Séance du 18 janvier 2000






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un ancien sénateur (p. 1 ).

3. Démission d'un secrétaire du Sénat (p. 2 ).

4. Décisions du Conseil constitutionnel (p. 3 ).

5. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 4 ).

6. Questions orales sans débat (p. 5 ).

SITUATION
DES ENTREPRENEURS DE TRAVAUX FORESTIERS (p. 6 )

Question de M. Guy Vissac. - MM. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Guy Vissac.

PROBLÈMES DE L'ÉLEVAGE OVIN (p. 7 )

Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche ; René-Pierre Signé.

RECOMMANDATIONS DE L'IATA
CONCERNANT LE CONTRÔLE AÉRIEN (p. 8 )

Question de M. Auguste Cazalet. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Auguste Cazalet.

RÉGIONALISATION
DU TRANSPORT FERROVIAIRE DE VOYAGEURS (p. 9 )

Question de M. Hubert Haenel. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Hubert Haenel.

SITUATION DES DIFFUSEURS DE PRESSE
ET DES LIBRAIRES (p. 10 )

Question de M. Gérard Delfau. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Gérard Delfau.

SITUATION
DE L'ENSEIGNEMENT BILINGUE FRANÇAIS-BRETON (p. 11 )

Question de M. Pierre-Yvon Trémel. - MM. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; Pierre-Yvon Trémel.

TITRES EXIGÉS DES MÉDECINS DE PRÉVENTION (p. 12 )

Question de M. Yann Gaillard. - MM. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisaton ; Yann Gaillard.

FINANCEMENT DES ÉQUIPES
DE PRÉPARATION ET DE SUITE DU RECLASSEMENT
DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS (p. 13 )

Question de M. Georges Mouly. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; M. Georges Mouly.

MOYENS DE LUTTE CONTRE LA DOULEUR (p. 14 )

Question de M. Nicolas About. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; M. Nicolas About.

DÉVELOPPEMENT DES MAGASINS D'USINE (p. 15 )

Question de M. Jean-Pierre Raffarin. - Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. Jean-Pierre Raffarin.

ASSUJETTISSEMENT À LA TVA
DES SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT (p. 16 )

Question de M. Jean-Patrick Courtois. - Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. Jean-Patrick Courtois.

TAXE PROFESSIONNELLE DE PANTIN (p. 17 )

Question de Mme Danielle Bidard-Reydet. - Mmes Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; Danielle Bidard-Reydet.

RÉFORME DE LA CAISSE DES DÉPÔTS
ET CONSIGNATIONS (p. 18 )

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; Marie-Claude Beaudeau.

CONSÉQUENCES DE LA BAISSE DE LA TVA À 5,5 %
SUR LES TRAVAUX D'ENTRETIEN (p. 19 )

Question de M. Philippe Richert. - Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. Philippe Richert.

VALIDATION DE LA QUALIFICATION PROFESSIONNELLE
DES COIFFEURS NON DIPLÔMÉS (p. 20 )

Question de M. Jean Pépin. - Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. Jean Pépin.

MONOPOLE DE GAZ DE FRANCE
SUR L'IMPORTATION ET L'EXPORTATION
DE GAZ NATUREL (p. 21 )

Question de M. Bernard Cazeau. - Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. Bernard Cazeau.

DÉCOUPAGE DES CANTONS (p. 22 )

Question de M. Alain Dufaut. - Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; M. Alain Dufaut.

RÉGLEMENTATION DES RAVE PARTIES (p. 23 )

Question de M. Josselin de Rohan. - Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat ; MM. Josselin de Rohan, le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 24 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

7. Eloge funèbre d'Alain Peyrefitte, sénateur de Seine-et-Marne (p. 25 ).
MM. le président, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Suspension et reprise de la séance (p. 26 )

8. Communication de M. le président du Sénat sur les sinistres, leurs conséquences et les enseignements susceptibles d'en être tirés (p. 27 ).
MM. le président, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Suspension et reprise de la séance (p. 28 )

9. Conférence des présidents (p. 29 ).

10. Organisme extraparlementaire (p. 30 ).

11. Liberté de communication. - Discussion d'un projet de loi (p. 31 ).
Discussion générale : Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

MM. Jean-Paul Hugot, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Claude Belot, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jack Ralite, Pierre Laffitte, Mme Danièle Pourtaud, M. André Diligent.

12. Dépôt d'un rapport de la Cour des comptes (p. 32 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 33 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

13. Liberté de communication. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 34 ).
Discussion générale (suite) : MM. Michel Pelchat, Louis de Broissia, Gérard Delfau, Henri Weber, Philippe Richert, Ladislas Poniatowski, Alain Joyandet, Gérard Collomb, Pierre Hérisson, René Trégouët.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.
Clôture de la discussion générale.

14. Dépôt d'une question orale européenne avec débat (p. 35 ).

15. Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 36 ).

16. Dépôt d'une proposition de loi (p. 37 ).

17. Transmission d'une proposition de loi (p. 38 ).

18. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 39 ).

19. Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 40 ).

20. Dépôts de rapports d'information (p. 41 ).

21. Dépôt d'un avis (p. 42 ).

22. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 décembre 1999 (p. 43 ).

23. Ordre du jour (p. 44 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la séance du mercredi 22 décembre 1999 a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.

2


DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le regret de vous rappeler le décès, survenu le 24 décembre 1999, de notre ancien collègue Maurice Couve de Murville, qui fut sénateur de Paris de 1986 à 1995.

3


DÉMISSION D'UN SECRÉTAIRE DU SÉNAT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu une lettre par laquelle M. Hubert Haenel lui fait connaître qu'il se démet de ses fonctions de secrétaire du Sénat.
Acte est donné de cette démission.

4


DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 29 décembre 1999, le texte des décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 2000 et de la loi de finances rectificative pour 1999.
Acte est donné de cette communication.
Ces décisions du Conseil constitutionnel ont été publiées au Journal officiel, édition des lois et décrets.
M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 13 janvier 2000, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

5

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le vingt-huitième rapport sur la situation démographique de la France, établi en application de l'article 8 de la loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

6

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

SITUATION DES ENTREPRENEURS
DE TRAVAUX FORESTIERS

M. le président. La parole est à M. Vissac, auteur de la question n° 599, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Guy Vissac. Monsieur le ministre de l'agriculture, c'est en décembre dernier que je devais vous poser ma question sur la situation des entrepreneurs de travaux forestiers. A la suite de la tempête du 26 décembre, cette question se pose aujourd'hui avec encore plus d'acuité et de gravité.
Le statut des travailleurs forestiers concerne aussi bien les salariés que les entrepreneurs, souvent à la tête de petites unités de trois à quatre agents. Les charges fiscales et sociales rendent plus difficile l'octroi d'un salaire convenable pour un travail dur et dangereux, d'autant que la marge du prix du bois entre producteurs et acheteurs comprime de plus en plus celle qui reste à l'abattage-débardage pratiqué par les entrepreneurs de travaux forestiers.
Faute de salaires décents, la profession connaît une crise de recrutement que les effets de la tempête aggravent, la chute des cours rendant encore plus aléatoire la rémunération des travailleurs forestiers, pris, si j'ose m'exprimer ainsi, entre l'arbre et l'écorce.
La future loi sur la forêt devrait, nous dit-on, concerner également le statut des entrepreneurs de travaux forestiers. Cela paraît effectivement indispensable. Il y a cependant urgence à trouver la main-d'oeuvre permettant de faire face à une situation immédiate très préoccupante, car il y aurait danger, sur les plans phytosanitaire et de la sécurité à laisser trop longtemps le bois abattu par la tempête dans les forêts.
Cette main-d'oeuvre doit être qualifiée, pour éviter les accidents sur les chantiers. Or, la formation financée par les conseils régionaux affiche un déficit de candidats, et ce depuis longtemps.
Monsieur le ministre, cette double question concernant les travailleurs forestiers doit recevoir des réponses aussi bien sur le court terme, parce qu'il y a urgence, que sur le long terme, pour permettre à cette profession, qui, nous le savons, représente un gisement d'emplois supplémentaires, de s'exercer dans des conditions convenables.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, votre question est d'une actualité brûlante. Elle me permet de m'exprimer sur un certain nombre de mesures que nous entendons prendre en la matière et qui relèvent, pour certaines, du plan national pour la forêt française élaboré et rendu public par le Gouvernement la semaine dernière pour réparer les dommages causés par la tempête et, pour d'autres, d'une action s'inscrivant dans le moyen et le long terme.
Les dégâts importants causés par les tempêtes des 26, 27 et 28 décembre 1999 dans les forêts françaises ont conduit le Gouvernement à adopter un programme spécifique en faveur de la forêt.
Les trois axes majeurs de ce programme sont les suivants : assurer la mobilisation des bois, permettre le stockage et ainsi favoriser la valorisation des bois, organiser la reconstitution des écosystèmes forestiers.
Les entreprises de travaux forestiers pourront bénéficier principalement de cinq mesures.
La première concerne la formation à la sécurité dans l'exploitation des chablis. Cela me donne l'occasion de dire devant cette assemblée qu'aujourd'hui la forêt française touchée par la tempête est dangereuse. Il convient donc d'avertir nos concitoyens qu'ils ne doivent pas aller s'y promener, même pour regarder les bûcherons travailler. Plusieurs accidents sont déjà survenus depuis dix jours. En 1990, l'Allemagne, après le passage d'une tempête un peu moins violente, a eu à déplorer une centaine de morts. Les bois sont instables. Il faut absolument inciter à la prudence.
De même, on ne peut pas faire travailler en forêt n'importe qui du jour au lendemain. Des formations seront organisées à grande échelle, en collaboration avec les professionnels, à l'attention de toutes les personnes exerçant actuellement une activité de récolte du bois, afin qu'elles se prémunissent bien contre les risques inhérents à ces chantiers exceptionnellement dangereux.
La deuxième mesure concerne la facilitation de l'embauche de salariés dans le cadre d'un parcours qualifiant du type « contrat de qualification ».
La troisième concerne l'aide à l'acquisition de matériel d'exploitation forestière, dont la dotation supplémentaire sera, pour l'exercice 2000, de 50 millions de francs.
La quatrième mesure est l'amortissement accéléré du matériel d'exploitation forestière, qui permettra d'équilibrer le revenu exceptionnel engendré par une activité très supérieure à la normale et de mieux refléter une usure accélérée du matériel dans des conditions d'utilisation très intensives.
Enfin, la cinquième mesure est l'organisation de bourses de travaux forestiers, dont l'objectif est de permettre à l'offre et à la demande de travaux forestiers de se rencontrer.
Les autres mesures du plan, qui sont nombreuses, même si elles profitent moins directement aux entreprises de travaux forestiers, seront malgré tout déterminantes dans l'amélioration de leur situation, car elles visent à permettre que les bois soient mobilisés et valorisés dans les meilleures conditions, et donc, par effet indirect, à fournir du travail aux entreprises de travaux forestiers.
S'agissant de la situation particulière des entrepreneurs de travaux forestiers, le Gouvernement entend doter ces professions d'un statut particulier dans le cadre du futur projet de loi forestière, qui, je le confirme, sera débattu au Parlement dès ce premier semestre ; respecter ce calendrier était le moins que l'on pouvait faire après la tempête !
Un des objectifs de ce texte est d'imposer des conditions communes à ceux qui souhaitent réaliser des travaux de récolte en forêt d'autrui, sur le plan technique et sur celui de la gestion de l'entreprise, afin de créer des entreprises pérennes. Les distorsions de concurrence et les détournements des textes actuellement en application doivent être rendus impossibles dans le cadre de la future loi.
Une capacité professionnelle, obtenue par l'attestation d'un niveau de compétence, devra être exigée pour tous les travaux d'exploitation forestière afin de réduire le nombre d'accidents et de garantir une plus grande pérennité des emplois et des entreprises. Des dispositions législatives seront donc proposées au Parlement pour améliorer le dispositif actuel tout en laissant aux professions concernées la possibilité de s'organiser.
Voilà, très brièvement, monsieur le sénateur - je pourrais, bien sûr, parler beaucoup plus longuement des conséquences de la tempête sur la forêt et du plan du Gouvernement - une première réponse que je pouvais apporter à votre question.
M. Guy Vissac. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vissac.
M. Guy Vissac. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces réponses, que vous aviez déjà ébauchées lors de votre présentation du plan forêt, après la tempête.
Je souhaite simplement attirer votre attention sur le fait que l'aide à l'acquisition de matériel concerne généralement le premier achat, et non les achats suivants, alors qu'aujourd'hui les travailleurs forestiers et les entrepreneurs ont des difficultés à renouveler leur matériel.

