SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2000


M. le président. Nous avons terminé l'examen des articles constituant la première partie du projet de loi de finances pour 2001.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la première partie, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui me l'ont demandée pour expliquer leur vote.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat, décidée le 7 novembre 2000 par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de dix minutes pour ces explications de vote, à l'exception de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, qui ne dispose que de cinq minutes.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je commencerai en adressant les traditionnels remerciements à la présidence, qui, comme à l'ordinaire, a bien voulu animer cette discussion avec un souci d'équité entre tous les groupes.
Madame le secrétaire d'Etat, nous avons apprécié votre grande disponibilité au cours de cette discussion, même si nous avons pu regretter à certains moments - vous l'avez observé - le manque de marge de manoeuvre, qui aurait peut-être permis à la concertation de mieux se dérouler entre notre assemblée et le Gouvernement.
Comme les années précédentes, je veux remercier Alain Lambert, président de la commission des finances, mais plus particulièrement s'agissant de cette loi de finances pour 2001. En effet, la discussion générale a été plus vive, plus réactive.
Le débat sur les collectivités territoriales a été une première, très largemement appréciée, me semble-t-il, et cette volonté de rénovation se poursuivra tout au long de l'examen de la deuxième partie, avec une procédure expérimentale portant sur certains budgets et destinée à donnerà la discussion budgétaire un intérêt encore plus grand.
Mes chers collègues, tant de la majorité que de l'opposition, je souhaite également vous remercier de votre concours très actif à l'élaboration de cette loi de finances. Pendant trois jours et deux nuits, nous nous sommes totalement investis. Nous avons examiné environ trois cents amendements - ce chiffre est similaire à celui des années précédentes - et je crois pouvoir dire que, d'un côté comme de l'autre de l'hémicycle, chacun a essayé d'apporter sa contribution, dans un esprit de convivialité et de liberté d'expression qui caractérise nos débats. Cette confrontation d'idées a été assurément utile et nous avont fait de notre mieux pour améliorer le projet de loi de finances.
La majorité sénatoriale a pris de nombreuses initiatives. Elle a voulu concentrer son attention sur les baisses d'impôts et dire sa conception de la réforme fiscale en l'appliquant à plusieurs dossiers concrets.
Je voudrais citer trois exemples qui, à mes yeux, illustrent notre contribution en cette fin d'année 2000.
Nous avons, en accord avec la commission des affaires sociales, fait prévaloir un crédit d'impôt sur le revenu sur une réduction dégressive de CSG, qui nous semblait contraire à la nature de ce prélèvement proportionnel. Mais la graine que nous avons semée devrait pouvoir germer, et bien au-delà des votes prévisibles de l'Assemblée nationale. En termes d'évolution de notre système fiscal et des prélèvements obligatoires, la proposition commune àla commission des finances et à lacommission des affaires sociales me paraît être un jalon utile.
S'agissant des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, nous avons appliqué le principe d'autonomie fiscale et nous avons poussé le Gouvernement à aller jusqu'au bout de la logique de ses propositions en ce qui concerne la vignette sur les automobiles. Nous avons remplacé cet impôt par le transfert, à due concurrence, d'impôts jusqu'alors affectés à l'Etat et dont les départements pourront conserver la maîtrise.
C'est par des propositions de ce genre que nous sommes en mesure de montrer la signification que peut avoir pour nous l'autonomie des collectivités territoriales dans une République territoriale qui reconnaît, par sa Constitution, un rôle important aux communes, aux départements et aux régions.
Enfin - c'était le débat de cet après-midi - nous avons prêté grande attention à une recette de l'ordre de 130 milliards de francs relative aux redevances de téléphonie mobile de nouvelle génération. Nous avons rejeté le dispositif du Gouvernement, estimant qu'il témoignait de trop peu de respect du Parlement, de trop peu de respect du contribuable et d'une préparation insuffisante de l'avenir. Pour nous, cette préparation se confond largement avec un effort plus important et plus rapide de désendettement de notre pays.
Nous avons, par ailleurs, souhaité faire valoir, en examinant tous les sujets de fiscalité des sociétés, l'impératif essentiel de compétitivité de nos entreprises, que nous persistons à considérer comme les grandes oubliées du plan de baisses fiscales du Gouvernement.
Madame le secrétaire d'Etat, demain, nous entamons la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances, c'est-à-dire des budgets des différents départements ministériels. Comme l'an dernier et selon la même stratégie, la commission des finances, les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis préconiseront l'adoption ou le rejet de chaque budget au vu d'un certain nombre de critères, à commencer par des critères d'appréciation de la politique générale conduite - sommes-nous d'accord avec les objectifs, sommes-nous d'accord avec les méthodes ?
Si nous ne sommes d'accord ni sur les objectifs ni sur les méthodes, nous rejetterons en bloc le budget considéré. Et il ne faut pas être surpris, le Sénat jouant le rôle, important dans notre démocratie, d'expression de l'opposition institutionnelle.
De même, si nous estimons que les principes du contrôle de gestion, propres à garantir une évolution maîtrisée des dépenses de fonctionnement et à préserver l'avenir au travers des investissements, ne sont pas respectés, nous préconiserons le rejet global des crédits des départements ministériels qui nous paraissent mériter ce jugement.
Ce budget est régi par la véritable constitution financière de la France que représente l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, dont nous souhaitons la révision dans les mois qui viennent, au terme d'une discussion dont les bases ont été jetées tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Cette discussion doit, bien sûr, respecter l'équilibre institutionnel de la Ve République tout en nous permettant de disposer de meilleurs éléments d'appréciation et de connaissance en vue d'une plus grande transparence des comptes publics. L'Etat sera ainsi en mesure d'opérer sa réforme grâce à l'adaptation de ses instruments de gestion et de contrôle.
