je
rappelle que les 20 % d'autofinancement concernent non pas les études ou
l'ingénierie, mais seulement les investissements du titre VI, et que nous avons
prévu des dérogations pour les cas particuliers où l'autofinancement n'est pas
possible ; un décret portant sur ce point est en cours de publication.
J'ajouterai quelques mots à propos des agglomérations. Vous vous souvenez sans
doute, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'opération pilote conduite en
2000 dans quatorze agglomérations prises comme sites témoins ; une centaine
d'agglomérations susceptibles de se constituer dans les prochains mois ont
également été identifiées. La progression en 2001 des crédits du FNADT doit
également permettre de soutenir cette dynamique.
L'augmentation des moyens de soutien à la localisation des activités et à la
création d'emplois constitue le second volet de l'action de la DATAR.
A cet effet, les crédits d'engagement dévolus à la prime d'aménagement du
territoire progresseront de 50 millions de francs, pour s'établir à 400
millions de francs, soit une hausse de 14 %. Je ne reviendrai pas sur la
diminution constatée des crédits de paiement, que j'ai largement évoquée voilà
quelques instants.
L'augmentation significative des moyens d'engagement consacrés à la PAT doit
permettre de soutenir la réforme de l'emploi de cette prime et de son zonage,
qui procède de la révision communautaire de la carte des aides à finalité
régionale.
Cette réforme, vous le savez, consiste en un abaissement des seuils
d'éligibilité à la PAT, destiné à permettre le soutien à de plus petits projets
- ces seuils passent de vingt emplois créés et de 20 millions de francs
d'investissements sur trois ans à quinze emplois et 15 millions de francs - et
en l'extension du champ d'intervention de la « PAT tertiaire » au domaine des
services à l'entreprise.
Vous êtes nombreux, s'agissant des modalités de cette réforme, à déplorer
l'absence d'une « micro-PAT » qui aurait permis d'aider à l'implantation de
très petites entreprises. Cette question a été largement débattue, mais aller
au-delà de l'abaissement des seuils retenu soulève la question de la pertinence
d'un dispositif national d'aides d'Etat. L'instruction des plus petits dossiers
doit, à mon sens, relever de l'échelon régional : c'est ce qui caractérise la
prime régionale à l'emploi, l'encadrement des aides aux PME ou encore la
procédure d'attribution des aides du fonds de développement des PMI.
La réforme des zonages s'appuie, pour sa part, sur les contraintes imposées
par la Commission européenne, notamment en termes de réduction de la population
éligible, qui passe de 41 % à 34 % de la population totale, et de plafonnement
des taux d'aide. Je connais les difficultés occasionnées par cette réduction du
territoire éligible, mais nous sommes parvenus, dans la majorité des cas, à
assouplir certaines positions initialement très rigides de la Commission.
Ainsi, alors que la Commission avait, au début des négociations, la tentation
de pousser au strict recouvrement des zonages de la PAT et des fonds
structurels, ce qui aurait empêché toute mesure d'atténuation de perte
d'éligibilité, nous nous sommes employés à préserver une marge de flexibilité
et à ne pas faire coïncider la carte de la PAT avec celle de l'objectif 2.
De même, des dérogations ont pu être obtenues au principe initial de la
Commission de n'autoriser les Etats à effectuer un zonage que dans les zones
éligibles à l'objectif 2. Quatorze zones d'emploi partielles ont ainsi pu être
retenues, pour la plupart dans des agglomérations fragiles ou des bassins
miniers.
J'ai bien noté les préoccupations que certains d'entre vous, notamment Mme
Bardou et M. Demerliat, ont exprimées à propos des zones perdant le bénéfice de
la PAT, en particulier au regard des aides collatérales à ce régime.
Outre la mise en place de la « PAT tertiaire » et de la PAT « recherche et
développement », dans les limites, bien sûr, des règles fixées par le décret
qui est en cours d'examen par le Conseil d'Etat, nous avons prévu plusieurs
dispositifs permettant le maintien d'un appui appréciable à ces zones
pénalisées par la perte du bénéfice de la PAT : je pense ici aux mesures
d'exonération de taxes professionnelles, d'impôt sur les sociétés ou de charges
patronales réservées aux secteurs situés en zone de revitalisation rurale,
ainsi qu'au fonds de développement des PMI, à l'aide à l'immobilier hors des
zones éligibles à la PAT pour les PME, aux aides de l'Agence nationale de
valorisation de la recherche, au futur régime d'aides régionales pour l'emploi
destiné aux PME ou encore, bien sûr, au fonds de l'objectif 2 des fonds
structurels.
Après cet examen assez exhaustif des instruments d'intervention de la DATAR,
je voudrais évoquer brièvement les moyens dont celle-ci dispose.
J'ai obtenu, non sans mal, dès ma prise de fonctions, l'arrêt du plan
pluriannuel de réduction des effectifs qui frappait la DATAR. Cependant, je
devrais m'arrêter là et ne pas indiquer que trois emplois nouveaux seront créés
en 2001... C'est très peu, mais un effort sera fait s'agissant du régime
indemnitaire des personnels. Ce n'est, bien évidemment, qu'une toute première
étape.
Enfin, parmi les réformes de structures, je voudrais citer la rationalisation
du réseau de prospection et d'accueil des investissements étrangers créateurs
d'emplois dans le cadre de l'Agence française pour les investissements
internationaux, établissement public à caractère industriel et commercial placé
sous la double tutelle du ministère chargé de l'économie, des finances et de
l'industrie et du ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement. Vous avez accepté le principe de cette évolution par
l'adoption d'un amendement au projet de loi sur les nouvelles régulations
économiques.
Monsieur le président, je sais que le temps de parole qui m'est imparti est
épuisé, mais je voudrais m'exprimer brièvement sur l'action menée en faveur des
plates-formes d'initiative locale.
M. le président.
Je suis hélas obligé de vous demander de conclure, madame le ministre, compte
tenu de ce que nous avons décidé en conférence des présidents.
Cela étant, vous aurez tout loisir de continuer à vous exprimer en répondant
aux explications de vote.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Soit !
Je ne dis donc rien sur le troisième aéroport parisien,... sur
Euro-Méditerranée... sur les plates-formes d'initiative locale...
(Murmures de protestation sur diverses travées.)
M. le président.
Continuez, madame le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Concernant
les plates-formes d'initiative locale, je n'ai rien à ajouter aux plaidoyers de
MM. Roger Besse et Paul Girod. Il s'agit effectivement d'outils tout à fait
pertinents d'aménagement du territoire.
Je n'ai pas l'intention de remettre en cause notre soutien à France Initiative
Réseau et aux plates-formes. Nous souhaitons réaffirmer ce soutien dans le
cadre d'une négociation sur des contenus et des priorités, et sur une sorte de
cahier des charges permettant de vérifier que nous sommes bien d'accord et que
l'argent public est utilisé en fonction de nos priorités, à savoir le soutien
aux entreprises et la création d'emplois.
M. Pépin a considéré que le soutien très résolu de l'Etat au projet
Euro-Méditerranée était contradictoire avec l'abandon du projet de canal
Saône-Rhin.
Monsieur le sénateur, il ne s'agit en aucun cas d'un projet d'aménagement
portuaire. Il s'agit de réutiliser des bâtiments anciens, par la
réindustrialisation, mais aussi par un développement massif du secteur
tertiaire, par l'installation d'un musée des civilisations européennes et
méditerranéennes, d'équipements universitaires, d'une école de formation aux
télécommunications et d'un institut de coopération au développement. M. Gaudin
a dû vous parler souvent des aménagements apportés à des bâtiments anciens qui
avaient vieilli ! Il n'y a aucune contradiction de vouloir réutiliser ces
territoires tout à fait intéressants situés au coeur de Marseille et utiliser,
chaque fois que possible, la voie d'eau lorsqu'elle existe.
C'est d'ailleurs le cas pour le Rhône, puisqu'il est déjà à grand gabarit
jusqu'à Lyon. Mais je relève que les équipements du port Edouard-Herriot
restent sous-utilisés.
Je rappelle par ailleurs que le port de Marseille n'a jamais, hélas, été en
relation avec le Rhône depuis l'effondrement du canal-tunnel de Rove.
M. Hoeffel a pointé le rôle déterminant de la voie navigable.
Nous ne reprendrons pas ici, monsieur le sénateur, cette discussion qui nous
occupe depuis une quinzaine d'années déjà !
(Murmures sur les travées de l'Union centriste.)
Je vous rappelle simplement que je souhaite éviter la concurrence entre le
rail et la voie d'eau, qui n'aurait qu'un seul bénéficiaire : la route !
(Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Hilaire Flandre.
Celle-là, il faut la faire !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je
souhaite utiliser la voie d'eau chaque fois que c'est possible pour la desserte
des hinterlands et pas entre bassins.
M. Philippe Richert.
La concurrence entre la voie d'eau et le rail !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je vais
vous expliquer, monsieur Richert, mais cela va prendre du temps ! Je vais à
nouveau vous expliquer puisque, décidément, même si l'on reprend ce débat
chaque année, vous n'avez toujours pas compris !...
(Protestations sur les
travées de l'Union centriste, du groupe du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Vous n'avez toujours pas compris que la voie d'eau, comme le rail, était
essentiellement utilisée pour les transports sur d'assez longues distances de
matériaux à valeur ajoutée limitée et que toutes les études qui ont été faites
sur l'utilité de la voie fluviale à grand gabarit Saône-Rhin ont montré que
c'est au rail, et pas à la route, que la voie d'eau aurait pris des parts de
marché et de fret. Dépenser 30 milliards de francs pour mettre en péril la voie
ferrée sur le même axe, c'est décidément déraisonnable !
M. Philippe Richert.
Ce n'était pas mettre en péril la voie ferrée !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
MM. Paul
Girod et Gérard Cornu ont évoqué la question du troisième aéroport
d'Ile-de-France.
Monsieur Cornu, vous ne devriez pas vous étonner que le Gouvernement débatte
avant la prise des décisions. Bien sûr, ce n'était pas la méthode choisie par
le gouvernement Balladur, qui avait annoncé un troisième aéroport et un site
avant que le débat national n'ait eu lieu.
M. Philippe Richert.
Non !
C'est incroyable !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
La
décision de principe ayant été prise par le Gouvernement, s'il n'y a plus débat
sur le fond, en revanche, il est parfaitement normal d'étayer les argumentaires
concernant les différents sites possibles.
Je rappelle que le précédent gouvernement avait choisi un site, sans étudier,
par exemple comment il pourrait être desservi par la route !
(M. Nogrix
s'exclame.)
Les coûts extravagants du doublement de l'A 10, de la desserte
par le TGV et de l'interconnexion entre les deux TGV pour permettre au site de
Beauvilliers d'être opérationnel ont été pointés.
A cette heure, Beauvilliers n'a pas été exclu. Simplement, le Gouvernement a
choisi de mener des études très sérieuses sur les différents sites possibles,
d'organiser un débat public, pour permettre de choisir en toute connaissance de
cause. Il n'y a là rien d'extraordinaire.
M. Hilaire Flandre.
C'est un prétexte pour ne rien faire !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Paul
Girod m'a interrogée aussi sur les limites au site de Roissy.
On cite toujours, monsieur le sénateur, la limite des 55 millions de passagers
par an. C'est le seuil qui pourrait être atteint le plus rapidement.
Cela étant, trois engagements ont été pris par M. Gayssot à l'égard des
populations riveraines de Roissy ils portent sur la limitation du nombre de
passagers, la limitation du nombre de mouvements et la limitation du bruit.
C'est sur ces trois critères qu'il importe d'agir...
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Oui !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
... et pas
seulement sur le nombre des passagers, dont je reconnais volontiers avec vous
qu'il ne suffit pas à résumer la question de la croissance du trafic aérien.
Concernant, en dernier lieu, la mission qui a été confiée par le M. le Premier
ministre à M. Duron et à Mme Perrin-Gaillard, il s'agit, monsieur Besse, de
faire en sorte de mettre de l'ordre dans des dispositifs de zonage qui sont
soit redondants, soit inefficaces, soit encore incompréhensibles.
Vous avez regretté, monsieur le sénateur, que certaines portions du territoire
ne soient pas « zonées ». Cela relève de la logique même du zonage ! Si tout
est « zoné », plus rien ne l'est, et le système n'est plus lisible.
Simplement, nous avons souhaité mettre en cohérence les différents zonages,
notamment ceux qui découlent de la loi de 1995 avec ceux qui existent dans
d'autres secteurs, par exemple dans les domaines de la protection du patrimoine
ou de la protection de l'environnement, pour que les mesures de discrimination
positive permettent de rémunérer les services rendus à la collectivité par
certains territoires ou certains acteurs de ces territoires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure, je dirai qu'il s'agit d'un
petit budget, qui ne représente que 3 % des dépenses de l'Etat au titre de
l'aménagement du territoire et que le « jaune » budgétaire consolide à hauteur
de 1,74 milliard de francs par an.
(Applaudissements sur les travées du
groupe socialiste ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C et concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. -
Aménagement du territoire.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 4 196 110 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 95 840 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 1 735 150 000 francs ;
Crédits de paiement : 520 650 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'aménagement du territoire.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures
quarante-cinq.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2001.
J'indique au Sénat que notre chaîne Public Sénat va retransmettre en direct
notre débat sur l'environnement.
C'est la raison pour laquelle des opérateurs seront présents dans l'hémicycle
avec une caméra mobile pour rendre cette retransmission plus vivante, notamment
à l'aide de plans de coupe.
II. - ENVIRONNEMENT
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'aménagement du territoire et l'environnement : II. - Environnement.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a
décidé l'expérimentation d'une nouvelle procédure destinée, pour reprendre les
termes mêmes du président de la commission des finances, à rendre notre débat
plus interactif, plus vivant et plus animé. Nous avons procédé à une première
expérience, avec un certain succès, lors de la discussion du budget des
transports terrestres.
Ainsi, Mme le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur
spécial, aux deux rapporteurs pour avis et à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion.
Lorsque les orateurs des groupes seront appelés à intervenir, pour cinq
minutes maximum, le ministre répondra immédiatement à chacun d'entre eux dans
la limite de trois minutes, avec la possibilité d'une brève répartie de deux
minutes pour chaque orateur.
Au vu de l'expérience du budget des transports terrestres, il ne semble pas
souhaitable que les rapporteurs ou les orateurs multiplient à l'envi le nombre
des questions, car le Gouvernement dispose d'un temps limité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Madame la ministre, en examinant le
budget de l'environnement et l'affectation de ses différents crédits, j'ai été
frappé, concernant votre ministère, par une évidence qui me paraît symbolisée
par cette fable de La Fontaine dont voici la morale :
« Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages. »
Je vous laisse le soin de deviner de quelle fable il s'agit !
Mes chers collègues, je voudrais en quelques mots vous donner les raisons qui
ont conduit la commission des finances à rejeter les crédits de ce ministère.
Elles sont évidentes à la lecture du tableau qui figure à la page 14 du « jaune
» budgétaire sur l'état récapitulatif de l'effort financier au titre de
l'environnement ou encore de la page 9 de mon rapport.
Les crédits de personnel passent de 598 millions de francs à 718 millions de
francs ; les dépenses de fonctionnement passent de 664 millions de francs à 785
millions de francs ; les dépenses en faveur de l'Agence de l'environnement et
de la maîtrise de l'énergie passent de 1,717 milliard de francs à 491 millions
de francs. L'augmentation générale de 9 % n'est donc qu'apparente. En réalité,
à périmètre constant, le budget de l'environnement diminue de 22 %. D'ailleurs,
globalement, les crédits « environnement » de l'ensemble des ministères passent
de 14 milliards de francs à 12 milliards de francs. Nous constatons donc bien
une baisse de l'effort fait en direction de l'environnement.
Trois principes se dégagent de cette analyse : le ministère de l'environnement
a sacrifié à la croissance de son périmètre et de ses moyens les dépenses en
faveur de l'environnement ; la priorité des priorités est donnée aux dépenses
de fonctionnement ; le détournement de la fiscalité écologique s'amplifie.
Premièrement, la logique de pouvoir est en oeuvre.
Comment se réjouir en constatant que le budget consacré à l'environnement
baisse de 22 %, alors qu'on le présente en augmentation de 9 % et que
l'essentiel est consacré aux dépenses de fonctionnement ? Le transfert de
l'Institut de protection et de sûreté nucléaire du ministère de l'industrie au
ministère de l'environnement sert de leurre, le volume des crédits étant
affiché à presque 5 milliards de francs, alors qu'il est en réalité et à
périmètre constant inférieur de 1,3 milliard de francs. De plus, il est l'objet
d'un marchandage : moins de crédits pour l'environnement, plus de périmètre
pour le ministère.
On peut s'interroger sur l'intérêt d'un tel transfert et sur sa justification.
En effet, est-il justifié par une suspicion à l'égard du ministère de
l'industrie réputé trop favorable au nucléaire ? Si tel est le cas, le
raisonnement inverse peut s'appliquer. Quelle sera donc la crédibilité d'un
établissement aux ordres d'un ministère antinucléaire ?
Ce doute engendré par une telle suspicion est insupportable. La commission
préconise donc que cet établissement soit rattaché aux services du Premier
ministre ou doté d'un statut autonome.
On peut également se poser la question de savoir si nous n'assisterons pas,
l'année prochaine, à une opération similaire pour les directions régionales de
l'industrie, de la recherche et de l'environnement ?
Deuxièmement, la priorité est donnée aux dépenses de fonctionnement.
L'année 2001 enregistre la création de trois cents emplois supplémentaires au
profit du ministère - sans aucun transfert contrairement aux autres années -,
dont cent huit pour l'administration centrale.
Autant la politique de transfert n'était pas critiquable, autant ce
renforcement l'est, car il représente la négation du rôle environnemental que
devraient jouer tous les ministères.
Lorsqu'on apprécie dans la durée la conséquence de cette attitude et que l'on
voit la montée en puissance des moyens qui seront nécessaires - ce sera à terme
plus de 50 milliards de francs - on est d'autant plus effaré que tout devrait
nous inciter à maîtriser la dépense publique !
Encore faudrait-il ajouter les 150 emplois supplémentaires qui sont prévus à
l'Institut français de l'environnement, à l'Agence de l'environnement et de la
maîtrise de l'énergie, dans les parcs nationaux, à l'Institut national de
l'environnement industriel et des risques, à l'Agence de sécurité sanitaire
environnementale et à l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, et dont
22 emplois iront au titre des trente-cinq heures dans ce dernier organisme.
Troisièmement, le détournement de la fiscalité écologique s'amplifie.
La manière dont a été conduite l'opération relative à la taxe générale sur les
activités polluantes, la TGAP, est tout à fait intéressante et caractérise
assez bien la volonté du Gouvernement de mettre en place une fiscalité dite «
écologique », donc à connotation positive, pour ensuite l'utiliser à d'autres
fins.
Ainsi, en 1997, le nombre des dossiers non traités est en augmentation. En
1998, une extrapolation est faite sur l'évolution des besoins qui justifient
une augmentation des cinq taxes - de 1 300 millions de francs à 1 800 millions
de francs - et, dans le même temps, on procède à une baisse des subventions de
40 %. En 1999, on affiche le maintien des fonds de l'ADEME, mais, le
mandatement effectué en fin d'année ne concernant que 44 % des crédits, on
constate un report de 998 millions de francs. Enfin, en 2 000, sur 2,7
milliards de francs disponibles à l'ADEME, le mandatement n'est à ce jour que
de 269 millions de francs.
L'opération vérité était nécessaire et elle ne gênera pas l'ADEME. La TGAP va
au financement des trente-cinq heures pour près de 7 milliards de francs, en
incluant les 3,8 milliards de francs prévus en faveur de la taxe sur l'énergie.
Bercy peut donc tranquillement récupérer 1,3 milliard de francs sur le dos de
l'ADEME : ni vu ni connu !
On est en droit de s'interroger.
Etait-il nécessaire d'augmenter de 50 % les taxes ? Je ne le crois pas.
Etait-il nécessaire de diminuer les subventions de 40 %, en demandant au
passage aux collectivités locales de se substituer à l'effort de l'ADEME à
travers les contrats de plan ?
Une chose est certaine, les crédits nécessaires pour prévenir, guérir et
aménager ont disparu.
On peut donner d'autres exemples de détournement.
Les 500 millions de francs destinés au Fonds national de solidarité pour
l'eau, le FNSE, et prélevés sur les agences sont-ils le prélude à un même
processus ? En examinant la consommation des crédits, on constate que seuls les
crédits de fonctionnement ont été utilisés. Leur part devrait d'ailleurs
progresser en 2001, puisqu'ils passeront de 42 % à 53 % de cette enveloppe.
En revanche, les dépenses d'investissement, elles, n'ont été réalisées qu'à
hauteur de 17 %. Il reste aujourd'hui des crédits non consommés à hauteur de 76
millions de francs pour la restauration des rivières, de 32 millions de francs
pour la restauration du milieu dégradé et de 68 millions de francs pour la
pollution diffuse.
On peut penser que les agences en auraient fait meilleur usage, mais on peut
surtout s'inquiéter du fait que la volonté de rendre constitutionnelles les
redevances des agences ne soit en réalité qu'une occasion de plus pour
instituer d'autres taxes - par exemple sur la modification du régime des eaux
ou les excédents d'azote -, voire pour modifier celles qui existent, en tout
cas pour se servir de l'argument écologique afin de financer d'autres besoins
que l'environnement.
Enfin, l'environnement passe au second plan et le rendement fiscal est devenu
prioritaire.
Il est amusant de voir que la majorité de l'Assemblée nationale s'aperçoit
enfin que la taxation sur l'énergie se fait au détriment du bon sens et
pénalise nos concitoyens au motif qu'ils utilisent de l'énergie électrique
produite par le nucléaire ou les barrages hydrauliques alors qu'il s'agit d'une
énergie propre. Votre rapporteur l'avait déjà souligné l'an dernier à propos de
la taxation des lessives sans phosphates ; vous ne souhaitez pas que les
comportements s'améliorent, car vous avez besoin d'argent pour les 35
heures.
Telles sont, chers collègues, les raisons qui ont conduit votre commission des
finances à proposer le rejet des crédits de ce ministère qui ne pense qu'à
agrandir son périmètre au détriment des moyens affectés à l'environnement, qui
privilégie les dépenses de fonctionnement et détourne la fiscalité écologique
de son objectif.
En conclusion, madame la ministre, je souhaite vous poser quatre questions.
Premièrement, à périmètre constant, votre budget baisse de 22 %. Vous avez
permis à Bercy de faire main basse sur l'argent de l'Agence de l'environnement
et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, à hauteur de 1,2 milliard de francs.
Si, l'année prochaine, il faut rétablir le budget de l'ADEME à une hauteur
normale, aurez-vous une dotation spéciale de Bercy pour augmenter les crédits
de votre ministère de 30 % ? En avez-vous l'engagement ?
Deuxièmement, chacun sait que le bilan de la France en matière d'effet de
serre est l'un des meilleurs des pays industriels ; cela est dû au nucléaire et
à l'énergie blanche que vous vous apprêtez à taxer lourdement, à travers la
TGAP Energie. Reviendrez-vous sur cette proposition qui est calamiteuse pour
l'emploi et nos concitoyens et qui risque de faire partir les industries ?
Encourager la délocalisation des activités industrielles ne changera pas le
bilan mondial de l'effet de serre !
Troisièmement, prenez-vous l'engagement vis-à-vis des agences de l'eau d'en
rester à un prélèvement de 500 millions de francs et de ne pas procéder à la
même manipulation que pour l'ADEME, à travers la loi sur l'eau ?
Quatrièmement, la santé publique est au coeur des préoccupations de nos
concitoyens et nous allons devoir trouver des protéines en Europe si nous ne
voulons pas avoir recours au soja OGM des Américains. Pensez-vous qu'il soit
opportun de taxer, toujours à travers la TGAP Energie, les producteurs de
luzerne - ce qui augmentera leurs charges de 17 % - alors que cette
alimentation est totalement saine et qu'elle tire son azote de l'air ? On croit
marcher sur la tête !
Plus généralement, madame la ministre, il existe des solutions pour maîtriser
la pollution, par exemple les carburants propres, qui ne sont toujours pas mis
en oeuvre. Pourquoi toujours privilégier l'arme fiscale, alors que, nous
l'avons vu, son produit est détourné et son application devient un droit à
polluer ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, j'ai compris que le rôle qui m'était dévolu aujourd'hui était
doublement celui de cobaye : d'abord, en raison de la présence des caméras dans
cette salle - et l'on ne manquera sûrement pas de faire quelques intéressants
plans de coupe ! - ensuite, parce qu'il s'agit d'une procédure
expérimentale.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
M. Gayssot vous a précédée !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je mesure,
monsieur le président, l'honneur qui est ainsi fait par la Haute Assemblée à un
tout petit ministère !
M. Hilaire Flandre.
Et à celui de M. Gayssot !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je tiens à
dire que cette démarche me paraît à la fois totalement incompréhensible,
totalement déséquilibrée et totalement schizophrène, et je vais m'en expliquer,
au risque de prendre un tout petit peu de mon temps de parole.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Cela a été décidé en conférence
des présidents !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Elle est
totalement incompréhensible pour le spectateur, qui n'aura évidemment jamais eu
l'occasion d'entendre quiconque présenter véritablement ce budget, dont les
rapporteurs « creusent » à loisir tel ou tel point.
Elle est totalement déséquilibrée au regard des temps de parole. Je vous
rappelle que les rapporteurs disposent de trente-cinq minutes pour démonter ce
budget, alors que je n'ai que dix minutes pour leur répondre sur des points
précis, sans avoir jamais eu l'occasion d'en faire une présentation globale.
Elle est enfin totalement schizophrène puisque je n'ai pas été auditionnée par
la commission des finances, que je n'ai pas eu l'occasion d'échanger le moindre
mot avec M. Adnot et les membres de cette commission sur un budget qui mérite
tout de même mieux que les caricatures qu'il en a faites en dix minutes.
Monsieur le président, je vais néanmoins jouer le jeu et me livrer à cet
exercice en respectant le temps de parole qui m'est imparti,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est l'engagement du
Gouvernement !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
... mais
j'espère qu'il en ressortira autre chose que de la bouillie pour les gens qui
nous écoutent !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Cela dépend de vous !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Non,
puisque l'occasion ne m'est pas donnée de présenter les équilibres du budget et
d'exposer les choix politiques qui le sous-tendent ! Et je trouve cela tout à
fait déloyal !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Madame le ministre,
m'autorisez-vous à vous interrompre ?...
M. le président.
Madame le ministre, M. le président de la commission souhaite vous
interrompre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
A
condition que cela ne soit pas pris sur mon temps de parole, puisque je n'ai
que dix minutes !
M. le président.
Bien entendu, l'intervention de M. Lambert sera décomptée.
Par ailleurs, je me permets de vous faire observer, madame le ministre, que
vous n'êtes pas le cobaye. C'est M. Gayssot qui l'a été.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Cela ne me
console pas !
Nous sommes quand même là pour faire de la politique, pour exposer des choix
politiques, qui transparaissent dans un budget. N'avoir l'occasion de le faire
ni en commission ni devant vous, je trouve cela un peu fort de café !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je veux d'abord remercier Mme le
ministre de m'avoir autorisé à l'interrompre.
Je veux ensuite lui dire qu'une première expérimentation a été faite avec M.
Jean-Claude Gayssot, expérimentation qui a satisfait tout le monde, y compris
le Gouvernement.
S'il apparaissait néanmoins que Mme le ministre n'a pas eu les moyens de
présenter la politique du Gouvernement comme elle souhaitait le faire, la
commission des finances et les rapporteurs feraient le nécessaire pour lui
permettre de s'exprimer dans les meilleures conditions.
Madame le ministre, croyez bien qu'il n'y a, de la part de la commission des
finances, aucune mauvaise intention, ni à votre égard ni à l'égard de votre
ministère, et que tout sera fait pour que vous puissiez dialoguer avec le
Sénat.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
Madame le ministre, autorisez-vous M. le rapporteur spécial à vous interrompre
?...
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, j'avais droit à quinze minutes
: je propose que les cinq minutes que je n'ai pas utilisées soient données à
Mme le ministre.
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
C'est un beau geste !
M. Marcel Vidal.
Quelle générosité !
M. Hilaire Flandre.
C'est galant !
M. le président.
Veuillez poursuivre, madame le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Nous avons
eu, monsieur Adnot, au moment de la mise en place de la TGAP, un très long
débat pour savoir si le ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement pouvait garantir le maintien des moyens à mobiliser pour
poursuivre les politiques qui constituent nos priorités pour les années à
venir.
Vous avez, d'un côté, salué l'opération vérité menée sur les crédits de
l'ADEME, qui a conduit à calibrer à 491,7 millions de francs la dotation
nécessaire à l'agence en 2001. Cette démarche sera maintenue au cours des
années à venir : les crédits de paiement seront calibrés au vu du rythme de
consommation réelle, en fonction des prévisions de dépenses connues au moment
de leur fixation. Le montant total de ces crédits sera déterminé chaque année
dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle.
Mais vous connaissez ma détermination à permettre que soient affichées les
priorités de la politique de ce ministère et dégagés les moyens en
autorisations de programme permettant de les concrétiser.
Au moment de la mise en place de la TGAP, j'ai été sensible à vos inquiétudes
et à vos arguments. J'ai donc souhaité démontrer que l'ADEME ne souffrirait pas
de la mise en place de la TGAP. Nous avons alors adopté une procédure qui était
tout à fait inhabituelle puisque nous avons décidé d'appliquer cette formule :
une autorisation de programme égale un crédit de paiement.
Compte tenu de l'invraisemblable trésorerie que l'ADEME traînait d'année en
année, il était déraisonnable de laisser à l'ADEME une trésorerie de plus de 2
milliards de francs, alors que les moyens nécessaires étaient largement
inférieurs et que nous avons constamment manqué d'autorisations de programme
mais non de crédits de paiement !
Alors que s'approche l'échéance prévue par la loi de 1992 sur le traitement
des déchets - et que s'approchent aussi... les échéances électorales -, au
cours de cette phase de montée en puissance des projets, nous avons été
conduits, dans le collectif budgétaire de l'année dernière, à dégager plus de
400 millions de francs d'autorisations de programme nouvelles en faveur de la
gestion des déchets. Jamais les crédits de paiement ne nous ont manqué. Ce sera
encore le cas cette année, j'en fais le pari. L'ADEME doit avoir les moyens de
mener à bien ses politiques et de dégager la trésorerie nécessaire au fur et à
mesure de l'échéance des dossiers.
Cela dit, j'en suis bien consciente, la montée en puissance de la TGAP
continue de vous préoccuper. Nous avons décidé d'utiliser cet outil parce que,
dans la plupart des Etats européens, le choix a été fait, comme en France, de
baisser la taxation qui pèse sur le travail, avec le souci de créer des emplois
et, en même temps, de donner d'autres signaux fiscaux à travers la taxation de
la pollution, de l'usage déraisonnable de ressources rares ou du gaspillage
énergétique.
L'objectif de la TGAP ne se limite pas à la lutte contre l'effet de serre mais
concerne plus généralement la pollution, le gaspillage des matières premières
et de l'énergie. C'est pourquoi nous avons choisi de faire peser la TGAP «
énergie » sur l'ensemble des sources non renouvelables de production
d'électricité, y compris le nucléaire, ne serait-ce que parce que celui-ci,
raisonnable du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, ne l'est
guère en matière de production de déchets nucléaires, alors que ceux-ci ont un
coût environnemental certain.
Je veux aussi évoquer la contribution du nucléaire au réchauffement des eaux,
ce qui nous a conduits, dans le cadre de la préparation de la nouvelle loi sur
l'eau, à envisager une possible contribution de ce secteur au financement des
agences.
Le projet de TGAP a été largement débattu avec les entreprises. D'ailleurs,
les choix qui ont été faits ne correspondent pas à ceux en faveur desquels
j'avais plaidé. J'avais plaidé pour une taxe faible touchant de nombreuses
entreprises et leur permettant de modifier leurs choix en matière
d'investissements, de procédés de fabrication et de gestion de leurs bâtiments,
afin de les engager sur des démarches vertueuses du point de vue de
l'environnement.
Le choix qui a été fait a une tonalité plus budgétaire. Ce n'est pas là la
préoccupation du ministère de l'environnement. Le choix de mon ministère
n'était pas non plus forcément celui d'une attribution au FOREC des fonds
collectés...
Je note au passage que les parlementaires ont repris, pour l'essentiel, les
critiques formulées par mon ministère quant à la mise en place de la TGAP.
En ce qui concerne l'exonération de l'électricité, elle constituerait un
nouvel obstacle à l'harmonisation de la fiscalité énergétique en Europe, alors
même que celle-ci est reconnue comme urgente pour que l'Europe puisse tenir ses
engagements tant en matière de lutte contre le changement climatique qu'en
matière de rapprochement des législations fiscales, dans un souci de création
d'emplois et d'harmonisation des conditions de concurrence. C'est pourquoi nous
n'avons pas retenu cette exonération.
S'agissant de l'IPSN, je ne pense pas que cet institut soit menacé parce qu'il
serait aux mains d'un ministre anti-nucléaire. Je passe sur la mise en cause de
ma loyauté et de mes capacités en tant que ministre de l'environnement, pour
rappeler simplement que la direction de la sûreté nucléaire est déjà sous la
tutelle du ministre de l'environnement. Or je n'ai pas, à cet égard,
connaissance de dysfonctionnements qui seraient liés à mon activité ou à ma
personne.
Je vous signale en outre que je suis également contre les pollutions
industrielles et que cela ne m'a pas empêchée de renforcer sensiblement les
moyens humains et financiers de l'INERIS, l'Institut national de
l'environnement industriel et des risques, ce qui a, au demeurant, permis
d'accroître la crédibilité de cet organisme, dans le fonctionnement duquel je
ne suis absolument pas intervenue.
M. le président.
Madame le ministre, croyez bien que vous bénéficierez de tout le temps que
vous jugerez nécessaire pour répondre aux différents intervenants.
D'ailleurs, tout à l'heure, lors de l'examen des crédits de l'aménagement du
territoire, je vous ai laissée parler pendant trente minutes, alors que la
conférence des présidents ne vous en avait attribué que vingt. Auriez-vous
estimé qu'il vous en fallait quarante pour vous exprimer, je vous les aurais
volontiers accordées !
Ne vous inquiétez donc pas : les sénateurs ne sont pas de vieux grognons, et
ils sont à l'écoute !
(Sourires.)
La parole est à M. Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ferai trois
remarques d'ordre général, puis j'orienterai mes questions sur certains aspects
spécifiques des politiques d'intervention du ministère.
Les crédits demandés au titre de l'environnement pour 2001 s'élèvent à 4,19
milliards de francs, enregistrant ainsi une progression de 9 % par rapport à
1999, ce qui atteste la priorité reconnue à la protection de l'environnement
par le Gouvernement.
Il faut toutefois souligner que cette forte croissance résulte principalement
d'une extension du champ de compétences du ministère de l'aménagement du
territoire et de l'environnement, en raison de la co-tutelle qu'il va exercer
sur l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, lequel relevait jusqu'à
présent du seul secrétariat à l'industrie.
De plus, votre volonté, madame la ministre, d'être à la tête d'un ministère
régalien et de plein exercice se traduit par la création de structures
nouvelles au sein de l'administration centrale et par la poursuite d'un
important mouvement de créations d'emplois, amorcé voilà trois ans.
Cette multiplication des structures au sein de l'administration centrale du
ministère pourrait, à mon sens, entraîner quelques chevauchements de
compétences, notamment entre l'inspection générale de l'environnement et la
direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, auxquels
il conviendra de veiller.
Par ailleurs, je m'interroge sur la pertinence d'un institut de formation pour
l'environnement, aux contours encore très flous mais qui disposera dès 2001 de
moyens budgétaires et de personnel.
S'agissant de l'important mouvement de créations de postes proposé pour la
troisième année consécutive, et qui porte à 30 % l'augmentation des effectifs
depuis quatre ans, votre rapporteur pour avis s'inquiète une fois encore du
poids représenté par les dépenses d'administration générale et regrette que
l'on ne procède pas plutôt par redéploiement ou transfert.
Plus généralement, ce renforcement ne se justifie pas, car la préoccupation
environnementale doit être prise en compte par chaque ministère.
En ce qui concerne les politiques d'intervention du ministère, elles sont
simplement reconduites ou confortées ; mais une opération vérité est menée sur
les crédits de l'ADEME : le budget de l'agence passe de 1,87 milliard de francs
à 663,2 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement.
Selon vos explications, madame la ministre, il s'agit d'un ajustement
technique pour respecter une stricte orthodoxie budgétaire entre autorisations
de programme et crédits de paiement. Et, avez-vous ajouté, compte-tenu ds
reports de crédits et de la trésorerie de l'ADEME, cette opération ne remettra
pas en cause les capacités d'intervention de celle-ci, notamment pour le
traitement des déchets.
Je prends acte de cette remise en ordre technique en souhaitant effectivement
que, sur des bases budgétaires clarifiées, l'ADEME joue pleinement son rôle
auprès des collectivités locales.
Les questions que je souhaite poser, madame la ministre, à l'occasion de
l'examen de votre budget, sont dictées par l'actualité de ces jours derniers
mais la dernière, plus générale, portera sur les relations entre l'Etat et les
collectivités locales en matière de protection de l'environnement.
Vous avez présidé la délégation française lors des négociations de la
conférence de La Haye. Malgré le constat de désaccord, la lutte contre le
réchauffement climatique doit rester une priorité nationale. Je note avec
satisfaction que le secteur du bâtiment s'engage à y participer et je ne ferai
que citer le décret et l'arrêté du 30 novembre 2000 relatifs à la nouvelle
réglementation thermique dans la construction ainsi que l'engagement de la
filière construction-immobilier pour le renouvellement de l'existant,
engagement d'ailleurs soutenu par l'ADEME.
S'agissant des transports, secteur également stratégique, où en sont, madame
la ministre, les textes d'application de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air
et l'utilisation rationnelle de l'énergie en ce qui concerne les plans de
protection de l'atmosphère, les biocarburants et l'usage de ceux-ci dans les
flottes captives ?
Tous ces textes auraient dû être pris il y a plusieurs mois. Il est désormais
urgent de les publier, car ce sont des moyens d'action incontournables dans la
lutte contre l'effet de serre.
S'agissant de l'application de l'écotaxe aux consommations intermédiaires
d'énergie, je rappellerai que le dispositif consiste à taxer les entreprises
selon le nombre de tonnes d'équivalent pétrole consommées.
Compte tenu des exclusions décidées - activités agricoles, piscicoles et
halieutiques, secteur des transports - et du seuil fixé, à savoir les
entreprises consommant plus de 100 tonnes d'équivalent pétrole par an, 40 000
entreprises sont concernées, sur un total de 2,8 millions.
Néanmoins, pour préserver la compétitivité de l'industrie française - mais
cela est paradoxal d'un strict point de vue écologique - les entreprises les
plus consommatrices d'énergie bénéficient d'abattements accompagnés
d'engagements de réduction quantifiés sur cinq ans.
En 2001, les abattements pratiqués sont d'autant plus élevés que le ratio de
consommation d'énergie est important : ils peuvent aller jusqu'à 95 %.
Outre sa très grande complexité, ce nouveau compartiment de la TGAP aggrave le
poids de la fiscalité française sur l'énergie, qui est déja parmi les plus
élevées d'Europe.
Le traitement spécifique pratiqué pour les plus grosses entreprises
consommatrices instaure un système à double vitesse et rompt le principe
d'égalité devant l'impôt, sans justification fondée en termes de protection de
l'environnement.
Enfin, les seuils retenus et les taux pratiqués vont pénaliser nombre de
petites et moyennes entreprises, notamment dans l'industrie mécanique ou le
textile, qui sont très exposées à la concurrence internationale.
Les réactions du secteur industriel, les critiques du Conseil d'Etat, et la
franche hostilité de nos collègues députés de la majorité gouvernementale vont
dans le même sens que la position de la commission des affaires économiques.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous tenir informés des modifications
envisagées sur cette taxe ?
Enfin, je voudrais conclure mon intervention en attirant votre attention sur
les difficultés rencontrées par les collectivités locales en matière
d'environnement lorsque l'Etat ne remplit pas son rôle.
Ainsi, en matière de prévention des risques naturels, l'action du ministère
porte sur la connaissance des risques naturels, la surveillance, l'information,
la sensibilisation des élus et la prise en compte de ces risques dans
l'aménagement.
Or il apparaît que, faute de moyens financiers suffisants, l'Etat n'assure pas
pleinement cette compétence, notamment dans le cadre de la révision des plans
d'occupation des sols. A défaut d'obtenir les études adéquates financées par
des crédits d'Etat déconcentrés, la commune doit les financer elle-même ou
mentionner seulement l'éventualité d'un risque, ce qui peut être source de
grande incertitude juridique à l'occasion d'une mutation immobilière. Cette
situation n'est pas acceptable, mais on peut craindre qu'elle ne perdure compte
tenu du montant des crédits inscrits pour 2001.
A quel rythme, madame la ministre, la cartographie des risques naturels
sera-t-elle achevée pour l'ensemble du territoire national ?
Le manque de moyens de l'Etat est également gravement préjudiciable pour les
collectivités locales s'agissant de la mise en place des périmètres de
protection des points de captage d'eau.
La loi du 16 décembre 1964 puis celle du 3 janvier 1992 ont généralisé cette
obligation de protection à tous les captages. Or l'enquête de la direction
générale de la santé et de la direction de l'eau menée en 1997 montre que seuls
40 % des captages bénéficient d'une déclaration d'utilité publique et que 32 %
des captages n'ont fait l'objet d'aucune démarche.
La complexité des procédures, l'insuffisance des moyens mis en oeuvre par
l'Etat, le coût des expropriations et la multiplication des procédures
contentieuses sont autant de raisons avancées. Mais les retards accumulés sont
dramatiques du point de vue de l'environnement puisque, sans périmètre de
protection, les maires ne peuvent pas adopter de mesures réglementaires
préventives pour protéger la ressource en eau potable.
In fine,
leur
responsabilité pourrait être également mise en jeu du fait de la carence de
l'Etat.
Quelles sont donc les mesures envisagées, madame la ministre, pour remédier à
cette situation dans le futur projet de loi sur l'eau ?
En conclusion, j'indiquerai que la commission des affaires économiques a émis
un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'environnement inscrits dans
le projet de loi de finances pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas
très longtemps sur l'analyse des crédits du ministère de l'environnement pour
2001, qu'ont parfaitement décrits mes collègues Philippe Adnot et Jean Bizet.
Je dirai simplement que je rejoins leurs conclusions.
Sans entrer dans une analyse détaillée, je constate que les crédits consacrés
au « soutien des politiques environnementales », c'est-à-dire aux structures
administratives, enregistrent une progression - de (23 %) - trois ou quatre
fois supérieure à celle des crédits qui sont affectés à la protection de l'eau
ou à la prévention des pollutions et des risques.
Cette progression des crédits consacrés aux structures administratives, qui
s'accompagne de la création de trois cents emplois budgétaires, traduit l'une
des priorités de votre action, madame la ministre, qui est de transformer votre
ministère en ministère de « plein exercice ».
Je m'interroge, pour ma part, sur l'opportunité d'un gonflement aussi marqué
des effectifs et des moyens administratifs de l'environnement, dans un contexte
national plutôt marqué par le souci d'économie budgétaire et de maîtrise de
l'emploi public. La défense de l'environnement touche aujourd'hui à des
domaines très variés. Ne convient-il pas de l'intégrer aux différentes
politiques concernées par un renforcement de la coordination ministérielle
plutôt que de risquer de développer une situation de concurrence qui pourrait
être source de difficultés ?
Dans ce contexte budgétaire, qui n'est pas marqué par la rigueur, les crédits
consacrés à la protection de la nature, des sites et des paysages sont, à peu
de chose près, reconduits au même niveau qu'en 2000, alors que ces espaces ont
été durement touchés par les tempêtes de décembre 1999 et, pour certains
d'entre eux, par le nauffrage de l'
Erika.
Cela sera-t-il suffisant pour faire face dans de bonnes conditions aux travaux
de restauration et de réhabilitation nécessaires ?
Les sites du Conservatoire du littoral ont été sévèrement affectés par les
tempêtes et par la marée noire. Le comité interministériel d'aménagement et de
développement du territoire du 28 févier 2000 avait décidé de leur affecter 40
millions de francs sur deux années : les 30 millions de francs qui leur ont été
versés au titre de l'exercice 2000 devaient être complétés par un versement de
10 millions de francs en 2001.
Or le projet de budget pour 2001 n'accorde au conservatoire que 7 millions de
francs supplémentaires par rapport aux crédits votés en 2000. Le financement
des travaux de réhabilitation devra-t-il être partiellement assuré par une
ponction sur le budget d'investissement du conservatoire et par un abondement
des crédits non reconductibles, ainsi qu'on dit pudiquement, comme les années
passées ? Est-ce bien leur fonction que d'alimenter de façon pérenne un budget
qui devrait, dans le strict cadre budgétaire, trouver les moyens nécessaires et
suffisants ? Cette diminution des crédits d'investissement ne risque-t-elle pas
de freiner le conservatoire dans sa progression vers l'objectif qui lui a été
fixé de protéger le tiers du littoral français ?
Enfin, l'extension des responsabilités du conservatoire n'impose-t-elle pas
une adaptation de ses structures et de ses moyens ? M. le Pensec, qui, je
crois, est chargé de mission, saura, j'en suis sûr, éclairer le sujet ; il est,
chacun le sait, un très bon connaisseur du conservatoire.
Les parcs nationaux sont, en revanche, mieux traités : ils bénéficient de la
création de seize emplois nouveaux ; leurs crédits de fonctionnement s'élèvent
à plus de 147 millions de francs, soit une hausse de près de 9 %, et leurs
crédits de paiement à près de 51 millions de francs, soit une hausse de 8 %.
D'après les chiffres qui m'ont été communiqués, des crédits importants - 11
millions de francs de crédits de paiement et 17 millions de francs en
autorisations de programme - sont en outre consacrés aux parcs nationaux
actuellement à l'étude : le projet de parc national de la forêt tropicale de
Guyane, le projet de parc national marin de Corse et le projet de parc marin de
la mer d'Iroise. Or ces projets donnent l'impression de marquer le pas.
Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, les intentions du
Gouvernement quant à la réalisation de ces projets et nous indiquer les
conclusions que vous tirez des consultations préalables aux créations des parcs
marins de Corse et de la mer d'Iroise qui se sont achevées ces derniers mois ?
Pensez-vous que les dispositions de la loi de 1960 qui régit les parcs
nationaux devraient faire l'objet d'une réactualisation de façon, notamment, à
mieux prendre en compte la dimension maritime des nouveaux projets ?
Les crédits consacrés aux réserves naturelles ne connaissent qu'une très
légère progression en crédits de paiement et leurs autorisations de programme
sont reconduites au même niveau qu'en 2000.
Ne sera-t-il pas difficile, dans ces conditions, d'assurer la création des
cinq réserves naturelles prévues en 2000 et celle des sept réserves
supplémentaires envisagées en 2001 ? D'autant que ces crédits devront également
permettre de faire face aux dégâts occasionnés par les tempêtes de décembre
1999.
Dans mon rapport écrit, j'ai traité sous un angle général les problèmes posés
par ces tempêtes. Par leur violence inouïe et par l'étendue exceptionnelle des
dégâts qu'elles ont provoqués, celles-ci ont constitué l'un des événements
marquants de l'année et soulèvent de très nombreuses questions. Dans quelle
mesure le ministère de l'environnement, qui vient de se doter d'une nouvelle
direction des études économiques et de l'évaluation des politiques
environnementales, sera-t-il associé à la réflexion que celles-ci suscitent
dans des domaines très variés ?
Les tempêtes ont d'abord mis en relief une certaine inadaptation de nos
systèmes d'alerte. Ceux-ci n'ont anticipé qu'assez tardivement l'intensité des
ouragans qui se préparaient et n'ont pu donner en temps utile les informations
et les consignes de sécurité nécessaires.
Les tempêtes ont montré la vulnérabilité et l'interdépendance et nos réseaux
de transport, de télécommunication et d'alimentation électrique.
Le caractère stratégique du réseau électrique invitera sans doute à reposer le
problème de l'enfouissement des lignes électriques selon un angle
complémentaire de celui de la protection des paysages. Il conviendra sans doute
aussi de réfléchir aux contraintes de fiabilité et de permanence que l'Etat
devra imposer aux opérateurs privés de télécommunications, dans le respect de
la logique commerciale et concurrentielle qui est la leur.
Notre dispositif de gestion de crises a également montré ses faiblesses et il
convient de mener une réflexion sur la pertinence des niveaux d'intervention et
sur le maillage des territoires : il faut disposer d'un échelon assez vaste,
comme les zones de défense, sans pour autant dépouiller les services de
proximité qui ont fait la preuve de leur efficacité, comme les centres de
première intervention.
Il faut également tirer les conséquences de la décentralisation et mieux
associer les élus locaux à la préparation et à la mise en oeuvre des
dispositifs de gestion de crise. En outre, l'insuffisance des moyens
d'intervention du secteur public impose de s'appuyer davantage sur le secteur
privé et d'assouplir certaines procédures en matière de réquisition ou de
passation de marchés publics.
Enfin, les tempêtes ont fortement marqué la forêt française puisque 140
millions de mètres cubes de bois ont été mis à terre, alors que, jusqu'à
présent, les chablis n'avaient jamais dépassé les 20 millions de mètres cubes.
Ces dégâts auront une repercussion durable sur les paysages mais, d'après les
spécialistes, ils ne devraient pas remettre en cause la progression séculaire
de la forêt.
En revanche, ils auront un effet brutal sur l'économie forestière, qu'il
s'agisse du domaine de l'Etat ou des particuliers. Aucune des mesures adoptées
dans le plan national pour la forêt ne prévoit une indemnisation directe de ces
derniers, car les forêts sont, en principe, assurables. Or, en pratique, elles
sont très rarement assurées, pour des raisons qui tiennent aux caractéristiques
de l'investissement forestier. Cette situation risque d'ailleurs de s'aggraver
au lendemain des tempêtes et il semblerait que certains assureurs envisagent de
se retirer de cette branche d'activité.
Le problème n'est pas uniquement économique : une multiplication des insectes
xylophages sur les parcelles qui n'auront pas été déblayées par leurs
propriétaires aurait naturellement une incidence écologique sur la santé des
forêts.
Je souhaite également dire un mot sur le petit patrimoine rural non protégé.
Celui-ci a été durement affecté par les tempêtes, et le Gouvernement a dégagé
des enveloppes financières significatives pour encourager leurs propriétaires à
le restaurer. Ces mesures suffiront-elles ? Je n'en suis pas sûr, car ce petit
patrimoine n'a plus de valeur fonctionnelle pour ses propriétaires. Il
convient, cependant, d'assurer sa sauvegarde, car il appartient au paysage dans
lequel il s'insère depuis des générations.
Madame la ministre, ces questions s'éloignent en apparence de notre discussion
budgétaire, mais elles touchent à des problèmes importants et doivent susciter
une réflexion à laquelle il est indispensable que votre ministère soit associé.
Vous avez d'ailleurs souhaité le doter d'une nouvelle direction chargée,
notamment, de la prise en compte de l'environnement dans l'élaboration des
politiques publiques, et je souhaiterais connaître les points de vue que vous
ferez valoir dans ces discussions.
Ma dernière question concerne la commission française du développement
durable, à laquelle j'appartiens depuis sa création. Après une première réunion
sous votre ministère à laquelle j'ai participé voilà environ un an, je n'en ai
plus eu de nouvelle. Je pense qu'elle existe encore... Où en sont ses travaux.
Ont-ils pu vous servir à la conférence de La Haye et quelles en sont des
grandes lignes ?
En conclusion, je rejoins les appréciations portées par les autres rapporteurs
sur la « vraie fausse » augmentation des crédits de l'environnement.
La commission des affaires culturelles a donc émis un avis défavorable à
l'adoption des crédits de l'environnement inscrits dans le projet de loi de
finances pour 2001.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
En réponse
à M. Bizet, je dirai tout d'abord quelques mots à propos de l'Institut de
formation pour l'environnement.
Il s'agit, pour l'essentiel, de faire travailler en réseau des outils qui
existent dans le domaine de la formation des personnels du ministère. A l'heure
actuelle, cela concerne principalement l'école de formation des gardes-chasse,
des gardes-pêche et des agents techniques des parcs nationaux. Mais, demain,
grâce à cet institut, nous pourrons élargir nos capacités de formation non
seulement pour les agents de catégorie A du ministère de l'environnement, mais
également pour les agents des autres ministères qui ont à connaître ou qui ont
à piloter sur le terrain des politiques du ministère de l'environnement.
Lorsque nous cherchons à recruter des fonctionnaires, nous sommes souvent
surpris de constater que les formations initiales et continues tiennent
relativement peu compte de la dimension environnementale, même si je dois, pour
être honnête, citer les efforts très importants qui ont été accomplis par
exemple, par l'Ecole nationale des ponts et chaussées, qui intègre complètement
cette préoccupation dès l'entrée des futurs ingénieurs à l'école.
S'agissant des textes d'application de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air et
l'utilisation rationnelle de l'énergie, je voudrais rappeler que vingt-sept
décrets d'application étaient prévus. A ce jour, quinze ont été publiés, le
plus récent étant le décret du 30 novembre 2000 relatif à la nouvelle
réglementation thermique des bâtiments. Huit décrets sont très avancés et
seront publiés dans les semaines à venir. Vous savez que la plupart de ces
décrets supposent une intense mobilisation interministérielle.
Ainsi, en ce qui concerne les plans de protection de l'atmosphère, le projet
de décret, après la concertation interministérielle rituelle, devait recueillir
l'avis du conseil supérieur des installations classées - c'est fait, et cet
avis est favorable - puis il doit être soumis au conseil supérieur d'hygiène
publique de France, qui doit rendre son avis en janvier prochain ; ensuite, le
Conseil d'Etat sera, bien sûr, saisi pour une publication de ce décret au
premier semestre de 2001.
Je ne « listerai » pas tous les décrets. Certains d'entre eux posent, en
effet, des problèmes relativement lourds. Je pense, par exemple, aux décrets
concernant les caractéristiques des carburants, pour lesquels nous devons
travailler au niveau communautaire, notamment dans le cadre du programme
Auto-Oil.
Vous avez, après M. Adnot, évoqué la TGAP « énergie », en soulignant, à juste
titre, le paradoxe, du point de vue écologique, qui résulte du mécanisme
d'abattements proposé pour les entreprises les plus consommatrices d'énergie.
Il s'agit d'un dispositif complexe, qui a fait l'objet d'une large
concertation. Je souhaite qu'on en reste à ce qui est, pour moi, l'essentiel, à
savoir un dispositif visant à dissuader des comportements irresponsables du
point de vue de l'environnement et à encourager les entreprises à investir pour
se doter des meilleures technologies disponibles, pour réduire à la fois leur
consommation d'énergie, de matières premières et l'impact de celle-ci sur les
milieux.
En ce qui concerne la cartographie des risques naturels, je suis très heureuse
de la question que vous m'avez posée, car cette politique correspond à la
priorité de mon ministère pour cette année. Nous avons doublé, vous le savez,
depuis trois ans les moyens financiers qui sont consacrés à l'élaboration des
plans de prévention des risques et à la cartographie des risques naturels. Nous
souffrons encore d'une attention trop insuffisante de la part de nombreux élus.
Nous n'avons pas réussi, par exemple, à obtenir de la plupart des présidents de
conseil régional qu'ils inscrivent cette politique de prévention des risques
naturels dans les contrats de plan au niveau souhaité.
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis.
Neuf millions de francs, c'est insuffisant !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
C'est, en
effet, insuffisant. Cependant, nous avons 75 millions de francs en 2000 et 79
millions de francs en 2001 pour l'élaboration de ces plans. C'est donc
considérable. Cela devrait nous permettre de respecter notre objectif, à savoir
que 5 000 communes, soient dotées d'un PPR en 2005. Le travail avance, mais il
est considérable.