PROBLÈMES DE L'ÉLEVAGE OVIN

M. le président. La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 663, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je souhaite vous faire partager mon inquiétude et mes réflexions sur la situation très précaire de l'élevage ovin, tout particulièrement celui qui est implanté dans la vaste zone du bassin d'élevage de bovins allaitants. En effet, dans ces régions, l'élevage des ovins fut, et reste, dans une certaine mesure, surtout le fait d'éleveurs bovins à l'herbe, qui trouvaient là une activité idéalement complémentaire à leur activité principale.
Vous connaissez parfaitement l'évolution désastreuse subie par cet élevage. De la concurrence néo-zélandaise, dès la fin des années soixante-dix, à la politique agricole commune de 1992, en passant par la trop faible organisation de producteurs disséminés et par le changement des habitudes de consommation, les causes du déclin sont aussi anciennes que multiples. Elles dépassent non seulement le cadre de cette question, mais encore, hélas ! les possibilités d'une relance aussi déterminée soit-elle.
La concurrence désormais connue entre les viandes n'oppose que la viande bovine, d'une part, le porc et la volaille, d'autre part. L'agneau et le mouton semblent voués désormais à occuper une frange, je ne dirai pas négligeable, mais secondaire du marché des produits carnés.
Cependant, plusieurs éléments positifs pour l'élevage ovin sont apparus ces dernières années. La baisse continue des cours de l'agneau a conduit les éleveurs à réduire leurs coûts, en inventant, par exemple, les bergeries tunnels. Elle a également accéléré l'émergence de filières de produits de qualité. Par ailleurs, l'élevage d'ovins retrouve beaucoup de sa pertinence dans le contexte des contrats territoriaux d'exploitation. En effet, cette production permet de valoriser les surfaces herbagères sans recourir à l'extensification quasi permanente, dont on observe les effets pervers en élevage bovin allaitant.
Il revient aujourd'hui aux partenaires publics et professionnels d'explorer ces pistes. Je souhaite donc connaître, monsieur le ministre, votre point de vue sur les perspectives des élevages mixtes d'ovins et de bovins allaitants. J'aimerais aussi savoir si une action volontariste de l'Etat vous semble pertinente en vue d'encourager et d'accompagner la relance de ce profil d'exploitations agricoles.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je partage totalement votre constat, fondé sur une description rigoureuse et stricte de la situation de la production ovine française.
Cette production mérite toute notre attention : d'abord, parce qu'elle est déficitaire, que nous importons une grande quantité de viande ovine, ce qui fait qu'elle a des marges de progression considérables ; ensuite, parce que, vous l'avez dit, par son caractère extensif, elle s'inscrit dans les nouvelles préoccupations de la société ; enfin, parce qu'elle est marquée par la modicité des revenus des éleveurs, parmi les plus faibles des professions agricoles, et qu'elle mérite donc un effort de solidarité nationale.
C'est précisément parce que j'avais dressé le même constat que le vôtre et parce que j'entends que l'élevage ovin français soit conforté que j'ai confié à M. Michel Thomas, ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts, une mission d'évaluation et de prospective sur l'élevage ovin, à laquelle j'ai souhaité que M. Jean Launay, député du Lot, soit associé.
Il en ressort un bilan complet des contraintes, mais également des nombreux atouts de cette filière, que vous avez évoqués.
Ce rapport souligne la nécessité de mettre en oeuvre des réponses structurelles aux difficultés de la filière afin de lui permettre de retrouver une dynamique. C'est aussi mon opinion.
C'est pourquoi mes services travaillent actuellement, avec l'OFIVAL, l'office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture, et les organisations professionnelles, à la définition d'un programme de mesures structurelles en faveur de l'élevage ovin, dans le cadre, notamment, de l'élaboration des futurs contrats de plan et de la mise en oeuvre de l'enveloppe complémentaire annoncée le 21 octobre dernier par M. le Premier ministre.
Un premier groupe de travail s'est réuni le 7 janvier ; il doit poursuivre ses travaux à la fin de ce mois.
Je souhaite annoncer les orientations de ce plan ovin dès le mois prochain.
Je serai particulièrement attentif à l'articulation de ces appuis avec ceux sur lesquels pourront compter les éleveurs ovins dans le cadre des contrats territoriaux d'exploitation, car le secteur ovin doit trouver, à travers ce nouvel outil, un mode de reconnaissance de sa contribution à l'aménagement du territoire, à la préservation de l'environnement et à l'emploi.
J'ai donc été particulièrement heureux que des éleveurs ovins aient été parmi les tout premiers signataires de contrats territoriaux d'exploitation.
Enfin, le maintien du revenu des éleveurs ovins est un objectif central de l'organisation commune européenne de marché du secteur ovin. Dans l'hypothèse où la question de la réforme de cette OCM pourrait être à l'ordre du jour européen, j'entends faire valoir avec force les intérêts français en la matière.
J'ai donc souhaité la mise en place d'un groupe de travail du Conseil supérieur d'orientation sur ce thème. Ce groupe, auquel participent les instances professionnelles nationales, doit se réunir cette semaine.
Monsieur le sénateur, fort de ce constat, qui est identique au vôtre, je suis absolument déterminé, et, au cours du mois de février, après ce long travail de réflexion initié par la mission de MM. Thomas et Launay, après ce travail avec la Fédération nationale ovine, je souhaite annoncer ce plan national de développement de la production ovine.
M. René-Pierre Signé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je souhaite vous remercier de votre réponse, qui me satisfait à un point tel que mon argumentaire n'a plus d'objet ! (Sourires.)
Je voudrais simplement souligner qu'il faut que soient distinguées, parmi les causes de la situation actuelle, d'une part, les options fondamentales de la PAC de 1992, qui ont fortement incité les producteurs disposant d'élevages mixtes à se débarrasser de leurs troupeaux ovins, et, d'autre part, la réactivité perfectible du système de revalorisation de la prime compensatoire ovine, la PCO.
S'agissant de la PAC et de son effet dissuasif sur l'élevage ovin en zone allaitante, il n'y a sans doute, hélas ! plus à y revenir. En revanche, la mise en place d'une PCO plus efficace, plus proche de la réalité du marché, me paraît être un objectif réaliste. Une réforme en ce sens des règlements communautaires sécuriserait incontestablement le revenu de l'élevage ovin.
Par ailleurs, et pour aller dans le même sens que votre réponse, je souhaiterais que, dans un certain nombre de régions naturelles déterminées, soit favorisée, dans le cadre des CTE, l'installation combinée en ovins et en bovins allaitants. L'action publique pourrait s'exercer au travers de l'élaboration des cahiers des charges des CTE.

RECOMMANDATIONS DE L'IATA CONCERNANT
LE CONTRÔLE AÉRIEN

M. le président. La parole est à M. Cazalet, auteur de la question n° 621, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les retards croissants que connaît le transport aérien en Europe et sur le mécontentement que cette situation suscite auprès des compagnies aériennes.
Selon l'IATA, l'Association internationale pour le transport aérien, qui regroupe 263 compagnies, ces retards auraient progressé de 16 % en 1998 et, pour le premier semestre de 1999, le nombre de vols retardés aurait augmenté de 74 % par rapport à la même période de 1998. Ces retards auraient coûté 5,4 milliards de dollars aux transporteurs.
Tout en reconnaissant que cela ne réglerait que partiellement le problème, cette association mondiale recommande la privatisation totale ou partielle du contrôle aérien et préconise la mise en place d'un ciel unique européen.
La Commission européenne a aussi demandé, début décembre, que soit mis en place d'urgence un espace aérien unique.
Selon elle, ces retards, qui représenteraient pour l'économie de l'Union européenne un préjudice de plus de 5 milliards d'euros, s'expliquent par l'insuffisance des mesures prises au niveau national au regard de la hausse considérable du trafic aérien, mais aussi par le fait que les méthodes de gestion de ce trafic, souvent morcelées entre un pôle civil et un pôle militaire, ont atteint leurs limites.
C'est donc une réorganisation et une augmentation des pouvoirs d'Eurocontrol que prônent Bruxelles tout comme l'IATA.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer la position de la France concernant les recommandations exprimées par l'IATA et par la Commission européenne, ainsi que les solutions que vous préconisez.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Nous sommes aujourd'hui confrontés aux retards aériens, qui ont des conséquences tant sur la qualité du service que sur le plan économique, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur.
Il est important de souligner que ce phénomène est général dans toute l'Europe.
Le nombre des vols et des passagers s'est considérablement accru depuis la libéralisation du transport aérien au début des années quatre-vingt-dix et quelques difficultés particulières à un endroit ont des répercussions sur l'ensemble du trafic national et, souvent, sur le trafic international.
Il s'agit de problèmes liés à l'organisation de la navigation aérienne, qui manque encore de capacités en termes d'espace, de couloirs réservés à la navigation civile - certains sont trop étroits - mais aussi de problèmes liés à la gestion optimisée des flottes des compagnies.
A cela se sont ajoutés, en particulier au premier semestre de 1999, les opérations militaires et humanitaires dans les Balkans, qui ont eu des conséquences importantes sur l'écoulement du trafic, en France et en Europe. On ne peut donc prendre cette période pour référence, d'autant plus que, depuis le milieu de l'été, les retards moyens par vol sont au même niveau qu'en 1998, malgré une croissance du trafic de 8 %, bien supérieure aux prévisions.
Le Gouvernement a la volonté de réduire ces retards tout en gardant notre bon niveau de sécurité ; c'est une priorité, vous vous en doutez. C'est pourquoi nous agissons aux plans national et européen avec Eurcontrol.
Au plan national, nous avons procédé à des recrutements complémentaires de contrôleurs aériens. Pour répondre à l'augmentation du trafic, 270 contrôleurs aériens auront été recrutés de 1998 à 2000, chiffre auquel il convient d'ajouter les 30 recrutements supplémentaires que j'ai obtenus en 1999. Si la croissance du trafic se prolonge, il faudra continuer.
La discussion sur le partage de l'espace aérien entre les autorités civiles et militaires se poursuit favorablement, de sorte que l'aviation civile puisse assurer son développement dans de meilleures conditions.
Au plan européen, la France coopère activement avec ses voisins, notamment au sein de l'organisation Eurocontrol. Cette coopération, qui est fondamentale, porte sur la standardisation des équipements et des communications, le nouveau réseau de routes mis en place au printemps, la densification des fréquences radios ou encore la réduction des espacements verticaux en espace supérieur, prévue pour le début de l'année 2002. Si nous parvenons à réduire l'épaisseur de l'espace dans lequel navigue chaque avion, nous pourront faire naviguer plus d'appareils.
Il reste certes beaucoup à faire ; mais la nouvelle convention Eurocontrol donne des pouvoirs d'initiative renforcés et nous appuyons l'adhésion de l'Union européenne, ce qui permettra d'accélérer les décisions.
En ce début d'année, j'ai rencontré le président d'Eurocontrol. Nous avons discuté de toutes ces questions, notamment du soutien que la France apporte à cette institution.
Enfin, je suis persuadé que ce n'est pas en mettant en cause le service public chargé de la navigation aérienne, qui est le garant d'un niveau optimal de sécurité, que nous parviendrons à régler le problème des retards.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il faut au contraire lui donner les moyens matériels et humains dont il a besoin. Comme vous l'avez souligné en évoquant la position du président de l'IATA, la privatisation du contrôle ne constitue pas la solution permettant de régler les problèmes.
Vous vous doutez, monsieur le sénateur, que ni le Gouvernement ni moi-même ne sommes décidés à suivre cette proposition de privatisation, bien au contraire.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Auguste Cazalet. Je prends acte de votre réponse, monsieur le ministre.

