Séance du 29 juin 2000
M. le président. Par amendement n° 2, M. Charasse propose, après l'article unique, d'ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions de la présente loi constitutionnelle entreront en vigueur en même temps que la loi constitutionnelle qui comportera les mesures premettant notamment :
« - l'abrogation de l'article 16 de la Constitution ;
« - la révision de l'article 27 de la Constitution afin que l'obligation du vote personnel soit strictement respectée ;
« - la révision de l'article 37 de la Constitution afin que les mesures réglementaires d'application des lois interviennent au plus tard dans un délai de trois mois après leur promulgation ;
« - la révision des articles 42 et 43 de la Constitution afin que le nombre des commissions permanentes soit fixé à dix dans chaque assemblée, qu'un pouvoir législatif propre soit conféré aux commissions permanentes et spéciales, et que le texte en discussion devant chaque assemblée soit celui qui résulte des travaux des commissions ;
« - l'abrogation de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution ;
« - la révision de l'article 48 de la Constitution afin qu'une séance par semaine soit obligatoirement réservée à l'examen et au vote des propositions d'initiative parlementaire ;
« - la limitation de l'usage de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, si je projet de loi constitutionnelle qui est soumis au Parlement a une vertu, c'est sa parfaite conformité à l'article 89 de la Constitution puisqu'il s'agit bien d'un projet du Président de la République qui intervient bien sur proposition du Premier ministre.
Je ne me permettrais pas, on l'imagine, de juger les motivations du Président de la République : sa mise en cause devant les assemblées n'est pas conforme à la tradition parlementaire, surtout pas à celle du Sénat.
S'agissant, en revanche, du Premier ministre, sans lequel ce texte n'existerait pas, je sais qu'il a toujours été favorable au raccourcissement du mandat du Président de la République à cinq ans, comme d'ailleurs le parti socialiste, dont il fut le premier secrétaire, et qui avait, à l'époque, confirmé sa position en faveur de ce que l'on appelle le quinquennat.
Mais il a toujours été entendu que, pour éviter les risques de présidentialisation du régime qui peuvent résulter, dès 2002, de la quasi-coïncidence des dates des élections, il convenait de prévoir le rééquilibrage de nos institutions, d'où les propositions adoptées en juin 1996 par le parti socialiste lors d'une convention, et qui sont toujours, dans ce domaine, la loi de notre parti.
Je sais bien que le Premier ministre a souligné, à l'appui de sa proposition au Président de la République, qu'il s'agissait pour lui de la première étape de la réforme d'ensemble des institutions, dans l'esprit de ce qui a été proposé par le parti socialiste en juin 1996 et qu'il connaît bien. Cependant, si je ne mets évidemment pas en cause la sincérité des convictions et la bonne foi du Premier ministre, je ne peux m'empêcher de craindre que le rééquilibrage d'ensemble des institutions, plus nécessaire que jamais avec le quinquennat, n'arrive pas assez tôt pour empêcher un déséquilibre institutionnel plus grand encore en 2002 si les majorités coïncident, étant entendu que, dans le cas contraire, la cohabitation deviendra vite impossible puisqu'on sera dans ce que François Mitterrand appelait la « transe électorale permanente ».
La France, mes chers collègues, a fait en deux cents ans l'expérience d'une vingtaine de constitutions, et beaucoup d'entre elles, adoptées en toute bonne foi, portent la responsabilité de bien des malheurs du pays. Il faut donc y regarder à deux fois lorsqu'on décide de remettre en cause l'équilibre institutionnel sans prévoir simultanément les contrepoids nécessaires.
C'est bien pour cela que le président François Mitterrand, que j'ai servi pendant quatorze ans et dont je connais bien les positions en cette matière, était convaincu que le quinquennat « sec », surtout après les travaux de la commission Vedel, était porteur de dangers que l'intérêt de la France commandait d'éviter. Je peux dire, sans prétendre faire parler les morts, qu'il aurait sans doute été d'accord sur l'ensemble de la réforme institutionnelle proposée, six mois après sa mort, par la convention du parti socialiste.
Mon amendement n° 2 avait pour objet de rappeler le programme du parti socialiste, auquel je reste fidèle,...
M. Josselin de Rohan. Pas eux !
M. Charles Revet. Vous êtes le seul !
M. Michel Charasse. ... et d'appeler l'attention sur l'urgence qu'il y aura à compléter le quinquennat par ces mesures de sagesse.
Cet amendement énumère ce qui a été retenu par la convention du parti socialiste en 1996 : la révision de l'article 27 sur le vote personnel, la révision de l'exercice du pouvoir réglementaire, la révision du rôle et du nombre des commissions parlementaires, l'abrogation du vote bloqué, la réduction des possibilités d'usage de l'article 49-3 et la révision de l'article 48, relatif à l'ordre du jour.
Monsieur le président, je ne veux pas être plus long, ni gêner mes amis en les obligeant à voter contre le programme de leur propre parti, alors que je m'exprime ici, tout le monde l'a compris, à titre personnel. Je retire donc l'amendement n° 2. (Ah ! sur certaines travées du RPR et de l'Union centriste.)
On comprendra que je ne veuille pas non plus gêner le Premier ministre, auquel me lie une amitié ancienne, en votant contre ce projet. Je ne prendrai donc pas part au vote final, ne souhaitant pas m'associer à ce qui peut résulter d'une réforme dont les conséquences possibles et l'intérêt pour la France n'ont pas été réellement mesurés. (MM. Nogrix et Paul Girod applaudissent.)
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.
Par amendement n° 19, MM. Loridant et Autexier proposent, après l'article unique, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le troisième alinéa de l'article 12 de la Constitution sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Après une dissolution, la nouvelle Assemblée peut, dans les quinze jours suivant sa réunion de plein droit, délibérer sur une motion de défiance au Président de la République.
« En cas d'adoption de cette motion à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée, le Président de la République est déclaré démissionnaire. Un scrutin pour l'élection d'un nouveau président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil constitutionnel, vingt jours au moins et trente jours au plus après la date d'adoption de la motion de défiance. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le présent amendement, que j'ai déposé avec mon collègue Jean-Yves Autexier pour le Mouvement des citoyens - ce qui constitue un événement suffisamment rare pour être signalé - vise à clarifier les enjeux du débat sur la réduction à cinq ans du mandat présidentiel.
Le Mouvement des citoyens a inscrit ce point dans ses propositions de réformes institutionnelles, et ce dès sa fondation, en 1993.
Tout projet de démocratisation de notre système politique et institutionnel dont l'objectif serait de permettre une consultation plus fréquente des citoyens sur les grandes orientations économiques ou diplomatiques de la France repose en partie sur la réduction de la durée du mandat présidentiel.
J'ai pris soin de préciser « en partie » car, en réalité, une simple réduction du mandat à cinq ans ne saurait garantir cet approfondissement de la démocratie.
Le Président de la République dispose aujourd'hui, en plus d'un mandat dont la durée est sans exemple à l'étranger, de l'inamovibilité et de prérogatives supérieures à celles des présidents de la plupart des autres pays démocratiques. En outre, il jouit de tous les moyens de pression, à l'égard du Gouvernement comme du Parlement, inscrits dans le cadre du régime parlementaire : droit de dissolution, engagement de la responsabilité du Gouvernement sur un texte considéré comme adopté dès lors qu'une mention de censure n'obtient pas la majorité absolue, possibilité de suspendre les institutions en cas de crise grave, au titre de l'article 16 de la Constitution.
Voter le quinquennat sec et non discutable - quelle affreuse injonction ! - comme on nous le propose aujourd'hui, ce n'est pas simplement raccourcir la durée du mandat présidentiel. C'est, en réalité, glisser vers un régime de type présidentiel. Cette perspective n'est pas pour nous contrarier.
Cependant, élu pour cinq ans en même temps que l'Assemblée nationale, muni de l'onction du suffrage universel direct, le futur président sera le vrai chef de l'exécutif et disposera des pouvoirs inhérents au régime parlementaire que j'ai détaillés à l'instant. Ainsi, en votant ce texte sans procéder à un « toilettage » de notre Constitution, nous irions à l'encontre du but visé. Nous cumulerions, en effet, les inconvénients du régime présidentiel et ceux du régime parlementaire.