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis.
Cela ne concerne que 5 000 communes sur un total de
plus de 36 000 !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Pas sur 36
000 communes, mais sur les 10 000 qui sont exposées à un risque naturel, qui
est souvent, mais pas exclusivement, un risque d'inondation. Les communes des
Antilles sont très concernées par le risque sismique et les communes de
montagne par le risque d'avalanche ou de glissement de terrain. Toutefois, dans
80 % des cas, il s'agit en effet de risques d'inondation.
Les communes les plus exposées à un risque naturel devraient être couvertes en
2005.
Cela étant dit, je partage tout à fait votre analyse, monsieur le rapporteur
pour avis, nous devons forcer les réticences, les résistances des élus, des
préfets, des administrations. Cette politique doit nous permettre et de
protéger des biens et des personnes et d'engager des stratégies permettant de
réduire les coûts de ces catastrophes naturelles.
J'en viens aux périmètres de protection des points de captage d'eau. Elle est,
là encore, indispensable et urgente non pas tant pour lutter contre les
pollutions classiques de la ressource en eau que pour permettre de prendre des
mesures d'urgence en cas de pollution accidentelle. Toutefois, je rappelle que
l'élaboration de ces périmètres relève non pas de la responsabilité de l'Etat,
mais de la responsabilité des collectivités bénéficiaires de la déclaration
d'utilité publique, qui reçoivent des subventions en provenance du Fonds
national pour le développement des adductions d'eau, des agences de l'eau ou
des conseils généraux. Je ne suis pas certaine que ce soit le manque de moyens
financiers qui explique les retards constatés sur le terrain. Je pense plutôt à
un désengagement non seulement des collectivités mais aussi, peut-être, des
services déconcentrés de l'Etat. Je ne suis pas du tout hostile à l'idée que
nous les mobilisions à nouveau.
S'agissant de la politique des sites et des paysages... Je me rends compte que
j'ai déjà épuisé les cinq minutes qui m'étaient imparties... Je souhaiterais
simplement préciser à M. Ambroise Dupont que l'essentiel des efforts concédés
par les pouvoirs publics à la suite des tempêtes de 1999 ne figurent pas dans
le projet de loi de finances pour 2001. En effet, les moyens nécessaires ont
été dégagés en urgence dans le collectif de l'année 2000. Le Conservatoire du
littoral, les parcs nationaux et les réserves naturelles ont tous bénéficié en
urgence de moyens pour faire face à ces tempêtes.
Depuis trois ans, nous avons augmenté très fortement les crédits de la
politique de la nature, des sites et des paysages. C'est après trois années de
progression qu'il a été décidé non pas de revenir en arrière mais de consolider
les acquis, en donnant cette année la priorité à la prévention des risques -
j'ai déjà évoqué ce point - à la prévention des nuisances, notamment le bruit,
qui fait l'objet d'une mesure nouvelle, consolidée cette année, de 100 millions
de francs, et au renforcement de l'armature du ministère.
Vous êtes, comme tous les Français, de plus en plus exigeants quant à la
conception, au suivi et à l'évaluation des politiques. Il était temps de
renforcer nos moyens en administration centrale, avec le renforcement de la
nouvelle direction des études économiques et de l'évaluation environnementale,
et dans les DIREN, les directions régionales de l'environnement, lesquelles ont
bénéficié cette année de la plus grande partie des postes qui ont été créés.
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures
cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'environnement.
Nous allons passer aux questions.
Je vous rappelle que les orateurs interviendront pour une durée limitée à cinq
minutes.
Selon la décision de la conférence des présidents, et en accord avec le
Gouvernement, la réponse de Mme le ministre est limitée à trois minutes.
Chaque orateur disposera d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, MM. les
rapporteurs se sont livrés à une analyse détaillée de la structure de ce projet
de budget de l'environnement pour 2001. Je n'y reviendrai donc pas, partageant
tout à fait leurs commentaires sur ses aspects tant positifs que négatifs.
Au-delà du strict cadre budgétaire, je souhaite vous interroger ou attirer
votre attention, madame le ministre, sur trois points.
Le premier concerne la politique de traitement des déchets. La succession des
modifications d'ordre économique et fiscal intervenues depuis le 1er janvier
1999 ont compliqué, voire retardé, les décisions d'investissements d'un certain
nombre de collectivités locales.
L'an dernier, j'avais salué l'abaissement du taux de TVA à 5,5 % sur la
collecte sélective et la revalorisation des barèmes d'Eco-Emballages.
Malheureusement, les effets positifs de ces mesures avaient été annulés en
partie par la décision unilatérale de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et
de la maîtrise de l'énergie, de diminuer de 38 % son taux d'intervention. Cette
décision avait été d'autant plus mal ressentie par les collectivités locales
que la fusion des cinq taxes gérées par l'ADEME dans la taxe générale sur les
activités polluantes, la TGAP, s'était accompagnée d'une forte augmentation du
produit de ces taxes qui ne leur avaient pas profité.
Succédant à cette série de mesures aux effets contradictoires, la remise en
ordre des dotations de l'ADEME dans le projet de budget pour 2001 ne contribue
pas à éclaicir le débat. Non seulement les autorisations de programme ne
retrouvent pas le niveau atteint en 2000, mais le montant des crédits de
paiement fait l'objet d'un réajustement à la baisse drastique.
Même si vos explications sont rigoureuses, madame la ministre, on peut
craindre que les collectivités locales n'en fassent les frais alors que leurs
besoins d'investissements restent importants pour atteindre l'échéance 2002.
Quelles assurances pouvez-vous leur donner, madame la ministre, quant aux
objectifs poursuivis et aux aides qu'elles pourront obtenir ? Où en est la
révision des plans départementaux d'élimination des déchets ? De nombreuses
questions et attentes demeurent encore ; un bilan détaillé s'impose.
Je dirai un mot également sur le sort des boues résiduelles des stations
d'épuration. L'an dernier, j'avais attiré votre attention sur les intérêts
divergents des collectivités territoriales et des agriculteurs sur l'épandage
agricole. Le résultat de cette opposition a été la concentration des rejets sur
certains sites, ce qui n'est en aucun cas satisfaisant. Le problème est loin
d'être réglé aujourd'hui. J'en veux pour preuve le département de la
Haute-Saône qui accueille les boues de stations d'épuration de départements
voisins. Quelles mesures ont été prises pour remédier à ces situations ?
Madame la ministre, l'action en faveur de l'environnement ne se limite pas à
dénoncer les activités nuisibles, à lutter contre les pollutions, à créer une
police écologique : elle doit aussi s'attacher à valoriser et à faire connaître
les richesses naturelles de notre pays.
Il est un deuxième point sur lequel j'aimerais attirer votre attention : le
développement de l'écotourisme.
Il existe aujourd'hui une clientèle touristique urbaine nombreuse, en
particulier européenne, à la recherche des grands espaces, d'authenticité et de
repos. L'écotourisme répond à cette évolution de la société et aux nouvelles
aspirations.
Les initiatives et les projets locaux ne manquent pas : la qualité de
l'accueil, de l'hébergement, de l'animation s'est considérablement améliorée,
grâce à la mobilisation de ses acteurs. Pierre angulaire du tourisme vert, les
gîtes ruraux connaissent un succès croissant et ont su se hisser au niveau des
exigences de confort et de modernité de la clientèle.
Certains professionnels ont développé des projets d'écovillages, avec pratique
du sport, énergie solaire, architecture paysagère, traitement des déchets,
découverte de la nature, ferme biologique.
Ce tourisme vert doit aujourd'hui se structurer, dans le respect de son
authenticité et de la nature, en identifiant, en conquérant des clientèles
diverses et en trouvant des partenariats.
Mais le développement du tourisme vert dépend étroitement de la conjonction
d'investissements publics et privés : valorisation de sites naturels pouvant
constituer des points d'ancrage, préservation des paysages, aménagement de
lieux culturels, réhabilitation de l'habitat ancien et de villages, remise en
navigation des rivières anciennement éclusées et jadis naviguées.
Certaines de ces actions relèvent directement de votre département
ministériel, madame la ministre, aussi bien au titre de l'aménagement du
territoire que de l'environnement. Je laisse cela à votre réflexion !
Enfin, mon dernier point concerne l'application de la loi pêche de 1984 et de
la loi sur l'eau de 1992, au travers notamment de la circulaire du 24 décembre
1999, relative à l'autorisation administrative de vidange d'étangs. Il semble
que celle-ci pose quelques difficultés aux exploitants d'étangs,
particulièrement dans le si beau pays des Mille étangs en Haute-Saône, en
raison de la lourdeur des procédures, de la définition non clairement établie
entre eaux libres et eaux closes, de l'appréciation difficile des critères
relatifs aux étapes de production piscicole. Madame la ministre, vous avez
demandé à vos services de préparer un complément à la circulaire afin de
répondre à ces questions. Ne pensez-vous pas nécessaire de reporter d'un an la
date butoir du 1er janvier 2001 fixée par le décret du 27 août 1999 pour la
déclaration des enclos piscicoles ?
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, ne disposant que de trois minutes pour répondre à quatre
questions, je serai très directe !
J'aborderai tout d'abord l'état d'avancement des plans départementaux
d'élimination des déchets ménagers : à la fin de l'an 2000, quatre-vingt-cinq
départements ont des plans approuvés, dont quinze ont été révisés. Dans huit
départements, le plan a été annulé par les tribunaux, ce qui nous conduit à
reprendre notre copie. La démarche de planification n'a pas encore abouti dans
sept départements. Le conseil général a pris la compétence de la conduite du
plan dans dix départements.
Les orientations qui se dégagent de l'analyse des quinze plans révisés sont
les suivantes : une prise en compte plus complète des déchets industriels
banaux, une meilleure estimation des gisements, du synoptique de gestion des
flux de déchets et des performances des installations, un fort développement du
recyclage matière et du recyclage organique dans plusieurs de ces plans et un
développement de stratégie de réduction des déchets à la source.
Monsieur le sénateur, nous avons cherché, vous le savez, à maîtriser les coûts
de traitement des ordures ménagères. L'étude réalisée par l'Association des
maires de France, voilà un an, montre que, en dépit de la révision des barèmes
d'intervention de l'ADEME et des pourcentages de subventions, le coût de
traitement à la tonne des déchets ménagers a baissé depuis 1997.
Concernant les départements ruraux, je partage tout à fait votre analyse,
monsieur le sénateur : nous pouvons nous passer d'incinérateurs quand une
stratégie bien conduite est mise en place et accompagnée par les acteurs
locaux.
Je pointerai simplement la gêne que constitue le fait que la valorisation
biologique des déchets reste une voie encore insuffisamment développée et que
la réaction des populations se manifeste souvent de façon aussi vigoureuse
devant des sites de stockage de déchets ultimes bien gérés et bien surveillés
qu'à l'encontre d'incinérateurs surdimensionnés.
Une circulaire en cours de préparation exposera les grandes lignes de la
politique que je souhaite mettre en oeuvre dans le domaine de la valorisation
biologique des déchets pour permettre de limiter encore les tonnages à éliminer
par d'autres voies.
L'épandage des boues d'épuration urbaine reste une bonne voie de valorisation
des sous-produits de l'assainissement. L'épandage en agriculture reste sans
doute le meilleur débouché pour ces boues du point de vue tant de l'économie
que de l'environnement. La nouvelle réglementation qui a été mise en place en
décembre 1997 offre des garanties de qualité des boues, de traçabilité,
d'organisation et de suivi des épandages.
Mais, en vue de prendre en compte les réticences persistantes s'exprimant dans
le monde agricole, mon ministère a mis en place un groupe de travail associant
les organisations professionnelles agricoles, la grande distribution, les
différents services de l'Etat, les agences de l'eau, sans oublier les
consommateurs. Ce groupe de travail a formulé des préconisations et défini les
conditions permettant de rétablir la confiance entre l'ensemble des acteurs de
la filière d'épandage agricole des boues.
L'idée, c'est, bien sûr, de respecter les conditions de qualité des boues et
de mettre en place un dispositif assuranciel destiné à couvrir les risques
éventuels courus par les agriculteurs, l'Etat ayant accepté d'apporter sa
garantie en cas de constatation de dommages non couverts par le dispositif
assuranciel.
Un colloque d'initiative parlementaire a eu lieu au mois de juillet, en
présence de l'ensemble des partenaires. Il a permis de valider ce dispositif,
qui devrait être concrétisé par une convention signée dans les prochaines
semaines.
S'agissant du tourisme écologique, de l'écotourisme, je dirai rapidement que
mon ministère croit beaucoup au tourisme de nature, et d'abord dans les espaces
naturels protégés. Je rappelle qu'il y a eu cinq millions de visiteurs dans les
sept parcs nationaux français, que, sur les 148 réserves naturelles créées,
deux seulement sont fermées au public et que les autres ont accueilli plus de
trois millions de visiteurs par an. Les partenariats avec la fédération des
parcs naturels régionaux ont été nombreux et ont permis l'élaboration de
produits touristiques spécifiques.
Je veux également citer les opérations « grands sites », qui permettent de
maîtriser la fréquentation touristique sur les sites les plus prestigieux : la
pointe du Raz, le cirque de Gavarnie, le pont du Gard, le saut du Doubs, etc.
Ce sont des sites sur lesquels nous cherchons à accueillir, mais à accueillir
sans détruire.
J'évoquerai également le travail important qui a été mené avec le secrétariat
d'Etat au tourisme. Mme Demessine a fait du tourisme durable le point focal de
la présidence française de l'Union européenne. Elle a organisé, à Lille, des
assises du tourisme durable. Je précise d'ailleurs que son nouveau directeur de
cabinet vient de la DATAR, où il suivait les questions de tourisme durable,
Voilà, je pense, de quoi vous rassurer sur notre engagement !
S'agissant de la procédure de vidange des étangs...
Monsieur le président, je suis embêtée : soit je poursuis, au risque de
dépasser le temps qui m'est imposé, soit j'assume le fait de ne pas répondre à
toutes les questions.
M. le président.
Madame le ministre, pour l'instant, je ne vous ai rien dit. Je vous invite
donc à poursuivre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Concernant
la procédure de vidange des étangs, le décret de 1993 avait fait apparaître la
nécessité d'adapter certaines rubriques de la nomenclature de la loi sur l'eau
relatives à la vidange des plans d'eau. Le décret du 27 août 1999 et la
circulaire du 29 décembre 1999 ont été publiés après une longue concertation
avec les représentants de la profession.
Vous me dites, monsieur Joly, que ces textes peuvent, dans certains cas, poser
problème - problèmes de complexité, problèmes de coût. A ce jour, la profession
ne s'est jamais plainte au ministère de l'environnement, mais je suis
évidemment à votre disposition pour voir si l'on peut encore améliorer ce
dispositif, qui permet déjà une réelle simplification de la procédure
applicable aux vidanges.
M. Bernard Joly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Après vous avoir remerciée, madame la ministre, je vous demanderai simplement
si l'on ne peut pas, malgré tout, envisager de retarder d'un an l'obligation de
déclaration.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette nouvelle
procédure des questions ne va pas sans soulever bien des difficultés, notamment
pour un budget de l'environnement par essence transversal dans ses missions.
Aussi, ma question de fond s'articule autour de deux grands thèmes, à savoir
la politique énergétique de notre pays et la politique de l'eau, qui, comme le
travail, les vacances, le logement, l'éducation, la santé, l'accès à
l'information et à la communication, doivent être considérés comme ouvrant des
droits imprescriptibles à nos concitoyens.
Au regard de la politique énergétique de notre pays, la réduction de 71,37 %
des crédits de paiement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie suscite bien des inquiétudes, même si j'ai bien pris note de votre
réponse sur ce sujet quant au volume de la trésorerie de l'agence.
En effet, si les champs d'intervention de cette agence sont nombreux, ses
missions sont fondamentales dans la conduite de la politique environnementale
de notre pays.
Selon les informations que vous avez pu nous donner, madame la ministre, cette
baisse des crédits de paiement résulterait des difficultés de mise en oeuvre
des politiques de traitement des déchets et de maîtrise de l'énergie.
Toujours sur le terrain énergétique, nous estimons que le produit de la taxe
générale sur les activités polluantes doit retourner intégralement à la lutte
et à la prévention contre les pollutions.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Gérard Le Cam.
Enfin, après l'échec de la conférence de La Haye, bien des interrogations
reviennent sur la politique que notre pays pourrait conduire sur le plan
mondial en matière de lutte contre l'effet de serre.
J'ai volontairement choisi ces trois points, madame la ministre, mes chers
collègues, pour illustrer la nécessité dans laquelle nous sommes aujourd'hui
d'associer la représentation nationale et, plus largement, nos concitoyens au
débat sur la politique énergétique dans notre pays.
La non-utilisation des crédits de paiement de l'ADEME, le manque de lisibilité
de la TGAP, l'échec de la conférence de La Haye donnent la mesure de l'écart
entre les choix énergétiques et les potentialités réelles en matière de lutte
contre l'effet de serre.
M. Alain Vasselle.
Ça, c'est une critique en règle de la politique du Gouvernement, cela !
M. Gérard Le Cam.
Pour ces motifs, madame la ministre, nous aimerions savoir quelles seront les
modalités d'association de la représentation nationale et, plus largement, de
nos concitoyens la politique énergétique de notre pays à moyen et à long
terme.
Nous sommes dans l'attente, dans la toute prochaine période, d'un projet de
loi relatif à l'eau. Différents acteurs de la majorité plurielle ont travaillé
à la rédaction de propositions de loi sur l'eau et notre groupe a lui-même
proposé la mise en place d'une agence nationale de l'eau.
Le manque de transparence de la politique de l'eau, le coût de l'eau,
l'absence, au sein des collectivités locales, d'instruments d'expertise
adaptés, justifient la mise en chantier d'un texte législatif sur l'eau.
Ma seconde question est directement liée à ce qui précède : quels seront les
grands axes de la politique de l'eau que vous souhaitez conduire dans notre
pays ? Ira-t-on vers la mise en place d'un instrument national et public en
matière de gestion de la ressource, tout en maintenant le principe des agences
de l'eau, dont le fonctionnement démocratique est apprécié de tous ?
M. Alain Vasselle.
C'est dur d'appartenir à la majorité plurielle !
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je vous
remercie, monsieur Le Cam, de votre invitation à traiter à la fois de la
politique française de l'énergie et de la politique de l'eau en trois minutes !
Je vais essayer d'être brève.
Vous avez été nombreux à vous inquiéter au sujet des moyens de l'ADEME sur le
long terme après la décision de budgétiser cinq des anciennes taxes qui étaient
autrefois affectées à des politiques particulières et gérées par l'agence.
En fait, vous l'aurez noté, l'accumulation des crédits de trésorerie de
l'ADEME n'a pas eu pour conséquence d'amputer la marge de manoeuvre de l'agence
sur le terrain.
En revanche, l'affectation des taxes au budget général, avec la restitution
par le budget des sommes nécessaires à la conduite des politiques, s'est
accompagnée d'une plus grande souplesse pour l'agence, qui a pu procéder à une
certaine miscibilité des fonds et financer les politiques en fonction des
besoins réels constatés sur le terrain.
Je rappelle que l'ADEME s'occupe, outre la politique des déchets, des
économies d'énergie, de la politique des sols pollués orphelins, de la
pollution atmosphérique et du bruit, autant de politiques considérées comme
essentielles par nos concitoyens, qui y voient l'occasion d'améliorer
singulièrement leur qualité de vie. Autant de politiques qui sont également
très riches en emplois - j'attire votre attention sur ce point. L'ADEME est un
employeur non pas au vu de ses propres effectifs, mais grâce aux activités
qu'elle génère sur le terrain.
Les 500 millions de francs que le Gouvernement a décidé de consacrer à la
relance de la politique française de maîtrise de l'énergie et de
diversification énergétique ont bel et bien été utilisés par l'ADEME. Ils
seront complétés par les décisions qui vont être annoncées dans les jours à
venir relatives au plan de maîtrise et d'efficacité énergétique, qui doit nous
permettre, en complément du plan national de maîtrise des émissions de gaz à
effet de serre, de satisfaire à nos engagements internationaux.
Cela dit, vous me trouverez toujours à vos côtés, monsieur Le Cam, pour
demander un débat sur les grandes orientations de la politique énergétique de
la France.
Je crois savoir que vous n'êtes pas d'accord avec moi sur le fond, mais que
nous pouvons, en revanche, nous rejoindre sur la nécessité de recourir
davantage, et en termes de recherche et en termes de politique concrète, à des
énergies renouvelables. A ce sujet, j'attends beaucoup de la fixation à un
niveau décent du prix de rachat des kilowattheures produits par des énergies
renouvelables.
En ce qui concerne le projet de loi sur l'eau, là encore, les derniers
arbitrages sont en passe d'être rendus. Ils devraient nous permettre de
répondre à deux interrogations essentielles des Français : savoir exactement
comment se compose le prix de l'eau ; comprendre les modalités de fixation de
ce prix.
Le dialogue entre les collectivités responsables de l'organisation du service
et les usagers doit être renforcé. Nous avions, vous le savez, envisagé la
création d'un haut conseil du service public de l'eau et de l'assainissement
par le biais d'un décret. Le Conseil d'Etat a considéré que cela relevait de la
loi. Nous avons donc complété en ce sens le projet de loi que j'avais eu le
plaisir de présenter, voilà quelques mois, aux parlementaires du groupe de
travail sur l'eau.
Je veux encore insister sur le fait que nous souhaitons mieux appliquer le
principe pollueur-payeur et le principe utilisateur-payeur, avec le souci de
renoncer progressivement, par étapes, à des dispositifs qui rendaient le prix
de l'eau complètement opaque, complètement injuste pour certaines catégories
d'usagers.
Je rappelle que, si les usagers domestiques paient l'eau au prix fort, il n'en
va pas de même d'un certain nombre d'autres catégories d'usagers, pour
lesquelles des encouragements publics sont certes imaginables, mais ne
devraient pas passer par un transfert de la charge sur les personnes les plus
modestes.
M. Gérard Le Cam.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Madame la ministre, je vous remercie des éclaircissements que vous m'avez
apportés, notamment au sujet de l'ADEME.
C'est vrai, il y a entre nous quelques divergences en matière énergétique.
Vous le savez, nous sommes également favorables aux énergies renouvelables.
Mais, dans l'état actuel des recherches, nous en connaissons les limites, et
nous ne souhaitons donc pas, pour l'instant, diaboliser l'énergie nucléaire,
même s'il est vrai qu'il reste à régler, y compris au niveau de la recherche,
le problème complexe des déchets nucléaires.
Quant à la politique de l'eau, j'ose espérer que la prochaine loi sur l'eau
sera l'occasion d'un débat fructueux entre nous, qui nous permettra de traiter
au mieux et dans un souci d'égalité l'ensemble des Français au regard de cette
question essentielle.
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Madame la ministre, votre projet de budget pour 2001 confirme l'ambition du
Gouvernement dans le domaine de l'environnement. Je me félicite du renforcement
important des moyens humains et financiers de votre ministère, qui permettra de
poursuivre les actions déjà engagées et d'inscrire dans la continuité, pour la
troisième année consécutive, un effort sensible en faveur de l'environnement,
du développement durable et de notre cadre de vie.
Parmi les priorités affichées clairement dans ce budget, l'eau tient une place
toute particulière. L'eau, sa préservation, sa gestion, la reconquête de la
qualité des milieux, la lutte contre les pollutions figurent parmi les grands
enjeux collectifs du xxie siècle.
Globalement, les moyens consacrés à la politique de l'eau sont renforcés dans
le projet de loi pour 2001. Les crédits qui y sont affectés s'élèvent à 791
millions de francs, en progression de 3,5 % par rapport à 2000.
Je suis, madame la ministre, particulièrement attentif, de par mes
responsabilités locales, à la redéfinition des moyens que l'Etat entend
utiliser dans le domaine de la politique de l'eau et qui ne se limitent pas aux
seuls crédits disponibles auprès de votre ministère.
Ces nouvelles orientations préfigurent le contenu du futur projet de loi sur
l'eau, actuellement en préparation, et qui est attendu pour 2001.
A ce sujet, vous me permettrez quelques réflexions sur deux sujets qui sont au
coeur de grands débats en cours : la réforme annoncée des agences de l'eau et
du système des redevances dans le cadre du huitième programme ; les nouvelles
modalités relatives à l'application du programme de mise aux normes des
bâtiments d'élevage.
D'une manière générale, sur ces deux points, je partage votre souci de
mobiliser et de protéger les ressources en eau par des investissements adaptés
et pertinents, dans un cadre institutionnel rénové.
En 1999, le Gouvernement a décidé de mettre en place un dispositif de
solidarité, le fonds national de solidarité pour l'eau, alimenté par le produit
du prélèvement de solidarité pour l'eau versé par les agences ; 500 millions de
francs seront de nouveaux versés par les six agences, au même titre qu'en 2000,
pour répondre à une indispensable mission de péréquation.
Ce nouveau fonds n'a toutefois pas remis en cause l'existence du FNDAE, auquel
les communes rurales demeurent très attachées et dont les moyens s'élèvent, en
2001, à 958 millions de francs.
Cependant, cette contribution des agences ne doit en aucun cas remettre en
cause une incontournable et nécessaire territorialisation des actions à travers
chacun des bassins.
Je compte, madame la ministre, sur votre vigilance pour éviter toute
recentralisation trop importante, pour veiller au financement adéquat de la fin
du septième programme et pour confirmer les moyens nécessaires à l'élaboration
du huitième programme.
Le futur projet de loi sur l'eau devrait concilier l'impératif de solidarité
nationale et la réponse aux spécificités et attentes de chaque agence. Un
nécessaire dialogue avec cet outil d'aménagement, de gestion et de
concertation, que beaucoup nous envient, doit être préservé dans l'intérêt
général.
Enfin, pour terminer, je suis régulièrement interpellé, comme mes collègues,
par les éleveurs de ma région concernant l'évolution du PMPOA, le programme de
maîtrise des pollutions d'origine agricole.
D'une part, je m'inquiète, aujourd'hui, des capacités du secteur de l'élevage
à concrétiser les engagements au titre du PMPOA, alors qu'il est frappé de
plein fouet par la crise de l'ESB, et cela malgré le soutien continu des
collectivités territoriales.
D'autre part, compte tenu de l'ampleur des sommes en jeu et sur la base d'un
rapport d'évaluation technique, économique et financier, le Gouvernement a
souhaité faire des propositions pour réformer le PMPOA et le rendre plus
performant.
Nombre de professionnels s'inquiètent légitimement du contenu de cette
réforme. Il est difficilement acceptable que la volonté de maîtrise des coûts
de ce programme puisse se traduire par une baisse des taux de subvention et par
une sélection plus sévère des élevages éligibles.
Comment, madame la ministre, comptez-vous prendre en compte au mieux ces
attentes dans l'optique de la poursuite de ce programme de mise aux normes ?
Enfin, au regard du futur projet de loi sur l'eau, comment entendez-vous
assurer la transition avec le dispositif actuel, notamment pour les agences de
l'eau ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, je voudrais d'abord vous apporter quelques éléments de réponse
concernant le fonds national de solidarité pour l'eau, qui a été créé en 2000
et auquel les agences contribuent à hauteur de 500 millions de francs, affectés
à un compte spécial du Trésor permettant de financer...
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
... votre administration !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
... des
actions de solidarité interbassins.
Ces crédits ont été utilisés, à hauteur de 90 millions de francs, pour la
restauration des rivières, afin de prévenir les inondations, dans le cadre du
plan « risques » ; en outre, 70 millions de francs ont été consacrés à la
réduction des pollutions diffuses d'origine agricole liées à l'usage excessif
de pesticides et de nitrates, dans l'optique du plan national de prévention des
pollutions dues aux produits phytosanitaires, et 42 millions de francs à
l'assainissement outre-mer dans l'attente de la création d'offices de l'eau
dans ces départements et territoires ; enfin, 32 millions de francs ont été
alloués à la restauration des milieux dégradés par les activités minières
passées ou par des pollutions industrielles anciennes affectant l'eau, 20
millions de francs l'ont été à des économies d'eau dans l'habitat social
collectif, et 225 millions de francs à la promotion et à la restauration des
zones humides, à des actions d'intérêt commun et à l'accumulation de données
sur l'eau mettant en jeu des études et la collecte de connaissances. Au début
du mois de septembre, plus de 440 millions de francs, sur un total de 500
millions de francs, avaient été ainsi engagés.
Si je vous inflige cette énumération, monsieur le sénateur, c'est pour vous
montrer qu'il s'agit là de politiques d'intérêt général.
Vous savez que je me suis engagée auprès des agences à ne pas augmenter le
prélèvement du fonds national de solidarité pour l'eau au-delà de ce qu'elles
jugeaient raisonnable. La somme de un milliard de francs a été envisagée, mais,
de toute façon, nous n'en sommes pas là pour 2001, puisque nous avons stabilisé
le montant de cette contribution. Tout cela prouve que nous avons l'intention
non pas de recentraliser, mais de mettre en commun des moyens pour financer des
politiques d'intérêt général.
Tel est aussi l'état d'esprit dans lequel nous avons préparé le projet de loi
devant permettre de rénover les lois de 1964 et de 1992.
Ainsi, il est bien prévu de renforcer le rôle du Parlement afin de permettre à
celui-ci d'assumer sa mission, qui est d'encadrer les taux des redevances, d'en
définir les assiettes et les critères de modulation et de déterminer les
priorités d'intervention des programmes et le montant global qui pourrait leur
être affecté. Le Gouvernement rendra compte au Parlement de l'état d'avancement
de ce processus à l'occasion de l'examen de chaque projet de loi de
finances.
En revanche, il n'est pas question de concevoir les politiques de l'eau et de
les conduire sur le terrain à la place des agences, qui restent des outils tout
à fait essentiels dans ce domaine.
S'agissant du PMPOA, nous avons souhaité l'année dernière dresser un bilan
après cinq années d'application de ce programme. Une inspection
interministérielle a mené à bien ce travail, qui s'est révélé assez difficile,
en mettant l'accent sur les fragilités juridiques du programme, sur son coût
insuffisamment maîtrisé et, surtout, sur la faiblesse des résultats
environnementaux et du montant global des redevances versées aux agences par le
secteur agricole.
A partir de ce bilan, les modalités de mise en oeuvre du programme ont été
revues afin d'assurer une meilleure équité et une meilleure efficacité sur le
plan environnemental. Le système actuel d'intégration des élevages par classes
de taille décroissante sera progressivement remplacé par un système de
priorités géographiques, qui permettra de concentrer les efforts sur les zones
où la ressource en eau est la plus sensible ou la plus dégradée. Dans ces
zones-là, tous les élevages, quelle que soit leur taille, seront intégrés. Mais
pour assurer la transition avec le dispositif actuel, les élevages dont la mise
aux normes était programmée entre 1994 et 1999 resteront éligibles aux aides
publiques.
Ce nouveau dispositif est plus favorable aux petits élevages, qui n'étaient
pas du tout intégrés au dispositif actuel et qui se trouveront ainsi éligibles
dans les zones prioritaires. Les éleveurs pourront-ils faire face aux dépenses
nécessaires ? Je crois pouvoir répondre à cette question par l'affirmative,
monsieur le sénateur, car il s'agit, dans la grande majorité des cas,
d'élevages porcins, secteur dans lequel les cours, qui étaient très bas voilà
deux ans, ont remonté depuis, ce dont nous nous réjouissons. Il s'agit donc
d'utiliser au mieux la « fenêtre de tir » qui est ouverte devant nous pour
accélérer les travaux dans ces élevages porcins. En revanche, je partage votre
inquiétude en ce qui concerne l'élevage bovin, et si des dispositifs
particuliers devaient être mis en place, nous travaillerions en concertation
avec vous pour les définir.
M. Paul Raoult.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Madame la ministre, vos propos me rassurent quant aux prélèvements financiers
opérés sur les agences. En effet, nous avons été contraints à des « coups
d'accordéon » extrêmement dommageables s'agissant des programmations actuelles,
dans la mesure où des promesses avaient été faites à propos d'un certain nombre
d'actions d'assainissement en zone urbaine et en zone rurale. Ainsi, l'agence
de l'eau Artois-Picardie rencontre des difficultés financières non
négligeables, et il serait bon que l'on bloque le montant de ces prélèvements
au niveau qu'il a atteint aujourd'hui.
En ce qui concerne le PMPOA, étant élu d'une région d'élevage bovin, je
constate un certain nombre de difficultés, parce que beaucoup d'agriculteurs
attendent les financements qui leur permettront de réaliser les travaux
nécessaires.
Il ne faut pas oublier que nombre de ces éleveurs profitent en réalité de la
mise aux normes des bâtiments d'élevage pour délocaliser leur exploitation.
D'autres financements sont alors mobilisés, mais ils ne peuvent être consommés,
parce que tout est bloqué dans l'attente de cette mise aux normes. Il faut donc
absolument résoudre ce problème, car il y va du sort des éleveurs et de la
continuité de leur action économique dans de nombreuses régions.
M. le président.
La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier.
Madame la ministre, permettez-moi d'abord de formuler quelques observations
générales, avant de vous interroger plus spécialement sur votre conception de
la politique de relance de la maîtrise de l'énergie.
Vous nous présentez le présent projet de budget comme une preuve
supplémentaire de votre volonté de faire que l'environnement relève d'un
ministère de plein exercice. Etant très intéressé, comme vous le savez, par les
questions environnementales, je devrais,
a priori
, me féliciter de cette
ambition.
Mais, et vous le reconnaissez vous-même, on est encore loin du compte. En
effet, le budget de l'environnement ne représente en France que 0,26 %
seulement du budget global de l'Etat et reste l'un des plus faibles de l'Union
européenne.
Surtout, il faut être attentif à ne pas confondre « bureaucratisation » de
l'environnement et renforcement des actions en faveur de l'environnement. Or
les dépenses de fonctionnement progressent au détriment des dépenses en
capital, et les crédits consacrés à l'environnement au sein du budget général
de l'Etat sont en régression de 12 %. En outre, de vrais enjeux
environnementaux ne m'apparaissent pas suffisamment pris en compte : je pense
ici en particulier à l'indispensable renforcement de la lutte contre les
nuisances sonores.
J'en viens maintenant à la politique de maîtrise de l'énergie.
On peut d'abord s'interroger sur les raisons qui, au-delà de celles qui sont
liées à la mise en place de la taxe générale sur les activités polluantes,
expliquent l'écart considérable existant entre les prévisions budgétaires et
les dépenses effectivement réalisées par l'ADEME. Cette question a été
largement débattue et, pour résorber cet écart, vous nous proposez rien moins
que de ramener les crédits de l'ADEME de 1,7 milliard de francs en 2000 à 500
millions de francs en 2001.
Vous l'avez dit, c'est peut-être nécessaire, mais c'est aussi pour le moins
paradoxal alors que le Gouvernement affiche une volonté nouvelle de maîtrise de
l'énergie. C'est en tout cas une source d'inquiétude à l'approche de l'annonce
du programme d'efficacité énergétique : ce programme sera-t-il vraiment à la
hauteur des enjeux ? Il vous a été demandé par le Premier ministre, dans
l'urgence due à la hausse des prix pétroliers et à l'impasse dans laquelle se
trouvait le Gouvernement en matière de politique environnementale à la suite de
la décision de baisser le montant des taxes. Il est vrai qu'on était là en
pleine contradiction par rapport à votre propre politique et aux annonces
pluriannuelles qui avaient été faites.
Le programme gouvernemental de lutte contre le réchauffement climatique a été
jugé de portée trop limitée et d'application trop lointaine. Il est donc
essentiel que ce plan d'efficacité énergétique soit autre chose qu'un catalogue
de mesures floues et imprécises.
Lors de la récente conférence de La Haye, la France s'est placée en pointe,
grâce notamment au discours très engagé du Président de la République. Nous
devons donc tout faire pour respecter les engagements que nous avons pris à
Kyoto et pour conserver notre crédibilité vis-à-vis des pays en voie de
développement.
Ce plan doit donc être un signe fort montrant la directive à suivre.
Les économies d'énergie mises en oeuvre au milieu des années soixante-dix
avaient, on le sait, un objet économique : celui de nous rendre moins
dépendants des pays producteurs de pétrole. Même si cela reste d'actualité - un
récent Livre vert de la Commission européenne nous alerte d'ailleurs sur la
dépendance énergétique croissante de l'Union européenne - les économies
d'énergie doivent aujourd'hui concourir en outre à réduire la pollution.
L'efficacité énergétique passe bien évidemment par la prise de mesures
significatives dans le secteur de l'habitat. Doit-on se contenter, à cet égard,
du dispositif qu'a déjà annoncé, ce qui est étonnant, votre collègue chargé du
logement ? Etes-vous en mesure d'influencer le Gouvernement afin d'obtenir
d'autres avancées, certes, mais aussi et surtout les enveloppes financières
nécessaires, qui semblent actuellement faire cruellement défaut ?
L'efficacité énergétique, c'est aussi le développement des énergies
renouvelables, qui est souvent lié au prix de rachat de l'électricité ainsi
produite par EDF ; c'est encore l'ensemble des soutiens à apporter aux
collectivités locales, qui ont un rôle essentiel à jouer en ce domaine ; c'est
enfin la mise en place d'une fiscalité environnementale réellement élaborée en
fonction des préoccupations environnementales - et je n'ose évoquer à mon tour
les déboires actuels de l'écotaxe ! - ainsi que le lancement d'une action
pédagogique de sensibilisation des populations, très volontariste, de nature à
faire évoluer les comportements et à édifier un véritable contrat
environnemental avec les Français.
Ce sont là autant de questions auxquelles nos compatriotes attendent que vous
apportiez de vraies réponses, à la hauteur des enjeux et d'une réelle ambition
environnementale.
Mais l'essentiel, le coeur du problème, le centre du dispositif à mettre en
place, c'est la limitation de la consommation de pétrole. Beaucoup a été
entrepris dans les secteurs industriels pour diminuer la part du pétrole dans
les consommations d'énergie. Seul le secteur des transports est resté très
largement en dehors de cette évolution. Pourtant, qu'il s'agisse de la voiture
individuelle ou du transport routier, il est au coeur des changements
nécessaires. Tout doit donc être mis en oeuvre pour développer l'utilisation
d'une nouvelle énergie, une énergie propre, dans le dessein de préparer, dès à
présent, l'« après-pétrole ».
A cet égard, il me semble qu'il serait notamment intéressant de mettre en
place dès aujourd'hui une prime à l'achat de véhicules hybrides dotés d'une
double motorisation, en quelque sorte d'instaurer un chèque à la voiture
propre, à l'instar des dispositifs qui ont déjà été prévus en faveur des
véhicules électriques. Cette incitation serait naturellement appelée à évoluer
en fonction des progrès de la recherche - je pense notamment à la pile à
combustible - et de la capacité de production des constructeurs.
Très concrètement, madame la ministre, pouvez-vous aujourd'hui nous faire part
des grandes lignes du programme d'efficacité énergétique ? En êtes-vous
d'ailleurs encore pleinement le maître d'oeuvre, et bénéficiez-vous
d'arbitrages favorables suffisants ? Quel en sera le coût et de quels moyens
budgétaires disposez-vous réellement ? Pensez-vous finalement que votre
ministère a réellement la capacité de jouer pleinement le rôle de « chef
d'orchestre » en matière de maîtrise de l'énergie ? Je vous remercie par avance
de vos réponses.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
Lepeltier, vous me posez vous aussi des questions importantes, qui mériteraient
un très long débat. Ne pouvant m'engager dans cette voie, je vais néanmoins
essayer de vous apporter brièvement quelques éléments de réponse.
S'agissant tout d'abord du renforcement des dépenses de fonctionnement au
détriment des crédits affectés à l'investissement, je vous mets en garde contre
une lecture trop rapide de ce projet de budget. En effet, cette impression est
liée, pour l'essentiel, à l'annulation de crédits de paiement de l'ADEME
inscrits au titre VI, qui concerne l'investissement, alors que l'intégration de
l'IPSN, l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, est opérée au titre
IV. L'évolution que vous avez évoquée est donc très largement « cosmétique » et
relève d'un effet d'optique : il ne s'agit pas d'une tendance à l'inflation
bureaucratique et au gaspillage de l'argent au travers de dépenses de pure
gestion.
En ce qui concerne le programme d'efficacité énergétique, je vous suis
extrêmement reconnaissante, monsieur Lepeltier - nous nous connaissons de mieux
en mieux et je m'en réjouis
(Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
-,
de votre intérêt pour la nature des arbitrages qui pourraient être
rendus et pour les moyens qui pourraient m'être donnés afin de jouer le rôle de
« chef d'orchestre » en matière d'économie d'énergie et de diversification des
sources d'énergie. Je transmettrai votre plaidoyer à Christian Pierret, qui ne
manquera pas d'en être extrêmement ému et sera sans doute convaincu.
(Sourires.)
Cela étant, soyez bien conscient du fait que cette politique, même si elle est
coordonnée sous la responsabilité du ministère de l'aménagement du territoire
et de l'environnement, est bien une politique interministérielle. Une partie de
ma tâche a consisté à mobiliser l'ensemble de mes collègues pour leur demander,
dans leurs domaines de compétences respectifs, d'identifier les politiques qui
devaient être mises en place et les comportements qui devaient être modifiés
afin de réduire la facture énergétique pour notre pays et pour chacun des
usagers et de nous permettre de respecter les engagements pris en application
du protocole de Kyoto.
Le premier programme national de lutte contre l'effet de serre remonte à 1993
; c'était une ébauche. Il est peu d'années où les ministres de l'environnement
successifs n'aient cherché à muscler, à renforcer et à compléter ces
programmes. Celui que j'ai présenté au début de l'année 1999 n'échappe pas à la
règle. Il souffre, comme vous l'avez noté, d'être avant tout un catalogue de
mesures, avec trop peu de rendez-vous dans le temps et trop peu de budgets
dédiés à sa mise en oeuvre concrète.
Cela dit, même si les calendriers et les budgets n'étaient pas inscrits dans
le programme, nous avons eu le souci de traduire très concrètement ce programme
national, notamment dans les exercices budgétaires, mais aussi à l'occasion de
l'élaboration des contrats de plan Etat-région.
La plupart des régions ont joué le jeu d'un renforcement des moyens des
transports collectifs au détriment du transport routier, d'une
contractualisation avec l'ADEME, à la fois sur le terrain des économies
d'énergie, de la lutte contre le bruit et, plus généralement, de la qualité de
la vie.
Cette fois, il s'agit d'aller plus loin. Le nouveau programme d'efficacité
énergétique que je suis en train de préparer et dont les grandes lignes
devraient être annoncées dans les jours qui viennent associe un important volet
consacré aux actions relatives à la demande d'énergie, un volet consacré au
transport urbain et un troisième volet consacré à la mise en oeuvre de la
priorité octroyée au fret ferroviaire par le Gouvernement.
Ce sont deux gros projets très lourds, qui demandent un investissement de long
terme, un travail aux niveaux européen, national et interrégional, et une
utilisation raisonnée de l'automobile, avec des mesures - pour lesquelles vous
plaidez - en faveur du développement de nouvelles motorisations et de nouveaux
types de véhicules. Vous savez que les programmes Prime Equal et PREDIT -
programme de recherche et de développement pour l'innovation et la technologie
dans les transports terrestres - notamment, ne sont pas chiches de moyens sur
ce terrain-là.
Je pense également au secteur du bâtiment et au développement des énergies
renouvelables, en plaidant, là encore, pour un prix de rachat du kilowattheure
d'énergie renouvelable décent.
Je citerai, pour terminer, la fiscalité énergétique et l'écotaxe.
Mme Loyola de Palacio a rendu public voilà quelques jours son Livre blanc sur
les questions énergétiques. Vous y trouverez, outre un vibrant plaidoyer en
faveur d'un mode d'énergie qui ne constitue pas, aujourd'hui, ma tasse de thé,
une vigoureuse interpellation des gouvernements sur la nécessité de conduire
des politiques énergétiques coordonnées, permettant de donner les bons signaux
en matière d'environnement.
M. Serge Lepeltier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lepeltier.
M. Serge Lepeltier.
Je souhaite insister sur cette question d'énergies propres. Il me semble que,
dans tout plan d'économies d'énergie, a, jusqu'à maintenant, été oubliée la
notion fondamentale de recherche et développement. Des moyens financiers
doivent être mis en oeuvre dans ce domaine.
Par ailleurs - on sait bien que c'est là que le piège se referme - les
ressources fiscales considérables dégagées grâce aux taxes sur les carburants
posent un véritable problème budgétaire. Je n'ai pas le sentiment que vous vous
soyez suffisamment exprimée sur ce sujet.
En effet, si un plan d'économies d'énergie était décidé, il mettrait quasiment
en péril la quatrième ressource fiscale de l'Etat. On se demande si les
gouvernements, quelle que soit leur tendance politique d'ailleurs, ont
réellement la volonté de réussir dans ce domaine, compte tenu des problèmes que
cela poserait en matière de ressources fiscales.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la société
française a été rarement autant chahutée que ces dernières années par des
accidents et des incidents ayant des répercussions sur la nature,
l'environnement et la santé. Elle en est traumatisée, et nos concitoyens
s'interrogent sur le manque de réactivité, voire de réaction, qu'ils ont
parfois eu l'occasion de constater de la part des pouvoirs publics. Combien de
fois n'ai-je pas entendu cette question, après l'accident de l'
Erika :
pourquoi n'ont-ils rien fait ?
Il aura fallu le naufrage du
Ievoli Sun
pour prendre conscience de
l'exaspération extrême de la population et accélérer, enfin, le rythme des
réformes nécessaires. Trop de lois politiciennes - j'insiste sur ce terme -
encombrent l'ordre du jour du Parlement et relèguent au second plan des
réformes pourtant attendues, en particulier en ce qui concerne la qualité de
vie !
A ce point de mon intervention, je formulerai quelques remarques et poserai
une question.
La réforme de la politique de l'eau se profile et se peaufine. Vous prévoyez,
madame la ministre, à la fois une stabilité des redevances et une ponction
aggravée sur les agences, à hauteur de 500 millions de francs pour 2001, pour
financer le Fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE. Parallèlement,
toutes les études démontrent que les dépenses pour l'eau, en particulier pour
la sécurisation de l'alimentation et l'épuration, vont encore augmenter.
Stabilité des redevances et ponction aggravée des agences, d'un côté, dépenses
en augmentation, de l'autre, je me demande comment nous allons parvenir à
combler ce déficit. Qui mobilisera les moyens supplémentaires nécessaires ?
Une réponse, la réponse, devrait s'appeler la TGAP. Non pas que je me sois
laissé convertir : je persiste à penser que la TGAP est, dans son utilisation,
un véritable
hold up
écologique. Cette année, ce sont 6,6 milliards de
francs - autant que les budgets de l'environnement et de l'aménagement du
territoire réunis - qui alimenteront Bercy et les 35 heures !
Permettez-moi, à ce stade, d'exprimer une inquiétude sur un autre sujet.
Depuis quelques années, nous assistons à une évolution des priorités
environnementales. Progressivement, l'environnement est assimilé à des sujets
physico-chimiques et sanitaires : taux de pollution, détection de traces de
métaux lourds, risques sanitaires... Ceux qui continuent de se battre pour la
biodiversité et la défense des espèces ou des écosystèmes sont progressivement
marginalisés, comme d'ailleurs les causes qu'ils défendent. Pourtant,
l'écologie, la nature, représentent cette part de l'environnement qui fait
rêver. Existe-t-il quelque chose de plus beau qu'un enfant qui caresse un petit
lapin ou un poussin ?...
Or, je constate, madame la ministre, que les crédits consacés à la politique
des sites et des paysages est en chute de 33 %. Il va sans dire que je le
regrette.
Nous aurions encore beaucoup de sujets à aborder, en particulier l'ADEME...
mais aussi l'effet de serre et la position que vous avez exprimée à Kyoto en ce
qui concerne les droits à polluer, et qui m'interpelle. Peut-être pourriez-vous
nous en dire plus.
Mais nous n'avons pas le temps, ni vous ni moi, d'évoquer tous ces problèmes,
et j'en viens à ma question, qui porte sur les risques naturels et les risques
engendrés par les sites décharges orphelins.
Régulièrement, les images d'inondations catastrophiques, de glissements de
terrain meurtriers ou d'affaissement nous rappellent l'importance des travaux à
entreprendre. Or les crédits prévus au titre de la politique de prévention des
risques naturels sont de 76 millions de francs pour l'ensemble du pays. Même si
j'y ajoute une part du FNSE, si je mets ces crédits en parallèle avec les 6 600
millions de TGAP - j'y reviens - affectés aux 35 heures, je me demande si ce
déséquilibre est bien raisonnable.
Les sites décharges orphelins représentent, par leur nombre et par leur
dangerosité, un véritable défi : pour la pollution des sols, pour la pollution
des eaux de surface, pour la pollution des nappes. Malheureusement, les moyens
qui sont consacrés à leur résorption sont infimes par rapport aux besoins.
Sur ces deux sujets - risques naturels et décharges industrielles abandonnées
ou non - y a-t-il des perspectives réelles de changement d'échelle dans
l'intervention du ministère ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
J'exprimerai deux désaccords et une interrogation.
Désaccord avec vous, monsieur Richert, sur votre diagnostic - sinistre -
concernant la politique de l'eau. Nous ne sommes pas en train de réduire les
recettes, d'augmenter les dépenses et de se préparer à un déséquilibre. Loin de
là !
M. Jacques Oudin.
Mais si !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je vous
l'ai dit tout à l'heure, nous avons demandé aux agences de préparer un huitième
programme d'intervention au même niveau que le septième programme.
M. Jacques Oudin.
Vous leur prenez l'argent !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Nous avons
tout simplement demandé que chaque usager contribue en fonction de sa
consommation et du caractère polluant de celle-ci. Le résultat devrait être un
moindre prélèvement sur les usagers domestiques et un prélèvement plus
important sur d'autres catégories d'usagers qui, aujourd'hui, ne contribuent
pas du tout.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Toujours les entreprises !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Ce ne sont
pas les entreprises que je vise ! Ne faites pas semblant de ne pas comprendre !
Les entreprises, elles, paient leur eau, et depuis longtemps !
Le vrai problème, c'est que les moyens qui sont affectés aujourd'hui à la
réparation des dégâts n'ont aucune mesure avec ceux qui sont distribués sans
contrôle depuis des décennies...
M. Jacques Oudin.
Sans contrôle ? C'est hyper contrôlé !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
... pour
financer des pratiques dont les conséquences sont dramatiques pour
l'environnement.
Monsieur Oudin, comparez les montants de certaines primes agricoles avec la
somme qui serait demandée en cas de mise en place d'une redevance sur les
prélèvements d'eau !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous aimez l'agriculture !
M. Jacques Oudin.
On ne peut pas dire des choses pareilles !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mon second
désaccord concerne les crédits affectés à la politique de la nature et des
paysages.
M. Richert relève une chute de 33 % des crédits. Je voudrais lui rappeler que
les crédits de la politique de la nature et des paysages ont connu de très
fortes progressions ces deux dernières années : 22 % en 1999 et 14 % en 2000.
Nous avons consolidé ces crédits en 2001 à ce haut niveau, soit 720 millions de
francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, en progression de 0,5 %
par rapport à 2000.
Mon interrogation concerne les sites pollués.
Vous l'aurez noté, l'ADEME dispose de quelques moyens pour permettre la prise
en charge de sites orphelins, sans commune mesure avec l'ampleur des
besoins.
M. Philippe Richert.
Très bien !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Nous
sommes en train de découvrir l'étendue des besoins. En effet, en 1997, arrivant
au ministère, j'ai lancé avec le bureau de recherches géologiques et minières,
le BRGM, un travail d'analyses exhaustives des sites qui pourraient avoir des
conséquences pour l'environnement. C'est un travail de bénédictin, qui nous
conduit à identifier chaque site, à dresser le diagnostic de chaque site, à
déterminer quels sont les sites qui méritent un traitement prioritaire.
La grande majorité de ces sites ne sont pas orphelins, monsieur Richert. Mais
certains d'entre eux le sont, et engendrent parfois des coûts de traitement
tout à fait extravagants.
Je vous ai cité la première tranche de travaux qui a été lancée sur le site de
Salsigne : plus de 200 millions de francs à la charge de l'Etat et 200 millions
de francs à la charge des collectivités locales pour une première tranche de
mise en sécurité de cette mine.
Face aux besoins, qui sont réels, est-il nécessaire de concevoir une politique
notamment pour responsabiliser les propriétaires de faux sites orphelins ? Je
ne crois pas que nous y parviendrons par une simple augmentation des crédits
actuellement affectés à l'ADEME. Vous savez très bien qu'il arrive que
certaines entreprises organisent la non-solvabilité de leurs filiales qui
apparaissent comme étant les propriétaires de ces sites. Elles incitent les
collectivités sans le sou à racheter ces sites en leur faisant miroiter des
possibilités de redéveloppement et de réindustrialisation. C'est à cela que
nous devons nous attaquer ? Ce n'est pas simplement un problème budgétaire.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Je veux réagir aux propos de Mme la ministre, qui méritent d'être rectifiés
sur un certain nombre de points.
Prenons la politique de l'eau telle qu'elle est en train d'être élaborée.
Il suffit de lire les documents dont nous disposons pour constater qu'il n'est
plus question d'augmenter les redevances ; en tout cas, il est clairement dit
qu'on veut une stabilisation. Mais, en même temps, on ampute les agences d'une
somme de 500 millions de francs que l'on affecte au FNSE.
Accessoirement, vous envisagez de taxer plus fortement les agriculteurs. Ça,
je l'ai bien compris...
Mais, madame la ministre, pour financer les actions à mener en amont, en
termes de sécurisation de l'alimentation en eau potable, ce sont des sommes
colossales qui sont nécessaires ! On ne pourra pas continuer longtemps à se
tourner vers les collectivités territoriales pour leur demander d'apporter le
complément. Certes, elles sont prêtes à jouer tout leur rôle - notamment les
conseils généraux, que vous avez eu dans le collimateur pendant de longs mois -
mais elles ne peuvent pas continuer à jouer les tiroirs-caisses !
Madame la ministre, j'avais, l'an dernier, relevé l'augmentation sensible des
crédits consacrés à la politique des sites et des paysages et je vous en avais
félicitée. Mais au travers des chiffres qui nous sont soumis, je constate une
importante diminution des crédits dans ce domaine, comme je constate une
diminution, même si elle est moins importante, des crédits alloués au fonds de
gestion des milieux naturels. Je lis les chiffres, je constate et je regrette
!
Enfin, et j'en arrive aux sites pollués, je garantis que les décharges,
qu'elles soient sauvages ou pas, industrielles ou pas, nous réservent de très
graves difficultés à venir. Il ne suffit pas simplement de faire des études ;
ce sont des sommes très importantes qu'il faut mobiliser d'urgence. Les moyens
dont dispose l'ADEME sont bien faibles au regard des besoins que nous pouvons
d'ores et déjà évaluer.
C'est la raison pour laquelle je vous pose la question : prévoyez-vous non pas
nécessairement cette année mais dans le futur, si vous restez au poste que vous
occupez, de mettre en place les moyens nécessaires pour répondre au problème de
façon efficace ?
M. le président.
Exceptionnellement, madame le ministre, voulez-vous répondre ?
Cela vous montre que le Sénat a un règlement souple !...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Et un bon président !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je vous
remercie, monsieur le président, de me donner la parole.
Monsieur Richert, c'est un dialogue de sourds !
Je ne vais pas vous répéter les chiffres de mon budget concernant les sites et
les paysages. Je ne vais pas vous répéter non plus les engagements pris à
l'égard des agences et la façon dont nous travaillons avec elles.
Mon travail n'est pas uniquement réparateur. Il ne s'agit pas uniquement pour
moi de compenser les conséquences des politiques dévastatrices menées depuis
des décennies !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Mon travail vise à changer les
règles du jeu en amont.
