Séance du 8 février 2000
M. le président. La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 671, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Charles Descours. Madame le secrétaire d'Etat, les secrétaires d'Etat à la santé changent, mais vous êtes toujours préposée à me répondre. Vous vous y habituez, moi aussi !
Ma question, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, concerne la commission de la transparence.
La commission de la transparence a rendu un avis de réévaluation sur un premier ensemble de 1 150 spécialités pharmaceutiques. Parmi celles-ci, 262, soit environ un quart d'entre elles, ont été considérées comme ayant un service médical rendu - SMR, dans le jargon médical - insuffisant.
Une deuxième tranche, de même ampleur, est en cours de réévaluation, et les premières informations disponibles laissent penser que le nombre de spécialités considérées comme ayant un SMR insuffisant sera au moins, lui aussi, d'ampleur équivalente.
Les décisions que pourrait prendre le Gouvernement à la suite de ces avis risquent de toucher de plein fouet certaines entreprises.
Les laboratoires concernés sont essentiellement, j'y insiste, des laboratoires à capitaux français dont les centres de décision sont implantés en France. Certains risquent de voir remise en cause une part très importante de leur chiffre d'affaires, pouvant aller jusqu'à 70 %.
L'emploi en serait gravement menacé, certains laboratoires ayant déjà annoncé des suppressions d'effectifs si ces menaces se concrétisaient.
L'effet délétère de ces décisions se fera également sentir sur les exportations des laboratoires concernés, les pays importateurs se fondant très généralement sur les conditions de remboursement pratiquées en France.
Au demeurant, l'éviction de ces spécialités du marché français serait également gravement pénalisante en termes de santé. Ces médicaments ont une utilité incontestée en pratique quotidienne, pour le médecin et pour le patient, dans le soulagement de symptômes et dans le dialogue singulier médecin-malade. Si les médecins étaient privés de la possibilité de prescrire ces médicaments quel que soit le revenu des patients, on risquerait de voir se produire des transferts de prescription vers d'autres produits non pertinents médicalement, voire dangereux.
En outre, l'économie serait nulle pour l'assurance maladie ; il en résulterait même probablement un surcoût, les médicaments sur lesquels pourrait se reporter la prescription étant tous plus onéreux que les spécialités actuellement mises en cause.
La ministre de l'emploi et de la solidarité a indiqué, à la fin du mois de décembre 1999, qu'elle entendait mener une concertation - là comme ailleurs ! - avec les médecins et les pharmaciens sur les conclusions à tirer de la réévaluation.
Je voudrais savoir, madame le secrétaire d'Etat, où en est cette concertation, les syndicats de médecins et de pharmaciens et le Conseil national de l'ordre des pharmaciens ayant par ailleurs publiquement fait connaître leur désaccord sur l'approche retenue pour la réévaluation.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Permettez-moi, monsieur le sénateur, de souligner que cela fait quelques mois que je n'avais pas eu le plaisir de venir vous répondre.
M. Charles Descours. Le plaisir est partagé, madame ! (Sourires.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. La commission de la transparence sur le remboursement des médicaments a transmis à Martine Aubry les premiers résultats de la réévaluation de l'ensemble des classes thérapeutiques. Cette réévaluation s'inscrit dans une démarche visant à fonder les décisions, en matière de prix et de remboursement, sur le service médical rendu.
Ce n'est pas à vous, monsieur le sénateur, que j'exposerai ce qu'est ce service médical rendu. Je résumerai donc en disant que cette notion permet d'apprécier la place du médicament dans les stratégies thérapeutiques, et donc l'intérêt de sa prise en charge par la collectivité.
L'opération de réévaluation du service médical rendu de l'ensemble des médicaments remboursables a débuté en avril dernier. Dans le souci de garantir l'objectivité et la transparence des décisions, diverses procédures contradictoires ont été suivies, qui ont permis aux entreprises pharmaceutiques de faire connaître leur position.
Afin d'être la plus précise possible, j'irai directement aux chiffres.
Au terme de cette procédure de réévaluation, nous disposons d'une appréciation du service médical rendu pour 1 155 médicaments à visée cardiologique, métabolique, psychiatrique et rhumatologique : 262 spécialités se sont vu attribuer un service médical rendu insuffisant pour justifier le remboursement.
En conséquence, Mme Martine Aubry a demandé à ses services de mener une concertation avec les représentants des médecins et des pharmaciens sur les conclusions de cette réévaluation.
Il a également été demandé au président du comité économique du médicament d'entamer une large concertation avec les firmes concernées et de faire des propositions sur les conséquences à tirer des avis de la commission de la transparence dans le cadre de la politique conventionnelle.
Bien évidemment, l'ensemble de cette démarche sera guidé par l'impératif de garantir à nos concitoyens l'accès pour chaque pathologie à la meilleure prise en charge thérapeutique possible, et ce au meilleur coût. Ce n'est qu'à l'issue de ces concertations, auxquelles le Gouvernement attache la plus grande importance, que Mme Aubry rendra publiques ses décisions.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Madame Péry, sans vouloir être désagréable avec vous, je dirai que la réponse que votre cabinet vous a préparée est un exemple de langue de bois ! Il n'y a là rien de nouveau par rapport à ce que j'ai moi-même dit dans ma question.
Mme Aubry se rend compte sans doute qu'elle s'est engagée dans une impasse et que, si elle tire les conclusions de l'étude dans laquelle elle s'est lancée, un grand nombre de laboratoires, notamment des laboratoires français de taille moyenne, dont le chiffre d'affaires est inférieur ou avoisine le milliard de francs, vont devoir « dégraisser ». Or ils sont souvent installés dans des départements où la situation est difficile.
Si je comprends bien le sens de la réponse que vous venez de m'apporter, il semble toutefois que Mme Martine Aubry trouve qu'il est urgent d'attendre. Si c'est sa conclusion, je la soutiendrai, mais si elle va au-delà, je la combattrai !
FONCTIONNEMENT
DES CAISSES D'ASSURANCE MALADIE