Le Mouvement des citoyens est favorable à une évolution vers un régime présidentiel qui, comme son nom ne l'indique pas, permet au Parlement de jouir de prérogatives importantes, notamment la maîtrise de son ordre du jour et de la discussion du budget, et offre des garanties de stabilité puisque, dans ce système, il ne pourrait faire l'objet d'une dissolution.
Le Président, quant à lui, serait le véritable chef de l'exécutif, devant lequel le Gouvernement serait responsable. La gestion du pays serait ainsi confiée à un exécutif stable, contrôlé par un pouvoir législatif efficace.
Les opposants à une telle répartition des responsabilités avancent les risques de blocage sévère en cas de cohabitation. Cet amendement, que j'ai déposé avec mon collègue M. Jean-Yves Autexier, a pour ambition, justement, de rendre impossible toute crise entre l'exécutif et le législatif en laissant au peuple le soin de trancher le conflit.
Dans le cas où la nouvelle Assemblée nationale, élue après une dissolution - cette précision est importante - déciderait dans les quinze jours suivant sa réunion de plein droit de voter une motion de défiance à l'égard du Président de la République, ce dernier serait alors déclaré démissionnaire et de nouvelles élections présidentielles seraient organisées. (Protestations sur les travées du RPR.)
Telle serait la version nouvelle et souhaitable du « contrat de législature » entre l'exécutif et le législatif.
Ces évolutions seront inéluctables. Vouloir faire passer la réduction du mandat présidentiel à cinq ans pour une simple réforme technique, c'est mentir aux Français. Notre peuple est un peuple de citoyens et mérite un débat franc sur les conséquences de cette réforme, plutôt que de médiocres manipulations politiciennes qui ne peuvent que conduire à des déconvenues et à renforcer le discrédit du politique.
C'est pourquoi, mes chers collègues, après avoir mûrement réfléchi, M. Autexier et moi-même, nous vous proposons d'adopter cet amendement pour compléter ainsi la Constitution de la Ve République. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Larché, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission a bien évidemment examiné cet amendement, comme tous ceux qui lui ont été présentés, car il n'était ni dans son esprit, ni dans ses intentions de nier, sous quelle que forme que ce soit, le droit d'amendement qui appartient à chacun d'entre nous.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Jacques Larché, rapporteur. Nous avons donc consacré le temps nécessaire à l'examen de ces amendements mais, bien sûr, l'exercice du droit d'amendement ne signifie pas que les amendements proposés seront votés.
Celui qui vient d'être défendu avec talent et conviction par M. Loridant - ce qui ne m'étonne pas, venant de sa part - me paraît particulièrement dangereux. Il l'est tout d'abord par sa rédaction extraordinairement floue.
Si par hasard, il devait être voté, on ne voit pas très bien comment il pourrait être mis en oeuvre. Par qui, par exemple, le Président de la République sera-t-il déclaré démissionnaire ? Que se passera-t-il ensuite, en attendant l'élection d'un nouveau Président ? Tout cela est assez compliqué.
Mais, d'une manière concrète, c'est un nouveau régime que vous nous proposez, monsieur Loridant. Ce n'est pas le régime présidentiel, bien que j'aie cru comprendre que vous ayez quelque faveur pour ce régime... Soit ! Mais ce n'est pas du tout le régime présidentiel parce que, hors la procédure d' impeachment dont nous avons senti les frémissements à propos d'une affaire dont chacun se souvient, le Président des Etats-Unis ne peut pas faire l'objet d'un vote de défiance.
Donc, ce n'est pas du tout un pas vers le régime présidentiel. Un pas vers quoi ? Je n'en sais rien ! C'est un pas vers un régime que je qualifierai pour l'instant de régime innommé, c'est-à-dire, d'un côté, un président élu, de l'autre côté, une assemblée qui peut le déclarer démissionnaire.
Ce régime est très logiquement générateur d'une instabilité accrue et je suis bien persuadé, monsieur Loridant, qu'après y avoir réfléchi, vous songerez soit à le retirer, soit à accepter l'opinion non pas défavorable - mot très discourtois - mais enfin l'opinion plus que réservée de la commission quant à l'adoption d'un tel texte. En conséquence, je recommande au Sénat de ne pas adopter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, s'il est évidemment normal que ce débat soit l'occasion pour les groupes politiques de présenter leur vision des institutions, je rappelle néanmoins que le Gouvernement souhaite que la réforme aujourd'hui proposée au vote du Sénat se limite à la réduction de la durée du mandat présidentiel.
Il me semble, par ailleurs, que cet amendement crée un mécanisme de mise en cause de la responsabilité du Président de la République devant l'Assemblée nationale ce qui changerait profondément la signification de nos institutions. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 19.
M. Jean-Yves Autexier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autexier.
M. Jean-Yves Autexier. Cet amendement vise à signaler qu'à l'issue de cette journée, et sous réserve du vote conforme vers lequel nous nous acheminons, la France entrera dans un régime présidentiel. Elle y entrera dans l'indifférence, et je crains qu'elle n'y entre aussi dans l'inconséquence.
Elle entrera dans un régime présidentiel puisque le président, élu pour cinq ans, muni de l'onction du suffrage universel, deviendra le vrai chef de l'exécutif et que le Gouvernement sera en réalité responsable devant lui.
Elle y entrera dans l'indifférence, car la vérité n'est pas dite aux Français auxquels on veut faire croire que la réforme se limite à remplacer le chiffre sept par le chiffre cinq.
Elle y entrera dans l'inconséquence car un régime présidentiel, ainsi que l'a indiqué M. Paul Loridant, se double d'une réévaluation du rôle du Parlement. Cette réévaluation, garante d'un équilibre des pouvoirs, supposerait qu'il soit mis un terme à l'article 49-3, au vote bloqué, au droit de dissolution... Autrement dit, le nouveau régime sera encore plus déséquilibré que le précédent.
Or, si nous sommes favorables au quinquennat, c'est dans le cadre d'un régime qui rééquilibre les pouvoirs au profit du Parlement. Force est de constater que cette réforme n'est pas faite et cet amendement a le mérite de le faire apparaître.
Nous avons voté l'article unique. Mais, pour nous, cette réforme, qui consiste à raccourcir le mandat présidentiel, va de pair avec d'autres. Nous trouverons notre consolation dans les réformes qui l'accompagneront, qui seront le prolongement naturel, dans les temps qui viennent, du quinquennat. Ces réformes viendront, elles seront nécessaires tant le déséquilibre au profit du chef de l'exécutif sera manifeste. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Estier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier. Je voudrais d'abord remercier mon collègue et ami Michel Charasse d'avoir retiré son amendement, qui lui a simplement permis de rappeler quel était le programme du parti socialiste en matière institutionnelle.
Je saisis cette occasion de dire à nos collègues de droite, qui ricanaient, que le parti socialiste n'a nullement abandonné ce programme. (Ah bon ! sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Nous voilà rassurés !
Mme Nelly Olin. Pourquoi ne l'ont-ils pas appliqué pendant quatorze ans ?
M. Claude Estier. Mais tel n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui. C'est pourquoi cette explication de vote du groupe socialiste sera valable pour l'ensemble des amendements présentés par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen.
Parmi ces amendements - je ne parle pas de l'amendement n° 19 que je n'ai d'ailleurs pas bien compris - certains sont tout à fait intéressants et pourraient facilement nous fédérer.
Mais je répète que tel n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui qui porte sur le vote du quinquennat tel que nous l'avons voté à l'article unique, c'est-à-dire la réduction du mandat présidentiel de sept ans à cinq ans.
Ce débat est le seul débat qui ait lieu d'être aujourd'hui. C'est pourquoi nous voterons contre tous les autres amendements. (Applaudissements sur plusieurs travées socialistes. - Bravo ! et diverses exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je m'élèverai contre l'argumentation qui a été défendue à l'occasion de cet amendement. Il est évident que la proposition que vous faites est celle d'une VIe République !