Concernant la politique de l'eau, mon problème c'est que l'on pollue moins.
M. Jacques Oudin.
La loi de 1992, ce n'est pas vous qui l'avez faite !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mon pari,
c'est d'arriver à changer les termes du problème.
Il s'agit, pour moi, qu'il y ait moins de rejets de substances polluantes dans
l'eau, et non pas nécessairement de chercher à « formater » des taxes, des
redevances, des prélèvements... pour essayer de les faire « coller » à
l'enveloppe supposée qui permettrait de réparer les dommages, parce ce n'est
pas ainsi que l'on s'en sortira.
On ne peut pas non plus s'en sortir en citant des chiffres invérifiables !
Voilà deux ans, vous m'avez très vivement interpellée sur le coût de la mise
en conformité avec la directive européenne concernant les taux de plomb dans
l'eau. A l'époque, on annonçait des sommes invraisemblables, de l'ordre de 130
milliards.
Or, les études montrent, comme il s'agit de travailler sur quinze ans, plus un
délai supplémentaire de quinze ans négociable avec la Commission, que l'on va
très bien s'en sortir au rythme actuel des travaux dans les habitations.
Les travaux rendus nécessaires correspondent à un surcoût de 1 % à 2 % du
volume des travaux dans l'habitat, soit une dépense tout à fait normale compte
tenu de la montée en puissanse des exigences des Français concernant leur
logement.
En l'occurrence, il ne s'agissait pas de 130 milliards de francs tout de
suite, mais de 30 milliards à 50 milliards de francs sur trente ans !
Avant de lancer des affirmations décourageantes, il faut « bosser », faire
des études, confronter les chiffres et les données, et je suis tout à fait
prête à travailler avec vous !
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Madame le ministre, je souhaite vous interroger aujourd'hui sur le budget des
réserves naturelles.
La part du budget des réserves provenant du ministère reste majoritaire et
elle est indispensable dans l'accomplissement des missions d'Etat dans ces
espaces protégés.
Nous avons vu que le budget de votre ministère pour 2001 est en forte
progression ; pourtant, la part des réserves naturelles n'est que purement et
simplement reconduite en investissements, pour un montant de 23 785 000 francs
et en diminution de 18,57 % en crédits de paiement. Les crédits de
fonctionnement, quant à eux, s'élèvent à 52 656 703 francs, soit une
augmentation de 1,3 % sur l'an passé.
Or, le budget de fonctionnement est consacré en grande partie aux salaires des
personnes qui assurent des missions de protection, d'études scientifiques, de
gestion écologique, d'animation et de pédagogie.
Les moyens supplémentaires ne permettront de couvrir qu'une partie de
l'évolution des coûts salariaux. Cela signifie que, dans toutes les réserves
naturelles, la charte du personnel, qui concerne plus de 400 équivalents temps
plein et prévoit des salaires minimaux suivant les catégories, ne pourra pas
être appliquée. Cette situation est extrêmement regrettable. Alors que la
grille salariale des agents des réserves naturelles est inférieure à celle des
agents des parcs nationaux de même catégorie, les agents des réserves
naturelles ont été exclus du projet de création d'un corps de l'environnement,
ce qu'ils ont amèrement ressenti.
Il semble, madame le ministre, si j'en crois les chiffres donnés par M. le
rapporteur spécial, qu'il vaut mieux postuler pour un emploi de fonctionnaire
dans l'administration centrale de votre ministère qu'être agent de terrain !
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Le travail sur le terrain, vous en
conviendrez avec moi, est pourtant capital en matière d'environnement.
Le formidable renforcement de votre administration a un coût : 102 millions de
francs pour la seule année 2001, sans parler de l'engagement que cela
représente pour l'avenir. Or une dotation supplémentaire en fonctionnement de
seulement 11,7 millions de francs permettrait un rattrapage sur trois ans des
niveaux de salaires, hors ancienneté, des agents entrés dans le réseau avant
1999.
Par ailleurs, pouvez-vous nous dire comment seront gérées les deux réserves
naturelles créées depuis le mois de décembre 1999 et les cinq qui seront créées
d'ici au mois de mars 2001 ? Je pense en particulier à la très grande réserve
de La Crau, dans les Bouches-du-Rhône, qui couvrira 7 500 hectares, et aux
importants problèmes de gestion qui sont à prévoir.
Les réserves seront-elles gérées, comme vous l'avez laissé entendre, en «
reventilant » les crédits au sein du ministère, quitte à accroître le peu de
sincérité des lignes budgétaires qui sont soumises au vote du Parlement, ou
bien en prélevant sur la dotation des réserves existantes, ce qui aggravera
encore leur situation ?
On peut raisonnablement avancer qu'un budget de fonctionnement de l'ordre de
3,4 millions de francs serait nécessaire pour doter les nouvelles réserves
d'une équipe minimale capable d'assurer la mission de service public confiée
par l'Etat.
En matière d'équipement, une dotation de 180 000 francs par réserve, soit
globalement un million de francs pour les six nouvelles réserves naturelles,
donnerait les moyens de faire respecter rapidement la réglementation,
d'afficher le rôle de l'Etat et de préparer la gestion de l'espace protégé.
J'ose espérer que les collectivités locales, qui consacrent déjà d'importants
crédits aux réserves naturelles, ne seront pas une fois encore appelées à se
substituer à l'Etat...
Madame le ministre, pouvez-vous nous dire quel choix vous allez faire pour
gérer et développer les réserves naturelles ? Elles mènent des actions
exemplaires en matière de développement local et d'aménagement du territoire,
dans le respect des objectifs initiaux de conservation du patrimoine naturel,
tout en sachant, pour les meilleures d'entre elles, mobiliser des ressources
auprès d'autres financeurs que l'Etat et dégager des recettes propres ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je vous
remercie, madame le sénateur, pour ce vigoureux plaidoyer en faveur des
réserves naturelles, qui sont des partenaires très dynamiques de la politique
que conduit le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement
dans le domaine de la nature et des paysages.
Au total, cinq nouvelles réserves en moyenne sont classées chaque année et
viennent conforter ce réseau. Les vingt-quatre projets qui sont en cours
d'instruction viendront s'ajouter, à terme, aux quarante-huit réserves
naturelles existantes, avec une superficie totale d'environ 547 000
hectares.
Le budget des réserves a enregistré, en 2000, une très forte progression, de
plus de 16 % tant en fonctionnement qu'en matière d'investissement. Cela
explique que nous ayons stabilisé à un haut niveau, avec une croissance de 1,4
% du budget de fonctionnement, le budget consacré aux réserves. Il doit
permettre qu'aucune réserve créée cette année ne soit laissée sans moyens.
Par ailleurs, nous disposons d'autres ressources. Je pense, bien sûr, à la
possibilité de mobiliser le fonds de gestion des milieux naturels sur les sites
Natura 2000, puisque les réserves naturelles couvrent à peu près 10 % de ces
sites.
Je pense aussi à la mobilisation de capacités d'autofinancement des
réserves.
Il convient toutefois de ne pas nuire à la vocation première des réserves, qui
est bien sûr la conservation. Des financements complémentaires des
collectivités locales peuvent également être recherchés ; je pense, par
exemple, au produit de la taxe départementale sur les espaces naturels
sensibles.
J'ajoute que nous avons largement répondu à l'interrogation des réserves
naturelles quant à la possibilité de revenir sur les règles qui avaient été
fixées, notamment sur le maximum de subvention de 80 %. Nous sommes en effet
convenus que, pour les réserves qui remplissent des missions d'intérêt général
sans disposer des ressources leur permettant de faire face à leurs obligations,
il pouvait être nécessaire d'aller au-delà de ce seuil. J'ai signé à cet effet,
avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, un décret
autorisant, pour ces réserves naturelles, à dépasser le seuil de 80 %.
J'insiste sur le fait que nous avons également consenti d'importants efforts
financiers en faveur des conservatoires régionaux d'espaces naturels, ce qui
permet de prolonger et d'amplifier l'action menée pour la protection d'espaces
naturels remarquables.
Je souligne encore le travail qui est accompli dans le cadre du programme
Natura 2000 pour permettre l'élaboration des documents d'objectif.
Je ne fais pas non plus l'impasse sur le plan national de reconquête des zones
humides.
S'agissant de l'emploi, j'ai cru, madame Heinis, que vous vouliez tuer M.
Adnot en évoquant l'atroce perspective d'une fonctionnarisation de l'ensemble
des agents des réserves naturelles ! Certains d'entre vous, ici, année après
année, se plaignent en effet de l'allourdissement bureaucratique du ministère
de l'environnement !
Madame le sénateur, si nous avons éprouvé des difficultés avec les agents des
réserves naturelles, c'est d'abord parce que leurs employeurs sont extrêmement
nombreux et variés, ce qui conduit à des conditions de salaires et de travail
très hétérogènes. Leurs employeurs, ce sont des associations, des collectivités
locales, des syndicats mixtes... et j'en passe.
Nous avons procédé à la fonctionnarisation des seuls agents de catégories B et
C des établissements publics administratifs, de ceux de l'Office national de la
chasse et de la faune sauvage, du Conseil supérieur de la pêche et des parcs
nationaux. A ce stade, nous n'envisageons pas de fonctionnariser les agents des
réserves naturelles, même si, j'en conviens, leurs métiers sont très proches de
ceux des agents des parcs nationaux.
J'ajoute que mon petit ministère ne risque pas l'enflure au niveau de
l'administration centrale. En effet, 431 des 700 emplois qui ont été acquis en
quatre exercices budgétaires ont été créés dans les services déconcentrés : 272
dans les DIREN, les directions régionales de l'environnement, et dans les
DRIRE, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de
l'environnement, 134 dans les services en charge de l'inspection des
installations classées et 25 dans les DSV. Il ne faut pas non plus oublier les
880 emplois créés dans les établissements publics, c'est-à-dire sur le terrain
et non pas dans l'administration.
Mme Anne Heinis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Si je vous ai interrogée sur les réserves naturelles et sur le personnel qui y
travaille, c'est parce qu'il en existe une à côté de chez moi, à laquelle nous
tenons tous beaucoup parce qu'elle est extrêmement intéressante.
Il ne faut pas mélanger, dans votre réponse - pardonnez-moi de vous le dire
-, le financement d'autres activités et d'autres personnels, qui a sans doute
quelque chose à voir avec l'environnement mais qui ne répond pas à la question
que j'ai posée.
Permettez-moi également de vous dire qu'il est trop facile de répondre : «
Vous voulez fonctionnariser des personnels alors que d'habitude vous êtes
contre. » Le problème ne se pose pas dans ces termes ! Comme j'ai déjà eu
l'occasion de le dire à propos de la sécurité maritime, c'est un problème de
choix budgétaires.
Dans certains domaines, nous avons besoin de quelques fonctionnaires
compétents et non pas d'une masse de gens qui ne sont pas nécessairement
compétents pour les fonctions qu'ils occupent...
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Ils le
sont tous !
Mme Anne Heinis.
... et qui ne sont généralement pas tout à fait des fonctionnaires. C'est donc
un problème de choix.
Il y a des domaines où l'on a besoin de fonctionnaires compétents, de
techniciens, et d'autres domaines où il peut être inutile de multiplier les
postes à tout va.
Souvent, le terrain, on n'y attache pas beaucoup d'importance. Pour ma part,
j'y attache une grande importance. C'est pourquoi je suis intervenue pour
défendre ces personnels directement sur le terrain.
M. le président.
La parole est à M. Rinchet.
M. Roger Rinchet.
Madame le ministre, avec la discussion de votre budget, nous inaugurons un
nouveau mode de débat. Sera-t-il pire ou meilleur que le mode classique ? A
nous de faire en sorte que ce système de questions-réponses nous permette de
mieux apprécier votre budget et votre politique.
Ardent défenseur de l'énergie solaire depuis près de deux décennies, je
voudrais vous poser deux questions concernant la lutte contre l'effet de serre,
que je considère comme un sujet parmi les plus sérieux et les plus urgents que
les habitants de cette planète aient à se poser et à tenter de résoudre au plus
vite.
Trop souvent, l'écologie a été et est encore le prétexte pour les citoyens des
pays nantis de protéger leur petit environnement personnel ou local, sans
réflexion globale, à moyen ou long terme, sur les problèmes de l'élimination
des déchets, de l'approvisionnement en eau potable, de l'épuisement des
énergies fossiles, de l'organisation des transports, du gaspillage de l'espace
naturel sur une planète qui verra sa population doubler d'ici à un
demi-siècle.
Plus que celui d'autres ministres, votre rôle doit être éminemment
pédagogique. Vous devez expliquer simplement et gravement ce qui nous attend,
ou plutôt ce qui attend nos petits-enfants, si nous ne prenons pas
collectivement conscience - que nous soyons riches ou pauvres, de droite ou de
gauche, que nous vivions en ville ou à la campagne, que nous soyons jeunes ou
anciens - de nos devoirs, souvent urgents, pour la survie de la planète
Terre.
C'est pourquoi, madame la ministre, je tiens à vous féliciter de la position
ferme et courageuse que vous avez tenue, voilà quelques jours, lors de la
conférence de La Haye, et je vous invite à dire en quelques mots aux Français,
par le truchement de ce débat au Sénat, pourquoi vous n'avez pas accepté de
passer sous les fourches caudines de certains Etats et pourquoi la conférence
de La Haye s'est soldée par un échec.
Pour prolonger ma première question, je vous en poserai une seconde, qui
concerne les réflexions que nous devons mener ensemble pour bien préparer la
France et l'Europe aux négociations prochaines qui continueront, à l'échelle du
monde, ce qui a été commencé à La Haye.
La conférence de La Haye a en effet été un échec, puisque les Etats
participants ne sont pas parvenus à un accord global ; mais ce n'est qu'un
échec provisoire. Tout le débat aura permis à chacun de commencer à comprendre
les positions de l'autre et de rechercher un début de consensus.
Quel que soit le résultat des prochaines conférences, à La Haye ou ailleurs,
nous devons tous réduire nos émissions de CO2 dans l'atmosphère, sans pour
autant en revenir à l'ère des lampes à huile et des diligences.
Certes, les techniques progressent, comme le prouvent les mises aux normes
2000 de nos usines d'incinération des ordures ménagères ou la protection accrue
des gisements phréatiques, nos usines de dépollution des eaux usées, la
réorganisation des modes de transport, en particulier du transfert des
personnes et des marchandises de la route vers le rail, les énormes
améliorations apportées à la construction de logements, pour ne citer que les
techniques les plus connues.
Mais nous ne réussirons pas si nous ne redonnons pas une plus grande
crédibilité aux énergies renouvelables et propres, souvent présentées par de
trop nombreux lobbies comme étant des gadgets sans avenir.
J'aurai peut-être l'occasion, dans les deux minutes qui me seront accordées
pour vous répondre, madame le ministre, de vous donner des exemples vécus dans
ma propre commune et prouvant mes affirmations.
J'en viens à ma seconde question.
Dans son allocution lors de la conférence préparatoire à la sixième session de
la convention sur les changements climatiques, le Premier ministre, Lionel
Jospin, a annoncé qu'il envisageait la mise en place, avant la fin de l'année,
d'un plan global d'économies d'énergie. Il vous a invitée, madame le ministre,
à lui présenter des propositions en ce sens. Il serait intéressant que vous
puissiez nous faire part de l'état d'avancement de votre réflexion à ce
sujet.
Enfin, pour conclure, je veux attirer votre attention sur les conséquences de
l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes aux consommations
intermédiaires d'énergie telle qu'elle est prévue à l'article 26 du projet de
loi de finances rectificative. Si elle est maintenue en l'état, elle serait
très pénalisante pour certaines entreprises. Je pense notamment, en ce qui
concerne mon département, à la production d'aluminium, qu'on ne sait pas
fabriquer autrement que par électrolyse et qui utilise, par ailleurs, une
énergie hydroélectrique et donc non polluante.
Tout en approuvant le principe de la TGAP, j'estime qu'il existe des marges de
manoeuvre à dégager pour que cette écotaxe ne devienne pas un frein à l'emploi.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, je voudrais tout d'abord vous remercier de vos encouragements
après la semaine de travail que nous avons eue à La Haye pour essayer d'obtenir
un accord international sur la mise en oeuvre du protocole de Kyoto.
A ce sujet, je précise que la position de la France a été ferme et unanime,
comme elle l'avait été ici même et à l'Assemblée nationale au moment du vote du
projet de loi autorisant la ratification par la France du protocole de
Kyoto.
Nous sommes le premier pays de l'Union européenne et de l'OCDE à nous être mis
en ordre de marche par rapport à cet accord de Kyoto.
Je peux donc compter sur votre soutien pour mener à bien les négociations, qui
se poursuivent, avec le souci d'aboutir dans les meilleurs délais, en tout état
de cause avant le 20 janvier, date sensible s'il en est aux Etats-Unis !
Je veux ajouter, monsieur le sénateur, que la France a pour obligation, dans
le cadre de la « bulle européenne », de stabiliser ses émissions de gaz à effet
de serre. Si le secteur de la production d'électricité, le secteur industriel,
le secteur agricole et le secteur du logement ne pous posent pas trop de
problèmes, en revanche, nous sommes préoccupés par l'explosion des émissions
dans le secteur des transports. J'ai eu l'occasion de vous le dire à plusieurs
reprises, nous avons à penser des stratégies de moyen et de long terme nous
permettant de respecter nos engagements.
Entre 1990 et 2000, nous avons réussi à stabiliser ces émissions sur un fond
de stagnation économique. Depuis le début de l'année dernière, la reprise de la
croissance économique s'est traduite par une rapide croissance des émissions,
notamment dans ces secteurs. Nous avons très probablement déjà dépassé de 2 % à
3 % nos engagements pour l'horizon 2010. Il nous faut donc absolument rectifier
le cap rapidement.
Dans ce contexte, je partage tout à fait votre analyse sur la crédibilité des
énergies renouvelables. Ce diagnostic est également européen, puisque la France
se mobilisera fortement, vous le savez, pour que soit adoptée, dans le cadre du
conseil « Energie », la directive européenne sur les énergies renouvelables.
En Allemagne et au Danemark, l'énergie éolienne est déjà considérée comme une
énergie productive et intéressante. Dans les pays du sud et du pourtour de la
Méditerranée, l'énergie solaire est tout à fait intéressante, notamment pour
les îles. Nous sommes d'ailleurs en train d'y travailler, notamment pour la
Corse, à laquelle nous aimerions proposer de devenir une sorte de vitrine des
énergies renouvelables pour la Méditerranée.
Je voudrais aussi pointer le gisement considérable des économies d'énergie.
L'énergie la moins chère, la moins polluante, la moins dangereuse, celle qui
émet le moins d'émission de gaz à effet de serre,...
M. Jean Chérioux.
... c'est le nucléaire !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Ecoutez-moi une seconde !
... c'est celle que l'on n'a pas consommée !
Dans mon ministère, un an de mobilisation a permis de réduire la facture
énergétique de 20 % et la facture d'eau de 50 %, cela sans aucun investissement
! Avant de développer des systèmes de production de l'électricité, essayons de
faire ce qui ne coûte rien, ce qui permet aux contribuables et aux usagers de
faire des économies, sans nuire au confort de ceux qui travaillent et vivent
dans les bâtiments concernés.
S'agissant de la TGAP, nous sommes évidemment très soucieux des entreprises
grandes consommatrices d'énergie soumises à la concurrence internationale.
C'est pourquoi nous avons prévu, pour ces entreprises, non seulement un
abattement massif, mais aussi des possibilités de contractualiser avec l'Etat
des accords permettant une réduction des consommations énergétiques.
Enfin, s'agissant de l'aluminium, nous sommes en train de travailler avec les
pays européens qui ont des problèmes analogues, afin que les installations se
dotent, de manière simultanée, des meilleures technologies disponibles en la
matière. Je ne suis pas spécialiste dans ce domaine, mais je crois que des
techniques d'anodisation de l'aluminium, développées par une grande entreprise
française, sont extrêmement convaincantes et permettent, là encore, de réduire
la facture dans des proportions importantes.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Roger Rinchet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Rinchet.
M. Roger Rinchet.
Madame le ministre, pour confirmer vos propos sur les énergies renouvelables
et pour prouver qu'il ne s'agit nullement d'un gadget, permettez-moi de prendre
l'exemple de ma commune de Montmélian, en Savoie.
Cette petite ville de 4 000 habitants, soit 1/15 000e de la population
française, a installé depuis bientôt vingt ans 700 mètres carrés de capteurs
solaires sur différents établissements publics : centre nautique, centre
sportif, hôpital, camping... Un mètre carré de capteurs évitant le rejet annuel
de 150 kilos de CO2, les installations de ma commune permettent une diminution
des rejets de CO2 de plus de 100 tonnes. Si, proportionnellement à sa
population, chaque commune de France faisait le même effort - effort modeste,
puisque nous pensons, dans les deux ans à venir, doubler notre surface de
capteurs, laquelle passerait ainsi à 1 500 mètres carrés - ce sont 15 000 fois
100 tonnes de CO2, soit 1 500 000 tonnes de CO2 qui seraient économisées ! Cela
représente, je crois, le dixième de l'effort que la France s'est engagée à
faire d'ici à 2010 pour respecter le protocole de Kyoto.
Si l'on applique le même raisonnement à la population française, cela
représente une économie de 6 milliards de kilowattheures chaque année - et je
ne parle que de l'énergie solaire.
Encore faut-il continuer à soutenir les investissements dans ce secteur, comme
on le fait pour d'autres sources d'énergie : les barrages hydroélectriques, les
centrales nucléaires... Tout a un coût !
M. le président.
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet.
Madame le ministre, je ne reviendrai pas sur votre budget, nos excellents
rapporteurs nous ayant fait ce matin la démonstration de ce qu'il valait ; je
rejoins parfaitement leurs conclusions.
J'aborderai deux sujets qui me tiennent particulièrement à coeur et qui
concernent Natura 2000 et la protection des zones humides. J'illustrerai mon
propos par deux exemples concrets.
La mise en oeuvre de Natura 2000 présente un certain nombre de
dysfonctionnements. J'en veux pour preuve ce qui vient de se passer dans mon
département.
Un élargissement du zonage ayant été demandé en urgence aux préfets et aux
directions régionales de l'environnement, trois nouveaux sites viennent donc
d'être retenus en Charente-Maritime. Il s'agit de trois anciennes carrières
souterraines servant de refuge à des colonies de chauves-souris, dont certaines
espèces seraient actuellement en voie de disparition au niveau européen. Le
conseil général de Charente-Maritime, dont je suis membre, doit d'ailleurs
donner son avis dans un délai de deux mois sur ce classement.
Au-delà de ces trois cas particuliers, nous nous sommes aperçus que ce type de
saisine soulevait des problèmes de fond.
Ainsi, les scientifiques qui sont venus étudier les espèces menacées n'ont
pris aucun contact avec les représentants politiques et socioprofessionnels
locaux.
De plus, les comités qui ont validé ces inventaires ne nous sont pas connus et
n'ont en leur sein aucun représentant des acteurs économiques de notre
département.
Enfin, personne ne peut nous préciser quels modes de gestion seront imposés
aux responsables locaux des futurs sites classés.
Quelles contraintes ces classements entraîneront-ils pour les communes
concernées, ne serait-ce que dans les domaines du développement futur des
infrastructures, de l'urbanisme et des activités économiques nouvelles ?
Autant de questions en suspens qui laissent les élus locaux et les acteurs
économiques de terrain dans le flou le plus total et appellent donc, madame le
ministre, des éclaircissements de votre part.
Ces problèmes sont d'importance, car, d'après la DIREN, une des conséquences
immédiates de la classification de ces sites serait la non-constructibilité des
terrains concernés en tout ou partie ; on comprend dès lors les légitimes
inquiétudes que peut susciter un tel classement !
Il s'agit là d'une atteinte au droit de propriété. Or ce droit ne relève
normalement que du domaine de la loi et ne peut être appliqué localement que
par le biais d'enquêtes d'utilité publique.
Je ne peux donc que regretter et constater l'absence totale de concertation
dans l'instruction de ces dossiers. Il serait bon qu'à l'avenir une meilleure
communication soit assurée entre les différents intervenants et que les élus
locaux soient pleinement associés à ce type d'opérations.
Aussi, madame le ministre, quelles instructions ont-elles été données aux
services déconcentrés pour répondre à cette attente ?
J'en viens à présent au développement du second point de cette intervention, à
savoir les dangers que courent certaines zones humides.
La Charente-Maritime est couverte par 100 000 hectares de marais, qui sont, à
l'heure actuelle, menacés par la prolifération de plantes exotiques : la jussie
et le myriophylle du Brésil. Au-delà de la Charente-Maritime, les départements
voisins de la Vendée et des Deux-Sèvres commencent à être touchés.
Ces plantes amphibies, qui ont une croissance extrêmement rapide, conduisent à
une perte de la biodiversité, avec une raréfaction de certaines espèces locales
de poissons et la disparition des réseaux hydrauliques. Tout l'écosystème est
ainsi menacé.
Face à ce péril qui menace l'équilibre écologique des marais de l'Ouest et les
activités économiques qui s'y rapportent, des travaux de grande ampleur sont à
prévoir.
Les moyens pour les éradiquer sont connus. Il faut combiner le traitement
chimique avec l'arrachage systématique de toutes les plantes. Ces travaux
devront être suivis pendant plusieurs années d'opérations de contrôle qui
pourront être assimilées à de l'entretien régulier.
Dans ce contexte, pouvez-vous m'indiquer où en est la recherche scientifique ?
De même, dans le cadre du futur projet de loi sur l'eau, est-il envisagé de
mettre en oeuvre une politique financière et logistique de protection des
espèces existantes et de traitement des espèces exotiques ?
Je vous remercie de bien vouloir me répondre sur ces deux points.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, quand il existe sur un site une espèce protégée, animale ou
végétale, le fait que ce site soit ou non « zoné » au titre du réseau Natura
2000 importe peu. La présence seule de l'espèce justifie que soient
éventuellement remis en cause des projets qui pourraient être incompatibles
avec le maintien de celle-ci.
Citons à titre d'exemple l'arrêt, depuis plusieurs années, du projet de
construction de l'A 28 en raison de la présence d'un scarabée, l'
osmoderma
eremita,
sur son itinéraire, et ce indépendamment de toute action du
ministère de l'environnement, qui, cette fois, ne plaide pas coupable...
(Sourires.)
M. Jean Chérioux.
Une fois n'est pas coutume !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Par
conséquent, le fait qu'une espèce, ou qu'un habitat justifie l'inscription de
tel ou tel site dans le réseau Natura 2000 constitue non pas une contrainte
supplémentaire mais, bien souvent, une opportunité et la perspective d'une
juste rémunération du service rendu à la collectivité. C'est ainsi en tout cas
que je l'entends. Je souhaite privilégier la démarche contractuelle, je l'ai
déjà dit à de multiples reprises, et je n'ai pas changé d'avis.
En ce qui concerne la phase de diagnostic scientifique qui nous est demandée
de façon très pressante par la Commission européenne, il me paraît assez normal
qu'elle soit conduite non pas par les élus ni par les acteurs économiques, mais
par ceux qui sont capables de dire si oui ou non l'espèce, ou l'habitat est
présent, à savoir les scientifiques du Muséum national d'histoire naturelle.
En revanche, une fois le site identifié, la mise en place d'un comité de
pilotage, d'un opérateur chargé d'élaborer un document d'objectif associant
l'ensemble des partenaires d'un territoire me paraît absolument
indispensable.
Je vous rappelle qu'un site Natura 2000 a été ouvert sur Internet ; il a été
présenté lors du Congrès des maires de France. Je crois qu'il a reçu un accueil
très favorable et je vous invite à vous y reporter si vous vous posez des
questions particulières. De même, si des difficultés apparaissent sur tel ou
tel site, ne tardez pas à prendre contact avec la DIREN pour régler le
problème.
J'en viens à la jussie du Mexique.
Son développement est actuellement observé dans tout le sud de la France, et
on peut qualifier le phénomène d'invasion biologique. L'extension constatée de
l'espèce ne permet pas d'envisager son éradication totale du territoire.
Toutefois, son impact sur les milieux colonisés peut être réduit par des
opérations localisées de contrôle, associant la lutte mécanique et la gestion
appropriée des plans d'eau. En effet, le maintien artificiel de niveaux d'eau
élevés toute l'année favorise l'extension de cette espèce. Des conseils
techniques peuvent être obtenus auprès des conservatoires botaniques nationaux
et auprès des agences de l'eau.
Des initiatives locales ont été lancées, notamment dans la région
Languedoc-Roussillon, avec l'aide de la DIREN.
Au niveau national, j'ai engagé des actions de soutien à la recherche
scientifique dans ce domaine. Plusieurs programmes expérimentaux seront lancés
prochainement. Un groupe de travail interministériel va engager une réflexion
sur les mesures réglementaires ou incitatives qui pourraient permettre de
prévenir les proliférations d'espèces exotiques sur le territoire national.
Je suis assez contente que vous ayez posé cette question, monsieur le
sénateur, parce que j'ai rarement l'occasion de parler de l'invasion de ces
espèces nuisibles. Chaque été, on peut lire des pages entières sur l'« algue
tueuse », alors que la malheureuse
caulerpa taxifolia
prolifère, certes,
dans des conditions qui nous inquiètent mais sans avoir jamais tué personne.
Il est de nombreuses espèces marines et terrestres qui nous préoccupent
beaucoup plus que la
caulerpa
: je pense aussi bien à la crépidule, qui
entre en compétition avec les coquilles Saint-Jacques dans les baies bretonnes,
qu'aux graminées qui génèrent des asthmes graves dans la vallée du Rhône. Sur
tous ces risques d'invasion, nous devons nous mobiliser.
En revanche, monsieur le sénateur, je n'ai jamais entendu parler de traitement
chimique contre la jussie du Mexique.
M. Michel Doublet.
Je demande la parole.
M. le président.
Monsieur Doublet, vous avez la parole sur la
caulerpa taxifolia,
qui
vient de l'aquarium de Monaco. Tous les requins n'étaient pas dans l'aquarium,
nous le savons maintenant !
(Sourires.)
M. Michel Doublet.
Madame la ministre, vous ne m'avez pas du tout rassuré concernant la
méthodologie de Natura 2000.
Parmi les zones que je vous ai citées, l'une concerne une ZAC en construction
dont le projet va certainement être gelé et l'autre l'extension d'un complexe
thermal. Or justement, à ce propos, c'est la méthodologie qui me gêne.
Lors des débats que nous avons eus et dans le rapport que nous avons élaboré,
il a largement été fait mention de consultations et de dialogues avec les élus
locaux.
En l'occurrence, nous sommes de nouveau devant une politique de fait accompli,
puisque l'on nous demande simplement de donner un avis, favorable ou
défavorable, une fois l'étude faite par les scientifiques.
Pour ce qui me concerne, cet avis sera défavorable, eu égard à l'intérêt
économique de ces zones.
S'agissant de la jussie, il faut prendre la dimension de la catastrophe.
Au-delà de la menace qui pèse sur l'écosystème des marais, des incidences
économiques sont à redouter. En effet, nos marais côtiers apportent de l'eau
douce dans les bassins ostréicoles, en particulier dans celui de
Marennes-Oléron, qui risque de voir cet apport très réduit, pour ne pas dire
interrompu.
Je souhaite donc que l'Etat apporte son soutien financier aux propriétaires de
marais, qui, du fait de la crise de l'ESB, sont dans l'incapacité de consacrer
des moyens à l'éradication de cette plante, dont la prolifération commence à
avoir des conséquences dramatiques.
M. le président.
La parole est à M. Bécot.
M. Michel Bécot.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en ma qualité
de président du conservatoire régional d'espaces naturels de Poitou-Charentes,
je tiens à évoquer le volet « protection de la nature, des sites et des
paysages ».
La France a la chance d'être encore riche de ses millieux naturels et de ses
paysages, mais leur préservation, notamment pour les plus exceptionnels d'entre
eux, nécessite des efforts conséquents de la part de la collectivité
nationale.
Nous savons que la préservation et la sauvegarde de ces espaces naturels ne
peuvent se faire qu'en concertation avec les acteurs du monde rural, avec ceux
et celles qui partagent ces espaces - agriculteurs, chasseurs, pêcheurs et
protecteurs de la nature - que ce soit pour y vivre ou pour y développer des
activités.
Madame la ministre, vous annonciez, lors de l'assemblée générale d'Espaces
naturels de France, qui s'est tenue à Vichy, le 27 octobre dernier, l'éminence
de la publication du décret portant sur l'agrément des conservatoires
régionaux.
A ce jour, le décret n'est toujours pas publié.
Il y a là, me semble-t-il, un manque de reconnaissance de l'Etat pour le
travail engagé et mis en oeuvre pour la protection des espaces naturels les
plus remarquables de notre pays.
Madame la ministre, êtes-vous aujourd'hui en mesure de nous annoncer une date
quant à la publication de ce décret ?
Vous avez également fait de la constitution du réseau Natura 2000 votre
priorité, mais la diminution du fonds de gestion des milieux naturels de 3,55 %
par rapport à 2000, alors même que l'élaboration des documents d'objectifs et
l'engagement réel des mesures de gestion entrent en vitesse de croisière,
constitue, à mes yeux, une contradiction.
Cette diminution budgétaire risque, en effet, de semer à nouveau le doute sur
une mesure que l'Etat a déjà mise en oeuvre dans des conditions bien
difficiles.
Enfin, il me semble important de renforcer les moyens alloués au conservatoire
de l'espace du littoral et des rivages lacustres.
Comment peut-on décemment appuyer une politique aussi majeure que celle de la
protection de notre littoral à l'échelle nationale avec une structure aussi
réduite en moyens humains, soit cinquante-trois salariés au total pour
l'ensemble de l'année 2001 ?
Un redéploiement du personnel ne serait-il pas nécessaire ?
L'obligation de délégation de gestion inscrite dans la loi a, certes, permis
de créer un dispositif original de partenariat avec les collectivités
territoriales ou les associations pour la gestion des terrains acquis par le
conservatoire du littoral. Mais c'est aussi un moyen de faire peser sur les
collectivités la charge budgétaire d'une politique pour laquelle les moyens de
l'Etat sont insuffisants.
J'aimerais avoir votre sentiment sur ces différents points, madame la
ministre.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, je vais être relativement brève dans ma réponse, ayant déjà eu
l'occasion, lors des précédentes questions, de détailler la forte progression
des crédits consacrés à la politique de la nature depuis 1997, crédits qui sont
passés entre la loi de finances de 1998 et celle de 2000 de 536 millions de
francs à 747 millions de francs, traduisant une évolution de 39,4 %.
La relative stabilité des crédits présentés dans le projet de loi pour 2001 ne
doit donc pas susciter d'inquiétude quant à la reconnaissance du caractère
prioritaire de cette politique. Nous avons bien stabilisé les crédits à un
niveau qui n'a jamais été aussi élevé.
Les conservatoires régionaux des espaces naturels constituent l'un des
partenaires naturels du ministère pour la mise en oeuvre de cette politique.
Ils bénéficient à ce titre du soutien tant financier que partenarial du
ministère.
Vous vous inquiétez de la mobilisation du ministère quant à l'élaboration du
projet de décret qui porte agrément des conservatoires régionaux des espaces
naturels. J'ai transmis ce texte pour consultation interministérielle selon les
procédures en vigueur. Il est donc prêt et sa parution devrait intervenir dans
les meilleurs délais.
Mais vous savez qu'il est très difficile d'en dire davantage parce que cette
consultation, qui devrait être de pure forme puisque le travail a été
interministériel d'emblée, peut durer plusieurs semaines. C'est là une des
traditions de l'administration française à laquelle, après trois ans et demi de
présence au Gouvernement, j'ai du mal à m'habituer. Je partage en tout cas
votre analyse quant à l'oeuvre accomplie par le conservatoire depuis vingt-cinq
ans.
J'en viens au Conservatoire du littoral, qui est maintenant propriétaire de
plus de 440 sites.
Avec 60 000 hectares et 810 kilomètres de rivages, sa mission de préservation
du littoral est unanimement reconnue et saluée.
Là encore, nous avons manifesté par des actes notre attachement à cet
établissement. Ses crédits ont progressé de 18,6 % en dépenses ordinaires et
autorisations de programme de 1998 à 2001, celles-ci comprenant une mesure
nouvelle de 20 millions de francs cette année, sans oublier les crédits
exceptionnels qui ont été votés dans le collectif de printemps pour permettre à
l'établissement de contribuer à la réparation des dommages dus aux tempêtes de
la fin de l'année dernière, comme le rappelait M. Dupont ce matin.
Je voudrais vous dire que le contexte a beaucoup évolué depuis 1975. La loi de
décentralisation de 1981, la loi « littoral » de 1986, la loi de 1996 sur les
cinquante pas géométriques, les textes communautaires ont entraîné des
changements dans le rôle et dans les moyens financiers du conservatoire, dans
ses priorités et dans ses manières d'agir. C'est pourquoi nous avons demandé à
Louis Le Pensec de lancer une réflexion et d'adresser des propositions au
Gouvernement afin de permettre au conservatoire de faire face à ses
responsabilités non seulement en matière d'acquisition de terrains, mais aussi
en matière d'aménagement, de réhabilitation du patrimoine, de gestion conforme
aux objectifs de protection définis, tout en assurant l'accès aux sites et la
protection des visiteurs.
Je souhaite donc renforcer encore le Conservatoire du littoral. Lors de la
visite des locaux de Rochefort que j'ai effectuée, j'ai eu l'occasion de le
dire de vive voix aux agents. J'accorderai aussi beaucoup d'importance à la
sécurisation des personnels, dont le statut est très précaire et la tâche très
lourde. Malgré les créations de postes qui ont été enregistrées depuis 1998,
nous devons encore faire un effort pour améliorer les conditions de travail de
ces personnels.
M. Michel Bécot.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bécot.
M. Michel Bécot.
Madame le ministre, c'est une question de choix.
En ma qualité d'élu local, j'aurais souhaité que soit accordée une plus grande
importance à la création d'emplois déconcentrés.
Des moyens sont nécessaires pour permettre à vos services déconcentrés non
seulement de traiter en temps et en heure l'ensemble des dossiers qui leur sont
confiés mais également de soutenir et de conseiller les élus, compte tenu de la
complexité croissante de la réglementation de l'environnement sur le plan tant
technique que juridique. C'est de cette façon, me semble-t-il, que
l'administration sera plus proche des citoyens et plus proche de leurs
préoccupations.
M. le président.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à
observer en préalable à mon propos que l'examen du budget du ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement nous permet d'expérimenter
une nouvelle procédure qui, bien sûr, nécessitera un temps d'adaptation.
Cette initiative, prise par la conférence des présidents, rendra certainement
nos débats plus synthétiques et plus vivants, une fois la période de « rodage »
écoulée. Elle traduit la volonté du Parlement de poursuivre la modernisation de
la vie politique initiée par le Gouvernement.
Nous sommes ainsi invités aujourd'hui à discuter du projet de budget de
l'environnement, dont les crédits sont en progression pour la quatrième année
consécutive, ce dont nous nous félicitons.
Il est vrai, madame la ministre, que la politique de l'environnement a subi,
pendant plusieurs années, une stagnation de ses crédits. Il est donc encore
nécessaire de poursuivre cette réorientation budgétaire que vous avez
opérée.
Bien entendu, l'accroissement des missions du ministère de l'environnement,
souhaité par le plus grand nombre, ne peut porter ses fruits que si sont
mobilisés, tant à Paris que sur le reste du territoire, les effectifs
nécessaires à leur accomplissement. C'est pourquoi nous nous félicitons, madame
le ministre, que votre projet de budget prévoie la création de 300 emplois,
correspondant à une progression de l'ordre de 10 %.
Ce projet de budget se distingue en ce qu'il privilégie les services
déconcentrés qui bénéficient de la création de 192 postes. Une telle
orientation ne peut que recevoir notre soutien.
Il convient, à cet égard, de rappeler le rôle essentiel des directions
régionales de l'environnement, les DIREN, notamment à l'égard des collectivités
locales. Les DIREN concourent à la prise en compte de l'environnement dans les
divers programmes d'aménagement et aux politiques de conservation des milieux
naturels en veillant à la protection de la nature, des sites et des paysages.
Elles constituent donc un interlocuteur privilégié des collectivités locales,
et cette mission est appelée à s'amplifier d'année en année, notamment en
raison du développement de la coopération intercommunale et de la mise en place
de pays, mais eu égard aussi à notre démarche à l'échelon européen.
S'agissant plus particulièrement de la protection de la nature, des sites et
des paysages, certains projets, en dépit de la compétence et de l'assiduité des
personnels des DIREN, sont de plus en plus retardés du fait de l'insuffisance
des effectifs. Il en est ainsi des procédures de classement des sites, qui
s'étalent parfois sur cinq ou six années.
La création d'emplois dans les DIREN répond donc à une nécessité et devra,
nous semble-t-il, être poursuivie au cours des prochains exercices budgétaires
compte tenu de la complexité et de la divesité des problèmes à traiter.
Par ailleurs, l'accroissement des effectifs des DIREN ne serait-il pas
l'occasion de redéfinir les modalités de leur intervention auprès des
collectivités locales, compte tenu de l'extension des compétences de ces
dernières, et aussi vis-à-vis des instances de Bruxelles ?
C'est pourquoi, madame la ministre, je vous prie de bien vouloir nous indiquer
si le renforcement des services déconcentrés, notamment des DIREN, implique un
élargissement de leurs objectifs et, le cas échéant, nous préciser les
nouvelles orientations que vous entendez donner à ces services.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Si vous me
le permettez, monsieur Vidal, j'utiliserai quelques secondes pour apporter un
complément de réponse à M. Bécot. En effet, il semblerait que nous ne nous
soyons pas compris.
Je n'ai pas repoussé l'idée de créer des postes au Conservatoire du littoral.
J'ai simplement souligné que les effectifs réduits du conservatoire étaient,
pour l'essentiel, liés au fait que cet établissement était chargé des
acquisitions de terrains et que, si la mission Le Pensec confirmait notre
intuition, à savoir qu'il faut élargir les missions du conservatoire afin de
lui permettre de gérer les sites et d'évaluer la qualité de la gestion de ces
sites, évidemment, nous serions amenés à créer des postes.
Cela dit, nous n'avons pas attendu le résultat de la mission Le Pensec pour
inscrire au budget les moyens qui permettront de créer sept postes
supplémentaires en 2001. C'est bien modeste, mais c'est en tout cas la
reconnaissance des besoins.
S'agissant, monsieur Vidal, du rôle et des effectifs des DIREN, je ne peux que
marquer mon accord sur le constat que vous venez de dresser quant à leur état
de sous-effectifs. Celui-ci est parfois responsable de délais dans
l'instruction de certaines procédures mais également de carences dans la
concertation. Mener à bien une concertation exige en effet du temps et beaucoup
d'énergie de la part des services.
Cette situation a d'ailleurs été attestée par un rapport du conseil général
des Ponts et Chaussées en 1998, puis par un rapport de la Cour des comptes en
1999. Tous deux ont mis en relief le manque criant d'effectifs et de crédits
dans les directions de l'environnement eu égard aux missions qui leur
incombent.
Je me suis attachée, depuis ma prise de fonctions, à rapprocher les moyens
attribués à mes services déconcentrés de ce qui leur est nécessaire pour
assumer les tâches qu'ils ont à accomplir. Je considère le renforcement des
moyens humains du ministère comme une priorité de mon action, dès lors qu'il
s'agit d'une condition préalable à la mise en oeuvre d'une politique efficace
de l'environnement.
Je vous rappelle que 431 postes ont été créés depuis 1998, dont 272 en DIREN,
134 en DRIRE et 25 en DSV. Les 134 postes créés dans les DRIRE sont justifiés
par le fait que nous avons d'énormes besoins en matière d'inspection des
installations classées.
Faut-il élargir les missions des DIREN ? Je le pense. Nous avons d'ailleurs
commencé à y réfléchir avec les DIREN elles-mêmes, en tenant compte de
l'évolution de la législation européenne, des attentes de nos concitoyens en
matière de qualité de leur environnement, ainsi que des événements climatiques
et maritimes récents qui ont contribué à accroître sensiblement la pression que
subissent ces directions régionales.
Une refonte du décret relatif aux missions des DIREN est en cours
d'élaboration, avec le souci de renforcer le caractère interdépartemental de
ces services au profit d'une meilleure administration de l'environnement. En
effet, je dispose bien des directions régionales de l'environnement, mais pas
des directions départementales de l'environnement. Une bonne coordination est
donc nécessaire entre ces services régionaux et ceux qui, sur le terrain, dans
les départements, pilotent la politique du ministère.
M. le président.
La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson.
Madame la ministre, mes questions concernent la politique de l'eau de votre
ministère, mais portent plus particulièrement sur l'assainissement.
Votre budget pour 2001 témoigne d'un effort certain en faveur de la politique
de l'eau. Les crédits sont en hausse de 5,6 %, à quoi s'ajoutent les 500
millions de francs du Fonds national de solidarité pour l'eau prélevés, vous le
savez mieux que quiconque, sur les agences de l'eau.
La qualité de l'eau dépend aussi d'un effort rationnel en faveur de
l'assainissement en milieu rural. Combien de nappes polluées, combien de
rivières fragilisées par l'absence de ce dispositif d'assainissement dans les
bourgs et les villages ? Ma préoccupation a précisément trait aux conditions
dans lesquelles sont conduits aujourd'hui en France les programmes
d'assainissement dans ces milieux ruraux.
Vous savez combien l'application de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992,
aujourd'hui incluse dans le code de l'environnement, y pose des problèmes. Tous
les maires seront tenus d'avoir en 2005 un assainissement rationnel et contrôlé
sur le territoire de leur commune, et ils seront responsables de ce
contrôle.
Ces dispositions concernant l'assainissement collectif ou individuel
s'imposeront à toute commune rurale, quelle que soit sa population, son mode de
développement et ses composantes sociologiques.
Chacun sait que l'assainissement collectif est particulièrement coûteux, et
son fonctionnement parfois difficile dans certaines configurations rurales.
L'assainissement individuel est alors unanimement préconisé, parce que son coût
est moins élevé - tout au moins en principe - et son exploitation théoriquement
plus simple. Mais, à l'expérience, on s'aperçoit vite que la mise en oeuvre
d'un programme de cet ordre est difficile lorsque l'initiative est laissée aux
seuls propriétaires privés.
En l'état actuel des textes, les aides diverses venant soit des collectivités
départementales ou régionales, soit des communautés, soit encore des agences de
l'eau, sont diversement mobilisables. Certains préfets encouragent un processus
d'interventions publiques. D'autres sont plus rigoureux dans l'interprétation
des textes. il y a manifestement, dans les faits, un risque de rupture du
principe d'égalité entre les usagers d'un même service public. Il en découle
que les raccordements aux réseaux collectifs des bourgs ruraux se font souvent
avec lenteur. Il s'ensuit que l'investissement consenti, toujours lourd pour de
petites communes, ne provoque aucun retour financier, car les systèmes
fonctionnent mal, faute d'abonnés.
S'agissant de l'assainissement individuel, l'expérience prouve également que
les particuliers sont, isolément, peu enclins à rénover leurs installations ou
bien qu'ils font n'importe quoi, et dans le désordre. De leur côté, les maires
ruraux ne sont guère tentés d'exercer un contrôle trop « personnalisé » : les
rapports personnels sont souvent, nous le savons tous, délicats dans les
communes rurales.
Les incitations financières prévues par certaines agences ne sont pas
globalement mobilisables parce que votre ministère interdit, me dit-on, le
transit de ces aides par le budget des communes. Actuellement, aucune opération
globale menée par le biais des communautés ou des syndicats de pays ne semble
ainsi juridiquement possible.
Certes, il existe la déclaration d'intérêt général prévue par l'article 31 de
la loi sur l'eau, mais cette disposition est d'application difficile dès lors
que cette déclaration doit couvrir un territoire important. Pourtant, de
nombreux syndicats de pays prévoient dans leurs objectifs une politique globale
en faveur de l'assainissement en milieu rural. Cette attitude est parfaitement
indiquée pour lutter contre la pollution des eaux des rivières et des nappes
souterraines. Elle devrait donc être encouragée. Or l'inadaptation des textes
rend sa mise en oeuvre particulièrement difficile.
Ma question est double, madame le ministre.
La direction de l'eau de votre ministère considère-t-elle que le développement
d'une politique d'assainissement en milieu rural dans les communes de
population inférieure à 3 500 habitants justifie l'ajustement de textes qui
n'ont pas été conçus pour réglementer des programmes conduits par des
structures intercommunales ?
Aujourd'hui, il y a manifestement inadéquation entre la volonté politique
affirmée au niveau national et des textes vieux de dix ou quinze ans, voire
davantage.
Par ailleurs, le fonds national de solidarité pour l'eau pourrait-il être
autorisé à financer des aides à l'assainissement autonome dès lors qu'une
politique d'ensemble serait préconisée, étudiée et conduite par des groupements
de communes, dans le cadre de programmes définis en commun ?
Croyez bien, madame la ministre, que de nombreux maires ruraux et de non moins
nombreux responsables des administrations seront attentifs aux réponses que
vous voudrez bien m'apporter, à l'occasion de ce débat particulièrement
ouvert.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Comme vous
le soulignez, monsieur le sénateur, l'assainissement non collectif, dès lors
qu'il est mis en place dans le respect des prescriptions techniques en vigueur
et de manière adaptée aux conditions locales, offre une solution intéressante
pour nombre de communes rurales et de zones d'habitat dispersé. Il permet
d'assurer à moindre coût un bon niveau de dépollution.
La loi sur l'eau de 1992 en a donc fait un mode d'assainissement à part
entière, en demandant aux communes d'entreprendre un zonage de leur territoire
définissant les zones d'assainissement collectif et les zones d'assainissement
non collectif.
Dans les zones d'assainissement collectif, c'est la commune ou la structure
intercommunale qui est compétente pour assurer la collecte et le traitement des
effluents.
Dans les zones d'assainissement non collectif, ce sont les particuliers qui
sont responsables de la réalisation ou de la réhabilitation des installations
d'assainissement ainsi que de leur entretien. La commune ou le syndicat
intercommunal n'est responsable que de leur contrôle. Ils peuvent cependant,
éventuellement, à la demande des particuliers, assurer également
l'entretien.
Les particuliers peuvent en théorie bénéficier d'aides des agences de l'eau
pour cet assainissement non collectif mais, en pratique, les agences ne pouvant
pas traiter avec des millions de particuliers, elles réservent leurs aides aux
opérations entreprises de manière coordonnée. Même dans ce cas, les aides ne
peuvent pas transiter par les communes ou les groupements de communes, puisque
la loi ne leur confère aucune compétence pour agir dans ce domaine.
Compte tenu des blocages que provoque cette situation, le projet de loi sur
l'eau, qui sera soumis au Parlement au cours de l'année 2001, prévoit d'étendre
la compétence des communes et des groupements de communes à la réhabilitation
des installations, cette compétence facultative s'exerçant, comme en ce qui
concerne l'entretien, dans le respect du libre choix du particulier ; je fais
ici référence au principe cher au Conseil d'Etat de la liberté du commerce et
de l'industrie.
Les collectivités qui choisiront d'exercer cette nouvelle compétence
facultative pourront être aidées par les agences de la même manière que pour
l'assainissement collectif. En revanche, le FNSE n'a vocation ni à se
substituer aux aides des agences ni à les « dupliquer ». Il ne subventionne pas
l'assainissement collectif et il n'aidera pas non plus l'assainissement non
collectif.
J'ai cité tout à l'heure les missions qui lui étaient confiées, et qui sont
considérables. Je tiens à respecter mon engagement de ne pas augmenter le
prélèvement sur les agences.
M. Paul Masson.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson.
Ma réponse sera claire : je suis déçu, madame la ministre !
En effet, vous m'avez lu la réponse à des questions posées par un certain
nombre de parlementaires qui a été émise par votre administration, ou celle du
ministère de l'intérieur. J'attendais autre chose : une réflexion ou une
ouverture. S'il s'agit de la loi actuelle et des arrêts du Conseil d'Etat, je
les connais aussi, et ils sont particulièrement décevants.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
C'est la
loi !
M. Paul Masson.
La loi est faite pour être modifiée !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Il faut
donc changer la loi ?
M. Paul Masson.
Nous sommes là, vous comme nous, madame la ministre, pour faire des
propositions ! Si nous ne modifions pas les règles pour les adapter à
l'évolution de la situation - car c'est bien d'une adaptation à d'autres temps
et à d'autres besoins qu'il s'agit - ce sont elles qui nous enfermeront !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je viens
de vous annoncer un projet de loi !
M. Paul Masson.
Vous m'avez dit que ce n'était pas possible !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, je viens de vous dire que le projet de loi sur l'eau que je
prépare et qui vous sera présenté au cours de l'année 2001 prévoit de façon
explicite une modification de la règle !
M. Philippe Adnot,
raporteur spécial.
Ce ne sera pas nécessairement un progrès !
M. Paul Masson.
Je vous remercie de cette précision. Mais la future loi sur l'eau n'est pas
encore votée !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Vous
n'allez pas me reprocher de l'avoir préparée !
M. le président.
Mes chers collègues, nous en avons fini avec les questions.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je souhaite remercier Mme le
ministre d'avoir accepté de se prêter à cette procédure expérimentale, qui va
dans le sens de la rénovation de la discussion budgétaire et qui permet de
donner plus d'interactivité à nos débats.
Je tiens à associer à ces remerciements les collègues qui ont participé à ce
débat, ainsi que la présidence, qui a permis, par la souplesse dont elle a fait
preuve, que l'ensemble des questions puissent être posées, dans le respect du
temps de parole qui était imparti aux uns et aux autres.
Je pense que nous sommes sur le bon chemin, monsieur le président, pour
arriver à une discussion budgétaire rénovée et intéressante.
(Applaudissements.)
M. le président.
M. Lambert a raison !
L'année dernière, le Gouvernement, par votre voix, madame le ministre, s'était
exprimé pendant quarante-cinq minutes pour répondre à la Haute Assemblée. Cette
année, son temps de parole a atteint soixante-deux minutes ! Le Gouvernement a
donc encore plus de possibilités d'expression avec ce nouveau système.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C et concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : II. -
Environnement.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 222 887 566 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 1 394 970 012 francs. »
M. Adrien Gouteyron.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Après les propos qui ont été tenus par M. le président de la commission des
finances, j'ai quelque scrupule à prendre la parole maintenant. Je pense
toutefois ne pas faire dévier le débat des principes sur lesquels il repose
dorénavant en m'exprimant sur le titre IV. Je vais m'efforcer de ne pas
dépasser les cinq minutes qui me sont imparties.
Madame la ministre, vous nous présentez un projet de budget qui, si on
n'examine pas attentivement les chiffres, continue d'exprimer une volonté forte
du Gouvernement de faire apparaître l'environnement comme l'une de ses
priorités. Si l'on y regarde d'un peu plus près, on s'aperçoit que ce n'est pas
tout à fait le cas. Je ne reprendrai pas ce qu'ont dit mes collègues, en
particulier M. le rapporteur spécial de la commission des finances et M. le
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, mais je tiens à
relever ce fait.
La présentation du projet de budget, optiquement satisfaisante, n'en est pas
pour autant, dans la réalité, aussi convaincante que nous l'aurions espéré.
Je souhaite moi aussi revenir sur les crédits de l'ADEME, parce que cela me
semble être un sujet suffisamment important et qui préoccupe vivement les
collectivités locales.
Les crédits de paiement connaissent une baisse drastique : ils passent, on le
sait, de 1,7 milliard de francs à moins de 500 millions de francs - très
exactement 492 millions de francs - dans le projet de budget que vous nous
présentez. A l'évidence, c'est un signal négatif qui est adressé aux
collectivités locales.
Je rappelle que l'ensemble des dossiers avaient déjà été gelés en janvier
1999.
Je rappelle également la baisse des subventions relatives aux installations de
collecte, de tri ou aux « compostières ».
