SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 4. - Outre les mesures législatives nécessaires à la transposition de
la directive 1999/62/CE du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds
pour l'utilisation de certaines infrastructures mentionnée à l'article 1er, et
afin de faciliter, notamment, la mise en oeuvre des dispositions du droit
communautaire relatives aux marchés publics de travaux, le Gouvernement est
autorisé à prendre, par ordonnances, les mesures législatives requises pour
:
« 1° Supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux
sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, prolonger les durées
actuelles des concessions et prévoir les conditions dans lesquelles ces
modifications seront appliquées dans les comptes des sociétés, au titre de
l'exercice ouvert au 1er janvier 2000 ;
« 2° Redéfinir les règles, notamment en les unifiant et les simplifiant,
relatives à l'institution de péages pour l'usage d'infrastructures routières et
de certains ouvrages d'art compris dans la voirie nationale, départementale et
communale, y compris lorsque la gestion de ces ouvrages d'art est assurée par
un établissement public de coopération intercommunale. »
Sur l'article, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici de nouveau réunis pour
la suite de l'examen d'un texte qui est particulièrement important et urgent
pour la politique d'infrastructures de notre pays. A ce point de la discussion,
je ne reviendrai pas en détail sur ce que j'ai déclaré ici même, le 25 octobre
dernier.
Je vous dirai simplement que je suis dans le même état d'esprit de
dialogue.
Il n'a jamais été dans mon intention, ni dans celle du Gouvernement,
d'escamoter le débat sur la réforme des autoroutes et de priver ainsi la
représentation nationale du droit de dire son mot et d'amender au fond cet
article 4.
Je vous renouvelle d'ailleurs l'engagement pris devant vous, voilà deux
semaines, de débattre au fond de la réforme des autoroutes avant de saisir du
projet d'ordonnance le Conseil d'Etat, à l'occasion d'une question orale avec
débat, par exemple.
Comme il l'a montré à maintes reprises et encore dernièrement, avec la
discussion du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement
urbains, le Sénat sait se faire force de proposition. Il serait dommage qu'il
n'en aille pas aujourd'hui ainsi.
Vous le savez, la technique financière de l'adossement, qui a contribué de
manière efficace et décisive pendant des années à la construction du réseau
autoroutier dont notre pays bénéficie, n'est plus compatible avec la
législation communautaire. Nous le savons précisément depuis l'arrêt du Conseil
d'Etat sur la concession de l'A 86-ouest. Pourtant, je le rappelle, cette
autoroute avait été validée par la section des travaux publics du Conseil
d'Etat - je ne mets donc pas en cause mes prédécesseurs signataires - mais la
section du contentieux nous a obligés à recommencer la procédure.
A partir de là, pendant plus de deux ans, le Gouvernement a discuté avec la
Commission européenne pour élaborer un nouveau dispositif juridique permettant
de réaliser de nouvelles sections nécessaires à désenclaver et à parfaire le
maillage autoroutier. Et nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les
sénateurs, sont très demandeurs ! La Commission ne nous a transmis son accord
qu'au début du mois d'octobre. Dans ces conditions, comment aurions-nous pu
aller plus vite ?
Les dispositions de l'ordonnance découlant de l'article 4 devraient d'abord
servir, puisqu'on ne peut plus recourir à l'adossement, au financement des
subventions publiques d'équilibre pour les autoroutes A 28, en Normandie, A 19,
dans le Loiret, et A 41, en Haute-Savoie, notamment.
Nous savons tous que les élus locaux attendent souvent avec impatience la
construction de ces nouvelles sections d'autoroute. Il faut être clair :
actuellement, le budget de l'Etat n'est pas doté de crédits suffisants pour
financer les dépenses nouvelles correspondant à ces subventions d'équilibre.
M. Alain Lambert.
L'Etat n'a pas les moyens, parce qu'il gaspille l'argent !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Dans ces
conditions, comment faire ?
M. Alain Lambert.
Et les trente-cinq heures, alors ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Il existe
plusieurs possibilités. On peut décider - telle est peut-être votre position,
monsieur Lambert, mais cela m'étonnerait un peu - une fiscalité
supplémentaire.
(M. Lambert fait des signes de dénégation.)
Vous n'êtes pas d'accord ?
Moi non plus ! On peut aussi décider un redéploiement des crédits réservés aux
contrats de plan... Ce n'est pas votre position ? Ce n'est pas la mienne non
plus ! Ou bien encore, on peut décider la mise en place urgente d'un nouveau
mode de financement compatible avec le droit communautaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est précisément cette troisième solution,
sage, raisonnable et conforme à l'intérêt général que le Gouvernement a choisie
et que je vous propose.
C'est aussi parce que nous ne pouvons pas attendre dix-huit mois à deux ans la
réalisation d'un parcours législatif complet que nous avons pris le parti
d'utiliser le véhicule législatif que représente ce projet de loi
d'habilitation. Le calendrier législatif, qui est largement conditionné par les
textes déjà en discussion et les vacances parlementaires dues aux élections
municipales et cantonales, ne nous permet pas de faire autrement.
Par ailleurs, je confirme, notamment au groupe qui siège le plus à gauche dans
cet hémicycle, car il avait posé fortement le problème lors de la dernière
discussion, qu'il n'est pas dans l'intention du Gouvernement d'instituer des
péages sur les autoroutes à construire, et encore moins de rendre payantes
celles qui existent déjà et qui sont gratuites.
Avec ce nouveau système et après satisfaction des besoins de subventions
d'équilibre aux autoroutes concédées, nous comptons à terme, grâce aux moyens
dont disposeront alors les SEMCA, financer ces infrastructures nouvelles, y
compris les infrastructures de l'intermodalité, et donner ainsi une nouvelle
impulsion à la politique multimodale que nous nous efforçons de conduire depuis
plus de trois ans.
Je crois que, sur des sujets comme celui qui nous occupe ce soir, il faut
savoir ne pas ouvrir de vaines polémiques. J'en appelle donc au sens des
responsabilités de chacune et de chacun et je souhaite que les amendements de
suppression puissent être retirés.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations que je voulais
faire avant la discussion de cet article 4.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski, rapporteur pour avis.