RÉGIONALISATION DU TRANSPORT FERROVIAIRE
DE VOYAGEURS

M. le président. La parole est à M. Haenel, auteur de la question n° 668, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Hubert Haenel. L'expérimentation de la régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs - dont j'ai été l'un des initiateurs - avait pour objet de tester une nouvelle organisation du service public ferroviaire dans les régions et d'irriguer plus finement les territoires grâce à une approche intermodale globale.
Cette expérimentation est un succès. Elle a permis de démontrer que la décentralisation pouvait permettre de « coller » au terrain, si je puis dire, de s'adapter aux réalités géographiques, historiques, économiques et sociales.
L'annonce du projet de loi qui devrait conduire à une généralisation rapide de la régionalisation a suscité quelques craintes et interrogations, voire quelques suspicions, venant de tous bords.
Les conseils régionaux peuvent en effet interpréter l'accélération annoncée par l'Etat comme une manoeuvre pour leur forcer la main alors qu'ils ne disposent pas de toutes les données indispensables pour décider. L'Etat peut aussi voir dans l'attitude de l'Assemblée des régions de France la manifestation d'une sorte de frilosité de quelques régions, qui entraînent les autres dans leur sillage, et un prétexte pour ne pas aboutir à la généralisation de la régionalisation. Quant au personnel de la SNCF, il peut craindre qu'un feu orange ne soit soudainement mis au travers de la voie et ne cache quelques arrière-pensées. Enfin, les usagers peuvent craindre de faire les frais de ce contretemps et d'une éventuelle décélération.
L'attachement personnel que je porte à l'aboutissement de cette réforme me conduit, monsieur le ministre, à vous poser quelques questions.
Devant le Sénat, qui est très souvent en pointe sur ces sujets, pouvez-vous, non pas nous rassurer sur vos intentions, que je crois dépourvues de toute arrière-pensée...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est vrai !
M. Hubert Haenel. ... mais préciser les points suivants : où en est le projet gouvernemental ? Quand souhaitez-vous qu'il soit adopté ? Quel délai impartissez-vous aux partenaires pour conclure - 1er janvier 2001 ou 1er janvier 2002 ? Quelles garanties l'Etat donnera-t-il aux régions sur la pérennité de la contribution qu'il leur versera ? Dans quels délais la SNCF pourra-t-elle produire, donc opposer aux régions et à l'Etat, des comptes transparents et certifiés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Votre question mériterait un débat bien plus approfondi que le cadre restreint de la séance de questions orales ne peut le permettre. Mais, rassurez-vous, ce débat aura lieu, et vite.
Sur le fond, l'expérimentation de la régionalisation des services ferroviaires régionaux de voyageurs est un succès - tout le monde le reconnaît - qui ne peut que nous réjouir et satisfaire l'un des pères de l'expérimentation que vous êtes.
Nous constatons en effet des gains de trafics plus importants dans les régions participant à l'expérimentation que dans les autres.
Les raisons de ce succès sont incontestablement à rechercher dans une meilleure définition des besoins à l'échelon régional, dans une plus grande proximité vis-à-vis de l'usager et dans un partenariat plus riche et constructif entre la SNCF et les régions.
Plus personne ne conteste aujourd'hui, je crois, l'intérêt de la généralisation à l'ensemble des régions du transfert de compétences en matière de service régional de voyageurs. Il convient maintenant d'en définir les modalités techniques, juridiques, financières et législatives ainsi que les délais ; ce sont les questions que vous posez.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que je m'emploie à ce que cela se fasse rapidement et dans des conditions optimales pour tous. Je vous précise que les mesures législatives nécessaires figureront dans le projet de loi solidarité et renouvellement urbains, qui sera présenté en conseil des ministres au début du mois de février et qui devrait être discuté à l'Assemblée nationale en mars et au Sénat en avril.
Vous le savez, il nous faut traiter plusieurs questions. Il s'agit tout d'abord de celle qui concerne le montant des concours financiers nécessaires. Cette décentralisation s'inscrit dans le cadre des principes généraux des lois de décentralisation, fondés sur un transfert de ressources correspondant à l'exercice de la compétence transférée, afin qu'il n'y ait pas de transfert de charges supplémentaire.
Ainsi, la compensation nécessaire tant au renouvellement du matériel qu'à l'apurement de l'éventuel déficit du compte des services ferroviaires régionaux à la date du transfert sera inscrite dans la loi de finances initiale de l'année de transfert. La commission consultative sur l'évaluation des charges résultant des transferts de compétences donnera, en cours d'exercice, un avis sur le montant des charges transférées, sur la base des comptes 2000, de manière à ajuster, s'il y a lieu, le montant de la compensation dans la loi de finances rectificative de la fin de l'exercice.
S'agissant, ensuite, de la date du transfert, la dynamique engagée et l'intérêt qu'elle suscite auprès des autres régions me conduisent à penser que le transfert doit pouvoir commencer dès le 1er janvier 2001.
Cela dit, certaines régions n'auront pas encore pu, à cette date, créer toutes les conditions objectives nécessaires à la mise en place du dispositif final. Aussi, je crois qu'il convient d'être pragmatique et d'envisager, pour elles, la possibilité de mettre en oeuvre la régionalisation au 1er janvier 2002, afin que tout se passe dans les meilleures conditions.
Vous évoquez la nécessité de dresser un bilan périodique de la réforme : il est prévu un rapport au Parlement cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi, sur la base d'une évaluation conjointe de l'Etat et des régions.
Je partage tout à fait votre volonté de voir traités au fond tous les sujets, et c'est d'ailleurs dans ce sens qu'ont commencé, depuis plusieurs mois, les travaux techniques entre les services des régions et ceux du ministère. Une concertation très importante a été engagée, qui a permis à tous les points de vue de s'exprimer. J'ai reçu moi-même les présidents de région pour en débattre, puis j'ai adressé des propositions à l'Assemblée des régions de France le 8 décembre dernier, afin de faciliter la poursuite de la concertation.
Dans cette perspective, les articles relatifs à la régionalisation des services régionaux de voyageurs ont été transmis au Conseil d'Etat.
Bien entendu, la transmission du projet de loi au Conseil d'Etat n'arrête pas la concertation. Elle se poursuivra avant et à l'occasion du débat parlementaire afin de rechercher le meilleur équilibre possible tout en respectant les attentes de chacun des partenaires.
M. Hubert Haenel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Je remercie M. le ministre de sa réponse. Je constate une nouvelle fois que nous sommes souvent sur le même rail. (Sourires.)
J'attends avec impatience le débat que nous aurons sur ce sujet en avril prochain.

SITUATION DES DIFFUSEURS DE PRESSE
ET DES LIBRAIRES

M. le président. La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 626, adressée à Mme le ministre de la culture et de la communication.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je voudrais attirer l'attention sur la grave crise qui atteint les kiosquiers et autres diffuseurs de la presse.
Placés en bout de chaîne, ils subissent les effets pervers d'un système de péréquation mis en place à la Libération, avec la loi Bichet, et jamais modernisé depuis. Juste dans son principe, il a montré ses limites d'application un demi-siècle plus tard.
Les kiosquiers et autres responsables des maisons de la presse sont aujourd'hui victimes de la guerre larvée entre les éditeurs et les Nouvelles Messageries de la presse parisienne, les NMPP, voire les Messageries lyonnaises de presse, les MLP. Ils reprochent, à bon droit, d'être noyés sous des stocks d'invendus et, surtout, de faire l'avance pour des ouvrages ou des publications qu'ils devront renvoyer, faute de clients. Leurs faibles revenus et la lourdeur de leur service - où sont les 35 heures ? - menacent l'existence de la profession, tout particulièrement à Paris, en Ile-de-France ou dans les grandes villes. Or ils sont, on le sait, l'un des éléments importants de l'animation de nos rues et, évidemment, l'intermédiaire essentiel entre celui qui écrit, celui qui émet une opinion et le lecteur, soucieux de s'informer.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour moderniser le système de distribution de la presse dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Mme Catherine Trautmann, qui m'a demandé de vous communiquer la réponse qu'elle a préparée à votre intention.
Depuis plusieurs mois, les diffuseurs font état de difficultés dues à l'augmentation des fournitures de presse, qualifiée d'abusive, et aux conditions de règlement de ces fournitures, comme vous l'avez souligné.
Selon eux, ils consentent encore des avances de trésorerie, cela en dépit des accords conclus voilà environ deux ans avec les messageries, visant à différer les règlements de certains périodiques.
Au milieu du mois de décembre 1999 - voilà par conséquent un mois - les éditeurs, les messageries et les agents de la vente se sont réunis et ont adopté certaines mesures visant à remédier à ces difficultés.
Un groupe de travail sera ainsi créé pour élaborer une refonte des conditions de facturation des fournitures. En attendant ses conclusions, des mesures transitoires sont mises en oeuvre. Par ailleurs, les règles de rappel des exemplaires invendus deviennent plus strictes.
Enfin, une commission de qualification des produits, dont les avis s'imposeront aux messageries, sera mise en place au sein du Conseil supérieur des messageries de presse, afin d'identifier clairement les produits hors presse, soumis à d'autres conditions de distribution que la presse.
Pour ce qui concerne la rémunération des diffuseurs de presse, Mme Trautmann précise qu'elle est fixée par le décret n° 88-136 du 9 février 1988, lequel prévoit les commissions maximales dont peuvent bénéficier les agents de la vente de presse.
Le taux de commission moyen pondéré perçu par les diffuseurs, estimé à 14,8 % par l'Union nationale des diffuseurs de presse, l'UNDP, a été amélioré d'environ 1,5 point entre 1994 et 1997 puisque, dans le cadre du plan de modernisation des NMPP, 147 millions de francs ont été redistribués à 14 400 diffuseurs qualifiés. D'autres solutions doivent aujourd'hui être envisagées pour poursuivre l'amélioration de leur rémunération.
Les NMPP ont ainsi conclu avec les dépositaires de presse un accord par lequel 120 d'entre eux acceptent, par la voie d'une modulation de leur taux de commission, d'apporter leur contribution à un fonds de modernisation des diffuseurs de presse.
Cet effort des dépositaires devrait permettre d'améliorer, au moins partiellement, la rémunération des diffuseurs.
Cette question a été abordée sous l'égide du Conseil supérieur des messageries de presse, et les professionnels poursuivent leur réflexion sur ce point qui fera l'objet de nouvelles réunions prochainement.
Sachez donc, monsieur le sénateur - je connais votre attachement au maintien des kiosques et des librairies indépendantes - que Mme Trautmann porte une attention particulière à l'évolution de la situation des diffuseurs de presse. Elle souhaite que l'ensemble des travaux engagés participent notamment d'un processus d'amélioration de leurs conditions de travail.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, j'ai écouté attentivement la réponse qui m'a été faite. Elle est positive sur trois points essentiels, et d'abord sur la méthode. Enfin les parties se parlent, ce qui n'était plus le cas depuis un certain temps, et c'était bien évidemment la cause première du désordre !
Ensuite, les modalités de distribution sont précisées et un certain nombre de publications qui ne méritaient pas ce traitement de la loi Bichet pourront être écartées.
Enfin, on s'est penché sur la question de la rémunération de ces petites librairies ou de ces petits kiosques indépendants, rémunération terriblement insuffisante.
Tout cela constitue un progrès considérable.
Mais encore faut-il que ce groupe de travail - puisque les mesures que vous avez énoncées sont pour partie effectives et pour partie envisagées - aboutisse à des conclusions rapides, car rien ne serait pire que le statu quo . Je souhaite par conséquent que le Gouvernement, Mme Trautmann tout particulièrement, reste très vigilant pour que, après ce premier effort très méritoire, on obtienne des résultats qui apaisent cette profession et clarifient son sort pour de longues années.

