SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Vergès pour explication de vote.
M. Paul Vergès.
Mes chers collègues, vous connaissez le contenu des dispositions économiques,
sociales et culturelles de cette loi d'orientation. Nous pouvons dire que,
depuis 1946, jamais nous n'avons eu autant de mesures et autant de moyens. Cela
signifie que ce qui est réclamé depuis des années et des années pour un
développement durable de la Réunion est désormais possible si nous allons vers
ce partenariat entre les institutions sociales, le Gouvernement et la majorité
du Parlement.
Je veux également dire que la suppression de la création d'un deuxième
département réclamé, je le répète, par l'ensemble des élus de la Réunion...
M. Edmond Lauret.
C'est faux !
M. Paul Vergès.
... revient à remettre en cause l'aménagement équilibré du territoire. Mais
peu importe ! L'important, ce soir, comme un certain nombre d'orateurs l'ont
souligné, c'est que toute modification soit du régime administratif, soit du
régime institutionnel d'une collectivité peut partir de la revendication des
forces politiques locales.
Ce raisonnement est d'une logique parfaite, il n'y a là aucun jugement de
valeur. Les dispositions votées par le Sénat vont dans ce sens : toute
modification devra être précédée d'une consultation pour avis de la population.
Entre l'initiative du Parlement et le contenu de la revendication locale, c'est
la revendication locale qui l'emportera.
C'est un choix d'évolution pour l'outre-mer. Je comprends parfaitement cette
logique. Elle exige toutefois que les populations de ces pays soient éclairées
sur le choix du Parlement afin qu'elles sachent quelles procédures devront être
engagées.
Le vote de ce soir de la majorité sénatoriale donnera un élan considérable aux
forces qui, sur place, veulent très vite changer de statut. C'est la leçon que
je voulais tirer avec vous. L'avenir le dira. Nous verrons ce qu'il
adviendra.
Le plus important, et je conclurai sur ce point, est que les conditions
matérielles existent pour que chacun prenne ses responsabilités. On ne pourra
plus dire à Paris : à la Réunion ou aux Antilles, ils n'utilisent pas les
moyens qu'on leur donne. Sur place, on ne pourra pas dire : nous ne pouvons pas
avancer, parce que Paris ne suit pas.
Chacun est aujourd'hui au pied du mur pour engager le développement durable de
son département ou de sa région.
En raison de cet arsenal de mesures, le président du conseil général de la
Réunion disait qu'il souhaitait que le Parlement vote le plus vite possible ce
projet de loi d'orientation qui a le soutien de « tous les élus locaux et de
tous les acteurs économiques ». C'est du jamais vu dans le cadre de la
politique pour l'outre-mer.
Voilà pourquoi j'espère qu'en dernière lecture l'Assemblée nationale rétablira
un deuxième département et qu'avec cet arsenal de mesures et cette réforme
administrative nous irons vers le développement.
M. le président.
La parole est à M. Lise pour explication de vote.
M. Claude Lise.
Nous voici parvenus à la conclusion de nos travaux sur le projet de loi
d'orientation pour l'outre-mer. Sa mise en application est très attendue dans
nos départements, notamment toutes les mesures économiques et sociales qui ont
été évoquées à plusieurs reprises par les acteurs économiques et les jeunes en
attente d'un emploi.
Le Sénat a incontestablement contribué à enrichir le projet de loi sur
certains points, notamment en première lecture.
Il convient de se féliciter également de l'apport du Sénat au cours de cette
nouvelle lecture, puisqu'il a rétabli notamment les prérogatives des conseils
généraux dans le cadre de la coopération régionale.
S'agissant du volet économique et social du projet de loi d'orientation, les
propositions qui ont été faites par la majorité tendent malheureusement, le
plus souvent, à dépasser l'enveloppe budgétaire qui nous était allouée. Chacun
sait donc très bien qu'il s'agit de mesures sans suite. Il est regrettable que
certains se soient obstinés simplement dans des effets d'annonce.
Cette loi traduira pourtant un effort sans précédent de l'Etat en direction de
nos départements, un effort budgétaire quatre fois plus important que celui que
représentait la loi Perben de 1994. On comprend mal, par conséquent, que
certains, encore aujourd'hui, aient parlé de « mesurettes » à propos des
dispositions très importantes que contient ce texte.
Il importe que cet effort demeure ciblé sur l'objectif premier du texte, qui
est la création d'emplois pérennes. Il n'est pas sûr que l'esprit de surenchère
qui a parfois prévalu dans certaines propositions corresponde vraiment à cet
objectif.