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le ministre, de votre intervention du 25 octobre dernier, voilà
presque quinze jours, et de ce que vous venez de confirmer à l'instant, j'ai
retenu essentiellement trois points, qui constituent au demeurant autant de
promesses de votre part.
Sur le fond tout d'abord, vous avez déclaré que l'ordonnance prévue à
l'article 4 aurait essentiellement pour objet de supprimer les avantages dont
bénéficient les SEMCA, les sociétés d'économie mixte concessionnaires
d'autoroutes - la garantie de reprise du passif - et, en contrepartie,
d'allonger la durée de leur concession de douze ans à quinze ans.
Vous avez insisté sur le fait que les aménagements auxquels le Gouvernement
souhaite pouvoir procéder rapidement sont autant de conditions nécessaires pour
que les SEMCA puissent, compte tenu de leur savoir-faire, continuer à jouer un
rôle dans l'attribution des futures concessions, notamment celles que vous
venez de rappeler : l'A 19 et l'A 41.
Vous avez même laissé entendre que l'attribution de ces nouvelles concessions
serait conditionnée par les modifications comptables envisagées dans le projet
d'ordonnance, puisque vous avez lié la question de l'attribution de ces
concessions avec celle de la ressource fiscale sur laquelle compte le
Gouvernement dès 2001 en application des nouvelles dispositions comptables
énoncées dans la première partie de votre projet d'ordonnance, au chapitre
Ier.
Si je comprends bien, c'est toute la gestion 2000 des sociétés d'autoroutes
qui pourrait alors faire l'objet d'une nouvelle lecture comptable permettant de
faire apparaître un bénéfice qui sera soumis l'année prochaine à l'impôt sur
les sociétés. Le pari peut paraître audacieux, mais tel est l'engagement que
vous avez pris le 25 octobre dernier, monsieur le ministre.
Vous avez, par ailleurs, souhaité nous faire parvenir un certain nombre de
signes d'apaisement. Parmi ceux-là, je relèverai une deuxième promesse : le
Gouvernement s'engage à déposer le projet de loi de ratification avant la fin
de l'actuelle session, c'est-à-dire avant la fin du mois de juin 2001, et à
l'inscrire à l'ordre du jour du Parlement avant la fin de la législature.
Sans attendre cette échéance - et c'est là votre troisième promesse - vous
avez pris l'engagement que serait organisé au Sénat avant la fin du mois de
janvier prochain un débat, soit sous la forme d'une déclaration du Gouvernement
suivie d'un débat, soit par l'inscription à l'ordre du jour prioritaire du
Sénat d'une question orale avec débat au cours de la deuxième quinzaine du mois
de janvier 2001.
Sur tous ces engagements, monsieur le ministre, je vous dis : chiche. Je dois
pourtant vous dire que nous sommes quelque peu échaudés...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Pourtant vous me
connaissez !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
Justement, je vous connais !
Nous avons été quelque peu échaudés, disais-je, car de promesses vous n'en
avez point été avare depuis votre entrée en fonctions.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Elles ont toutes
été tenues !
M. Alain Lambert.
Les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
Sur le sujet qui nous occupe, il y a notamment
celle que vous nous avez faite à plusieurs reprises, notamment devant la
commission des finances et devant la commission des affaires économiques, en
novembre 1999, à propos de l'inscription rapide d'un projet de loi sur la
réforme du système autoroutier, afin qu'un grand débat parlementaire puisse
s'engager dès que les négociations que vous conduisez à Bruxelles seraient
achevées.
Sur le fond, vous savez que la plupart des dispositions contenues dans le
projet d'ordonnance ne soulèveront pas d'objections majeures de notre part.
En ce qui me concerne, je crois avoir dit et répété - je ne suis pas le seul
car nous avons été plusieurs dans cet hémicycle, dont MM. François, Poncet,
Jacques Oudin et Gérard Larcher - que j'étais tout à fait partisan de
moderniser le statut de nos sociétés d'économie mixte concessionnaires
d'autoroutes afin qu'elles soient placées sur un pied d'égalité totale avec les
sociétés privées, qu'elles soient nationales ou européennes.
L'idée de compenser la suppression d'un avantage dérogatoire au droit commun -
la garantie de reprise du passif en fin de concession - par l'allongement de la
durée des concessions me paraît astucieuse. Cet allongement permettra en effet
d'amortir les charges financières des sociétés sur une plus longue période et,
partant, de dégager un bénéfice comptable. Vous nous annoncez que l'application
immédiate des nouvelles règles comptables dans le projet d'ordonnance pourra
faire apparaître ce bénéfice dès 2000. Je vous en donne acte.
Je pense donc possible d'opérer une distinction entre ce que vous avez
vous-même qualifié de partie essentielle du projet d'ordonnance, c'est-à-dire
la modernisation des statuts des SEMCA, et la question des nouvelles normes en
matière de péage pour l'usage des infrastructures routières.
Je rappelle, au passage, que si les dispositions relatives aux SEMCA peuvent
être considérées comme s'insérant dans la mise en oeuvre de la directive
communautaire sur les marchés publics de travaux, ce que vous annoncez dans le
domaine des péages va bien au-delà de la transposition de la directive du 17
juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de
certaines infrastructures, puisque vous voulez l'étendre notamment aux
véhicules légers ; on en a parlé voilà quinze jours, monsieur le ministre.
Je pense m'exprimer au nom de la plupart d'entre nous en vous disant qu'un
débat parlementaire nous paraît essentiel sur la réforme des péages. Je
souligne que cette discussion ne retardera en rien l'attribution des
concessions en cours de négociation ou en préparation.
Je voudrais, enfin, insister sur deux points, monsieur le ministre.
En décidant de procéder à la réforme des autoroutes par voie d'ordonnance,
vous privez le pays d'un débat démocratique autour d'un texte législatif majeur
et vous comprendrez notre déception, ici, dans cet hémicycle.