SITUATION DE L'ENSEIGNEMENT BILINGUE
FRANÇAIS-BRETON

M. le président. La parole est à M. Trémel, auteur de la question n° 660, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question était adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, mais M. Zuccarelli connaît très bien le problème que je vais poser !
Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les moyens nécessaires qu'il convient de mettre en oeuvre pour faire face à la croissance constatée de l'enseignement bilingue en français et en breton.
Le souhait de 88 % des habitants de Basse-Bretagne de conserver la langue bretonne et l'avis favorable de 80 % d'entre eux à son enseignement sont des signes évidents de la volonté des habitants de Bretagne de maintenir un élément essentiel de leur culture.
Dans la partie bretonnante, les 5 000 élèves des classes bilingues de l'enseignement public et privé, ainsi que des écoles Diwan représentent aujourd'hui près de 2 % de la population scolaire. Au rythme actuel de 18 % à 20 % d'augmentation annuelle des enfants dans les classes bilingues, cette proportion sera vraisemblablement de 5 % en l'an 2005. Dès lors, il est indispensable de prendre en compte les prévisions d'effectifs pour les années à venir et de créer les meilleures conditions au développement de l'enseignement bilingue, du point de vue tant de l'ouverture des classes que du recrutement et de la formation des enseignants.
En ce qui concerne l'école associative Diwan - ce qui signifie « germe » - il est utile de rappeler que son action est complémentaire de celle des autres filières de l'enseignement bilingue, grâce notamment à son système pédagogique dit « par immersion ». Malheureusement, son développement est menacé par un statut mal adapté. En témoigne la décision récente de M. le préfet de la région Bretagne de porter devant la juridiction administrative une délibération du conseil régional subventionnant la rénovation de bâtiments municipaux de Carhaix, destinés notamment à l'accueil d'un lycée. La prochaine rentrée scolaire de septembre 2000 se préparant dès à présent, l'association Diwan s'inquiète à juste titre de son futur statut.
En conséquence, pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement entend prendre pour répondre aux attentes des parents des élèves des filières bilingues et des élus de Bretagne en matière d'ouverture de classes, de recrutement et de formation des enseignants ?
Pouvez-vous également faire le point de la situation sur les négociations en cours avec l'association Diwan ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, Claude Allègre, en déplacement sur le terrain - déplacement qui était prévu de longue date - m'a prié de l'excuser devant la Haute Assemblée et de répondre en ses lieu et place à la question que vous avez posée.
La situation que vous décrivez a retenu toute l'attention du ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. L'enseignement des langues régionales fait l'objet de plusieurs groupes de travail mis en place par le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. La vitalité de la langue bretonne est une réalité : les élèves qui étudient cette langue et la culture régionale constituent un effectif élevé au regard des autres langues régionales et de l'aire géographique concernée.
Actuellement, conformément à la circulaire du 7 avril 1995, les conditions de mise en oeuvre de l'enseignement des langues et cultures régionales sont définies localement : recteurs et inspecteurs d'académie étudient les projets qui leur sont soumis et apprécient la possibilité de mettre en place des solutions adaptées - classes d'enseignement bilingue, par exemple - en fonction de la disponibilité d'enseignants compétents.
Le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie travaille actuellement sur plusieurs solutions pour faire évoluer la place des langues régionales dans notre système éducatif.
Les groupes de travail précités lui ont rendu leurs conclusions à la fin de l'année 1999.
La réflexion se poursuit particulièrement concernant les recrutements des professeurs des écoles : ceux notamment qui seraient amenés à enseigner une langue régionale doivent voir leurs compétences validées.
Pour les professeurs certifiés, il existe des CAPES série « langue régionale ».
En matière de formation initiale et continue, un groupe de travail ad hoc fera des recommandations qui feront l'objet d'une étude attentive.
Par ailleurs sont formalisées actuellement des propositions pour une éventuelle intégration au service public des écoles associatives pratiquant l'enseignement par immersion.
Cette intégration permettrait une valorisation de cette approche pédagogique dans le respect des objectifs essentiels de l'école publique.
Ainsi, vous le constaterez, monsieur le sénateur, le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie crée les conditions d'une évolution favorable de la situation, qu'il suit avec beaucoup d'attention.
M. Pierre-Yvon Trémel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Je remercie M. le ministre de sa réponse, qui me donne satisfaction par l'intérêt que manifeste le Gouvernement pour l'enseignement des cultures et des langues régionales.
Au demeurant, nous souhaitons que les études menées par les groupes de travail qui ont été cités débouchent rapidement sur des résultats concrets.
En ce qui concerne la formation des professeurs des écoles, notamment, des mesures doivent être prises rapidement.
Enfin, s'agissant des écoles associatives utilisant la méthode par immersion, il serait bon, pour de nombreuses raisons, que le Gouvernement précise sa position dans les meilleurs délais.

TITRES EXIGÉS DES MÉDECINS DE PRÉVENTION

M. le président. La parole est à M. Gaillard, auteur de la question n° 640, transmise à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la centralisation.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai déjà été amené à poser cette question à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité. Elle concerne la situation des médecins de prévention non titulaires de certains diplômes spécifiques requis par la réglementation depuis les décrets du 28 mai 1982 et du 9 mai 1995, chacun de ces textes ayant à l'époque prévu que les dispositions imposant aux personnels concernés d'être titulaires d'un CES de médecine du travail ne seraient pas applicables aux médecins en fonction.
Voici maintenant qu'un décret du 22 octobre 1998 - pris en application de la loi du 1er juillet 1998 relative en renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme - a repris les mêmes dispositions, mais en exigeant de ceux qui sont en fonction et qui ne sont pas titulaires de ce certificat de médecine du travail de suivre un enseignement théorique et de satisfaire à certaines épreuves de contrôle des connaissances avant la rentrée universitaire 2000-2001.
Ne peut-on, dans le cadre de nouveaux textes, appliquer à ceux qui sont déjà en fonction, qui ont fait la preuve de leurs compétences et qui ont rendu des services, la même interprétation libérale que celle qui avait été retenue par les gouvernements de 1982 et de 1995 ?
Mme le secrétaire d'Etat à la santé ne m'a pas répondu sur ce point précis de l'exemption à accorder aux personnels en fonction avant l'entrée en vigueur des nouveaux textes, se contentant de reprendre l'analyse juridique que je venais moi-même de faire. C'est pourquoi je pose de nouveau la question au Gouvernement, en votre personne, monsieur le ministre : la non-rétroactivité des lois n'est-elle pas un principe essentiel de notre droit et ne peut-on exempter les personnels qui exercent depuis longtemps déjà dans la médecine préventive de l'obligation de reprendre des études et de passer des examens, dispositions particulièrement désobligeantes pour des fonctionnaires qui, je le répète, ont fait la preuve de leurs compétences ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous venez de faire la démonstration d'une belle ténacité dans votre démarche ! (Sourires.)
Vous avez en effet déjà appelé l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur la formation et les diplômes requis pour exercer la fonction de médecin de prévention.
Lors de la séance de questions orales sans débat du 26 octobre 1999, donc tout récemment, ma collègue Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, vous avait apporté une réponse que vous avez taxée de « juridisme assez fade » et même « tout à fait plat » - je vous cite, sans que cela signifie que je partage votre sentiment sur ce point.
Les arguments juridiques développés alors, et sur lesquels je ne reviendrai pas, s'appuient, je vous le rappelle, sur une loi, deux décrets et un arrêt du Conseil d'Etat. Ils constituent le droit positif actuellement en vigueur.
Je vous précise, pour la bonne compréhension de chacun, que sont concernés par les dispositions de l'article 28 de la loi du 1er juillet 1998 l'ensemble des médecins de prévention en fonction dans les administrations depuis le décret du 28 mai 1982 et non détenteurs des titres requis.
Cette analyse a été confirmée par le Conseil d'Etat. En conséquence, à la date de promulgation de cette loi, ces médecins doivent suivre l'enseignement et satisfaire au contrôle des connaissances prévus par l'article 28 de cette loi.
Aussi, le dispositif qui a été mis en oeuvre permettra, après une formation et un examen, de valoriser les compétences professionnelles des médecins de prévention qui exercent déjà les fonctions sans en détenir le titre et sanctionnera une réelle qualification de médecin du travail, conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1998.
Soucieux tout autant que vous de la situation individuelle et de l'avenir des médecins concernés, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité poursuit actuellement une concertation avec les enseignants chargés d'assurer la formation de ces médecins, afin de définir les modalités de l'examen final de la première session de formation, qui aura lieu en juin 2000.
Vous avez évoqué les conditions quasi humiliantes qui accompagneraient, selon vous, l'obligation pour ces médecins de se soumettre à un examen. Mais vous savez bien que, dans la fonction publique, les examens revêtent des formes extrêmements variées et sont adaptés à la matière concernée, à l'âge comme au parcours des candidats. Je doute fort, par exemple, qu'une épreuve de dictée leur soit imposée !
Par ailleurs, à l'issue de l'examen final de la première session de formation, je proposerai que nous nous livrions en commun à une évaluation des résultats de façon à tirer un bilan préalable à la seconde session de formation destinée à ces mêmes médecins.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Je précise que mon insistance n'est nullement désobligeante envers Mme Gillot, avec qui je me suis d'ailleurs expliqué lors d'une audition qui a eu lieu en commission des finances.
Je ne méconnais pas du tout le droit du Gouvernement de régler cette question par décret. Je voulais simplement obtenir une réponse nette, et vous me l'avez apportée.
Cette réponse ne me donne pas complètement satisfaction, mais j'ai cru comprendre en vous écoutant que les conditions dans lesquelles cet examen aurait lieu tiendraient compte de la personnalité et des services rendus par les candidats. Je m'incline donc devant votre décision, que je qualifierai de prétorienne.

FINANCEMENT DES ÉQUIPES
DE PRÉPARATION ET DE SUITE DU RECLASSEMENT
DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS

M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 659, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, conformément aux dispositions de la loi d'orientation en faveur des handicapés du 30 juin 1975 et du décret d'application du 25 janvier 1978, l'objectif principal des structures spécialisées que sont les EPSR - équipes de préparation et de suite du reclassement - est bien de favoriser l'accès à l'emploi des personnes handicapées.
De ce fait, les EPSR, se situent au coeur du dispositif d'insertion des travailleurs handicapés, plaçant la personne au centre de leur action en s'appuyant sur un réseau de partenaires dans le cadre d'un véritable maillage territorial.
Les modalités de financement sont régies par une convention avec l'Etat, qui à ce jour finance les dépenses de fonctionnement à concurrence de 75 % au plus. Il revenait à l'organisme gestionnaire des EPSR de prendre en charge les 25 % restants. Il pouvait faire appel à des aides financières locales émanant très souvent des collectivités territoriales. Telle était la situation.
Or la convention pluriannuelle d'objectifs 1999-2003 passée entre l'Etat et l'association générale du fonds d'insertion pour les personnes handicapées, l'AGEFIPH, ouvre la possibilité d'une prise en charge intégrale de 75 % des dépenses de fonctionnement par cette même association, ce transfert se fondant sur la vocation de cette dernière, qu'il n'est pas ici question de remettre en cause, qui est bien de favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Cette convention suscite une double crainte parmi les professionnels. Ils redoutent, d'une part, de voir basculer l'action des EPSR vers un objectif de simple placement, une logique de travail que l'on peut comprendre, mais qui n'intégrerait pas l'action en faveur de l'accompagnement et du suivi, laquelle constitue la véritable « valeur ajoutée » d'une intégration professionnelle de qualité, et, d'autre part, que soient détournés - parce qu'il pourrait être supposé que l'Etat se désengage ; j'emploie tout de même le conditionnel - les partenaires financiers traditionnels des EPSR.
Tout en apportant leur soutien à la personne handicapée au long du processus de reclassement professionnel, les EPSR facilitent en effet l'action des institutions existantes par des interventions complémentaires, que ce soit au moment de la mise ou de la remise au travail ou dans les mois suivants, prenant en compte tous les facteurs qui peuvent influer sur la vie professionnelle, y compris les facteurs sociaux.
Or, déjà en 1995, une circulaire avait recentré l'action des EPSR avec réalisation de contrats d'objectifs. L'objectif essentiel était bien le placement en milieu ordinaire, mais je pense que les reclassements en établissements de travail protégé et en centre de formation, ou les stages en entreprise pourraient être pris en compte dans le processus de reclassement.
Même si le contexte économique n'est pas toujours favorable, même si les situations particulières sont, certes, de plus en plus diverses et complexes, les EPSR se placent au plus près de la personne handicapée et inscrivent leur action dans la durée. Fil conducteur de l'insertion, l'EPSR ne peut oeuvrer que dans un contexte partenarial. Ainsi, dans mon département, cofinancé par le conseil général, l'EPSR est un partenaire essentiel du plan départemental d'insertion des travailleurs handicapés.
Alors que le projet de réforme de la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales avance le principe - admis par tous - de la nécessité de recentrer l'action autour de la personne, ne serait-il pas opportun de donner un nouvel élan à la politique de l'insertion professionnelle des personnes handicapées en rappelant l'esprit de la loi de 1975, qui a inscrit leur insertion parmi les priorités de l'action des pouvoirs publics ? Je pose cette question car l'on pourrait craindre - j'emploie encore le conditionnel - que le transfert du financement vers l'AGEFIPH ne contredise cette affirmation.
Je conclus en vous demandant, madame le secrétaire d'Etat, alors qu'il y a délégation du financement des EPSR à l'AGEFIPH, comment l'Etat envisage de jouer pleinement son rôle d'impulsion et de régulation pour développer la politique d'emploi des personnes handicapées et comment il voit très précisément l'avenir des EPSR ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, vous avez fait part de votre inquiétude quant au devenir des EPSR.
Ainsi que l'a rappelé Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité devant le Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés, le 26 novembre 1998, l'Etat entend assumer pleinement son rôle d'impulsion et de régulation de l'action en faveur des personnes handicapées dans le cadre d'un partenariat qui mobilise le plus efficacement possible les moyens du service public et ceux de l'AGEFIPH.
Vous le savez, les moyens de l'AGEFIPH proviennent du produit de la taxe que les entreprises doivent acquitter pour s'exonérer de leur obligation d'employer des personnes handicapées. Nous avons considéré qu'il était sans doute possible de mobiliser davantage ces fonds dont dispose l'AGEFIPH, et cela en plein accord avec son conseil d'administration et ses animateurs.
C'est dans cet esprit qu'a été signée entre l'Etat et l'AGEFIPH, le 9 décembre 1998, une convention arrêtant un programme d'impulsion et d'accélération de la mobilisation de ces moyens financiers en vue de parvenir à une meilleure insertion professionnelle des travailleurs handicapés.
Dans cette convention, il a bien été rappelé que la détermination des financements accordés aux EPSR privées et aux organismes d'insertion et de placement restait de la compétence du comité de pilotage national et des comités de pilotage régionaux présidés par les directeurs régionaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. L'Etat demeure donc totalement impliqué dans le dispositif par la signature de cette convention.
Comme Mme la ministre l'a bien précisé au président de l'AGEFIPH au moment de la signature de cette convention, ce transfert de compétence ne conduit nullement l'Etat à se désengager de ses responsabilités en matière de politique de l'emploi des personnes handicapées mais, il tend, bien au contraire, à élargir le partenariat par le biais de ce programme spécifique de mobilisation des crédits.
Dans sa décision d'approbation du budget de l'AGEFIPH pour 1999, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé le transfert à cette association du financement des EPSR privées à partir du 1er juillet 1999, prévu par la délibération de son conseil d'administration en date du 19 février 1999. L'AGEFIPH a donc accepté le transfert de cette responsabilité en parfaite harmonie avec la volonté politique affichée.
Il convient de noter que, pour 1999, le total des financements autres que ceux de l'Etat et de l'AGEFIPH, qu'ils émanent des conseils généraux ou des communes, s'est élevé à 22 millions de francs, soit 8 % du total des crédits mobilisés à cet effet.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, des précisions que vous m'avez apportées.
Je me suis fait, en la circonstance, l'écho d'inquiétudes qui se sont fait jour. Vous m'affirmez qu'elles ne sont pas fondées, et je m'en réjouis. J'ai bien noté que l'Etat tenait toujours à jouer son rôle d'impulsion, et je me félicite de la volonté dont vous avez fait état quant à une plus grande mobilisation des fonds disponibles. J'espère simplement que les collectivités locales ne seront pas tentées se reposant sur cette volonté de l'Etat, de se désengager elles-mêmes.