Mais ce qu'il faut vraiment déplorer avec force, c'est le manque de cohérence
de la majorité sénatoriale concernant le volet institutionnel de ce projet de
loi. En supprimant les articles 38 et 39, la majorité sénatoriale a une fois de
plus dénaturé le texte, comme elle l'avait fait en première lecture. Elle s'est
enfermée encore dans une contradiction.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez parlé d'insoutenable contradiction.
J'espère qu'il n'y a pas eu en tout cas une insoutenable légèreté. L'histoire
jugera
(Protestations sur certaines travées du RPR),
comme elle l'a fait
à propos de l'attitude du Sénat lors des débats sur l'assemblée unique.
A l'époque, il y avait eu la même obstination. Et ceux qui aujourd'hui nous
disent que l'on aurait dû mettre en place une assemblée unique sont précisément
ceux-là mêmes qui étaient contre une assemblée unique en 1982. J'ai
parfaitement le souvenir de ce qui s'est alors passé au Parlement. Je crois que
l'on regrettera de la même manière d'avoir refusé aujourd'hui l'instance de
délibération de l'article 39.
On ne peut pas à la fois affirmer son adhésion à l'idée de permettre une
évolution institutionnelle différenciée de chacun des départements d'outre-mer
et refuser les moyens démocratiques qui permettent de parvenir à cette
évolution différenciée.
Compte tenu de ces observations et conformément à ce qui a été annoncé dans la
discussion générale, le groupe socialiste et apparentés va donc voter contre le
texte tel qu'il résulte des travaux du Sénat.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à
l'heure où nous terminons l'examen du projet de loi d'orientation relatif à
l'outre-mer, chacun d'entre nous, en tant que représentant de la nation, doit
se poser plusieurs questions.
Que restera-t-il du texte que nous venons d'adopter, après son passage devant
l'Assemblée nationale, avec l'application de l'article 45, alinéa 4, de la
Constitution ?
Alors que le Gouvernement a déclaré l'urgence sur ce texte - comme sur bien
d'autres, d'ailleurs -, en tant que parlementaires, nous ne pouvons,
parallèlement, que regretter l'utilisation généralisée de ce procédé,
entraînant, avec la « procédure » du dernier mot, le mépris de la position
sénatoriale.
Que conservera le Conseil constitutionnel de l'ensemble du dispositif
lorsqu'il sera amené à contrôler la constitutionnalité du texte ?
Le renvoi au pouvoir réglementaire dans nombre de dispositions paraît tout
autant critiquable. J'ai relevé autant de décrets à prendre ou de consultations
à mener avec les assemblées départementales ou régionales qu'il y a d'articles
dans la loi ! Le législateur doit-il laisser autant de latitude à l'exécutif
pour appliquer la loi ? Quel sera, en fait, le véritable visage du dispositif
que le Parlement examine actuellement ? Personne ne peut, aujourd'hui, le dire
avec exactitude.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez de vous embarquer dans le grand
bateau de l'outre-mer et, en tant que représentant de la plus grande région de
France et d'outre-mer, je vous souhaite la bienvenue.
Ce texte, qui a tout de même le mérite d'exister, montre l'intérêt que le
Gouvernement porte à l'outre-mer, en donnant à la Guadeloupe, à la Martinique,
à la Réunion et à la Guyane la possibilité de disposer à l'avenir d'une
organisation institutionnelle propre. C'est déjà une avancée notable.
Mais, sans remettre en cause l'oeuvre du constituant de 1958, qui a été utile
en son temps, je considère que le statut de département d'outre-mer est
aujourd'hui trop strict pour certains des départements auxquels il
s'applique.
Les Guyanais, dans leur très grande majorité, se situent dans une autre
logique. Nous avons d'ailleurs déjà entamé avec votre prédécesseur des
discussions en vue d'une évolution institutionnelle de la Guyane.
Je compte donc sur l'écoute attentive du Gouvernement à l'égard des requêtes
formulées par les régions d'outre-mer et, notamment, par la région Guyane.
Nous ne souhaitons pas, en tout cas en Guyane, que la rue décide de l'avenir
de notre pays. Cette région désire prendre son destin en main, quitter son
statut d'assisté, tout en demeurant, j'insiste sur ce point, dans le sein de la
République.