Pour nombre de communes et de syndicats intercommunaux, ce signal négatif aura
pour conséquence de reporter des investissements nécessaires, qui avaient
pourtant été votés.
De 1993 à 1998, l'ADEME a inscrit 2 milliards de francs pour 16 milliards de
francs au total d'investissements programmés par les collectivités et les
industriels au cours de cette période. Au terme d'une enquête menée en 1998
pour identifier l'ensemble des projets à réaliser, il est apparu que le montant
des investissements programmés par ces mêmes industriels et collectivités
locales pour la période 1999-2001 atteignait 20 milliards de francs.
Or, si le régime d'aide en faveur de l'ADEME, qui a été établi en 1997 dans un
contexte de faible niveau d'investissements, était reconduit à l'identique, ce
sont 8 milliards de francs au total qui devraient être programmés afin de
soutenir l'ensemble des projets sur cette période.
Ce sont d'ores et déjà 2 milliards de francs que l'ADEME aurait dû attribuer
en 1999, alors que le montant total de sa dotation annuelle ne s'élevait qu'à
811 millions de francs.
Que se passe-t-il ? Eh bien l'ADEME impose aux collectivités un nouveau
régime, qui comporte une baisse des taux. Les taux étaient généralement de 50
%. On est maintenant dans une fourchette comprise entre 20 % et 30 %, et les
plafonds de dépenses subventionnables sont aussi minorés.
Pour les déchetteries - je prendrai l'exemple concret de l'agglomération du
Puy - la dépense excède 1,6 million de francs et la dépense subventionnable est
plafonnée à 1 million de francs. Ce sont donc les collectivités locales qui
sont mises à contribution : d'abord le conseil général, mais aussi, bien
évidemment, les collectivités de base que sont les communes.
Madame la ministre, je voulais mettre l'accent sur cette réalité que vivent
douloureusement les élus locaux et j'ai saisi l'occasion de cette explication
de vote sur les crédits du titre IV pour le faire.
Bien entendu, je ne voterai pas ces crédits.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Bien que
j'aie le sentiment d'une certaine redite...
(M. Gouteyron s'exclame.),
puisque nous avons cette conversation
rituellement chaque année depuis 1997, je précise, monsieur le sénateur, que,
lorsque je suis arrivée au ministère en juin 1997, j'ai trouvé une ADEME en
panne, à l'équipe exsangue, à la trésorerie énorme. Pour relancer l'activité de
l'ADEME, non seulement nous avons procédé au changement de l'équipe de
direction, mais nous avons également demandé à cette équipe d'élaborer un
projet pour l'établissement qui permet de mobiliser les personnels autour de la
mise en oeuvre des grandes priorités de l'agence, notamment satisfaire aux
exigences du rendez-vous de 2002 pour ce qui concerne la politique des
déchets.
Nous avons engagé une politique systématique de révision et de refonte des
plans départementaux de traitement des ordures ménagères, là où ils n'étaient
pas satisfaisants. Nous avons augmenté les taux d'intervention de l'ADEME pour
permettre non pas tant de consommer la trésorerie - la tâche était énorme ! -
mais de donner un coup de fouet à cette politique de traitement des ordures
ménagères.
Cette stratégie a été satisfaisante : l'ADEME a redémarré. Elle a été
confrontée non pas à un manque de trésorerie - elle dispose depuis des années
d'une trésorerie énorme, je le repète - mais à un défaut d'autorisations de
programme. Ce sont des autorisations de programme que nous avons dû négocier
avec le budget l'année dernière, dans l'urgence, et non pas des crédits de
paiement, que nous avons toujours obtenus au-delà de nos espérances.
Au vu des reports disponibles à la fin de l'exercice 1999, qui était seul
connu avec certitude au moment de l'élaboration du projet de loi de finances
pour 2001 - ces reports s'établissaient à 3 648 millions de francs, sans qu'on
n'ait jamais eu à refuser le moindre paiement aux collectivités quand leurs
projets arrivaient à maturité -, nous avons décidé d'adapter le montant des
crédits de paiement pour 2001 aux besoins effectifs des établissements. Nous
avons décidé de normaliser la situation, pas d'amputer la marge de
fonctionnement de l'ADEME !
L'ADEME n'a pas imposé aux collectivités un nouveau régime drastique en
faisant passer ses subventions de 50 % à 20 % : elle a procédé à un aménagement
des barèmes, compte tenu du fait que nous avions baissé la TVA sur la collecte
et sur le tri, que nous avions révisé les barèmes des sociétés Eco-Emballages
et Adelphe et que nous avions revu les plans départementaux de traitement des
ordures ménagères avec le souci de réduire les coûts de traitement pour les
usagers.
Ainsi, l'adoption d'une stratégie plus fine pour le remplacement d'un
incinérateur surdimensionné s'est souvent traduit par un coût de traitement des
ordures revu très sérieusement à la baisse.
L'Association des maires de France a réalisé une étude qui montre qu'avec ces
nouveaux barèmes, certes inférieurs à ceux de 1998 mais toujours supérieurs à
ce qu'ils étaient en 1997, le coût de traitement des ordures à la tonne a
baissé depuis 1997, monsieur le sénateur.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole pour
explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
On peut être très satisfait des
nouvelles modalités de discussion budgétaire et porter un jugement négatif sur
les propositions budgétaires. C'est mon cas.
Madame le ministre, votre ministère pourrait porter un beau nom, celui de «
ministère pour les générations futures ». Lorsqu'on examine attentivement les
actions que mène le gouvernement auquel vous appartenez, on constate qu'il
consomme plus que les richesses qui sont créées et qu'il ne renvoie rien aux
générations futures, parce que les dépenses de fonctionnement augmentent et que
les dépenses d'investissement baissent.
Votre ministère est l'exemple même de l'échec du Gouvernement et, pour vous
encourager à nous proposer un projet de budget meilleur une autre fois, notre
devoir est de rejeter les crédits que vous nous soumettez.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je souhaite conforter brièvement les propos tenus par mon collègue Adrien
Gouteyron et par le président de la commission des finances à partir de
l'expérience que je vis en Picardie, notamment dans le département de l'Oise,
s'agissant du concours apporté par l'ADEME aux collectivités locales en matière
d'investissements publics.
Vous avez déclaré, madame le ministre, que le coût de l'incinération des
ordures ménagères avait baissé par rapport à 1997.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
C'est
exact !
M. Alain Vasselle.
Ce n'est pas ce que nous constatons dans nos régions ! Mon collègue Philippe
Marini pourrait souligner les contraintes réglementaires toujours plus
importantes auxquelles nous nous heurtons s'agissant de l'instruction des
dossiers par vos services et ceux du préfet, lesquelles viennent alourdir le
coût de l'investissement, pour des raisons que nous comprenons et que nous
pouvons partager.
Mais il ne faut surtout pas laisser croire aux Français, à l'occasion de
l'examen de ce projet de budget, que le coût global du traitement des ordures
ménagères tend à diminuer, alors que nous ne cessons de mener des actions de
sensibilisation et de nature pédagogique auprès des Français pour leur faire
comprendre que, malheureusement, ce coût ne cessera de croître au fil des
années.
C'est donc un trompe-l'oeil. Il ne traduit pas la réalité et c'est nous qui
devons au quotidien, sur le terrain, gérer la hausse du coût de ce service.
J'ajoute que ceux qui se réclament du parti auquel vous appartenez ont un
discours tout à fait contradictoire. Ainsi, dans mon département, je les
entends s'opposer à la construction d'usines d'incinération au motif que les
rejets de dioxine mettent en danger la santé des habitants, mais j'entends les
mêmes s'opposer à la formule, que vous suggérez, de centres d'enfouissement
technique. Pas de CET, pas d'incinération. Mais alors, comment allons-nous
traiter les ordures ménagères ?
La vérité, c'est qu'il n'existe pas de solution technique satisfaisante qui ne
soit pas douloureuse pour ceux qui auront à payer ce service.
Aujourd'hui, dans mon département, il en coûte près de 350 francs par habitant
et par an en collecte et traitement. Or, lorsque l'usine d'incinération sera
mise en place, il en coûtera entre 500 francs et 600 francs par habitant et par
an. Et ce prix sera encore très nettement inférieur à ce que paient les
Hollandais ou les Suédois, comme nous avons pu le constater lors d'un
déplacement en Suède, dans le cadre du groupe d'amitié que je préside. Nous
savons que nos partenaires européens pratiquent des prix beaucoup plus élevés
que ceux que nous connaissons en France. Je m'en réjouis, mais ce n'est pas une
raison pour faire croire à nos concitoyens que, demain, en matière de déchets,
on rasera gratis !
Je terminerai mon propos, madame la ministre, en vous demandant quelles
initiatives vous avez l'intention de prendre prochainement pour obtenir de la
part d'Eco-Emballages la révision du barème et le respect de l'engagement, pris
lors de sa création, de financer le surcoût généré par la mise en place de la
collecte sélective.
Je peux vous prouver chiffres en main que Eco-Emballages n'a pas respecté ses
engagements et qu'il est question non plus du tout de prendre en charge le
surcoût mais de partager les coûts. Lorsqu'on lui fait remarquer qu'il n'est
pas au rendez-vous et qu'il ne tient pas les engagements qu'il a pris,
Eco-Emballages répond, par la voix de son président-directeur général, que, de
toute façon, il est limité dans son action par les instructions qu'il reçoit du
ministère de l'environnement.
Autrement dit, il n'a pas les mains libres pour pratiquer le barème que nous
pourrions souhaiter afin d'alléger le coût des investissements et le coût du
service.
Il faudrait que, enfin, une véritable transparence et un langage de vérité
soient pratiqués dans les enceintes parlementaires pour que les Français
sachent réellement à quoi ils doivent s'en tenir en ce qui concerne le coût du
service.
C'est la raison pour laquelle, en ce qui me concerne, je ne voterai pas le
budget qui nous est présenté.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je
répondrai sereinement d'une phrase à M. Vasselle, dont je ne comprends pas la
véhémence : je lui conseille de relire au calme, tranquillement, mon
intervention précédente. Il y verra que j'ai évoqué l'enquête faite par
l'Association des maires de France qui a permis d'objectiver une baisse du coût
du traitement des ordures ménagères à la tonne et que je n'ai en aucun cas
évoqué le coût de l'incinération, dont je veux bien admettre avec lui qu'il va
plutôt aller en augmentant.
M. le président.
M. le ministre, c'est la façon naturelle de s'exprimer de M. Vasselle : elle
n'est jamais agressive, elle est nette !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle.
Merci, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 331 530 000 francs ;
« Crédits de paiement : 121 752 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 653 972 000 francs ;
« Crédits de paiement : 762 256 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'environnement.
4
CANDIDATURES
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques et du Plan m'a
fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle
présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses
dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des
transports.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
Avant d'entamer l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les affaires étrangères, nous allons interrompre nos travaux pendant
quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures
vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2001.
Affaires étrangères
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les affaires
étrangères (et aide au développement).
La parole est à M. Chaumont, rapporteur spécial.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères.
Au
printemps dernier, inquiets des menaces qui pesaient sur votre budget, monsieur
le ministre, le président de la commission des finances du Sénat, M. Alain
Lambert, le président de la commission des affaires étrangères M. Xavier de
Villepin, tous les représentants des Français établis hors de France et tous
les rapporteurs du budget des affaires étrangères ont fait connaître au
Président de la République, au Premier ministre et au ministre des finances
leur volonté qu'il soit mis fin à l'érosion de ce budget afin que celui-ci soit
digne de la politique étrangère de la France.
Cette démarche, monsieur le ministre, était aussi une marque d'estime à votre
égard en même temps que la reconnaissance de l'ampleur des efforts accomplis
par votre administration pour améliorer la gestion et le financement de votre
grande maison.
Cette démarche aurait pu porter ses fruits si le ministère des finances ne
s'était pas contenté d'inscrire en loi de finances initiale les crédits qu'il
aurait fini par inscrire en cours d'exercice. Par conséquent, vous ne
disposerez, monsieur le ministre, non pas de moyens supplémentaires mais sans
doute de moyens moindres. Je m'explique.
Les crédits proposés pour 2001 au titre du ministère des affaires étrangères
s'élèvent à 22 milliards de francs, ce qui représente 1,3 % du total du budget
général et 0,2 % du produit intérieur brut.
Ce montant de 22 milliards de francs marque une progression affichée de 5,3 %
par rapport au projet de budget pour 2000.
Apparemment très favorable, cette évolution recouvre, en réalité, une
gesticulation financière, une « emBercyfication », qui ne résiste pas à
l'analyse. Cette hausse ne correspond, en effet, qu'à une prise en compte
partielle de la hausse du dollar et à des mouvements divers de transferts.
Si le titre III progresse apparemment de 5,4 %, la prise en compte de
l'ajustement change-prix et l'effet des différents transferts conduisent à
évaluer à 0,4 % seulement en francs courants la progression des moyens, ce qui
équivaut, en réalité, à une diminution de 0,8 % en francs constants.
Si les crédits d'intervention du titre IV progressent de 9,6 %, cette forte
majoration est uniquement liée à celle des contributions obligatoires et
volontaires, pour lesquelles la France avait accumulé des retards et des
arriérés considérables, notamment en ce qui concerne les opérations de maintien
de la paix.
Si les moyens affectés aux actions de coopération sont globalement reconduits
en francs courants, cela correspond, là aussi, à une diminution en francs
constants.
Enfin, les opérations immobilières financées sur le titre V et les moyens
affectés au financement des projets de développement sur le titre VI diminuent
clairement en francs courants.
Monsieur le ministre, ces turpitudes variées m'amènent à vous poser une
question fondamentale. Au moment où une importante revue américaine vient de
définir notre politique étrangère comme le « védrinisme », j'aimerais savoir si
le « védrinisme » est compatible avec le « Ber-cynisme ».
(Sourires.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Que va dire l'Académie ?
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Mme Carrère d'Encausse n'est pas là pour répondre
!
Le cours du dollar, cette « contrainte » qui est propre au budget des affaires
étrangères, doit cesser d'être à chaque exercice budgétaire un élément d'«
arbitrage » qui « pollue » le débat. D'après les calculs que j'ai faits, on
peut estimer à 45 % la part de votre budget qui est sous l'influence du taux de
change.
Il faut préciser que le principe de la compensation en gestion n'est accepté
que pour les rémunérations des expatriés et pour les contributions
internationales obligatoires. En revanche, les dépenses de fonctionnement, les
salaires des recrutés locaux - qui représentent tout de même près de 6 000
personnes, soit 60 % du total de vos effectifs budgétaires - les dépenses
d'intervention en monnaie locale et l'essentiel des contributions
internationales doivent être financés, en cas d'évolution défavorable du
change-prix, par des économies sur les moyens de votre ministère. Autant dire
que si le dollar se maintenait au niveau actuel, c'est-à-dire à un niveau très
supérieur à 6,50 francs, retenu par Bercy, vous devriez restreindre encore vos
moyens en 2001.
J'ajoute que ces combats constants qui sont menés pour la réévaluation des
indemnités de résidence ou de mission finissent par occuper au-delà du
raisonnable le temps, l'énergie et les capacités de réflexion de nos chefs de
poste.
Ma deuxième remarque porte sur le réajustement nécessaire, me semble-t-il, des
contributions multilatérales.
Votre budget comporte, en effet, une importante majoration de crédits - 868
millions de francs - en faveur des contributions multilatérales.
L'essentiel de cet effort - 723 millions de francs - est consacré aux
institutions spécialisées des Nations unies, et en particulier aux opérations
de maintien de la paix. Toutefois, ce mouvement correspond à l'inscription en
loi de finances initiale des crédits qui sont normalement accordés en cours
d'année.
Or en 2000, il aura fallu abonder le chapitre concerné - et ce chiffre est
significatif - de 1 312 millions de francs pour tenir compte de la hausse du
dollar et des arriérés qui s'accumulaient. Par conséquent, aujourd'hui, rien ne
permet de supposer que le montant inscrit pour 2001 sera suffisant.
Vous avez consenti un petit effort pour les contributions volontaires : 15
millions de francs, contre un effort de 58 millions de francs en 1999 et de 29
millions de francs en 2000.
La faiblesse des contributions volontaires de la France continue d'être
dénoncée, d'ailleurs souvent avec une certaine mauvaise foi, par la communauté
internationale. Nous ne dépassons jamais le dixième, voire le quatorzième ou le
quinzième rang des pays donateurs pour les contributions volontaires. Les
divers entretiens que j'ai pu avoir à l'occasion de la 55e assemblée générale
des Nations unies ont été, à cet égard, délicats. Le Haut-Commissariat des
Nations unies pour les réfugiés, le HCR, souligne que la contribution française
ne suffit même pas à couvrir les salaires des Français qui y travaillent. Si
l'UNICEF se félicite de la générosité des Français, elle regrette que les dons
collectés auprès du public soient près de cinq fois supérieurs à la
contribution du gouvernement français.
Monsieur le ministre, il faudrait procéder à un réexamen d'ensemble des
contributions multilatérales versées par la France.
En effet, si, de 1999 à 2001, l'aide bilatérale a diminué de plus de 1,2
milliard de francs, l'aide multilatérale a progressé dans le même temps de près
de 4 milliards de francs.
Mais cette progression s'est faite uniquement au profit de l'aide
communautaire, c'est-à-dire de Bruxelles, pour laquelle le « prélèvement » est
passé à près de 8 milliards de francs, et au profit d'une kyrielle de fonds et
banques de développement gérés par le ministère de l'économie et des finances,
pour un montant de près de 3,5 milliards de francs.
Mes chers collègues, ni l'aide européenne, ni ces fonds et banques de
développement divers, ni la facilité d'ajustement structurel du Fonds monétaire
international n'ont fait la preuve de leur efficacité, sinon cela se saurait.
Ils ont plutôt prouvé leur inefficacité. La « lisibilité » de l'effort français
n'apparaît plus dans ces actions.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
M. Charasse y reviendra dans son rapport,
l'importance du prélèvement communautaire au titre de l'aide européenne, à
savoir 8 milliards de francs en 2001, mérite une réflexion. En effet, est-il
acceptable qu'il existe aujourd'hui un reliquat non utilisé de près de 65
milliards de francs sur le Fonds européen de développement, soit plus de deux
fois le montant annuel de l'aide publique française au développement ?
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ces casques à boulons ne sont bons à rien !
(Sourires.)
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Je me bornerai maintenant à quelques réflexions, en
premier lieu sur la direction générale de la coopération internationale et du
développement, la DGCID. Il est beaucoup trop tôt pour dresser le bilan de la
réforme. On peut cependant se demander s'il n'aurait pas été préférable de
créer, une bonne fois pour toutes, une véritable agence de développement. Mais
il est clair que l'Agence française de développement, l'AFD, qui est le bras
séculier du Trésor, devient l'opérateur « pivot » de notre politique d'aide au
développement et dépouille, lentement mais sûrement, le département de ses
possibilités d'action dans ce domaine.
D'ailleurs, la répartition de l'enveloppe allouée à la DGCID va dans ce sens.
En effet, la priorité demeure la coopération culturelle et linguistique, qui
dispose de la moitié de l'enveloppe, tandis que l'aide au développement peut
faire figure de « parent pauvre » avec moins du quart de l'enveloppe.
Une claire prééminence est accordée aux secteurs culturels classiques, mais
l'audiovisuel semble ne pas être prioritaire puisqu'il ne se voit attribuer que
15 % des moyens, 24 millions de francs seulement étant affectés à l'exportation
des programmes. Sur ce point précis, j'aimerais, monsieur le ministre,
connaître votre point de vue et vos intentions en ce qui concerne la situation
de TV 5 au Canada et aux Etats-Unis. Etes-vous partisan d'une indépendance
totale de la chaîne, en laissant les Canadiens livrés à leur sort, ou
préférez-vous que l'on renégocie avec nos partenaires canadiens une autre
solution ?
Nos collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France sont
très sensibles, vous le savez, monsieur le ministre, au fait qu'une part
importante du réseau de l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à
l'étranger, connaît actuellement une agitation profonde, et d'une ampleur sans
précédent. Les enseignants et les parents d'élèves contestent le plan de
réforme du 14 juin 2000, qui prévoit la suppression de 600 postes d'expatriés
en six ans, un niveau insuffisant des rémunérations, la hausse des droits
d'écolage et la diminution du nombre de bourses.
En réalité, je me demande s'il ne serait pas raisonnable de considérer que la
mission confiée à l'AEFE, la scolarisation des enfants français à l'étranger,
doit être assurée conjointement avec le ministère de l'éducation nationale,
certainement mieux armé, en tout cas, pour gérer les questions relatives aux
enseignants.
M. André Maman.
Très bien !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Monsieur le ministre, quelle est votre position sur
ce sujet et quelle est la position du ministère de l'éducation nationale, avec
lequel des discussions sont en cours ?
Comme les années précédentes, j'émets de vives réserves à l'égard des
conditions de sécurité d'un certain nombre d'établissements du réseau,
notamment le lycée de Varsovie - qui a fait l'objet d'une publicité dans la
presse - celui de Bangkok - qui a connu quelques travaux - ou celui de Damas,
et je ne parle pas de ceux dans lesquels la situation est encore plus
difficile. Quelle que soit la nature juridique du mode de gestion des
établissements, monsieur le ministre, il est clair qu'en cas de sinistre grave
la responsabilité qui sera retenue sera celle de l'Etat français, et c'est
votre ministère qui sera en première ligne.
En réalité, je ne suis pas convaincu par le mode de fonctionnement actuel de
l'AEFE. Il y a une trop grande diversité entre les établissements du réseau,
les législations qui leur sont applicables étant très différentes d'un pays à
l'autre. Aussi, je me demande s'il ne faudrait pas avoir un recours accru à la
gestion directe, ce qui nous permettrait de nous mettre en conformité avec le
préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel les enfants ont droit à
un égal accès à l'instruction, une instruction gratuite, laïque et
obligatoire.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
De nos jours, ce sont presque des gros mots !
(Sourires.)
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Ou bien, si l'on veut garder un système différent,
je pense qu'un recours accru à un système de fondation pourrait sans doute être
retenu. En tout cas, monsieur le ministre, vos explications sur l'avenir de
l'AEFE seront certainement suivies avec beaucoup d'attention.
Monsieur le ministre, je voudrais en conclusion, saluer les efforts que vous
avez faits pour obtenir, avec le concours actif du Parlement, une augmentation
de votre budget pour 2001, et pour ne pas être toujours, au sein du
Gouvernement, le « Petit Chose ».
Cet effort cependant reste à poursuivre, car les moyens réels qui ont été
consentis pour soutenir l'action extérieure de la France ne sont pas à la
hauteur des objectifs affichés, auxquels nous souscrivons. Par conséquent, nous
serons attentifs aux conditions d'exécution de votre budget, notamment à la
prise en compte de l'évolution du cours du dollar.
Je me suis appliqué à démontrer toutes les incertitudes qui pèsent sur ce
budget et les singeries « bercyniesques » qui le menacent, avec l'espoir que
nous serons entendus et que, comme le diraient les militaires, notre
dénonciation préemptive sera dissuasive.
(Exclamations.)
Parce que le pire n'est pas toujours sûr et parce qu'à la veille de la
Conférence intergouvernementale de Nice rejeter votre budget ne serait pas un
bon symbole, parce que nous apprécions votre compétence, monsieur le ministre,
la commission des finances propose au Sénat d'adopter votre budget, en espérant
que les errements actuels ne seront pas reproduits en 2002. Comme pourrait le
dire Woody Allen, vis-à-vis de Bercy, les sénateurs sont naïfs... mais pas
trop.
(Sourires et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'aide
publique française aux pays en développement et aux organismes multilatéraux
s'inscrit, en 2001, dans une tendance durablement orientée à la baisse, qui
caractérise, il est vrai, la quasi-totalité des grands pays donateurs ou
donneurs, comme on voudra, à l'exception notable du Royaume-Uni.
Depuis 1982, notre aide a clairement régressé, tant en montant absolu - moins
2 milliards de dollars - qu'en pourcentage du PIB - de près de 2 % à moins de
0,6 %. Cette chute est surtout considérable à partir de 1996. Aussi, monsieur
le ministre, vous n'êtes concerné qu'en partie par mes observations. Cette
baisse résulte certes, en grande partie, du retrait massif des capitaux privés
de ce secteur, mais elle recouvre également une sensible diminution de la seule
aide publique qui entre 1996 et 1998, a été réduite de près d'un tiers. Dans ce
domaine, la France est, parmi les pays de l'Organisation de coopération et de
développement économiques l'OCDE, l'un de ceux qui a le plus régressé.
L'aide publique française se caractérise, en outre, par un apport relativement
important et croissant aux pays à niveau élevé et à revenu intermédiaire - elle
leur consacre plus de la moitié du total de son aide - au détriment des pays
les moins avancés. Le niveau de revenu par habitant des principaux
bénéficiaires de l'aide française en 1999 est, à cet égard, assez révélateur.
Je vous renvoie, à ce sujet, à mon rapport écrit, si vous réussissez à le lire.
En effet, les tableaux sont de plus en plus illisibles compte tenu de
l'exiguïté des rapports. Peut-être pourriez-vous en faire la remarque, monsieur
le président. Il faudra bientôt une loupe pour lire ce qui est écrit, mais
c'est sans doute pour que nous ayons enfin des raisons de ne pas les lire !
(Sourires.)
En résumé, plus on est pauvre, moins on est aidé.
Parallèlement, la prééminence accordée à l'Afrique subsaharienne diminue
clairement - elle passe de 55 % du total de l'aide publique en 1988 à 48 % en
1998 - alors même que le « monopole » français y est aujourd'hui de plus en
plus vivement concurrencé. Ainsi, la Grande-Bretagne y consacre 46 % de son
aide, les Etats-Unis, 34 % et le Japon, qui n'est pourtant pas dans sa zone
d'influence, 18 %.
L'aide française est enfin caractérisée par le maintien absolu de la priorité
historique accordée à l'enseignement - soit 30 % du total de l'aide bilatérale
- alors que la France apparaît relativement peu présente, par rapport à ses
partenaires, dans les secteurs de la santé et du développement économique, à
savoir l'eau, l'assainissement, les transports, les télécommunications et
l'énergie.
De fait, la comparaison attentive des communiqués des deux seules réunions du
Comité interministériel de la coopération internationale et du développement,
le CICID, les 29 janvier 1999 et 27 juin 2000, me laisse un peu perplexe. Début
1999, la France entendait, selon le communiqué, maintenir des flux «
substantiels » d'aide publique au développement ; à la mi-2000, il ne
s'agissait plus que de maintenir des flux « importants ».
Certes, en 2001, l'effort français est optiquement marqué par une reprise
importante, comme M. Chaumont l'a souligné tout à l'heure. Il devrait s'élever,
en effet, à 32,5 milliards de francs, non compris l'aide apportée à nos
territoires d'outre-mer.
Mais cette progression importante de 3,5 milliards de francs en 2001, après
une diminution de 1,4 milliard de francs en 2000, résulte en réalité presque
uniquement de la progression de l'aide multilatérale - plus 3,2 milliards de
francs - tandis que l'aide bilatérale n'augmente que de 340 millions de
francs.
Or, ce nouveau renforcement de l'aide multilatérale se fait essentiellement au
profit d'un prélèvement communautaire - M. Jacques Chaumont en a parlé - qui ne
cesse de s'alourdir, échappant à tout contrôle, tant du législatif que de
l'exécutif, ainsi qu'au bénéfice de divers fonds et banques de développement
régionaux gérés directement, non par le ministère des affaires étrangères, mais
par celui de l'économie et des finances. En 2001, le total des contributions «
sous gestion Bercy » atteindra près de 5 milliards de francs, soit six fois le
montant des contributions aux institutions des Nations unies, grâce à une
progression globale d'un milliard de francs, bien supérieure à celle qui a été
obtenue par le ministère des affaires étrangères pour les contributions qu'il
gère directement.
Dans les deux cas, la lisibilité de l'action de la France est inexistante, et
l'efficacité des fonds mis en oeuvre est souvent aléatoire, sinon nulle, faute
précisément de mise en oeuvre.
Le poids croissant de la contribution française à l'aide au développement mise
en oeuvre au niveau communautaire doit être souligné. Il atteindra en effet
près de 8 milliards de francs en 2001, soit 24 % du total de l'aide publique
française aux Etats étrangers.
Or la lourdeur des procédures de décisions communautaires, au niveau tant des
engagements qu'à celui des décaissements, et le refus persistant du pouvoir
exécutif, depuis toujours, de prendre les choses en main
via
le Conseil
des ministres - malgré, monsieur Josselin, un excellent conseil tenu récemment
sous votre présidence, qui a tenté de faire le point sur cette gabegie
européenne - font qu'il existe aujourd'hui à Bruxelles un reliquat non utilisé
de près de 65 milliards de francs - 9,5 milliards d'euros - non dépensés sur le
Fonds européen de développement, le FED, soit plus de deux fois le montant
annuel global de l'aide française. Cela paraît absolument inadmissible.
Ceux d'entre vous, mes chers collègues, qui auront la curiosité d'examiner les
documents budgétaires constateront que, en France, les autorisations de
programme en stock s'élèvent à près de 50 milliards de francs, alors que les
crédits de paiement en stock se montent à près de 30 milliards de francs.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées.
Très bien !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Vous imaginez un peu ce qui nous arriverait aux
élections cantonales si nous gérions nos budgets comme cela ! Fort
heureusement, la Commission n'est pas soumise à réélection.
(Rires.)
Ceci expliquant sans doute cela !
De même, les quelque 4,2 milliards de francs affectés au programme MEDA I,
destiné à financer l'adaptation des pays sud-méditerranéens à la
mondialisation, ne sont, au terme de leur « durée de vie », mis en oeuvre qu'à
peine à hauteur du tiers de façon globale, voire pas du tout dans certains
pays.
Il paraît donc très regrettable, d'une part, que nous ne puissions pas
contrôler l'utilisation de ces fonds et, d'autre part, que la présidence
française n'ait pas suffisamment mis à profit son mandat pour remettre de
l'ordre dans ce dossier et faire respecter la volonté de l'Europe d'aider les
pays en développement.
Il y a une volonté politique de l'Europe. Ce n'est pas à la Commission
d'empêcher sa mise en oeuvre.
En tout état de cause, la décision du premier CICID de janvier 1999 de
privilégier la « subsidiarité » et, « dans les pays où l'action de la France
n'est pas prioritaire », de « choisir le canal de l'aide multilatérale, et
notamment communautaire », mérite sans doute d'être mieux mesurée à l'aune de
cette inefficacité européenne.
Au total, la part de l'aide publique au développement par le ministère des
affaires étrangères, après fusion, soit 9,2 milliards de francs, est à peine
supérieure à celle du ministère de l'économie et des finances - 8,2 milliards
de francs -, tandis qu'une dizaine d'autres ministères interviennent dans ce
secteur de façon croissante et souvent très autonome, sans qu'on dispose d'une
vision précise des instruments mis en oeuvre et de leurs objectifs, pour un
montant total de près de 2 milliards de francs. Il faut également prendre en
compte la multiplicité d'organismes publics divers - l'ORSTOM, le CIRAD,
l'INSERM, par exemple - qui interviennent dans ce secteur, eux aussi, de façon
autonome.
La commission des finances a décidé qu'à partir de cette année le rapporteur
spécial serait le rapporteur de l'aide publique au développement, et non plus
seulement celui des crédits de la coopération. Je n'ai pas eu le temps d'aller
voir en dehors des crédits du ministère des affaires étrangères. Mais si les
circonstances le permettent, je compte m'en occuper activement l'année
prochaine.
En tout cas, cela ne peut, en aucune façon, contribuer à la cohérence du
dispositif et de la politique suivie.
La mise en place du comité interministériel de la coopération internationale
au développement, qui se réunit une fois tous les dix-huit mois, constitue,
certes, une étape importante. Mais elle demeurera insuffisante tant qu'elle ne
sera pas systématiquement dupliquée au niveau des administrations centrales et
des services à l'étranger, sous l'autorité effective de nos ambassadeurs.
J'en viens maintenant à l'analyse des crédits d'aide publique au développement
spécifiquement gérés par le ministère des affaires étrangères. Je dois dire,
monsieur le président, que ma position n'a, à l'usage, hélas ! guère évolué.
Désormais effective, l'intégration de l'ancien ministère de la coopération au
sein du Quai d'Orsay s'est traduite, à mon sens, par une illisibilité accrue de
l'instrument « aide au développement » - et les hommes, monsieur le ministre,
ne sont pas en cause -, illisibilité qui ne parvient pas néanmoins à pleinement
masquer la diminution de cette aide.
Le projet de loi de finances pour 2001 se caractérise, en effet, par la
banalisation définitive de la composante « coopération technique et aide au
développement », qui devient l'un des trois « outils » de l'agrégat «
coopération internationale », au même rang que la « coopération culturelle et
scientifique » et l'« action audiovisuelle extérieure ».
A cette occasion, la coopération militaire a été sortie de l'agrégat «
coopération internationale » pour être intégrée dans l'« action diplomatique »,
avec des moyens nettement diminués et un champ d'intervention géographique
devenu illimité.
Les crédits d'intervention du titre IV enregistrent, pour leur part, hors
transferts francophonie, une baisse globale de 3 %, qui affecte, pour
l'essentiel, les intruments de la « coopération » traditionnelle.
Ainsi, les effectifs de l'assistance technique, dont vous aviez, vous-même,
monsieur le ministre délégué, estimé à juste titre l'année dernière qu'ils
avaient atteint l'« étiage », continuent de diminuer. Pourtant, vous l'avez
vous-même reconnu, cette spécificité du système français est considérée comme
un incontestable « avantage comparatif » par les autres bailleurs bilatéraux et
multilatéraux. Elle constitue enfin un élément concret de cette « présence
française à l'étranger » que vous vous évertuez à maintenir. Or ce choix de
poursuivre la réduction des coopérants, joint à une politique de gestion du
personnel qui aboutit à rigidifier à l'extrême le processus de recrutement et
de mobilité et se traduit aujourd'hui par l'existence de près de 300 postes
vacants, ne paraît vraiment pas de nature à conforter la place de la France à
l'étranger.
En réalité, l'impression retirée des différentes missions que j'ai menées sur
le terrain et dont vous avez toujours, messieurs les ministres, reçu les
conclusions m'amène à conclure que, au sein de l'aide au développement, l'outil
« projets de coopération » est progressivement supprimé et ses moyens
confondus, sinon transférés, avec ceux de la coopération culturelle et
linguistique, qui n'a pas nécessairement les mêmes objectifs.
Parallèlement, les crédits de subventions à « divers organismes concourant à
la coopération et au développement » progressent, confortant la prolifération
d'associations et d'organismes divers servant d'« opérateurs » souvent chers,
parfois « frimeurs » et fréquemment inefficaces.
(Sourires.)
On passe ainsi clairement d'une logique de « projets » à une logique de «
subventions ». L'efficacité, la cohérence et la lisibilité de l'action
française de coopération n'y gagnent pas nécessairement, pas plus d'ailleurs
que la garantie de bon usage des deniers publics.
L'observation que je fais sur les organisations non gouvernementales ayant été
modulée en commission des finances en ce qui concerne certaines ONG citées par
notre collègue Jacques Chaumont, je profite du fait que mon aimable ami
Jean-Louis Bianco, qui n'a que cela à la pensée, ne siège pas parmi nous pour
me montrer sévère.
(Rires.)
M. le président.
Il est déjà cumulard !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
A l'administration centrale, la mise en place de la
nouvelle direction générale de la coopération internationale au développement,
sorte de Léviathan administratif, ne s'est pas faite sans heurts ni critiques,
malgré les mérites éminents du premier directeur qui a été nommé, M.
Nicoullaud, qui s'est un peu tué à la tâche dans cette affaire.
Le jugement porté sur le bilan de cette direction, certes extrêmement récent,
reste mitigé. Les « ajustements » de structure et les nombreux changements de
titulaires de postes de responsabilité attestent de la nécessité de certains
réajustements.
Il me paraît en outre regrettable que l'intégration des personnels au sein du
ministère des affaires étrangères se soit accompagnée parallèlement d'une
réduction massive des personnels contractuels, qui constituaient pourtant une
spécificité précieuse et originale de la « coopération française ».
Pour terminer, l'avenir de cet instrument longtemps priviligié, voire «
emblématique », qu'est le fonds de solidarité prioritaire suscite les plus
grandes inquiétudes, qui vont bien au-delà de la réserve suscitée par les
modifications de procédure, réserve que vous connaissez bien, monsieur
Josselin, pour en avoir assez longuement entendu parler à l'Assemblée
nationale, cette année, et ici, l'année dernière. Mais j'espère que vous allez
faire à la représentation parlementaire des propositions dignes de sa fonction
de contrôle.
A cet égard, monsieur Josselin, je tiens à vous remercier de m'avoir fait
parvenir, conformément à votre engagement, la première liste des projets qui
seront bientôt soumis au comité de décision du fonds, liste que j'ai reçue ce
matin. J'ai seulement noté que le comité d'orientation n'avait pas encore été
mis en place, tant et si bien que ces projets se seront pas éclairés par
l'aimable bavardage auquel ce comité nous conviera lorsqu'il sera installé !
Certes, pour préserver la pluriannualité et le caractère contractuel des
projets mis en oeuvre sur ces crédits, l'inscription en titre VI est
inévitable. Mais, depuis qu'ont été transférées à l'Agence française de
développement les compétences d'investissement sur les secteurs santé et
éducation, la régularité budgétaire des projets présentés au FSP devient de
plus en plus fragile, en ce qu'ils correspondent de moins en moins à des
opérations ressortissant au titre VI et de plus en plus à des opérations
relevant du titre IV, il est vrai soumis à « portion congrue ».
Mais la méthode n'est pas bonne. Persister à vouloir inscrire des projets au
FSP, en diminuant souvent à due concurrence les crédits du titre IV, risque de
les faire tomber en fin de parcours sous le couperet du contrôle financier pour
non-conformité à l'ordonnance organique, ce qui est peut-être, après tout, la
forme d'euthanasie qu'attend tout un chacun. Pour éviter ce danger, il me
semble indispensable de « graver dans le marbre », ce qui n'a pas été fait
jusqu'à présent, la nature exacte des opérations susceptibles d'être financées
sur le FSP.
Je sais, monsieur le ministre, que vos services y réfléchissent, et je ne peux
que vous inciter à poursuivre la réflexion pour ne pas avoir d'ennuis avec le
contrôle financier.
J'ajoute que je suis préoccupé de constater les difficultés inhérentes à la
mise en place de projets dans les nouveaux pays de la ZSP, la zone de
solidarité prioritaire, en raison du manque de connaissance des procédures
idoines par les équipes en place. Ce serait l'occasion d'envoyer de Paris des
missions - enfin utiles ! - pour finaliser ces projets de façon plus
opérationnelle que par des aller et retour fastidieux de télégrammes
diplomatiques policés. Enfin, la durée excessive d'exécution des projets, très
supérieure souvent à la durée de vie politique des partenaires, me paraît
également un défaut à corriger.
Je suis aussi inquiet de voir se diluer notre « zone de solidarité prioritaire
», dont les moyens servent de plus en plus à la satisfaction d'autres besoins
sans cesse multipliés, alors même que le niveau global de notre aide diminue.
Il y a là une vraie incohérence qui risque de nous rendre rapidement
parfaitement incrédibles.
Définie par M. le Premier ministre, en février 1998, comme « la zone dans
laquelle l'aide au développement bilatérale doit être sélective et concentrée »
et où « la France peut disposer d'un effet significatif en termes économiques
ou politiques », la ZSP est censée comprendre « les pays les moins développés
en termes de revenu et n'ayant pas accès aux marchés des capitaux ». A ce
titre, les pays de la ZSP devraient notamment être les seuls à bénéficier des
interventions financées sur le FSP ou par l'intermédiaire de l'Agence française
de développement.
Or l'analyse de l'affectation des différents instruments de l'aide publique
française montre que ce principe de « concentration » n'est pas respecté.
Ainsi, le redéploiement des crédits de coopération militaire vers de nouveaux
partenaires, en particulier les pays d'Europe centrale, est clairement
engagé.
De même, si très peu de projets ont pu être mis en oeuvre au titre du FSP pour
les nouveaux partenaires de la zone de solidarité prioritaire - à peine 7 % de
l'enveloppe 2000 - il est apparu facile d'y inscrire un projet de 30 millions
de francs pour la mise en oeuvre du pacte de stabilité dans les Balkans. De
toute façon, le nouveau décret du 11 septembre 2000 prévoit désormais la
possibilité de financer, « à titre exceptionnel », des projets hors ZSP. Mais
qui sera juge, messieurs les ministres - vous sans doute, le ministère de
l'économie et des finances peut-être - du caractère « exceptionnel » des
interventions en cause et, en termes d'enveloppe budgétaire, jusqu'où ira-t-on
dans l'exception ? Au fond, les crédits de la ZSP ne vont-ils pas devenir
l'argent de poche du Gouvernement pour financer des petits coups ici, là ou
ailleurs ?
(Sourires.)
De même encore, la totalité des crédits d'aide budgétaire exceptionnelle sur
le titre VI ont été affectés à des pays hors zone de solidarité prioritaire.
Enfin, si l'Agence française de développement a réussi à mettre en oeuvre dès
1999 un volume important de projets en faveur des nouveaux pays de la zone de
solidarité prioritaire, elle a également financé des opérations au Kosovo et en
Albanie pour près de 40 millions de francs.
Au total, le décompte de l'aide accordée à la région des Balkans, qui ne
figure pas dans la zone de solidarité prioritaire, sur les deux exercices 1999
et 2000, à travers l'ensemble des instruments d'aide publique au développement,
s'élève, selon mes calculs faits sur un coin de table, par conséquent avec la
modestie qui doit les caractériser, à plus de 750 millions de francs.
Loin de moi et de la commission des finances, naturellement, l'idée de
critiquer la politique de la France dans les Balkans et les interventions que
notre pays y mène. Mais si nous le faisons sans le dire clairement, en plus sur
le dos de nos partenaires traditionnels, il me semble que nous risquons de
perdre sur tous les tableaux. Des moyens pour les Balkans, d'accord, mais pas
financés « sur la bête », qui est déjà un peu maigre !
Aucune décision politique, mes chers collègues, n'a de sens, si elle n'est pas
accompagnée des moyens budgétaires pour la financer.
En fait, notre aide au développement apparaît de plus en plus comme une caisse
au couvercle toujours ouvert pour puiser, au fil de la conjoncture, de quoi
intervenir ici ou là, pour briller un instant dans les instances
internationales et les scènes des grandes controverses mondiales - aujourd'hui,
les Balkans, mais demain qui ? - sans trop savoir qui on aide, qui on nourrit
et de qui on se fait parfois, sans le savoir, le complice.
Au total, le projet de budget pour 2001 conforte les inquiétudes de la
commission des finances, quant à la disparition qui paraît un peu programmée,
quoi qu'on en dise, des coopérants, du FAC, le fonds d'aide et de coopération,
et même d'une zone d'intervention privilégiée. L'aide publique française y
trouvera-t-elle, à terme, véritablement son compte ? Il y a longtemps que je me
pose la question, mais je m'aperçois, au fil des années qui passent, que je
suis de moins en moins seul à m'interroger en ce sens.
Cela étant, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme l'a indiqué
tout à l'heure notre collègue Jacques Chaumont, au terme de sa brillante
intervention, la commission des finances a estimé qu'il ne serait pas
convenable de ne pas proposer au Sénat, pour des raisons de responsabilité
tenant à la présence de la France dans le monde, d'adopter les crédits des
affaires étrangères.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi
que sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains
et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les affaires étrangères.
Monsieur le président,
messieurs les ministres, mes chers collègues, les deux excellents rapports que
viennent de présenter les éminents rapporteurs spéciaux de la commission des
finances me permettront de ne pas revenir sur des chiffres que chacun ici
connaît parfaitement, me bornant à souligner, au travers de deux ou trois
remarques, combien leurs réflexions vont dans le sens de celles de la
commission des affaires étrangères.
Tout d'abord, bien entendu, nous avons tous constaté que ce budget était un
budget en trompe-l'oeil, puisque les argumentations affichées ne prenaient en
compte que ce qui était globalement répercuté dans des lois de finances
rectificatives.
Au total, on ne peut que constater une confirmation de la stabilisation des
crédits enregistrés l'an passé, qui s'inscrivent, heureusement, après plusieurs
années de baisse, mais qui ne permettent pas au ministère des affaires
étrangères de faire face à tous ses besoins.
J'en viens aux trois remarques que je veux formuler.
La première concerne les personnels recrutés locaux. Nous avons observé que,
depuis le rapport Amiot de mars 1999, un « plan d'action pour la valorisation
et la modernisation de la gestion du recrutement local » a été adopté, en
novembre 1999, conduisant à la suppression nette de quatre-vingt-treize emplois
en 2000 et à la révision de quarante et une grilles de salaires et douze
régimes complémentaires dont bénéficient 25 % des 5 800 agents recrutés locaux
à l'étranger.
Ces éléments sont très positifs, mais ce plan souffre d'une faiblesse : son
volet financier. La dotation supplémentaire de 40 millions de francs accordée
en 1999 n'a pu être pérennisée en 2000 et 2001 que contre la non-prise en
compte, sauf cas exceptionnel, de l'effet change et la maîtrise des effectifs.
Résultat, sur le terrain, l'évolution est particulièrement lente et ses effets
se font encore peu sentir. Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous
prendre pour remédier à ces difficultés ?
Ensuite - c'est ma deuxième remarque - il me semble indispensable de souligner
la faiblesse des moyens d'intervention du ministère dans au moins deux domaines
: nos contributions volontaires, d'une part, au système des Nations unies,
d'autre part, au fonds d'urgence humanitaire.
Le niveau des contributions volontaires, avec 322 millions de francs, reste
inférieur à celui de 1997 et il est près de deux fois plus faible qu'en 1993.
Progressant de 15 millions de francs en 2001, il ne permet toujours pas à la
France, membre permanent du Conseil de sécurité et quatrième contributeur
obligatoire, de tenir partout le rang qui devrait être le sien dans les
nouveaux programmes et la réforme de l'ONU. Toutes contributions confondues,
nous sommes dépassés par le Royaume-Uni, l'Italie et les Pays-Bas. A titre
d'exemple, nous sommes le quinzième bailleur de fonds au Haut-Commissariat pour
les réfugiés, le HCR, qui est une des principales organisations. Monsieur le
ministre, peut-être peut-on voir là la raison de l'échec de la candidature
récente d'un compatriote éminent à la tête de cette organisation !
Je note, par ailleurs, que d'autres pays, qui souhaitent marginaliser l'action
de l'ONU, sont de plus gros contributeurs que nous.
Va-t-on parvenir à dégager les moyens indispensables à la cohérence de notre
politique et à l'influence de la France ?
En outre, la dotation initiale dévolue au fonds d'urgence humanitaire baissera
à nouveau en 2001, de telle sorte que, entre 1993 et 2001, de baisses en gels
de crédits, elle aura chuté de près de 60 %. Ainsi, sauf crise humanitaire de
très grande envergure, comme le Rwanda, le cyclone Mitch ou le Kosovo, les
moyens que la France consacre à son action humanitaire d'urgence sont toujours
moins importants, victimes de la faiblesse globale des crédits du ministère.
Le fonds d'urgence humanitaire souffre d'une sous-dotation structurelle. A
titre de comparaison, là encore, le Royaume-Uni, l'Allemagne ou l'Italie y
consacreront, pour leur part, entre 200 et 300 millions de francs. C'est dire,
messieurs les ministres, l'importance de l'effort budgétaire qu'il nous
faudrait consentir.
Enfin - c'est ma troisième remarque - nous constatons une diminution
substantielle, de près de 88 millions de francs, des crédits immobiliers du
ministère, malgré l'intégration qu'il faut d'ores et déjà remarquer des 59,5
millions de francs provenant du fonds de concours des droits de chancellerie.
Il est dommage, alors que diminuent les besoins de financement de notre
ambassade à Berlin, sujet dont nous avons parlé les années passées, que
l'occasion n'ait pas été saisie de réorienter nos investissements vers les
services des visas ou les lycées français, qui sont l'objet d'une demande
criante de la part de ceux que nous rencontrons lors de nos déplacements à
l'étranger.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial,
et Guy Penne,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Très bien
!
M. André Dulait,
rapporteur pour avis.
Je demeure également très attentif au fait que ces
crédits ne se trouvent pas phagocytés par de très grandes opérations dont on a
peine à maîtriser les coûts. Si j'approuve totalement la gestion qui a été
faite des crédits pour l'ambassade de Berlin, je regrette toutefois, monsieur
le ministre - c'est peut-être anecdotique, mais cela mérite d'être dit - que
près de 8 millions de francs - vous me confirmerez la somme - aient été
consacrés, à Berlin, aux espaces verts. Peut-être y avait-il là matière à
réorientation !
Mes chers collègues, vous aurez compris, à bien des égards, ce budget ne donne
pas satisfaction à votre commission des affaires étrangères.
Toutefois, par rapport à l'an passsé, le niveau des crédits est préservé, les
effectifs sont stabilisés, le ministère fera un nouvel effort de gestion des
crédits de fonctionnement, et des moyens seront dégagés en faveur des
contributions volontaires ou des personnels recrutés localement.
C'est pourquoi, malgré les très fortes réserves émises en son sein, après un
long débat, compte tenu également des avis émis par mes deux éminents collègues
qui m'ont précédé à la tribune, afin, en outre, de ne pas affaiblir encore
notre politique étrangère et l'action que vous menez, messieurs les ministres,
et dont nous nous félicitons tous, la commission des affaires étrangères
propose au Sénat d'adopter le présent budget.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Penne, rapporteur pour avis.
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les relations culturelles extérieures et la
francophonie.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers
collègues, les efforts consacrés à l'action culturelle extérieure par le
ministère des affaires étrangères témoignent de la constante volonté des
pouvoirs publics de renforcer cet aspect important de l'influence
internationale de la France.
Les priorités retenues de l'action culturelle s'inscrivent également dans le
projet de rationalisation de notre dispositif extérieur énoncé par M. Hubert
Védrine en 1998.
Notre action culturelle extérieure incombe, en ce qui concerne le ministère
des affaires étrangères, à la direction générale de la coopération
internationale et du développement, la DGCID, dont les crédits pour 2001
s'élèvent à 9,27 milliards de francs.
La poursuite du développement de l'audiovisuel extérieur, la promotion de nos
filières d'enseignement supérieur ainsi que la restructuration de notre réseau
d'établissements scolaires de l'étranger constituent les trois priorités de ce
projet de budget. La maîtrise des nouvelles technologies de l'information
permet de relayer dans le monde entier notre action culturelle extérieure. Le
rôle de l'opérateur TV 5, troisième chaîne mondiale, est ainsi essentiel ;
présente sur 38 canaux et reçue par plus de cent trente millions de foyers, la
chaîne francophone a réussi, sous l'impulsion du plan de reprise défini en 1998
par son président, M. Jean Stock, sa mutation.
Aussi, je ne peux que me féliciter de la dotation de dix millions de francs
supplémentaires pour 2001 dont bénéficiera notre opérateur télévisuel.
Cependant, cette évolution est encore inégale, comme le rappellent les
vicissitudes du développement de la chaîne en Amérique du Nord, qui
impliqueront, en avril prochain, la recomposition de notre partenariat avec nos
homologues canadiens, afin de proposer une grille de programmes renouvelée.
Parmi les autres opérateurs de notre action audiovisuelle extérieure, j'attire
votre attention, messieurs les ministres, sur la situation de Radio France
internationale, aujourd'hui confrontée à une situation financière difficile,
l'obligeant à restreindre son développement - je pense en particulier à la mise
en service d'un émetteur situé à Chypre et au développement de son site
Internet, faute d'une dotation adéquate.
J'en viens à présent à la promotion de nos filières d'enseignement
supérieur.
Messieurs les ministres, la formation des élites étrangères d'aujourd'hui
façonne le visage de la francophonie de demain. Il fallait enrayer la chute de
près de 17 % enregistrée en dix ans par les budgets consacrés aux bourses
d'enseignement supérieur, grâce, notamment, à la promotion internationale de
nos filières dans les domaines de haute technicité.
Deux acteurs contribuent aujourd'hui à ce nécessaire redressement : l'agence
EduFrance, d'une part, le programme Eiffel, d'autre part.
Associant les ministères des affaires étrangères, de l'éducation nationale, de
la culture et du commerce extérieur, avec cent trente-cinq établissements
d'enseignement supérieur, EduFrance a organisé l'accueil de près de trois cent
cinquante étudiants, et a ainsi procuré une recette de vingt-cinq millions de
francs.
La dotation de dix millions de francs octroyée par le présent budget est une
bonne chose et contribuera notamment à développer l'offre de séjours proposée
sur le réseau Internet. Toutefois, messieurs les ministres, pourriez-vous nous
indiquer quel sera le prochain statut de l'agence EduFrance, pour le moment
groupement d'intérêt public, mais limité dans le temps ?
En outre, le programme Eiffel permet d'accueillir des étudiants ressortissants
des pays émergents pour un séjour de longue durée dans nos filières à haute
technicité. A ce titre, je ne peux que me réjouir de l'inscription de quinze
millions de francs supplémentaires, qui permettront d'atteindre, à l'horizon
2001, un budget global de près de 100 millions de francs, et ainsi de
poursuivre ce programme de formation de la prochaine génération de
décideurs.
J'en viens, enfin, à mon troisième point : le devenir du réseau de l'agence
pour l'enseignement français à l'étranger, qui recevra cette année une
subvention de près de deux milliards de francs.
Je reviendrai messieurs les ministres, non pas, sur les difficultés
rencontrées par la gestion du parc immobilier de l'agence mais plutôt sur les
mouvements sociaux déjà évoqués par messieurs Chaumont et Dulait, qui ont
jusqu'à présent bouleversé le fonctionnement régulier de nos établissements
scolaires de l'étranger, qui accueillent près de 160 000 élèves, dont 67 000
Français.
Messieurs les ministres, le réseau est confronté à plusieurs types de
problèmes, le plus grave étant celui des recrutés locaux, souvent dans une
situation difficile de précarité et de rémunération. Des personnels titulaires
de certains établissements sont en grève, car ils estiment que les mesures
annoncées pour 2001 sont insuffisantes.
Les élèves et les parents d'élèves craignent des retards dans le déroulement
des programmes, car ils sont confrontés aux échéances académiques et redoutent
des grèves administratives qui les priveraient de résultats au moment où ils en
ont besoin pour les préinscriptions ou inscriptions dans les filières
universitaires.
Vous n'avez pas, messieurs les ministres, créé une mauvaise situation dans le
réseau ; force est de constater que vous en avez hérité. Mais, dix ans après
l'élaboration du statut de l'agence, il faut, ensemble, avec les représentants
des usagers et les parlementaires, redéfinir les missions de notre enseignement
et refondre les modalités de fonctionnement de l'agence. Pour atteindre ces
buts, la cotutelle avec l'éducation nationale, qui a pour vocation de se
préoccuper du domaine de l'enseignement en général, semble à beaucoup d'entre
nous une bonne idée.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très juste !
M. Guy Penne,
rapporteur pour avis.
La partagez-vous ? Dans le cas où votre réponse
serait affirmative, pourriez-vous nous faire le bilan des approches entre les
deux ministères ?
Aussi, en fonction de progrès réels et malgré certaines insuffisances
budgétaires sur lesquelles j'ai souhaité attirer votre attention, je vous
propose, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées, de voter le budget du ministère des
affaires étrangères pour 2001.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour l'aide au développement.
Monsieur le président,
messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne peux malheureusement que
redire ici les vives inquiétudes que la commission des affaires étrangères, de
la défense et des forces armées a exprimées à l'occasion de l'examen des
crédits consacrés à l'aide au développement. Nous souscrivons pleinement, à cet
égard, aux analyses que le rapporteur spécial, M. Michel Charasse, a présentées
au nom de la commission des finances.
Pour ma part, j'insisterai sur quatre sujets de préoccupation majeurs.
