Séance du 5 avril 2000
M. le président. Par amendement n° 74, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 32 F, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 729 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle s'ils manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment lorsqu'ils justifient soit de l'exercice d'une activité professionnelle, soit de l'assiduité à un enseignement ou une formation professionnelle ou encore d'un stage ou d'un emploi temporaire en vue de leur insertion sociale, soit de leur participation essentielle à la vie de famille, soit de la nécessité de subir un traitement. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 172, présenté par le Gouvernement, et tendant, au début du texte proposé par l'amendement n° 74 pour le premier alinéa de l'article 729 du code de procédure pénale, à ajouter la phrase suivante :
« La libération conditionnelle tend à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 74.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Actuellement, la libération conditionnelle est accordée aux condamnés présentant des gages sérieux de réadaptation sociale. Ce critère conduit trop souvent à ne libérer que ceux qui trouvent un emploi, ce qui, dans la période actuelle, empêche, de fait, la libération conditionnelle.
Le présent amendement prévoit une liste non exhaustive de critères calqués sur ceux qui existent pour la semi-liberté. Cette réforme des critères est aussi importante que celle de la procédure, car elle facilitera l'accès des condamnés à la libération conditionnelle, qui est un facteur important de prévention de la récidive.
Nous poursuivons donc la même idée, tout en encadrant, malgré tout, les décisions de libération conditionnelle.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre le sous-amendement n° 172 et pour donner l'avis d Gouvernement sur l'amendement n° 74.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Nous abordons là un aspect fondamental de la réforme des libérations conditionnelles, qui aurait peut-être même dû venir plus tôt dans la discussion, car, avant de parler des modalités de la libération conditionnelle, il convient de déterminer les critères retenus pour pouvoir en bénéficier.
L'une des raisons fondamentales pour lesquelles les libérations conditionnelles avaient tendance à diminuer - le rapport Farge le met clairement en évidence - c'est que l''on exigeait dans la loi que le détenu trouve un travail à la sortie. En effet, nous le savons, les détenus, qui étaient déjà, pour la plupart, au chômage de longue durée avant d'entrer en prison, ont énormément de mal à remplir cette condition, sans parler des détenus âgés, pour lesquels c'est carrément impossible !
Voilà pourquoi, depuis longtemps, celles et ceux qui s'intéressaient aux moyens de relancer les libérations conditionnelles demandaient une plus grande souplesse dans les critères requis pour y être admissible.
Par conséquent, si l'idéal est, bien sûr, de trouver un travail, il faut aussi, à défaut, admettre l'obtention d'un stage ou l'entrée dans un processus de formation, voire un suivi médical.
Au fond, c'est ce à quoi tend l'amendement, auquel, vous l'avez compris, je suis très favorable : il permet d'élargir les critères d'admission à la libération conditionnelle.
Si je souhaite le sous-amender, c'est parce que je pense qu'il est important, là encore, pour bien donner le sens de ce que nous faisons, de mentionner au début de ce texte que la libération conditionnelle tend à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive. C'est l'objet de mon sous-amendement.
Avec ce « chapeau », le texte sera très clair. Il traduira bien ce que nous voulons faire.
Je suis donc très favorable à l'amendement et j'espère, monsieur le rapporteur, que vous serez favorable au sous-amendement du Gouvernement, pour que nous puissions continuer notre travail de législation en commun.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 172 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Nous l'avons constaté, nous sommes pleinement d'accord sur l'ensemble des nouvelles mesures régissant la libération conditionnelle. La commission ne peut donc, afin que que l'esprit soit en accord avec la lettre, qu'accepter ce sous-amendement, qui souligne que la libération conditionnelle tend à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 172, accepté par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 74, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article addionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 F.
Par amendement, n° 77 rectifié, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer après l'article 32 F, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, dans le titre IV du livre Ier du code de l'organisation judiciaire, un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III : La juridiction nationale de la libération conditionnelle.
« Art. 143-1. - Il y a auprès de la Cour de cassation une juridiction chargée de statuer sur les recours formés contre les décisions du tribunal de l'application des peines.
« Art. 143-2. - Les règles concernant la composition de la juridiction prévue à l'article précédent ainsi que celles qui sont relatives au ministère public près cette juridiction sont fixées par l'article 722-1 du code de procédure pénale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination tendant à prévoir, dans le code de l'organisation judiciaire, l'existence de cette juridiction nationale.
Monsieur le président, je rectifie cet amendement afin de tenir compte de la modification que nous avons apportée, en remplaçant les mots : « de l'application des peines » par les mots : « de la juridiction régionale de la libération conditionnelle. »
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 77 rectifié bis, présenté par M. Jolibois au nom de la commission, et tendant à insérer, après l'article 32 F, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, dans le titre IV du livre Ier du code de l'organisation judiciaire, un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III : La juridiction nationale de la libération conditionnelle.