MOYENS DE LUTTE CONTRE LA DOULEUR

M. le président. La parole est à M. About, auteur de la question n° 634, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Nicolas About. Madame le secrétaire d'Etat, notre pays accuse un retard considérable en matière de traitement de la douleur.
Sans doute notre culture judéo-chrétienne, qui considérait la souffrance physique comme une forme de rédemption, n'est pas étrangère à ce phénomène. Mais le corps médical, auquel j'appartiens, a également sa part de responsabilité : enfermé dans une technicité toujours plus poussée, il a négligé la prise en compte des souffrances du malade, occupé qu'il était à soigner les causes du mal plutôt que ses effets. Trop longtemps, la lutte contre la douleur est restée le parent pauvre de la médecine.
Un plan ministériel anti-douleur a été mis en place par votre prédécesseur, M. Kouchner. Ce plan comportait des mesures intéressantes, notamment l'utilisation d'antalgiques puissants à destination des enfants et la disparition du célèbre carnet à souches, qui limitait de manière absurde les prescriptions de certains produits morphiniques par les médecins, lesquels ne pouvaient que craindre de se voir éventuellement mis en cause.
Néanmoins, ce plan triennal fait l'impasse sur le renforcement des moyens actuellement mis à la disposition des services hospitaliers anti-douleur.
Au sein des hôpitaux de l'Assistance publique, ces centres sont encore rattachés aux services d'anesthésie-réanimation. En conséquence, ils ne sont pas prioritaires dans l'affectation des moyens qui sont globalement mis en oeuvre dans ces services. Pourtant, dans certains centres, beaucoup de médecins font preuve d'un très grand dévouement auprès de leurs patients et travaillent sans relâche pour les soulager. Faute de moyens en personnel, il sont aujourd'hui débordés, alors que l'état de leurs patients nécessiterait un examen et des soins approfondis. Est-il normal de faire patienter pendant des heures dans une salle d'attente des personnes, qui souffrent parfois le martyr, pour une simple consultation avec un spécialiste ?
Madame le secrétaire d'Etat, quelles mesures allez-vous prendre pour améliorer les services anti-douleur de l'Assistance publique ? A quand un renforcement de leurs moyens financiers et humains ? A quand une véritable reconnaissance de ces centres spécialisés, qui réalisent un travail remarquable, et souvent méconnu, auprès des malades ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, comme vous le rappelez dans votre question, le Gouvernement, conscient du retard pris en matière de lutte contre la douleur dans notre pays, a lancé il y a maintenant deux ans un plan triennal pour y remédier.
Ce plan, annoncé par Bernard Kouchner en mars 1998, était essentiellement composé d'une série de mesures destinées non pas à créer des structures hospitalières spécifiques de lutte contre la douleur, mais à aider l'ensemble des professionnels à modifier leur comportement face à la douleur.
En effet, cette lutte doit être collective. Elle doit d'abord être transversale à toutes les spécialités hospitalières et concerner tous les patients, quelle que soit la pathologie dont ils souffrent : des tout petits enfants jusqu'aux personnes très âgées en passant par les cancéreux, les personnes souffrant de douleurs chroniques rebelles et les personnes en fin de vie. Elle doit mobiliser l'ensemble des professions de santé, médecins hospitaliers, médecins de ville, infirmières bien sûr, qui sont essentielles dans la lutte contre la douleur, aides-soignantes enfin, car c'est souvent à elles que l'on ose dire que l'on a mal.
Il est également apparu important d'informer largement les patients de l'existence de moyens efficaces de lutte contre la douleur : celle-ci n'est plus une fatalité.
Il s'agit donc d'une attitude générale différente face à la douleur que le Gouvernement a cherché à promouvoir à travers ce plan triennal.
Dans ce cadre, il a été demandé aux établissements - par voie de circulaire budgétaire aux agences régionales de l'hospitalisation - d'inscrire la lutte contre la douleur au titre de leurs priorités de santé publique pour 1999, puis à nouveau pour 2000 - j'y ai veillé tout particulièrement -, à charge pour chacun d'eux de définir les moyens d'y parvenir. A cet égard, les efforts faits par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris - AP-HP -, à propos de laquelle vous m'interrogez plus particulièrement, ont été tout à fait importants, même si ces efforts méritent d'être poursuivis ; du reste le plan triennal n'est pas encore parvenu à son terme.
Selon le dernier recensement disponible, il y a aujourd'hui à l'AP-HP douze consultations, huit unités et quatre centres de lutte contre la douleur chronique rebelle, pour un total, dans la France entière, de quatre-vingt-huit consultations, cinquante-huit unités et vingt-trois centres. Certes, ces structures sont encore fragiles et souvent liées aux services d'anesthésie-réanimation, qui sont les premiers à s'être mobilisés sur cette question. Mais les choses changent puisqu'il apparaît, selon une étude récente, que plus de 50 % des demandes de prise en charge pour douleur à l'AP-HP sont maintenant suivies par des équipes pluridisciplinaires incluant des neurologues, des rhumatologues, des médecins généralistes et des psychiatres.
En fait, l'augmentation notable des moyens médicaux qui ont été redéployés hôpital par hôpital au profit de cette activité - 32,2 médecins équivalents temps plein à la fin de 1998, pour 14,2 en 1992 - montre que la plupart des établissements sont devenus conscients qu'il faut consolider ces structures de lutte contre la douleur.
Par ailleurs, sur quarante et un hôpitaux et centres hospitaliers de l'AP-HP, trente-huit ont décidé, au cours de l'année 1999, de se doter d'un comité de lutte destiné à impulser, orienter, coordonner et suivre les actions menées contre la douleur dans l'établissement.
Ces éléments témoignent de ce que nous sommes parvenus à progresser vers l'objectif qui était le nôtre : que la lutte contre la douleur devienne une préoccupation collective de la communauté médicale plutôt que le combat de quelques-uns. Notre propos n'est pas de faire valoir une reconnaissance particulière à certains centres en tant que centres spécialisés : nous voulons faire en sorte que lutter contre la douleur soit un souci partagé par le plus grand nombre et que le savoir-faire en la matière soit diffusé le plus largement possible à partir de ceux qui le détiennent.
M. Nicolas About. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de cette réponse, même si elle se situe essentiellement au niveau des grands principes et de l'intention. Je persiste en effet à considérer que nous accusons un grand retard dans la lutte concrète contre la douleur. Il faut, selon moi, encore accroître les moyens consacrés à la recherche, menée dans le cadre d'équipes pluridisciplinaires, ainsi que ceux de l'enseignement à cet égard.
Par ailleurs, il faut des femmes et des hommes sur le terrain, dans les services d'urgence, dans les consultations, capables de répondre au moment où la souffrance s'exprime, et pas seulement un comité anti-douleur au sein duquel on réfléchit toujours sur ce qu'il convient de faire ; il faut des personnes formées pour répondre directement à la souffrance des malades.
Cela étant, peut-être aujourd'hui a-t-on un peu moins mal qu'avant. Des efforts sont faits, c'est indiscutable, mais il est indispensable qu'ils soient amplifiés.

DÉVELOPPEMENT DES MAGASINS D'USINE

M. le président. La parole est à M. Raffarin, auteur de la question n° 661, adressée à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
M. Jean-Pierre Raffarin. Madame le secrétaire d'Etat, nous voyons aujourd'hui se développer dans toutes les régions de France ce concept de commercialisation qu'on appelle « magasins d'usine » et qui suscite une grande inquiétude à la fois chez les partenaires économiques et chez les élus locaux.
A la base de ce concept, on trouve cette logique de la vente directe qui semble prendre une place de plus en plus importante dans notre économie et qui tend à la suppression de tous les intermédiaires.
D'ailleurs, cette tendance ne touche pas seulement l'économie et le commerce. Ainsi, disent certains, les nouvelles technologies pourraient être utilisées pour dispenser de l'enseignement sans professeur. D'une manière générale, dans toute une série de domaines, on cherche à réduire le plus possible l'intervention humaine.
Cette destruction des structures de médiation dans notre société pose un problème extrêmement grave. Parmi ces structures de médiation figurent notamment les PME, en particulier dans le commerce et l'artisanat, qui constituent aussi à ce titre un élément essentiel de cohésion sociale.
La logique de la vente directe que je viens d'évoquer va de pair avec une logique de gigantisme et de concentretion. On implante, dans des zones faiblement peuplées à l'origine, d'immenses zones de chalandise, vers lesquelles on s'efforce de drainer toute la clientèle résidant dans un rayon de deux cents ou trois cents kilomètres. Il y a là un facteur de destruction du territoire : sur un espace énorme, on cherche à créer une sorte d'hyper-zone commerciale, alors même que nous nous efforçons, avec les collectivités territoriales, de reconstituer des liens sociaux, de bâtir des espaces de cohésion.
Actuellement, dans la région Poitou-Charentes, il y a un projet à Soudan, sur lequel vous avez été alertée par le président de l'Association des commerçants de Niort, M. Aroldi, et par le président de l'Association des commerçants de Poitiers, M. Poirier. Il semble que tous les partenaires économiques soient hostiles à ce projet mais que les services de l'Etat dans le département y soient favorables.
Aussi, je vous poserai trois questions. Quelle est la position du Gouvernement sur les magasins d'usine en général ? Le dispositif législatif et réglementaire vous paraît-il suffisant aujourd'hui pour que le Gouvernement maîtrise ce phénomène ? Enfin, si vous ne disposez pas des moyens législatifs et réglementaires pour maîtriser un tel phénomène, comptez-vous faire des propositions, afin d'aboutir à une véritable redynamisation de la politique commerciale à partir des petites et moyennes entreprises ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, le concept de magasins d'usine, tel qu'il avait été inscrit dans la loi en juillet 1996, a été effectivement détourné de son objet. A l'origine, il s'agissait pour les producteurs de vendre directement dans des sites industriels - là où la main-d'oeuvre avait fabriqué ces produits - les « sur-stocks » comme on dit couramment, ainsi que, éventuellement, les séries qui avaient connu quelques difficultés sur la marché.
Aujourd'hui, il s'agit de tout autre chose : c'est une solderie largement organisée, avec ce que l'on appelle de la « dégriffe » ou de la « démarque ». Lorsque cent articles sont commandés dans nos industries textiles pour être vendus à un prix raisonnable et avec un service au client dans les commerces traditionnels, mille articles le sont pour la vente dans les magasins d'usine vers lesquels les clients sont acheminés en car, en charter ou en train.
Comme vous le savez, depuis quelques mois nous avons remis au coeur du dispositif le magasin d'usine. Je n'exclus pas qu'il faille redéfinir ce concept, mais les promoteurs immobiliers, car ce sont eux les opérateurs, qui conduisent ce type d'opération sont en train de trouver d'autres façons de jouer avec le droit - ce qui m'a permis récemment de dire qu'il n'y a pas d'éthique en économie - et d'organiser à nouveau ces hypersolderies, à l'image d'une forme de vente à l'américaine sur palette qui tue non seulement le commerce de centre-ville et de proximité, mais aussi les emplois dans les services alors même qu'avec la nouvelle société telle qu'elle se dessine, caractérisée par moins de production de masse et plus de qualité, c'est vers le service qu'il faut s'orienter.
Nous nous opposerons fermement et je ne sais d'où vous viennent les informations que vous avez citées à propos des services de l'Etat, mais Mme Ségolène Royal elle-même, qui est proche du lieu du projet que vous avez évoqué, a confirmé que nous nous y opposions. Bien sûr, il faut que la commission départementale d'équipement commercial se prononce. S'il y a quatre voix contre, l'Etat ne bougera pas bien évidemment, mais je pense que le promoteur va bouger.
S'agissant de deux projets qui lui ont été déférés sur l'initiative du préfet parce que je l'avais demandé à ce dernier - car j'estime que les commissions départementales d'équipement commercial ne sont pas la bonne échelle pour les zones de chalandise de magasins d'usine - par deux fois la commission nationale d'équipement commercial s'est prononcée contre. Je pense qu'elle a donc une vision des choses qui rejoint la nôtre. Si vraiment, contre ces super-solderies, nous n'arrivons pas à autre chose que du droit à nouveau, si la régulation ne se fait pas par l'éthique économique, elle se fera par la réglementation.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de cette importante clarification. Toute ambiguïté est ainsi levée. Je pense que tous les partenaires locaux entendront clairement votre message et que l'ensemble des partenaires économiques pourront ainsi être rassurés.