Le Sénat a rétabli un certain nombre de dispositions qui avaient été rejetées
par l'Assemblée nationale. Au nom des peuples d'outre-mer, monsieur le
secrétaire d'Etat, nous vous demandons de ne pas dépouiller le texte que le
Sénat va voter ce soir. Vous aurez peut-être accompli avec nous l'oeuvre la
plus belle, en tant que représentant d'un gouvernement qui semble n'avoir pas
encore bien compris le sens dans lequel le Sénat veut s'engager avec les
peuples d'outre-mer.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'aurais pas pris la parole si vous n'aviez
pas eu, tout à l'heure, un mot qui m'a surpris.
Vous avez indiqué dans votre intervention que cette loi n'était pas une loi
d'étape. J'en déduis donc que vous la considérez comme définitive. C'est
dommage ! En effet, cette loi, pendant trois ans, nous l'avons attendue avec
impatience. Au terme de ces trois ans, nous pouvions espérer qu'on nous
présenterait une loi de programme, et nous aurions mis tout notre coeur à
améliorer et à voter une loi qui aurait vraiment changé les choses, qui aurait
été véritablement porteuse d'avenir.
Au lieu de quoi nous avons eu une loi d'orientation qui n'est guère qu'une
série de mesures portant sur l'outre-mer par lesquelles on tente de colmater
des brèches en train de s'ouvrir, c'est-à-dire des mesures prises sous l'empire
de la nécessité et de l'urgence.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne venez pas nous dire que c'est le Sénat qui
est immobiliste, qui est « ringard », comme cela fut dit jadis. Le Sénat
voulait une loi vivante, qui soit digne des années et peut-être même des
décennies à venir, susceptible de porter l'outre-mer vers son destin. Or on
nous propose simplement de confirmer l'outre-mer dans des institutions qui sont
maintenant bien anciennes. Nous aurions pu nous entendre sur le volet
économique et social de votre texte. J'en veux pour preuve les nombreux
amendements qui ont été proposés pour améliorer cette partie du texte. En
revanche, il nous était impossible d'accepter le volet institutionnel eu égard
aux deux éléments sur lesquels il reposait : la bidépartementalisation de la
Réunion - qui ne s'explique que pour des raisons politiques - et le congrès,
qui dissimulait manifestement la création d'une troisième assemblée dans les
trois autres départements d'outre-mer.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne sommes pas ringards. Mais nous
sommes déçus par un texte qui, en définitive, ne modifiera pas grand-chose, et
que vous avez voulu, comme votre prédécesseur, faire passer en force : un texte
à prendre ou à laisser ! En première lecture, j'avais « laissé », en
m'abstenant. Aujourd'hui, je voterai le texte tel qu'il a été modifié par nos
excellents rapporteurs.
Nous verrons ce que vous aurez bien voulu en laisser substituer à l'issue de
l'ultime lecture à l'Assemblée nationale. En effet, jusqu'à présent, vous avez
refusé tout ce qui était proposé, vous en tenant à cette tactique du passage en
force, sans doute fidèle à cette devise : « Nous finirons par triompher parce
que nous sommes les plus forts. »
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret.
Je souhaite tout d'abord remercier les commissions, leurs rapporteurs et la
majorité du Sénat du travail accompli au cours des deux lectures de ce projet.
En 1997, deux textes soutenaient l'économie des départements d'outre-mer : la
loi Pons et la loi Perben. La loi Pons a été décapitée. La loi Perben est
aujourd'hui restaurée, voire améliorée. C'est bien, mais il n'y a pas de quoi
pavoiser !
Sur le plan institutionnel, le Sénat a rendu justice et parole aux
collectivités locales et aux populations, en particulier à la population de la
Réunion. Je m'en félicite.
Je remercie mes collègues d'avoir fait échec aux députés communistes qui, par
un amendement scélérat, entendaient baîllonner les Réunionnais en leur refusant
d'être consultés sur leur devenir.
Nous mettons au défi les députés socialistes et communistes, en particulier
ceux de la Réunion, de revenir sur ce qui a été voté ce soir par la majorité
sénatoriale.
M. Marcel Charmant.
Ils vont se gêner !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. Edmond Lauret.
Sinon, le sondage grandeur nature qui aura lieu les 11 et 18 mars prochains
saura les rappeler à la réalité !
M. Guy Allouche.
Ils tremblent déjà !
(Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. Edmond Lauret.
Quant à l'avenir social et économique des départements d'outre-mer, je crois
qu'il devra faire l'objet d'une autre loi, d'une vraie loi de programme. C'est
une telle loi que nous nous attacherons à mettre au point, je l'espère, à
partir de 2002.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est M. Lylian Payet.