Dans cette perspective, la consolidation des prélèvements obligatoires entre l'Etat et la sécurité sociale représente, pour nous, un enjeu absolument essentiel.
De même, les principes de rigueur et de bonne gestion qui interdisent l'affectation de l'emprunt aux dépenses ordinaires, nous paraissent être des guides utiles pour l'examen du texte qui se substituera, dans le cadre de cette réforme, à l'ordonnance du 2 janvier 1959.
Mes chers collègues, permettez-moi, enfin, de remercier nos collaborateurs, les collaborateurs de la commission des finances, qui ont travaillé dur, une année encore, eux qui doivent être littéralement omniscients, pour être en mesure d'analyser, de traiter des sujets extrêmement divers, de préconiser des positions dont il nous appartient, à nous, élus, après examen, de prendre ou non la responsabilité, selon les choix que nous voulons exercer.
Mes chers collègues, de nouveau, veuillez accepter tous les remerciements du rapporteur général pour la manière dont cette discussion budgétaire a commencé. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, j'ai sollicité les présidents de groupe ou leurs représentants pour que les temps de parole soient comprimés. Je vous demande donc de m'arrêter dans cinq minutes au plus tard.
M. le président. Si vous m'en donnez l'ordre, je le ferai ! (Sourires.)
M. Alain Lambert , président de la commission des finances. Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi de m'associer aux remerciements et aux compliments exprimés à l'instant par M. le rapporteur général à l'endroit de tous.
Je voudrais simplement, en le remerciant à mon tour, souligner le rôle considérable qu'il a tenu dans la conduite de nos travaux et lui dire que nous avons tous apprécié son expertise et sa maîtrise des sujets. Je mesure, peut-être plus que beaucoup d'autres ici, le poids du travail accompli. Je veux qu'il trouve ici l'expression de ma gratitude et de celle du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland du Luart. Très bien ! M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mes chers collègues, cela mérite que l'on s'y arrête un instant, nous avons choisi de lever environ 1 600 milliards de francs de prélèvements sur le travail des Français.
Nous l'avons fait avec une méthode renouvelée. Je pense, comme M. le rapporteur général, que la rénovation de la discussion budgétaire est en marche. Nous avons fait en sorte de nous arrêter sur les points qui nous paraissaient essentiels et nous avons choisi de passer plus vite sur ceux qui étaient, pour nous, plus accessoires.
Alors, continuons dans ce sens, et faisons-le dès la deuxième partie du projet de loi des finances !
Sur le fond, me tournant vers vous, madame le secrétaire d'Etat, je tiens à dire que, personnellement, j'ai apprécié la qualité de la relation entre exécutif et législatif que nous avons nouée. Je peux vous dire aussi que, dans le cadre de cette rénovation de la discussion budgétaire, nous pouvons encore, les uns et les autres, faire des progrès.
Dans l'élaboration de la législation, sans doute ne pouvons-nous pas être d'accord sur les sujets politiques - c'est naturel, et c'est même sain pour la démocratie - mais, s'agissant de l'élaboration de la norme, il me semble que nous pourrions aussi progresser en étant parfois moins sûrs de nous-mêmes quant aux textes que nous soumettons à la discussion. En effet, si, de votre côté, il y a une excellente connaissance de la législation fiscale et une qualité d'expertise tout à fait exceptionnelle, nous, nous avons une idée sur la manière dont les dispositifs s'appliquent sur le terrain et sur les incertitudes, parfois les injustices qu'ils peuvent entraîner.
Il faut donc que nous soyons davantage à l'écoute les uns des autres : s'il est vrai que l'impôt doit avoir son rendement, qui est nécessaire au bon fonctionnement de l'Etat, il ne doit cependant pas produire des effets nocifs sur l'économie et sur l'emploi.
Je crois donc que ce dialogue doit se renouveler, et c'est un appel que je lance pour la deuxième partie du projet de loi de finances. Il faut qu'au terme de cette discussion budgétaire nous ayons vraiment le sentiment d'avoir modernisé le vote du budget de la France, en attendant la réforme de l'ordonnance organique. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de la qualité que vous donnez à nos travaux, qualité à laquelle vous m'avez habituée dès le printemps, lorsque j'ai défendu devant vous, pour la première fois, un projet de loi de finances rectificative.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, j'ai parfois, avec vos prises de position, de nombreuses et profondes divergences. Je n'en salue pas moins votre volonté, partagée par l'ensemble des sénateurs qui ont participé aux débats de ces derniers jours, de mener un travail parlementaire de qualité, marqué par l'expertise et la réflexion.
J'adresse également mes remerciements aux groupes de la majorité plurielle, qui sont ici la minorité, mais avec lesquels je partage, sur les sujets de nos débats, bien des préoccupations, des priorités et des points vues.
J'adresse mes remerciements à la présidence pour la bienveillance et la cordiale autorité avec laquelle elle a mené les débats.
M. le président. Cette présidence est plurielle, madame le secrétaire d'Etat ! (Sourires.)
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Certes, mais, monsieur le président, vous la représentez tout entière ce soir.
Je m'associe, enfin, aux remerciements que vous avez adressés aux collaborateurs du Sénat. Vous me permettrez d'ajouter les miens à mes propres collaborateurs, qui ont aussi, avec une grande conscience professionnelle et une non moins grande capacité d'expertise, aidé le Gouvernement et accompagné nos travaux.
Avant de revenir aux résultats des débats qui ont eu lieu ici, je souhaite rappeler les grandes lignes de la politique menée par le Premier ministre et le présent gouvernement depuis 1997.
Notre politique de finances publiques est entièrement orientée, depuis le début, vers la croissance, une croissance elle-même tournée vers l'emploi et la justice sociale.
La croissance a été au rendez-vous. Elle n'a pas été une aubaine, nous nous en sommes expliqués. La politique du Gouvernement de Lionel Jospin a favorisé la croissance.
La croissance a été créatrice d'emplois, puisque près d'un million d'emplois ont été créés depuis 1997. Ce chiffre prend toute sa valeur lorsque l'on sait ce que cela a changé dans la vie de nos concitoyens. Le taux de chômage est enfin revenu à un seul chiffre. Je crois que ce point méritait d'être souligné une nouvelle fois.
Les finances publiques ont été assainies. Les déficits ont été réduits. Ainsi, de 3,5 % hors soulte France Télécom en 1997, le déficit des administrations publiques sera ramené à 1,4 % en 2000. Enfin, la dépense a été maîtrisée.
Le projet de loi de finances présenté par M. Laurent Fabius et par moi-même comportait des mesures qui venaient renforcer ces objectifs : une baisse de l'impôt sur le revenu pour tous, mais plus dynamique pour les revenus modestes ; une compensation de CSG à la sécurité sociale, contrepartie de la ristourne mise en place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le budget adopté par le Sénat, comme le rappelait M. le rapporteur général, révèle une approche très différente de celle de la majorité qui soutient le Gouvernement.
A la place de la ristourne de CSG et de CRDS, vous avez préféré un crédit d'impôt ; chacun a dit son point de vue et l'échange a honoré nos débats, mais ce sont bien deux conceptions fondamentalement différentes.
Vous avez aussi lourdement réorienté la baisse de l'impôt sur les sociétés dans un sens qui ne répond plus aux besoins de notre compétitivité ni, de notre point de vue, à la justice fiscale.
Nous avons eu un débat sur les collectivités territoriales, dont je redis qu'il marque un renouveau parlementaire important. Je souhaite à nouveau qu'il soit ici salué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai pu mesurer la passion qui, parfois, vous a animés, ainsi que votre connaissance toujours irremplaçable des questions financières. Mais vous avez aussi bouleversé les modalités de la suppression de la vignette en lui donnant un sens et en adoptant des compensations auxquelles vous me permettrez de ne pas souscrire.
En somme, c'est le cas de le dire, ce projet de budget, après vos délibérations, diminue les recettes de 129 milliards de francs, ce qui, compte tenu des gages que vous avez choisis - votre choix est sourcilleux, monsieur le rapporteur général - porte le prix du paquet de cigarettes blondes à 70 francs ! (Sourires.)
M. Jean Delaneau. Excellent pour la santé !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je souhaite enfin vous dire très simplement que ce fut pour moi un grand honneur de défendre pour la première fois un projet de loi de finances initial devant la Haute Assemblée.
Permettez-moi d'avoir une pensée toute particulière pour Christian Sautter, qui a toujours eu la plus grande considération pour la qualité des travaux du Sénat. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'issue de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2001, je me félicite globalement des propositions de la commission des finances, notamment en matière de fiscalité sur les revenus, et plus particulièrement des dispositifs fiscaux simples mais efficaces en faveur de la famille.
Il s'agit, avant l'article 2, de la mise en place d'un crédit d'impôt sur le revenu élargi à 1,8 SMIC, visant à remplacer la ristourne gouvernementale de CSG et de CRDS sur les revenus d'activité inférieurs à 1,4 SMIC, et plus favorable aux ménages avec enfants.
Il s'agit, à l'article 2, du rétablissement à son niveau antérieur de 16 380 francs du plafond de la demi-part de quotient familial et de la simplification de la prise en compte des enfants majeurs, qu'ils soient étudiants ou non, par l'octroi d'un abattement de 30 000 francs sur le revenu imposable.
En ce qui concerne la partie « recettes » du budget des collectivités locales, les élus locaux que nous représentons au sein de cette assemblée n'ont plus les moyens de supporter les charges croissantes qui leur incombent et une réforme fondamentale de la fiscalité locale s'avère indispensable.
Madame la secrétaire d'Etat, je l'ai rappelé avec insistance au cours de la discussion générale, les besoins financiers des collectivités augmentent du fait de charges obligatoires croissantes, alors que, dans le même temps, nous assistons à un effort grandissant de « recentralisation » des finances locales par le Gouvernement, à l'étatisation des impôts locaux pour un montant de plus de 50 milliards de francs et à la perte d'autonomie des collectivités locales, de plus en plus dépendantes de l'Etat.
Nous devons redonner un élan à l'approfondissement rapide de la décentralisation en même temps qu'une transparence et une responsabilité accrues dans l'action des élus locaux. Il faut que ceux-ci puissent lever l'impôt et rendre compte à leurs administrés de son utilisation. C'est pourquoi, je soutiendrai en temps et en heure la proposition de loi constitutionnelle relative à l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales et je défends l'idée simple d'une fiscalité locale comportant une fraction d'impôt d'Etat et du partage d'impôts d'Etat donnant lieu au Parlement à un vrai débat politique sur la part des ressources nationales consacrées aux besoins croissants des collectivités.
Soucieux de cette autonomie fiscale renforcée des collectivités locales, je soutiens également l'initiative de la commission des finances visant à remplacer la compensation budgétaire prévue par le transfert aux départements de trois impôts aujourd'hui perçus par l'Etat, à savoir la taxe sur les véhicules de sociétés, les droits sur les cessions de fonds de commerce et les droits sur les donations.