Qu'est-ce que la Ve République ? C'est un système dans lequel le Président de la République a la charge de l'essentiel. Or, dans une république, l'essentiel, c'est le peuple. Donc, ce qui est donné au Président de la République par le peuple ne peut être repris que par le peuple. L'adoption de cet amendement, qui reviendrait à ce qu'un pouvoir donné au Président par le peuple soit repris par l'Assemblée nationale, serait un affaiblissement de la fonction présidentielle et un changement de République ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Je voudrais inviter mes collègues à reprendre les termes exacts de notre amendement. Il va de soi que la proposition qui est faite se situe dans un contexte très particulier, c'est-à-dire dans l'hypothèse d'une Assemblée nationale élue à l'issue d'une décision de dissolution prise par le Président de la République, nouvelle assemblée qui serait en désaccord avec le Président de la République.
Mes chers collègues, nous connaissons ce genre de situation, situation de cohabitation, et de cohabitation qui dure. Le cas précis que nous visons avec Jean-Yves Autexier est précisément celui dans lequel le Président de la République a été désavoué par le suffrage universel au travers de la dernière élection législative. (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce ne sont pas les députés qui élisent le Président !
M. Josselin de Rohan. Cela n'a rien à voir !
M. Paul Loridant. Il convient donc dans ce cas et, dans ce cas uniquement, de vérifier auprès du peuple que le Président a toujours la faveur des citoyens de notre République. Et nous regrettons, pour notre part, que l'actuel Président de la République ne l'ait pas fait, à la suite de la dissolution malheureuse qu'il a provoquée en 1997...
M. Jean-Pierre Raffarin. Malheureuse parce que l'Assemblée est passée à gauche !
M. Paul Loridant. ... parce que cela permettrait de mettre un terme à cette situation ubuesque de consensus mou créé par la cohabitation, que nous combattons.
M. Josselin de Rohan. Qu'a fait François Mitterrand ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Mme Nelly Olin. La majorité plurielle vole en éclats !
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 20, Mme Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent d'ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 16 de la Constitution est abrogé. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Avant d'aborder le contenu même de cet amendement, qui vise à abroger l'article 16 de la Constitution, je souhaite rappeler la raison d'être des amendements déposés par les sénateurs communistes.
La raison principale réside dans notre volonté de rééquilibrer les rapports entre le pouvoir exécutif et législatif.
Il s'agit d'une réaction à ce projet de loi constitutionnelle, qui vise à renforcer de manière incontestable les pouvoirs du Président de la République.
Nos amendements n'ont pas la prétention de changer la Constitution, cet acte ne pouvant résulter que d'un vaste débat national et non pas d'une discussion à la sauvette comme aujourd'hui.
Nous souhaitons pointer quelques éléments clefs dans les institutions actuelles qui soulignent la faiblesse du Parlement et la force du duo exécutif, Président de la République et Gouvernement.
Une autre raison nous a incités à déposer ces amendements : le diktat imposé au Parlement.
Dès le début de cette procédure d'adoption du quinquennat, voilà seulement trois semaines, l'intervention parlementaire a été réduite à une simple formalité par le Président de la République qui, de manière choquante, a nié au Parlement le droit d'amender. Nous le regrettons.
M. Jean Chérioux. Et le Gouvernement ?
M. Josselin de Rohan. C'est inacceptable !
M. Guy Fischer. Le droit d'amendement, monsieur Chérioux, constitue un élément déterminant de l'expression de la souveraineté populaire par le biais de ses représentants. Le remettre en cause, comme l'a fait le Président de la République, constitue une violation des principes républicains fondés sur la démocratie parlementaie.
Mme Nelly Olin. Il ne faut pas exagérer !
M. Jean Chérioux. On ne peut pas accepter cela !
M. Guy Fischer. Cette orientation augure bien mal de l'avenir et renforce notre hostilité à toute extension du pouvoir présidentiel.
M. Josselin de Rohan. Vous ne pouvez pas mettre ainsi en cause le Président de la République !
M. Hilaire Flandre. Vous devriez dire cela place du Colonel-Fabien !
M. Guy Fischer. Quant à l'article 16 de la Constitution que nous vous proposons d'abroger, il symbolise la prééminence présidentielle par le biais du pouvoir d'instaurer l'état d'urgence. Il n'a été utilisé qu'une seule fois jusqu'à ce jour.
Nombreux sont ceux qui sont attachés à son abrogation, étant donné son inutilité et son caractère excessif.
Nous vous proposons donc d'adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Larché, rapporteur. Monsieur Fischer, le texte que vous nous proposez montre, à l'évidence, que le droit d'amendement n'est en aucune manière mis en cause. Mais droit d'amendement et acceptation de l'amendement sont deux choses différentes ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Vous avez déposé des amendements ; nous les avons examinés et nous les critiquons dans le cadre du travail que nous effectuons normalement en commission, toujours avec toute la courtoisie nécessaire. Cette fois-ci, nous les critiquons pour deux raisons.
Tout d'abord, parce qu'il nous a paru préférable de nous orienter vers une adaptation de la durée du mandat présidentiel, en faisant passer celle-ci de sept ans à cinq ans.
Nous pourrions dire que ces amendements sont juridiquement irrecevables parce qu'ils ne s'appliquent pas à l'objet du projet de loi. Nous pourrions le dire, mais nous ne le ferons pas, parce que ce n'est pas utile. La suppression de l'article 16, c'est, permettez-moi de le dire, la « tarte à la crème » des réformateurs constitutionnels. Que n'a-t-on entendu au sujet de l'article 16 et du pouvoir personnel qu'il entendait instaurer !
Mme Hélène Luc. Il faudra bien un jour arriver à le supprimer !
M. Jacques Larché, rapporteur. Il a été appliqué une fois. Cela ne s'est pas mal passé, et c'était utile dans la situation d'alors.
M. Jean Chérioux. On ne l'a pas regretté !
M. Jacques Larché, rapporteur. J'ai quelques souvenirs personnels de cette période, que j'ai vécue dans le cadre de mes attributions du moment. Certes, cet article pose un petit problème : comment met-on un terme à son application ? Très franchement, le souvenir que j'en ai, c'est qu'il a été appliqué peut-être plus longtemps qu'il eût été nécessaire. Mais c'est un détail ! Sur le principe même, le recours à l'article 16 était nécessaire. Cela a permis de résoudre une situation de crise dont nous avons tous gardé le souvenir.
J'espère de tout coeur que cela apparaîtra sinon comme une sorte de fossile constitutionnel, du moins comme une butte témoin et que nous n'aurons plus jamais à nous servir de l'article 16. Mais, il faut le garder, pour le cas où... (M. Guy Fischer s'exclame.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je pense que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont d'ores et déjà une petite idée de ce que va être l'avis du Gouvernement, puisque je me suis exprimée dans mon discours introductif pour dire que le Gouvernement souhaitait que cette réforme soit limitée à la réduction de la durée du mandat présidentiel à cinq ans.
Simplement, comme je l'ai indiqué à M. Loridant à l'instant, il ne me paraît pas illégitime qu'à l'occasion de cette réforme des groupes politiques exposent, par voie d'amendements, c'est-à-dire à l'occasion de la discussion parlementaire, quelles sont leurs opinions sur la réforme des institutions. Je vous ferai donc les mêmes remarques et j'émettrai le même avis sur vos autres amendements, mais je serai beaucoup plus laconique.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les amendements suivants.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 20.
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole contre l'amendement.
M. Josselin de Rohan. J'ai entendu M. Fischer nous dire que le Président de la République interdisait à cette assemblée d'user de son droit d'amendement. Mais, monsieur Fischer, qui présente le texte constitutionnel devant notre assemblée ? Ce n'est pas le Président de la République, c'est le Gouvernement !
M. Michel Charasse. Sur proposition du Président de la République !
Mme Hélène Luc. Il nous a intimé de ne pas en déposer !