ASSUJETTISSEMENT À LA TVA
DES SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT

M. le président. La parole est à M. Courtois, auteur de la question n° 647, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Patrick Courtois. Madame le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur un problème qui avait déjà été évoqué par mon collègue André Pourny dans sa question écrite du 9 septembre 1999, restée jusqu'à présent sans réponse et relative à l'assujettissement à la TVA des subventions d'investissement versées par des collectivités locales à d'autres collectivités locales.
Dans le cas précis où une commune perçoit une subvention d'investissement du conseil régional, du conseil général, voire de fonds européens, par exemple pour la construction d'une usine-relais, mais c'est vrai également pour d'autres équipements, et que la collectivité locale choisit d'entrer dans le régime normal d'assujettissement à la TVA, les services fiscaux semblent considérer que cette subvention est toutes taxes comprises et que, par conséquent, la commune est redevable de la TVA sur la subvention octroyée par les collectivités publiques citées précédemment. Ce raisonnement conduit à rendre imposable à la TVA toutes les recettes d'investissement, ce qui paraît pour le moins paradoxal. Il semblerait logique, au contraire, que lorsque les communes optent pour ce mode de fonctionnement, ou qu'elles y soient obligées par une disposition législative, seules les recettes de fonctionnement, c'est-à-dire, dans ce cas précis, les loyers, soient assujetties à la TVA.
Je vous demande donc de bien vouloir nous indiquer l'action que le Gouvernement entend mener dans ce domaine pour permettre aux communes de bénéficier de subventions d'investissement provenant d'autres collectivités locales et qui seraient non imposables à la TVA.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Je veux vous rassurer, monsieur Courtois, bien que, vous avez parfaitement raison, dans certains cas la même situation soit décrite. Sachez cependant que les subventions d'investissement, c'est-à-dire celles qui, au moment de leur versement, sont allouées pour le financement d'un bien d'investissement déterminé, ne sont pas imposables à la taxe sur la valeur ajoutée. Il s'agit d'une précision importante.
Ainsi, lorsque la délibération de la collectivité locale - conseil régional ou conseil général - qui accorde une subvention indique que cette aide est allouée pour la construction d'une usine relais par une autre collectivité, la subvention en cause n'a pas à être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.
Cela étant, puisque les élus de votre région et vous-même avez rencontré, semble-t-il, des difficultés, je vous propose de nous faire parvenir l'ensemble des éléments sur ce cas précis, pour que M. Christian Sautter, Mme Florence Parly et moi-même puissions récrire les circulaires afin que plus personne ne se trompe. D'ailleurs, la pratique des budgets hors TVA devrait conduire à la limpidité des procédures.
M. Jean-Patrick Courtois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courtois.
M. Jean-Patrick Courtois. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de cette réponse précise, qui va dans le sens de la demande des collectivités locales.
En fait, le cas était très simple. Une commune a créé une usine-relais. Le département et la région lui ont accordé deux subventions pour réduire son emprunt. La direction des services fiscaux a considéré qu'il s'agissait de recettes et que ces deux subventions devaient être soumises à la TVA.
Ainsi, sur 750 000 francs de fonds alloués par le département et la région, 130 000 francs devaient être reversés à l'Etat au titre de la TVA. Le problème financier n'était pas réglé et la commune aurait dû emprunter davantage. En outre, le département et la région finançaient ainsi l'Etat, ce qui était pour le moins paradoxal, vous le reconnaitrez, madame le secrétaire d'Etat.
Aussi, je suis heureux de votre réponse, qui va clarifier la situation et nous permettre de résoudre ce problème.

TAXE PROFESSIONNELLE DE PANTIN

M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet, auteur de la question n° 664, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question porte sur le contentieux entre la ville de Pantin - où je suis élue - et le ministère des finances concernant la dotation compensatrice versée aux collectivités locales en raison des réductions de bases d'imposition de la taxe professionnelle dites réductions pour embauche et investissement.
Ce dossier remontant à 1987, permettez-moi d'en rappeler brièvement l'historique.
En 1991, notre commune a constaté que cette dotation compensatrice était établie, depuis 1987, uniquement à partir des rôles généraux sans tenir compte des rôles supplémentaires. Il apparaît que cette pratique est dénuée de base légale, car ni le décret du 28 mars 1957 ni la loi de finances pour 1987 ne font cette distinction.
Cette perte de recettes fiscales a donc conduit le maire de Pantin à saisir le directeur des services fiscaux de Seine-Saint-Denis puis le ministre du budget. Ses demandes n'ayant pas abouti, la ville a, en 1992, engagé une procédure judiciaire pour obtenir le paiement des sommes dues.
Par jugement du 3 décembre 1996, sur cette question, le tribunal administratif de Paris a fait droit aux prétentions de la ville. En avril 1997, le ministère du budget a interjeté appel de cette décision, laquelle n'en demeurait pas moins exécutoire.
En mars 1999, le ministère du budget versait, à titre provisionnel, la somme de 7,5 millions de francs à la commune de Pantin, sur la base de l'évaluation des services fiscaux, sous réserve de la décision de la cour d'appel, mais refusait l'actualisation de cette somme et l'explication de son mode de calcul. La ville, quant à elle, a procédé à l'évaluation de son préjudice, qu'elle a estimé à 20 millions de francs, soit 41 millions de francs réactualisés.
Par délibéré du 7 avril 1999, la cour administrative d'appel de Paris confirmait la décision du tribunal administratif, à savoir le versement par l'Etat à la ville de Pantin - dans un délai de six mois - de la dotation compensatrice, correspondant aux produits des rôles supplémentaires établis au titre des années 1988, 1989, 1990 et 1991.
Je ne détaillerai pas les nombreuses démarches qui ont été engagées pour tenter de trouver une solution amiable et débloquer la situation. Je regrette qu'elles n'aient pu aboutir.
Aujourd'hui, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie arguant de « l'enjeu juridique et budgétaire de cette question pour l'Etat » a décidé de former un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.
L'attitude du ministère, qui consiste à utiliser toutes les procédures juridiques pour retarder l'exécution des décisions de justice, pénalise encore davantage la municipalité et ses contribuables.
Alors que les transferts de charges entre l'Etat et les collectivités deviennent de plus en plus lourds, le préjudice subi par Pantin dans cette affaire a amené la municipalité à contracter des emprunts supplémentaires pour répondre aux besoins de la population.
Pour apurer au plus vite ce contentieux, je formulerai une triple demande, madame la secrétaire d'Etat. D'abord, je vous demande d'intervenir pour annuler le recours en cassation, car dans un pays comme le nôtre deux jugements de justice devraient suffire pour statuer sur un tel contentieux. Ensuite, je vous demande de faire respecter la transparence du dossier en transmettant au maire de Pantin, tenu au secret fiscal, tous les éléments permettant un examen contradictoire du préjudice subi. Enfin, je vous demande de respecter les décisions de justice en procédant au versement de l'intégralité des sommes dues réactualisées, correspondant au préjudice réel subi par la ville.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Madame le sénateur, il s'agit en effet d'une longue affaire puisque la cour d'appel de Paris, vous l'avez rappelé, a admis la demande de compensation de la REI, la réduction de taxe professionnelle pour embauche et investissement, au titre des rôles supplémentaires.
Il semblerait qu'à l'issue d'un dialogue qui a été extrêmement constructif avec la commune de Pantin et auquel vous avez participé - vous êtes un élément actif du dossier, si je puis me permettre ce raccourci un peu familier - il a été demandé que lui soit versée, à titre provisionnel, la somme de 7,5 millions de francs correspondant au montant du préjudice estimé, qui pose effectivement problème, comme vous l'avez dit tout à l'heure, entre la direction générale des impôts et la commune de Pantin. Certes, ce montant est éloigné des demandes initiales de la commune, mais celles-ci résultent d'extrapolations sur lesquelles les services fiscaux, les services de la ville et les juristes qui ont étudié ce dossier ne sont pas d'accord. Je ne trancherai pas ici ce débat. Les services fiscaux ont encore récemment reçu les élus. Vous disposez maintenant de tous les éléments de calcul. Je pense qu'il doit être possible d'organiser une nouvelle rencontre à ce sujet.
Si l'Etat a poursuivi la procédure, c'est parce que - c'est en tout cas l'avis du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et c'était celui du ministre du budget de l'époque - il faut avoir une lecture claire des choses, car de nombreuses communes pourraient un jour être concernées par un problème similaire. Il faut une lecture claire des choses et, en fait, une lecture du droit. Cette situation est en effet pénible pour la commune de Pantin, chacun le reconnaît ; c'est aussi un peu délicat pour les services fiscaux. Nous espérons donc que, après cette lecture définitive, on pourra réécrire les choses, en sachant bien que si, s'agissant de la REI, des problèmes se posent, l'Etat, quand il en a pris l'engagement, prend en charge une partie de la taxe professionnelle. C'est en effet la deuxième année consécutive que l'Etat prend en charge la part « masse salariale ».
Il faut donc une lecture du droit car, compte tenu des dispositions votées l'an dernier, l'Etat ne souhaite pas, ayant pris de nombreux milliards de francs à sa charge dans son budget et pour très longtemps, avoir des ennuis concernant les ajustements.
Vous transmettrez aux élus de Pantin que, au vu des éléments qui ont été donnés la dernière fois, une autre rencontre peut avoir lieu, mais que l'Etat souhaite avoir une vraie lecture qui permettra d'éclairer par anticipation les contentieux à venir.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse extrêmement courtoise et positive. Comment ne pas être d'accord avec vos propositions concernant une autre rencontre et une nouvelle lecture, puisque nous ne partageons pas celle que vous faites ?
Cependant, votre réponse m'amène à faire quelques commentaires.
Premièrement, lorsque nous avions rencontré M. le ministre en délégation avec les élus de Pantin, nous avions tous cru comprendre qu'il appliquerait les décisions de justice sans faire appel. Aujourd'hui, ce n'est pas tout à fait le cas, et nous le regrettons.
Deuxièmement, cette question, vous vous en doutez, sensibilise les habitants de Pantin. Le conseil municipal a adopté à l'unanimité - j'y insiste - une pétition qui est actuellement signée par de très nombreux Pantinois, ce qui montre l'attachement de ces derniers à récupérer les sommes qu'ils jugent être les leurs.
Enfin, vous avez évoqué la nécessité d'une transparence et d'une clarté entre l'Etat et les collectivités, et nous sommes sur ce point totalement d'accord. J'ajouterai - et vous partagez ce point de vue, je le sais - la confiance.
Je souhaite donc que vous pesiez de tout votre poids dans le Gouvernement pour intervenir avec le plus d'efficacité possible auprès du ministère afin qu'un accord acceptable soit enfin trouvé entre les deux parties et que chacun soit ainsi satisfait.