M. Lylian Payet.
Au cours de la discussion générale, j'ai dit que ce projet de loi était un bon
projet pour l'outre-mer, notamment pour la Réunion. Force est de constater
qu'après les supressions votées par la majorité sénatoriale il est devenu un
projet sans âme, sans force. Je ne serai donc pas complice du vote qui aura
lieu dans quelques instants parce que les Réunionnais attendent autre chose.
Je ne dirai pas que le Sénat est « ringard », mais je dirai qu'il est tout de
même très frileux quand il s'agit de prendre des décisions essentielles pour
l'outre-mer.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry.
Certes, le débat a été un peu houleux - jusqu'à M. le secrétaire d'Etat, qui
m'a prise à partie, mais je lui répondrai sur mon terrain, le moment venu
(sourires)
- mais cette passion qui s'est manifestée témoigne à la fois
de la gravité de la situation de l'outre-mer et, il faut le dire, de l'intérêt
que tous ici, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, vous
portez à ces morceaux de la France qui sont loin mais qui partagent avec vous
des valeurs extrêmement profondes.
En tout cas, je ne peux pas laisser dire devant la Haute Assemblée que, depuis
1946, rien n'a été fait pour l'outre-mer.
En 1986, toute une série de mesures rétablissant l'égalité sociale dans nos
départements ont été prises par le gouvernement de Jacques Chirac.
(Très
bien ! sur les travées du RPR.)
N'en avez-vous pas été satisfait, monsieur
Vergès, vous qui étiez alors député ?
En juin 1987, ce fut le mémorandum, qui a permis aux départements d'outre-mer
d'obtenir le doublement des fonds structurels. Et je n'aurai garde d'oublier la
loi Perben, la création des zones franches.
Comment, dès lors, prétendre que rien n'a été fait depuis 1946 ?
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Au demeurant, si cela était avéré, c'est aussi bien la droite que la gauche
qui se trouveraient mises en accusation. Cela signifierait que la France, quel
que soit son gouvernement, ignore nos régions. Or ce n'est pas le cas.
J'ajouterai, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous n'avez pas fait preuve de
suffisamment de souplesse et que vous connaissez mal nos régions. Oser me faire
la leçon, à moi, en me disant que ce n'est pas dans la rue que je vais régler
les problèmes ! Souffrez que je vous rappelle que, alors qu'il était Premier
ministre, M. Rocard, par des propos qu'il avait prononcés en Guadeloupe, a mis
en danger ma vie, ainsi que celle des membres de ma famille.
Non, ce n'est pas par la rue que je souhaite voir régler les problèmes de
l'outre-mer. C'est par le dialogue, par la concertation. Et je ne me laisse pas
impressionner par les attaques de certains sbires qui, à la radio et à la
télévision, se plaisent à faire croire que j'ai changé de bord, que je suis
devenue indépendantiste !
Je suis sereine, je ne traite pas les dossiers d'avenir de nos régions avec
légèreté, mais j'ai conscience que monte une revendication très forte de tous
nos jeunes, que nous avons formés, qui ont accédé aux grandes écoles et qui,
revenus chez nous, ne peuvent qu'attendre un contrat emploi-solidarité ou un
emploi-jeune. Ce n'est pas suffisant !
Ce projet de loi, bien amendé par le Sénat, n'est encore, pour moi, qu'une
étape. Il faut avoir le courage de traiter autrement l'outre-mer. Il faut que
les fonctionnaires respectent vraiment les populations de l'outre-mer. Il faut
que les problèmes de l'outre-mer soient appréhendés d'une manière autre que
superficielle.
Quand je constate le soin que met le Premier ministre à recevoir des
indépendantistes - peut-être des assassins - pour essayer de régler les
problèmes de la Corse, je me sens confortée dans mon choix de la sérénité !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, dans mon propos introductif, je formulais le voeu de pouvoir
convaincre la majorité sénatoriale que le projet de loi d'orientation, préparé
par le Gouvernement en étroite concertation avec tous les acteurs locaux -
est-il besoin de rappeler les plus de mille consultations auxquelles se sont
livrés Claude Lise et Michel Tamaya ? - et adopté par l'Assemblée nationale à
une large majorité, exprimait pour l'outre-mer une ambition à la hauteur des
enjeux qui s'y posent et surtout de la place qui doit être la sienne dans la
République. Sur ces enjeux, nous établissons, au fond, le même diagnostic,
ainsi que je le disais tout à l'heure à M. le rapporteur.