En premier lieu, l'effort que nous consacrons à l'aide publique au
développement s'est encore réduit entre 1999 et 2000, passant de 20,4 milliards
de francs à 18,9 milliards de francs, soit une nouvelle contraction de l'ordre
de 7,5 %.
L'aide publique française ne représente plus que 0,33 % du PIB, contre 0,39 %
en 1995. L'évolution des dotations prévue pour 2001, même s'il est parfois
difficile d'en prendre une juste mesure, compte tenu des changements de
nomenclature récurrents depuis trois ans, confirme malheureusement ces
tendances. Je ne peux que constater que la baisse des crédits coïncide avec la
mise en oeuvre de la réforme de la coopération et en contredit point par point
les objectifs. Les moyens financiers ont été réduits, alors même que le champ
de notre coopération s'est ouvert à soixante et un pays, au titre de la zone de
solidarité prioritaire, la ZSP. La mise en oeuvre de moyens diminués dans un
champ d'intervention géographique élargi conduit à la dispersion de notre
action et à l'affaiblissement de notre influence. Pouvez-vous nous indiquer,
messieurs les ministres, ce que vous envisagez de faire pour mieux accorder les
moyens financiers aux objectifs de la réforme ?
En deuxième lieu, la situation paraît d'autant plus paradoxale que nos
instruments d'aide au développement, dont les enveloppes sont progressivement
rognées, tendent à être mis au service de pays situés hors de la zone de
solidarité prioritaire. L'an passé, le fonds de solidarité prioritaire avait
ainsi financé des opérations au Kosovo. Cette année, c'est au tour de l'aide
budgétaire, pourtant destinée en priorité aux pays africains, d'être utilisée
pour financer des interventions en Macédoine.
Je ne veux pas me prononcer sur l'opportunité de ces opérations, mais j'estime
inadmissible qu'elles soient financées au détriment de pays de la ZSP. Si le
mot solidarité a un sens, il implique une priorité en termes d'aides
financières. Il est indispensable, aujourd'hui, de mettre fin aux dérives qui
affectent la cohérence même de notre politique de coopération.
En troisième lieu, nous courons aujourd'hui deux risques majeurs s'agissant de
l'aide technique.
D'une part, la diminution continue des effectifs pourrait entraîner un
amoindrissement de notre rôle sur le continent africain. Près du tiers des
postes auront été supprimés en quatre ans ! Vous nous aviez pourtant affirmé
l'an passé, monsieur Védrine, que nous étions parvenus à l'étiage et qu'il ne
pourrait plus y avoir de nouvelle diminution sans risquer de compromettre
gravement l'efficacité de notre action. Pouvez-vous nous dire s'il est dans les
intentions du Gouvernement de permettre de nouvelles suppressions de postes
?
D'autre part, le changement de nature de notre coopération représente
également un risque. Le projet de budget pour 2001 voit la suppression de
l'intitulé « assistance technique », remplacé par deux nouvelles rubriques : «
expertise de longue durée » et « missions d'experts de courte durée ». On peut
craindre que les missions courtes ne prennent progressivement une place
prépondérante au détriment des missions longues. Si une telle évolution devait
se confirmer, la coopération française perdrait l'un de ses principaux atouts,
que nous envient d'ailleurs la majorité des autres bailleurs de fonds. Seule
une présence prolongée sur le terrain confère l'expérience et la compétence
indispensables à l'efficacité de notre action. L'avenir de l'assistance
technique ne peut se décider à la faveur d'obscurs arbitrages budgétaires ; il
faut un grand débat public, auquel le Parlement prendra part. Pourriez-vous,
messieurs les ministres, nous donner des garanties quant au recours à ces «
expertises courtes » ?
En quatrième lieu, et j'en terminerai pas là, il faut aussi favoriser le
développement en encourageant les investissements dans la zone de solidarité
prioritaire, en particulier en Afrique. Il faut inciter nos compatriotes à
s'expatrier, et ce serait sans doute plus facile si les Français installés à
l'étranger bénéficiaient, de la part des pouvoirs publics français, d'un
minimum de garanties qui n'existent pas encore aujourd'hui.
Ainsi, quand nos compatriotes se trouvent ruinés à la suite d'événements
politiques dans lesquels ils n'ont aucune part de responsabilité, rien n'est
fait pour leur assurer des conditions d'indemnisation ou des aides comparables
à celles dont bénéficient à juste titre, en cas de circonstances
exceptionnelles, les Français restés sur notre territoire !
La question récurrente des pensions des retraités français n'est pas moins
invraisemblable et douloureuse. J'insiste pour que les futurs accords qui
seront conclus dans l'optique des opérations d'annulation de dettes bilatérales
comprennent des dispositions relatives à la remise en ordre des régimes
africains de caisses de retraite, afin de restaurer un paiement normal et
régulier des pensions dues à nos compatriotes. Pouvez-vous également, messieurs
les ministres, nous donner des assurances sur ce sujet ? Défendre les Français
en Afrique, c'est aussi, ne l'oublions pas, favoriser le développement de ce
continent.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues,
l'évolution des crédits d'aide au développement détermine la place que la
France accorde à l'Afrique. Or, à travers l'Afrique, c'est notre rayonnement
international qui est en jeu. Il convient donc de peser les conséquences, à mon
sens désastreuses pour notre influence dans le monde, de la réduction de notre
effort en faveur du développement. Une véritable prise de conscience de la
réalité de la situation, qui se dégrade d'année en année, est aujourdhui
indispensable si nous voulons conserver à la France le rang qui doit être le
sien dans le monde.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Très bien
!
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis.
Nous savons que tel est aussi votre objectif,
monsieur Védrine. C'est pourquoi nous vous faisons confiance, et, en dépit, je
dois le dire, de nombreuses réticences, la commission des affaires étrangères a
décidé, eu égard à votre personnalité
(Sourire.),
d'adopter votre projet
de budget.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud, rapporteur pour avis.
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les
relations culturelles, scientifiques et techniques.
Monsieur le président,
messieurs les ministres, mes chers collègues, il me faut d'abord rappeler que
les crédits de la DGCID, à partir desquels, depuis l'année dernière, nous
envisageons globalement l'évolution de la politique des relations culturelles,
scientifiques et techniques, ne permettent pas d'avoir une image homogène des
moyens consacrés à celle-ci.
Je noterai donc simplement que les crédits de la DGCID subiront un très léger
repli en 2001, avant de montrer que cela ne met pas en cause le dynamisme d'une
politique dont nous approuvons les orientations et la mise en oeuvre. Je
regrette toutefois, au nom de la commission des affaires culturelles, la
régulation de 80 millions de francs opérée sur l'exercice 2000. Le Parlement,
vous le savez, messieurs les ministres, n'aime pas les régulations ; s'agissant
d'un budget aussi réduit que celui de l'action culturelle extérieure, elles
sont d'autant plus difficiles à accepter.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
Mme Danièle Pourtaud,
rapporteur pour avis.
Le premier domaine ressortissant à la compétence de
notre commission est l'action audiovisuelle extérieure. Elle bénéficiera à
nouveau, en 2001, de la priorité affirmée en 1999. Nous saluons cette
continuité indispensable à la montée en puissance et en efficacité de
l'instrument clé de toute action culturelle performante dans le monde
d'aujourd'hui.
Il a été décidé de maintenir en 2001 la totalité des moyens qui avaient été
alloués en 2000 à l'action audiovisuelle extérieure. Une mesure nouvelle de 10
millions de francs a en outre été accordée à TV 5 afin d'améliorer, en
coordination avec France Télévision, la couverture télévisuelle francophone du
Maghreb. Il s'agit de pallier les conséquences de l'arrêt, sur décision des
autorités tunisiennes après les dernières élections présidentielles, de la
diffusion de France 2 par voie hertzienne terrestre sur le territoire
tunisien.
Ainsi, TV 5 est confirmée dans son rôle de pivot de notre action télévisuelle
extérieure. Je note que son plan d'entreprise de 1999 est mis en oeuvre de
façon satisfaisante. La déclinaison en cinq signaux régionaux des émissions
diffusées à partir de Paris est achevée et, à la fin de cette année, la
numérisation de l'ensemble du processus de production et de diffusion, qui
était l'un des éléments principaux de la modernisation de TV 5, sera elle aussi
parvenue à son terme.
Cela permet une très bonne réactivité en matière d'information. C'est ainsi
que TV 5 a pu se transformer, pour l'Afrique, en chaîne d'information continue
et a largement participé à l'information de la population sur le déroulement
des crises récentes sur le continent, en particulier en Côte d'Ivoire.
Je tiens à citer deux chiffres illustrant cette réussite : les écrans
publicitaires ouverts l'année dernière sont utilisés à plein et procureront 12
millions de francs de recettes à la chaîne en 2001 ; quant au potentiel de
réception, il a augmenté de 50 % entre juin 1998 et août 2000, ce qui montre
l'intérêt des câblo-opérateurs et des opérateurs de plates-formes satellitaires
pour la nouvelle formule. Ainsi, il est bon de rappeler que TV 5 est devenue la
première chaîne mondiale de service public, devant la BBC.
J'ajoute que la crise de de TV 5 Amérique est en train d'évoluer. Peut-être
pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions à cet égard.
Je rappelle que TV 5 Amérique, gérée par l'entité canadienne, est un échec du
point de vue tant du nombre des abonnés aux Etats-Unis que du contenu des
programmes, plutôt inadaptés s'agissant de l'Amérique latine.
Mais je voudrais insister sur l'importance qu'il y a à faire de TV 5 Amérique
une vitrine attractive de la francophonie. C'est sans doute difficile dans une
zone aussi saturée d'images et aussi peu ouverte aux programmes étrangers que
les Etats-Unis, mais cette difficulté est une raison supplémentaire d'exiger un
double dynamisme de la part des gestionnaires de TV 5 Amérique.
C'est pour susciter une relance, à l'image de celle qui a été réussie en
Europe, que les ministres responsables de TV 5 ont décidé, le 27 octobre
dernier, de créer à l'échelon mondial une entité unique, gérée par un seul
conseil d'administration, éditrice d'un programme-réseau. La France a annoncé à
cette occasion son intention de confier à TV 5-Satellimages, c'est-à-dire à TV
5 Europe, le signal pour l'Amérique latine, et elle a réservé sa position sur
l'avenir du signal destiné aux Etats-Unis. Messieurs les ministres, la
commission des affaires culturelles se réjouit de votre fermeté sur ce dossier,
qu'il ne faut pas laisser s'enliser.
Avant de conclure sur l'audiovisuel extérieur, je voudrais faire part de mon
inquiétude en ce qui concerne les conditions de la collaboration entre TV
5-Satellimages et son nouvel actionnaire majoritaire, France Télévision.
Cet adossement au secteur public, que nous avons souhaité afin d'améliorer
l'accès aux programmes pour TV 5, ne doit en aucun cas, à mon sens, remettre en
question l'autonomie et les missions de cette dernière. Il serait en outre
inacceptable que nous retrouvions une situation à laquelle vous avez su mettre
fin et que nos opérateurs publics se fassent concurrence.
Par ailleurs, je ne sais pas si vous êtes en mesure de nous dire quel sera le
sort de Canal France International, qui me semblait être un outil utile,
complémentaire de TV 5.
Enfin, eu égard à l'arrêt programmé des activités de la Sofirad, la Société
financière de radiodiffusion, pouvez-vous nous indiquer ce que deviendront les
opérateurs radios Medi I et Africa n° 1 ?
Pour respecter le temps de parole qui m'est imparti, je dois maintenant
évoquer très rapidement les autres dossiers.
En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger, je note que la
dotation de l'AEFE progressera en 2001 de 2,08 % par rapport à 2000. Cela
inclut une mesure nouvelle de 10 millions de francs en faveur des bourses
scolaires destinées aux enfants français, et une mesure de 2 millions de francs
pour le développement des nouvelles technologies de la communication dans les
établissements scolaires. La préoccupation d'équité sociale et le souci de
modernité pédagogique restent ainsi au coeur de notre politique dans ce
domaine.
Sur le plan social, l'un des problèmes à résoudre reste la réforme des
rémunérations. Un groupe de travail a été constitué afin de réfléchir à la
refonte des statuts d'enseignants. Il a permis d'obtenir quelques avancées
partielles, dans l'attente de la refonte des statuts, qui devrait être achevée
pour la rentrée de 2001. Comme vous le savez, messieurs les ministres, il est
urgent de trouver des solutions, car l'impatience monte. Les personnels des
établissements français du Maroc ont ainsi lancé une grève pour demander que
les promesses du ministère concernant la prise en charge partielle de la
couverture sociale des recrutés locaux soient tenues. Pouvez-vous nous dire ce
qu'il en est de cette question ?
Je voudrais terminer ce bref exposé en évoquant l'action de l'Association
française d'action artistique, l'AFAA, qui a connu un nouveau départ en janvier
2000 avec un changement de statut lié à l'absorption d'« Afrique en créations
», l'ancienne agence culturelle du ministère de la coopération.
Je rappelle que l'AFAA joue depuis 1992 le rôle d'opérateur de l'action
artistique extérieure, sous la tutelle conjointe du ministère des affaires
étrangères et du ministère de la culture. Sa compétence s'étend au spectacle
vivant, aux arts plastiques, à l'architecture et au patrimoine.
Le changement de statut de l'AFAA a été l'occasion de préciser ses missions.
L'AFAA n'est plus exclusivement tournée vers l'« exportation » de nos artistes,
mais est aussi chargée de la promotion des cultures étrangères en France. Je
songe en particulier ici au programme des saisons culturelles étrangères, dont
la dernière a été le « Temps du Maroc », en 1999. L'AFAA s'occupe aussi, dans
l'optique de sa mission de coopération culturelle, de favoriser la diffusion de
la création africaine à l'étranger.
Dans le domaine de l'action artistique extérieure, comme pour l'audiovisuel et
pour l'enseignement du français, nous voyons les choses bouger, les
institutions s'adapter, les ambitions de la politique extérieure épouser
l'évolution du contexte international et l'apparition de nouvelles logiques
d'actions.
C'est en fonction de ce dynamisme probant qu'il me reste, au terme de cette
brève présentation, à proposer au Sénat, au nom de la commission des affaires
culturelles, d'approuver les crédits des relations culturelles, scientifiques
et techniques, globalement maintenus en 2001, orientés selon des priorités que
la commission a approuvées les années passées et utilisés avec un constant
souci d'efficacité maximale.
(Applaudissements sur les travées socialistes,
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la
francophonie.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers
collègues, les crédits consacrés à l'action en faveur de la francophonie
proviennent de différents budgets, ce qui n'en facilite pas toujours
l'analyse.
Il s'agit d'abord de crédits gérés par le service des affaires francophones du
ministère des affaires étrangères. Ils sont reconduits, pour 2001, au même
niveau qu'en 2000, soit 61,6 millions de francs ; mais ils font l'objet d'une
nouvelle ventilation : les 53,5 millions de francs versés au fonds multilatéral
unique pour assurer l'exécution des décisions prises par les sommets
francophones sont désormais regroupés sur un chapitre unique, avec les autres
versements effectués par le ministère au profit de ce fonds.
Le fonds multilatéral unique assure le financement de quatre opérateurs de la
francophonie : l'Agence internationale de la francophonie, dont le budget
s'élève à 122,5 millions de francs ; l'Agence universitaire de la francophonie,
dont le budget est de 137,5 millions de francs ; l'université Senghor
d'Alexandrie et l'Association internationale des maires francophones, dont les
budgets avoisinent la douzaine de millions de francs.
L'enveloppe globale du FMI est décidée pour deux ans - un biennum - par chaque
sommet de la francophonie. Pour 2001, comme en 2000, elle s'élève à 366
millions de francs. La France en finance plus des trois quarts, soit 283,5
millions de francs.
Le cinquième opérateur, TV 5, fait l'objet d'un financement distinct : la
contribution de la France s'élèvera en 2001 à 377,5 millions de francs, soit 10
millions de francs de plus qu'en 2000.
La contribution globale de la France à la francophonie multilatérale s'est
élevée à près de 750 millions de francs en 2000 et se maintiendra au même
niveau en 2001. Il est donc clair que l'apport financier de la France à la
francophonie est et restera déterminant.
A la suite d'une demande formulée jadis par notre regretté collègue Maurice
Schumann, un jaune budgétaire récapitule chaque année l'ensemble des crédits
concourant au développement de la langue française et à la défense de la
francophonie.
Cet exercice est difficile à réaliser, et le ministère de l'économie et des
finances ne manifeste jamais beaucoup de bonne volonté à s'y plier. Mais on
peut estimer ces crédits pour 2001 à 5 727 millions de francs, contre 5 652
millions de francs en 2000, soit une hausse de 1,3 %.
La France, on peut le constater, consacre chaque année à son action en faveur
de la francophonie des crédits importants, et elle remplit son rôle de premier
pays de la francophonie.
Pourquoi faut-il donc qu'elle suscite néanmoins la perplexité, voire le doute,
quant à sa volonté de jouer pleinement son rôle aux côtés des autres pays de la
francophonie ? Il y a là un paradoxe français sur lequel il faut nous
pencher.
Il tient tout d'abord à la légèreté avec laquelle des responsables publics et
privés français négligent leur langue.
Les exemples abondent.
C'est un journal français qui, en octobre 2000, rapporte qu'une conférence de
presse s'est tenue au ministère des finances à Paris sur l'aide occidentale à
la Yougoslavie et que cette conférence de presse s'est tenue en anglais à la
demande des officiels présents et contre le souhait des journalistes
interloqués.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ah ! Pour une fois que l'on me faisait part de ce que
voulaient les journalistes !
(Sourires.)
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
C'est le groupe Hachette, fleuron de l'édition
française, qui croit nécessaire de rebaptiser « Relay », avec un y, ses «
Relais H » et qui répond à votre rapporteur, qui s'en étonne, que ce groupe a
fait ce choix parce que c'est « simple, concis, compréhensible et prononçable
en tout pays », tout en appelant à l'aide Jean Desmarets de Saint-Sorlin, poète
héroïque du xviie siècle qui utilisait lui aussi l'y à « relay » !
(Sourires.)
C'est Air France, au nom tellement symbolique, qui accepte de baptiser
Skyteam
son alliance avec
Aeromexico, Delta Airlines,
et
Korean Airlines,
et explique, pour justifier son choix, que « le caractère
universel du regroupement de compagnies appartenant à des cultures et des pays
divers impose une appellation fédératrice ». L'appellation fédératrice est
évidemment anglophone !
C'est notre ministère de la défense - eh oui, là aussi, quel symbole ! - qui
reconnaît à l'anglais le statut de « langue opérationnelle dans la perspective
d'un engagement au sein de l'OTAN, dont la première langue utilisée, l'anglais,
doit être pratiquée par tous ».
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Sur le
Charles-de-Gaulle,
tout est écrit en
anglais, paraît-il !
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
C'est la
Nouvelle Revue aérospatiale
qui
décide de changer son nom en
Planet Aerospace
dans son numéro de ce
mois-ci - là encore, je cite - tout simplement « pour symboliser une unité dans
la diversité et aussi parce que les mots, dans la langue de Shakespeare, sont
compris dans le monde par tous les professionnels et passionnés des
technologies aéronautiques et spatiales ».
Ces faits sont graves. Le Président de la République disait, à juste titre, en
1995, que « l'avenir du français se jouerait en Europe ». Mais, précisément, le
français ne cesse de reculer en Europe au profit de l'anglais, et les faits que
je viens de citer ne peuvent que renforcer cette tendance.
C'est la Cour de justice des Communautés européennes qui semble reconnaître
que l'anglais « langue universelle comprise par tous » pourrait suffire à
informer le consommateur.
C'est l'Office européen des brevets, où il faut livrer combat - la menace
n'est pas définitivement écartée - pour garder sa place à la langue française
dans l'information comprise dans les brevets.
Sans doute me direz-vous, monsieur le ministre, que tout cela n'est pas de
votre compétence. Il est vrai que la défense et l'illustration du français en
France et à l'étranger est par essence interministérielle. Je ne manquerai pas
de le rappeler bientôt à M. le ministre de l'éducation nationale, comme je l'ai
rappelé samedi dernier à Mme le ministre de la culture.
Mais il est plus que jamais nécessaire que cette volonté politique se
manifeste avec force, et cela n'est pas seulement une affaire d'argent.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles
vous propose d'adopter les crédits de la francophonie, car ils sont au même
niveau que ceux de l'an dernier, mais en assortissant cette approbation d'un
certain nombre de recommandations et en demandant :
- que le Gouvernement s'engage à ce que le développement des nouvelles
missions confiées à la délégation générale à la langue française en matière de
sauvegarde des langues de France soit assuré par l'octroi d'effectifs et de
crédits supplémentaires, et non par une redistribution interne qui se ferait au
détriment des actions en faveur de la défense de la langue française ;
- que le Gouvernement s'engage dans les démarches nécessaires pour s'assurer
que la réglementation européenne ne remettra pas en cause les dispositions de
la loi Toubon, et plus particulièrement son article 2, et que, ainsi, les
consommateurs pourront toujours disposer sur notre territoire national d'une
information en français pour l'étiquetage des denrées alimentaires, nonobstant
une évolution préoccupante de la jurisprudence de la Cour de justice des
Communautés européennes ;
- que le Gouvernement s'engage à prendre les dispositions nécessaires, le cas
échéant par la voie législative, pour assurer la protection des salariés contre
le risque d'un recours excessif par certaines sociétés à une langue étrangère
dans leur fonctionnement interne en France ;
- que le Gouvernement prenne toutes les dispositions qui s'imposent pour
rappeler à la communauté financière qu'aucune langue ne saurait se substituer
au français sur notre territoire en matière financière ;
- que le Gouvernement maintienne une position commune avec les Etats qui ont
refusé jusqu'à présent la réforme du brevet européen et continuent en
conséquence de subordonner la portée juridique des brevets sur leur territoire
à la production d'une traduction dans leur langue nationale ;
- que le Gouvernement entreprenne auprès de ses partenaires de la francophonie
les démarches qui s'imposent pour ne pas laisser perdurer la déception légitime
qu'inspire la mauvaise diffusion de TV 5 en Amérique et qu'il indique au
Parlement, dans l'hypothèse où la recherche d'une solution multilatérale
s'enfoncerait dans une impasse, les options qu'il envisage pour assurer la
présence d'un audiovisuel francophone de qualité sur un territoire aussi
stratégique que le territoire américain ;
- enfin, que le Gouvernement intervienne auprès de la Commission européenne,
autant de fois qu'il le faudra pour que, dans les négociations relatives à
l'élargissement de l'Union, le recours au français soit utilisé dans des
conditions comparables au recours à l'anglais et que la représentation
française réagisse avec la plus grande fermeté contre des dérives qui tendent à
accréditer l'idée que l'anglais aurait vocation à devenir la langue
internationale de l'Union européenne.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers
collègues, l'avis favorable exprimé par la commission des affaires étrangères,
de la défense et des forces armées à l'adotion des crédits du ministère des
affaires étrangères pour 2001 ne l'a pas été sans réserves. A structure
constante, l'augmentation réelle des moyens du ministère par rapport à la
dotation 2000 s'interprète, en fait, comme une stagnation, d'une année sur
l'autre, des moyens consentis à notre action diplomatique.
Cette simple reconduction des ressources nous conduit à déplorer, une fois de
plus, que le budget du ministère des affaires étrangères ne constitue toujours
pas une priorité gouvernementale, alors même que l'importance des enjeux
internationaux, en Europe et dans le monde, sollicite toujours davantage notre
outil diplomatique.
Je ne peux également que regretter que les efforts importants de modernisation
de la gestion, de simplification des procédures et de réduction des effectifs,
consentis depuis plusieurs années par l'administration du ministère des
affaires étrangères, soient tenus, par le ministère de l'économie et des
finances, pour quantité négligeable. Les gains de productivité dans
l'administration ne semblent profiter qu'à ceux qui les ordonnent et non à ceux
qui les réalisent.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial,
et Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Très bien !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
C'est sans doute là
un autre aspect de l'exception française.
Dans ce budget globalement reconduit, un sujet est cependant de nature à
attirer plus particulièrement notre attention : je veux parler de l'érosion de
notre aide publique au développement, qui se traduit par l'éloignement continu
de l'objectif affiché d'y consentir 0,7 % de notre PIB ; nous en sommes
aujourd'hui à 0,37 %.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Exact !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Cette tendance à la
baisse, conjuguée à la réduction brutale du nombre de nos coopérants, risque
d'accréditer la perception d'un certain désengagement de notre pays,
singulièrement en Afrique où se joue aujourd'hui le combat du développement.
Vous pourrez faire valoir, monsieur le ministre, qu'une grande partie de notre
aide transite désormais à travers des canaux multilatéraux, en particulier
celui de la Communauté européenne. Mais pourrez-vous nous éclairer sur les
procédures de mise en oeuvre des aides communautaires dont la lourdeur, la
lenteur, en bref, la relative inefficacité, c'est un euphémisme, sont relevées
par nombre d'entre nous, sénateurs ? Une réforme de ces procédures vient,
semble-t-il, d'être engagée, notamment par le commissaire Patten ; nous vous
serions reconnaissants de nous indiquer ce que l'on peut en attendre.
J'évoquerai brièvement, monsieur le ministre, par-delà les considérations
budgétaires, certains aspects de notre politique étrangère que vous avez la
charge de conduire.
Après-demain, s'ouvrira le Conseil européen de Nice. Je suis de ceux qui
pensent que la présidence française de l'Union a été fondée sur une réelle
ambition pour l'Europe.
Les questions institutionnelles, parce qu'elles sont, avec les négociations
d'élargissement, au coeur du projet européen, ne pouvaient manquer de susciter
de délicats débats au sein des Quinze, dont l'arbitrage sera à Nice, jusqu'à la
dernière heure, un exercice difficile.
Au risque de simplifier à l'excès, il semble que, de la solution apportée aux
quatre grandes questions institutionnelles - notamment à deux d'entre elles :
l'effectif de la Commission et la pondération des voix au Conseil - dépendra
l'appréciation générale que l'on pourra porter sur les résultats du Conseil de
Nice. Pouvez-vous, monsieur le ministre, à ce stade d'une négociation très
complexe, nous donner quelques indications à cet égard ?
Je traiterai en deuxième lieu de la place de l'Union sur la scène
internationale. Il se trouve que la présidence française a été confrontée,
entre autres dossiers importants, à celui, capital, de la situation au
Proche-Orient. Je crains que, sur ces événements tragiques qui se déroulent
dans cette région, l'Union, en dépit des impulsions positives que vous avez pu
souhaiter, ici ou là, y apporter, ne peine à formuler une position cohérente et
ambitieuse de nature à recueillir l'intérêt des deux parties.
On comprend bien que chaque pays membre entende préserver, sur des sujets
aussi complexes et graves, une appréciation souveraine. Il reste que si la PESC
continue de reposer sur les structures actuelles, l'Union n'aura guère le
choix, sur la scène internationale, qu'entre le silence collectif et la
division.
Vous nous direz, monsieur le ministre, si, à votre avis, l'application des
coopérations renforcées à la PESC pourrait - aurait pu ? - être une solution à
ce délicat problème ou si vous entrevoyez, là aussi, une « troisième voie » de
nature à affermir une véritable diplomatie européenne.
Ma dernière interrogation concernera l'évolution dans les Balkans, quelques
jours après le sommet de Zagreb.
La chute de Milosevic et son remplacement par M. Kostunica, le déroulement
satisfaisant des élections municipales au Kosovo, ont entraîné un soulagement
légitime de la communauté internationale. Cependant, ces évolutions positives
n'ont pas dissipé le maintien d'une inquiétante réalité : celle des
nationalismes ethniques, qui perdurent, en particulier, au Kosovo, où le
changement de régime à Belgrade n'a pas, et de loin, atténué une revendication
d'indépendance dont la satisfaction entraînerait les conséquences que l'on
imagine au Monténégro, en Macédoine et au-delà.
En Bosnie-Herzégovine, ce sont les partis de la guerre et de l'exclusion
ethnique qui ont remporté les élections, repoussant d'autant la mise en oeuvre
complète des accords signés il y a cinq ans.
Dans les deux cas, qu'il s'agisse des accords de Dayton ou de la résolution
12-44, les constructions de paix proposées par la communauté internationale se
trouvent fragilisées. Ces deux textes ont eu le grand mérite de mettre un terme
aux combats, mais leur capacité à installer durablement la paix est moins que
certaine, en dépit des efforts méritoires déployés sur le terrain par ceux qui
en ont la responsabilité.
Quelle option choisir ? Devons-nous aménager ces textes, au risque d'ébranler
tout l'édifice, ou tenter, malgré tout, de traduire dans les faits, ici,
l'unité de la Bosnie et, là, l'objectif d'autonomie substantielle du Kosovo
dans une Serbie démocratique ?
L'attraction exercée par l'Union européenne suffirat-elle à cimenter la
réconciliation entre les peuples, qui conditionne le nécessaire développement
de la coopération régionale ?
Qu'il s'agisse de la France, de l'Europe, et peut-être des Etats-Unis, notre
présence dans la région, dans les domaines militaire, civil et financier, est
donc destinée à durer. Nous devons en tirer toutes les conséquences, notamment
budgétaires, qui ne seront sans doute pas plus lourdes que celles
qu'entraînerait une brutale dégradation de la situation.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est
pour qu'ils continuent d'être placés au service d'une diplomatie d'ambition
pour notre pays et pour l'Europe que nous voterons, malgré les insuffisances
qui ont été relevées par tous mes collègues et amis, les crédits du ministère
des affaires étrangères pour 2001.
(Applaudissements.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est la responsabilité du Sénat !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 45 minutes ;
Groupe socialiste : 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe :
8 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu pour soixante
minutes au maximum.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
C'est en se fondant sur quel article de la
Constitution qu'on limite ainsi le temps de parole des ministres ?
M. le président.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les
sénateurs de mon groupe approuveront les crédits inscrits au titre de la
coopération, tout en étant conscients des points forts et des faiblesses de ce
projet de budget.
Un premier point fort se dégage. On est loin de la politique africaine du
passé, parfois obscure, souvent décidée de l'Elysée et dont certaines dérives
furent dommageables, tant à l'« époque Foccard » que dans un passé plus
récent.
Pendant des décennies, la politique africaine de la France a été conçue et
dirigée par le Président de la République. Depuis l'arrivée du gouvernement de
Lionel Jospin, cette politique est dirigée, pour une large part, du Quai
d'Orsay et de la rue Monsieur, ce qui tendrait à rappeler, pour l'avenir, que
ce « domaine réservé présidentiel » n'avait ni fondement constitutionnel, ni
raison d'être.
Nous approuvons les principes de votre politique que résument deux formules,
la « non-ingérence » et la « non-indifférence », qui permettent le
développement de relations plus respectueuses et plus équilibrées que par le
passé.
Vous rappelez souvent, messieurs les ministres, que la première responsabilité
de la sécurité des Africains revient aux Africains eux-mêmes, avec, certes, le
soutien de la France.
Cette politique porte ses fruits et ne manquera pas d'en porter d'autres.
Je voudrais que cette évolution politique positive intègre un autre élément,
comme l'a indiqué mon ami Jean-Claude Lefort à l'Assemblée nationale, celui de
la meilleure implication du Parlement en amont des réflexions et des choix,
singulièrement au niveau de l'Union européenne.
Mis à part le débat suscité l'an dernier par la question orale avec débat de
notre collègue socialiste M. Serge Lagauche, il est vrai que le Sénat, et moins
encore l'Assemblée nationale, n'ont eu à discuter, par exemple, du problème
décisif de la renégociation des accords de Lomé, désormais accords de
Cotonou.
Je ne dis pas cela pour marquer une défiance à l'égard de la position
française défendue lors de ces négociations entre l'Union européenne et les
pays ACP, les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Au contraire ! Je
pense que vous y avez développé des positions justes et constructives.
Mon souhait vaut également concernant la tenue, voilà deux semaines, de la
conférence euro-méditerranéenne de Marseille.
Je ne dis pas non plus que chaque fois que des ministres de notre gouvernement
participent à des conférences internationales, ils devraient venir
préalablement en débattre au Parlement.
Evidemment non ! Mais pour des événements aussi structurants que les deux que
je viens de citer, cela peut se concevoir.
Il n'est pas non plus inutile de se servir de ce type de débat parlementaire
pour sensibiliser un peu mieux l'opinion publique française et pour mobiliser
un peu plus notre société civile et nos collectivités territoriales.
Trop peu de parlements européens marquent un intérêt pour l'Afrique. Fort
heureusement, ce n'est pas le cas de la France. Profitons-en !
Comme chaque année, nous ne pouvons que constater que l'écart entre le Nord et
le Sud ne fait que se creuser.
En 1960, les 20 % de la population mondiale vivant dans les pays les plus
riches avaient un revenu trente fois supérieur à celui des 20 % les plus
pauvres. En 1995, leur revenu était quatre-vingt-deux fois supérieur.
Ce fossé est plus spectaculaire encore si l'on rapporte la misère du plus
grand nombre aux biens accumulés par une poignée de privilégiés : la fortune
des trois personnes les plus riches de la planète dépasse le PIB cumulé des
quarante-huit pays les plus pauvres, celle des quinze plus riches égale la
production de toute l'Afrique subsaharienne, les avoirs des quatre-vingt-quatre
personnes les plus riches dépassent ceux de la Chine et de ses 1,2 milliard
d'habitants. Trois milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars par
jour. La consommation d'un ménage africain moyen est en recul de 20 % par
rapport à ce qu'elle était il y a vingt-cinq ans.
Le nombre de personnes sous-alimentées a presque triplé ces trente dernières
années en Afrique subsaharienne.
Ces quelques chiffres donnent le vertige.
L'ennemi mondial s'appelle la pauvreté. C'est un mal implacable qui engendre
violence, anarchie et drames à grande échelle.
C'est un mal qui est constamment attisé par l'ordre économique mondial, fait
d'iniquités et de rapports de force qui conduisent à un marché aux lois
injustes et cyniques.
Depuis longtemps, le Sud subit cette loi. Producteur de matières premières, il
a toujours été tenu à l'écart des lieux de décision où est fixé le prix de ses
produits.
Pendant que le prix des matières premières subissait des baisses aux
conséquences dramatiques, celui des produits finis que le Nord lui vend
enregistrait en revanche des hausses continues.
Au moment de la décolonisation du début des années soixante, la part de
l'Afrique dans le commerce mondial était en valeur de 6 %. Elle est aujourd'hui
inférieure à 2 %. Et, si l'on retire le pétrole, ce chiffre tombe à moins de
0,5 %.
C'est d'abord de plus de justice dans les rapports internationaux que les
habitants du Sud, et singulièrement les Africains, ont besoin pour inverser
cette logique infernale.
Je sais bien que, sur cette question de fond, nous sommes d'accord sur
l'essentiel, messieurs les ministres. Je sais bien que l'action gouvernementale
française pèse dans le bon sens.
Mais je sais bien aussi que notre pays ne peut, à lui seul, inverser
totalement cette logique. Le niveau européen est, à l'évidence, le mieux adapté
dans ce domaine, comme dans d'autres, pour tenter de construire un monde
multipolaire, plus humain et plus respectueux des pays les plus pauvres.
Nous avons apprécié les efforts que vous avez déployés particulièrement durant
cette année 2000, pour jeter les bases d'une identité européenne d'aide au
développement plus en rapport avec la hauteur des enjeux.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Quelle est votre appréciation sur les progrès
réalisés et les blocages persistants sur ce sujet ?
Plus de 2 milliards d'euros dorment dans les tiroirs du fonds européen de
développement faute d'avoir été consommés.
Cette lourdeur de fonctionnement qui confine à la négligence - le mot est
faible - face aux immenses besoins posés par l'extrême pauvreté est
complètement intolérable.
L'exercice de la présidence de l'Union européenne par la France a-t-il permis
de faire prendre les mesures tendant à redynamiser le fonctionnement du fonds
européen de développement et, plus largement, d'engager les réformes
nécessaires tendant à limiter les travers bien connus de la bureaucratie
européenne ?
L'existence de cette cagnotte - une vraie celle-là - du FED, auquel la France
contribue à hauteur de 25 %, affaiblit la portée des remarques qui doivent être
faites face à l'érosion continue du budget de la coopération au cours de ces
dernières années.
Il est vrai que la France est encore le premier pays du G 7 quant au niveau de
son effort, qu'elle se situe au sixième rang mondial en pourcentage de son
PIB.
Il est vrai que la France a fait beaucoup en faveur de l'annulation de la
dette des pays les plus pauvres et les plus endettés.
Mais il est vrai aussi que de 41,9 milliards de francs d'aide publique au
développement en 1994, nous sommes passés à 28,9 milliards de francs en 2000 et
que nous y consacrons désormais 0,37 % de notre PIB contre 0,64 % en 1992 !
Nous nous éloignons de l'objectif auquel la France a souscrit à l'ONU, comme
les autres pays industrialisés, de consacrer 0,7 % de son PIB à l'aide au
développement.
Cette tendance à la baisse va, me semble-t-il, poser des problèmes
difficilement surmontables quant à l'ambition légitime d'élargir le champ
d'intervention de la France, singulièrement aux pays de l'Afrique anglophone et
lusophone.
Les dangers de la dispersion et du saupoudrage, déjà perceptibles, ne vont-ils
pas s'accentuer ?
Le peu de temps qui m'était imparti s'achevant, je ne pourrai entrer plus
avant dans l'analyse des nombreux autres éléments de ce budget, mais, M. le
rapporteur spécial, l'a fait excellement.
Nous soutenons les fondements de la politique que vous menez et en espérant la
prise en compte de nos remarques, qui rejoignent les voeux de tous ceux qui
sont sincèrement attachés à l'oeuvre de solidarité de la France dans le monde,
nous voterons pour votre projet de budget.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur travées du
groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quelques
mots d'abord - c'est bien le moins - sur le budget des affaires étrangères.
Il connaît une modeste progression, qui tranche heureusement avec la pénurie
connue pendant les années quatre-vingt-dix et qui confirme la remontée des
crédits amorcée en 1999 et surtout en 2000. Le groupe socialiste l'approuvera,
comme d'ailleurs la commission des affaires étrangères l'a fait à
l'unanimité.
Pour 2001, les crédits du ministère des affaires étrangères s'élèveront à
22,08 milliards de francs. Ils représentent 1,28 % du budget de l'Etat. Il est
vrai que la Quai d'Orsay ne gère pas la totalité des moyens dévolus à notre
politique extérieure. Ces derniers atteindront 55,49 milliards de francs, soit
un peu plus de 3 % du budget de la nation, ce qui conduit néanmoins à dire que,
pour la France, en termes budgétaires, l'action internationale du pays n'est
pas prioritaire.
Le projet de budget pour 2001 progresse de 5,3 % par rapport à celui de l'an
dernier. Il s'agit en réalité de la forte augmentation des crédits destinés au
financement des opérations de maintien de la paix, soit 4 milliards de francs
dus en particulier d'abord à l'augmentation du nombre de ces opérations et
surtout à la forte appréciation du dollar par rapport au franc. En réalité, à
structure constante, les crédits pour 2001 progressent modestement de 40
millions de francs. Je n'entrerai pas dans le détail. Les intervenants
précédents l'ont fait. Mais je veux encore noter que l'action extérieure, en ce
qui concerne les moyens politiques de coopération, semble avoir été transférée
en grande partie au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,
qui manie des sommes considérables. Au total, nous sommes en présence d'un
budget limité pour des ambitions élevées. La chute des crédits destinés à
l'action extérieure de la France est enrayée. Il faudrait maintenant faire en
sorte que 2001 soit l'année de la reprise budgétaire que la politique du
Gouvernement et de vous-mêmes, messieurs les ministres, mérite amplement.
J'en viens maintenant, comme il est d'usage dans ce débat, à quelques
réflexions sur la politique internationale. Notre monde globalisé est loin
d'être un monde pacifié. De nombreux conflits se déroulent sur presque tous les
continents.
Certains de ces conflits, notamment au Proche-Orient, existent déjà depuis des
décennies. D'autres, je pense surtout à la Tchétchénie, sont le produit de
l'effondrement de la puissance soviétique. D'autres, enfin, en Afrique,
trouvent leurs origines dans le sous-développement et dans les sursauts
dramatiques d'une décolonisation inachevée ou mal conduite.
J'évoquerai d'abord le Proche-Orient.
Les engagements pris par les dirigeants palestiniens et israéliens à Charm
el-Cheikh, voilà sept semaines, et à Gaza, le 2 novembre dernier, n'ont pas été
respectés. L'interruption brutale du processus de paix allonge chaque jour la
liste des morts, israéliens et surtout palestiniens.
Qui pourra à nouveau, dans cette région meurtrie, reprendre le drapeau de la
paix et lancer un vibrant « Ça suffit ! Arrêtons de nous entretuer. Redonnons
une chance à la vie. » Qui pourra reprendre le travail d'Yitzahk Rabin,
assassiné voilà cinq ans, et auquel on vient de rendre hommage ?
Nous savons que la France a multiplié les intitiatives pour la paix. L'Union
européenne n'a pas cessé d'oeuvrer dans ce sens. Le président Clinton s'est
beaucoup dépensé mais, arrivé en fin de mandat, il ne peut plus guère peser.
Sur place, la désespérance s'accroît chaque jour davantage. Sur ce dossier, le
Conseil de sécurité a semblé paralysé. L'idée d'une mission d'observation de
l'ONU dans les territoires a tardé à se concrétiser, mais il semble que le
Premier minsitre insraélien l'accepte désormais.
L'urgence réside actuellement dans l'arrêt des violences, puisqu'il n'est pas
envisageable de revenir au
statu quo ante
pour les Palestiniens. Les
colonies et la question de Jérusalem restent au coeur du conflit. Il faut que
la paix soit fondée sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, sur
les principes adoptés lors de de la conférence de Madrid - le principe de la
terre contre la paix - et sur les accords conclus à Oslo. Mais ce processus
a-t-il encore une réalité ?
La France et l'Union européenne ont réaffirmé leur soutien au droit des
Palestiniens à disposer d'un Etat. Israël, de son côté, traverse l'une des
crises les plus graves de son existence. Pour les uns comme pour les autres, il
n'y a pas d'alternative à la négociation et à la paix. Les deux peuples sont
là, sur cette terre qu'ils auront, d'une façon ou d'une autre, à se partager.
La négociation est donc inéluctable ; il reste à savoir combien de sang sera
versé avant que la raison l'emporte.
Autre sujet de préoccupation les Balkans.
Au moment où il s'apprête à quitter son poste, je voudrais d'abord saluer le
remarquable travail accompli dans des conditions particulièrement difficiles
par Bernard Kouchner au Kosovo, où il faut rappeler que la France est
actuellement le deuxième contributeur en ce qui concerne la mise à disposition
de personnels.
Aujourd'hui, on peut faire preuve d'un certain optimisme, même s'il convient
de rester prudents. Mais on peut regarder avec espoir l'évolution de la Serbie
depuis la mise à l'écart de Milosevic, qui demeure cependant présent sur la
scène politique de Belgrade. Nous verrons, aux élections législatives du 23
décembre prochain, si les démocrates conduits par le président Kostunica
confirment leur progression.
Au Kosovo, les élections municipales ont donné l'avantage aux modérés et, en
Bosnie, le dialogue semble remplacer d'un manière durable les invectives et
l'usage de la force.
Cependant, comme vient de le rappeler le président de Villepin, en plusieurs
lieux la tension demeure. Le chemin à parcourir est encore long et
l'européanisation des Balkans, pour utiliser une formule que vous affectionnez,
monsieur le ministre des affaires étrangères, n'est pas pour demain. Mais les
choses évoluent et, dans les Balkans, elles évoluent parfois rapidement.
Restons vigilants en essayant d'apporter une contribution positive au processus
enclenché par les forces démocratiques sur place.
Nous pouvons remarquer que, sous présidence française, les Européens parlent
aujourd'hui d'une seule voix quand il s'agit du sud-est de l'Europe. Le récent
sommet de Zagreb l'a montré. Pensez-vous, monsieur le ministre, qu'il s'agit
d'un phénomène durable ? Si oui, ce serait une grande avancée pour la politique
extérieure de l'Union européenne.
J'en viens maintenant à ce qui nous préoccupe en premier lieu dans le moment
présent, à savoir ce que pourront être les conclusions de la présidence
française de l'Union européenne.
Auparavant, je tiens à dire mon inquiétude devant le contraste entre les
succès indéniables que sont l'instauration d'une monnaie unique ou les progrès
enregistrés dans la construction d'une défense européenne et le désintérêt des
citoyens de nos pays vis-à-vis de la construction européenne,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ah !
M. Claude Estier.
... un désintérêt que confirment tous les sondages et qui provient à la fois
d'une difficulté de compréhension des enjeux, des intérêts et des rapports de
force tels qu'ils apparaissent dans les négociations sur la réforme des
institutions, donc un sentiment d'immatérialité de l'Union européenne, dont les
activités leur semblent loin de leur préoccupations quotidiennes.
Les négociations menées depuis des mois sur la conférence intergouvernementale
ne contribuent pas à la clarification nécessaire des objectifs de l'Union.
Cela est particulièrement vrai de la négociation sur la composition de la
Commission : alors que cette instance centrale est censée représenter l'intérêt
européen, beaucoup d'Etats membres semblent croire que le maintien d'un
commissaire par Etat assurerait une plus grande lisibilité, imposant la
représentation nationale comme seule légitime et susceptible de remporter
l'adhésion de leurs concitoyens.
Il y a là un brouillage des cartes qui pourrait avoir des conséquences sur la
manière d'élaborer les politiques de l'Union avec le risque de se retrouver
devant le paradoxe suivant : une plus grande intégration par le recours à des
coopérations renforcées, comme si toute nouvelle initiative pour un
approfondissement de la construction européenne ne pouvait passer désormais que
par des actions organisées dans un cadre parallèle ou en tout cas plus
restreint.
J'ai dit le succès que représente, à mes yeux, l'existence de l'euro, qui
connaît d'ailleurs, ces jours-ci, une remontée intéressante. Mais, là encore,
les citoyens ont du mal à saisir le rôle positif de cette monnaie unique, tant
il leur paraît que sa valeur et ses fluctuations sont conditionnées par des
phénomènes qu'ils ne maîtrisent pas. Un grand travail pédagogique reste à
accomplir avant que l'euro remplace le franc dans un peu plus d'un an, et je
sais que le Gouvernement y veille.
Sur un autre plan, on peut regretter que l'inscription dans le traité d'une
référence à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne semble
plus d'actualité immédiate, alors que cette charte, qui a, en tout cas, le
mérite d'exister, est destinée à rendre les droits des citoyens plus lisibles
et à susciter leur adhésion par une réponse à des problèmes qui les concernent
directement.
La réconciliation entre l'Europe et ses citoyens passe par une meilleure
information, non seulement sur ce que fait l'Europe, mais aussi sur la valeur
ajoutée d'actions engagées à l'échelon européen et sur ce que l'Europe a encore
à nous apporter.
Quelles que soient les conclusions du prochain sommet de Nice, il faut donc
insister sur les nombreuses décisions, dans tous les domaines, qui ont été
prises sous la présidence française.
Je citerai notamment les accords sur la fiscalité de l'épargne et la lutte
contre le blanchiment de l'argent sale ; l'agenda sur la politique sociale, qui
prévoit une série d'actions à engager sur une période de cinq ans avec une
stratégie de lutte contre l'exclusion sociale ; le plan de mobilité des
étudiants, des chercheurs, des enseignants et des formateurs ; le programme
d'action de lutte contre les discriminations ; la reconnaissance mutuelle des
décisions de justice en matière civile et commerciale ; l'accord sur la
sécurité générale des produits et la création d'une autorité alimentaire
européenne.
Enfin, les quinze Etats membres ont pris, hier, une décision sans précédent en
prohibant les farines animales dans l'Union européenne à compter du 1er janvier
2000, pour une durée de six mois éventuellement renouvelable.
Ainsi, la protection des consommateurs est érigée comme l'une des priorités de
l'Union, comme un phénomène ne connaissant plus de frontières. Plusieurs de ces
décisions - j'y insiste - sont dues à l'initiative directe du gouvernement
français. On doit souhaiter qu'à l'avenir les Etats s'attachent davantage à
cette dimension pratique parce que c'est elle qui fonde la légitimité de la
construction européenne dans la mesure où elle touche les citoyens plus que les
débats institutionnels, certes essentiels, mais trop souvent abstraits. Dans
ces débats, dont l'issue commande le futur élargissement de l'Union, qu'il
s'agisse de la composition de la Commission, des votes à la majorité qualifiée,
de la repondération des voix ou du développement des coopérations renforcées,
des compromis restent encore à trouver d'ici à samedi ou à dimanche. Ce ne sera
pas chose facile, mais je sais que vous restez optimiste, monsieur le ministre.
L'expérience a d'ailleurs souvent prouvé que c'est au dernier moment que les
situations les plus complexes se dénouent. Nous faisons donc confiance à la
présidence française pour trouver ces compromis et pour que le sommet de Nice
marque une étape décisive pour la constructioon européenne à laquelle nous
n'avons cessé d'être attachés.
(Bravo ! applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia.
Monsieur le ministre, en ce qui me concerne, je vous dis tout de suite que je
voterai votre projet de budget pour l'an prochain, même si, à l'instar du
président de la commission des affaires étrangères, Xavier de Villepin, des
rapporteurs et des collègues qui m'ont précédé, j'émets de fortes réserves, non
pas seulement sur la dotation, car un bon budget n'est pas forcément celui dont
les dépenses s'accroissent,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ah !
M. Robert Del Picchia.
... mais pour ses contraintes.
Je le voterai non pas seulement en raison de la présidence française de
l'Union européenne - je vous l'ai déjà dit -, mais parce que, à titre
personnel, j'apprécie la politique étrangère menée par le Quai d'Orsay sous
votre direction et que, contrairement à ce qu'a dit l'un des collègues qui m'a
précédé, j'ai la faiblesse de penser qu'elle est en accord avec celle du
Président de la République.
Monsieur le ministre, en tant que rapporteur de la loi sur le volontariat au
Sénat, je me réjouis de la publication toute récente au
Journal officiel
des décrets d'application de cette loi qui va permettre de remplacer les
anciens coopérants par des volontaires civils à l'étranger. En revanche, je
reste perplexe sur la diversification des crédits à la francophonie.
J'ai bien remarqué que des progrès avaient été accomplis. Mais, malgré les
bonnes explications de mon collègue Jacques Legendre, je ne sais pas très bien
où l'on va, les recoupements et les diversifications de l'organigramme de la
francophonie restant toujours pour moi incompréhensibles. Ne pourrait-on pas
avoir un véritable état des lieux de la francophonie, de tous les organismes
qui ont en charge la francophonie et, bien entendu, de leur budget ?
Sans vouloir reprendre les sujets déjà évoqués, je me dois de vous rappeler
quelques points et de vous poser quelques questions que nous interpellent.
S'agissant de l'Europe, je commencerai par l'avenir de la CIG. La moitié des
Français de l'étranger résident en Europe. Ceux qui vivent dans l'Union
européenne sont intéressés par le devenir de l'Union. Ceux qui résident dans
les pays candidats sont inquiets du retard de l'élargissement. Pouvez-vous
renseigner les premiers et rassurer les seconds ?
Permettez-moi, s'agissant de politique étrangère, de vous poser une question à
deux titres : en tant que sénateur des Français de l'étranger représentant
quelque 20 000 Français qui y résident et en tant que président délégué du
groupe France-Afrique de l'Ouest, plus particulièrement chargé de la Côte
d'Ivoire.
J'aimerais d'abord connaître votre position sur la situation politique dans ce
pays.
Ecarté, pour non-ivoirité, de la course à la présidence, sous le régime du
général Gueï, M. Ouattara a vu cette impossibilité confirmée pour les
législatives. N'est-ce pas une occasion manquée pour un apaisement politique
dans ce pays troublé ?
Je sais bien, monsieur le ministre, que vous allez me répondre que la France
ne s'immisce pas dans les affaires intérieures des autres pays, y compris les
pays africains. Mais vous pouvez me répondre sur une estimation, une analyse
politique. Il existe une menace à peine voilée des partisans d'Alassane
Ouattara. En clair, existe-t-il un risque de sécession en Côte d'Ivoire ?
A-t-on eu suffisamment de contacts avec le président Laurent Gbagbo ?
En Afrique justement, monsieur le ministre, Radio France internationale, RFI,
est un grand moyen d'information et, dans certains pays, le plus écouté. C'est
une très bonne chose pour notre pays. RFI est la radio mondiale de la France ;
c'est un des éléments de son rayonnement.
RFI a réalisé ces dernières années un développement important et nécessaire
pour maintenir sa place face à une forte concurrence, en particulier de la BBC
world service
. Or le budget de RFI ne bouge pas depuis trois ans : il
s'élève à 763 millions de francs, dont 452 millions attribués par votre
ministère, le reste étant attribué par le ministère de la culture.
Ce budget, qui peut paraître élevé, est stable, mais il connaît des
contraintes : la disparité des salaires avec le reste de l'audiovisuel, ses
charges en personnel ; les 35 heures y sont appliquées aussi... En définitive,
le budget est trop étroit et le développement en souffre, en particulier, le
développement d'Internet. Certes, le site existe et fonctionne bien, mais il
doit être amélioré de façon à ne pas avoir un train de retard. La radio de
demain, c'est aussi Internet, surtout pour une radio qui se veut mondiale. Ce
développement est donc urgent.
Cette stabilité budgétaire freine aussi le développement de RFI à Chypre sur
le Proche-Orient, région du monde troublée, où la France devrait aussi faire
entendre sa voix.
Enfin, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur un trou noir de RFI
- et des autres stations françaises d'ailleurs. Il s'agit tout simplement de
Bruxelles. En effet, à Bruxelles, aucune station française n'est reçue en
modulation de fréquence. Avec de grandes difficultés, on perçoit entre deux
rafales parasites France Inter sur ondes longues.
Bien sûr, on me dira : « Mais vous avez la radio belge en langue française ! »
Oui, mais ne pensez-vous pas qu'il est important pour la France d'avoir aussi
un rayonnement sur une ville où se trouve la Commission européenne, l'OTAN et
d'autres organisations internationales, dans une ville où se tiennent tant de
conférences ministérielles ? Et puis, il ne faut pas oublier que plus de 100
000 Français vivent en Belgique. Ne trouveriez-vous pas agréable, voire utile,
pour vous et vos collègues qui s'y rendent souvent, d'entendre, dans la voiture
qui vous conduit, ou à votre hôtel, les dernières nouvelles de France et du
monde ? Eh bien, monsieur le ministre, vous le pourriez si RFI installait un
émetteur de modulation de fréquence à Bruxelles. Pour ce faire, il suffit
d'augmenter légèrement le budget : un émetteur FM ne coûte que 200 000 francs.
Une grande partie de la population française qui réside à Bruxelles vous en
serait reconnaissante, monsieur le ministre.
Sans revenir dans le détail sur l'Agence pour l'enseignement du français à
l'étranger, je me contenterai, monsieur le ministre, de déplorer un léger
défaut de communication sur ce sujet.
On nous a d'abord dit que la réforme se ferait à prix coûtant, puisque ce
seront 167 millions sur six ans. De fait, ce manque d'information et peut-être
une consultation et une concertation trop tardives - je dis bien « peut-être »
: vous pourrez me démontrer le contraire - ont conduit, nous le savons tous, à
des mouvements de grèves des enseignants très mal perçus par les parents
d'élèves.
Les parents d'élèves sont sceptiques. Ils craignent que la baisse du nombre
d'enseignants expatriés, aggravée par la suppression des postes de coopérants -
que l'on ne remplacera que très partiellement par des volontaires civils - ne
conduisent à deux résultats très négatifs : d'une part, la baisse de la qualité
de l'enseignement par manque de renouvellement, mais aussi en raison de ces
modifications - résidents ou recrutés locaux -, d'autre part, l'augmentation
des frais de scolarité.