RÉFORME DE LA CAISSE DES DÉPÔTS
ET CONSIGNATIONS

M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 667, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite, avec ma question orale, obtenir des réponses claires à propos d'un projet de création d'un établissement de crédit privé regroupant, en fait, l'ensemble des activités concurrentielles de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, que celles-ci soient filialisées ou non. Il ne s'agirait pas d'une grande première, et c'est bien ce qui m'inquiète. Ne s'agit-il pas, en effet, d'un long cheminement ?
Le Crédit local de France-Dexia est aujourd'hui passé sous contrôle de capitaux belges. La création de CDC-Marchés et l'ouverture du capital de la Caisse nationale de prévoyance s'inscrivent dans cette évolution.
Le projet auquel je fais référence est une étape qualitativement nouvelle et importante. Il s'agirait d'une banque d'investissement comprenant 2 800 personnes, dont 850 fonctionnaires et salariés provenant de l'établissement public Caisse des dépôts et consignations. Le capital serait de 32 milliards de francs, issus de la CDC - soit presque la moitié - et donc de 32 milliards de francs d'argent public.
Confirmez-vous ces objectifs et ces intentions ?
Cette situation, si elle se confirmait, serait extrêmement grave. En effet, le démantèlement de la CDC serait programmé, donc organisé. Ses missions d'utilité publique et sociale seraient remises en cause à un moment où la France en a pourtant besoin pour tous ses grands projets urbains de fond, soustraits à toutes les spéculations. De nombreux emplois seraient supprimés. La CDC compte plus de 400 filiales correspondant à un bassin d'emploi dans lequel on pourrait privatiser puisqu'il ne représente aucune réalité juridique reconnue.
Cette analyse est notamment celle de l'intersyndicale Caisse des dépôts constituée de la CGT, de la CFDT, de la CGC et de la CFTC.
L'attachement des personnels à la CDC n'est pas seulement lié à l'emploi. Il s'agit d'une pratique et d'une technicité de gérants des fonds publics qui vivent au quotidien toutes les tentations de privatisations.
Aujourd'hui, que reste-t-il du secteur public économique et financier ? La Caisse constitue le dernier élément, et M. le Premier ministre s'était engagé à stopper le démantèlement.
C'est d'ailleurs la constitution de fonds de réserve qui inquiète les salariés : 3 milliards de francs pour les futurs fonds de réserve pour les retraites et 3 milliards de francs pour les travaux de renouvellement urbain.
Cette décision n'exprime-t-elle pas une hâte de préservation de fonds publics avant la débâcle, livrant aux marchés financiers les activités de la CDC ?
Je voudrais insister, madame la secrétaire d'Etat, sur l'importance des fonds publics concernés. L'aisance des finances publiques ne résulte-t-elle pas aussi des résultats prospères de certaines sociétés, en particulier des entreprises dont l'Etat est principal ou unique actionnaire ? Combien l'Etat a-t-il récupéré en 1999 ? Une bonne vingtaine de milliards de francs, nous dit-on. Autant sont prévus au budget de l'Etat pour l'an 2000.
M. le secrétaire d'Etat au budget reconnaissait cette prospérité en affirmant que les « versements réalisés au cours du premier semestre font apparaître une hausse sensible par rapport aux prévisions de la loi de finances ». La CDC n'a-t-elle pas enregistré une hausse de 47 % de son bénéfice au cours du premier semestre, hausse due essentiellement aux plus-values de 2 milliards de francs dégagées lors de la fusion Sanofi-Synthélabo, dont elle est actionnaire ?
Combien la CDC aura-t-elle encaissé de plus-values lors de la fusion Elf-Total ? Combien aura-t-elle encaissé lors de l'opération BNP-Paribas ?
Les habitants des banlieues de l'ouest et du sud-ouest de Londres seraient sans doute bien étonnés d'apprendre que leur ligne de bus habituelle appartient à la CDC, que celle-ci s'occupe des soixante-dix kilomètres du nouveau tramway de Porto, du premier tramway irlandais à Dublin, qu'elle participe à la cinquième ligne du métro de São Paulo - 800 000 voyageurs par jour - qu'elle pilote la modernisation du métro de Londres, de l'ensemble du réseau du Luxembourg, et de celui de New York. L'Etat français, via la CDC, a-t-il vocation à organiser les transports en commun de la planète ?
L'importance des fonds concernés fait de la CDC un investisseur de premier plan. Cette mission rémunérée lui a permis d'accumuler 70 milliards de francs de fonds propres, qu'il faut évidemment gérer et investir. La gestion des stations skiables fait de la CDC le leader mondial des remontées mécaniques ; mais il y a aussi l'assainissement de l'eau, le traitement des déchets, le chauffage urbain, les projets de chemin de fer, d'autoroutes, de constructions d'aéroports, de ports, de pipe-lines... Nous sommes en plein coeur de l'investissement capitaliste !
Mes questions sont claires : voulez-vous livrer les capitaux français, le savoir-faire, les personnels à l'investissement d'un pôle capitaliste agissant au profit exclusif des puissances d'argent sur le plan mondial ? Pourquoi refusez-vous d'envisager la création d'un pôle français tourné vers les investissements dont la vie sociale et économique de notre pays a pourtant grandement besoin, et que le Gouvernement n'avait pas rejetée dans son principe il y a plusieurs mois ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. L'action menée par le Gouvernement depuis juin 1997 à l'égard du secteur financier vise à remettre celui-ci au service de la croissance et de l'emploi, par une action convergente dans trois domaines.
Tout d'abord, la modernisation du secteur financier public a été engagée, dans l'intérêt de l'Etat et du contribuable comme dans celui des entreprises et de leurs salariés, afin de permettre à ces entreprises de participer avec ambition aux évolutions futures. C'est cette stratégie qui a, par exemple, imposé le maintien de la Caisse nationale de prévoyance, la CNP, dans le secteur public.
Par ailleurs, est menée une action structurelle pour améliorer les conditions de fonctionnement de notre secteur financier dans le cadre du marché de l'euro, action dont témoigne notamment la réforme des taux réglementés qui permet de concilier protection de l'épargne populaire et financement du logement social, puisque nous perdions une grande partie de nos financements.
Enfin, est engagée une stratégie de croissance favorisant le risque et l'innovation aux dépens de la rente, à travers la mise en place des « contrats en actions », de mesures en faveur de la création d'entreprises, des dispositions sur la modernisation du secteur financier de la loi du 2 juillet 1998 portant diverses mesures d'ordre économique et financier...
C'est dans ce cadre général que s'inscrit l'action du Gouvernement à l'égard de la Caisse des dépôts et consignations. Depuis sa création en 1816, la Caisse des dépôts et consignations a su constamment évoluer pour se mettre en position d'accomplir au mieux les missions que lui ont confiées les pouvoirs publics. Elle est aujourd'hui un acteur majeur de l'économie française. Elle est présente dans de nombreux secteurs d'activité : services bancaires et financiers, gestion des caisses de retraite, assurance de personnes, ingénierie et services aux collectivités locales. Au-delà de cette diversité s'impose un objectif : servir l'intérêt général, qu'il s'agisse de venir directement en appui aux politiques publiques ou de participer à la stabilité et au développement de l'économie.
Cette dualité, qui est au coeur même de la vocation de la Caisse des dépôts et consignations, doit cependant s'exercer dans des conditions de complète transparence et dans le respect des règles de concurrence.
L'objectif est double.
Il s'agit, d'une part, de consolider et de renforcer ses missions d'intérêt général : gestion des fonds d'épargne, développement local, aide à la modernisation des collectivités locales, lutte contre les exclusions, en particulier avec les caisses d'épargne, l'environnement et le développement durable, autant de missions importantes.
Il s'agit, d'autre part, de veiller à la viabilité et au développement de ses métiers financiers, dont il faut aujourd'hui assurer la réussite en leur fournissant les moyens nécessaires à leur développement.
C'est dans ce contexte que le directeur général de l'établissement a récemment présenté un projet visant à clarifier l'organisation du groupe Caisse des dépôts. L'appréciation du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Christian Sautter, sera guidée par deux préoccupations : toute évolution devra avoir pour objectif premier de renforcer la légitimité et l'efficacité de la Caisse des dépôts et consignations au service de la collectivité et de l'intérêt général ; l'unité et la cohérence du groupe devront être consolidées, en particulier sur le plan social. La Caisse des dépôts doit donc faire évoluer son organisation. Bien entendu, cela ne pourra se fairequ'après une concertation approfondie.
Je souhaiterais conclure en soulignant que ce projet doit renforcer le pôle financier public mis en place par Dominique Strauss-Kahn dans la loi relative à l'épargne et à la sécurité financière, sur l'initiative du groupe communiste. Le secteur public doit en effet s'appuyer sur un pôle puissant, structuré autour de la Caisse des dépôts et consignations avec, notamment, la Caisse nationale de prévoyance, La Poste, la Banque de développement des petites et moyennes entreprises, la BDPME, et les caisses d'épargne.
Fondé sur deux grands réseaux populaires, eux-mêmes appuyés par l'expertise de la Caisse des dépôts, de la CNP et de la BDPME, ce pôle a vocation à animer une forme importante du service public de l'épargne, au service de l'emploi et de la formation.
Il faut rappeler aux collectivités locales et aux entreprises l'existence de ces outils si efficaces, qui sont parfois oubliés.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier de votre réponse, même si cette dernière ne me satisfait pas complètement. Il serait bon que le Parlement revienne sur notre proposition de création d'un pôle financier public qui définirait, au-delà des grandes orientations, la possibilité d'atteindre rapidement les missions de service public définitives.
Bien entendu, je partage totalement le point de vue que vous avez rappelé ce matin sur la transparence. Vous faites état d'un projet de M. le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Evidemment, ce projet doit être maintenant discuté avec toutes les parties. Par ailleurs, il serait bon de discuter rapidement la proposition de l'intersyndicale de la Caisse des dépôts et consignations qui tend à rejeter une séparation entre les activités d'intérêt général et les activités financières concurrentielles. En effet, cette solution permettrait, à notre avis, un contrôle démocratique qui assurerait une transparence totale, tout en préservant l'ensemble des personnels de la caisse et leur statut.
Je pense que le Gouvernement tient compte du fait que le Parlement est l'autorité de tutelle de la Caisse, conformément à l'ordonnance que vous venez de rappeler. A ce seul titre, le Parlement doit être consulté sur ce projet de constitution d'un établissement privé qui s'appellerait CDC finances et sur les conditions de gestion des fonds propres. Il doit, à notre avis, porter un jugement sur l'utilisation de l'argent public et en assurer le contrôle. Madame la secrétaire d'Etat, vous avez rappelé toutes les missions de la CDC, qui concernent évidemment beaucoup de Français : les locataires, les épargnants, les assurés, les retraités, les élus locaux et les créateurs d'entreprise. Le débat amorcé ce matin devra se poursuivre.