Enfin, il me paraît raisonnable de mieux associer les collectivité locales aux fruits de la croissance et d'éviter que les mesures prévues en faveur de la péréquation ne soient financées par des prélèvements sur d'autres dispositifs de péréquation.
Pour toutes ces raisons, je voterai la partie « recettes » du projet de loi de finances pour 2001, tel qu'elle ressort des travaux de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. du Luart. M. Roland du Luart. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe des Républicains et Indépendants souhaite souligner l'esprit constructif dans lequel le Sénat a examiné cette première partie du budget pour 2001.
Nous avons été nombreux à souligner la fragilité des hypothèses économiques, la réduction insuffisante des déficits et le dérapage persistant des dépenses publiques.
Notre groupe a également regretté la faiblesse des baisses d'impôts. On nous annonçait une réforme fiscale ambitieuse, mais nous n'avons vu venir qu'un saupoudrage électoraliste, qui privilégie les petits calculs au détriment de ceux qui travaillent et créent des emplois.
Face à ce budget de facilité, la majorité sénatoriale a fait le choix du dialogue, un dialogue ferme sur les principes mais constructif sur le fond.
A ce sujet, le groupe des Républicains et Indépendants tient à saluer l'excellent travail de la commission des finances, de son président et de son rapporteur général.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Roland du Luart. Nous avons soutenu leurs propositions en matière fiscale, car elles vont dans le sens de l'efficacité économique, de la simplicité administrative et de la lisibilité politique.
Dans cet esprit, nous avons approuvé le remplacement de la ristourne de CSG et de CRDS par un crédit d'impôt sur le revenu pour les bas salaires, plus simple et plus équitable.
Nous sommes aussi favorables à l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu en fonction de la croissance, et non plus seulement de l'inflation. Les Français ont longtemps été privés des fruits de la croissance. L'Etat doit leur rendre ce qui leur revient.
Notre groupe a lui-même présenté des amendements en faveur de la famille. A cet égard, nous sommes heureux que le Sénat ait décidé de relever le plafond du quotient familial et d'augmenter la réduction d'impôt accordée au titre des frais de garde des jeunes enfants.
Nous avons défendu une baisse du taux de TVA dans le secteur de la restauration traditionnelle. L'amendement qui a été adopté par le Sénat nous satisfait entièrement.
Nous avons également souhaité la suppression totale de la vignette automobile, sous l'impulsion de notre collègue Charles Revet qui a été un des premiers à souligner les incohérences de la mesure annoncée par le Gouvernement.
Cette mesure gouvernementale n'était probablement pas la plus pertinente, notamment pour le respect de l'autonomie fiscale des collectivités locales. Néanmoins, à partir du moment où elle entrait en vigueur, il était nécessaire qu'elle soit équitable pour tous, sans exclure telle ou telle catégorie, pour des raisons souvent contestables. C'est la décision qu'a prise le Sénat, avec sagesse et pragmatisme.
Enfin, nous avons approuvé l'amélioration des dotations aux collectivités locales. L'Etat doit en effet se donner les moyens budgétaires de sa politique, notamment en matière d'intercommunalité.
A l'avenir, nous devrons surtout veiller à redonner une base saine à ses relations financières avec les collectivités locales. Ces dernières doivent pouvoir prendre les initiatives leur permettant d'exercer pleinement leurs compétences, dans le cadre d'une décentralisation bien comprise.
Pour toutes ces raisons, le groupe des Républicains et Indépendants votera le texte tel qu'il résulte des travaux de notre assemblée. (Applaudissements sur les travéesdes Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voilà parvenus à la conclusion de l'examen de la première partie du projet de budget pour 2001. A la suite d'un long débat, passionné mais non outrancier, au cours duquel chacun a développé ses arguments, nous avons tous constaté l'incompatibilité notoire entre la position du Gouvernement et les propositions de la majorité sénatoriale.
Ainsi, deux philosophies se sont affrontées : d'une part, celle du Gouvernement, selon laquelle il est possible de commencer une nouvelle politique de diminution des impôts dans le cadre d'une conjoncture économique favorable pour les seuls ménages, ce qui est une option partielle et insuffisante ; d'autre part, celle de la majorité sénatoriale et de la commission des finances, selon laquelle il ne peut y avoir de baisse globale des impôts équilibrée si les entreprises n'en bénéficient pas aussi.
Madame la secrétaire d'Etat, il faut s'interroger sur le fait que la France est l'un des pays de l'Union européenne où la dépense publique et la pression fiscale sont les plus élevées. Voilà quelques jours, notre collègue Paul Girod n'avait pas hésité à parler avec raison de « budget en trompe-l'oeil ».
Les oppositions entre vos propositions et celles de la commission des finances illustrent parfaitement des divergences de point de vue évidentes. En effet, nous constaterons bien évidemment en majorant les dépenses prévues dans la seconde partie du projet de loi de finances que la dépense publique et les prélèvements obligatoires de notre pays seront parmi les plus élevés, voire les plus élevés, des pays développés.
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, vous devriez vous réjouir avec nous de l'action du Sénat en faveur d'une diminution générale du poids fiscal. Le débat, au sein de notre assemblée, a permis de nourrir la réflexion sur l'ensemble des domaines de la fiscalité, celle des personnes et celle des entreprises.