Je souhaiterais, ensuite, souligner que votre insistance à lier l'adoption de
l'article 4 et l'attribution des nouvelles concessions autoroutières dans des
délais raisonnables est apparue à beaucoup d'entre nous comme une pression
choquante. Accepter de séparer dans l'article 4 ce qui relève de la
modernisation des SEMCA et le volet consacré aux péages revient à céder, tout
au moins en partie, à cette pression.
Consciente des intérêts supérieurs du pays, la commission des affaires
économiques a néanmoins décidé de vous prendre au mot et de modifier sa
proposition. Afin de n'entraver en rien le bon déroulement des procédures
d'attribution des nouvelles concessions, elle a accepté l'idée que la partie du
projet concernant la modernisation des SEMCA soit prise par ordonnance.
Il va sans dire que c'est avec une extrême vigilance qu'elle attend les suites
qui seront données aux promesses que j'ai évoquées voilà quelques instants.
C'est pourquoi nous proposons, au nom de la commission des affaires
économiques, l'amendement n° 14 rectifié, qui prévoit une nouvelle rédaction de
l'article 4 supprimant les dispositions relatives aux péages du champ de la
future ordonnance.
M. le président.
Sur cet article, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 19 est présenté par M. Badré, au nom de la commission des
finances.
L'amendement n° 47 est déposé par M. Lefebvre, Mme Borvo, M. Bret, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Mme Luc,
MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Tous deux tendent à supprimer l'article 4.
Par amendement n° 4, M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, propose,
dans le premier alinéa de l'article 4, après les mots : « par ordonnances, »,
d'insérer les mots : « dans les conditions prévues à l'article 38 de la
Constitution, ».
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement n° 49, présenté par M. Masson,
et tendant :
A. - A compléter
in fine
l'amendement n° 4 par trois alinéas ainsi
rédigés :
« II. - Après le premier alinéa, rédiger comme suit la fin de cet article :
« 1° Supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux
sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes ;
« 2° Prolonger les durées actuelles des concessions et prévoir les conditions
dans lesquelles ces modifications seront appliquées dans les comptes des
sociétés, au titre de l'exercice ouvert au 1er janvier 2000. »
B. - En conséquence, à faire précéder cet amendement de la mention : « I. -
».
Par amendement n° 14 rectifié, M. Poniatowski, au nom de la commission des
affaires économiques, propose de remplacer les deux derniers alinéas (1° et 2°)
de l'article 4 par trois alinéas ainsi rédigés :
« - supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux
sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes ;
« - prolonger les durées actuelles des concessions desdites sociétés ;
« - prévoir les conditions dans lesquelles ces modifications seront appliquées
dans les comptes des sociétés au titre de l'exercice ouvert au 1er janvier
2000. »
La parole est à M. Badré, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
19.
M. Denis Badré,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
La commission des finances, en
adoptant l'amendement n° 19, s'est prononcée pour la supression de l'article 4
du projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre. J'essaierai
d'éviter les redites par rapport aux excellents propos que vient de tenir notre
collègue, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour avis de la commission des
affaires économiques, en revenant néanmoins sur les principales raisons qui ont
amené la commission des finances à prendre cette position.
Réformer le système autoroutier mérite largement, à notre sens, le dépôt d'un
projet de loi et la tenue d'un débat parlementaire, ce à quoi vous vous étiez
engagé à plusieurs reprises devant notre commission, monsieur le ministre,
notamment en décembre 1999 - j'en ai un souvenir personnel très précis.
En constituant une commission d'enquête sur les transports, en 1998, le Sénat
a préparé ce débat. Il a, depuis, poursuivi ses investigations par
l'intermédiaire d'un groupe de travail sur les infrastructures de transport -
c'est dire si nous sommes en plein dans le sujet - mis en place au sein de
notre commission des finances, présidé par notre collègue M. Jacques Oudin dont
vous savez combien il s'est donné à cette réflexion. Ce groupe de travail
rendait - c'est une coïncidence intéressante - ses conclusions en commission
des finances le jour où je présentais moi-même mon rapport sur ce projet de loi
d'habilitation.
Le rapport présenté par M. Jacques Oudin est apparu répondre parfaitement aux
ambitions de notre commission des finances. Il est apparu comme apportant des
propositions nombreuses, concrètes et donc, à l'évidence, de nature à enrichir
un débat parlementaire sur ce sujet.
Alors, monsieur le ministre, pourquoi nous priver d'un débat qui ne pourrait
qu'être riche et fécond ? Le Sénat est ici prêt en temps et en heure. Nous
regrettons que ce soit le Gouvernement qui se dérobe devant un rendez-vous
nécessaire, utile et possible.
Le deuxième argument retenu par la commission des finances est le suivant :
les dispositions que vous proposez de retenir par ordonnance ne résultent pas,
à notre sens, de la transposition de directives communautaires, du moins dans
l'esprit dans lequel l'ensemble du projet de loi a été conçu.
La première partie de l'article 4 du projet de loi, que M. Ladislas
Poniatowski évoquait voilà un instant, qui traite de l'adossement, transcrit le
résultat d'une négociation que vous avez menée, monsieur le ministre, avec la
Commission en échangeant la suppression de la garantie de reprise du passif des
SEMCA par l'Etat contre un allongement des concessions. Vous souhaitiez
d'ailleurs un allongement portant cette durée à vingt ans. Vous avez obtenu un
allongement de douze à quinze ans, ce qui est un peu moins ; mais c'est le jeu
des négociations, et nous devons l'accepter. Cependant, il n'y a pas là de
directive en jeu.
S'agissant du reste de l'article, M. Ladislas Poniatowski a indiqué en quoi il
pourrait se raccrocher à des directives. Néanmoins, cette manière de les
accrocher reste assez ténue et il n'y a pas de résultat de négociations
particulières à faire ratifier.
Il y a donc plutôt un projet franco-français, au demeurant assez flou. Nous ne
voyons pas pourquoi ce texte aurait sa place dans un projet de loi vous
habilitant à transcrire des directives par ordonnance. Or, s'il n'y a pas de
directive, il n'y a donc
a fortiori
pas d'urgence à transcrire des
directives, et même pas d'urgence du tout, sinon celle, que nous ressentons
tous très fortement, de relancer l'investissement autoroutier ; mais ce n'est
justement pas l'objet de votre projet.