Je me dois en effet de le rappeler à mes collègues sénateurs de métropole à
l'étranger, l'école publique française est privée et, de surcroît, payante !
Seul un enfant français sur trois à l'étranger y est scolarisé, les autres n'y
allant pas tout simplement parce que cette école est trop chère !
Mme Paulette Brisepierre.
Très bien !
M. Robert Del Picchia.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de l'AEFE. Etant donné la situation que
je viens de décrire et que vous connaissez bien, je vous poserai seulement une
question : pouvez-vous nous affirmer que la réforme engagée par l'AEFE
n'amènera pas d'augmentation du prix de la scolarité payée par les parents ?
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Très bonne question
!
M. Robert Del Picchia.
En revanche, avec M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires
étrangères pour les relations culturelles extérieures et la francophonie, je me
réjouis du résultat d'EduFrance.
J'ai assisté la semaine dernière à Athènes à une opération conjointe de
l'ambassade de France et d'EduFrance. Je dois dire que les résultats ont été
très positifs. Grâce à cette opération, plusieurs dizaines d'étudiants grecs se
rendront, par exemple, dans les universités grenobloises.
Enfin, monsieur le ministre, je veux parler de TV5. Ici même, l'année
dernière, j'avais émis des mises en garde sur la situation au Canada. Je me
réjouis donc qu'un accord ait pu être trouvé, mais je souhaiterais avoir
quelques éclaircissements sur cet accord et des précisions en qui concerne les
opérations de TV5.
Je tiens à féliciter Jean Stock et son équipe des résultats qu'ils ont
obtenus.
Pour conclure, je souhaite évoquer brièvement le Conseil supérieur des
Français de l'étranger pour remercier M. le ministre d'avoir, avec ses services
de la DFAE, la direction des Français à l'étranger assurée par M. Lafon, et le
secrétariat général du CSFE, compris l'importance et l'urgence d'une réforme du
Conseil supérieur des Français de l'étranger, en créant par un arrêté pris en
septembre dernier une commission temporaire de la réforme, dont j'ai l'honneur
et la charge d'être le rapporteur.
Avec mon collègue Guy Penne, qui la préside, nous avons entrepris un sondage
grandeur nature auprès des membres du CSFE sur les souhaits préalables à cette
réforme. Nous allons maintenant travailler au sein de cette commission. Dès la
semaine prochaine, nous ferons des propositions pour parvenir, par étapes, à
réformer en profondeur cette assemblée représentative des Français de
l'étranger, et ce, bien entendu, dans le consensus, comme vous l'avez souhaité,
d'autant que nous sommes persuadés que c'est la seule façon de réformer le
CSFE.
M. Guy Penne.
Très bien !
M. Robert Del Picchia.
Nous espérerons, monsieur le ministre, que vous saurez entendre les
représentants des Français de l'étranger pour mettre en oeuvre les
modifications législatives nécessaires à la réalisation de cette réforme. En
tout cas, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien
m'apporter.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le ministre, l'aspect social du ministère des affaires étrangères en
faveur de nos compatriotes expatriés va être l'objet de mon intervention. C'est
dans ce contexte que je poursuis l'action à laquelle je me suis attaché depuis
que je représente nos compatriotes au Sénat en vue de leur assurer une
couverture sociale similaire à celle dont ils bénéficieraient en France,
notamment par l'intermédiaire des crédits du fonds d'assistance créé en 1977,
ce qui permettrait d'accorder aux Français expatriés âgés ou handicapés des
aides similaires au minimum vieillesse et à l'allocation aux adultes
handicapés.
Après avoir connu deux années de hausse - en 1999, plus 10 millions de francs,
en 2000, plus 4,7 millions de francs, auxquels il convient d'ajouter 1 million
de francs que j'ai obtenu au titre de la réserve parlementaire - ces crédits
marquent le pas dans le projet de budget que vous nous proposez pour 2001.
Certes, globalement, les crédits réservés à l'action sociale de votre
ministère connaissent une hausse sensible - plus 3,14 millions de francs -,
mais la plus grande partie de cette augmentation - un peu plus de 2 millions de
francs - sera consacrée à l'emploi et à la formation de nos compatriotes
expatriés, ce dont je ne peux que me féliciter, cet aspect de l'expatriation
ayant besoin d'être développé.
Néanmoins, je m'inquiète pour nos compatriotes âgés ou handicapés notamment :
les hausses successives de 1999 et 2000 avaient permis non seulement de relever
le montant de l'ensemble des allocations de solidarité ou aux handicapés, mais
également - c'était là un point qui me tenait particulièrement à coeur et sur
lequel j'étais intervenu à plusieurs reprises - de prendre des mesures
spécifiques pour les enfants handicapés souffrant d'un handicap lourd ;
parallèlement, des aides ponctuelles avaient pu être mises en place pour
distribuer des médicaments ou pour aider les familles les plus défavorisées
ayant des enfants scolarisés.
Toutes ces actions doivent être poursuivies et amplifiées, et les décisions
prises l'an dernier dans le cadre de la commission permanente pour la
protection sociale des Français de l'étranger doivent être maintenues.
Or il est à craindre que, après deux années bénéfiques dans ce domaine, 2001
s'annonce de façon plus restrictive. Je souhaite qu'il ne s'agisse que d'une
pause avant la reprise, en 2002, d'un effort significatif en vue d'apporter à
nos compatriotes expatriés les plus démunis toute l'aide dont ils ont besoin et
qu'ils sont en droit d'attendre.
Certes, l'une de mes demandes, réitérée chaque année depuis 1985, devrait
connaître prochainement un début de réponse : il s'agit de la couverture
maladie des Français expatriés les plus défavorisés, notamment de celle des
allocataires du fonds d'assistance de votre ministère. Bien que n'apparaissant
pas encore au budget de ce dernier puisque le projet de loi relatif à la
modernisation sociale n'a pas encore été examiné par le Parlement, il est prévu
de créer une ligne budgétaire spécifique au sein des crédits d'assistance en
vue de la prise en charge d'une partie de la cotisation maladie de la caisse
des Français de l'étranger - CFE - d'un certain nombre de nos compatriotes
expatriés. Cette ligne budgétaire bénéficierait d'un abondement annuel de 95
millions de francs.
Je ne peux que me réjouir que, plus de quinze ans après ma première demande,
le Gouvernement fasse ainsi droit à ce souhait constant de voir la solidarité
nationale s'exprimer à l'égard de tous les nationaux français sans
discrimination par rapport à leur lieu de résidence.
Je m'interroge toutefois sur la portée de cette prise en charge, car il nous a
été indiqué, dans le cadre de la commission des affaires sociales du Conseil
supérieur des Français de l'étranger, que cet abondement annuel de 95 millions
de francs serait limitatif et ne pourrait être dépassé. Or il semble que, sur
cette base, seuls 25 000 Français, dont 10 000 sont déjà adhérents à la CFE,
pourront bénéficier de la prise en charge partielle par l'Etat de leur
cotisation maladie. Il est certain qu'une large diffusion sera donnée - cela
est souhaitable - à cette mesure, et je crains que l'on ne fasse naître de faux
espoirs parmi certains de nos compatriotes. Je pense en particulier à certains
titulaires de l'allocation de solidarité aux adultes handicapés qui, comme à
Pondichéry ou à Madagascar, perçoivent uniquement 600 francs ou 700 francs par
mois et qui auront les plus grandes difficultés à payer la partie demeurant à
leur charge, dont le montant devrait se situer autour de 300 francs par
mois.
Il convient donc de réfléchir pour l'avenir à la mise en oeuvre de mesures
complémentaires spécifiquement destinées aux allocataires du fonds d'assistance
de façon que, comme en France, où les minima sociaux tels que le minimum
vieillesse ou l'allocation handicapés sont assortis de prestations
complémentaires diverses, notamment de la couverture maladie en application de
la CMU, les allocations consulaires soient accompagnées des mêmes droits qu'en
métropole. Le plus simple dans ce domaine, puisque c'est votre ministère qui
représente l'Etat vis-à-vis des Français résidant à l'étranger, serait que les
crédits d'assistance ou, plus largement, les crédits destinés à l'action
sociale soient augmentés de façon significative.
Avant de conclure, je souhaite aborder la question des sociétés françaises de
bienfaisance, pour lesquelles l'évolution du crédit du fonds d'assistance est
également très importante puisque les subventions qu'elles reçoivent de votre
ministère sont fonction de ces crédits.
Je m'explique : le fonds d'assistance attribue en premier lieu à nos postes
diplomatiques les fonds correspondant aux demandes faites au titre des
allocations de solidarité et de l'allocation aux adultes handicapés. Ce n'est
qu'après que les sommes restantes sont distribuées aux sociétés françaises de
bienfaisance. Dans un contexte de hausse budgétaire, il ne fait nul doute que,
comme en 1999 et en 2000, ces associations caritatives bénéficieront de
subventions d'un montant de 5 millions de francs. En revanche, dans la
perspective du projet de budget pour 2001, je m'interroge sur l'aide qui pourra
leur être apportée compte tenu de sa très faible progression - pour ne pas dire
de son immobilisme - car je crains que une fois les aides distribuées à nos
consulats, il ne reste plus grand-chose pour nos sociétés de bienfaisance.
Or vous n'êtes pas sans savoir, messieurs les ministres, qu'elles jouent un
rôle important auprès de nos compatriotes expatriés les plus défavorisés, à qui
elles apportent une assistance morale et surtout matérielle : achat de matériel
pour handicapés, frais annexes de scolarité, achat de vêtements, prise en
charge de soins ou de frais de voyage, etc.
Devant le nombre de plus en plus important de Français en difficulté et devant
l'incapacité de nos postes à aider ces derniers en raison du gel en francs
constants des crédits d'assistance, elles sont amenées à intervenir de plus en
plus fréquemment et sont devenues un complément indispensable des aides
consulaires. Elles ont donc besoin de financements plus importants.
Vous comprendrez, messieurs les ministres, à travers ces réflexions, que
l'action envers les Français de l'étranger les plus démunis doit constituer une
priorité.
Certes, une augmentation plus marquante est prévue en 2001 pour l'emploi et la
formation à l'étranger, ce qui n'avait pas été le cas auparavant, et je m'en
réjouis. Certes, en 1999 et en 2000, vous aviez soutenu l'effort de solidarité
vis-à-vis de nos compatriotes, mais je regrette qu'aujourd'hui ceux-ci doivent
pâtir du fait que, pour mieux en aider certains, vous ne poursuiviez pas cet
effort.
Je veux croire qu'il ne s'agit là que d'une pause, comme je l'ai dit
précédemment, et que, dès l'an prochain, les crédits d'assistance connaîtront
de nouveau une forte progression. Je serai très vigilant sur ce point et
veillerai en particulier à ce que l'inscription de la ligne budgétaire nouvelle
de 95 millions de francs insérée dans le projet de loi de modernisation
sociale, qui, je l'espère, d'ici là aura été voté par le Parlement, ne
constitue pas la seule augmentation des crédits sociaux de votre ministère,
puisque son utilisation aura été définie, et qu'elle soit accompagnée d'une
hausse des crédits destinés à alimenter les allocations de solidarité et les
allocations aux adultes handicapés afin de répondre aux attentes de l'ensemble
de nos compatriotes.
Monsieur le ministre, sous réserve des remarques que je viens de formuler et
en souhaitant que des réponses soient apportées aux demandes que j'ai
formulées, je voterai votre projet de budget.
(Applaudissements.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une
heures trente, sous la présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant
diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des
transports.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques et
du Plan a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-François Le Grand, Alain Gérard, Mme Anne Heinis, MM.
Pierre Hérisson,Bernard Joly, Serge Godard et Pierre Lefebvre.
Suppléants : Mme Yolande Boyer, MM. Marcel Deneux, François Gerbaud, Patrick
Lassourd, Gérard Le Cam, Charles Revet et Raymond Soucaret.
7
LOI DE FINANCES POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2001.
Affaires étrangères (suite)
M. le président.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les affaires étrangères (et aide au développement).
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année
encore, les crédits attribués au ministère des affaires étrangères me
paraissent nettement insuffisants pour faire face à l'importance croissante de
toutes les missions qui lui incombent.
Certes, en valeur absolue, une augmentation de 1,110 milliard de francs est
prévue, soit une progression de 5,3 %, mais la seule augmentation de la
dotation des contributions obligatoires aux organisations internationales, pour
ne citer que ce point, absorbe 852 millions de francs. Ainsi, les besoins
mondiaux augmentent sensiblement, comme le prouve l'accroissement des
cotisations internationales, alors que le budget français stagne.
La part du ministère des affaires étrangères dans le budget de l'Etat n'a
cessé de s'amoindrir ces dernières années : de 1,73 % en 1981, il est passé à
1,57 % en 1990 et, pour finir, à 1,28 % en 2001. Dans la période actuelle de
mise en place de l'Union européenne et d'interactivité croissante des
différents continents, cette forte baisse constitue une sous-estimation grave
par notre pays de l'importance de l'action extérieure de la France, qui
explique sans doute, en partie, la diminution de notre rayonnement mondial.
Très récemment, l'une des raisons invoquée au remplacement de Bernard Kouchner,
chef de la mission des Nations unies au Kosovo, était la modestie de la
contribution volontaire de notre pays dans cette zone.
Je signale également que le budget pour 2001 a pris comme base le taux de 6,57
francs pour un dollar, alors que le taux réel actuel est voisin de 7,40 francs
par dollar. Pour les paiements en dollars, il en résultera une importante perte
de change, qui réduira encore le budget, comme l'a déjà signalé Jacques
Chaumont.
On aurait pu penser que la réduction sensible du budget de la défense et des
forces armées, avec la limitation des effectifs militaires, aurait permis des
transferts de crédits en apportant à notre diplomatie et à notre coopération
des moyens supplémentaires pour la sécurité et la paix. Je regrette qu'il n'en
ait rien été.
La sécurité collective et le maintien de la paix dans le monde nécessitent, en
effet, de multiples actions, au travers tant de l'ONU et du Conseil de sécurité
que d'actions directes sous commandement national.
L'ONU a pu redresser récemment sa situation et ses opérations portent surtout
sur des problèmes d'envergure moyenne ; dix-sept sont en cours. Notre pays y a
une participation importante de près de 8 %.
Quant au Conseil de sécurité, dont la France, puissance nucléaire, est l'un
des membres, il a confié à des organisations régionales d'autres opérations
pour le règlement des conflits les plus difficiles comme la SFOR en Bosnie, la
KFOR au Kosovo. Neuf mille militaires français y participent.
Enfin, la France mène sous commandement national des opérations correspondant
à sa responsabilité internationale : dix opérations sont ainsi réalisées
actuellement à Djibouti, au Cameroun et en Algérie, notamment, avec sept cents
militaires.
Par ailleurs, la France contribue à l'OTAN ; à l'Union de l'Europe
occidentale, qui va être remplacée par la nouvelle force militaire récemment
décidée à Bruxelles, la PESC, - à la politique étrangère et de sécurité
commune, et à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe,
l'OSCE, instrument de diplomatie préventive, avec une quote-part française
excessive de 10,24 %.
On peut donc apprécier l'extrême diversité de nos contributions obligatoires
et volontaires extérieures non seulement à l'Union européenne, mais aussi aux
multiples organismes internationaux.
En ce qui concerne notre réseau diplomatique, avec 166 ambassades il occupe la
deuxième position, juste derrière les Etats-Unis - 179 ambassades - et
correspond à une grande puissance d'influence mondiale.
J'insisterai sur un point particulier de nos dépenses en locations
immobilières à l'étranger. Sur 170 résidences diplomatiques, 48 étaient en
location en janvier 2000. Ces locations constituent une mauvaise formule de
gestion de notre ministère, car on ne loue un immeuble que lorsqu'on n'est pas
certain d'en avoir besoin sur le moyen ou le long terme, ce qui n'est pas du
tout le cas, puisque la présence de nos représentations diplomatiques et
consulaires n'est pas précaire.
Les autorisations de programme et, surtout, les crédits de paiement ne peuvent
évidemment pas faire face à des achats massifs immobiliers payés comptant sur
un seul exercice. La formule du crédit-bail autorisée par la loi du 2 juillet
1966 permettrait de remédier à ces locations financièrement désastreuses. Des
banques, si possible françaises et installées dans le pays de location,
seraient en effet heureuses de financer l'acaht en location-vente d'immeubles
adéquats, avec une longue durée d'amortissement de quinze ans par exemple. Une
partie de l'annuité correspondrait aux intérêts de l'opération financière, et
l'autre à un crédit d'investissement.
Cette formule permettrait de procéder immédiatement à de nombreux achats. De
plus, les aménagements nécessaires pourraient être réalisés sans obligation
d'une remise en état à l'expiration du bail. Ce système paraît tout à fait
souhaitable et d'autres pays l'utilisent couramment.
Enfin, j'aborderai le thème de la mise en oeuvre de la culture française à
l'étranger en limitant mon propos à l'enseignement.
Notre pays possède un réseau éducatif très étendu et performant. Sa complexité
est extrême, car l'enseignement relève du domaine national de chaque pays et il
ne peut y avoir un modèle universel unique d'établissement français à
l'étranger : on doit en effet tenir compte des lois et règlements des pays
d'accueil où les établissements sont installés, ainsi que de leurs
organisations syndicales et des spécificités nationales.
Ces établissements sont payants, mais reçoivent une aide du Gouvernement qui
est à peu près équivalente aux montants des droits d'écolage que versent les
parents : soixante-huit établissements sont en gestion directe du gouvernement
français ; deux cent dix sont conventionnés avec l'Agence pour l'enseignement
français à l'étranger, sous la tutelle du ministère des affaires étrangères ;
les autres sont indépendants.
Le corps enseignant comprend des personnels français répartis en différentes
catégories - titulaires ou non du ministère de l'éducation nationale - et des
nationaux des pays d'accueil.
Récemment, des grèves d'enseignants ont eu lieu, les titulaires français
demandant des prestations accordées à leurs collègues en France. Ce mouvement a
surtout été suivi dans les établissements à gestion directe, mais de nombreux
autres établissements s'y sont associés.
Or l'ensemble des enseignants français, y compris ceux qui sont payés
directement à Paris, qui exercent leurs activités à l'étranger, sont soumis aux
lois du travail de leurs pays d'accueil, notamment pour les avis de grève qui
appartiennent aux syndicats nationaux titulaires des contrats.
Des arrêts de travail collectifs ou individuels de travailleurs étrangers sur
recommandation d'organisations étrangères sont donc interdits et pourraient
être sanctionnés par des retraits de permis de travail et même de séjour.
Ces problèmes relatifs à la souveraineté des pays sont très mal ressentis
localement et ne peuvent qu'être très préjudiciables aux établissements
scolaires où ils se produisent. Il convient que tous nos ressortissants
enseignants français détachés, résidents ou recrutés locaux, soient bien
informés de ces principes élémentaires pour tous les expatriés.
Je terminerai en insistant sur l'importance de l'action audiovisuelle
extérieure. D'excellents résultats sont actuellement obtenus par TV5 dans de
nombreux pays. Un effort particulier reste à fournir avec le programme-réseau
sur le continent nord-américain, considéré comme le bastion québécois par la
direction de Montréal. Ce domaine est extrêmement porteur à l'étranger, surtout
grâce aux sous-titres dans les langues des pays de diffusion.
Malgré la faiblesse des crédits pour 2001 et pour tenir compte de l'importance
du ministère des affaires étrangères dans la présente conjoncture, avec une
planète rétrécie et une démographie française en déclin, je voterai, monsieur
le ministre, votre budget des affaires étrangères.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis
plusieurs années j'évoque la situation de deux pays qui me tiennent à coeur :
l'Albanie et l'Irak.
Au nom du groupe d'amitié France-Albanie du Sénat, je viens d'effectuer avec
mon collègue Jean Besson une mission dans ce pays. Elle s'est déroulée dans un
climat particulièrement tendu du fait de la contestation des résultats des
récentes élections locales, qui ont conforté la majorité en place. Je vous
rappelle que ce scrutin s'est déroulé sous le contrôle d'observateurs
internationaux qui, en dépit d'irrégularités certaines, ont indiqué qu'il
marquait « un progrès significatif vers la réalisation des normes d'élections
démocratiques ». Cette contestation se traduit par de violents affrontements
lors des manifestations organisées par l'opposition.
Tout cela est naturellement très préoccupant, alors même que l'Albanie, tout
au long des entretiens que nous avons eus avec les plus hautes autorités de
l'Etat et avec les présidents des principaux partis politiques, réaffirme sa
volonté et sa vocation européenne après le sommet de Zagreb.
Ces deux mouvements contradictoires, de désordre intérieur et de volonté
d'intégration européenne, montrent à quel point l'Albanie a besoin d'appui et
d'aide, notamment de la Communauté européenne, et singulièrement de la
France.
Je veux ici en témoigner, l'Albanie est francophone et francophile.
M. Jacques Legendre,
rapporteur pour avis.
C'est vrai !
M. Serge Mathieu.
Ses élites se tournent vers notre pays, tout en ayant le sentiment de le voir
s'éloigner irrésistiblement.
Il en va ainsi de l'enseignement de notre lanque, qui recule devant celui de
l'anglais. Il est très préoccupant que cet enseignement ait été « périphérisé »
vers les établissements de la banlieue de Tirana, alors que les meilleures
élèves et les futures élites sont scolarisés dans les lycées de la ville
même.
Peut-être des contacts entre nos ministères chargés de l'éducation
pourraient-ils remédier à cette situation. Ils devraient être accompagnés, à un
niveau plus politique, de l'accession de l'Albanie au statut de membre à part
entière de la francophonie.
Ces gestes devraient également s'accompagner d'actions concrètes et peu
onéreuses en faveur des bibliothèques, en termes de moyens informatiques ou
d'abonnements aux journaux français.
A ce titre, monsieur le ministre, comment ne pas être préoccupé par la baisse
des moyens donnés à notre poste pour les actions de coopération ? Ils ont été
divisés par deux depuis 1994. Comment ne pas s'interroger également sur le
quasi-abandon du projet de centre culturel français dans le pays le plus
francophone et le plus francophile des Balkans ?
Je peux en témoigner, mes chers collègues, tous nos entretiens se sont
déroulés en français et tous nos interlocuteurs ont regretté l'insuffisance de
notre présence linguistique et culturelle.
Sur le plan économique, tous nos interlocuteurs, sans exception, ont regretté
la place insuffisante de nos entreprises dans le pays, notamment les
entreprises les plus importantes dans le domaine crucial des infrastructures.
Sans sous-estimer les problèmes que posent l'établissement d'un Etat de droit,
et plus encore, son application concrète, nous ne pouvons que constater que
d'autres pays ont une présence très active.
Monsieur le ministre, je crois que, sur ces deux points, il est urgent de
réagir et, dans le cadre de notre politique dans les Balkans, d'aider davantage
l'Albanie.
S'agissant maintenant de l'Irak, la situation que j'ai dénoncée au fil des
années n'est pas en cours d'amélioration, bien au contraire.
Je sais, monsieur le ministre, que le Gouvernement partage nos analyses et nos
inquiétudes. Vos déclarations au Conseil de sécurité, à l'ONU, à l'Assemblée
nationale ou au Sénat en réponse aux questions de parlementaires, en témoignent
suffisamment.
Les conséquences humanitaires de l'embargo décrété voilà maintenant dix ans
sont catastrophiques. Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter aux
rapports des Nations unies ou de ses agences comme l'UNICEF, l'
United
Nations Children's Fund
, le PAM, le programme alimentaire mondial, le PNUD,
le programme des Nations unies pour le développement, ou l'OMS, l'organisation
mondiale de la santé. Ils décrivent la détérioration des conditions de vie de
la population irakienne, qui est la principale victime de cet embargo
injuste.
A un moment où l'on parle beaucoup de génocide, comment qualifier les effets
d'une décision dont les organes spécialisés de l'ONU estiment qu'elle a
entraîné 800 000 morts supplémentaires en dix ans ? Ces victimes sont
particulièrement les enfants, les vieillards, tous ceux qui ne peuvent se
défendre seuls et qui, faute de médicaments, faute d'une nourriture suffisante
et d'infrastructures sanitaires et sociales, meurent.
A titre d'exemple, les hôpitaux de Bagdad manquent de tous les médicaments,
d'anesthésiques en particulier. Les cancers et les leucémies ont
considérablement augmenté après la guerre du Golfe. Les déformations
congénitales, les malformations dues en large partie à la malnutrition, sans
compter les conséquences psychiques sur toute une génération, ne peuvent être
soignées et prises en charge.
La liste serait longue de toutes les conséquences de l'embargo qui affectent
une population innocente.
Les effets politiques de l'embargo sont exactement l'inverse de ceux que ses
promoteurs avaient attendus. Le Gouvernement irakien est sorti renforcé et,
sans doute, légitimé, aux yeux de la population, de ces épreuves supportées
depuis dix ans.
Notre responsabilité morale et politique est directement engagée.
Certes, les dernières résolutions adoptées par l'ONU, notamment la résolution
1284, qui doit beaucoup aux efforts de notre diplomatie, permettent
théoriquement une sortie de crise. Encore faudrait-il pour cela que le veto
opposé par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, en application de la règle de
l'unanimité au comité des sanctions, puisse être levé !
Je ne citerai qu'un seul exemple des refus ubuesques et des blocages : on
refuse l'exportation d'animaux, taureaux ou poussins, sous prétexte qu'ils sont
accompagnés des vaccins nécessaires, lesquels naturellement pourraient être
utilisés pour fabriquer des armes chimiques. Tout cela est absurde, tout cela
vient de la plus grande démocratie du monde...
Si des solutions théoriques de sortie de crise existent, encore faudrait-il
qu'elles soient acceptées. Or, vous le savez, Bagdad rejette cette résolution,
car la question est de savoir si, oui ou non, l'Irak s'est conformé à la
nécessaire destruction de son appareil militaire ; si, oui ou non, les
contrôles qui ont été instaurés dans les sites sensibles ou qui sont effectués
par satellites suffisent à s'assurer de son impossibilité de reconstituer un
appareil offensif.
Si notre réponse est positive, et c'est mon opinion, alors, conformément aux
résolutions de l'ONU, l'embargo doit être levé, et levé totalement. Le
programme actuel « pétrole contre nourriture » n'est qu'une goutte d'eau face
aux besoins de ce pays.
La crise actuelle, le risque de blocage de la production irakienne et ses
conséquences possibles montrent bien qu'aucun des verrous n'a pu être
desserré.
Face à cette situation, et en dépit de ces nombreuses contraintes, nos
entreprises continuent à prospecter activement le marché irakien. Notre
présence économique à la dernière foire de Bagdad en témoigne. Pourtant,
monsieur le ministre, nos entreprises ont ressenti, je les cite, « un sentiment
d'abandon de la part des autorités françaises à un moment crucial », du fait de
l'annulation de la visite du secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
Grâce à notre diplomatie et aux liens d'amitié traditionnels entre l'Irak et
la France, nous avons encore une position favorable pour contribuer à la
reconstruction de ce pays. Il convient de conforter cet avantage, alors même
que la concurrence d'autres pays s'accroît.
Voilà, mes chers collègues, les quelques mots que je voulais prononcer à
l'occasion du vote du budget des affaires étrangères. Derrière ces crédits, il
y a des pays amis de la France et des hommes qui attendent de nous aide,
assistance et amitié.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite
intervenir sur l'aide publique au développement, en insistant sur le fait que
la France est de moins en moins généreuse et que les crédits budgétaires
affectés à l'aide publique sont très éparpillés.
En 2001, le total des crédits d'aide publique devrait s'élever à 32,5
milliards de francs, l'aide apportée à nos territoires d'outre-mer non
comprise.
La progression de 3,5 milliards de francs en 2001, après une diminution de 1,4
milliard de francs en 2000, résulte, en réalité, presque uniquement de la
progression des crédits de l'aide multilatérale.
Or il est à noter que ce nouveau renforcement de l'aide multilatérale se fait
essentiellement au profit d'un prélèvement communautaire qui ne cesse de
s'alourdir - il est majoré de 38 % en 2001 - représentant 59 % du total de
l'aide multilatérale et un quart du total de l'aide publique française.
Le poids croissant de la contribution française à l'aide au développement mise
en oeuvre au niveau communautaire doit être souligné en bien.
La quote-part française au Fonds européen de développement, le FED, qui
s'établit à 24,3 %, est sans rapport avec la part moyenne de la France dans le
budget de l'Union, qui s'élève à 17,8 %. Mais c'est le prix que nous avons dû
payer en 1995, lors de la renégociation de Lomé, pour obtenir un effort
supplémentaire de l'Europe. La lourdeur des procédures de décisions
communautaires au niveau tant des engagements que des décaissements, ainsi que
le refus persistant du pouvoir exécutif de prendre les choses en main -
via
le conseil des ministres - font qu'il existe aujourd'hui un reliquat
non utilisé de près de 65 milliards de francs non dépensés sur le FED,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Jacques Pelletier.
... soit plus de deux fois le montant annuel global de l'aide française :
c'est inadmissible, monsieur le ministre, d'autant que les besoins des pays
pauvres sont immenses.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Tout à fait d'accord !
M. Jacques Pelletier.
En outre, nous constatons un manque évident de coordination des pays membres
de l'Union européenne en matière d'aide internationale. L'Europe manque de
cohérence entre aide bilatérale et aide multilatérale. Elle doit améliorer la
coordination entre ses membres.
Les subsides de l'Europe mettent quatre ans en moyenne pour être versés. La
raison principale de ce retard est le très complexe circuit institutionnel de
l'aide humanitaire de l'Union, notamment, la lourdeur des procédures
administratives.
La Commission européenne réfléchit depuis plusieurs mois à une réorganisation
complète de son système d'aide. Monsieur le ministre, j'aimerais connaître
l'action que compte mener notre pays pour faire avancer cette réforme, qui me
semble importante.
Par ailleurs, la réduction spectaculaire des crédits de l'aide publique au
développement - ils ont diminué de 40 % en sept ans - vient confirmer le fait
que notre pays ne joue plus véritablement son rôle dans ce domaine.
A travers les 20 millions de signataires pour l'annulation de la dette des
pays pauvres, puis à Seattle, lors de la conférence de l'organisation mondiale
du commerce, plus récemment, à Bangkok, avec la conférence des Nations unies
pour le commerce et le développement, la CNUCED, après-demain, à Nice, au
sommet européen, les voix de la société civile s'élèvent de plus en plus contre
les risques d'une mondialisation dominée par les rapports marchands qui
aboutirait à l'exclusion d'une partie croissante de l'humanité.
Dans le même temps, les rapports les plus récents du programme des Nations
unies pour le développement signalent une aggravation effrayante des
inégalités.
Quelles stratégies de développement solidaire et durable pourraient réduire
les inégalités dans les pays et entre les pays ?
Comment notre pays va-t-il se positionner pour nouer des alliances, rechercher
de nouvelles synergies, notamment au sein des grandes institutions financières
internationales et, tout d'abord, au sein de l'Union européenne ?
La France doit être un artisan de l'élaboration des nouvelles réponses
qu'appellent ces interrogations.
Le Haut Conseil à la coopération internationale...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Oh là là !
M. Jacques Pelletier.
... propose trois grandes orientations sur lesquelles un consensus s'est
dégagé et que je soutiens volontiers.
Premièrement, il s'agit de donner un sens à la coopération et, par là même, à
la mondialisation, en refusant le
statu quo
présenté souvent comme
inéluctable.
Deuxièmement, il s'agit de jouer la carte de l'Europe et de peser davantage
dans les institutions internationales, en étant plus présents, beaucoup plus
présents dans ces institutions.
Troisièmement, il s'agit de rénover en profondeur notre dispositif de
coopération, pour bâtir un univers plus solidaire et plus humain, en
définissant bien l'objectif central de notre coopération : la recherche d'un
développement solidaire et durable.
L'accès à des médicaments essentiels, spécialement pour les nombreux malades
du sida qui ne peuvent bénéficier des traitements nouveaux, l'assistance à la
négociation internationale et la réduction de l'endettement des pays pauvres,
tels sont les projets que je souhaiterais soutenir.
Je veux attirer maintenant votre attention sur l'assistance technique,
instrument fondamental de notre coopération. En effet, l'enveloppe destinée à
financer les coopérants présente deux traits marquants : une réduction des
moyens et un changement significatif de nomenclature, puisque l'intitulé «
assistance technique » disparaît, pour être remplacé par deux nouvelles
rubriques, à savoir l'expertise de longue durée et les missions d'experts de
courte durée.
Je pense qu'aujourd'hui notre coopération technique, qui, dans l'ensemble,
était remarquable et très appréciée, court deux risques majeurs : en premier
lieu, une nouvelle diminution de notre présence dans les pays bénéficiaires de
notre aide ; en second lieu, un changement de forme de notre coopération qui
pourrait en altérer la capacité.
Je reviens quelques instants sur ces deux risques.
Le premier concerne la baisse des effectifs. Je le rappelle, le nombre des
assistants techniques a baissé de 31 % en quatre ans, passant de 2 898 postes,
en 1997, à 1 979, en 2000. N'oublions pas qu'ils étaient de l'ordre de 30 000
en 1980 et de 15 000 en 1990.
Monsieur le ministre, vous nous aviez indiqué, voilà deux ans, que nous étions
déjà arrivés à l'étiage et que toute réduction supplémentaire remettrait en
cause l'efficacité de notre action. Alors, que devons-nous penser des chiffres
que je viens d'énoncer ?
Le second risque concerne le changement de nature de notre coopération. Les
modifications de nomenclature dans le projet de budget pour 2001 ouvrent la
voie à des missions d'expertise de courte durée. Dans certaines circonstances,
ce type de mission se justifie. Mais on ne peut sous-estimer le risque que les
missions courtes, compte tenu de leur moindre coût, prennent progressivement
une place prépondérante par rapport aux missions longues. Si une telle
évolution devait se confirmer, la coopération française se banaliserait en
s'alignant sur le mode d'action des autres bailleurs de fonds et perdrait l'un
de ses atouts majeurs. En effet, seule une présence prolongée sur le terrain
confère l'expérience et la capacité d'expertise aujourd'hui reconnues à nos
coopérants techniques.
Il faut une réelle immersion dans un pays pour pouvoir bien en comprendre les
problèmes et susciter la confiance des autorités et de la population, condition
indispensable d'une action efficace.
Cette « valeur ajoutée » de la coopération française que l'on nous enviait,
voilà quelques années encore, est aujourd'hui véritablement menacée de
disparaître, et l'on ne peut que le regretter.
L'avenir de la coopération technique apparaît donc d'autant plus préoccupant
que, parallèlement à l'organisation de missions courtes, la durée du séjour
long a été ramenée de six à quatre ans.
L'accélération de la rotation des personnels a un coût certain, mais, de plus,
pose le problème de la réintégration des coopérants dans leurs administrations
d'origine : l'expatriation devrait être considérée comme un « plus » dans la
carrière. Or, c'est loin d'être le cas aujourd'hui. Comment envisagez-vous,
monsieur le ministre, la gestion de ce problème concernant nos assistants
techniques ?
Par ailleurs, je pense que nous devons avoir deux objectifs majeurs afin de
rénover en profondeur notre dispositif de coopération : tout d'abord, le
développement solidaire et durable doit constituer le fil directeur de notre
politique de coopération ; ensuite, l'aide à la démocratie doit être largement
soutenue et encouragée.
Il faudrait, par ailleurs, encourager la démocratie participative, en
associant les collectivités locales, les organisations non gouvernementales et
les entreprises partenaires dans les deux pays à la préparation et aux débats
d'orientation.
Nous savons bien qu'une dizaine d'ONG seulement atteignent, en France, une
taille permettant de jouer un rôle international au milieu d'un archipel de
quelque 2 000 organisations.
Pour finir, j'aimerais aborder la question de l'insuffisance des crédits du
fonds de solidarité prioritaire.
Les dotations prévues pour le fonds de solidarité prioritaire s'élèvent à un
peu plus d'un milliard de francs en autorisations de programme, en diminution
de 24 % par rapport à 2000. Cette diminution des moyens paraît s'expliquer
principalement par le transfert des opérations multilatérales liées à la
francophonie du FSP vers le titre IV.
La dotation du FSP et sa gestion appellent de ma part quelques remarques.
En premier lieu, l'enveloppe dévolue au fonds n'a cessé de se réduire au cours
de la période récente.
Ensuite, la mise en oeuvre des projets souffre encore de nombreux retards :
ainsi, la durée prévue de projets en cours, de l'ordre de trente-cinq mois, se
trouve prolongée en moyenne de onze mois.
Par ailleurs, la nouvelle organisation du fonds de solidarité prioritaire,
fixée par le décret du 11 septembre 2000, se traduit par un affaiblissement du
contrôle parlementaire tel qu'il s'exerçait dans le cadre du fonds d'aide et de
coopération, et cela n'est apprécié ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat.
Enfin, ce même décret du 11 septembre 2000 prévoit que le FSP « peut financer,
à titre exceptionnel, des opérations d'aide et de coopération situées, le cas
échéant, hors de la ZSP » ; une telle possibilité avait déjà été utilisée au
Kosovo. Si je suis tout à fait partisan d'aider le Kosovo, je considère
cependant que c'est une dérive dangereuse que de le faire par le biais du FSP,
dont ce n'est pas la vocation.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je souhaite souligner le fait que l'évolution des crédits suscite
beaucoup d'inquiétudes.
Tout d'abord, on ne peut que constater le décalage qui s'accroît entre les
ambitions désormais étendues à la dimension de la zone de solidarité
prioritaire et une enveloppe financière réduite.
Par ailleurs, je veux insister sur le fait qu'une place prioritaire doit
rester consacrée à l'Afrique. Il ne faut pas dilapider le capital de confiance,
d'amitié et d'estime que valent à la France sa fidélité aux liens tissés par
l'histoire, mais aussi par une réelle solidarité.
Notre aide, tout en restant concentrée, doit s'adapter, se moderniser, devenir
plus efficace, mais elle ne doit pas disparaître. Il faut, en particulier,
encourager les investissements qui, à terme, restent, sans doute la meilleure
chance de développement pour l'Afrique. A cet égard, notre communauté
française, forte de 150 000 personnes, porte les espoirs d'un véritable
renouveau économique pour le continent. Encore faut-il qu'elle bénéficie de
certaines garanties de la part des pouvoirs publics français.
Mes derniers mots, monsieur le ministre, seront très amers. Le scénario prévu
par les plus pessimistes, au moment de la disparition du ministère de la
coopération, est en train de se réaliser : 40 % d'aides publiques en moins, une
assistance technique squelettique. Cette constation est très dure pour celles
et ceux, nombreux, qui ont touhjours cru et qui croient encore en la mission
humaniste et humanitaire de notre pays.
(Applaudissements.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Très bien ! Quelle hauteur de vue !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Il a parlé comme un ministre
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois de
plus, le débat sur le budget des affaires étrangères se déroule dans le cadre
d'une situation internationale particulièrement tendue, notamment au
Proche-Orient et en Côte d'Ivoire. Sur ces deux points, l'engagement et
l'attitude de la France seront particulièrement observés.
Un certain nombre de priorités étaient affichées concernant le budget des
affaires étrangères, et nous nous félicitons qu'elles aient été en partie
retenues pour l'exercice 2001. Toutefois, il s'agit moins d'une progression que
d'une stabilisation du budget des affaires étrangères. Si le Gouvernement a
consenti à réajuster un budget qui n'a cessé de décroître régulièrement depuis
1993, de nombreux efforts seront cependant encore nécessaires pour optimiser
les relations bilatérales et multilatérales de la France à l'étranger et sa
coopération active.
Le budget des affaires étrangères a de nouveau progressé ces deux dernières
années pour représenter finalement un peu moins de 1,3 % du budget de l'Etat.
Nous ne pouvons donc qu'approuver la consolidation de cette stabilisation pour
2001. C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen s'engagera
vers un vote positif.
Sinon, comment envisager un rôle accru de la France sur la scène politique
mondiale ?
Pour autant, les aspects financiers ne résoudront pas à eux seuls les
objectifs fixés. Face à la mondialisation, qui standardise tous les domaines
économiques, institutionnels, culturels, face au pouvoir du monde économique et
technique, nous défendons l'idée de remettre en valeur, plus aujourd'hui
qu'hier, le rôle du politique. Il s'agit du politique dans le sens grec du
terme, la
polis
, c'est-à-dire la « cité ». J'entends par là
l'implication de la cité dans les affaires de l'Etat, d'autant plus quand il
s'agit de ses rapports avec l'extérieur.
Or, avec la globalisation systématique, il semble qu'on veuille aujourd'hui
restreindre le rôle du politique. Le manque de concertation parlementaire
autour des budgets en est un exemple patent. Les débats se limitent, trop
souvent, à des constatations de faits accomplis.
Le chantier des affaires étrangères mériterait une collaboration de tous les
parlementaires, car il s'agit de valoriser le rayonnement de notre pays à
l'étranger.
La France a sans doute un rôle à jouer politiquement pour entraîner la
Communauté européenne à s'impliquer d'une manière plus importante à l'échelle
planétaire, pour offrir d'autres alternatives et pour proposer une série de
renégociations. Les domaines sont vastes : ils concernent notamment la
coopération, l'organisation mondiale du commerce face aux Etats d'Afrique, des
Caraïbes et du Pacifique, les partenariats euro-méditerranéens, les foyers de
tensions à l'étranger, en particulier en Afrique et au Proche-Orient.
Sans revenir sur les excellents propos tenus par mon ami Jean-Luc Bécart quant
aux crédits affectés à la coopération, comment ne pas s'inquiéter du recul de
la participation française à l'aide publique au développement ? Comment ne pas
s'inquiéter également quand on constate une réduction des crédits d'engagement
pour l'aide alimentaire et pour l'aide humanitaire, ainsi que pour la
coopération avec les pays en développement - Asie, Afrique, Proche-Orient - sur
le prélèvement au titre du budget européen pour l'exercice 2001 ?
L'Union européenne peut-elle jouer un rôle et apporter son équilibrage dans la
résolution d'un certain nombre de foyers de tensions dans le monde ? Si oui,
quels moyens peut-elle se donner pour peser dans les négociations ? Là encore,
vous l'aurez compris, nous défendrons une prise de position claire et ferme de
la France et de l'Europe, afin de faire appliquer, dans tous les cas et sans
parti pris, les décisions de l'ONU et de son Conseil de sécurité.
Le conflit au Proche-Orient doit nous permettre de nous interroger sur notre
rôle à faire appliquer non seulement les résolutions de l'ONU, mais aussi,
peut-être, la convention des droits de l'homme, pour que tous les peuples
accèdent aux mêmes droits, dans un respect mutuel et sans conditions
préalables.
Monsieur le ministre, combien de temps encore devrons-nous attendre pour que
l'Union européenne s'engage avec détermination dans le soutien à la population
palestinienne et aux partisans de la paix qui sont nombreux dans chaque partie
au conflit ?
En matière de politique africaine, je sais, monsieur Josselin, les efforts
financiers et diplomatiques que vous déployez. Les Français gagneraient à mieux
connaître ces efforts et la réalité en ce domaine : « non-ingérence » et «
non-indifférence », comme l'a souligné mon collègue Jean-Luc Bécart. Ainsi, la
France, par votre action, agit pour améliorer le sort de ces pays.
Je formulerai un seul regret : que l'ensemble des pays développés ne
fournissent pas le même effort pour aider l'Afrique à s'en sortir.
Avant de conclure, je tiens à exprimer le souhait que le prochain sommet
francophone, à Beyrouth, en octobre 2001, soit l'occasion d'actualiser les
priorités de notre action multilatérale afin de permettre, à côté des
règlements politiques, d'élargir les crédits visant des coopérations
culturelles. Aujourd'hui, ils sont encore trop restreints. Certaines priorités
sont liées à l'actualité, qu'il s'agisse de la coopération culturelle avec les
pays balkaniques, de la réouverture de nos centres culturels en Algérie, du
développement de l'accueil de boursiers étrangers dans les universités et les
grandes écoles ; sur ce dernier point, on note encore des difficultés pour
l'obtention des visas et la nécessité d'améliorer les conditionsd'accueil.
Je désire enfin pointer deux carences dans ce budget. La première vise la
sous-évaluation des dépenses qui avait été particulièrement notée l'année
passée - 3,14 milliards de francs. Les variations du dollar y jouent un rôle
important, puisqu'on estime qu'une variation de 10 centimes du dollar entraîne
une variation de 15 millions de francs des crédits demandés. Par ailleurs, le
budget des opérations de maintien de la paix, les OMP, est, lui aussi,
susceptible de subir de grandes variations en fonction de l'actualité
internationale.
La seconde carence tient au manque de personnels. Après une forte réduction
enregistrée sur la période 1994-1998, avec la suppression de 625 emplois,
l'année 2001 verra maintenir les effectifs de personnel. Pour autant, ces
derniers nous semblent très inférieurs aux besoins. Face à l'actualité, notre
rôle à l'étranger gagnerait en efficacité en dotant notre diplomatie des outils
nécessaires et adéquats pour permettre à la France de se moderniser en
impliquant les parlementaires dans les débats concernant les affaires
étrangères et en accentuant la place de la solution politique, notamment dans
les conflits.
Pour terminer, monsieur le ministre, je tiens à appeler votre attention sur la
fermeture de la frontière entre l'Italie et la France qui va empêcher des
milliers de salariés et de jeunes de participer à la manifestation du 6
décembre organisée à l'occasion du sommer européen de Nice. Les sénateurs du
groupe communiste républicain et citoyen considèrent cette mesure comme
inacceptable et vous demande, monsieur le ministre, de profiter du débat de ce
soir pour annoncer le retrait de cette décision.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'en
venir au projet de budget, je souhaite exprimer mon inquiétude quant à la
situation en Côte d'Ivoire. Les tensions ethniques ont repris de la vigueur.
Qu'entend faire la France dans les jours qui viennent pour tenter d'apaiser ces
tensions ?
Parlons du projet de budget maintenant, et voyons quels sont les motifs de
satisfaction à cet égard.
Tout d'abord, le projet de budget ne baisse pas, au moins en francs courants ;
par ailleurs, il est plus véridique que les précédents puisque les crédits que
Bercy transférait normalement en cours d'année pour les contributions
obligatoires, les cotisations patronales d'assurance maladie du personnel et
autres charges prévisibles sont maintenant intégrés au budget. C'est plus
clair.
Le fonds de concours des droits de chancellerie est consolidé par son
intégration au budget, ce qui est également appréciable.
Pour les Français installés à l'étranger, la création d'une toute petite ligne
de crédits, la ligne FLAM, ou français langue maternelle, et les 2 millions de
francs qui y sont inscrits constituent un premier pas vers la prise en compte
d'une réalité longtemps ignorée. La majorité des enfants français de
l'étranger, scolarisés dans les écoles de leur pays d'accueil, perdent l'usage
du français entre cinq et onze ans, faute d'apprentissage scolaire. Les
familles de Francfort, Zurich, Sydney ou d'ailleurs vont, enfin, bénéficier
d'un soutien à leurs initiatives. Leurs enfants leur répondront peut-être plus
souvent comme ils le souhaitent, en langue française. C'est un progrès pour
l'avenir.
L'action contre l'exclusion sociale dans les communautés françaises à
l'étranger me fournit, malheureusement, une transition vers tout ce qui n'est
pas vraiment satisfaisant dans ce projet de budget pour 2001.
Sous l'impulsion du ministère et grâce à l'action inventive et déterminée de
la direction des Français à l'étranger, la DFAE, à laquelle je rends hommage,
il a été possible, par redéploiement de crédits, de commencer à mettre en
oeuvre, à titre expérimental, quelques-une des propositions que j'avais
formulées en conclusion de mon rapport sur l'exclusion sociale dans les
communautés françaises à l'étranger, et ce en dépit de l'absence de progression
des crédits d'aide sociale.
Mais, si le budget de 2002 ne comporte ni création d'emplois dans les
consulats ni augmentation substantielle des crédits d'aide sociale et de
formation professionnelle à la DFAE, il ne sera pas possible de passer de
l'expérimentation à l'application. Pouvez-vous me donner des assurances pour
l'avenir, monsieur le ministre ? Je sais bien que c'est quasiment impossible,
mais je suis très inquiète.
Le grand perdant de ce budget pour les Français à l'étranger, c'est vraiment
la formation professionnelle. Au moment où le ministère de l'emploi et de la
solidarité, ainsi que l'AFPA, l'association nationale pour la formation
professionnelle des adultes, cessaient de concourir aux actions du ministère
des affaires étrangères en ce domaine, ce qui est proprement injustifiable, il
fallait 6 millions de francs supplémentaires à la mission emploi-formation pour
développer le centre de Tananarive et commencer son action à Dakar. Que faire,
maintenant ? Nous sommes vraiment devant l'impossibilité de poursuivre l'une
des actions les plus prometteuses pour éviter la paupérisation de certaines
communautés françaises dans les pays du Sud.
Dans ce domaine, comme dans ceux que je vais aborder par la suite, la
parlementaire socialiste que je suis regrette que le Gouvernement ne réalise
pas mieux l'adéquation entre les principes qu'il proclame et met en oeuvre,
avec un succès reconnu, au titre de priorités dans sa politique intérieure et
ses choix budgétaires pour l'action internationale, pour l'aide publique au
développement et pour les Français à l'étranger.
Il faut tout de même le dire, la France a changé. Elle est devenue le pays
ouvert sur l'international que les gouvernants de jadis appelaient de leurs
voeux. Les Français s'expatrient en très grand nombre. Des écoles françaises
s'ouvrent partout dans le monde sur des initiatives individuelles ou de
groupes. C'est chose faite, la France est vraiment devenue un pays nouveau,
moderne.
Par ailleurs, sur le plan gouvernemental, la France proclame sa volonté de
rester solidaire avec les pays du Sud, de maîtriser la mondialisation, d'éviter
le creusement du fossé.
Or, quels moyens financiers et humains l'Etat se donne-t-il dans un budget
comme celui qu'on nous présente pour jouer son rôle international et
accompagner le mouvement d'ouverture de la société ?
Comme mes collègues, je dis qu'il s'en donne trop peu. De surcroît, les moyens
sont trop rarement confiés au ministère des affaires étrangères et, concernant
l'aide publique au développement, beaucoup trop laissés à la discrétion du
ministère des finances, en l'absence de tout contrôle parlementaire, alors que
c'est le ministère de la coopération qui devrait être le maître d'oeuvre de
l'aide publique au développement pour la France.
MM. Michel Charasse et Jacques Chaumont,
rapporteurs spéciaux.
Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je voudrais appeler l'attention sur quelques conséquences très négatives de
l'insuffisance du budget du ministère des affaires étrangères aux yeux de la
parlementaire qui, avec onze autres, représente les Français établis hors de
France.
Il y a d'abord les difficultés des services extérieurs du ministère des
affaires étrangères : la précarité et les bas salaires des recrutés locaux de
ces services - je constate que, cette année, la plupart des rapporteurs en ont
parlé - le sous-financement chronique de l'agence pour l'enseignement français
à l'étranger, même s'il faut reconnaître que la France fait un effort
considérable pour l'enseignement - cela étant, soit on fait un effort, soit on
ne le fait pas, mais, si on le fait, il faut y mettre les moyens. Enfin, il y a
l'étiolement de la diplomatie culturelle et de la coopération, pour lesquels je
ne trouve pas d'euphémisme satisfaisant.
Il y a, en réalité, 2 000 agents de moins en poste, au ministère des affaires
étrangères, qu'il y a dix ans : 1 000 emplois budgétaires et 1 000 emplois non
pourvus sur ces emplois budgétaires, je regrette, cela fait bien 2 000 !
Or, avec 2 000 agents de moins, on ne peut plus faire correctement le travail
dans les missions diplomatiques et dans les chancelleries consulaires. On le
fait encore moins dans les consulats, quel que soit le dévouement des
personnels. Vraiment, cela ne va pas !
Nous, Français de l'étranger, ne voyons l'action gouvernementale qu'au travers
du fonctionnement des consulats. C'est notre seul contact avec l'exécutif. Nous
avons besoin que soit exercée la mission régalienne de l'Etat dans les domaines
fondamentaux que sont pour nous l'état civil, les questions de nationalité, les
questions notariales. En effet, c'est tout bête, mais nous avons des biens pour
lesquels nous avons besoin de services notariaux compétents dans les consulats.
Or, ceux-ci n'ont plus les moyens humains de faire face aux besoins.
La précarité et les bas salaires des recrutés locaux du ministère des affaires
étrangères, tout le monde en a parlé, et c'est heureux !
Je rentre de New York. Franchement, on ne peut qu'avoir honte, lorsqu'on est à
la mission française auprès de l'ONU, de voir que les 25 personnes qui y
travaillent sont aussi mal payées. Même avec la revalorisation de la grille des
salaires à laquelle on vient de procéder, la France restera le plus mauvais
employeur des missions diplomatiques de New York !
Les personnels qui ne sont pas français ne peuvent pas payer d'assurance
maladie. J'ai vu un jeune homme qui logeait dans un foyer de sans-abri parce
qu'il n'avait pas les moyens de payer son logement avec son salaire de 2 500
dollars, en dépit de la fonction qu'il occupait. Il suffit en effet de
qualifier quelqu'un qui a un niveau bac + 6 d'agent de bureau de deuxième
catégorie pour le payer 2 500 dollars par mois. Après quoi on s'étonne de ne
pas garder de personnel ! Ce n'est pas possible, la France ne peut pas
continuer à être le plus mauvais employeur diplomatique des grandes villes
d'Europe et des Etats-Unis ! Cela ne peut pas durer !
Or, je n'ai vu nulle part, dans le projet de budget, de ligne de crédit qui
permettrait d'améliorer cette situation. En 1999, une belle circulaire
diplomatique a donné de très bons conseils à nos chefs de mission diplomatique.
Mais comment ceux-ci pourraient-ils les mettre en oeuvre avec les crédits
qu'ils ont ? Le peu d'augmentation de crédit qu'il y a va être dévoré par
l'appréciation du dollar, puisqu'il n'en est pas réellement tenu compte.
Je ne vois vraiment pas, dès lors, comment on pourrait remédier à la situation
difficile des postes diplomatiques, des consulats, et comment on pourrait
améliorer la situation des recrutés locaux, sans lesquels, maintenant, plus un
seul service ne fonctionnerait à l'étranger.
Car il faut en être conscient : si ces gens s'arrêtent de travailler pour leur
salaire de misère, plus rien ne fonctionnera, ni dans les chancelleries
diplomatiques, ni dans les consultats !
S'agissant de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, il faut
savoir si l'on veut avoir un réseau d'enseignement qui corresponde aux besoins
de la population française telle qu'elle est maintenant à l'étranger,
c'est-à-dire une population qui, majoritairement, n'a pas de sursalaire à
l'expatriation et qui doit prélever sur un budget familial normal le coût élevé
d'une scolarisation privée.
Et que l'on ne vienne pas nous dire que les parlementaires inventent, qu'ils
rêvent ! Voilà trois ans et demi que nous disons qu'il y a le feu dans les
établissements de l'agence ! Parents et enseignants s'accordent sur ce constat
; il n'y a pas la moindre opposition entre eux. Tous voient bien que la
situation se dégrade. Par conséquent, soit on adapte le réseau à la situation
nouvelle à l'étranger, soit on le restreint, mais on ne peut pas faire plus
avec moins d'argent, ce n'est pas vrai !
Par ailleurs, je partage le point de vue de tous mes collègues qui ont
protesté contre le fait que la diplomatie culturelle et l'action pour la
coopération française se restreignaient d'année en année sur le plan budgétaire
et par diminution de l'assistance publique au développement.
La véritable assistance publique, elle est faite par les coopérants,...
M. le président.
Veuillez conclure, madame.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
... sur le terrain, par ceux qui restent longtemps, qui sont vraiment
impliqués, qui en veulent, et non pas par des gens qui font du tourisme et qui
sont là quinze jours pour faire des missions de courte durée.
Faute de temps, je ne pourrai pas dire tout ce que j'avais à dire. J'ajouterai
simplement qu'il faut cesser d'abonder le FED, qui ne sert pas à grand-chose,
et affecter l'argent à notre coopération bilatérale parce que, elle, nous la
connaissons, nous la faisons marcher. Enfin, augmentons nos contributions
volontaires à l'ONU, faute de quoi la France perdra vraiment sa place dans le
concert des nations.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que que les travées du Rassemblement
pour la République et des Républicains et Indépendants.)
Mme Paulette Brisepierre.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un des
enjeux et, nous l'espérons, l'un des succès du traité de Nice sera de conforter
les institutions d'une véritable défense européenne.
Sans doute est-il nécessaire d'organiser la prévention des crises, et cela
d'abord en Europe même.
Mais puis-je, monsieur le ministre, attirer votre attention sur une
contradiction, à mon avis, inexplicable : l'importance des moyens dégagés pour
organiser la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne,
et demain, une politique de défense, constrastant avec le blocage des moyens
nécessaires à la contribution pourtant essentielle qu'apporte le Conseil de
l'Europe à la stabilité démocratique du continent européen ?
Je fais partie de la délégation française qui a participé à l'accompagnement
des Etats d'Europe centrale et orientale sur le chemin de la démocratie, qui
passait d'abord par l'adhésion au Conseil de l'Europe.
Ce rôle de l'organisation de Strasbourg, pour être méconnu, n'en est pas moins
essentiel. Nous avons obtenu l'institution de systèmes électoraux et judicaires
respectueux des droits de l'homme et de l'état de droit à peu près sur tout le
territoire du continent européen, et même le renoncement à la peine de mort.
Nous veillons à la régularité des élections. Nous accompagnons les Etats du
Caucase et des Balkans sur le chemin de la réconciliation et du respect de
leursminorités.
Cela, vous le savez, monsieur le ministre.
Alors, pourquoi appliquer la décision prise il y a plusieurs années d'allouer
à une organisation qui comporte aujourd'hui - nous devons nous en féliciter -
quarante et un Etats membres des crédits bloqués par la règle dite, de la «
croissance zéro en termes réels » ?
C'est le comité des ministres de l'organisation où siège le gouvernement
français qui décide d'inviter de nouveaux Etats à adhérer.
C'est encore le comité des ministres qui a décidé d'ériger la Cour des droits
de l'homme en cour unique et permanente.
C'est, enfin, le comité des ministres qui a décidé la création d'un
commissariat pour les droits de l'homme auprès du Conseil de l'Europe.
Je ne décrirai pas l'influence de ces organes sur l'amélioration des libertés
individuelles, et donc sur la stabilité politique en Europe. Je voudrais
simplement rappeler qu'en dix ans le Conseil de l'Europe est passé de
vingt-trois à quarante et un Etats membres.
En 1998, la Cour européenne des droits de l'homme enregistrait moins de 6 000
requêtes ; en 1999, elle en a enregistré 8 400 et, pour les seuls six premiers
mois de cette année, on en dénombre près de 7 000, ce qui laisse augurer un
quasi-doublement du nombre de requêtes introduites de 1998 à 2000, c'est-à-dire
en l'espace de deux ans.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a demandé, très logiquement,
la disjonction des crédits de fonctionnement de la Cour européenne des droits
de l'homme, afin que cet organe de contrôle de la convention européenne des
droits de l'homme soit doté d'un budget propre.
Il devrait en être de même des services du commissaire aux droits de
l'homme.
Cependant, comment qualifier l'attitude des cinq plus grands Etats
contributeurs au budget du Conseil de l'Europe - parmi lesquels la France -
dont la part a été ramenée à 12,75 % seulement du budget ordinaire ?
Faisons attention, sur le plan psychologique, à cette attitude de
discrimination des grands pays par rapport aux petits, car ils concourent tous,
chacun à leur manière, à la construction de la grande Europe.
Je vous demanderai simplement si favoriser des élections libres, une justice
bien formée et indépendante, le respect des quelque 180 conventions du Conseil
de l'Europe sur tout le territoire du continent européen, spécialement dans les
Etats qui avaient connu d'innombrables violations des droits de l'homme en
Europe de l'Est, sont sans influence sur l'amélioration de la situation
individuelle des citoyens du Caucase et des Balkans, notamment.
Si la garantie des droits individuels, la loyauté et l'efficacité du
parlementarisme représentatif sont assurées par l'adhésion au Conseil de
l'Europe, à la Convention européenne des droits de l'homme sous le contrôle de
la Cour de Strasbourg, ainsi qu'aux autres conventions, ne peut-on pas espérer
que les crises aiguës qui se sont produites récemment en Europe même perdent de
leur intensité ?
Dès lors, n'est-ce pas, si j'ose cette expression, de l'argent bien placé que
d'aider au fonctionnement du Conseil de l'Europe qui assure ces garanties ?
Aussi, monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour que soit réalisée
l'adaptation des crédits alloués au Conseil de l'Europe aux besoins désormais
nécessaires de toutes ses branches, secrétariat général, assemblée
parlementaire, Cour européenne des droits de l'homme et Commissaire aux droits
de l'homme.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR,
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
permettez-moi à mon tour de vous présenter non pas tout ce qui me paraît
important dans le budget qui nous est proposé mais seulement les points que
j'ai dû sélectionner compte tenu des contraintes de cette intervention.
Ce que je m'apprête à vous dire est principalement fondé sur les observations
que j'ai pu faire sur le terrain à l'étranger, auprès de nos compatriotes, de
nos établissement scolaires, de nos communautés d'affaires et de nos postes
dans les vingt-six pays dans lesquels je me suis rendu pendant ces deux
dernières années comme sénateur représentant les Français de l'étranger ou dans
le cadre d'un voyage d'un groupe d'amitié sénatorial.
J'ai tout d'abord plaisir à vous dire, monsieur le ministre, que, là où je les
ai vus à l'oeuvre, vos troupes font du bon travail. Dans des conditions parfois
difficiles - je pense surtout aux services des visas - j'ai vu des agents
souvent à la peine, mais qui, apparemment, ne savaient pas qu'il existait la
semaine des 35 heures...
(Sourires.)
Au sommet, j'ai vu de plus en plus de chefs de mission non seulement capables
de bien coordonner l'action de tous les agents de l'Etat, y compris ceux qui
dépendent de Bercy, mais sachant aussi, de mieux en mieux, créer autour d'eux
une heureuse et féconde synergie avec les acteurs privés, en particulier ceux
qui appartiennent au monde économique, et je m'en réjouis !
Ce sont là des signes tangibles de la modernisation entreprise par votre
ministère et dont on sait qu'elle porte sur beaucoup d'autres secteurs pour
lesquels je vous souhaite le même succès.
Je voudrais maintenant en venir aux sujets qui me tiennent à coeur. Je
traiterai successivement, au pas de course, compte tenu du temps qui m'est
imparti, de l'enseignement ou, plus généralement, de la formation française à
l'étranger, de la francophonie, de nos consulats et de la coopération.
J'évoquerai, pour terminer, la réforme du conseil supérieur des Français de
l'étranger.
L'enseignement, la formation française à l'étranger, est un sujet énorme, dont
nous n'avons pas pris toute la mesure. Nous n'avons, malgré nos succès, dont
nous nous flattons avec raison, toujours pas su apprécier l'extraordinaire
atout que représente la grande demande de formation française - ou « à la
française » - à l'étranger.
Nous ne nous sommes toujours pas dotés de la politique ambitieuse ni des
moyens qui nous permettraient de profiter d'une telle chance au moment où, à
cause de l'Europe et de la mondialisation, nous craignons de ne voir notre
identité se diluer.
Nous devons arrêter de jouer « petit bras ». Est-il normal que, dans une ville
comme Varsovie, capitale d'un pays qui représente historiquement,
culturellement, économiquement et politiquement autant pour notre pays, nous
soyons réduits, en ce moment même, à la gymnastique que vous savez, afin
seulement d'assurer la sécurité des élèves ?
Les chantiers potentiels sont nombreux ; il est temps de les ouvrir et non
plus de les escamoter. Il faut que tous les enfants français de l'étranger,
quels que soient les revenus de leurs parents, aient accès à notre
enseignement. Il ne faut plus que les responsables de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger soient contraints de répéter que, faute de
moyens, ils ne pouvent pas s'intéresser aux élèves étrangers qui souhaitent
étudier dans nos écoles, donc dans notre langue et notre culture. Futurs
décideurs, ils sont nos alliés, nos amis de demain.
Or, monsieur le ministre, vous le savez, le budget beaucoup trop modeste qui
vous est alloué à ce titre ne vous permet pas une telle ambition.
Je me félicite donc que vous ayez récemment pris langue avec votre collègue
ministre de l'éducation nationale...
M. Michel Chenasse,
rapporteur spécial.
Pris langue... quel bon mot !
(Rires.)
M. André Ferrand.
... pour mettre en place un groupe de travail commun sur le partage des
responsabilités et des synergies entre vos deux ministères dans la gestion de
l'AEFE.
Quant à la question urgente et difficile du statut et des traitements des
différentes catégories de personnel dans nos établissements d'enseignement à
l'étranger, je souhaite vivement que le directeur général de la coopération et
du développement, président du conseil d'administration de l'AEFE, réussisse
rapidement dans la mission de négociation que vous lui avez confiée.
En effet, s'il est vrai que les nécessités de la gestion sont incontournables,
le grand sentiment d'injustice créé par les trop grandes différences de
traitement et les espoirs nés à l'occasion de la récente enquête effectuée
auprès des personnels recrutés localement imposent, cette fois, une « mise à
plat » de la question et son règlement au fond.
Je reste au chapitre de la formation française à l'étranger pour me féliciter
de l'augmentation substantielle des crédits destinés à financer les bourses
Eiffel. Le principe et les résultats de ce programme semblent unanimement
considérés comme excellents.
Il est enfin une idée, dont je ne suis pas l'inventeur, mais que je
souhaiterais reprendre à mon compte, tant son pragmatisme me paraît devoir être
efficace : il s'agirait de constituer dans chacune de nos ambassades un fichier
qui recenserait tous les nationaux ayant eu affaire à un moment ou à un autre,
où que ce soit et d'une quelconque manière, au système d'éducation français.
Cela constituerait un premier pas dans la nécessaire organisation d'un réseau
d'« anciens », d'«
alumni
» disent les Américains, auquel il s'agirait
ensuite de donner vie et qu'il faudrait animer dans une mouvance favorable à
nos positions.
J'en viens à mon deuxième point, la francophonie. Je serai très bref.
Je suis, bien sûr, très favorable à la francophonie. Je voudrais, moi aussi,
que les crédits qui lui sont alloués soient mieux identifiés. Je rejoins, en
effet, ceux, très nombreux, qui souhaitent que son organisation évolue dans le
sens de la simplification et de la lisibilité des structures et des
affectations de crédits ainsi que d'une meilleure évaluation de ses
résultats.
J'aborde le troisième point, consacré à nos consulats.
Partout, y compris en Europe, leur rôle reste essentiel. Je ne dirai pas que
leurs effectifs, contrairement à certaines administrations hexagonales, sont
pléthoriques. La situation est plutôt inverse et j'en connais un certain nombre
où un renfort serait le bienvenu. La proportion de personnes recrutées
localement, qui sontgénéralement dévouées, y est importante. Mais, malgré le
soin apporté à la formation de ces agents, l'exercice a ses limites. Il est
nécessaire de disposer dans les postes d'un nombre suffisant d'agents
titulaires chargés également d'une mission pédagogique.
Ce budget permet-il d'accroître leur nombre ? Il nous est permis d'en
douter.
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur le problème des visas. S'il
semble que le dispositif mis en place pour ne plus décourager les étudiants
étrangers candidats à des études en France ait porté des fruits - on se
félicite de l'accroissement du nombre de visas délivrés cette année à ce titre
- on entend encore trop de critiques à ce sujet. Ceux qui les expriment
n'ont-ils pas actualisé leurs informations, ou bien existe-t-il encore de réels
problèmes ? Ce serait très regrettable, quand de sérieux efforts commencent à
être engagés pour augmenter le nombre d'étudiants étrangers dans nos
universités et nos écoles.
Il existe également une catégorie de demandeurs de visas à laquelle il me
paraît souhaitable, monsieur le ministre, d'accorder une particulière et
bienveillante attention : ce sont les étrangers, de plus en plus nombreux à
mesure que notre économie s'internationalise, qui viennent en France pour
recevoir une formation professionnelle. On me dit qu'il y aurait des problèmes.
N'est-il pas possible d'imaginer que, plus systématiquement, soient simplifiées
et accélérées les formalités d'obtention des visas chaque fois que, localement,
on aurait les moyens de juger que la venue en France du demandeur aurait des
effets positifs, directement ou indirectement, pour nos couleurs ?
M. Aymeri de Montesquiou.
Très bien !
M. André Ferrand.
J'en viens à mon dernier point : la coopération, dont je ne retiendrai que
deux aspects, de nature bien différente.
Le premier concerne l'Afrique francophone.
Je partage tout à fait la conviction qu'il fallait tourner la page de certains
aspects de nos relations avec les Etats qui la composent. Je crois également
qu'on a eu raison d'aller bien au-delà de notre « pré carré », de la notion
trop exclusive de « pays du champ ». Bienvenue donc à la zone de solidarité
prioritaire et au refus de l'interventionnisme trop direct ! Mais je suis
également convaincu qu'il existe entre ces pays et nous des liens d'une telle
nature et d'une telle profondeur qu'ils impliquent pour nous une responsabilité
tout aussi particulière en ce qui concerne leur développement.
Il y va de notre intérêt politique et culturel d'abord, économique ensuite,
bien sûr, mais aussi de notre vérité profonde, de ces choses importantes
auxquelles nous croyons et qui sont ancrées au fond de nous.
Cette Afrique, monsieur le ministre, il n'est pas possible de la banaliser et,
pour qu'elle ne demeure pas « mal partie », il faut non seulement que nous lui
consacrions plus de crédits que ne le permet votre budget mais aussi que nous
lui donnions toute la place qui doit lui revenir, sans tenir compte des
phénomènes de mode géo-économico-politiques...
Enfin, je ne puis quitter l'Afrique sans évoquer, cette année encore, le
douloureux problème de nos compatriotes retraités à qui sont dus par les
caisses locales de pays de la zone CFA des arriérés importants. Si la situation
semble, sur ce plan, s'améliorer en Côte d'Ivoire, au Gabon, au Mali et au
Sénégal, il existe toujours de graves difficultés au Cameroun et au Congo,
alors que la situation se dégrade au Niger.
Nous savons que la solution se trouve, monsieur le ministre, chez votre
collègue de Bercy, vous nous l'avez répété à plusieurs reprises. Que peut-on
faire pour qu'à l'ouverture de la prochaine assemblée plénière du CSFE ou lors
de la discussion budgétaire de l'an prochain nous n'ayons pas, encore une fois,
à évoquer cette malheureuse situation ? Pourquoi le Gouvernement n'agit-il pas
?
Avant de conclure, comment ne pas souligner le rôle joué par la grande
communauté des Français de l'étranger ? Il faut lui apporter toute la
considération qu'elle mérite et mieux la mobiliser.
C'est pourquoi il est nécessaire de donner à l'assemblée qui la représente, le
Conseil supérieur des Français de l'étranger, les moyens de jouer pleinement
son rôle. M. le ministre des affaires étrangères, qui en est le président, sait
mieux que quiconque ce qu'a été sa contribution dans sa double mission : le
service des Français de l'étranger et celui de la France. Le contexte est
aujourd'hui différent, et il faut que le conseil s'adapte. C'est tout le sens
de la réforme dans laquelle nous nous sommes engagés, réforme qu'ensemble nous
saurons, j'en suis sûr, mener à bien.
M. le président.
Il vous faut conclure, monsieur Ferrand !
M. André Ferrand.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que, si nous nous apprêtons à
voter le budget des affaires étrangères, ce sera avec le sentiment que notre
pays ne se donne pas tous les moyens de saisir toutes les nombreuses
opportunités qui s'offrent à lui pour améliorer notre place dans le monde et
mieux y rayonner.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le ministre, l'appréciation critique que je porte sur votre politique
tient plus de la nuance que de l'opposition pugnace. Je soutiens les grands
axes que vous proposez et je reconnais que vous ne vous êtes pas départi,
depuis plus de trois ans, d'une gestion sage des choix de la France. Peut-être
plus d'audace parfois donnerait-elle plus d'audience à notre pays !
En dépit des apparences d'un budget en augmentation, les moyens dont vous
disposez sont inadaptés au potentiel diplomatique de la France.
Cette indigence budgétaire se traduit par une faiblesse d'action et de faibles
moyens en personnel : à peine 10 000 agents pour mettre en oeuvre la diplomatie
française. Lors de l'examen du budget de la fonction publique et de la réforme
de l'Etat, hier soir, je me suis élevé contre l'incohérence budgétaire de la
création nette de plus de 11 000 emplois, l'hypertrophie des administrations
centrales en général et leur mauvais déploiement. Votre ministère constitue une
exception par ses effectifs étiques. Par opposition aux autres ministères, son
antenne à Nantes est un exemple de délocalisation réussie.
Vous n'avez pas les moyens de travailler avec une complète efficacité. J'en
citerai un seul exemple : il y a un an, pour mieux accompagner notre présidence
et affirmer notre rôle de nation chef de file de l'Union, j'avais demandé si
des moyens supplémentaires étaient prévus afin que les effectifs travaillant
sur les questions communautaires puissent être renforcés au Quai d'Orsay, au
SGCI et à notre représentation permanente. Cela n'a pas été le cas.
Pis encore, 625 emplois budgétaires ont été rendus en cinq ans. Dans ce
contexte, la création de 10 misérables emplois cette année est affligeante au
regard des 134 postes redondants créés pour les services du Premier ministre
!
Si « la guerre est la diplomatie prolongée par d'autres moyens », prenons déjà
les moyens financiers de notre diplomatie.
Tous les budgets sont, bien sûr, à considérer à l'intérieur d'une enveloppe
générale, et l'intitulé « commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées » montre bien l'imbrication constante entre les budgets qui
expriment la protection globale des intérêts de la France.
Voilà pourquoi je dirai quelques mots de notre défense et de ses priorités,
qui sont, d'une part, l'intégration dans une défense européenne opérationnelle,
qui permettra à la France de conserver et de développer ses capacités
techniques et industrielles - à ce propos, félicitons-nous des progrès
accomplis par les industriels de la défense et par les pays de l'Union - et,
d'autre part, la vigueur de nos engagements dans notre pré carré africain.
Axons également nos efforts budgétaires en matière de sécurité nationale sur
la gendarmerie.
Le reste n'est qu'apparence et gâchis de fonds publics, et certaines lignes
budgétaires ne semblent exister que pour faire illusion, ou apparaissent comme
des vestiges nostalgiques d'un grand passé militaire. Cet investissement
militaire-là, inutile, se fait au détriment de la force de frappe diplomatique.
Affectons-le donc à votre ministère !
Comment pouvons-nous peser sur une situation conflictuelle ? Faut-il protéger
- peut-on protéger ? - nos intérêts par la guerre ou par la diplomatie ?
L'avenir de notre pays se forgera davantage avec des bourses pour les
étudiants étrangers qu'avec des débuts de séries d'armes qui ne serviront
jamais et qui n'effraieront personne de par leur petit nombre.
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
Quelques milliards de francs de moins pour notre défense ne nous rendront
guère moins dissuasifs. Quelques milliards de francs en plus pour notre
diplomatie nous rendraient beaucoup plus attractifs.
Monsieur le ministre, ce rééquilibrage budgétaire en faveur des affaires
étrangères a-t-il quelque chance de s'amorcer l'an prochain ? J'imagine que
vous l'appelez de vos voeux laïques.
Comment exploiter l'image de la France pour défendre nos intérêts si ce n'est
par une diplomatie disposant de moyens ? Comment lutter contre le déclin si ce
n'est en nous appuyant sur notre formidable patrimoine culturel, si ce n'est en
accueillant davantage d'étudiants dans nos grandes écoles et nos universités
?
Je voudrais souligner qu'en France, hélas ! le nombre d'étudiants étrangers
issus de pays au fort potentiel économique est très inférieur à celui de nos
concurrents, et que cela constitue un fort handicap pour l'avenir.
Nous devons également développer notre enseignement à l'étranger, nos actions
audiovisuelles à diffusion internationale, qui souffrent, d'une façon
quelquefois vexante, des comparaisons avec celles des autres pays. Sur ce
dernier point, il y a une prise de conscience de votre ministère, puisque le
projet de budget pour 2001 alloue des fonds supplémentaires au Proche-Orient et
au Maghreb. Cette mesure est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante.
TV 5 doit avoir l'opportunité et les moyens d'évoluer pour devenir une réelle
chaîne de télévision et non une juxtaposition d'émissions issues des différents
pays francophones. On ne peut considérer aujourd'hui que la France mène une
politique culturelle au travers des programmes de TV 5. Cette chaîne doit se
muer en une véritable chaîne d'actualité ; elle donnerait de la France une
image plus moderne à travers le monde.
Il est très regrettable, outre les problèmes rencontrés par TV 5, qu'il soit
aussi difficile de capter des chaînes publiques françaises à l'étranger.
L'Allemagne, l'Italie et l'Espagne réussissent à proposer plusieurs chaînes
généralistes hors de leurs frontières.
Au Liban, par exemple, les francophones ne peuvent recevoir ni France 2 ni
France 3, alors qu'ils captent des chaînes polonaises ou allemandes, entre
autres. Il est indispensable de prendre des mesures pour faire évoluer cette
situation.
Maintenant, je traiterai de notre politique des visas et de mon souhait de
voir retenues des positions plus audacieuses, notamment au Moyen-Orient.
Pour ce qui est des visas, êtes-vous prêt à mettre en oeuvre et à assumer le
choix d'une immigration sélective fondée sur le pragmatisme économique ? Il
convient de tenir compte de la compétence professionnelle des demandeurs et des
liens économiques que nous voulons développer entre leur pays d'origine et la
France. Des visas devraient être accordés en fonction des formations et de
l'apport des demandeurs à notre économie.
Les Etats-Unis et l'Allemagne n'ont pas procédé autrement. Monsieur le
ministre, êtes-vous prêt à faire ce choix pour la France et à l'assumer en
dehors de toute contingence de politique intérieure et pour le seul intérêt de
notre pays ?
Enfin, notre diplomatie pourrait se risquer à une liberté de choix que de
nombreux pays attendent, au Moyen-Orient en particulier. Vous avez argumenté et
dit que nous avions obtenu le maximum de nos partenaires européens. Mais, au vu
de la situation catastrophique en Palestine, ne pensez-vous pas qu'il serait
bon de déclarer que l'humiliation et le désespoir, donc la révolte, dans
lesquels Israël plonge les Palestiniens alimentent le fondamentalisme islamique
international ?
Mme Paulette Brisepierre.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
Ne serait-il pas opportunde dire que non seulement la présence des colons mais
l'augmentation de leur nombre en territoires occupés avivent en permanence le
conflit ? Cela n'aggraverait pas une situation désastreuse et aurait quelque
chance de la faire évoluer de manière positive.
Je reviens d'Irak, où l'on attend un geste fort de la France aux Nations
unies. Je sais que l'incohérence de la politique irakienne ne vous rend pas la
tâche facile, mais, pour une fois, il n'y a pas à choisir entre l'humanitaire
et la
Realpolitik.
D'une part, des enfants meurent et, d'autre part, nos
entreprises risquent de perdre d'importants marchés le jour de la
réconciliation des Etats-Unis avec ce pays. Des entreprises françaises, sans
doute avec l'accord de notre diplomatie, ont montré le chemin en Iran.
Inspirons-nous de cet exemple.
Messieurs les ministres, je suis persuadé que vous sauriez soit convaincre nos
alliés européens de telles initiatives, soit orchestrer un élan
international.
J'espère que, l'année prochaine, l'utilité pour nos intérêts commerciaux de
votre talent de négociateurs sera mieux reconnue par le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie.
Le groupe du Rassemblement démocratique social et européen vous aiderait
peut-être en ne votant pas votre projet de budget. Mais il est difficile
d'imaginer qu'un soutien passe par un vote négatif. C'est pourquoi je le
voterai.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et
du RPR, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière.
Monsieur le ministre, avec une progression de 5,3 %, votre budget marque une
rupture avec une tradition à la baisse qui s'est répétée pendant plusieurs
années. Votre budget, malgré les critiques qui ont pu, ici et là, se faire
entendre, est globalement un bon budget.
Certes, nous aurions souhaité que vous alliez plus loin, plus haut, dans
l'augmentation des crédits. Mais votre budget, monsieur le ministre, témoigne
clairement de la volonté du Gouvernement de maintenir et, dans certains
domaines, de développer les moyens afin que la France joue le rôle qu'elle a
déterminé, soit directement, soit à travers l'Union européenne, dans le
monde.
Le rôle de l'Union européenne dans ce domaine a besoin d'être éclairé,
expliqué, précisé et, surtout, dynamisé. La mondialisation des échanges de
toute nature, la multiplication des relations internationales, justifient ces
efforts financiers.
Sans entrer dans le détail d'un budget que plusieurs orateurs ont commenté, je
soulignerai l'importance que vous avez accordée à l'aide aux Français résidant
hors de France. Ceux-ci bénéficieront désormais de moyens nouveaux qui ne sont
qu'un début, du moins nous l'espérons, et qui seront, j'en suis persuadé, très
appréciés.
Il y a cependant des domaines où notre effort mérite d'être accru et
reconsidéré.
Il s'agit, tout d'abord, de l'audiovisuel. Lors des émissions auxquelles j'ai
participé à l'étranger, j'ai pu constater que la quasi-inexistence des
émissions de télévision en français est malheureusement un leitmotiv.
Les émissions, lorsqu'elles existent, sont souvent décalées, inadaptées aux
besoins des populations locales. Certes, des progrès sont réalisés, mais ils
sont trop localisés et bien en retrait par rapport à ceux que réalisent
certaines chaînes étrangères.
Il n'est d'ailleurs pas certain que l'insuffisance de nos programmes résulte
d'un manque de crédits. Le souhait de faire autrement est fréquemment exprimé.
Il semble donc que ce soit autant un problème de réorganisation qu'un problème
de crédits.
Je n'insiste pas sur l'importance de l'audiovisuel, tout le monde en est
convaincu. Mais je vous demande, monsieur le ministre, si vous allez prendre
l'initiative d'une nouvelle organisation en ce domaine.
Le second secteur sur lequel je souhaite insister, c'est le parent pauvre de
votre ministère, je veux parler des consultats.
Les ambassades, mais aussi les consulats, sont les vitrines de la France à
l'étranger. Souvent, ils apparaissent les unes comme la lumière, les autres
comme l'ombre de la politique étrangère de la France.
A quelques exceptions près, les consultats manquent de locaux, de personnels
efficaces et de moyens. Les solliciteurs formant d'interminables files
d'attente devant l'entrée de nos consulats. Dans le froid, sous la pluie, ils
attendent d'être reçus par un personnel peu nombreux et qui n'est pas toujours
formé pour répondre aux exigences des situations.
Le personnel est souvent recruté sur place, ce n'est pas toujours une garantie
d'objectivité et de rigueur, notamment pour la délivrance des visas.
Délivrer des visas n'est pas la seule occupation des consulats, mais cela
accapare une très large part de leur activité.
On peut d'ailleurs s'interroger - et vous interroger, messieurs les ministres
- sur l'organisation des autres pays membres de l'Union européenne en matière
de délivrance de visas.
Il est encore beaucoup plus incompréhensible de constater que, pour les pays
du groupe de Schengen, non seulement il n'y a pas un guichet unique, mais que,
de plus, les conditions exigées pour la délivrance des visas ne sont pas les
mêmes d'un pays à l'autre.
Quand pourra-t-on dire enfin : « Une seule Europe, un seul visa, délivré à un
seul et même guichet européen » ? Ce dispositif permettrait de réaliser des
économies et contribuerait à conforter l'image de l'Union européenne.
Je souhaite enfin, monsieur le ministre, vous interroger sur l'accord que vous
avez conclu en 1998 avec votre collègue chargé de l'éducation nationale, accord
visant à faciliter l'accès des étudiants étrangers à nos universités et à nos
grandes écoles. Sur le terrain, le parcours d'obstacles semble être encore une
pesante, une décourageante réalité, car, dans ce domaine aussi, la concurrence
est internationale.
Notre rôle est de faciliter ce parcours du combattant, d'en réduire la
longueur. L'idéal serait de le supprimer. Qu'en pensez-vous, messieurs les
ministres ?
Ces quelques réflexions n'altèrent en rien mon jugement initial. Votre projet
de budget est en progression et, malgré quelques insuffisances, c'est un bon
budget. J'ai constaté d'ailleurs que je ne serai pas le seul, avec mes amis
socialistes, à le voter.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne.
Je souhaite, messieurs les ministres, que vous présentiez un meilleur budget
l'année prochaine, et je peux vous assurer que nous sommes prêts à associer nos
efforts aux vôtres pour livrer bataille à Matignon et à Bercy afin d'obtenir
les arbitrages nécessaires pour que votre budget soit, enfin, à la hauteur des
ambitions de la politique étrangère que vous conduisez avec intelligence.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Et succès !
M. Guy Penne.
Monsieur le ministre, vous avez appelé récemment « à travailler à
l'indispensable refondation de la politique étrangère française ». Mes propos
tenteront d'apporter une modeste contribution à cette tâche rendue nécessaire
par les formidables évolutions que notre planète a connues depuis 1990.
Le nouveau rapport de force issu des décombres du mur de Berlin pose de
nouveaux défis à la politique extérieure de la France, qui entend incarner une
puissance d'influence réelle. Certes, la puissance est une notion plurivoque,
qui évolue au gré des époques. Elle ne se mesure pas seulement en termes de
division. Dans un monde où la technologie assure l'ubiquité de la diffusion de
l'information, le rayonnement culturel en est l'un des facteurs nécessaires.
L'action culturelle doit ainsi être privilégiée par notre politique étrangère,
non seulement comme le vecteur de diffusion d'une certaine image de la France,
mais aussi comme l'expression d'une « grande idée » qu'est la francophonie,
dont notre pays doit demeurer l'un des principaux piliers.
OEuvrer pour la diversité culturelle dans un contexte de mondialisation
requiert que des fonds soient accordés aux instituts et aux centres de
recherche, qui contribuent efficacement à la décision du politique, grâce à
leur travail de conceptualisation qui fournit des clefs de compréhension de
notre monde en constante mutation.
Monsieur le ministre, dans le bref temps qui m'est imparti, je souhaite
évoquer trois aspects d'une réalité internationale qui ne fait pas assez
l'objet de débat, en dehors des cercles de spécialistes.
Le premier est la criminalité organisée. Elle profite des conséquences de la
mondialisation faute de régulations publiques adéquates. Elle bénéficie de
l'affaiblissement de l'Etat de droit, dont la législation ne permet plus de
contrôler des pratiques auparavant tenues pour hautement répréhensibles. Nous
savons tous que le développement des nouvelles technologies permet de
contourner les barrières que constituaient jusqu'à présent les législations de
chaque Etat.
La criminalité organisée est désormais un phénomène transnational, dont la
résorption exige des moyens appropriés que doit mettre en oeuvre la communauté
internationale. L'Union européenne est appelée, ne serait-ce qu'en raison des
traditions juridiques communes à ses différents Etats membres, à mener la lutte
en faveur du renforcement de l'Etat de droit et de la démocratie. Cela
implique, par ailleurs, la conduite d'une action déterminée et concertée contre
la corruption, la criminalité organisée, le blanchiment de l'argent sale et,
surtout, le trafic d'êtres humains.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Vive les juges !
M. Guy Penne.
Monsieur le ministre, il est inconcevable que le troisième millénaire qui
commence connaisse la résurgence de pratiques esclavagistes, comme le rappelle
le développement de la prostitution sur l'ensemble du continent européen.
Dans l'Europe des droits de l'homme, il n'est pas possible que l'absence de
droit la plus tragique demeure une réalité à laquelle nous semblons trop
souvent nous résigner.
Monsieur le ministre, il importe que notre pays demeure exemplaire dans cette
Europe en devenir, qui doit demeurer, unie dans la lutte contre les
conséquences néfastes de la mondialisation que seule la restauration de l'Etat
de droit, accompagnée des moyens nécessaires, permettra de résorber.
Le deuxième aspect que je souhaite évoquer est un problème connexe : celui du
blanchiment de l'argent trop souvent issu de pratiques condamnables. Nous avons
eu récemment à examiner et à adopter plusieurs textes relatifs à la lutte
contre ce fléau. En dépit de l'apparent dispositif juridique visant son
éradication, la lutte contre la corruption dans les transactions
internationales semble désormais suspendue.
Comment assurer la cohésion de la communauté internationale face à ce fléau
lorsque certains Etats, comme la Grande-Bretagne et le Japon, n'ont pas encore
transposé les dispositions les plus importantes de la convention de l'OCDE
relative à la transparence dans les transactions financières ? Il importe avant
tout de promouvoir une réelle régulation du fonctionnement des sociétés qui
sont situées dans les paradis fiscaux et qui drainent la quasi-totalité des
capitaux de provenance trouble.
Enfin, le troisième aspect, corrélat du premier, est la conséquence du
formidable développement des réseaux de télécommunications de la dernière
décennie : la cybercriminalité. Celle-ci assure la propagation à l'échelle de
la planète de pratiques attentatoires aux valeurs de l'Etat de droit. Elle doit
susciter l'attention de l'ensemble de la communauté internationale.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de rappeler brièvement les différentes
implications d'un tel phénomène : utilisation frauduleuse des cartes bancaires,
espionnage industriel, piratage des logiciels, escroqueries en matière de
commerce électronique... La liste se confond avec les innovations
technologiques, la constance de celles-ci nourrissant la longueur de celle-là.
Le Gouvernement a déjà avancé plusieurs propositions destinées à lutter
efficacement contre ces nouvelles formes de délinquance, dont l'aspect
transnational exige la mise en oeuvre de mesures globales, en faveur desquelles
la France doit sans cesse s'affirmer.
Monsieur le ministre, alors qu'il faudra bientôt dresser le bilan de la
présidence de l'Union, qui s'est notamment attachée à ces différents problèmes
transnationaux, il est nécessaire que notre pays poursuive ses efforts, en
privilégiant chaque fois la concertation avec ses différents partenaires dans
le dessein de consolider ensemble l'Etat de droit. La coopération au sein de
l'Union européenne, à l'avenir, ne peut que reposer sur l'harmonisation des
différentes procédures nationales d'intervention et sur l'inscription de
l'action préventive et répressive dans un système cohérent et harmonisé.
Je conclurai, monsieur le ministre, sur ce que je nommerai le grand échec de
la mondialisation.
Cette dernière n'est pas, en soi, une nouveauté : l'ampleur des échanges
commerciaux d'aujourd'hui s'inscrit dans la continuité des relations
économiques et commerciales d'avant la Première Guerre mondiale.
Les conséquences sociales de la mondialisation d'aujourd'hui demeurent, en
revanche, inédites : loin de concourir au rapprochement des peuples et des
nations, grâce au partage des technologies impliquées dans l'échange des biens
et services, l'apparente disparition des frontières nationales occulte la
sournoise édification de nouvelles frontières séparant les pays industrialisés
des autres, pour lesquels le rattrapage des niveaux de développement s'avère
compromis.
La mondialisation doit être régulée, afin d'éviter qu'elle ne se traduise par
un acrroissement des inégalités sociales, économiques et politiques, au risque
de reléguer notre communauté internationale au rang de société internationale
où seule la force prime le droit.
L'échec de la conférence de Seattle avive l'urgence de mesures efficaces :
l'ouverture commerciale ne saurait avoir d'autre sens que de garantir aux pays
économiquement fragiles la résorption des difficultés qui contraignent, sinon
interdisent, leur développement.
La France ne doit pas se résigner au triomphe de la loi du plus fort, alors
que la croissance, entretenue par la mondialisation des échanges, semble
profiter, en valeur absolue seulement, à l'ensemble de la planète.
Messieurs les ministres, le continent africain, qui représentait 5 % des
échanges commerciaux dans les années soixante-dix, contre 1,8 % actuellement,
est l'un des grands laissés-pour-compte de la mondialisation. Pouvons-nous
laisser l'Afrique subsaharienne, c'est-à-dire près de 10 % de la population
mondiale, dans cette pauvreté endémique, avec seulement 1 % des investissements
étrangers et 1,5 % du commerce international, soit au total 1 % du PIB mondial
? René Dumont déclarait en 1974 que « l'Afrique était mal partie... ». Plus de
vingt-cinq ans se sont écoulés depuis, et le mouvement vers le rattrapage du
développement semble s'être irrémédiablement arrêté, faute d'un accompagnement
suffisant des pays du Nord.
Je le répète : la régulation de la mondialisation est un impératif. La France
se doit d'être convaincante auprès de ses partenaires européens et de
l'ensemble de la communauté internationale, afin d'honorer pleinement ses
ambitions de puissance, d'influence mondiale que nous tous ici appelons de nos
voeux, afin de contribuer au rapprochement des peuples, que le fossé de la
misère ne doit plus séparer en ce nouveau millénaire qui commence.
Mais pouvez-vous convaincre et jouer un rôle de leader lorsque les moyens de
vos administrations, messieurs les ministres, sont une véritable peau de
chagrin ? Je conclus ainsi, messieurs les ministres, ces réflexions que je
soumets à votre analyse.
Nous voterons votre budget, en espérant que vous obtiendrez à l'avenir les
moyens requis pour conduire la politique extérieure que nous approuvons et que
nous soutenons !
(Applaudissments sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le président, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat budgétaire ne doit
pas, me semble-t-il, se limiter à l'examen des crédits et à leur répartition.
J'estime que c'est une occasion - même si elle est brève, compte tenu du temps
qui nous reste - de faire quelques remarques sur des aspects plus généraux de
la politique étrangère.
Je ne voudrais pas laisser passer cette occasion sans vous dire quelques mots
sur le travail que je qualifierai de reconstruction de la politique étrangère
de la France, travail commencé voilà quelques années, depuis que nous sommes
dans un monde unipolaire dont les règles sont tout à fait différentes de celles
que nous avons connues pendant des décennies.
Ce travail comporte des dimensions à la fois théorique et conceptuelle,
sémantique et linguistique, que je voudrais illustrer par quelques exemples
pour éclairer le type d'actions que nous sommes amenés à conduire.
Ainsi, pourquoi ai-je tant insisté, ces derniers temps, sur la notion
d'hyperpuissance américaine ? Tout simplement parce que cela change les règles
du jeu. En effet, être dans un monde où une puissance exerce une domination qui
n'est, historiquement, comparable à rien, qui porte sur tous les plans et qui
prend toutes les formes du pouvoir et de l'influence, ce n'est pas la même
chose que d'être dans un monde bipolaire ! Cela change toutes les tactiques et
toutes les stratégies.
Si nous avons, en France, un objectif qui paraît sympathique à tous, celui
d'un monde multipolaire, la réflexion ne doit pas s'arrêter à un tel slogan,
car un monde multipolaire peut tout à fait être conflictuel, déséquilibré, et
ne pas être automatiquement conforme à nos intérêts. Il nous faut donc aller
plus loin et voir comment un monde multipolaire pourrait être coopératif et
organisé.
Je prendrai un autre exemple : tous les jours, nous lisons des éloges de la
société civile internationale, qui est présentée comme une panacée. Mais, là
encore, il nous faut pousser plus loin l'analyse, car la société civile
internationale se compose de toutes sortes d'organismes, notamment
d'organisations non gouvernementales,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Quelle horreur !
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
... dans lesquelles le pire côtoie le
meilleur ! On y trouve en effet l'expression de tous les intérêts et, en même
temps, de tous les idéalismes.
Nous devons tenir compte de ces phénomènes, sans pour autant abdiquer devant
eux. Les gouvernements surtout, s'ils veulent aller vers plus de régulation -
comme beaucoup d'orateurs, à juste titre, nous y invitent - doivent savoir
garder leurs prérogatives tout en se modernisant.
Je prendrai un exemple qui illustre une des controverses linguistiques : celui
du droit d'ingérence. Il est très populaire dans nos pays, mais il est très mal
perçu dans beaucoup d'autres, où il est associé à une resucée, en quelque
sorte, de l'éternelle loi du plus fort, du pouvoir de l'homme blanc de l'époque
du colonialisme.
La réponse à cette contreverse est le chapitre 7 de la charte des Nations
unies, à condition que l'on parvienne à l'appliquer dans tous les cas et que
son application ne soit pas entravée par une interprétation abusive et
archaïque du droit de veto !
Il nous faut donc évoluer et travailler, non pas en mettant à bas les règles
du droit international telles qu'elles ont été élaborées, ou les coopérations
entre Etats, mais en réussissant à les intégrer dans une perspective
dynamique.
Je vais, là encore, prendre un exemple. Nous avions à coeur de défendre ce que
nous appelions « l'exception culturelle » - c'est encore le cas, avant le
Conseil européen de Nice, s'agissant de l'une des questions sous-jacentes au
débat sur la majorité qualifiée. Mais quand nous parlions, nous Français,
d'exception culturelle, nous n'étions en réalité applaudis que par nous-mêmes,
tant cette présentation des choses était « recroquevillée », narcissique et
donc absolument pas mobilisatrice. En revanche, depuis que nous parlons de «
diversité culturelle », nous éveillons un écho pour d'autres cultures, d'autres
civilisations, d'autres langues dans le monde. Certains s'intéressent
maintenant à notre débat et sont même prêts à former avec nous des
majorités.
Un parlementaire de l'Assemblée nationale a employé une expression que je
trouve très heureuse, en parlant de « désir de France ». Le désir peut être
très fort - je le constate à l'occasion de tous mes déplacements - à condition
que l'on ait le ton et la manière qui correspondent aux relations
internationales d'aujourd'hui.
C'est le même type de travail de décantation et de clarification que l'on doit
faire dans tous les domaines où c'est nécessaire. Ainsi, en matière européenne,
on a parlé pendant très longtemps de « couple franco-allemand ». Pour ma part,
j'ai toujours pensé que cette expression était malheureuse, trop « auto-centrée
», en tout cas qu'elle n'était pas assez parlante. Elle n'a pas la même
puissance dynamique que l'expression « moteur franco-allemand ».
De
facto
, dans l'histoire de la construction européenne, la relation
franco-allemande a été forte quand elle a entraîné les autres dans une vision
commune.
Voilà une série d'exemples - et je n'ai pas fini - qui vous montrent comment
le travail d'analyse, de reconstruction intellectuelle et conceptuelle est
inséparable d'un travail sémantique afin de trouver les mots exacts définissant
les concepts nouveaux et traduisant une réalité qui a changé.
Toujours en matière européenne, l'élargissement a été très longtemps présenté
comme extraordinairement démagogique. Si l'on veut en effet répondre non
seulement aux impatiences très compréhensibles des pays candidats, mais aussi
aux inquiétudes légitimes des pays membres, qui n'ont pas passé trente ou
quarante ans de leur vie politique à construire cette Europe pour la voir se
dissoudre ou se disperser dans un élargissement mal contrôlé, il faut avoir le
courage de dire les choses comme elles sont, à savoir qu'il n'y a pas à être
pour ou contre l'élargissement, comme certaines présentations le laissent
penser. Il faut le réussir, un point c'est tout, faute de quoi on mettrait en
péril la construction européenne proprement dite.
Pour ces questions, on frôle en permanence le piège des malentendus ou des
mots maladroits. Par exemple, la mise en place d'une politique étrangère
européenne commune que nous nous sommes assignée comme objectif est interprétée
par beaucoup comme une volonté de bâtir une politique étrangère unique. On
s'étonne presque qu'il y ait encore des politiques française, britannique...
Pourtant, si l'on regarde de près les mécanismes et les organes qui sont censés
les mettre en oeuvre, on voit bien que, sans la politique étrangère nationale
forte des quelques rares pays d'Europe qui en ont une, il manque le
combustible, les matériaux et le socle nécessaire pour fonder cette politique
étrangère européenne commune, laquelle doit s'ajouter aux politiques étrangères
nationales, qui doivent demeurer fortes. Je le dis en réponse à tous ceux qui
se sont interrogés et qui nous ont fait part de réflexions riches sur la
situation telle qu'elle se présente avant le sommet de Nice.
De même, nous sommes très sensibles aux interrogations qui se développent à
propos de l'aide publique au développement pour savoir comment la rendre la
plus efficace possible, comment l'adapter aux réalités nouvelles. Les pays en
développement eux-mêmes ne nous font pas les mêmes demandes de substitution que
celles qu'ils faisaient dans le passé, et il est tout à fait normal que nous
appliquions à ce pan de notre politique le même effort d'évaluation que celui
que nous voulons appliquer aux autres volets de notre politique étrangère pour
qu'elle soit mieux gérée, mieux contrôlée, constamment perfectionnée. Pour
cela, il faut harmoniser, soupeser, perfectionner, aiguiser l'efficacité de
cette aide au développement, dont beaucoup d'intervenants ont parlé. Je ne peux
les citer tous, mais je sais que c'est l'un des grands soucis de la Haute
Assemblée que de vouloir sans cesse adapter notre aide aux réalités
nouvelles.
En fait, il n'est pas un seul domaine de la politique étrangère de la France
qui puisse être poursuivi mécaniquement comme il l'aurait été il y a quelques
années. Dans tous les domaines, il faut reprendre l'analyse, la vérifier, la
contrôler, l'adapter, trouver les mots nouveaux qui correspondent aux concepts
nouveaux, les faire comprendre pour que le débat démocratique puisse avoir
lieu. Naturellement, nous espérons que nos efforts seront compris et
soutenus.
Dans ce monde global qui n'est pas du tout stabilisé, la globalisation n'est
pas synonyme de résolution automatique de l'ensemble des problèmes posés.
Chacune des questions se présente dans des termes un peu différents.
En fait, ce sont sans doute les relations avec les Etats-Unis qui ont le moins
changé.
Avec les Etats-Unis, il s'agit comme toujours d'être capable, avec une égale
sérénité, de coopérer, d'appuyer, d'approuver, mais, parallèlement, avec la
même tranquillité, de résister, de dire non et de proposer autre chose.
En revanche, par rapport à la Russie, la donne a totalement changé. Il s'agit
aujourd'hui d'accompagner et d'aider à la modernisation économique, sociale,
culturelle et politique de cet immense pays, sans faire l'impasse sur toute une
série de sujets, comme la Tchétchénie. Notre objectif premier est de tout faire
pour favoriser l'existence, à côté de l'Europe, de cette grande voisine pour
qu'elle aille dans le sens que nous souhaitons. C'est à l'aune de ce critère
qu'il faut juger les politiques que nous menons.
Nombre d'entre vous sont intervenus à propos des Balkans, sujet majeur de
l'actualité récente. Notre politique vise à « européaniser » les Balkans. Vous
savez que les pays de la région cherchent un autre terme. Je ne l'emploie que
dans le sens géographique classique.
Avec le changement intervenu à Belgrade, nous avons enfin un contexte nouveau,
qui nous permet d'aller dans le sens de nos ambitions. Il faudra encore de
nombreuses années pour que s'institue la coopération régionale, le bon
voisinage, et pour que le rapprochement vers l'Europe se fasse par les étapes
fécondes que nous avons dessinées à l'intérieur du processus de stabilisation
et d'association.
Plusieurs d'entre vous ont parlé du Proche-Orient. Comment ne pas en parler ?
Comment ne pas avoir le coeur serré devant ce qui se passe et par rapport à ce
que nous avions espéré, par rapport à ce à quoi nous avions participé.
La priorité c'est évidemment que les violences cessent et que le dialogue
reprenne, les deux pouvant être simultanés. Il n'y a pas d'autre solution. Ces
deux peuples seront de toute façon toujours côte à côte, enchevêtrés, avec des
destins communs, mais des destins qui doivent devenir des destins pacifiques,
des destins de coopération.
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour les y encourager. Toutes les
puissances qui ont une influence au Proche-Orient le font également. Mais, au
bout du compte, on ne peut pas se substituer à la responsabilité des
protagonistes eux-mêmes.
J'ai l'intention de me rendre, au titre de la présidence française de l'Union
européenne, dans cette région la semaine prochaine.
En Afrique, nous poursuivons la politique que vous connaissez. J'ai eu
l'occasion - Charles Josselin plus encore que moi - de l'évoquer dans cette
enceinte à différentes reprises.
Nous poursuivons notre politique d'engagement, mais il s'agit d'un engagement
différent, fondamentalement respectueux de ces pays qui, indépendants depuis
plusieurs décennies, prennent leurs responsabilités.
Ils mènent leur politique. Ils ont des réussites ; ils font parfois des
erreurs. Ils savent que nous sommes à leur côté, en termes d'amitié, de
coopération, de compréhension, d'échange et d'enrichissement mutuel, mais qu'il
n'est pas question pour nous de nous substituer à eux en matière politique
notamment.
C'est dans ce sens qu'il nous faut continuer à travailler, à affiner et à
moderniser notre politique. Malgré un certain nombre de critiques nostalgiques,
c'est ce que nous faisons, avec les instruments que nous avons entre les mains
et que nous avons modernisés.
Vous sentez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que mes remarques
tournent autour d'une seule idée : nous sommes en fait dans une phase
d'adaptation, de conception nouvelle ; nous vous demandons comment, dans ce
monde globalisé, extraordinairement dur et concurrentiel, en dépit d'une
apparente consensualité sur des valeurs universelles, nous pouvons continuer à
nous inscrire dans une longue chaîne, à défendre nos valeurs et les intérêts de
la France, nos conceptions, nos projets et nos idées, soit directement par
nous-mêmes, soit par le truchement de la construction européenne.
Nous sommes à la veille du Conseil européen de Nice, un des plus importants
depuis très longtemps. Cela se sent à la tension qui a régné dans les opinions
publiques européennes. C'est toujours ainsi à la veille de conseils européens
importants au cours desquels une décision difficile doit être prise. Une
conférence intergouvernementale avait déjà abordé le sujet que nous devons
traiter, mais sans succès. Il n'est donc pas tellement étonnant que la tension
se fasse sentir à nouveau.
Nous allons donc nous rendre à Nice avec la volonté d'aboutir, en étant tout à
fait lucides et vigilants quant à nos intérêts fondamentaux, mais tout aussi
exigeants et ambitieux quant aux intérêts généraux de l'Union européenne, dont
nous avons actuellement la présidence.
Ce sera difficile. Trois cent trente heures de négociation au sein de la
conférence intergouvernementale n'ont pas permis de résoudre les problèmes qui
se posent.
C'est dire à quel point ceux qui, au printemps dernier, disaient que seul
comptait le débat sur l'avenir de l'Europe à long terme et que la CIG de Nice
n'était pas importante se trompaient. Dans deux ou trois jours, les dirigeants
des Quinze seront tous ensemble face à leurs responsabilités : ils ne peuvent
pas échouer.
Voilà les quelques commentaires que je voulais faire sur une politique
étrangère dont je sais, par mes contacts réguliers, que vous suivez avec
attention les développements et les actions, ce qui nous est précieux.
Plusieurs d'entre vous se sont exprimés à propos des débats qui doivent avoir
lieu au Parlement sur la politique étrangère de la France ; je pense à M.
Bécart notamment.
Je voudrais rappeler que nous y sommes attentifs. Un débat a eu lieu au moment
de la guerre du Kosovo ; un débat sur la présidence de l'Union européenne a eu
lieu voilà quelques jours à l'Assemblée nationale ; un débat identique aura
lieu le 14 décembre au Sénat, dans le cadre d'une séance de questions orales
avec débat. Je rappelle également que les ministres les plus directement
concernés, Pierre Moscovici et moi-même, sont très régulièrement auditionnés
par les commissions, que des réponses vous sont régulièrement apportées lors
des questions d'actualité, et je n'oublie pas tout ce qui se passe au sein du
Parlement européen ni le travail qui est mené par le ministère auprès de tous
les parlementaires qui voyagent, qui mènent des missions et qui s'intéressent à
tout ce qui se passe dans ce monde changeant.
Avant de vous dire quelques mots sur les moyens budgétaires, je voudrais
répondre à M. Le Cam, qui a posé une question sur la fermeture de la frontière
franco-italienne. C'est naturellement tout à fait conjoncturel, monsieur le
sénateur, uniquement lié au Conseil européen de Nice et à l'annonce de
manifestations très nombreuses.
Je voudrais compléter ces quelques commentaires généraux, dont vous excuserez
la rapidité, par quelques propos sur le budget.
Tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, Charles Josselin et moi-même
sommes très sensibles à vos efforts, à votre soutien, à vos protestations même,
qui ont joué un rôle non négligeable dans le fait que, pour la deuxième année
consécutive, nous avons réussi à stabiliser les crédits. Stabiliser, ce n'est
pas aussi bien qu'augmenter, mais c'est beaucoup mieux que décroître. Nous
avons stabilisé les effectifs et les moyens de fonctionnement du ministère
après plusieurs années de réduction drastique. Je sais que l'action menée par
les sénateurs a été très importante à cet égard.
Je ne vais pas entrer dans le détail des chiffres. Vous savez très bien que la
croissance apparente de 5,3 % s'explique par les contributions obligatoires. Il
n'empêche que, même si l'on fait abstraction de cet apport, les moyens du
ministère sont reconduits avec une augmentation de 40 millions de francs. A
cette légère progression s'ajoute la budgétisation du fonds de concours sur les
droits de chancellerie à hauteur de 119 millions de francs. Ce n'est pas
négligeable.
Avec 9 471 emplois, les effectifs du ministère restent stables. Nous sommes
donc dans une bonne situation.
Même si de nombreux sénateurs ont raison d'observer que les moyens du
ministère restent stables, l'augmentation des crédits consacrés aux
contributions obligatoires ou aux opérations de maintien de la paix traduisent
bien un effort important en faveur de notre action extérieure multilatérale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sur certains points, vous avez été cinq,
six, sept, huit ou neuf à intervenir, ce qui traduit la convergence de vos
analyses, dont nous tenons le plus grand compte. Ainsi, sur la question que
j'évoquais précédemment, MM. de Villepin, Estier, Le Cam, Durand-Chastel,
Chaumont, Dulait sont intervenus. Je ne peux pas vous citer tous à chaque fois,
je vous prie de m'en excuser.
M. Chaumont s'est interrogé sur la dispersion des crédits de l'action
extérieure de l'Etat entre plusieurs ministères. C'est un fait incontestable,
qui résulte de l'histoire administrative du pays. L'essentiel est que nous
ayons, à défaut d'une vraie coordination, ce qui serait meilleur, une action
cohérente, et que les différents moyens soient employés de façon synergique.
C'est mieux qu'auparavant. Nous progressons grâce aux divers organismes, aux
diverses coordinations. Mais j'accepte volontiers que l'on estime que ce n'est
pas suffisant et que la situation peut être améliorée.
Ce qui importe, en tout cas, c'est que ce budget permet de poursuivre la
modernisation du ministère. Il fallait assumer la fusion des deux ministères,
la poursuite de la déconcentration des moyens vers les postes, la poursuite de
la rénovation de la politique immobilière, et je simplifie parce que ce travail
de modernisation s'applique à de très nombreux sujets...
En ce qui concerne la politique immobilière, dont a parlé M. Dulait, je dirai
que le niveau des crédits pour 2001 correspond à un retour aux dotations
antérieures une fois passé le pic dû à la construction de l'ambassade à Berlin.
Ce retour ne nous empêchera pas de poursuivre le travail qui a été fait,
notamment par rapport aux consulats.
M. Dulait s'est encore inquiété de la somme consacrée au projet paysager à
Berlin. Or, sur un total de 370 millions de francs, ce projet ne représente que
9,4 millions de francs. Naturellement, on ne peut pas porter de jugement sur
lui aujourd'hui car il sera réalisé une fois que l'ambassade sera entièrement
construite.
J'indique à ce propos à M. Durand-Chastel, qui nous a suggéré le crédit-bail,
que ce mode d'acquisition n'est pas autorisé par la réglementation domaniale.
Nous examinerons cependant vos suggestions, monsieur le sénateur.