Il nous incombait d'attirer l'attention de tout un chacun sur « l'exception fiscale française », termes qui dissimulent la très forte ponction que subissent nos concitoyens et nos entreprises. Mais, en dépit des quelques améliorations fort utiles apportées par le Sénat, l'urgence de la situation appelle d'autres réformes : réduction des cotisations sociales des employeurs sur les bas salaires, valorisation de l'activité, incitation au travail et à l'investissement, et la liste des nouvelles mesures de modération fiscale possibles est loin d'être exhaustive.
Hélas ! pour notre pays, les dispositions fiscales pour 2001, ont fait, je le répète, l'objet d'appréciations différentes de la part de la majorité sénatoriale et du Gouvernement.
En matière d'impôt sur le revenu, le Sénat s'est appliqué à ne pas réduire les capacités financières des familles. Les ressources de celles-ci demeurent la véritable façon d'assurer la solidarité dans notre pays.
En matière de fiscalité des entreprises, qui sont les grandes oubliées, le Sénat a su montrer sa détermination à diminuer la pression qu'elles subissent.
Ces divergences ont conduit les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen à s'exprimer différemment : d'une part, certains entendent donner la priorité aux options du Gouvernement ; d'autre part, la majorité du groupe approuve les propositions de la commission des finances, parfaitement présentées par son président et par son rapporteur général, ainsi que les modifications apportées par la majorité sénatoriale.
Certes, en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale sera sans doute tentée - nous pouvons le regretter par avance - de supprimer certaines de nos modifications. Néanmoins, la majorité sénatoriale, en exerçant pleinement son droit d'amendement sur les mesures nouvelles, pour les améliorer, suivra les propositions de la commission des finances.
Nous souhaitons sincèrement que le Gouvernement prenne conscience du fait qu'une baisse timide des prélèvements constitue une solution très insatisfaisante. C'est tout le contraire qu'attendent nos concitoyens. Ils pourraient comprendre une telle mesure en période de crise ou de récession. Après les trois ans de croissance internationale continue dont la France a également bénéficié, ils n'accepteront plus des prélèvements confiscatoires.
Les délocalisations d'entreprises et l'exode non seulement de citoyens parmi les plus fortunés, mais aussi, et c'est beaucoup plus grave, de jeunes cadres supérieurs et, plus généralement, de toute une jeunesse qui estime ne plus pouvoir s'exprimer dans le carcan fiscal français en sont la preuve. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Agésilas, hélas ! mais après Attila, holà ! pourrions-nous dire après tant d'heures de débat.
M. Jean Delaneau. Et on oublie Ménélas !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le budget qui nous était soumis pouvait encore, avec un certain nombre de propositions que nous formulions, devenir un budget raisonnable, voire un budget de progrès réel pour le plus grand nombre de nos concitoyens.
Dans la discussion générale, Thierry Foucaud et Paul Loridant, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, ont pointé un certain nombre d'exigences fortes commandées par une croissance reconnue, par une redistribution fondée sur des principes de justice et d'égalité de tous devant l'impôt et les revenus. Ils ont également mis en lumière la nécessité d'accroître le pouvoir d'achat, le niveau de vie, par le jeu d'investissements productifs créateurs d'emplois.
Mais, aujourd'hui, nous allons nous prononcer sur un autre budget, qui s'éloigne totalement des véritables besoins de la nation.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Nos concitoyens sont très sensibles à l'impôt, le mot « impôt » ayant d'ailleurs été celui qui a été le plus utilisé durant notre débat budgétaire. Attendent-ils, comme vous le dites, en priorité une baisse ? Si l'on se livrait à une analyse précise du contenu des amendements qui ont été déposés, on constaterait que ceux qui prévoient des réductions de la pression fiscale sont les plus nombreux. A croire qu'il est toujours peu présentable de demander une hausse de certains impôts et taxes ! Le débat sur l'impôt sur le revenu ou celui qui a eu lieu sur la TVA l'ont abondamment montré.
Ce qui a pu marquer la divergence est lié, manifestement, à une autre différence, plus profonde, de nature politique, qui oppose, ici, majorité et minorité sénatoriales.
Si l'on tient pour acquise la nécessité de réduire les impôts et les taxes, encore faut-il s'entendre sur le prix à payer, et c'est bien là que le bât blesse. Pour la majorité de la commission des finances, baisser l'impôt sur le revenu, cela signifie baisse du taux marginal, quotient familial, fiscalité allégée pour le capital et le patrimoine, ce qui se traduit par une hausse du prélèvement sur les personnes les plus modestes.
Pour faire bonne mesure, vous supprimez la ristourne dégressive de la contribution sociale généralisée, transformée en hypothétique crédit d'impôt, au motif que pratiquer la ristourne serait à la fois contre nature et anticonstitutionnel.
Vous créez alors les conditions d'une quasi-exonération d'impôt pour les non-salariés, qui vient remettre en question le principe d'égalité devant l'impôt. Les salariés peuvent continuer à payer, eux, et même - pourquoi pas ? - sans déduction forfaitaire et par retenue à la source !
S'agissant de l'impôt de solidarité sur la fortune, que dire de plus que tout ce qui a été dit, si ce n'est qu'il revient au Sénat comme une antienne que l'impôt de solidarité sur la fortune serait « scandaleux », « confiscatoire », « anti-économique ». Et ce ne sont pas les termes les plus excessifs que j'ai entendus. A vous croire, le défaut essentiel de cet impôt serait d'inciter ses contribuables à déserter le territoire national, un peu comme ceux qui filaient à l'anglaise en Suisse en 1936, après la victoire du Front populaire.
M. Hilaire Flandre. Nous n'étions pas nés ! (Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais je vous repose la question : qui sont ces expatriés qui s'en vont pour des raisons fiscales, dont le nombre augmente avec la mondialisation et dont notre ami Michel Charasse notait, en son temps, qu'il serait bien difficile de vérifier la domiciliation fiscale à l'étranger ?