En fait, vous avez d'ailleurs très pratiquement pu procéder sans nouvelles
dispositions législatives à une mise en concurrence pour engager la réalisation
d'un tronçon de l'autoroute A 86 que je connais bien et dont nous avons parlé
dans votre bureau même. Vous n'avez pas eu besoin de dispositions législatives
pour mettre en concurrence les entreprises susceptibles de réaliser cette
autoroute A 86 à l'ouest de Paris, pas plus d'ailleurs, à ma connaissance, que
vous n'avez eu besoin de dispositions législatives nouvelles pour lancer
l'autoroute A 28.
Restons cependant sur un argument lié au rythme des réalisations
autoroutières, argument que vous avez largement utilisé pour tenter de nous
convaincre d'adopter votre projet et la procédure des ordonnances qu'il
comporte. Nous ne voyons pas en quoi un refus d'habilitation entraînerait un
ralentissement des investissements autoroutiers. Ce ralentissement n'a pas
vraiment besoin d'un tel refus de notre part ; il est malheureusement déjà
engagé, et nous le déplorons. Il résulte déjà des choix du Gouvernement ou
plutôt de la difficulté que vous avez à choisir entre différentes politiques,
de la difficulté que vous avez à trouver une synthèse entre les nécessités de
la protection de l'environnement et la nécessaire relance d'un programme
autoroutier qui est en panne.
En fait, monsieur le ministre, il semble bien que, après une simple réforme
financière et comptable des SEMCA, vous voulez mettre en place une nouvelle
forme de financement de nos autoroutes, mais aussi de nos infrastructures
routières.
Et c'est là que nous entrons dans le flou ; et c'est là que s'impose, de
l'avis de la commission des finances, un débat parlemantaire. L'enjeu est trop
important et l'urgence insuffisamment avérée pour que nous acceptions la
procédure que vous nous proposez. La commission des finances invite donc le
Sénat à supprimer cet article.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Pierre Lefebvre.
Notre amendement de suppression porte tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, je ne répéterai pas en détail ce qui a été indiqué plusieurs
fois au cours de ce débat par mes amis du groupe communiste républicain et
citoyen : la pratique des ordonnances en elle-même est préjudiciable au
fonctionnement démocratique de nos institutions. Les droits du Parlement sont
en effet bafoués dans ce cadre.
Nous dénonçons l'article 38 avec d'autant plus de force que le récent
référendum a montré le décalage croissant entre les citoyens et la
politique.
Cette pratique est particulièrement regrettable s'agissant de la transposition
de normes européennes. Ces normes sont élaborées dans la plupart des cas sans
débat réel et en dehors d'un contrôle citoyen, du fait de la complexité et de
la multiplicité des sujets. Comment espérer rapprocher l'Europe des citoyens en
écartant le Parlement national lui-même d'une discussion approfondie et sereine
de la transposition de ces normes ? Voilà pour la forme.
Sur le fond, je souhaite avant toute chose, puisque je viens d'aborder la
question européenne, approuver avec force l'attitude de fermeté du ministre des
transports, de l'équipement et du logement, sur le problème dit du « paquet
ferroviaire », c'est-à-dire sur le devenir du service public des chemins de fer
en Europe. Monsieur le ministre, vous vous opposez à l'offensive libérale dans
ce domaine ; sachez que nous vous soutenons fermement.
Sur le fond, je souhaite vous interroger sur quelques points, conscient, comme
l'a rappelé mon ami Robert Bret dans son intervention au cours de la discussion
générale, de l'urgence d'une prise de décision en matière de financement du
transport ferroviaire.
Renoncer au principe de gratuité, faciliter la généralisation des péages, en
instaurer de nouveaux sur des ouvrages urbains réalisés par les collectivités
locales ou territoriales, cela sera-t-il la conséquence de cet article 4 qui
va, selon nous, au-delà de la transposition européenne ? Quelle organisation,
quel programme pour le plan autoroutier ?
Selon vous, monsieur le ministre, les ressources nouvelles dégagées par cette
réforme permettront-elles réellement de s'opposer à la déferlante du transport
routier ? N'est-il pas temps d'engager un débat de grande ampleur permettant
une prise de décision historique en faveur du rail ?
Nous serons à vos côtés, monsieur le ministre, pour exiger un débat en ce sens
! Pourquoi ne pas réfléchir aussi, pour financer les grands travaux, au
lancement d'un emprunt d'Etat, que les Français, si soucieux de la sécurité sur
les routes et de la lutte pour l'environnement, ne pourront qu'approuver
vivement ?
Le financement nouveau qui sous-tend cet article 4 ne nous semble pas à la
hauteur de l'enjeu, même s'il pourrait constituer un pas en avant.
L'importance des questions que nous posons nous conduit - vous le comprendrez
certainement, monsieur le ministre - à souhaiter un débat approfondi, source
d'échanges.
Nous souhaitons par conséquent la suppression de l'article 4 du projet de loi,
mais sans aucun doute pour des raisons tout à fait différentes de celles qui
ont été invoquées par la commission des affaires économiques et son
rapporteur.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
C'est un
simple amendement de précision : les mesures autorisées par l'article 4 du
projet de loi devront respecter les conditions définies par l'article 38 de la
Constitution. Ce n'est pas de là que surgiront les difficultés les plus
importantes au cours de ce débat !
MM. Denis Badré et Ladislas Poniatowski,
rapporteurs pour avis.
C'est vrai !
M. le président.
La parole est à M. Masson, pour défendre le sous-amendement n° 49.
M. Paul Masson.
Ce sous-amendement, qui avait bien entendu été rédigé avant le dépôt de
l'amendement n° 14 rectifié de la commission des affaires économiques, a pour
objet de limiter le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement.
En effet, je rejoins tout à fait les deux rapporteurs pour avis quand ils
considèrent qu'il faut aborder cet article 4 avec la plus grande
circonspection. Nous savons que le rapport avec les directives est extrêmement
ténu. Nous savons par ailleurs que M. le ministre ne cache pas ses intentions
lointaines, l'exposé des motifs du projet de loi étant parfaitement explicite
sur la finalité de la prospective.
Je ne veux pas ici, à cette heure, encombrer le débat de ces considérations
assez avancées, mais je dois reconnaître que donner au Gouvernement, par le jeu
de l'ordonnance, un dispositif lui permettant de « redéfinir les règles,
notamment en les unifiant et les simplifiant, relatives à l'institution de
péages », c'est lui accorder un outil considérable qui le rendrait à même de
décider des péages sur la voirie nationale, départementale et communale, y
compris lorsque la gestion de ces ouvrages d'art est assumée par un
établissement public.
M. Alain Lambert.
Eh oui !
M. Paul Masson.
Voilà qui nous rend un peu soupçonneux.
En revanche, monsieur le ministre, le rapport de M. Poniatowski, au nom de la
commission des affaires économiques, que j'ai lu attentivement, me remplit
d'aise.
Voici ce qui figure à la page 118 de ce rapport : « Les observations de votre
commission (...) seront pour l'essentiel de deux ordres.
« Tout d'abord, les orientations de la réforme proposée par le Gouvernement
vont, pour l'essentiel, dans le sens préconisé par le Sénat depuis un certain
nombre d'années. » Je rejoins là le combat mené par M. Oudin de façon à la fois
dynamique et pertinente pour faire déboucher ces propositions sénatoriales.
« Il est remarquable de constater que le "discours" gouvernemental qui
accompagne les nouvelles mesures est bien différent de celui qui était tenu en
1997 quand le Sénat décidait de créer une commission d'enquête sur le sujet ».
En effet, une commission d'enquête a été créée sur cette question, et elle a
déposé des conclusions.
« Le Gouvernement semble s'être rallié à ces positions et recommandations de
bon sens.
« Il convient de s'en féliciter. »
Par conséquent, le Sénat ayant eu raison par anticipation et le Gouvernement
s'étant rallié en quelque sorte à la position du Sénat - ce n'est pas moi qui
le dis, c'est le rapport - nous serions assez malvenus aujourd'hui de rejeter
toutes ces propositions en vrac.
Je remercie M. le rapporteur pour avis d'avoir rectifié son amendement n° 14
et d'avoir repris quasiment le sous-amendement que j'avais déposé.
Bien évidemment, si la commission des finances retirait son amendement n° 19
tendant à la suppression de l'article 4, qui doit être mis aux voix avant
l'amendement n° 14 rectifié, je me rallierai alors à ce dernier, et je
retirerai le sous-amendement n° 49.
J'ajouterai un dernier mot : j'attire l'attention de la majorité de la Haute
assemblée qui veut que l'on reprenne le système de la procédure autoroutière ;
nous sommes en effet un certain nombre à savoir très exactement où en sont les
cahiers des charges des sociétés publiques autoroutières.
Or si l'on veut reprendre ce système, il ne faut pas commencer par retirer de
la loi d'habilitation toute possibilité de débat. En effet, si nous supprimons
ce soir l'article 4, ce dernier ne fera pas l'objet d'une nouvelle lecture à
l'Assemblée nationale, sauf volonté gouvernementale de présenter un nouveau
dispositif. Nous nous en remettrons donc totalement à la bonne volonté du
Gouvernement et de sa majorité.
Pour ma part, je suis plus prudent et, plutôt que de jeter le bébé avec l'eau
du bain, je préfère considérer que l'eau du bain, qui est un peu trouble, doit
être vidée, mais que le bébé doit être conservé !
(Sourires.)
Voilà pourquoi, si l'amendement n° 14 rectifié était appelé par priorité, je
me rallierais alors volontiers à la position de M. le rapporteur pour avis.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski, rapporteur pour avis, pour présenter
l'amendement n° 14 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
Etant longuement intervenu au début du débat sur
l'article 4, je serai bref dans la présentation de cet amendement.
Contrairement aux deux premiers amendements n°s 19 et 47, l'amendement n° 14
rectifié tend à conserver la moitié de la rédaction de cet article 4, à savoir
le volet concernant le statut des sociétés d'économie mixte, que vient
d'évoquer excellemment notre collègue M. Masson. Il vise en outre à retirer le
volet concernant les péages avec une très légère modification dans la
présentation.
Bien que l'amendement n° 14 rectifié et le sous-amendement n° 49 aillent tout
à fait dans le même sens, j'avoue avoir une petite préférence pour le premier,
ce dont je demande à M. Masson de bien vouloir m'excuser.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 19, 47 et 14
rectifié, ainsi que sur le sous-amendement n° 49 ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
La commission des lois, saisie au fond, demande que
l'amendement n° 14 rectifié soit mis aux voix par priorité.
(Sourires sur
les travées des Républicains et Indépendants.)
L'affaire est sérieuse, mes chers collègues !
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il s'agit d'arbitrer entre deux considérations aussi
fondamentales l'une que l'autre : d'une part, les droits du Parlement ; d'autre
part, et sans que cela soit contradictoire, l'intérêt du pays.
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Les rapporteurs pour avis, MM. Poniatowski et Badré, ainsi
que tous les intervenants qui ont défendu les autres amendements, ont rappelé à
juste titre une fois de plus - et nous l'avions fait voilà dix jours - la
procédure inadmissible qui consiste à priver le Parlement d'un débat
parlementaire de fond sur des problèmes aussi fondamentaux pour l'avenir du
pays.
MM. Jean-Claude Gaudin et Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Cela étant, quel est, à ce point du débat, l'intérêt
fondamental du pays ?
L'idéal, bien sûr, eût été, monsieur le ministre, que le Parlement n'ait pas
été privé de ses droits,...
M. Josselin de Rohan.
Exactement !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
... qu'il ait pu être saisi à temps des projets de loi,
s'agissant de son avenir, sur des sujets aussi essentiels que les
infrastructures de transports.
Prise entre ces deux considérations, la commission des lois estime devoir
rechercher une solution de conciliation.
