SEANCE DU 7 NOVEMBRE 2000


M. le président. La parole est à M. Cazalet, auteur de la question n° 899, adressée à M. le ministre de l'agriculteur et de la pêche.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le ministre, permettez-moi d'attirer votre attention sur la très vive inquiétude éprouvée par les agriculteurs du département des Pyrénées-Atlantiques concernés par la réforme des ICHN, indemnités compensatoires de handicap naturel, inscrite dans le projet de plan national de développement rural accepté par l'Union européenne lors du comité STAR du 26 juillet.
Il semblerait que la mouture présentée à Bruxelles soit sans rapport avec les modalités d'un nouveau règlement arrêtées par le groupe de suivi de la politique relative à la montagne.
Mais ce qui suscite l'étonnement est la remise en cause radicale des fondements de la politique jusqu'à présent menée dans ce département et au crédit de laquelle il faut mettre le maintien de l'activité économique et le développement de productions de qualité dans les zones défavorisées.
En effet, le fait de conditionner désormais l'attribution des ICHN au respect des bonnes pratiques agricoles définies notamment par des critères d'extensivité est perçu comme l'abandon du principe du handicap, les indemnités se transformant en mesures de type agri-environnemental.
Ainsi, des dispositions telles que le non-versement de l'ICHN en deçà du seuil minimal et au-delà du seuil supérieur du taux de chargement, l'application d'un tarif unique de prime par type de zone défavorisée, la disparition de la différenciation par espèce - ovins, bovins -, le mode de calcul de l'indemnité versée à l'agriculteur après fixation par le préfet d'une plage optimale dans laquelle l'ICHN serait versée à taux plein, ainsi que la restriction des critères d'éligibilité pour les pluriactifs suscitent plus que des interrogations auprès des éleveurs du département puisque, selon certaines estimations, ce sont au total 1 500 agriculteurs qui, au Pays basque et dans le Béarn, sont non seulement concernés mais aussi menacés : 400 exploitations seraient exclues du dispositif, celles qui sont situées en zone de piémont perdraient jusqu'à 14 % de leurs indemnités et les non-transhumants, environ 500, perdraient jusqu'à 30 % de celles-ci.
Etant donné l'écho peu favorable que semble susciter ce projet, notamment auprès des jeunes agriculteurs, je souhaiterais que vous m'apportiez, monsieur de ministre, des précisions quant à son contenu et que vous m'indiquiez les points sur lesquels vous seriez disposé à discuter de nouveau avec la profession.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, la réforme des indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, a fait l'objet de nombreux débats publics et de polémiques peut-être un peu excessives, voire inutiles. Je vais essayer de vous relater la genèse de cette histoire.
J'ai souhaité la mise en place de cette réforme et je me suis fixé un certain nombre d'objectifs, dont le premier - je tiens à le rappeler ici - est le renforcement de la politique de la montagne. En effet, l'agriculture en montagne a besoin d'être davantage aidée, parce qu'elle correspond à une certaine conception de l'agriculture multi-fonctionnelle : parfaitement respectueuse de l'environnement et participant à l'aménagement du territoire, elle est indispensable à la société, en particulier à la société de montagne.
Je suis donc dans une logique non pas, comme je l'ai lu, de destruction de vingt-cinq ans d'une politique de la montagne, mais, au contraire, de renforcement de cette politique, et ce d'entrée de jeu, en y consacrant, pour les années à venir, 500 millions de francs supplémentaires par an, ce qui est loin d'être négligeable. Ainsi se trouve apporté un démenti cinglant à l'idée que je puisse mettre en cause cette politique de la montagne. Ensuite, je souhaitais la pérenniser. Je voulais, en particulier, la faire avaliser, d'une manière durable, par la Commission européenne, et j'ai donc tenu à l'inscrire dans le plan de développement rural. J'ai également voulu la simplifier. A cet égard, je suis toujours l'objet de demandes pressantes, vous le savez, de la part des organisations professionnelles agricoles, qui souvent ont raison, même si elles apportent leur pierre à la complexité. Je voulais que la majorité des éleveurs y voient leurs aides accrues dans l'avenir et je tiens toujours à ce principe.
A partir de là, une négociation a été engagée avec la Commission européenne lors de l'élaboration du plan national de développement rural, et celle-ci nous a demandé, à l'issue des discussions au mois de juillet dernier, de bien vouloir prévoir, en contrepartie des ICHN, ce qu'elle appelait des bonnes pratiques agricoles. Ce qui n'était pas contestable en soi le devenait à partir du moment où il nous a été demandé d'évaluer ces bonnes pratiques agricoles en fonction d'un taux de chargement à l'hectare. Lorsque je suis revenu de Bruxelles avec ce plan national de développement rural, j'ai procédé à un certain nombre de simulations pour savoir comment il se traduirait dans les faits. Or il s'avère que les deux départements qui souffriraient le plus de ce plan sont le vôtre, monsieur Cazalet, et le mien, car il exclurait les agriculteurs de montagne des deux départements. Les deux autres départements les plus touchés seraient le Lot et le Cantal, le vôtre, monsieur Domeizel, l'étant un peu moins.
Compte tenu de son caractère inacceptable, je ne me suis pas rallié à cette réforme qui émane non pas du ministre de l'agriculture français, mais de la Commission européenne. Il faut donc remettre l'ouvrage sur le métier. Je puis vous donner l'assurance que je maintiens ces objectifs que je viens brièvement de vous rappeler. Ils seront mis en oeuvre avec des moyens supplémentaires, afin de renforcer le volet agricole de la politique de la montagne.
Il faut rassurer les agriculteurs qui auraient pu être inquiets face à cette proposition qui émane, je le répète, non pas du ministre de l'agriculture mais de la Commission européenne et que je combats à leurs côtés, afin de la remettre en cause dans les plus brefs délais.
M. Auguste Cazalet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Je remercie M. le ministre de sa réponse. Je sais qu'il est très sensible aux problèmes de montagne car, comme il vient de le rappeler, il est issu d'un département qui est très montagneux, peut-être plus que les Pyrénées-Atlantiques. Mais qu'il me permette de lui dire, en toute amitié, presque entre voisins, de ne pas toucher au fondement même de la politique de la montagne, car elle a fait ses preuves depuis presque trente ans maintenant.
Monsieur le ministre, je vous lance cet appel : défendez et aidez les agriculteurs, véritables jardiniers de la montagne, à vivre demain sur leur exploitation et à y installer leurs enfants.

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