Monsieur le rapporteur général, dans ce débat, vous avez montré avec éclat, comme d'habitude, que la majorité sénatoriale manifeste beaucoup d'intérêt pour ce nombre limité de contribuables touchés par l'impôt de solidarité sur la fortune.
La France des trente millions de contribuables vivant de leur travail et payant honnêtement l'impôt n'est pas la même que celle des 230 000 contribuables taxés au taux marginal de l'impôt sur le revenu et des 180 000 contribuables qui sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Nous ne pouvons pas non plus souscrire à votre analyse concernant les réductions d'impôts sur les sociétés. Les 270 milliards de francs nets que rapporte l'impôt sur les sociétés correspondent en fait à l'accroissement permanent de la profitabilité et de la marge financière des entreprises.
Malgré les 35 heures, malgré la création d'emplois et la relative remontée en valeur absolue de la masse salariale, la part de la valeur ajoutée consacrée aux salaires n'a pas connu de flambée tandis que continue de croître l'excédent brut d'exploitation et la part des dividendes.
Je rappellerai quelques chiffres pour conclure.
En 1993, les sociétés non financières distribuaient 1 758 milliards de francs de salaires, soit 46,9 points de valeur ajoutée. Dans le même temps, elles distribuaient 258 milliards de francs de dividendes, soit 6,9 points. En 1999, les salaires pèsent pour 2 125 milliards de francs, soit un pourcentage identique à celui de 1993, tandis que les dividendes pèsent aujourd'hui pour 468,5 milliards de francs, soit 10,3 % de la valeur ajoutée. Apparemment, la création de valeurs rémunère aujourd'hui largement les détenteurs du capital.
La réforme fiscale doit ainsi, entre autres mesures, faire en sorte de dépolluer la gestion des entreprises de notre pays de toutes les dispositions qui favorisent concrètement la spéculation financière et valorisent les placements au détriment de l'emploi et de l'investissement productif. Elle répondra alors aux impératifs que nous nous fixons.
Voilà pourquoi je vous disais, au début de mon propos : « Holà ! à un tel budget ! » Nous aurions préféré - nous vous le disons clairement et vous le savez donc, madame la secrétaire d'Etat - un budget au service d'une véritable réforme favorisant croissance et investissements. L'école, la santé, l'emploi, les transports, le logement, la police, la justice appellent des mesures nouvelles qui sont absentes du texte adopté par l'Assemblée nationale. Mais le pouvoir d'achat, les minima sociaux, le niveau de vie, qui n'étaient déjà pas suffisamment pris en compte dans le projet de loi de finances qui nous a été soumis, ont totalement disparu après les modifications apportées par la majorité sénatoriale.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre cette première partie de la loi de finances. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget pour 2001 poursuit la mise en oeuvre de la politique économique menée depuis l'été 1997 par le Gouvernement et ne traduit donc aucune rupture, puisqu'il n'y a pas de raison de changer une politique qui gagne !
Cette politique, c'est celle qui consiste à oeuvrer pour une société plus juste et plus solidaire, c'est-à-dire, entre autres, une société de plein emploi. En effet, pour nous, socialistes, l'emploi n'est pas une variable d'ajustement de l'économie de marché. Le travail est une valeur sur laquelle reposent à la fois la dignité de la personne humaine et la cohésion de la communauté nationale.
Cette politique, c'est aussi celle qui consiste à favoriser la croissance, à l'accompagner, à l'appuyer et à la rendre solide et durable ; en effet, seule la croissance économique peut susciter les créations d'emplois dont notre société a un besoin impératif.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous allez avoir de plus en plus de difficultés à nier la part prépondérante prise par le Gouvernement dans les excellents résultats économiques que chacun peut constater. En effet, grâce à l'action du Gouvernement depuis 1997, la croissance est toujours soutenue et le chiffre prévisionnel de 3,3 % pour 2001 s'inscrit dans la suite logique des 3,4 % de cette année. Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que revenus, consommation et emplois nourrissent cette croissance de façon régulière, malgré des turbulences, telle la forte hausse du prix du pétrole.
Cette politique a permis d'améliorer nos comptes publics. Ainsi, de 1997 à 2001, les prévisions de déficit sont passées de 285 milliards de francs à 186 milliards de francs, soit 1 % du PIB, alors que la dette a été ramenée de 60 % à 57,2 %. Nous devons nous réjouir que la réduction du déficit de 30 milliards de francs, prévue pour 2001, puisse alléger les charges des générations à venir. Je regrette donc que M. le rapporteur général ait encore jugé insuffisante cette réduction du déficit.
Parallèlement à cela, le taux des prélèvements obligatoires devrait passer de 45,2 %, en 2000, à 44,7 %, en 2001, évolution conforme au programme pluriannuel des finances publiques.
Vos propositions sont différentes des nôtres, chers collègues de la majorité sénatoriale. Pour nous, les baisses d'impôts doivent se faire progressivement et concerner tous les ménages, en premier lieu les plus modestes, dans un objectif de soutien de la demande et de la croissance.
De la même façon, alors que ce gouvernement fait largement plus en faveur de nos collectivités locales que le précédent, la majorité sénatoriale a souhaité se lancer dans le « toujours plus », encore une fois en totale contradiction avec ses positions sur la maîtrise des finances publiques.
La première partie du projet de loi de finances n'ayant désormais plus rien à voir avec le projet équilibré voté par l'Assemblée nationale, vous comprendrez, mes chers collègues, que le groupe socialiste vote contre vos propositions.
M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Je souhaite en premier lieu remercier et féliciter vivement nos collègues Philippe Marini et Alain Lambert, qui ont su, par la qualité de leurs travaux et de leurs propositions, conduire le Sénat sur les pistes de réflexion nécessaires à l'examen de ce budget.
Un sénateur du RPR. Très bien !
M. Daniel Goulet. La nouvelle organisation de nos travaux sur le volet « recettes » s'est avérée être une réussite. Nous avons notamment eu une véritable discussion sur les recettes des collectivités locales, ce qui a répondu au voeu émis depuis plusieurs années par le Sénat, en particulier par notre groupe.
Force est de constater, comme l'ont fait mes collègues Louis de Broissia et Bernard Murat, que le projet de budget pour 2001 s'inscrit dans la droite ligne de l'évolution constatée depuis 1977 en ce qui concerne les collectivités locales, à savoir la réduction de leur autonomie financière du fait du remplacement de leurs ressources propres par des dotations budgétaires. Cette évolution préoccupante explique l'heureuse initiative du président du Sénat, lequel souhaite que les grands principes de l'autonomie financière des collectivités locales relèvent de la Constitution.
Que sont, en effet, les collectivités locales dans ce budget pour 2001 ? Ce sont, d'une part, une variable d'ajustement du budget de l'Etat, pour permettre à ce dernier de s'exonérer de tout effort dans la maîtrise de ses déficits et de ses dépenses et, d'autre part, un moyen facile pour le Gouvernementt de se parer à peu de frais des habits du bon gestionnaire qui baisse les impôts, alors qu'il s'agit non pas de ses propres recettes, mais de celles des collectivités locales.
M. Jean Delaneau. Très bien !
M. Daniel Goulet. Nous avons tous dénoncé le plafonnement de ces dotations à un niveau trop bas, conséquence des mécanismes d'évolution adoptés par le Gouvernement. Ces mécanismes aboutissent à ce que les collectivités locales ne soient pas suffisamment associées aux fruits de la croissance, alors même qu'elles en sont l'un des principaux acteurs, notamment s'agissant de l'investissement.
Sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement, nos débats relatifs aux conséquences de l'intercommunalité ont montré que le sujet était d'une extrême importance, et vous-même, madame le secrétaire d'Etat au budget, avez rappelé le problème posé par le financement de la DGF majorée des établissements publics de coopération intercommunale et, derrière, la nécessité de procéder à une réforme de fond de cette dotation. Le Sénat prendra toute sa part à ce débat, car il souhaite qu'une véritable réflexion soit engagée en collaboration avec l'ensemble des représentants des élus locaux.
Ce dernier budget du siècle aura été l'occasion pour notre groupe de montrer que les baisses d'impôts proposées par le Gouvernement sont loin du compte, si elles sont comparées à ce qui aura été prélevé en plus sur les Français depuis 1997, comme l'indiquait d'ailleurs fort justement M. Josselin de Rohan.
Aurons-nous la cruauté de rappeler au Gouvernement les dix-huit impôts, taxes et prélèvements qui ont été créés en trois ans ? Décidément, non, le compte n'y est pas, et l'année prochaine sera comme les autres, car les Français auront de désagréables surprises en fin d'année !
S'agissant des prélèvements obligatoires, nous ne pouvons pas soutenir la philosophie qui inspire le programme du Gouvernement consistant à essaimer les plus-values fiscales supplémentaires issues de la croissance sur tous les impôts et taxes existants. Une véritable politique fiscale se manifeste tout d'abord par des choix. Or, ce sont ces choix que le Gouvernement ne se résout pas à faire, tombant dans ce que M. le rapporteur général a fort justement appelé : le « clientélisme fiscal ».
Nous nous félicitons que le Sénat ait voté un certain nombre de nos propositions sur lesquelles les arguments avancés par le Gouvernement, pour justifier ses refus, n'ont pas été convaincants. Je pense ainsi au doublement de la réduction d'impôt pour l'emploi d'une personne à domicile chargée de garder des enfants en bas âge, aux mesures en faveur des personnes âgées dépendantes, à la réduction de la charge fiscale pesant sur les entreprises et à l'exclusion de l'assiette de l'impôt des indemnités versées aux éleveurs dont le cheptel a été victime de l'encéphalopathie spongiforme bovine.
Enfin, mes chers collègues, nos débats sur la TVA ont permis d'adresser un certain nombre de messages forts au Gouvernement, qui, à l'issue de nos travaux, devrait se rapprocher de nos partenaires européens pour faire évoluer les dossiers des secteurs de la restauration et des frais de justice, par exemple.
Au moment où le Sénat va se prononcer sur les articles de la première partie, nous sommes particulièrement satisfaits de l'équilibre qui a été trouvé et de la prise en compte des préoccupations que nous avions exprimées. Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera le texte qui résulte de nos travaux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, quel est le rôle de l'opposition dans le débat démocratique qui s'instaure à l'occasion de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, dont la préparation relève de la seule responsabilité du Gouvernement ? C'est de contrôler et de proposer.
Le rôle de l'opposition est tout d'abord de contrôler la réalité des grands équilibres d'un budget portant, comme le disait Jean Arthuis, la marque de la résignation : malgré la croissance et la centaine de milliards de francs de recettes supplémentaires que cette dernière engendre, le Gouvernement semble résigné à ne pas réduire sensiblement le déficit, à accepter le gonflement des dépenses ordinaires et à préférer, à une réforme générale de la fiscalité, le saupoudrage des allégements fiscaux.