En 2001, nous allons renforcer notre action de service aux usagers et de
formation des diplomates.
Par ailleurs, ce budget consolide les moyens d'intervention de la DGCID ;
Charles Josselin en parlera.
De nombreux sénateurs se sont réjouis des succès d'EduFrance. Je les en
remercie. Nous avons besoin de votre soutien pour poursuivre dans cette voie
mesdames, messieurs les sénateurs, car ce succès n'est pas allé de soi. Il a
fallu bousculer quelques routines administratives. Jack Lang et moi-même avons
demandé des audits pour favoriser les évolutions en cours.
La question des visas abordée par M. Ferrand est très importante. Vous vous
souvenez que, dès que j'ai pris mes fonctions, je m'en suis occupé intensément
; nous les avons multipliés par deux en trois ans.
Il faut poursuivre cet effort, car c'est un élément majeur de l'influence que
nous aurons ou non dans le monde. Là aussi, le soutien du Sénat nous sera très
précieux.
Nos contributions aux organisations poursuivent leur progression. J'ai parlé
de la très forte augmentation des crédits consacrés aux contributions
obligatoires, mais nous poursuivons également l'effort de redressement des
contributions volontaires, dont au moins trois d'entre vous ont parlé, et qui
sont très précieuses pour nombre d'organisations, comme le programme des
Nations unies pour le développement ou le haut-commissariat pour les
réfugiés.
Le quatrième et dernier aspect principal - évidemment je résume beaucoup, car
il s'agit de budgets dont on pourrait parler longtemps - c'est le caractère
prioritaire de l'aide aux Français de l'étranger. Le nombre des interventions
qui ont porté sur ce sujet montre votre attachement à nos 2 millions de
compatriotes. Le rapport qu'avait rédigé Mme Ben Guiga à ce sujet est le
principal instrument de travail des services chargés de l'action sociale en
direction de nos compatriotes qui vivent hors de France. L'effort d'aide
sociale se poursuit. Sur les 5 millions de francs de progression des crédits de
l'action consulaire, nous obtenons plus de 3 millions de francs supplémentaires
pour l'action sociale et la formation professionnelle, soit une augmentation de
3 %.
Bien évidemment, j'aurais souhaité, comme plusieurs d'entre vous l'ont dit,
que ces crédits soient plus importants. On voudrait toujours faire plus en
matière sociale. Mais cette progression est réelle, et elle est supérieure,
monsieur Cantegrit, à la progression des moyens du ministère.
Le budget des bourses scolaires connaît également une augmentation.
Par ailleurs, une question a été posée par plusieurs d'entre vous, dont Mme
Brisepierre et M. Ferrand, sur les retraités qui ont exercé en Afrique et qui
ne parviennent pas à toucher leur pension.
Je connais bien ce problème, il s'agit d'un drame humain dont on me parle
chaque fois que je me rends dans ces pays. Du reste, vous le connaissez aussi
bien que moi. Nous essayons de remédier à cette situation depuis plusieurs
années. Nous y sommes parvenus à peu près pour certains pays. C'est plus
difficile pour d'autres, et je le déplore vivement, ne serait-ce que sur un
plan humain. Nous continuons de travailler sur cette question, en relation avec
les autorités de ces pays et le ministère des finances. Il nous faut faire
valoir plus fermement les intérêts de nos ressortissants auprès de nos
partenaires.
La question de l'indemnisation des victimes d'événements politiques se pose
aussi régulièrement puisque, malheureusement, des tragédies se reproduisent
périodiquement. Effectivement, aucune disposition de la loi française ne permet
de dédommager ces victimes au titre de la solidarité nationale. C'est pourquoi,
à la suite d'un voeu du Conseil supérieur des Français de l'étranger, un groupe
de travail avait été chargé d'examiner cette question voilà deux ans. Il a
réalisé une enquête approfondie, notamment auprès des assureurs et, sur ce
point, nous nous heurtons encore à des difficultés sans fin puisque ceux-ci
n'envisagent pas d'indemniser les biens et n'acceptent que de proposer des
contrats d'aide au retour. C'est insuffisant dans de nombreux cas. Il faut donc
poursuivre l'effort.
Je ne suis pas exhaustif, car il faudrait également parler de l'aide apportée
à nos compatriotes âgés ou handicapés, de l'effort des sociétés de
bienfaisance, de la Caisse des Français de l'étranger.
M. Chaumont, M. Durand-Chastel et d'autres intervenants ont parlé de l'effet
change. Evidemment, l'évolution du dollar a une influence sur le coût de notre
action à l'étranger, mais, lorsqu'on élabore un budget, il faut bien fixer un
chiffre à un moment donné. On ne fait pas nécessairement preuve de malignité
lorsqu'on arrête ce chiffre.
Le niveau de référence retenu pour le dollar est celui qui correspond au cours
constaté au moment de l'élaboration du premier schéma budgétaire, revu à la
hausse ou à la baisse selon les prévisions du ministère de l'économie et des
finances.
Nous constatons aujourd'hui qu'il existe un écart entre le cours qui a été
retenu - 6,56 - et celui qui est pratiqué sur les marchés. Nous l'avons signalé
à Bercy. Toutefois, sans aller jusqu'à reprendre à mon compte les innovations
linguistiques de M. Chaumont, vous savez que ce genre de discussion est
délicat. Nous nous efforçons donc d'obtenir de Bercy une compensation de cet
effet négatif. Je ne peux que soutenir vos souhaits à cet égard. En effet, il
n'y a aucune raison de faire supporter par le budget du ministère des affaires
étrangères les conséquences d'une erreur d'évaluation qui n'est pas de son
fait. Nous persisterons dans ce sens tant que n'aurons pas obtenu une
correction automatique. Nous n'avons pas d'autre objectif en la matière.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la situation des agents qui sont recrutés
localement. Je serai bref afin de pouvoir céder la parole à Charles Josselin.
Avec 11 200 agents, dont près de 6 000 dans le réseau diplomatique et
consulaire et dans le service culturel et de coopération, ce personnel recruté
localement représente 75 % du personnel d'exécution, ce qui signifie que près
de 2 400 Français trouvent un emploi à l'étranger.
Vous savez que j'ai mis un terme à ce type de recrutement, qui doit être
encadré. Je me suis engagé à mettre en oeuvre un plan d'action pour la
valorisation et l'amélioration de la gestion des recrutés locaux. Nous y
travaillons constamment, Charles Josselin et moi-même. Ce plan existe. Nous
avons commencé par réviser à la hausse de nombreuses grilles de salaire, en
particulier s'agissant des rémunérations qui sont touchées par les pertes de
change les plus lourdes. Nous allons poursuivre cet effort, notamment en ce qui
concerne les personnels qui se trouvent aux Etats-Unis, où la distorsion est
importante.
Je ne peux énumérer tout ce que nous faisons, car nous sommes dans une phase
de transformation, de réforme, de modernisation. Ce serait trop long ; je ne
veux pas lasser votre attention, même si je la sens et vigilante et amicale.
(Sourires.)
Je dirai quelques mots sur deux ou trois points qui ont été abordés par
certains d'entre vous.
En ce qui concerne la politique des visas, nous avons déjà énormément amélioré
la situation, je le répète : nous avons augmenté le nombre de visas délivrés de
7,5 % par rapport à 1998. La progression continuera et, naturellement, monsieur
de Montesquiou, nous poursuivrons cette politique visant à attirer en France
ceux qui seront un élément important de notre influence dans le monde dans les
années à venir.
Pour ce qui est de la réforme du CSFE, je me réjouis que la commission
temporaire pour la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger ait
commencé ses travaux. Il est important que le CSFE retrouve un écho parmi nos
compatriotes, écho qui s'est un peu affaibli ces dernières années. J'ai demandé
à mon cabinet d'apporter à ceux qui sont chargés de cette réforme toute l'aide
nécessaire pour avancer dans cette tâche.
Monsieur Hoeffel, je ne méconnais pas du tout le rôle du Conseil de l'Europe.
Tous les Etats membres sont convaincus de la nécessité d'en stabiliser le
budget ordinaire et d'opérer une pause après plusieurs années de croissance
soutenue. Ce n'est donc pas un raisonnement français critiquable.
Le rôle du Conseil de l'Europe a été encore illustré récemment à propos des
questions de l'Europe centrale et orientale, avec la rencontre entre M.
Kostunica et les membres du Conseil de l'Europe : il jouait là le plus
remarquable de ses rôles.
Il y aurait beaucoup à dire à propos de l'intervention de M. Penne, qui a
parlé de la criminalité organisée et, notamment, de la lutte contre la
cybercriminalité. C'est un vaste sujet, qui a même de l'importance sur le plan
philosophique. A une époque où les Etats sont, sous toutes leurs formes et sur
tous les plans, attaqués, contestés, décrédibilisés, délégitimisés, on ne leur
en demande pas moins constamment l'impossible, à savoir lutter plus
efficacement pour humaniser la mondialisation et introduire une régulation dans
des relations parfois brutales, voire sauvages.
Certains d'entre vous ont cité des chiffres frappants. Je peux en citer
d'autres ! Il faut savoir que les cinq premières entreprises mondiales ont un
chiffre d'affaires qui est l'équivalent du produit national brut de 130 Etats
membres des Nations unies. Face à de tels chiffres, on se demande qui régule
qui !
Nous avons la conviction que, face à cette économie globale de marché, tous
les Etats doivent obéir à des règles et qu'il faut bâtir un nouveau Bretton
Woods à l'échelle de la planète. Même si nous avons parfois du mal à faire
partager cette conviction et à convaincre un nombre suffisant d'autres Etats,
nous continuerons à lutter dans ce sens.
Le problème de la criminalité organisée est lié à ce que je viens de dire, car
celle-ci profite de toutes les failles : là où le pouvoir des Etats recule - ce
qui peut paraître un progrès aux yeux de certains esprits - ce n'est pas un
ordre plus satisfaisant qui s'installe, c'est évidemment autre chose !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après des
interventions aussi constructives, aussi amicales, aussi pertinentes, ausi
argumentées, fondées sur une analyse aussi approfondie des documents et des
actions que nous menons, on pourrait dialoguer encore très longtemps. Mais je
ne veux pas être plus long.
Je vous remercie de nouveau des efforts que vous accomplissez, même, et
surtout quand ils sont accompagnés de critiques enrichissantes et instructives
visant à aider la politique étrangère de la France à atteindre les objectifs
que nous nous fixons tous pour notre pays. Merci de votre aide ! Merci à tous
ceux qui ont annoncé qu'ils voteraient ce projet de budget en dépit de
critiques, de réserves ou de regrets. Je serais heureux que ces regrets, fondés
sur l'idée ambitieuse qu'ils se font du rôle de ce ministère, soient entendus
largement.
(Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs le sénateurs, le monde s'enrichit et les
inégalités n'ont jamais été aussi grandes. Par ailleurs, une révolution a été
introduite par la mondialisation de l'information : aujourd'hui, les pauvres le
savent, quel que soit le pays dans lequel ils vivent, alors que beaucoup de
riches s'accomodent de cette situation.
Le paradoxe, c'est que l'aide au développement, qui devrait participer
massivement à la lutte contre l'inégalité du monde, est mise en question en
raison du rapport entre les sommes investies, les efforts accomplis par des
dizaines de milliers de coopérants depuis quarante ans, et les résultats
observés en termes d'accès à l'école et à la santé. Et je ne parle même pas de
cette catastrophe qu'est le sida, qui est en train de mettre un frein au
développement. Vendredi, j'étais à Windhoek : le nombre d'écoles sans
professeurs croît à une vitesse prodigieuse et le Gouvernement ne sait pas
comment remédier au problème. En effet, quand un professeur est mort, on le
remplace, mais quand il est seulement malade, on le paie, mais on ne le
remplace pas.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Comme en France !
(Sourires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Sauf que, là-bas, les professeurs meurent plus vite du
sida qu'on ne les forme !
Un chef d'entreprise que j'ai rencontré jeudi dernier à Gaborone m'a dit qu'il
était obligé de renouveler 15 % de son personnel chaque année à cause du sida.
Voilà une effroyable réalité dont on mesure mal ici les conséquences en termes
d'espérance de vie. Et je ne parle pas de l'accès aux libertés publiques et aux
droits ! Tout cela est décevant !
Certains en viennent à considérer que l'aide au développement serait, au
mieux, sans effet, au pire, contre-productive. D'autres - parfois les mêmes -
en rendent responsables la mondialisation ou du moins ses institutions
emblématiques - on pense évidemment aux institutions financières
internationales - et, contre toute logique, ils partent en guerre contre les
tentatives engagées pour introduire un peu de régulation publique dans le
désordre planétaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faut pas perdre la mémoire, mais il
ne faut pas se tromper d'époque. En effet, c'est dans ce monde-là que
l'accélération des échanges a évidemment pour moteur naturel le profit et
oublie les moins solvables, où les investissements directs à l'étranger se
dirigent d'abord vers l'hyperpuissance américaine, pour mieux la conforter sans
doute. C'est le cas des investissements européens qui vont d'abord aux
Etats-Unis, alors que l'Afrique, elle, ne reçoit que 1,5 % des investissements
mondiaux.
C'est dans ce monde-là, et pas dans celui d'hier, que notre politique de
développement a la pressante obligation de se développer pour essayer de peser
sur le destin de la planète. C'est là le pari auquel nous sommes confrontés.
Le débat que nous avons eu cet après-midi était intéressant ; en tout cas,
j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qui a été dit. Mais j'en ai retiré
aussi la conviction qu'en dépit des efforts qui sont faits pour s'informer
mutuellement, en dépit des auditions que votre commission des affaires
étrangères organise pour nous permettre de nous expliquer, il y avait encore un
sérieux déficit entre ce que nous faisons et ce que vous savez. En effet, parmi
les propositions que j'ai entendues, il en est qui ont déjà commencé à être
mises en oeuvre et d'autres qui le seront très rapidement. D'autres
propositions - je le dis un peu brutalement, avec tout le respect que je dois à
la Haute Assemblée - renvoient à un passé qui, même s'il est récent, est
totalement révolu car, en dix ans, l'Afrique a considérablement bougé ; elle a
bougé parce que le reste du monde a bougé, par exemple parce que l'empire
soviétique a explosé.
D'autres solutions proposées supposent que soient réunis des moyens financiers
que nous n'avons pas. Mais je vous remercie de nous aider à en obtenir
davantage et m'associe ici aux remerciements que M. Hubert Védrine vous
adressait à l'instant. Cela dit, encore faut-il savoir utiliser avec
discernement les moyens dont nous disposons.
J'en viens à l'aide publique au développement, l'APD, les observations des uns
et des autres appelant de ma part quelques précisions. Des précisions
chiffrées, d'abord.
Non, l'aide publique au développement n'est pas tombée à 0,35 %, ni à 0,37 %
du PIB ; l'APD officiellement enregistrée par le comité d'aide au développement
de l'OCDE au titre de l'exercice 1999 - dernier à faire l'objet de statistiques
définitives - s'élève à 34,7 milliards de francs, soit 0,39 % du PIB. Il est
important de rappeler que, pour la même année et avec les mêmes références,
l'Allemagne enregistre un taux de 0,26 %, la Grande-Bretagne de 0,23 %,
l'Italie, de 0,15 %, et les Etats-Unis, de 0,10 % !
Il est clair que la faiblesse des participations des uns tire vers le bas les
participations de tous les autres.
Ce taux de 0,39 % marque un recul, regrettable sans doute, mais léger, par
rapport à 1998, quand l'APD s'établissait à 0,40 % du PIB. En valeur absolue,
l'augmentation de 1999 sur 2000 représente 800 millions de francs de mieux.
Non, l'aide multilatérale n'a pas, au sein de notre effort, pris la meilleure
part de progression : l'aide bilatérale a augmenté de 2,9 % et l'aide
multilatérale, elle de 1,3 %.
Contrairement à une idée reçue, la part de l'aide bilatérale reste très
prépondérante au sein de l'APD française, dont elle représente 73 %. Voilà
pourquoi on ne saurait soutenir qu'elle est devenue minoritaire.
On a cité des chiffres de l'APD de 2000, voire de 2001. Il faut rappeler que
l'APD ne se décrète pas : elle se constate en fin d'exercice et tient compte
des situations économiques d'un certain nombre de partenaires.
Les spécialistes que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs, savent bien
que, en réalité, l'augmentation de l'APD à certaines périodes correspondait à
l'effondrement de l'économie africaine, au moins dans certains pays, et que, si
l'aide budgétaire a diminué, c'est bien parce qu'il s'est produit une
amélioration des « fondamentaux », comme on dit, de certaines économies
africaines, induisant presque mécaniquement une baisse de l'APD.
Il y a d'autres explications, malheureusement, à la baisse de l'APD. C'est
ainsi que les situations de crise, de conflit nous empêchent évidemment de
développer nos programmes dans les pays en guerre.
Il faut compter aussi avec la sous-consommation, dénoncée avec raison
notamment par Jacques Pelletier, qui a beaucoup insisté sur ce point. Nous
avons découvert des montants non consommés à hauteur de 9,5 milliards d'euros
correspondant à des fonds européens de développement qui remontent à des
dizaines d'années pour certains.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Mais oui !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Ils sont non consommés parce que les procédures ne
permettaient pas, en effet, de les consommer avec la souplesse nécessaire. J'en
veux pour preuve le fait que, dans le cadre des accords de Lomé, les ressources
de l'aide programmable, qui représentaient la moitié du FED, étaient
considérées comme acquises une fois pour toutes. C'est-à-dire que l'on ne
pouvait pas utiliser à d'autres fins des crédits immobilisés, y compris lorsque
la situation de crise ou de conflit dans un pays empêchait de les dépenser.
L'accord de Cotonou, par exemple, introduit une gestion plus souple qui
devrait permettre de remédier à cette situation, puisque les allocations
versées par pays ne seront plus considérées comme acquises et pourront, si
nécessaire, être redistribuées.
Bien sûr, on ne peut pas se satisfaire de la situation, mais il faut dire
quelques mots de la qualité de l'aide. Les marges de manoeuvre offertes par des
procédures plus efficaces sont, à bien des égards, supérieures aux variations
quantitatives qui ont été identifiées.
Je vais vous donner quelques exemples de ce que nous avons entrepris
précisément dans ce domaine.
En ce qui concerne notre aide bilatérale, au titre des moyens que nous avons
mobilisés pour gagner en efficacité, je citerai d'abord la réforme des
commissions mixtes, avec une implication systématique, depuis deux ans et demi,
de la société civile, y compris des entreprises du Nord et du Sud, y compris
des collectivités locales du Nord et du Sud, afin que les populations
s'approprient nos programmes de développement. Il y avait là un vrai problème
déjà bien identifié avant nous.
D'autres efforts ont visé une meilleure adaptation à la demande par le
partenariat et une meilleure articulation entre l'aide bilatérale et l'aide
multilatérale, ce qui était aussi l'une des grosses difficultés que nous
rencontrions dans le développement de nos projets.
Mais nous avons, je crois, gagné aussi en efficacité en ce qui concerne l'aide
multilatérale.
Je crois, en toute modestie, que nos plaidoyers devant les institutions de
Bretton Woods, du Fonds monétaire international ou de la Banque mondiale, pour
prendre mieux en compte les réalités du développement social et aussi les
conséquences sociales de certains programmes d'ajustement structurel, ont été
pour quelque chose dans le recentrage de l'aide de la Banque mondiale en faveur
de la pauvreté et, plus généralement, de la meilleure prise en compte, dans le
programme, des réalités sociales, qu'il s'agisse du fonds ou de la banque.
Je voudrais insister sur la déclaration de politique générale que nous avons
adoptée sous présidence française, à Bruxelles, le 10 novembre dernier. Elle
marque, en quelque sorte, la refondation de la politique européenne de
développement.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Il était temps !
M. Charles Josselin,
ministre délégué
Elle pose le besoin d'un vrai partenariat et d'une vraie
division du travail entre la Commission et les Etats membres, lesquels plaident
pour une décentralisation sur le terrain des moyens et, de plus, expriment le
besoin pour l'Europe de parler d'une seule voix, de façon qu'elle pèse
davantage dans les institutions internationales dont je vous parlais à
l'instant.
Ce qui est insupportable, c'est que nous, l'Europe, les pays membres, nous
comptons pour 55 % de l'aide publique mondiale et que, à l'évidence, nous ne
sommes pas entendus à proportion dans les enceintes internationales. Nous le
serons si l'Europe est capable de plaider d'une seule voix, ce qui signifie une
concertation entre nous. Je crois que Bruxelles, de ce point de vue, a marqué
une étape importante.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ces 55 %, ce sont des dépenses ou des promesses ?
M. Charles Josselin,
ministre délégué
J'étais hier à Bruxelles pour rencontrer le commissaire
Nielson, afin de voir avec lui quel plan de communication nous allons mettre en
place pour populariser cette déclaration de politique générale et le plan
d'action qui l'accompagne.
Toujours sur l'aide publique au développement, je dois citer, bien sûr, le
remplacement des accords de Lomé par les accords de Cotonou. La réforme très
importante des procédures devrait mettre fin à certaines causes de
non-décaissement de l'aide.
J'ajoute, car c'était l'une de vos préoccupations, que cette aide publique au
développement est maintenue, dans la programmation du ministère des affaires
étrangères en faveur des pays d'Afrique subsaharienne au même niveau que l'an
dernier.
Les moyens mis à disposition des postes pour l'Afrique subsaharienne s'élèvent
à 1,8 milliard de francs, dont 1,2 milliard de francs pour l'assistance
technique et les actions d'accompagnement - les bourses et les stages, en
particulier - et 600 millions de francs, soit un tiers du total, pour le fonds
de solidarité prioritaire affecté aux projets de développement, lequel augmente
de 6,5 %.
Profitant de l'occasion, j'ouvre une parenthèse pour indiquer à M. Jacques
Chaumont que l'expression « l'APD dépouille le département », ne m'agrée guère.
En effet, le président de conseil général que je fus pendant vingt et un ans a
toujours du mal à se faire à l'usage du terme « département », qui pour lui,
renvoie à d'autres réalités.
(Sourires.)
De toute manière, on ne peut
pas dire que l'APD « dépouille le département », car c'est un outil de
coopération. Le « département » a trois représentants au sein du conseil de
surveillance ; le ministère des finances n'en n'a que deux.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Mais ce sont les finances qui commandent ! Un seul
représentant leur suffirait.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Il nous appartient, et c'est dans ce sens que nous
agissons, d'être plus présents car, je le répète, l'Agence française de
développement est bien l'opérateur de la coopération française et, à ce titre,
elle constitue l'un de nos outils. D'ailleurs, les relations avec les
responsables de l'AFD sont excellentes et, lors de la discussion budgétaire,
nous avons plaidé avec la même force les moyens du fonds de solidarité
prioritaire et les moyens de l'AFD.
L'assistance technique en Afrique subsaharienne, ce sont 1 700 postes, ce qui
constitue évidemment la très grande part de l'assistance technique en général.
D'ailleurs, les chiffres que je donnais à l'instant ne comprennent pas l'effort
en faveur des établissements à autonomie financière - je pense aux centres
culturels - dont le montant a été également maintenu.
Si l'on considère les interventions au titre de l'ajustement structurel et des
aides budgétaires, on note que les décaissements réels devraient être très
significatifs, c'est-à-dire, pour l'année 2000, probablement de l'ordre de 1
milliard de francs.
Des opérations importantes devraient être débloquées en 2001 en faveur du
Cameroun, du Gabon, du Congo et de Madagascar. Un nombre important des pays
éligibles à l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés
appartiennent, précisément, à l'Afrique subsaharienne. En effet, à l'exception
des Comores, du Gabon et de la Guinée équatoriale, tous les pays africains de
la zone franc sont éligibles à l'initiative en faveur des pays pauvres très
endettés. Parmi eux, trois ont déjà atteint le « point de décision » de
l'annulation de la dette ; c'est le cas du Bénin, du Burkina Faso, du Sénégal.
En réalité, avant la fin de cette année, d'autres vont l'atteindre, c'est ce
que le ministre des finances, Laurent Fabius, nous précisait ce matin, lors
d'une rencontre avec les ONG. C'est le cas, par exemple, du Tchad, du Niger, du
Mali et de Madagascar.
Autrement dit, l'accélération dans la mise en oeuvre de cette initiative en
faveur du désendettement des pays pauvres va profiter très directement à
l'Afrique subsaharienne. Je rappelle, à cet égard, notre volonté d'additionner
effacement de la dette et aide publique au développement.
Toujours sur l'assistance technique, je regrette que les effectifs budgétaires
aient à nouveau diminué. Déjà, l'an dernier, certains me l'ont rappelé, je
considérais que l'on atteignait le niveau d'étiage. Apparemment, le niveau
d'étiage était un peu plus bas !
Ceux qui regardent de près la manière dont les choses bougent, et notamment
les appels d'offres internationaux, qui nous font obligation de changer
l'assistance technique, savent bien qu'il faudra continuer à faire évoluer ces
métiers-là en trouvant le point d'équilibre entre l'expertise de courte ou de
moyenne durée et la coopération de présence - action que vous trouvez utile et
nécessaire - en évitant les exagérations que nous avons encore observées sur le
terrain. Ainsi, il n'est pas certain qu'un professeur de gymnastique présent
depuis vingt-huit ans dans le même poste ne fasse pas de la substitution.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Et sans doute de l'arthrose !
(Rires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Probablement !
Cela veut dire qu'il y a encore ici ou là des situations à faire évoluer. Nous
devons aussi faire appel à l'expertise locale, à l'encadrement local ; c'est
également dans ce sens que le progrès doit se vérifier.
Je n'entrerai pas - le président ne m'en laissera pas le temps, et il aura
raison - dans le détail des situations matérielles. Je pense aux logements des
assistants techniques.
J'évoquerai cependant l'accord intervenu entre la DGA et la DGCID en vue de
faire coexister pendant quatre ans le régime statutaire du décret de 1992 et
celui du décret de 1967.
La question de l'AEFE a été évoquée par beaucoup d'entre vous. Je voudrais,
puisque des mouvements de grève ont été observés récemment, vous inviter à ne
pas surévaluer les dégâts.
La plupart des établissements n'auront connu que deux ou trois jours de grève.
C'est sans doute beaucoup, mais il faut, là aussi, ramener les choses à leurs
justes proportions et convenir que de mauvaises conditions climatiques auraient
pu tout aussi bien perturber la bonne tenue des cours.
M. Guy Penne.
Cela peut venir !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Cela peut effectivement se cumuler ; c'est l'ennui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Ce n'est pas le problème !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Depuis la réunion du 22 novembre entre les
représentants du ministère des affaires étrangères, de l'AEFE et les
organisations syndicales, la tension est progressivement retombée et les
mouvements de grève ont été suspendus dans l'ensemble des postes. A ce jour, on
ne note pas de mouvement perlé.
En tout cas, les relations entre le ministère des affaires étrangères et le
ministère de l'éducation nationale avec l'AEFE reposent d'ores et déjà sur un
partenariat. C'est le ministère de l'éducation nationale qui homologue les
établissements, effectue les missions d'inspection, certifie les examens et
assure, comme cela va de soi, la formation continue du corps enseignant. La
tutelle, il est vrai, est du seul ressort du ministère des affaires étrangères,
qui assure aussi l'intégralité du budget de l'AEFE. Hubert Védrine et moi-même
souhaitons engager avec le ministère de l'éducation nationale une discussion,
qui se traduirait par une double tutelle. Nous avons écrit en ce sens à Jack
Lang le 21 novembre et, à terme, c'est d'un autre partage des responsabilités
dont il faudra discuter avec le ministère de l'éducation nationale.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Cela ne nous rassure pas !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
C'était aussi le souhait de plusieurs d'entre vous.
Je me propose de vous tenir informés plutôt par écrit de l'accord qui est
intervenu le 22 novembre et qui s'inscrit d'ailleurs dans le droit-fil de
l'accord du 14 juin.
Un désaccord demeure - il faut en convenir - sur le mode de financement de la
réforme, les syndicats refusant une diminution du nombre des expatriés et
réclamant un effort budgétaire de l'Etat. Nous en discuterons avec le ministère
de l'éducation nationale.
Sur les autres points, en particulier sur l'augmentation du taux des
majorations familiales servies aux expatriés, l'accord a été confirmé. Il en va
de même pour la mise en place d'une indemnité de résidence versée par l'AEFE,
qui sera un pourcentage, variable par pays, de l'indemnité d'expatriation.
S'agissant du Maroc, en particulier, le ministère et l'Agence s'engagent à
permettre aux recrutés locaux qui le souhaitent de s'affilier à la sécurité
sociale française ou à la caisse des Français de l'étranger dès le 1er janvier
2001. Le versement de droits de scolarité par les résidents bénéficiant
jusqu'alors d'exonérations dégagera des marges de manoeuvre qui seront laissées
à la disposition des établissements pour leur permettre d'améliorer la
situation des recrutés locaux.
Ces mesures représentent un effort financier, tous postes confondus, de 80
millions de francs par an. Elles n'alourdiront pas la charge des parents. Leur
financement sera assuré, en 2001, en partie par un prélèvement sur les réserves
de l'Agence et en partie par la transformation de postes d'expatriés en postes
de résidents.
Je rappelle qu'un groupe commun de travail se met en place entre le ministère
des affaires étrangères et le ministère de l'éducation nationale.
La question du volontariat civil intéresse évidemment de près M. Del
Picchia.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, le 7 novembre dernier, à la question
portant sur le nombre de candidatures reçues au centre d'information sur le
volontariat international, j'avais alors répondu « 515 ». Aujourd'hui, ce
nombre est de 2 500, dont 40 % sont à bac + 5 et 60 % sont des jeunes
filles.
M. Michel Charasse,
rapporteur pour avis.
Des demoiselles !
(Sourires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
C'est intéressant car cela démontre que ce que nous
pressentions quant au changement de profil des volontaires susceptible
d'intervenir est en train de se vérifier.
En tout cas, je fais observer que les campagnes de presse ont eu un grand
impact,...
M. Michel Charasse,
rapporteur pour avis.
Ah !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
... notamment celles - et j'y suis particulièrement
sensible - de
Ouest-France
.
M. Michel Charasse,
rapporteur pour avis.
Tiens donc !
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
M. Dulait a posé une question sur la coopération
militaire. Je veux rappeler que, parmi les raisons qui ont pu militer pour la
diminution du budget affecté à la coopération militaire et de défense, figurent
la suspension de la coopération avec les Comores et la Mauritanie - on se
souvient de l'affaire d'Ould Dah, en ce qui concerne la Mauritanie - puis le
gel de la coopération bilatérale avec la Côte d'Ivoire à partir de l'arrivée du
Général Gueï.
Quant à la place du français dans l'Union européenne, c'est évidemment l'une
de nos préoccupations, monsieur Legendre. Il est exact que, si le français a le
statut de langue officielle dans les instances européennes, il recule cependant
au profit de l'anglais. L'usage du français demeure, en pratique, important.
Ainsi, il demeure courant au Parlement européen, au Comité des représentants
permanents, dans les réunions de travail officielles du Conseil. Le français
demeure la langue habituelle des juristes : c'est vrai au Conseil, à la
Commission et à la Cour de justice des Communautés européennes, le français
étant d'ailleurs la langue des délibérés. C'est également le français qui est
langue de travail de la Cour des comptes européenne depuis 1999.
Il est vrai, cependant, que le recul du français comme langue de conception et
de travail est particulièrement sensible depuis les adhésions des pays du Nord,
en 1995, et qu'il a été amplifié par la succession, en 1998 et en 1999, de
présidences anglophones.
Nous observons ainsi que la Commission, dans ses relations avec les pays tiers
et parfois même avec les pays francophones d'Afrique et du Bassin
méditerranéen, recourt trop systématiquement à l'anglais. Il nous faut
évidemment réagir. Nous avons d'ailleurs profité de la présidence française
pour rappeler un certain nombre de règles qui étaient jusqu'à présent
transgressées.
Je n'insisterai pas, faute de temps, sur les actions en faveur de la langue
française. Les sénateurs qui suivent de près ces questions sont bien informés.
Je dirai simplement qu'un programme consiste notamment à intervenir auprès des
fonctionnaires des institutions de l'Union européenne, des Etats membres, des
Etats candidats, qui constituent là un vivier de francophones vers lequel nous
devons nous tourner résolument. La formation des interprètes des pays d'Europe
centrale et orientale, candidats, est également un champ que nous essayons de
couvrir au mieux. Plus généralement, nous essayons de former aussi aux langues
des pays candidats des traducteurs francophones, ce qui est tout à fait
indispensable pour les relations avec ces pays.
La question des brevets européens ayant déjà fait l'objet d'une question dans
cette enceinte, je rappellerai simplement que l'attitude ferme de la France
pour empêcher l'abandon complet des exigences de traduction pour peu que le
brevet soit disponible en anglais - c'était la position adoptée par un certain
nombre de nos partenaires - a permis l'adoption d'un compromis plus
satisfaisant au regard des deux impératifs qui ont guidé notre démarche :
l'amélioration de la compétitivité européenne, c'est-à-dire la baisse du coût
des brevets, et la défense de la langue française. Désormais, l'accord
additionnel facultatif issu des travaux du groupe prévoit un régime fondé sur
les trois langues de travail de l'Office européen des brevets, dont le
français.
S'agissant de RFI, je voudrais rappeler, en réponse à M. Guy Penne notamment -
mais d'autres orateurs sont également intervenus sur ce sujet -, que des moyens
supplémentaires ont été consentis chaque année à RFI depuis trois ans.
M. le président.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que nous sommes tenus par
l'horaire.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je vais essayer d'accélérer mon propos, monsieur le
président.
Le projet de loi de finances pour 2001 prévoit une augmentation de la dotation
en redevance de 25,6 millions de francs, ce qui doit permettre à RFI
d'affronter à la fois les contraintes sociales mais aussi les développements
techniques. Nous allons étudier la question de l'installation d'un émetteur de
modulation de fréquence à Bruxelles, car cette idée me paraît intéressante. Il
y a d'ailleurs, là-bas, beaucoup d'Africains qui peuvent être intéressés par
l'écoute de cette radio.
J'en viens à TV 5. Après avoir longtemps plaidé la patience, les partenaires
canadiens ont bien fini par reconnaître l'impasse dans laquelle se trouvait la
chaîne aux Etats-Unis, ainsi que la mauvaise qualité du signal émis en Amérique
latine. Lors d'une réunion des ministres de tutelle, nous avons, sur ma
proposition, arrêté le principe d'une réforme en profondeur des structures
gestionnaires de la chaîne. Cette réforme prévoit la création d'une structure
multilatérale de gestion unique, éditant un programme diffusé en réseau, dont
tout porte à penser qu'elle sera constituée à partir du pôle parisien de TV
5.
En tout état de cause, la France a annoncé à ses partenaires son intention,
faute d'accord d'ici à mars prochain, de mettre fin unilatéralement aux
financements actuellement accordés aux signaux de TV 5 Amérique latine et
Etats-Unis et de confier à Satellimages-TV 5 la mission de confectionner un
nouveau signal destiné à l'Amérique latine et, éventuellement, aux
Etats-Unis.
M. le président.
Je suis obligé de vous demander de conclure, monsieur le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Je ne pourrai donc parler du statut d'EduFrance.
J'en viens aux crédits consacrés à l'Albanie, qui ont été en très nette
augmentation en 2000, avec 5,5 millions de francs contre 4,2 millions de francs
; cela devrait rassurer ceux qui s'inquiétaient de nos relations avec ce
pays.
Quant à la Côte-d'Ivoire - et c'est ma dernière observation, monsieur le
président - nous sommes bien évidemment très préoccupés par l'évolution de la
situation. Nous mesurons notre appui à la Côte d'Ivoire à la lumière du
processus de retour à la légalité constitutionnelle. C'est dire le soin avec
lequel nous suivons les pourparlers actuellement engagés entre le représentant
du RDR et le ministre de l'intérieur. Nous soutenons bien sûr toute solution
négociée.
Nous ne croyons pas au risque de scission. Nous considérons que ce serait tout
à fait contradictoire avec l'histoire même de la Côte d'Ivoire. Mais, il faut
que celle-ci retrouve les chemins de l'ouverture aux autres, alors que,
actuellement, autour du concept de l'ivoirité, ce sont le rétrécissement et
l'enfermement qui menacent les Ivoiriens.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais
vous apporter.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. Legendre applaudit également.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C et concernant les affaires étrangères.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 513 203 263 francs. »
Sur le titre III, la parole est à M. Maman.
M. André Maman.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la
situation des résidents et des recrutés locaux exige une solution rapide et
équitable. Nous connaissons très bien toutes les difficultés qui existent
actuellement dans certains établissements français à l'étranger. J'ai été
heureux d'apprendre que la situation s'améliorait ; mais de nombreuses
inquiétudes subsistent, si j'en crois les rapports envoyés par les
représentants de parents d'élèves.
La suppression des postes d'expatriés depuis 1990 a été dénoncée par les
parlementaires de tous les groupes politiques. Il est peu admissible que le
système de rémunération des expatriés et des résidents, tel qu'il ressort du
décret du 31 mai 1990, aboutisse à servir des rémunérations et des indemnités
d'expatriation inférieures à celles qui sont versées aux agents du ministère,
autres qu'enseignants, de même indice hiérarchique et exerçant dans le même
pays.
Le recours systématique à des personnels recrutés depuis la France, mais
rémunérés comme résidents, et non comme expatriés, entraîne une mise en
disponibilité de trois mois préalable à leur statut de résident, avec blocage,
évidemment, de l'ancienneté et des droits à pension.
Enfin, pour terminer, je veux lancer un cri d'alarme, avant qu'il ne soit trop
tard, à propos du cumul des retraites des enseignants à l'étranger. De ce point
de vue, il serait équitable, messieurs les ministres, d'accorder aux
professeurs détachés à l'étranger actuellement en exercice les mêmes avantages
que ceux que vous avez déjà généreusement accordés aux professeurs partis à la
retraite.
Les professeurs en exercice sont préoccupés. Ils ne savent plus ce qu'ils
doivent faire. Je rappelle que les cotisations de retraite à l'étranger sont
volontaires et privées.
Messieurs les ministres, les enseignants en poste à l'étranger, cotisant pour
une double retraite, attendent avec une impatience grandissante une décision de
votre part qui leur accorderait le bénéfice du cumul des retraites.
M. le président.
Par amendement n° II-46, M. Charasse propose de réduire les crédits figurant
au titre III de 5 750 000 francs.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je n'ai
toujours pas compris à quoi sert le Haut Conseil de la coopération
internationale, ...
MM. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial,
et Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Ah !
M. Michel Charasse.
... dont je suis membre depuis l'origine et où j'avoue être peu assidu, car
j'ai été très vite rebuté par les discussions et par les tonnes de papiers
qu'il diffuse régulièrement.
Pendant l'année écoulée, le haut conseil en question s'est fait nourrir ici ou
là par tous les services du ministère et, messieurs les ministres, vous avez
décidé, cette année, d'ouvrir une ligne spéciale, dotée de 5 750 000 francs,
pour l'entretenir.
Je dis par parenthèse à ceux de nos collègues qui s'intéressent à la diffusion
de la radio en langue française que c'est l'équivalent de ce qu'il faudrait
pour avoir un émetteur à Chypre !
Dans ces conditions, pensant que j'ai un esprit assez étroit et
vraisemblablement limité, je souhaiterais que M. le ministre nous dise quelle
est exactement l'utilité de ce haut conseil. Quels services rend-il, ou a-t-il
rendus à la France depuis qu'il existe ? J'ai vu son utilité touristique,
conviviale - organisation de spectacles en province et à Paris, de réunions
amicales, de soirées distrayantes...
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Intimes !
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
Mais, pour le reste, est-il utile à la France et à son image dans le monde ?
Je n'en suis vraiment pas convaincu.
C'est la raison pour laquelle, estimant qu'il n'est pas indispensable de
continuer à gaspiller de l'argent avec ce genre de fantaisie, je propose, à
titre personnel - bien que mon amendement ait été écouté avec beaucoup
d'attention par la commission des finances, qui n'a toutefois pas voulu s'y
rallier - la suppression des crédits en question.
J'ajoute que j'apprécie peu les circulaires quelquefois délirantes qui nous
sont envoyées et où l'on baptise les membres de cet organisme en en-tête «
Monsieur le très haut conseiller » !
(Rires.)
Par conséquent, je pense
que, avant que les responsables de ce service ne « pètent les plombs », il est
préférable de les supprimer.
(Rires et applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission, monsieur Charasse ?
(Sourires.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
La commission des finances n'a pas émis un avis
favorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
La mission du haut conseil est de
fournir des conseils, comme l'indique son nom. Je crois qu'il faut lui laisser
la possibilité de s'organiser et de se perfectionner avant de porter un
jugement qui, pour l'heure, me paraît prématuré.
M. le président.
L'amendement n° II-46 est-il maintenu, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse.
Puisque nous sommes en création permanente, je le retire... jusqu'à l'année
prochaine !
M. le président.
L'amendement n° II-46 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV : 947 439 086 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 459 500 000 francs ;
« Crédits de paiement : 137 500 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 318 650 000 francs ;
« Crédits de paiement : 339 050 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
Article additionnel avant l'article 49
M. le président.
J'appelle en discussion l'amendement n° II-18, présenté par MM. Chaumont et
Charasse, au nom de la commission des finances, qui proposent :
I. - Avant l'article 49, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les crédits du chapitre 68-91, article 10, du budget du ministère des
affaires étrangères affectés au fonds de solidarité prioritaire, ne peuvent
bénéficier qu'aux pays inscrits, à la date du dépôt du projet de loi de
finances de l'exercice, dans la zone de solidarité prioritaire définie par le
comité interministériel de coopération internationale au développement.
« Il en est de même des crédits du chapitre 68-93 dudit budget, destinés à
financer les projets mis en oeuvre par l'agence française de développement.
»
II. - En conséquence, de faire précéder cet article par une division ainsi
rédigée : « Affaires étrangères ».
La parole est à M. Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
La question, ici, est grave, ou en tout cas
préoccupante, pour une assemblée comme la nôtre, et l'amendement a d'ailleurs
été adopté, je dois le dire, à l'unanimité de la commission des finances - je
parle sous le contrôle de mon collègue et ami Jacques Chaumont.
Messieurs les ministres, lorsque la loi de finances est votée, comme c'est le
cas d'ailleurs pour un budget municipal ou départemental, les crédits ont une
spécificité : ils sont destinés à tel usage, à telle action.
Les crédits que nous avons votés pour l'an 2000, en particulier, étaient
destinés, en ce qui concerne l'aide publique au développement, aux pays
inscrits dans la zone de solidarité prioritaire. L'autorisation budgétaire qui
découle de la loi organique sur les lois de finances avait été donnée pour
cela, seulement pour cela et pour rien d'autre.
En septembre dernier, un décret est intervenu pour confirmer, ou ratifier une
pratique - celle que j'ai signalée dans mon intervention tout à l'heure - qui
fait qu'une partie importante, sur les deux années 1999 et 2000, des crédits
réservés à la zone de solidarité prioritaire, qu'il s'agisse des moyens
budgétaires proprement dits ou de ceux de l'Agence française de développement,
ont été utilisés pour des aides dans les Balkans.
La commission des finances, pas plus que le Parlement, d'ailleurs, n'a de
compétences en matière de politique extérieure. Celle-ci, en France, dépend de
l'exécutif. Nous pouvons la contrôler, pas la faire à sa place, et si
l'exécutif décide d'agir dans les Balkans, c'est son affaire : il n'y a pas de
contestation possible de la part de la commission des finances.
Simplement, on a utilisé, mes chers collègues, des crédits qui n'étaient pas
votés pour cela ; l'autorisation budgétaire n'avait pas été donnée pour cela.
Et même si un décret intervient - c'est un texte réglementaire - qui autorise,
à titre exceptionnel, à prélever sur ces crédits des dotations pour d'autres
pays que ceux qui sont inscrits dans la zone, il n'empêche que l'autorisation
budgétaire est donnée pour les pays de la zone et qu'un décret ne peut pas
modifier l'autorisation budgétaire telle qu'elle découle de la loi.
L'amendement que nous présentons, au nom de la commission des finances, a
simplement pour objet de rappeler - mais, messieurs les ministres, je vous
rassure, ce rappel vaut pour tous les ministères et pour tous les crédits, et
pas seulement dans ce cas ! - que si, en cours d'année, on veut utiliser des
crédits budgétaires pour autre chose que ce pour quoi ils ont été autorisés, il
faut procéder aux ouvertures budgétaires nécessaires, éventuellement en
collectif, le cas échéant après avoir annulé, à l'intérieur des budgets, pour
des raisons d'équilibre budgétaire, des crédits, par exemple, sur la zone -
pourquoi pas ? En tout cas, on ne peut pas utiliser des crédits pour une autre
action que celle pour laquelle le Parlement a autorisé la dépense.
L'amendement vise donc simplement à rappeler que les crédits affectés au fonds
de solidarité prioritaire et à l'agence française de développement ne pourront
plus, désormais, être utilisés que dans les pays inscrits dans la zone au
moment du dépôt du projet de loi de finances de l'année. Il n'a pas d'autre
objet.
Il tend, messieurs les ministres, à faire en sorte que le Gouvernement vous
accorde, dans le cadre des arbitrages budgétaires, les crédits qu'il estime
nécessaires à la politique extérieure et que, s'il estime nécessaire de
modifier l'affectation de dotations budgétaires existantes, il aille jusqu'au
bout du raisonnement en les réduisant ou en procédant à des annulations.
Nous, nous souhaitons que l'autorisation budgétaire soit respectée et que,
lorsqu'on nous demande de voter un crédit pour une destination précise, ce
crédit ne serve pas à autre chose. Ce n'est rien d'autre que l'application de
la loi organique.
J'en termine, monsieur le président, en rappelant que le Parlement n'a plus
l'initiative en matière de dépenses depuis 1958, mais qu'il est seul compétent
pour les autoriser. On ne peut pas, en plus, raboter la dernière prérogative
qui lui reste !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Le décret du 11 septembre 2000 relatif au fonds de
solidarité prioritaire, le FSP, prévoit, dès son article 1er, qui en définit le
champ géographique et thématique, « qu'il peut financer, à titre exceptionnel,
des opérations d'aide et de coopération situées, le cas échéant, hors de la
zone de solidarité prioritaire ». On l'a d'ailleurs rappelé ici même.
Ce faisant, il est évidemment tenu compte de situations particulières et
d'urgence, alors que, comme vous le savez, la liste des pays de la zone de
solidarité prioritaire, la ZSP, si elle est évolutive, ne peut changer qu'après
une décision du CICID, dont la réunion n'est qu'annuelle.
C'est la raison pour laquelle un FSP Balkans de 30 millions de francs a été
lancé sur les crédits du chapitre 68-91, article 10. Le Gouvernement
considérait qu'il y avait là matière à action rapide, à « solidarité
prioritaire », et ce dans les compétences du FSP : « Dons, projets, programmes
d'investissements matériels et immatériels, dans les domaines institutionnel,
social, culturel et de recherche ».
A l'instar d'autres lignes budgétaires qui ont été sollicitées, 43 millions de
francs ont, par ailleurs, été annulés sur le FSP pour faire face à la situation
en Serbie. Mais il ne s'est pas agi, alors, d'utiliser le FSP pour la Serbie.
Il est vrai que cette procédure ressemblait davantage à celle que vous
préconisiez à la fin de votre intervention, monsieur Charasse.
Pour ce qui est du second alinéa de l'amendement, je vous rassure pleinement.
Il ne peut être question, sur les crédits du chapitre 68-93 destinés à l'agence
française de développement, l'AFD, de financer des projets hors de la ZSP. En
effet, le même 11 septembre, le décret découlant de la création du FSP et
modifiant les statuts de l'AFD indique, pour l'article 3 de ses statuts,
c'est-à-dire quand l'AFD oeuvre pour son propre compte, que « l'agence finance
des projets d'investissements contribuant au développement des Etats
appartenant à la ZSP ». C'est donc exclusif de tout autre pays.
Mais je reconnais bien volontiers que, sauf à dénaturer le FSP, toute
utilisation du chapitre 68-91, article 10, hors de la ZSP doit être tout à fait
exceptionnelle, comme c'est clairement indiqué dans le décret.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement réfléchit activement à un
dispositif budgétaire spécifique pour faire face aux situations de crise,
dispositif que j'espère bien être en mesure de vous présenter dans la loi de
finances de 2002.
En attendant, je crois pouvoir vous dire que le Gouvernement vous a
entendus.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères.
Et compris ?
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Oui, et c'est pourquoi j'invite ses auteurs à retirer
l'amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-18.
M. Guy Penne.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne.
Monsieur le ministre, nous avons été choqués par cette amputation de crédits
qui frappait un budget déjà en difficulté. Nous le savons, les discussions ont
été ardues, vous vous êtes battu. Bien qu'ayant déjà fait l'objet d'un repli
par rapport à ce qui était proposé au départ, les sommes étaient énormes.
Les arguments présentés par M. Charasse me paraissent bons. Sur le plan
constitutionnel, ils prévalent sur ce qui n'est de votre part qu'une
explication.
Certes, il ne s'agit pas d'entrer en conflit avec le Gouvernement. Mais, tout
de même. Sous la présidence de M. de Villepin, les rapporteurs de la commission
des affaires étrangères se sont réunis avec ceux de la commission des finances,
MM. Chaumont et Charasse, pour savoir comment on pourrait faire passer le
message au Gouvernement, lui faire comprendre que trop c'est trop, car, s'il
est vrai que nous ne pouvons pas décider à la place du Gouvernement, qui a
certaines prérogatives, il y a tout de même certaines formes à respecter.
De toute façon, il convient de mettre un point final à ces régulations qui
arrivent à tout moment et qui sont extrêmement choquantes.
Vous nous annoncez, monsieur le ministre, que le Gouvernement va essayer de
trouver une méthode qui serait plus convenable que celle qui a été employée
jusqu'à maintenant et qui a surpris les parlementaires que nous sommes. Notre
prérogative, c'est de voter le budget ; or, d'un seul coup, surviennent ces
coupes brutales, sans que nous soyons le moins du monde informés, si ce n'est
au dernier moment !
Et quand nous commençons à hurler, puisque c'est le rôle des parlementaires,
le Gouvernement, lui aussi dans son rôle, nous rétorque que nous hurlons à tort
car il s'est bien battu et que, sans lui, cela aurait pu être des coupes trois
ou quatre fois plus importantes. Alors, soit, bravo ! Vous vous êtes bien
battus. D'ailleurs, nous sommes prêts à nous battre avec vous. J'avais annoncé
en commission des affaires étrangères - je parle sous le contrôle de son
président - que nous suivrions la position de la commission des finances,
défendue par MM. Chaumont et Charasse, après avoir envisagé un instant,
monsieur le ministre, de rejeter votre budget pour bien marquer le coup.
C'est vous dire combien nos intentions sont fermes. Nous voulons éviter que
cela ne se reproduise. Si c'était le cas, il faudrait améliorer la forme pour
que cela soit plus acceptable.
(Très bien ! sur plusieurs travées.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-18 est-il maintenu ?
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, je serai très bref. Dans cette
histoire, il y a le passé, le présent et l'avenir.
En ce qui concerne le passé et le présent, c'est-à-dire l'année 2000, les
crédits du chapitre 68-91, article 10, ont été utilisés d'une manière non
conforme à l'autorisation budgétaire. Cela signifie, messieurs les ministres,
que si vous ne rectifiez pas les choses dans le collectif de fin d'année, la
Cour des comptes mettra les ordonnateurs et les comptables en débet - c'est
clair, net et précis - avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter.
En ce qui concerne l'avenir, j'ai entendu, comme M. Chaumont, M. le ministre
déclarer qu'il cherchait une solution pour créer un chapitre budgétaire destiné
à recevoir des crédits d'urgence à utiliser en cas de crise, de façon que nous
ne connaissions plus ce genre de problème ni ces prélèvements sur un chapitre
qui n'est pas fait pour cela.
Monsieur le président, j'ajouterai deux choses.
D'abord, je souhaite que les ministres transmettent d'urgence notre demande au
secrétariat d'Etat au budget, afin que soient apportées, dans le collectif que
nous allons examiner tout de suite après la loi de finances, les rectifications
nécessaires pour mettre les ordonnateurs et les comptables à l'abri pour les
années 1999 et 2000.
Ensuite, pour l'année 2001, nous attendons avec impatience les modifications,
ou les suggestions que nous fera le Gouvernement, de façon que l'on ne retombe
pas dans ces errements qui conduisent à vider l'autorisation budgétaire de sa
portée.
Compte tenu de la manière dont les discussions ont été conduites en commission
des finances et des explications du Gouvernement, j'ai été autorisé, monsieur
le président, à retirer l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° II-18 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les affaires étrangères.
8
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'interruption
volontaire de grossesse et à la contraception.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 120, distribué et renvoyé à la
commission des affaires sociales sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
9
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les
activités des institutions de retraite professionnelle.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1612 et distribué.
J'ai reçu de M. le premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Demande de dérogation en application de l'article 27, paragraphe 2 de la
sixième directive du conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA (matériaux usagés
et déchets) formulée par l'Espagne.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1613 et distribué.
10
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-Paul Emorine un rapport fait au nom de la commission des
affaires économiques et du plan sur le projet de loi, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant diverses dispositions
d'adaptation au droit communautaire en matière de santé des animaux et de
qualité sanitaire des denrées d'origine animale et modifiant le code rural (n°
110, 2000-2001).
Le rapport sera imprimé sous le n° 119 et distribué.
11
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 6 décembre 2000, à neuf heures quarante-cinq, à
quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Intérieur et décentralisation :
Sécurité :
M. André Vallet, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 29) ;
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (police et sécurité, avis n° 97, tome II) ;
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (sécurité civile, avis n° 97, tome III).
Décentralisation (et article 60
quater) :
M. Michel Mercier, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 30) ;
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (avis n° 97, tome I).
Education nationale :
I. - Enseignement scolaire :
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 15)
;
M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (avis n° 93, tome IV) ;
Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles
(enseignement technique, avis n° 93, tome VI).
II. - Enseignement supérieur :
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial (rapport n° 92, annexe n° 16)
;
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles (avis n° 93, tome V).
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen
des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2001
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2001 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles
de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits
du projet de loi de finances pour 2001
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième
partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour
2001, est fixé au vendredi 8 décembre 2000, à seize heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à
l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux
relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de
l'aviation civile (n° 90, 2000-2001).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 12 décembre 2000, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 6 décembre 2000, à zéro heure
trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Situation du lycée horticole de Raismes-Valenciennes
960.
- 5 décembre 2000. -
M. Pierre Lefebvre
souhaite attirer l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur les conditions d'enseignement, d'hébergement et de fonctionnement du lycée
horticole de Raismes-Valenciennes. C'est d'ailleurs la répétition des
circonstances qui, en 1981, ont conduit à son transfert de Valenciennes à
Raismes. Le lycée professionnel horticole de Raismes est donc installé, depuis
cette date, dans des locaux mis à sa disposition, à titre gracieux, par la
commune, qui assure, par ailleurs, une grande partie de l'entretien. La ville
de Raismes participe largement au financement de ses activités par une dotation
annuelle de 150 000 francs, c'est-à-dire la moitié de ce que verse le
ministère, et qu'elle met également à la disposition des élèves ses
installations municipales pour la pratique du sport. Il convient de préciser
l'attrait particulier que l'enseignement horticole présente pour les publics en
attente d'insertion sociale et professionnelle. L'effectif est ainsi passé de
160 en 1981 à 400 en 2000. Il lui précise que cet établissement ne dispose pas
non plus de restauration scolaire et que les élèves mangent à l'extérieur en
toutes saisons. Il est urgent d'envisager la reconstruction de ce lycée et la
ville de Raismes, encore une fois, est déterminée à rechercher des terrains
disponibles, qui sont sur la commune fort nombreux. Il joue et doit continuer à
jouer un rôle important dans la formation des jeunes pour tout le sud du
département.