M. Josselin de Rohan. Le Premier ministre, par la voix de Mme le garde des sceaux, nous demande de ne pas voter d'amendement. Ce n'est pas le Président de la République, seul, qui souhaite ce que l'on appelle le « quinquennat sec ». C'est le Président de la République et le Gouvernement ! Or, vous appartenez à ce Gouvernement ! Vos ministres sont solidaires du texte gouvernemental. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Je trouve que, s'agissant d'une réforme de la Constitution...
M. Jean-Pierre Raffarin. Comme de la chasse !
M. Josselin de Rohan. ... qui est un acte majeur dans la vie d'un pays, il est très inquiétant qu'une formation politique qui appartient à la majorité qui nous gouverne se désolidarise aussi ouvertement du texte gouvernemental.
Mme Hélène Luc. Non, ce n'est pas inquiétant !
M. Josselin de Rohan. Cela augure mal de la suite ! (Nouveaux applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. Vous ne nous ferez pas dire le contraire de ce que l'on veut dire !
Mme Nicole Borvo. Et la pluralité de l'opposition !
M. Hilaire Flandre, Gayssot, démission !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 21, Mme Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent d'ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« Au début de l'article 24 de la Constitution, est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le Parlement vote la loi. Il en évalue les résultats. Il contrôle l'action du Gouvernement. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement n'est pas purement formel. Il est frappant de constater que, dans l'actuelle Constitution, les pouvoirs du Président de la République et le rôle du Gouvernement sont clairement définis respectivement aux articles 5 et 20. Hormis une rapide référence dans le cadre de l'article 34, qui précise que « la loi est votée par le Parlement », la fonction de ce dernier, sa place dans nos institutions ne sont pas évoquées dans le texte constitutionnel.
La commission Vedel, saisie le 30 novembre 1992 par François Mitterrand, s'était émue de ce manque qui symbolisait l'abaissement du rôle du Parlement sous la Ve République.
Nous suggérons donc de reprendre le texte proposé par cette commission qui, je le rappelle, était pluraliste et réunissait professeurs de droit, personnalités et parlementaires. Ce texte indiquait : « Le Parlement vote la loi. Il en évalue les résultats. Il contrôle l'action du Gouvernement. »
Nous vous suggérons de l'insérer dans la Constitution en votant cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Larché, rapporteur. Je voudrais dire très gentiment à mon collègue communiste qu'en l'écoutant je pensais à Courteline. Non pas que le propos tenu soit ridicule, loin de là, mais Courteline avait une formule extraordinaire : « Tendons nos rouges tabliers, il pleut des vérités premières. » C'est joli ! Eh bien ! l'amendement est une pluie de vérités premières : le Parlement vote déjà la loi - c'est l'article 34 - et il contrôle l'action du Gouvernement - c'est l'article 49.
Par conséquent, je ne vois pas la nécessité de réécrire des dispositions qui existent déjà et dont nous nous accommodons parfaitement. Je ne peux être hostile à ces mesures puisqu'elles figurent déjà dans la Constitution !
Je ne suis donc pas favorable à cet amendement, non par fidélité à Courteline, mais pour les raisons que je viens d'indiquer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Même avis que pour l'amendement précédent.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 22, Mme Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent d'ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article 24 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Les députés à l'Assemblée nationale sont élus au suffrage direct à la représentation proportionnelle. L'élection législative ne peut, en aucun cas, être organisée dans les douze mois qui précèdent ou qui suivent l'élection du Président de la République. La dissolution de l'Assemblée nationale ne peut avoir lieu dans l'année suivant l'élection du Président de la République. »
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Heureusement que nous sommes là, nous, les communistes républicains et citoyens (Exclamations et rires sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.) pour apporter un peu d'air frais, un peu d'air démocratique dans la Constitution de la Ve République que, je le rappelle, nous n'avons pas adoptée en 1958.
Cet amendement a trois objets.
D'abord, nous proposons de fixer dans la Constitution le principe de l'élection des députés selon le mode de scrutin proportionnel. Sans revenir sur l'ensemble des raisons de notre attachement à ce dernier, nous estimons que le renforcement du rôle du Parlement passe nécessairement par la meilleure représentation de la réalité politique, sociologique et démocratique par les assemblées. (M. Jean Chérioux s'exclame.)
Ensuite, nous proposons d'insérer dans la Constitution un système visant à écarter, par principe, toute concomitance entre l'élection du Président de la République et celle des députés. Cette disposition vise à contester l'effet le plus dangereux du « quinquennat sec », celui qui vise à subordonner l'élection des députés à celle du Président de la République.
Ce renforcement de la prédominance du scrutin présidentiel aura pour conséquence de bipolariser plus encore la vie politique du pays et d'appauvrir la démocratie.
Enfin, nous proposons, afin de rééquilibrer les pouvoirs, de limiter le pouvoir de dissolution du Président de la Répuplique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Larché, rapporteur. Je ne sais pas si M. Le Cam nous apporte un vent de fraîcheur ou une véritable tornade ! Cet amendement comporte, en effet, de nombreuses mesures, dont l'une est dangereuse : inscrire la représentation proportionnelle dans la Constitution serait une erreur majeure et je n'y souscris donc pas.
Par ailleurs, quant à la concomitance entre l'élection du Président de la République et celle des députés, j'ai insisté, dans mon propos introductif, sur la nécessité de laisser faire la coutume. Je crois, dans un système de droit, à la primauté de la coutume sur le droit écrit.
Enfin, vous proposez de limiter le droit de dissolution du Président de la République. Je ne vois pas pourquoi on s'engagerait dans une perspective de limitation des pouvoirs du Président de la République, alors qu'il s'agit simplement de prévoir la durée de son mandat.
La commission des lois est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cet amendement comporte de nombreuses propositions, qui ont toutes, d'ailleurs, une cohérence, je ne peux pas le dénier.
Mme Hélène Luc. Ah oui !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Mais on est obligé de reconnaître que cela dépasse largement le cadre de la révision qui vous est proposée. Je confirme donc mon avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Paul Girod. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. M. Le Cam a dit que son amendement était susceptible de produire de la démocratie. Dois-je comprendre que, dans son esprit, celle-ci n'existe pas ? Dans ce cas, je suis obligé de lui demander ce qu'il fait ici. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Gérard Le Cam. Elle est insuffisante !
M. Jean Chérioux. Ce sont des spécialistes de la démocratie !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 23, Mmes Luc, Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, MM. Muzeau, Ralite, Renar et Mme Terrade proposent d'ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« La deuxième phrase du troisième alinéa de l'article 24 de la Constitution est complétée in fine par les mots suivants : "en respectant la réalité démographique du pays". »
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent, une fois encore, au Sénat de saisir une occasion d'assurer sa propre démocratisation. (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Cela a été dit dans la discussion générale par mon amie Nicole Borvo, une réflexion doit s'engager sur l'ensemble des institutions et, dans ce cadre, sur le Sénat en particulier.
Nous ne sommes pas aujourd'hui dans ce débat de fond, mais il apparaît nécessaire d'envisager, dans un bref délai, des modifications partielles plus ou moins importantes de la seconde chambre du Parlement.
Ces modifications ne sont pas toutes forcément d'ordre constitutionnel.
Nous n'estimons pas nécessaire, par exemple, d'inscrire dans la Constitution la durée des mandats parlementaires.
Une loi organique sera donc nécessaire, de manière urgente selon nous, pour réduire le mandat sénatorial ; cela grandirait et moderniserait le Sénat de le proposer lui-même.
M. Jean-Jacques Hyest. Il est moderne !
Mme Hélène Luc. N'est-il pas pour le moins inconvenant de débattre aujourd'hui de la réduction du mandat présidentiel en envisageant de maintenir à neuf ans le mandat sénatorial ? Il s'agit, rappelons-le, du plus long mandat d'Europe !
Le parti communiste français et notre groupe avancent cette proposition depuis 1989 et nous avons déposé une proposition de loi en ce sens.
Il est également suggéré, dans ce dernier texte, de procéder au renouvellement en une seule fois du Sénat. C'est, selon nous, le moyen d'assurer une meilleure adéquation du Sénat à un moment de la vie politique du pays et à la représentation des citoyennes et des citoyens.
M. Serge Vinçon. Ce n'est pas son rôle !
Mme Hélène Luc. Leur aspiration est de raccourcir les mandats et leur cumul. Cela rend la démocratie plus vivante. Nous refusons, en effet, de continuer à concevoir le bicamérisme comme un amortisseur de la volonté populaire.
Le renouvellement en une seule fois nécessiterait une révision constitutionnelle indirecte, puisqu'il est prévu que l'élection du président du Sénat a lieu lors de chaque renouvellement partiel.
Il faudrait alors corriger cette contradiction, puisque la durée du mandat n'est pas fixée dans la Constitution alors que le caractère partiel du renouvellement l'est.
Vous le savez bien, de nombreuses voix s'élèvent en faveur de la réduction de la durée du mandat sénatorial. J'ai encore présent à l'esprit les propos de M. Delevoye qui allaient en ce sens.
M. le président du Sénat lui-même accepte maintenant cette discussion, mais en échange d'un renforcement des prérogatives sénatoriales pour les lois qui concernent les collectivités territoriales, ce qui me semble relever d'un marchandage qui n'est pas de mise. (Protestations sur les travées du RPR.)
Le rajeunissement du Sénat, après sa féminisation, qui va enfin intervenir en 2001, s'avère d'une grande importance.
Nous proposons d'abaisser l'âge de l'éligibilité à vingt-trois ans, dans un premier temps, comme pour les députés.
M. Josselin de Rohan. C'est trop vieux ! Ce n'est pas assez moderne !
M. Serge Vinçon. Seize ans !
Mme Hélène Luc. Oui, monsieur de Rohan, il serait bon d'avoir des jeunes de vingt-trois ans !
Pour revenir à la parité, j'insiste sur le caractère fondamental de cette démarche...
Mme Nelly Olin. Quelle démagogie !
Mme Hélène Luc. ... en regrettant l'appréhension qui se manifeste ici ou là dans les rangs de la majorité sénatoriale. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Enfin, et c'est l'objet de cet amendement important, nous considérons que le Sénat devrait refléter la réalité démographique du pays.
Un sénateur du RPR. Il le reflète !
Mme Hélène Luc. Certes, il représente les collectivités territoriales, et nous le revendiquons,...
M. Serge Vinçon. Et alors ?
Mme Hélène Luc. ... mais cette affirmation ne lui retire en rien l'obligation de tenir compte de l'évolution de la population.
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. J'en termine, monsieur le président.
Le Sénat d'aujourd'hui est calqué sur la France de 1975. La répartition actuelle des sièges est effectuée en fonction du recensement de cette année-là.
M. Josselin de Rohan. C'est vrai !
Mme Hélène Luc. Ni le recensement de 1982, ni celui de 1990 et encore moins celui de 1999 n'ont été pris en compte.
En mars dernier, la majorité sénatoriale a rejeté, par la voie d'une motion opposant la question préalable, la modification de la répartition des sièges en fonction du recensement.
M. Paul Girod. Non !
Mme Hélène Luc. La nécessité de la prise en compte des bases démographiques par les assemblées élues (Marques d'impatience sur les travées du RPR) ...
M. Josselin de Rohan. C'est fini !
Mme Hélène Luc. ... est un principe reconnu à de multiples reprises par le Conseil constitutionnel et paraît évident en démocratie.
M. Josselin de Rohan. C'est fini !
Mme Hélène Luc. J'en termine ! (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Et pourtant, des sénateurs élus en 2001 représenteront en 2010 la France de 1975, c'est-à-dire trente-cinq ans plus tôt.
Cette adaptation de la Constitution est très urgente, car ce décalage entre une assemblée aux pouvoirs considérables et la réalité du pays devient inadmissible. C'est l'ojet de cet amendement que nous vous proposons d'adopter, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs.
Mme Nelly Olin. Sénateur, cela m'ira très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Larché, rapporteur. A la surprise du Gouvernement, et j'en ai eu la preuve écrite, nous avons refusé d'augmenter le nombre de sénateurs. Le Gouvernement s'attendait à tout sauf à cela. Nous avons refusé, et je sais les réactions que cela a produit au sein du Gouvernement. Cela a même été écrit. C'est un fait.
Le Sénat ne représente pas uniquement la situation démographique du pays. Le principe fondamental de notre représentation, c'est de représenter les collectivités territoriales. Des aménagements ont été consentis. Ils ont été inspirés par des considérations sur lesquelles je ne reviendrai pas. On verra bien ce que cela donnera comme résultat.
Pour l'instant, je ne peux bien sûr souscrire à cet amendement.
J'indique d'ailleurs qu'à partir du moment où nous avons refusé d'augmenter le nombre des sénateurs, le Gouvernement a pris l'initiative - et je sais que cela a donné lieu à certaines controverses en son sein - de retirer le projet de loi procédant à des répartitions nouvelles entre les départements.
M. Serge Vinçon. Voilà !
M. René-Pierre Signé. C'est un point de vue !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Madame la sénatrice, voilà une proposition, en effet, bien intéressante. Cependant, elle ne peut pas s'inscrire dans le cadre du présent projet de loi.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
M. Paul Girod. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. En cet instant, c'est le rapporteur du projet de loi modifiant le mode d'élection du Sénat et son effectif qui s'exprimera, sous le contrôle du président de la commission des lois. Je souhaite faire remarquer à Mme Luc un certain nombre de points.
S'agissant du nombre de sénateurs et de l'adaptation à la réalité démographique de notre pays, le Sénat n'a jamais contesté qu'il puisse y avoir des évolutions sur la répartition des sénateurs entre les départements. Comme M. le président de la commission des lois vient de le rappeler, le Sénat a contesté le fait que l'on augmente le nombre de sénateurs. Une loi simple - il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la Constitution - proposée par le Gouvernement, peut parfaitement modifier le tableau et, s'agissant de ce texte, l'Assemblée nationale aurait le dernier mot contre le Sénat, si besoin était. En l'occurrence, l'allusion constitutionnelle est superfétatoire. S'il n'y a pas de changements, c'est de l'unique responsabilité du Gouvernement, qui n'a pas proposé une nouvelle grille de répartition des sénateurs dans le cadre de l'effectif actuel du Sénat.
Par ailleurs - et là, c'est le sénateur de base qui parle - l'exposé de Mme Luc m'a fait penser à cette scène du Bourgeois gentilhomme, où le Grand Turc s'adressant au pauvre M. Jourdain voit traduire son très long discours en trois mots. Le présent amendement tient en trois mots. En revanche, le discours sur les objectifs est extraordinairement large : on a vu passer à la fois la durée du mandat sénatorial, le mode de renouvellement du Sénat, la légitimité de son existence, bref, tout, alors qu'il était question seulement de la réalité démographique du pays. Il doit tout de même y avoir quelques sous-entendus, exprimés peut-être, mais que le vote de l'amendement ne résoudrait en aucune manière. Par conséquent, ce serait une raison, s'il n'y en avait pas d'autres, pour que je vote contre l'amendement. Je le ferai sans état d'âme ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Vous avez bien compris, monsieur Paul Girod, qu'il s'agissait, pour moi, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, de dire ce que nous voulons changer dans le Sénat. Au début de mon propos, j'ai pris la précaution d'indiquer que certaines réformes étaient d'ordre constitutionnel et d'autres ne l'étaient pas. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté).
M. le président. Par amendement n° 24, Mme Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent d'ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 35 de la Constitution est complété par l'alinéa suivant :
« Toute intervention des forces armées françaises à l'extérieur de la République fait l'objet d'une déclaration du Gouvernement devant le Parlement, suivie d'un débat et d'un vote. Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet. »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. A plusieurs occasions, les forces armées françaises sont intervenues en territoire étranger sans autorisation du Parlement.
