Séance du 30 mai 2000
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 780, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, ma question est d'actualité. Votre réponse est attendue. J'espère qu'elle sera à la hauteur des espérances des 250 000 riverains de l'aéroport Charles-de-Gaulle.
Les vols de nuit sont devenus insupportables. Cette affirmation me paraît justifiée pour trois raisons.
D'abord, les vols de nuit, qui représentaient 10 % du nombre de vols quotidiens, soit 180, atteignent désormais la proportion de 13 % à 14 %. Ensuite, leur nombre progresse parallèlement à la croissance du nombre de vols quotidiens. Le nombre de 500 000 mouvements annuels sera bientôt atteint, ce qui représentera 200 vols nocturnes. Enfin, l'organisation de hubs nocturnes permet, par exemple, à Fedex, avec sa flotte de 600 avions, de disposer d'un nouvel hub à minuit, ce qui est un facteur important de nuisance.
Une récente actualité nous a démontré que les charters, les vols supplémentaires ont souvent lieu la nuit. Ainsi, la finale de la Coupe de la ligue de football a représenté quatre-vingts vols supplémentaires nocturnes pour ramener en Espagne les supporteurs des deux équipes.
Peut-on réduire ce trafic nocturne croissant et qui entraîne d'importantes nuisances ? C'est une première question.
Ma deuxième question porte sur le développement du trafic aérien. Nous ne nions pas ce développement. Nous le considérons même comme inéluctable et positif en tant que facteur de développement économique et comme expression d'une démocratisation du transport aérien.
Mais la question est simple : si ce développement est une réalité, une perspective, notre pays doit se préparer à l'accueillir et à le maîtriser. Cette maîtrise se fait pressante : en 1999, l'aéroport Charles-de-Gaulle a vu son trafic croître de 13 %. Cette progression est très supérieure à celle des autres aéroports européens puisque le trafic de l'aéroport d'Orly a progressé de 1,6 %, celui de Londres de 5 % et celui de Francfort de 7 %. Une telle augmentation s'accentuera encore.
De l'avis de tous, la quatrième piste, dont l'ouverture est prévue au printemps 2001, absorbera le trafic supplémentaire. La saturation sera rapidement atteinte.
Nous devons donc préparer une réponse à cette évolution.
Certes, des améliorations sont possibles, de caractère technique, mais leur efficacité est limitée.
La construction de nouvelles pistes est une solution que vous avez catégoriquement exclue, à juste titre. Quatre pistes, c'est déjà une contrainte, que nous subissons.
L'intensification du nombre de vols la nuit, en dépassant les limitations actuelles, paraît possible, mais, selon nous, elle serait déraisonnable et très irresponsable, car en totale discordance avec ce que les populations concernées peuvent supporter, vous le savez bien, monsieur le ministre. Les médecins de nos villes commencent à noter les conséquences sur la santé de certains habitants des nuisances sonores, en particulier lorsqu'elles se produisent la nuit.
Que nous reste-t-il alors comme solution ? Celle qui a été trouvée dans le passé, à savoir la construction d'un autre aéroport.
Au lendemain de la guerre, le Bourget a rapidement été saturé. Avec la intervenue des Caravelle, Orly a été envisagé, puis réalisé. Très vite, la saturation est intervenue. En 1974, Roissy a été ouvert. A l'époque, des manifestations se sont développées avec détermination pour exiger un emplacement situé à vingt kilomètres plus au nord-est. Il est dommage que nos avis de l'époque n'aient pas été entendus. En effet, nous n'en serions probablement pas là actuellement.
Aujourd'hui, chacun comprend bien que le transport aérien va s'amplifier. D'ailleurs, je souhaite que de plus en plus de Français puissent utiliser ce mode de transport. A nos yeux, l'avion est un moyen de transport rapide, confortable, qui doit se démocratiser. Il est encore trop cher. Nous voulons sa diversification, son implantation sur l'ensemble du territoire. Cela correspond également à la loi pour l'aménagement et le développement durable du territoire défendue par Mme Voynet.
Je suis donc conduite, monsieur le ministre, à vous demander, une nouvelle fois, quelle décision a été prise, à quelle date et dans quel lieu sera implanté un troisième aéroport, en rappelant de nouveau, mais vous connaissez ce chiffre, que, à Roissy, la moitié des passagers sont en transit et ne quittent pas la zone aéroportuaire. Est-il exact qu'il existe, au sein du Gouvernement, des oppositions à l'implantation de ce troisième aéroport et, si tel est le cas, quelles en sont les raisons ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
Le président de séance écoute avec attention aussi, pour d'autres raisons. (Sourires.)
M. Alain Richard, ministre de la défense. Quant à celui qui répond, il ne peut pas non plus totalement s'abstraire du dossier. (Nouveaux sourires.)
Monsieur le président, madame la sénatrice, M. Jean-Claude Gayssot est aujourd'hui à Prague pour une importante réunion des ministres des transports européens et il m'a demandé de vous communiquer cette réponse, sur laquelle il s'engage.