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Bien sûr, elle n'a pas pu se réunir pour examiner
l'amendement n° 14 rectifié de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Claude Gaudin.
Qu'elle le fasse !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Mais il est des circonstances dans lesquelles une commission
- et peut-être son rapporteur - doit pouvoir prendre un risque et faire une
proposition. En soumettant au vote l'amendement n° 14 rectifié, nous pouvons
concilier les exigences légitimes du Parlement et les nécessités impératives de
l'intérêt du pays.
(Très bien ! sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
Je souhaite donc que ce débat sur l'article 4 puisse être clarifié par un vote
du Sénat sur l'amendement n° 14 rectifié,...
M. Hubert Falco.
Il le sera !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
... même si la commission saisie au fond n'a pas pu respecter
toutes les formes en la matière. Mais chacun comprendra qu'à cette heure
d'autres impératifs exigent des prises de position rapides !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la
commission ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le Gouvernement
l'accepte.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
La parole est à M. le ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur les
amendements 19, 47, 4 et 14 rectifié, ainsi que sur le sous-amendement n°
49.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai bien écoutés.
Vous avez rappelé qu'en novembre 1999 je m'étais engagé devant la commission
des affaires économiques et devant la commission des finances du Sénat à
déposer un projet de loi destiné à réformer le financement des autoroutes.
Il est vrai que je vous avais dit cela, mais je vous avais dit aussi que
j'attendais, pour le faire, la fin de la discussion avec la Commission de
Bruxelles. En effet, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, notre système actuel
de financement n'étant plus juridiquement valable, il convenait d'en trouver un
autre.
C'est la raison pour laquelle - et cela aussi je vous l'avais dit en novembre
1999 - le Gouvernement a engagé des discussions avec la Commission européenne
dès l'été 1998, pour s'assurer que la solution qu'il envisageait était en tout
état de cause compatible avec la réglementation communautaire en matière de
concurrence et d'aide des Etats.
Mais Bruxelles ne nous a rendu son avis - positif - sur les dispositions
envisagées, notamment en ce qui concerne l'allongement de la durée des
concessions - qui diffère d'ailleurs d'une SEMCA à l'autre - qu'au début du
mois d'octobre 2000, ce qui est donc tout à fait récent.
Nous ne pouvions aller plus vite, car le Conseil d'Etat n'aurait pas accepté
de rendre un avis sur un projet de loi sans connaître la position de la
Commission européenne.
En réalité, la situation est simple : pardonnez-moi de le formuler ainsi, mais
l'Etat est aujourd'hui dans l'incapacité de concéder la réalisation des projets
d'autoroutes actuellement envisagés et réclamés par nos concitoyens dans
plusieurs endroits. En effet, compte tenu de l'abandon de l'adossement, comment
l'Etat pourrait-il financer les subventions d'équilibre de ces nouveaux projets
lorsqu'elles sont nécessaires ? Faudrait-il remettre en cause ces projets, même
provisoirement ? Ce n'est pas l'avis du Gouvernement, ni le vôtre, j'en suis
convaincu.
Par ailleurs, et contrairement à ce qui a pu être dit, il est absolument
indispensable que le régime d'exploitation des sociétés d'économie mixte
concessionnaires d'autoroutes soit adapté si nous voulons - et,
personnellement, je le souhaite vivement - qu'elles puissent répondre aux
appels à candidature qui doivent ou qui devront être lancés. Dans le cas
contraire, nous nous exposerions à des risques de nouveaux contentieux pour
non-respect des règles relatives à la concurrence.
Vous comprenez donc le souci qui a guidé le Gouvernement - j'y insiste - dans
sa décision de recourir à la procédure des ordonnances pour réformer le système
autoroutier. Il ne s'agissait pas, bien au contraire, d'empêcher un débat que
vous réclamez, ce qui est tout à fait compréhensible, mais de mettre en oeuvre
rapidement cette réforme.
C'est ce même souci qui me conduit ce soir à prendre en considération
l'amendement n° 14 rectifié de la commission des affaires sociales ainsi que le
sous-amendement de M. Masson, dont l'objectif est identique, même si M. Masson
a, en quelque sorte, montré la voie.
Je préférerais, bien entendu, que l'article 4 soit voté en l'état, car il
participe de cette réforme d'ensemble autoroutière que je vous avais présentée
et dont j'ai donné connaissance à vos commissions dans le détail. Tout cela
forme un tout cohérent mes yeux, et j'ai noté, en outre, que la plupart de ses
dispositions avaient été accueillies plutôt favorablement.
A cet égard, je veux rappeler à nouveau que cette réforme indispensable n'a
pas pour objet d'instaurer systématiquement des péages, je veux le dire à M.
Lefebvre avec toute la force nécessaire : il ne s'agit pas d'instaurer des
péages sur les autoroutes construites et déjà gratuites
(Mme Beaudeau proteste),...
M. Jean-Claude Gaudin.
On ne vous croit pas !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... ainsi que je
m'y suis engagé lors du dernier débat, pas plus qu'il ne s'agit de mettre des
péages sur les routes départementales ou sur les routes nationales. C'est hors
de question !
M. Alain Lambert.
La loi le permet !
M. Hubert Falco.
Donnez-nous des sous pour faire un deuxième tunnel à Toulon !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous auriez pu
le souligner, monsieur Masson, puisque je me suis engagé, et, si M. Oudin était
là, il pourrait le confirmer.
L'objectif unique, je le répète, est de définir un nouveau système de
financement, l'adossement n'étant plus possible aujourd'hui.
Cela étant, compte tenu de l'importance que présente la première partie de
l'habilitation - celle qui est retenue par l'amendement de M. Poniatowski et
par le sous-amendement de M. Masson, et que M. Hoeffel, que je remercie, a pris
en considération dans son intervention -, pour une réforme que je compte mettre
en oeuvre sans perdre de temps, je ne souhaite pas de blocage de la discussion.
Je suis donc favorable à cet amendement et à ce sous-amendement,...
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... comme je
suis favorable à la discussion au sujet de l'ordonnance, je l'ai dit tout à
l'heure et je n'y reviens pas.