Il paraîtrait pourtant naturel, en démocratie, que les représentants du peuple soient consultés sur un sujet aussi sensible et déterminant.
Cette consultation est l'objet de l'amendement que nous vous proposons d'adopter, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Jacques Larché, rapporteur. L'avis de la commission respectera la ligne des avis que nous sommes amenés à donner dans ce cadre particulier. Je veux néanmoins dire que cet amendement pose un véritable problème.
La déclaration de guerre implique l'intervention du Parlement. Fort heureusement, je pense que nos enfants et nos petits-enfants n'assisteront jamais à l'intervention d'un Parlement allant jusqu'à déclarer la guerre. Cette formule, qui, en 1958, pouvait correspondre encore à certains souvenirs, appartient au passé. Il est clair toutefois que nos forces sont engagées parfois sur des théâtres d'opérations extérieures, et elles le sont par la seule décision du pouvoir exécutif.
Toutes ces interventions sont légitimes. Cependant, elles peuvent poser des problèmes. Il faudra peut-être réfléchir dans l'avenir à une orientation allant dans le sens de ce qui est proposé par cet amendement qu'il nous est néanmoins impossible d'accepter dans le cadre du présent débat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Même avis que sur les précédents amendements.
M. le président Je vais mettre aux voix l'amendement n° 24.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne veux pas prolonger le débat mais je ne peux pas ne pas relever les sous-entendus, peut-être involontaires, qui sont derrière cet amendement.
On fait manifestement allusion à un certain nombre d'interventions qui se sont produites dans les années passées, notamment dans le cadre de la guerre du Golfe.
D'abord je voudrais dire que ces interventions ont toutes été décidées par le chef des armées, qui commande et qui donne l'ordre aux armées françaises d'intervenir. C'est comme cela jusqu'à présent et, de ce point de vue, l'amendement ne change rien.
Ensuite, toutes les interventions concernées se plaçaient toujours dans le cadre de missions internationales, notamment celles qui sont menées dans le cadre de la charte de l'Organisation des Nations unies, dont le Président de la République est le garant puisqu'il est garant du respect des traités.
Par conséquent, l'amendement est sans doute un peu court car, si l'on veut aboutir à ce résultat-là, il faudrait transférer au Parlement une partie des compétences actuelles du Président de la République en matière de garantie du respect des traités internationaux. C'est toujours possible. Mais si on ne le fait pas, du même coup l'amendement se trouve « bancal ».
Voilà ce que je voulais préciser.
Jamais, à ma connaissance, au sens de l'article 35 de la Constitution que rappelait M. le président Jacques Larché à l'instant, les armées françaises ne sont intervenues sur un territoire extérieur sans être autorisées par le Parlement, sauf quand elles agissaient dans le cadre d'un traité international.
J'ajouterai que, s'agissant de la guerre du Golfe, le Gouvernement a engagé sa responsabilité devant l'Assemblée nationale, alors qu'il n'était pas obligé de le faire.
Mmes Hélène Luc et Nicole Borvo. Et le Kosovo ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 25, Mme Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent, après l'article unique, d'ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 37 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 37. - Le Gouvernement prend les mesures d'application des lois. Au cas où le Gouvernement ne prend pas les textes nécessaires à l'exécution de la loi dans un délai d'un an après sa promulgation, le rapporteur du projet ou de la proposition de loi présente devant la commission permanente compétente un rapport sur les raisons de la non-application de la loi. Si, après injonction de l'Assemblée nationale, le Gouvernement ne prend pas les textes d'application dans un délai de deux mois, l'Assemblée nationale peut les prendre elle-même par une disposition législative. »
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Au regard de l'article 37 de la Constitution, nous souhaitons, en premier lieu, par le dépôt de cet amendement, rappeler, au moins à titre de témoignage, la primauté de la loi sur le règlement. En second lieu, nous entendons revenir sur un problème que l'ensemble des parlementaires connaissent : en détenant seul le pouvoir de prendre des décrets d'application, le Gouvernement peut disposer d'un moyen de contournement, voire d'obstruction, d'une loi votée.
Par le présent amendement, nous proposons de confédérer à l'Assemblée nationale, - qui dispose de la légitimité populaire directe - dans un premier temps, le pouvoir d'injonction et, dans un second temps, le pouvoir de prendre des décrets d'application en cas de défaillance du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Larché, rapporteur. Par cet amendement, on songe à donner un pouvoir nouveau à l'Assemblée nationale, pouvoir sur la nature duquel nous allons nous interroger, mais on oublie le Sénat. Ce dernier n'aurait pas le droit de faire ce que l'Assemblée nationale se verrait reconnaître le droit de faire.
Si on interprète cet amendement tel qu'il nous est proposé, c'est la suppression du principe de la distinction entre le domaine de la loi et le domaine du règlement. Notons que, s'agissant de l'application de la loi, nous disposons d'un véritable pouvoir, que nous ne manquons d'ailleurs pas d'exercer au sein de la commission des lois, puisque nous sommes informés de l'intervention des décrets dans des délais raisonnables. Lorsqu'il nous semble que la publication d'un décret tarde, nous ne manquons pas de le signaler au Gouvernement.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. La question des décrets d'application des lois est évidemment importante.
Le Gouvernement, vous le savez, s'efforce de faire en sorte que les décrets d'application puissent être pris aussi vite que possible après le vote de la loi par le Parlement. Ce n'est pas toujours facile, parce qu'il y a souvent des questions complexes à étudier, exigeant des arbitrages interministériels. Mais sachez en tout cas que le Gouvernement y attache une grande importance. Cela dit, mon avis reste défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Vous allez voir que vous allez être d'accord avec ce que je vais dire, mes chers collègues ! (Rires.)
Dans cette affaire de l'exercice du pouvoir réglementaire, il y a l'accessoire et l'essentiel. Je considère, surtout après les explications éclairantes qui ont été données par M. le président de la commission des lois et par Mme le ministre, que l'amendement de nos amis du groupe communiste républicain et citoyen porte plutôt sur l'accessoire.
En revanche, la question qui se posera un jour, c'est de savoir si nous allons supporter longtemps le transfert du pouvoir réglementaire du Gouvernement à des pouvoirs non élus et irresponsables, comme le Conseil supérieur de l'audiovisuel, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et compagnie ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Jacques Hyest. Et la Commission des opérations de bourse !
M. Michel Charasse. Effectivement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 26, Mme Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade proposent d'ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 39 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :
« L'initiative des lois appartient concuremment au peuple, à ses représentants, au Premier ministre.
« Lorsqu'une proposition de loi émane d'au moins deux pour cent des électeurs inscrits, elle est inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans un délai de six mois.
« Toute proposition de loi émanant des membres du Parlement fait l'objet d'un avis de la commission compétente dans un délai de six mois. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Comme l'a indiqué Nicole Borvo lors de la discussion générale, les institutions françaises ignorent la démocratie directe.
L'amendement n° 26 vise donc à créer, pour le peuple, une voie d'accès à l'initiative de la loi : lorsqu'une proposition de loi d'initiative populaire émanerait d'au moins deux pour cent des électeurs inscrits, elle serait inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans un délai de six mois.
Notre amendement tend également à renforcer le pouvoir d'initiative législative du Parlement, en posant le principe de l'étude par la commission compétente des propositions de loi déposées.
M. Jean Chérioux. Qu'est-ce que ce galimatias constitutionnel ?
M. Hilaire Flandre. Deux pour cent ? Cela correspond à l'audience des communistes !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Larché, rapporteur. Il y a deux aspects dans cet amendement.
Tout d'abord, j'enregistre un coup de chapeau à la démocratie directe. Je reconnais qu'il est un peu inattendu de la part des membres du groupe communiste républicain et citoyen... (Rires sur les travées du RPR.). Mais enfin !
Par ailleurs, je note que le calcul serait difficile : deux pour cent des électeurs inscrits, j'avoue ne pas savoir exactement combien cela fait. Avez-vous fait le calcul ?
Mme Odette Terrade. Pas tout à fait un million !
M. Guy Cabanel. Sept cent mille !
M. Jacques Larché, rapporteur. Sept cent mille, huit cent mille, un million. Soit ! Je laisse à ceux qui ont l'esprit pratique, dont je ne doute pas que vous soyez les représentants les plus évidents, le soin de voir comment on peut rassembler ces sept cent mille ou huit cent mille signatures. Je me pose quelques questions à cet égard, mais je n'irai pas plus loin et je ne leur apporterai pas de réponse ! (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Hilaire Flandre. Comment va-t-on vérifier ?
M. Jacques Larché, rapporteur. « Toute proposition de loi émanant des membres du Parlement fait l'objet d'un avis de la commission compétente dans un délai de six mois ». Nous sommes tout à fait d'accord, cela va de soi, pour examiner en commission les textes qui nous viennent des membres du Parlement ; mais il ne faudrait pas alors que l'ordre du jour des commissions soit abusivement surchargé, comme il l'est à l'heure actuelle, par des textes d'initiative gouvernementale qui n'ont pas tous un intérêt évident.
Donc, dans la mesure où l'on restreindra - c'est une chose à laquelle il faudrait parvenir - l'inflation législative que nous vivons, peut-être alors pourrait-on faire une place plus grande aux textes d'initiative parlementaire.
Permettez-moi de revenir sur ce qui a été dit à propos des articles 34 et 37 de la Constitution.
Le drame est que nous ne les avons jamais appliqués. Le pouvoir réglementaire autonome a quasiment disparu. L'inflation législative que nous vivons vient uniquement du fait que, dès lors qu'une disposition figure, à tort ou à raison, dans un texte de loi, elle devient législative et ne peut plus être modifiée que par une nouvelle loi. Nous vivons ainsi depuis 1958 !
M. Michel Charasse. Sauf déclassement !
M. Jacques Larché, rapporteur. Mais cela n'a jamais été fait ! Le nombre de déclassements décidés par le Conseil constitutionnel se compte sur les doigts de la main, en quarante ans d'existence. Ce sont des vieilles idées ! Voilà longtemps que les articles 34 et 37 de la Constitution sont des astres morts ; nous n'en recevons même plus la lumière !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement émet le même avis défavorable que sur les précédents amendements. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. On y viendra, vous verrez !
M. Hilaire Flandre. C'est bien d'avoir la foi !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 26.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Nous avons déjà évoqué l'initiative populaire dans cette enceinte. Le million de signatures qui a été recueilli pour le maintien de la gynécologie médicale a fait de ce problème une affaire nationale. En l'occurrence, ce serait, me semble-t-il, au Parlement de donner droit à cette demande. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Exactement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 27, Mme Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent d'ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 40 de la Constitution est abrogé. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. L'amendement n° 27 concerne l'article 40 de la Constitution qui, comme chacun le sait, bride considérablement l'initiative budgétaire du Parlement. Son abrogation constitue, selon nous, une nécessité pour engager la restauration du pouvoir des assemblées.
Monsieur le président, avec votre permission - mais je suis sûre que vous en serez d'accord - je me propose de défendre simultanément les amendements n°s 28, 29, 30, 31 et 32 rectifié. (Très bien ! sur l'ensemble des travées.)
M. le président. J'appelle donc également en discussion les amendements n°s 28, 29, 30, 31 et 32 rectifié, présentés par Mme Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar et Mme Terrade.
L'amendement n° 28 tend à ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution est supprimé. »
L'amendement n° 29 vise à ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Une séance par semaine est réservée par priorité à la discussion de propositions de loi, de résolutions ou de débats présentés par les différents groupes à la représentation proportionnelle. »
L'amendement n° 30 a pour objet d'ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 48 de la Constitution est complété par l'alinéa suivant :
« Les projets et les propositions de loi adoptés dans une assemblée sont inscrits à l'ordre du jour de l'autre assemblée dans un délai d'un mois. »
L'amendement n° 31 tend à ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution est supprimé. »
L'amendement n° 32 rectifié vise à ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 52 de la Constitution est complété in fine par l'alinéa suivant :
« L'Assemblée nationale et le Sénat exercent un contrôle régulier de l'activité internationale de l'Etat. »
Veuillez poursuivre, madame Borvo.
Mme Nicole Borvo. Ces amendements participent également au renforcement des compétences du Parlement.
Il s'agit, avec l'amendement n° 28, de proposer la suppression de la pratique du vote bloqué. (Ah ! sur les travées de l'Union centriste.)
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Nicole Borvo. L'amendement n° 29 tend à l'élargissement de la maîtrise parlementaire de l'ordre du jour en instaurant une journée d'initiative des assemblées par semaine - quelle chance ! - au lieu d'une par mois, comme c'est le cas actuellement.
M. Hilaire Flandre. Et à la proportionnelle des groupes !
Mme Nicole Borvo. L'amendement n° 30 fixe le principe de l'obligation pour le Gouvernement d'inscrire dans un délai d'un mois à l'ordre du jour de l'autre assemblée tout projet ou proposition de loi adopté par la première.
Nous proposons par ailleurs, par l'amendement n° 31, d'abroger l'article 49-3 de la Constitution.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Cette disposition, véritable guillotine constitutionnelle, qui - je dois le souligner avec satisfaction - n'a pas été utilisée depuis juin 1997, permet au Gouvernement d'engager sa responsabilité sur un texte, lequel, comme vous le savez, est adopté sans débat si une motion de censure n'est pas adoptée à cette occasion.
En dernier lieu, nous proposons, par l'amendement n° 32 rectifié, de préciser dans la Constitution que le Parlement exerce un contrôle régulier de l'activité internationale de l'Etat. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 27, 28, 29, 30, 31 et 32 rectifié ?
M. Jacques Larché, rapporteur. Monsieur le président...
Mme Hélène Luc. Vous allez parler plus longtemps que nous !
M. Jacques Larché, rapporteur. Non, je vais être d'une brièveté extraordinaire ! (Ah ! sur les travées de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. Avouez que c'est intéressant !
M. Jacques Larché, rapporteur. Oui, c'est intéressant, et vous savez bien que, dans le cadre de notre commission, nous nous efforçons de ne pas nous montrer péremptoires et abrupts, et donc de nous dire les choses.
Mme Hélène Luc. Mais on y reviendra !
M. Jacques Larché, rapporteur. S'agissant de l'article 40 de la Constitution, il pourrait bien évidemment être supprimé, d'autant que, récemment, à l'occasion de la discussion du projet de loi sur l'outre-mer, nous avons observé qu'il avait été opposé abusivement à un certain nombre de dispositions.
Je me souviens d'ailleurs, madame le ministre, que, s'agissant du texte relatif à la prestation compensatoire en matière de divorce, vous aviez commencé par nous opposer l'article 40, et il a fallu deux ans de débats pour que Bercy finisse par céder !
Mais malgré tout cela et malgré ce que me dit mon coeur, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 27. S'agissant de l'amendement n° 28, qui vise le vote bloqué, je souhaiterais entendre l'avis du Gouvernement avant de me prononcer. (Rires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 27 et 28 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je vais procéder comme vient de le faire Mme Borvo, en la remerciant de sa concision et d'avoir souligné que, jamais depuis trois ans, le Gouvernement n'avait utilisé l'article 49-3. Je suis évidemment très intéressée, comme je l'ai dit à propos des précédents amendements du groupe communiste républicain et citoyen, par ces propositions, mais je ne peux émettre qu'un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, quel est, en définitive, l'avis de la commission sur les amendements n°s 28, 29, 30, 31 et 32 rectifié.
M. Jacques Larché, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 28.
Il en est de même s'agissant des amendements n°s 29 et 30, qui, s'ils étaient adoptés, ne laisseraient rien subsister de l'ordre du jour prioritaire.
J'en viens à l'amendement n° 31, qui a trait à l'article 49-3 de la Constitution. Ce n'est même pas la peine de supprimer l'article 49-3 ! En effet, dans une presse mal intentionnée, j'ai appris - mais sans doute me trompé-je - que, au moment où des députés d'une certaine tendance s'apprêtaient à mal voter un texte, on leur avait fait savoir que, s'ils votaient mal, ils ne seraient pas investis la prochaine fois. Voilà une disposition merveilleuse qui dispense de se servir de l'article 49-3 de la Constitution !
M. Charles Revet. C'est un autre article 49-3 !
M. Jacques Larché, rapporteur. C'est l'article 49-3 du pauvre ! Enfin, la commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 32 rectifié. En effet, il va de soi que l'Assemblée nationale et accessoirement le Sénat - l'amendement a été rectifié pour faire référence à la Haute Assemblée - exercent un contrôle régulier de l'activité internationale de l'Etat. Nous avons une commission des affaires étrangères, présidée avec la compétence que l'on sait par notre ami Xavier de Villepin, qui exerce parfaitement le rôle que l'on peut attendre d'elle.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 27.
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, mes chers collègues, l'article 40 de la Constitution est tout à fait important parce qu'il est le fruit de la réflexion des constituants à propos de l'expérience qu'ils avaient pu avoir d'une république parlementaire.
Tout d'abord, je voudrais faire remarquer que, dans la « mère » des parlements, la Grande-Bretagne, cette disposition existe. On ne peut pas proposer de dépenses au Parlement si elles ne sont pas gagées par des recettes ; ceci est d'abord une exigence de bonne gestion financière. C'est aussi une exigence de morale politique, parce que l'on doit prendre les responsabilités de ses actes. Quand on propose de dépenser de l'argent public, on doit, de la même manière, s'engager sur les moyens de mettre en oeuvre les dispositions que l'on propose. Par conséquent, à moins de fabriquer de la fausse monnaie, il faut, en contrepartie, proposer un financement soit par l'emprunt, soit par l'impôt.
Il faut prendre ses responsabilités. Si l'on en revenait aux errements que nous avons connus sous la IVe République, nous verrions des gens proposer indéfiniment des dépenses au pays.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et les RMIstes ?
M. Josselin de Rohan. Mais on ne saurait jamais comment les financer et cela constituerait un retour à une situation d'irresponsabilité extrêmement grave.
Par ailleurs, je considère que les amendements suivants du groupe communiste républicain et citoyen sont une attaque contre ce que l'on appelle le « parlementarisme rationalisé ». Or toutes les mesures qui ont été inscrites dans notre Constitution l'ont été sur l'intervention, au sein du Comité consultatif constitutionnel, du regretté président Pflimlin et de Guy Mollet, qui ont beaucoup insisté pour que ces dispositions, fruit de leur expérience parlementaire, soient inscrites dans la Constitution.
Peut-être un jour faudra-t-il assouplir ces dispositions, mais il n'en reste pas moins, chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, que, si vous êtes opposés à l'utilisation de l'article 49-3, pourquoi soutenez-vous un Gouvernement qui en a usé pour les régions ? En effet, si, aujourd'hui, nous pouvons faire voter nos budgets malgré l'admirable loi électorale qui nous a été léguée et qui a créé l'instabilité dans la plupart des régions françaises, c'est bien parce qu'une disposition directement inspirée de l'article 49-3 nous le permet !
Vous êtes donc tout à fait incohérents : vous ne voulez pas de l'article 49-3 pour le pays, mais vous l'acceptez pour les régions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Robert Bret. C'était pour s'opposer aux alliances contre nature entre la droite et le Front national !
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je m'exprimerai brièvement sur l'amendement n° 27, qui tend à la suppression de l'article 40 de la Constitution.
Je ne voudrais pas que les lecteurs de nos débats interprètent mal les propos tenus voilà un instant par le président Larché au sujet de l'application de l'article 40 lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'outre-mer : M. Larché a dit que l'on avait « opposé abusivement l'article 40 ». Ce mot, dans votre bouche, monsieur le président de la commission, ne peut que viser l'autorité gouvernementale qui a invoqué l'article 40, car je ne puis imaginer que vous visiez aussi la commission des finances, qui donne un avis sur la recevabilité en séance.
Je puis témoigner ici, pour avoir exercé souvent cette fonction, comme tous mes collègues de la commission des finances qui sont alternativement responsables de ce dossier, que nous avons toujours exercé cette mission en conscience et de manière équilibrée, afin de préserver, autant que possible et en toute circonstance, le droit d'amendement des membres du Parlement.
M. Gérard Miquel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 33, Mme Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent d'insérer, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 72 de la Constitution, un article additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette disposition, adoptée à l'Assemblée nationale, peut trouver sa place constitutionnelle sans délai, dans le cadre de cette révision.
Il s'agit de conférer, en matière de droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, les mêmes droits aux résidents étrangers non communautaires qu'aux résidents de l'Union européenne.
Nous vous proposons d'opter pour une avancée démocratique significative, à l'instar de nombreux pays européens qui l'appliquent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Hélène Luc. Ah ! C'est compliqué, monsieur Larché !
M. Jacques Larché, rapporteur. Non, pas du tout ! Le président de la commission des lois, s'exprimant en tant que rapporteur, considère la situation telle qu'elle est.
Une proposition de loi a été déposé. Autant qu'il m'en souvienne, il a été débattu - très rapidement, d'ailleurs - de l'inscription éventuelle de cette proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat.
Le Gouvernement a fait remarquer que ce n'était pas sa préoccupation essentielle. Dans ces conditions, je ne peux que m'en tenir à l'avis du Gouvernement tel qu'il a été formulé au sein de la conférence des présidents. Par conséquent, je propose le rejet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Même avis que pour les précédents amendements, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 34, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, M. Bret, Mme Beaudeau, M. Bécart, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade proposent d'ajouter, après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 88-4 de la Constitution est complété in fine par la phrase suivante :
« Une loi organique définit les conditions dans lesquelles le Gouvernement négocie au sein du Conseil européen, dans le respect d'orientations définies par le Parlement, et lui en rend compte. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Avec cet amendement important, nous abordons un point trop souvent occulté dans le cadre du débat institutionnel.
La construction européenne, telle qu'elle se bâtit aujourd'hui, pose indéniablement un véritable défi démocratique.
En effet, les centres de décision sont éloignés des citoyens des différentes nations européennes, et ainsi se pose de manière urgente la question de l'instauration d'un véritable contrôle populaire sur les orientations décidées sur le plan européen.
Pour prendre un seul exemple, celui de la politique financière et monétaire, le mode de désignation et de fonctionnement de la Banque centrale européenne démontre l'ampleur du déficit démocratique.
Le projet européen est un projet noble, un projet de coopération et de solidarité. Mais ce projet ne pourra se faire sans une implication régulière des peuples et de leurs représentations.
Les parlements nationaux ont un rôle beaucoup plus important à jouer, selon nous, pour enrichir l'intervention démocratique sur le plan européen : pour l'instant, leur rôle se réduit à donner de temps à autre un avis que les gouvernements, à Bruxelles, ne sont pas tenus de respecter ni même de prendre en compte. C'est la procédure actuelle d'examen des projets d'acte communautaire organisée par l'article 88-4 de la Constitution.
Nous proposons de revoir cet article, afin d'y introduire un pouvoir plus net en faveur du Parlement pour qu'il puisse mandater le Gouvernement au moins sur des orientations.
Bien entendu, cette proposition ne se substitue pas à une intervention des peuples pour peser sur des choix qui, aujourd'hui, sont pris en dehors d'un réel contrôle démocratique.
Tel est l'objet de notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Larché, rapporteur. Sur ce dernier amendement, je donnerai encore un avis défavorable.
Il est certain que, dans le cadre de la négociation européenne, le pouvoir qui appartient au Président de la République doit s'exercer avec la liberté nécessaire. Nous avons eu encore récemment un exemple des avancées qui peuvent résulter de ses interventions : le dernier discours qui a été tenu devant le Parlement allemand en est la démonstration évidente.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Même avis que précédemment, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, je sollicite une brève suspension de séance.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, madame le garde des sceaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)