La forte croissance du transport aérien observée ces dernières années, notamment dans la région d'Ile-de-France, conduit à penser que les limitations de capacité prévues à Roissy-Charles-de-Gaulle afin de maîtriser les nuisances sonores seront atteintes avant les dix ans envisagées, si aucune disposition n'est prise.
Aussi, afin de maintenir une limitation de la capacité à Roissy, ce que souhaite le Gouvernement, les compagnies aériennes sont incitées à adapter leur stratégie en accordant un rôle plus important aux aéroports de province. M. Jean-Claude Gayssot souhaite faciliter cette évolution en préservant la capacité d'accueil de ces aéroports et en veillant à leur insertion dans leur environnement proche.
Par ailleurs, le développement de l'intermodalité TGV-avion à Roissy peut permettre de répondre à une partie de la demande de transport aérien. C'est en particulier le cas des pré-acheminements et des post-acheminements pour les voyageurs en correspondance pour des destinations lointaines vers les villes qui sont desservies par le TGV ou qui le seront bientôt.
Enfin, une utilisation d'autres plates-formes existantes du Bassin parisien doit être recherchée, dans la mesure où elle pourra être réalisée dans des conditions acceptables pour les populations riveraines.
Le ministre des transports estime que ces évolutions ne permettront cependant de répondre qu'à une partie de l'accroissement du transport aérien en région parisienne. Il convient donc d'étudier l'opportunité d'un troisième grand aéroport dans le bassin parisien et de préserver la possibilité de le créer. Cette perspective est analysée dans le cadre de l'élaboration des schémas de services collectifs de transports prévus par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire adoptée par le Parlement au printemps dernier. Ce type de schéma est en effet indispensable en matière aéroportuaire.
En attendant, M. Gayssot a souhaité lancer trois études complémentaires afin d'affiner l'analyse des stratégies aéroportuaires possibles. Ces études concernent les potentialités de l'intermodalité entre le TGV et l'avion, les potentiels de développement des aéroports de province et les stratégies futures des compagnies aériennes et des aéroports.
Lorsque les résultats de ces études seront disponibles - ils seront d'ailleurs rendus publics - il sera possible de débattre des conditions de réalisation de ce troisième aéroport, si son opportunité se confirme.
M. Gayssot rappelle que plusieurs sites d'implantation proposés par les conseils régionaux ont été examinés. Le site de Beauvilliers, en Eure-et-Loir, a été pressenti, notamment du fait de possibilités de raccordement aux grandes infrastructures existantes - l'autoroute Aquitaine et la ligne TGV-Ouest - et de considérations environnementales.
En tout état de cause, quel que soit le site envisagé, les conditions d'intégration de cet équipement dans l'environnement feront l'objet, en toute transparence, d'études complètes et rigoureuses qui seront portées à la connaissance de tous les acteurs et qui viendront nourrir le débat public.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, je vous remercie de m'avoir apporté cette réponse en l'absence de M. Gayssot.
Evidemment, nous ne pouvons que nous féliciter de l'ouverture d'un grand débat national sur la question évoquée. Nous pensons effectivement que l'implantation d'un nouvel aéroport international nécessite l'ouverture de discussions très larges, un débat transparent et l'organisation d'études le plus rapidement possible.
Cependant, votre réponse me paraît un peu décevante. Elle est constituée d'affirmations et d'éléments que nous connaissons déjà. Les études nous ont été promises voilà déjà de nombreuses années, par le gouvernement précédent comme par l'actuel gouvernement, et je considère qu'il n'est pas tenu suffisamment compte de l'évolution de la situation.
Je sais, monsieur le ministre, que vous connaissez le Val-d'Oise et que vous savez combien les populations de nos cités populaires - je veux citer Sarcelles, Villiers-le-Bel, Garges ainsi que Goussainville - subissent les nuisances de l'aéroport Charles-de-Gaulle ; la manifestation qui a eu lieu la semaine dernière a d'ailleurs traduit une exaspération qui est maintenant à son comble. Je ne comprends pas trop cette attitude qui consiste à ignorer les prises de position multiples tant d'associations que de nombreux conseils municipaux, tels ceux d'Argenteuil, de Sarcelles, de Gonesse, de Garges et de bien d'autres que je n'ai pas le temps de citer.
Monsieur le ministre, il faut maintenant aller très vite, sinon le Gouvernement va perdre de sa crédibilité en refusant à l'aviation civile de se développer sur l'ensemble du territoire. Nous avons plus que jamais la certitude de répondre à un intérêt général en réclamant la construction d'un troisième aéroport et une meilleure qualité de vie pour les 250 000 riverains val-d'oisiens de l'aéroport Charles-de-Gaulle.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je peux assurer Mme Beaudeau que je transmettrai fidèlement et avec beaucoup de conviction les dernières remarques qu'elle vient de faire à mon collègue et ami Jean-Claude Gayssot.
RÉFORME
DE LA PRESTATION SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE