Séance du 8 juin 2000







M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame la garde des sceaux, j'ai un plaisir particulier à m'adresser à vous, et ce pour au moins deux raisons, qui vous permettent d'embrasser la totalité de ma question : vous eûtes la responsabilité des affaires européennes et vous présiderez, demain, le conseil des ministres de la justice de l'Union.
En votre absence - vous accompagniez le Président de la République - j'ai interrogé le Gouvernement sur sa volonté de proposer la création d'un espace judiciaire européen permettant l'extradition automatique d'un criminel présumé vers le pays où il est suspecté d'avoir commis ses méfaits, a fortiori si c'est son pays d'origine.
Votre collègue M. Vaillant avait pris l'engagement qu'il y aurait une réflexion gouvernementale.
Quinze jours se sont écoulés. La France s'apprête à présider l'Union européenne et, en conséquence, à présenter les propositions qu'elle considère comme prioritaires.
Notre pays joue un rôle majeur dans la construction européenne, mais nos concitoyens n'en ont pas toujours conscience et retiennent plus souvent les contraintes de l'Europe que ses avantages.
L'affaire Rezala et l'extradition hypothétique de ce dernier ont vraiment ému les Français. Ils ne comprendraient pas que Sid Ahmed Rezala ne soit pas jugé en France. Il existe un marché européen ; il existe une monnaie européenne ; ils ne comprennent pas qu'il n'existe pas un espace judiciaire européen.
Au-delà de l'obligation de justice, vous avez l'opportunité de participer à la réconciliation des Français avec l'Europe.
Madame la garde des sceaux, demain, je le répète, la France va présider l'Union européenne. Le Gouvernement peut-il s'engager à proposer la mise en oeuvre d'un espace judiciaire européen, avec l'extradition automatique ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je vous remercie de me poser cette question, qui me permettra de faire le point sur l'état d'avancement de nos travaux en ce qui concerne l'espace judiciaire européen.
Je dirai d'abord que le Gouvernement a tout fait - tout ce qui était en son pouvoir, en tout cas ! - pour que Sid Ahmed Rezala soit jugé en France. Ses avocats viennent d'introduire un ultime recours. Le tribunal constitutionnel de Lisbonne a au maximum trois mois pour statuer. Il n'est pas exclu, naturellement, que ce jugement soit rendu avant ce délai ; mais, de toute façon, ce sera l'ultime recours.
S'agissant maintenant des travaux européens, nous avons signé dans l'Union européenne deux conventions d'extradition, l'une en 1995, l'autre en 1996, qui vont permettre de fluidifier et de faciliter les procédures d'extradition entre pays de l'Union européenne.
La première convention tend à faciliter l'extradition lorsque la personne est consentante. La seconde vise à interdire le refus d'extradition pour des raisons politiques entre pays de l'Union européenne et également à poser le principe de l'extradition des nationaux de chaque Etat membre.
Sur la base de ces deux conventions, nous préparons un avant-projet de loi. Vous le voyez, cela va soulever des questions lourdes et difficiles. Je remarque toutefois que, même si ces conventions étaient aujourd'hui transposées par une loi dans notre droit interne, elles n'auraient rien résolu ni même facilité s'agissant du cas de Sid Ahmed Rezala, qui n'était pas consentant à son extradition, qui est français et qui bénéficie des garanties que donne le droit portugais à tout détenu.
Que pouvons-nous faire de plus ?
Les chefs d'Etat et de gouvernement, au sommet de Tampere - c'est le point trente-cinq des conclusions - ont posé le principe de la reconnaissance mutuelle de nos systèmes juridiques et judiciaires, et nous allons avancer dans ce sens, y compris pour les personnes condamnées à des peines pénales lourdes.
Nous avons déjà mis en oeuvre un plan de travail et nous allons, bien entendu, nous pencher sur cette question de l'extradition. Mais j'ajoute - vous êtes suffisamment bon connaisseur des affaires européennes pour le savoir aussi bien que moi - qu'on ne fait pas l'Europe tout seul. Par conséquent, vous voyez bien qu'avoir, un jour, un droit pénal unique sera probablement l'une des choses les plus difficiles à faire.
Ce que je peux dire, c'est que, lorsque nous aurons une union politique intégrée, ce que je souhaite, il faudra en effet que tout criminel soit jugé sur le lieu où il a commis ses crimes. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. Je salue la présence au banc du Gouvernement de M. le Premier ministre, qui participe à nos travaux.

GRÈVE DE LA FAIM DU MAIRE DE MASNIÈRES
EN RÉPONSE À LA FERMETURE D'UNE VERRERIE