Je précise donc que, en ce qui concerne la modification du code de la voirie
routière qu'il nous est proposé ce soir de disjoindre, celle-ci fera l'objet
d'une discussion par la suite, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi
ordinaire.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix, par priorité, l'amendement n° 14 rectifié.
M. Pierre Lefebvre.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le ministre, j'ai le regret de vous dire que notre groupe n'est pas
entièrement convaincu
(Rires sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste)
par les explications que vous
avez bien voulu nous donner,...
M. Jean-Claude Gaudin.
Encore un effort, monsieur le ministre !
M. Pierre Lefebvre.
... tant dans votre intervention liminaire que dans les propos que vous venez
de tenir.
M. Alain Lambert.
Il n'a pas confiance dans le Gouvernement. Il a raison !
M. Pierre Lefebvre.
Nos inquiétudes demeurent particulièrement vives, tant en ce qui concerne la
gratuité des autoroutes, à propos de laquelle vous venez de prendre des
engagements, qu'en ce qui concerne les péages urbains qui pourraient être
institués dès lors que seront créés des ouvrages par les collectivités locales
ou territoriales.
Après avoir entendu l'ensemble de l'argumentation de la majorité sénatoriale,
nous voulons cependant, parce qu'il s'agit d'une question importante pour
l'avenir du pays et de sa population, réagir dans un esprit de
responsabilité.
Nous voulons surtout, monsieur le ministre, vous soutenir dans votre volonté
de rééquilibrer la politique des transports en faveur du rail.
M. Pierre Hérisson.
Ce n'est pas le sujet !
M. Pierre Lefebvre.
Pour toutes ces raisons et parce que nous n'avons pas les mêmes motivations
que ceux qui viennent de s'exprimer pour soutenir leur amendement, nous allons
retirer le nôtre.
Pour autant, nous ne voterons pas les amendements soutenus par la droite
sénatoriale...
M. Dominique Braye.
C'est le grand écart !
M. Pierre Lefebvre.
... car ils sont loin, mes chers collègues, de clarifier la situation, et ils
sous-tendent des motifs bien éloignés des nôtres et de l'intérêt public.
M. Henri de Raincourt.
Toujours le grand capital !
M. Hubert Falco.
Il n'y a que la gauche qui s'occupe de l'intérêt public !
M. le président.
L'amendement n° 47 est retiré.
Monsieur Masson, j'ai cru comprendre que vous retireriez votre sous-amendement
si l'amendement n° 14 rectifié était adopté ?
M. Paul Masson.
Je le retire, en effet, monsieur le président.
M. le président.
Le sous-amendement n° 49 est retiré.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je veux
remercier M. Lefebvre, qui a posé les questions essentielles.
M. Alain Lambert.
Elles étaient pertinentes ! Mais la conclusion était moins bonne...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'apprécie
l'attitude de son groupe.
(Exclamations ironiques sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Henri de Raincourt.
C'est bien le moins !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Oui, mais c'est
parce qu'il avait un doute sur vos propres intentions, vous l'avez compris !
Je veux que ce soit clair : en ce qui concerne les péages urbains, je précise
que rien dans le code de la voirie routière ne les autorise. Rien ! Je suis
donc à l'aise pour vous dire ce que je vous ai dit tout à l'heure à propos des
intentions du Gouvernement : le discours ne sera pas contredit par la suite.
M. Dominique Braye.
C'est de l'acrobatie !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Par ailleurs, en
ce qui concerne l'effort en faveur du transport ferroviaire, je puis vous dire
que la démarche du Gouvernement, que ce soit en tant que président du conseil
des ministres européen des transports ou au plan national, s'inscrit tout à
fait dans cette volonté de donner un élan et des moyens nouveaux à ce mode de
transport dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la grande vitesse, des
lignes classiques, des TER ou du transport des marchandises. Si nous
maintenions le rythme actuel, ce n'est pas en dix ans mais en six ans que nous
doublerions le transport des marchandises par le fer, contribuant ainsi au
désengorgement de nos routes et autouroutes.
Je souhaitais apporter ces réponses aux questions que vous avez soulevées,
monsieur le sénateur.
M. Jacques Bellanger.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Depuis le début de cette discussion, j'ai un peu l'impression d'être au
spectacle : je vois se dérouler une pièce bien organisée. J'ai peut-être tort,
mais cela me rappelle un vieux roman de Georges Duhamel,
Le Club des
Lyonnais
. J'ai fort envie de dire que je me retrouve dans le personnage du
vieux libraire qui se voulait spectacteur pur.
Cela étant, nous appartenons à une majorité et nous savons ce que cela
signifie. Monsieur le ministre, puisque vous acceptez cet amendement, nous le
voterons !
M. Henri de Raincourt.
Toutes mes condoléances !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Tout à l'heure, le rapporteur de
la commission des lois, M. Daniel Hoeffel, a cherché la conciliation. Cette
conciliation, c'est le Sénat qui la trouve dans sa sagesse.
La commission des finances souhaite donc vous donner son avis en laissant
naturellement le Sénat, dans son immense sagesse, prendre la bonne décision.
M. Jean-Claude Gaudin.
Il vous suivra !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je n'en suis pas sûr, monsieur
Gaudin.
(Sourires.)
Je vais m'efforcer de mériter votre confiance, trop
spontanée, exprimée en cet instant.
Mes chers collègues, nous n'avons pas confiance dans le Gouvernement.
M. Henri de Raincourt.
Vous n'avez pas tort !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Merci de cet acte qui nous est
donné !
Nous n'avons pas confiance dans le Gouvernement, parce qu'il peut lui arriver
de ne pas nous dire tout à fait la vérité...
M. Jean-Claude Gaudin.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... et, ce soir, il ne nous a
pas dit la vérité.
En tout cas, monsieur le ministre, et je lis mon texte parce que vous pourrez
me démentir et nous pourrons, le cas échéant, opposer, devant la commission des
finances, les autorités européennes et les autorités françaises, pour trancher
le débat que j'ouvre en cet instant.