« Art. L. 143-1. - Il y a auprès de la Cour de cassation une juridiction chargée de statuer sur les recours formés contre les décisions de la juridiction régionale de la libération conditionnelle.
« Art. L. 143-2. - Les règles concernant la composition de la juridiction prévue à l'article précédent ainsi que celles qui sont relatives au ministère public près cette juridiction sont fixées par l'article 722-1 du code de procédure pénale. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Après la rectification apportée à l'instant par M. le rapporteur, j'émets un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 77 rectifié bis.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je formulerai une interrogation parce que, ou bien il s'agit d'un contrôle de légalité et, dans ce cas-là, il faudrait que ce soit au sein de la Cour de cassation que cette formation soit chargée de statuer sur les recours ; ou bien il s'agit d'une autre juridiction qui a alors pour mission non plus le contrôle de légalité mais le contrôle de l'opportunité et, dans ces conditions-là, pourquoi siège-t-elle auprès de la Cour de cassation ?
En l'état, je reste perplexe et, parce que ce n'est pas clair, monsieur le président, à titre personnel, je m'abstiendrai.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 77 rectifié bis, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 F.
Par amendement n° 78 rectifié bis, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 32 F, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré dans le titre III du livre VI du code de l'organisation judiciaire un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 630-3. - Il y a, dans le ressort de chaque cour d'appel, une juridiction de première instance dénommée juridiction régionale de la libération conditionnelle. Les règles concernant la composition, la compétence et le fonctionnement de cette juridiction sont fixées par l'article 722-1 du code de procédure pénale. Le siège des juridictions régionales de la libération conditionnelle est fixé par voie réglementaire. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 78 rectifié bis, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 F.
Par amendement n° 79, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 32 F, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un article 720-1-A ainsi rédigé :
« Art. 720-1-A . - Les députés et sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment tout établissement de l'administration pénitentiaire situé dans leur département. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement, n° 126 rectifié, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant, à la fin du texte proposé par l'amendement n° 79 pour l'article 720-1-A du code de procédure pénale, à remplacer les mots : « de l'administration pénitentiaire situé dans leur département. » par les mots : « pénitentiaire, centre de rétention local, de garde à vue et les zones d'attente. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 79.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'Assemblée nationale a inséré, à la fin du projet de loi, un article additionnel tendant à permettre aux parlementaires de visiter les établissements pénitentiaires de leur département.
L'Assemblée nationale avait d'abord inséré cet article dans le projet de loi relatif aux liens entre le parquet et la Chancellerie. Puis, elle a estimé qu'il était mieux à sa place dans le projet de loi renforçant la protection sur la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Le présent amendement vise à insérer cet article à une place plus conforme à son objet. Il s'agit donc, en quelque sorte, d'un amendement rédactionnel.
M. le président. La parole est à M. Badinter, pour défendre le sous-amendement n° 126 rectifié.
M. Robert Badinter. Dans la ligne développée à l'instant par M. le rapporteur, ce sous-amendement vise à permettre aux parlementaires de visiter le centre de rétention local, de garde à vue et les zones d'attente, outre les établissements de l'administration pénitentiaire, déjà prévus par l'amendement n° 79 de la commission.
Le comité européen pour la prévention de la torture où des traitements inhumains ou dégradants a, je le rappelle, le pouvoir de visiter tous les locaux ou des personnes sont retenues. On ne voit pas pourquoi les représentants de la nation n'auraient pas le même pouvoir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 126 rectifié.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 79 et sur le sous-amendement n° 126 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 79 et s'en remet à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 126 rectifié.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 126 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 79, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 F.
Par amendement n° 80, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 32 F, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 723-7 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. - Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "La décision de placement sous surveillance électronique d'un mineur non émancipé ne peut être prise, dans les mêmes conditions, qu'avec l'accord des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale."
« II. - Il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa ansi rédigé :
« Lorsque le lieu désigné par le juge de l'application des peines n'est pas le domicile du condamné, la décision de placement sous surveillance électronique ne peut être prise qu'avec l'accord du maître des lieux, sauf s'il s'agit d'un lieu public. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'apporter des précisions importantes afin de faciliter la mise en oeuvre de la loi sur le placement sous surveillance électronique, qui doit maintenant être rapidement appliquée.
A cette fin, nous prévoyons, d'une part, l'accord du maître des lieux lorsqu'une personne est condamnée à porter un bracelet électronique dans un lieu qui n'est pas son domicile, d'autre part, l'accord des parents en cas de placement sous surveillance électronique d'un mineur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je me réjouis, monsieur le président, de voir le Sénat reprendre à son compte des propositions que j'avais faites en 1997, au moment où nous avions discuté de la proposition de loi de M. Cabanel. Par conséquent, je ne puis évidemment qu'être très favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 80, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 F.
Chapitre III
Dispositions de coordination
Articles additionnels avant l'article 33