Vous nous indiquiez pourtant, hier encore, madame le secrétaire d'Etat, que ces idées simples vous animaient. Elles me semblent cependant rester à l'état de virtualités à la suite des pratiques tortueuses qui en ont affaibli la portée, à tel point que l'on peut se demander si elles étaient vraiment sincères.
Je prendrai simplement deux exemples.
Maîtriser les dépenses, dites-vous ! Choisir la norme de 0,3 % des dépenses de croissance, c'est parfait. Mais la pratique est tortueuse, puisqu'on peut lire - et le débat n'a pas été vidé - à la page 149 du rapport de M. Migaud, rapporteur général de l'Assemblée nationale, que « les éléments d'information démontrent sans ambiguïté que le montant des charges de l'Etat en 2001, considéré dans la structure du budget en 2000, augmenterait de 1,4 % en volume », c'est-à-dire de 45 milliards de francs, soit 20 milliards de francs de plus que ce qui est avoué. C'est le premier exemple.
Le second exemple tient à la réalité du déficit, que vous réduisez de 29 milliards de francs. Je ne peux m'empêcher de constater que, si l'on raisonne sur les opérations définitives - les seules à être importantes - la réduction du déficit est de 23 milliards de francs, et encore parce que vous avez fait basculer 15 milliards de francs, - cela a été dit et répété - d'une année sur l'autre pour les recettes non fiscales.
Pour que le dialogue, jeu normal de la démocratie entre l'opposition et la majorité, qui ont chacune leur rôle à tenir, puisse continuer à l'avenir et être constructif, comme nous le souhaitons, madame le secrétaire d'Etat, il faut absolument que disparaissent l'opacité et la complexité que nous avons dénoncées tout l'après-midi.
Mais nous voulions par ailleurs être force de proposition. Nous souhaitions, dans la mesure où cela était possible, améliorer le projet de budget, s'agissant des recettes fiscales, selon deux directions simples.
Première direction, nous souhaitions une réforme globale de l'impôt sur le revenu, car il faut rendre celui-ci supportable et plus équitable pour nos concitoyens.
A cet effet, pour plus d'efficacité et de transparence, nous avons rétabli, grâce à l'aide de la commission des finances, qui a mis au point un dispositif original de crédit d'impôt progressif, ce que les sénateurs du groupe de l'Union centriste croient être les fondements d'une taxation moderne des revenus, à savoir une CSG à taux proportionnel acquittée par tous pour assurer le financement de la sécurité sociale et un impôt progressif sur le revenu, payé par ceux qui le peuvent.
Telle était notre première idée en ce qui concerne l'impôt sur le revenu.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Yves Fréville. Par ailleurs, et ce souci était partagé par l'ensemble de la majorité sénatoriale, nous voulions mettre en place une vraie politique familiale équitable. Nous avons à cette fin pris un ensemble de mesures visant à relever l'avantage fiscal accordé par demi-part de quotient familial, à rétablir le plafond de 90 000 francs s'agissant des dépenses pour garde d'enfants et à simplifier et à faciliter la prise en charge des enfants majeurs.
Nous avons voulu lutter, dans le cadre de l'impôt sur le revenu, contre les prélèvements rampants, et nous avons approuvé l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu sur la croissance, comme pour le SMIC, et non plus sur les seuls prix.
Seconde direction : au moment où la mise en place des 35 heures accroît les tensions sur les capacités de production, nous voulions continuer à alléger les charges pesant sur le secteur productif, précisément parce que la croissance ne peut maintenant plus être soutenue par la seule demande, et qu'il faut que l'offre productive reprenne sa force.
Nous avons voulu favoriser l'investissement productif et l'innovation. C'est pour cette raison que nous avons voté le maintien des taux d'amortissement dégressifs et créé un crédit d'impôt sur les frais liés aux brevets ; nous avons également voulu encourager le développement des PME et des entreprises libérales, notamment en réduisant le taux de la taxe professionnelle qui les affecte ; nous avons, enfin, voulu favoriser l'installation des jeunes agriculteurs, ainsi que les activités à forte intensité de main-d'oeuvre.
Mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera donc la première partie du projet de loi de finances, ainsi améliorée sur l'initiative de la majorité sénatoriale, grâce à l'aide précieuse de la commission des finances, de son rapporteur général et de son président, dans unsouci de réalisme, de cohésion sociale et de dynamisme économique.
Cependant, ce vote ne signifie pas approbation de l'équilibre général sous-jacent, qui reste défini par le Gouvernement, mais que la procédure parlementaire ne permet pas d'améliorer, notamment par des glissements de dépenses. C'est le prix à payer pour que le Sénat ait la possibilité de continuer à mettre en oeuvre sa politique de contrôle des dépenses, dans le respect du libre jeu des institutions démocratiques et d'un pouvoir parlementaire pleinement assuré. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2001.
Je rappelle que, en application des articles 47 bis et 59 du règlement, il est procédé de droit à un scrutin public ordinaire lors du vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances de l'année.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 21:

Nombre de votants 319
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 220
Contre
99

Madame le secrétaire d'Etat, avant de lever la séance je voudrais faire observer au Gouvernement que le délai de vingt jours accordé au Sénat pour examiner le projet de loi de finances se trouvera une fois de plus amputé, demain, d'un après-midi complet, en raison de l'inscription à l'ordre du jour de textes qui n'ont rien à voir avec le projet de budget. Ce n'est pas tout à fait logique.
Je l'avais déjà fait remarquer à M. Fabius le premier jour de la discussion budgétaire ; je me permets, au nom de la présidence, de renouveler cette observation aujourd'hui.
La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

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