J'affirme devant le Sénat que la Commission européenne n'a jamais dit que
notre système autoroutier était contraire au droit européen. Je l'affirme, et
donc cela n'est pas parce que notre droit français n'est pas conforme au droit
autoroutier européen que les propositions qui nous sont faites ce soir nous
sont présentées.
Mes chers collègues, cela devait être dit. Il ne vous a pas échappé que je
n'ai pas encore été démenti...
Le Gouvernement cherche des moyens. D'ailleurs, M. le ministre ne me
cherchait-il pas tout à l'heure dans les travées, lorsque je lui ai fait
remarquer que le Gouvernement auquel il appartenait n'utilisait pas bien les
moyens dont il disposait ?
En effet, dois-je vous rappeler que, cette année, le Gouvernement auquel
appartient M. Gayssot consacrera autant d'argent pour financer les 35 heures
dans le privé que pour l'investissement de l'Etat dans sa totalité ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Les 35 heures,
c'est notre fierté !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le ministre, je me
réjouis que vous en soyez fier, car cela me donne des raisons, tout en ayant de
la considération pour votre personne, de vous combattre. En effet, je ne suis
pas content, je ne soutiens pas et je combats, politiquement bien sûr, un
gouvernement qui consacre plus d'argent public au financement des 35 heures
dans le privé qu'à tout l'investissement public de la France.
Monsieur le ministre, vous cherchez des moyens. Je voudrais rappeler que le
budget des routes va chuter de plus de 17 % pour 2001. Moi, je n'ai pas
confiance et la commission des finances n'a pas confiance dans vos méthodes,
car elle craint que vous ne vous serviez précisément des ressources qui sont
celles des autoroutes pour financer d'autres desseins.
Mes chers collègues, à chacun son rôle. Le mien est ingrat ce soir. Je ne
cherche pas à vous détourner de votre volonté de conciliation. Voilà ce que
j'avais à vous dire ce soir, au nom de la commission des finances.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. Josselin de Rohan.
Quel talent !
M. Paul Masson.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson.
Bien sûr, je suivrai le rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques et je voterai son amendement. Mais je saisirai l'occasion de cette
explication de vote pour poser une question à M. le ministre et tirer ensuite
de ce débat une considération.
Monsieur le ministre, ce soir, il y a ici une majorité relativement
confortable qui soutient une proposition issue de la majorité du Sénat. Cette
proposition, vous l'avez approuvée. La question que je vous pose est donc la
suivante : défendrez-vous, au nom du Gouvernement, cette solution devant
l'Assemblée nationale et devant votre majorité ?
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur pour avis.
Très bonne question !
M. Paul Masson.
J'ai compris que oui, puisque vous avez accepté l'amendement, que le groupe
socialiste a déclaré qu'il allait le voter et que le groupe communiste
républicain et citoyen a retiré son amendement de suppression. Mais j'aimerais
que vous nous le confirmiez ce soir.
Quant à ma considération, elle est brève, monsieur le ministre : je dois
constater que cette anomalie démocratique sénatoriale, à laquelle, parfois, on
s'est référé dans le passé, présente quelquefois l'avantage de générer des
solutions de compromis qui conduisent le Gouvernement à s'y
rallier.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, je répondrai tout d'abord à votre question précise.
Si je n'avais pas l'intention de défendre la même position à l'Assemblée
nationale, je n'aurais pas donné un avis favorable. S'il s'était agi d'une
manoeuvre, d'un compromis ou d'une compromission, peut-être, à la limite, je
m'en serais remis à la sagesse du Sénat. Mais je ne suis pas comme cela.
Le texte qui vous est proposé comprend deux parties. L'une est directement
liée à des éléments d'urgence par rapport à la réforme puisqu'il n'est plus
possible de faire un adossement. Vous pourrez toujours, monsieur le président
de la commission des finances, prétendre le contraire mais c'est le Conseil
d'Etat lui-même qui l'a dit. Je veux bien tout ce que vous voulez. Peut-être ne
considérez-vous pas les avis du Conseil d'Etat comme suffisamment explicites.
Mais il l'a dit, c'est ainsi !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Vous auriez pu m'interrompre,
tout à l'heure !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
On peut évoquer
les 35 heures, le PACS, et tout ce que voulez pour parler de la réforme
autoroutière. Là, il y a urgence. La preuve en est que les conditions n'étaient
pas réunies et que le Conseil d'Etat a invalidé, en quelque sorte, une partie
de la déclaration d'utilité publique de l'A 86 en faisant référence au droit
communautaire et aux traités au nom de la concurrence.
Je n'ai jamais dit que le système qui a été mis en place dans le passé n'était
pas bon. Je dis simplement qu'à l'avenir il n'est plus possible de procéder
ainsi. Il ne faut pas se crisper. D'ailleurs, vous ne vous crispez pas,
monsieur Lambert...
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Non !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Nous sommes
rassurés.
Ensuite, vous ajoutez un élément. Là aussi c'est pour l'information. Vous êtes
au fait de ces questions. Le budget qui va nous être présenté, dites-vous,
baisse de 17 % l'an prochain. Je vais vous dire la vérité.
Les autorisations de programme - vous le savez, monsieur Gaudin - permettent
de commencer les travaux. Et on les paie ensuite avec les crédits de paiement.
Pour faire les travaux et être dans les normes compatibles avec la durée du
contrat de plan, comme l'an dernier nous n'avons pas réalisé le septième du
contrat de plan, cette année nous allons plus loin en autorisations de
programme pour respecter les engagements passés dans le contrat de plan, à
l'inverse de vous, monsieur Lambert, qui n'aviez pu réaliser qu'à peine 80 %
des objectifs prévus dans le XIe Plan.
Vous n'avez pas confiance dans ce Gouvernement ? Vous l'avez dit et c'est pour
cela d'ailleurs que vous faites partie de la majorité sénatoriale et que vous
êtes dans l'opposition nationale, c'est votre droit le plus absolu. Mais ce
Gouvernement il dit ce qu'il fait et fait ce qu'il dit.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 19 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le groupe communiste votre contre.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5