Je ne suis pas sûr d'avoir totalement réussi cette mission. J'ai souhaité, en
tout cas, comme l'avait fait Jean-Jack Queyranne avant moi, en première
lecture, vous faire partager notre conviction que ce texte, cinquante-quatre
ans après la loi du 19 mars 1946, exprimait une nouvelle vision politique sur
l'outre-mer, vision dans laquelle chacun, quelle que soit la famille de pensée
qui est la sienne, pouvait se reconnaître, sans renoncer pour autant à ses
propres engagements. Les positions exprimées publiquement par le Président de
la République, dont chacun a bien vu qu'elles rejoignaient, sur tous les points
importants, les orientations du Gouvernement, pouvaient, en effet, vous y
inciter.
Au travers de ce débat, j'ai compris - surtout, chacun aura compris - que le
Sénat, comme avant lui l'Assemblée nationale, donnait acte au Gouvernement -
vous l'avez fait ce soir, parfois avec quelques restrictions - qu'il avait
élaboré, en faveur des départements d'outre-mer, un véritable plan de
développement économique et social, réaffirmant tout à la fois une solidarité
accrue de la nation et le refus du mal développement.
Je n'ai pas eu beaucoup de difficulté à vous en convaincre, car les chiffres
parlaient d'eux-mêmes, notamment cet effort sans précédent d'exonération des
charges sociales et, quelles que soient les précautions de langage, je crois
que vous étiez déjà convaincus sur ce point. De cette conviction partagée est
né ce soir un dialogue entre le Gouvernement et la Haute Assemblée. Je
souhaite, bien sûr, vous en remercier.
Mes regrets sont d'autant plus vifs de constater qu'à l'inverse la majorité
sénatoriale n'a pas voulu, à l'exception de quelques-uns de ses membres, saisir
la chance qui lui était offerte de faire la preuve qu'elle était sincèrement et
complètement acquise à la perspective d'une évolution institutionnelle pour les
départements d'outre-mer qui le souhaitent.
Il y a dans cette position, je le redis solennellement, une insoutenable
contradiction : peut-on, encore une fois, refuser les moyens quand on accepte
la fin ?
J'ai bien noté, sur ce point, l'affirmation qui a été celle de M. Fauchon.
D'ailleurs, elle aurait été celle de M. Jacques Larché s'il avait été présent
ce soir ; ses positions en première lecture en témoignent et, pour m'en être
entretenu récemment avec lui, je connais son sentiment à ce sujet.
Convenez cependant, eu égard aux positions qui ont été si longtemps celles des
familles politiques dont vous vous réclamez, que la question devait vous être
posée de manière solennelle et c'est ce que je fais.
Pour ma part, en constatant que la majorité sénatoriale a, une nouvelle fois,
rejeté l'article 39 du projet de loi, qui est véritablement la clé de voûte de
ce volet institutionnel, mes regrets se doublent d'un constat. Derrière
l'affichage d'une convergence dans les principes, derrière les critiques de
détail concernant telle ou telle modalité jugée trop complexe, je n'ai discerné
aucune alternative politique aux orientations du Gouvernement.
Peut-on, je le répète, s'affirmer favorable à l'évolution institutionnelle,
rejeter les voies et moyens retenus par le Gouvernement et ne proposer aucune
alternative ?
En fait, je suis contraint de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs,
que la démonstration a été faite ce soir que, dans ce pays, l'opposition n'a
pas souhaité présenter un vrai projet pour l'outre-mer.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean Delaneau.
C'est une caricature !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Pour sa part, et je le dis avec autant de sérénité que
Mme Michaux-Chevry tout à l'heure, le Gouvernement n'a pas de doute sur le fait
que la rénovation du pacte républicain dans notre pays passe aussi par
l'outre-mer - il s'agit d'un chantier difficile, douloureux parfois - dont la
diversité sera pleinement reconnue, un outre-mer dont chacune des collectivités
pourra, dans l'avenir, trouver la place qui correspond le mieux à son identité
et à ses aspirations. C'est bien là notre ambition et c'est bien là notre
projet.
Pour l'outre-mer, mais aussi pour l'idée que nous nous faisons de ce que doit
être une république - sûre de ses valeurs, mais tolérante, ouverte et moderne -
soyez convaincus, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous mettrons en
oeuvre ce projet de loi.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. Josselin de Rohan.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques
instants.
M. le président.
Il va être fait droit, bien sûr, à votre demande, monsieur de Rohan.
Avant de suspendre la séance, je rappelle au Sénat que deux textes sont encore
inscrits à l'ordre du jour de cette séance nocturne : tout d'abord, le projet
de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des
directives communautaires et, ensuite, une demande de discussion immédiate
d'une proposition de loi.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 8 novembre 2000 à zéro heure vingt, est
reprise à zéro heure quarante.)