CONSÉQUENCES DE LA BAISSE DE LA TVA À 5,5 %
SUR LES TRAVAUX D'ENTRETIEN

M. le président. La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 638, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Philippe Richert. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à vous-même, madame la secrétaire d'Etat, et elle concerne les conséquences inattendues, mais fâcheuses, de la baisse de la TVA à 5,5 % sur les travaux d'entretien.
Cette mesure, que nous saluons tous et qui est intéressante pour l'activité de ce secteur et la lutte contre le travail « au noir », risque de placer un certain nombre d'artisans devant de sérieuses difficultés en asséchant leur trésorerie. En effet, alors qu'ils achètent les matériaux à leurs fournisseurs avec une TVA de 20,6 %, ils les facturent à leurs clients avec une TVA à 5,5 %. Ne pouvant récupérer cette TVA de 20,6 % qu'avec un fort décalage dans le temps - les demandes de remboursement de TVA ne peuvent être formulées que trimestriellement, voire annuellement au mois d'avril pour les petites entreprises - ces professionnels se retrouvent systématiquement créditeurs vis-à-vis des services fiscaux.
Ces différentiels de trésorerie se chiffrent souvent à des centaines de milliers de francs par an, ce qui met certains artisans dans une situation financière difficile, notamment vis-à-vis de leur banque.
C'est pourquoi je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre et, en particulier, s'il envisage, d'une part, de permettre aux professionnels de formuler leurs demandes plus tôt et, d'autre part, d'accélérer les procédures de remboursement en vigueur.
Cette question relativement brève peut, je crois, susciter de la part du Gouvernement une réponse allant dans le sens de la simplification pour ces entreprises, qui en ont véritablement besoin.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, même s'il est encore trop tôt pour avoir des éléments précis, il est possible d'affirmer que l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux travaux portant sur les logements a eu un effet très bénéfique pour les entreprises de ce secteur.
Mais il est vrai, vous avez raison, que certaines entreprises peuvent être créditrices en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Ces crédits sont remboursés tous les trimestres, vous l'avez rappelé, et des directives ont été données dès la première semaine de décembre à la direction générale des impôts pour que les remboursements soient accordés le plus rapidement possible, c'est-à-dire pour que l'on traite en priorité les bordereaux de crédits.
En outre, pour les entreprises qui ne bénéficient pas de remboursements trimestriels de taxe sur la valeur ajoutée et qui sont placées sous le régime simplifié d'imposition, il a été décidé, dans le cadre de la loi de finances pour 2000, de leur donner la possibilité de moduler à la baisse leurs acomptes trimestriels et d'imputer sur ces acomptes la taxe déductible afférente aux immobilisations. De plus, si une entreprise connaissait des difficultés, même légères, pour des questions de TVA, les services de l'Etat seraient à sa disposition pour étudier avec elle comment accélérer le dossier.
Le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre cette disposition dès l'acompte exigible en décembre 1999, mais beaucoup d'entreprises ne le savent pas. Notre souci premier - qui est aussi le vôtre - est donc de faire davantage pour les informer. A cette fin, nous avons mis à contribution les chambres de métiers, les chambres de commerce et d'industrie et les experts-comptables.
Je pense que, grâce à ces dispositions, qui me paraissent répondre à votre préoccupation, monsieur le sénateur, nous aurons mis toutes les entreprises en ordre de bataille. En effet, outre le surcroît d'activité enregistré dans le domaine du logement, les récentes catastrophes ont malheureusement alourdi leur charge de travail, et ce secteur a donc besoin d'être informé le plus rapidement possible. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de m'avoir permis de le faire ce matin.
M. Philippe Richert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Je remercie d'abord Mme le secrétaire d'Etat de se montrer sensible à cette question, qui touche des entreprises qui sont souvent de petite taille et dont les remboursements de TVA n'interviennent qu'une fois par an.
Par ailleurs, je me félicite, madame le secrétaire d'Etat, de votre volonté d'alerter tous ceux qui peuvent permettre aux entreprises d'être mieux informées. En effet, des procédures sont bien entendu mises en place à l'échelon supérieur, mais il faut ensuite que l'information vienne irriguer le réseau des petites entreprises, dont les responsables n'ont pas l'habitude, pour beaucoup d'entre eux, de lire régulièrement l'ensemble de la documentation qui leur est transmise.
J'insiste donc, madame le secrétaire d'Etat, pour que cette information continue à être diffusée auprès de l'ensemble des réseaux existants. Et les collectivités locales seront, bien entendu, aux côtés des chambres de métiers et des chambres de commerce et d'industrie pour les aider dans cette tâche.
Je vous remercie encore une fois pour votre action.

VALIDATION DE LA QUALIFICATION PROFESSIONNELLE
DES COIFFEURS NON DIPLÔMÉS

M. le président. La parole est à M. Pépin, auteur de la question n° 665, adressée à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
M. Jean Pépin. Madame le secrétaire d'Etat, vous le savez, la loi du 5 juillet 1996, en précisant la loi de 1946, a introduit une possibilité pour les coiffeurs non diplômés mais justifiant d'une grande qualification professionnelle d'exploiter personnellement, après validation de celle-ci par une commission nationale, un salon de coiffure à établissement unique.
Il s'avère toutefois que les demandes de reconnaissance de capacité professionnelle font, dans de nombreux cas, l'objet de refus, alors même que leurs auteurs répondent aux conditions prévues par la réglementation et présentent des dossiers probants.
Ces situations engendrent de fréquentes fermetures de fonds de commerce, particulièrement regrettables en milieu rural.
En conséquence, je souhaiterais savoir, madame le secrétaire d'Etat, si vous entendez prendre des mesures visant à faciliter la validation de la qualification professionnelle des coiffeurs non diplômés mais qualifiés par l'expérience.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, cette question me décoiffe presque quotidiennement ! (Sourires.) Pourtant, c'est depuis 1946 qu'a été affirmé le principe de la nécessité d'un diplôme pour pouvoir exercer, dans un souci de protection du consommateur - protection à laquelle je suis partiellement attachée - cette profession dans de bonnes conditions de formation théorique et pratique, notamment pour ce qui est de la manipulation des produits.
La loi de 1996 a réaffirmé - c'est le premier paragraphe de l'article 18, qui modifie la loi de 1946 - cette obligation, que tous ceux qui travaillent dans la coiffure depuis plus de cinquante ans connaissent. La loi n'a innové qu'en étendant cette obligation à chacun des salons dans le cas des entreprises à salons multiples et en exigeant que la présence du breveté, que ce soit le chef d'entreprise ou un de ses salariés, soit « effective et permanente » - sans jeu de mots. (Nouveaux sourires.)
Compte tenu de l'objectif recherché, à savoir la sécurité des consommateurs, cette extension était tout à fait logique. Au demeurant, je n'ai pas à commenter la loi de 1996. Elle avait été rendue nécessaire, d'une part, par la naissance et le développement d'entreprises qui avaient plusieurs salons mais un seul breveté et, d'autre part, par des pratiques discutables où un même breveté pouvait être embauché à temps très partiel, quelquefois par plusieurs salons qui se partageaient ses services. Le travail à temps partagé fonctionne très mal dans notre pays, sauf dans ce cas ! Une telle pratique vidait donc de sens la législation de 1946.
Le législateur a confirmé en 1996 sa décision de 1946, à savoir qu'un diplôme de niveau IV de qualification est exigé pour avoir la responsabilité technique d'un salon.
Je rappelle que ce brevet peut être obtenu à la fin d'une formation initiale, dans le cadre de la formation professionnelle continue, ou encore dans le cadre de la validation des acquis professionnels organisée par la loi du 20 juillet 1992, qui a pour objet, précisément, de permettre à ceux qui ont acquis le niveau d'un diplôme au travers d'une expérience professionnelle riche et d'efforts de formation personnelle d'obtenir ce diplôme.
De nombreux recours sont, il est vrai, déposés devant les commissions régionales puis devant la commission nationale. Cette dernière n'accepte pas tous les cas qui lui sont présentés et je reçois un courrier important des parlementaires, des maires, des conseillers généraux et des présidents de chambre de commerce et d'industrie sur ce sujet.
Dans ces conditions, j'ai demandé à la profession de la coiffure de trouver une cote mieux taillée. Au demeurant, si la commission nationale a été mise en place pour valider la formation professionnelle de ceux qui ne savaient pas, en s'installant, qu'ils auraient besoin d'un brevet pour animer un salon, nous ne pouvons toutefois pas dire aujourd'hui que cette commission sera pérenne : cela signifierait qu'un coiffeur pourrait s'installer, acquérir une expérience professionnelle, puis passer devant la commission pour continuer à exercer son activité. Vous le voyez, la question est délicate.
J'espère que la profession nous proposera une solution. En tout état de cause, je vois mal comment nous pourrions nous en sortir autrement que par la reconnaissance d'un diplôme. Il s'agit, vous le savez, de protéger les coiffeurs artisans de nos bourgs et de nos centres-villes contre des pratiques qui risquent de mettre en péril leur métier, même si c'est là effectivement une conception un peu malthusienne. Je comprends en tout cas leur motivation et je ne sais pas, monsieur le sénateur, si, dans dix ans, je ne viendrai pas, en tant que spectatrice, dans cet hémicycle pour entendre une réponse à une question concernant la coiffure.
M. le président. Ou pour siéger à la Haute Assemblée !
M. Jean Pépin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pépin.
M. Jean Pépin. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de la courtoisie de votre réponse, mais pas du fond de celle-ci, qui me désespère. En effet, je vous ai écrit au sujet d'un cas très particulier, qui a justifié le dépôt de cette question orale. Il concerne une personne qui, depuis plus de quinze ans, tient un salon de coiffure dont une tierce personne est elle-même propriétaire. L'intéressé s'occupe de la clientèle, de la gestion, à la satisfaction du propriétaire et de la clientèle.
Il se trouve que le propriétaire veut vendre deux de ses trois salons et que la personne qui en gère un avec efficacité et satisfaction depuis quinze ans est candidate à l'achat. N'a-t-elle pas prouvé qu'elle savait le faire vivre puisqu'on lui a fait confiance pendant quinze ans ?
Mais la commission nationale, elle, ne lui fait pas confiance.
Ne serait-il pas possible de trouver une possibilité d'arbitrage dans de tels cas, qui sont relativement scandaleux ?

MONOPOLE DE GAZ DE FRANCE SUR L'IMPORTATION
ET L'EXPORTATION DE GAZ NATUREL

M. le président. La parole est à M. Cazeau, auteur de la question n° 658, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Bernard Cazeau. Je souhaite attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat, sur les problèmes liés à l'importation et l'exportation du gaz naturel, réglementées par la loi de 1946.
Comme vous le savez, Elf Aquitaine Gaz étudie actuellement la possibilité d'implanter un terminal méthanier au Verdon, à l'embouchure de la Gironde.
Avec une capacité annuelle de réception de 3,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel, cet investissement, d'environ 350 millions d'euros, permettrait de fournir aux industriels, et plus généralement aux consommateurs du Sud-Ouest, un approvisionnement en gaz naturel à un coût compétitif.
En effet, avec le déclin du gisement de Lacq, l'éloignement des points d'importation existants, situés principalement dans le nord de la France, conduira, dans les prochaines années, à une hausse sensible des coûts d'amenée du gaz dans le Sud-Ouest.
Un terminal méthanier au Verdon aurait donc un impact positif sur la compétitivité des industries consommatrices de gaz dans la région. Mais sa faisabilité est subordonnée à la possibilité pour Elf Aquitaine et ses filiales gazières, en particulier Gaz du Sud-Ouest, d'importer librement du gaz naturel.
Je tiens à ajouter que l'intérêt du terminal du Verdon ne fait aucun doute pour la région et le Grand Sud-Ouest, mais aussi pour la sécurité de l'approvisionnement gazier de la France.
Je vous remercie par avance, madame la secrétaire d'Etat, de votre réponse sur cette question.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, retenu à l'Assemblée nationale par la discussion du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, m'a prié de vous fournir la réponse suivante à votre question.
Dans le cadre de la transposition de la directive sur le marché intérieur du gaz, le Gouvernement proposera au Parlement que les fournisseurs puissent, comme vous l'appelez de vos voeux, importer librement du gaz naturel dès lors qu'ils respectent un certain nombre de critères assurant la sécurité d'approvisionnement du pays.
Par ailleurs, dans le cadre de la préparation d'un programme de diversification économique du Béarn, le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, réuni le 23 juillet 1999 sous la présidence du Premier ministre, a décidé d'engager plusieurs études dans la ligne des orientations présentées dans le rapport Boisson-Aubert.
L'une de ces études a pour objet l'expertise des conditions d'approvisionnement en gaz de la zone du Sud-Ouest, notamment de son industrie, face à l'épuisement progressif du gisement de Lacq.
Cette mission, en lien direct avec le projet que vous avez mis en avant, sera menée en relation avec les conclusions du schéma des services collectifs de l'énergie pour les régions du Sud-Ouest. Les mesures qui seront arrêtées à l'issue des réflexions engagées devraient être approuvées lors d'un prochain CIADT.
Christian Pierret ne manquera pas de vous tenir informé des suites qui seront données à ce dossier, qui vous tient à coeur. Compte tenu du sérieux des argumentations que vous avez pu développer ici même ainsi que sur le terrain avec l'ensemble des acteurs concernés, la solution qui sera trouvée sera sans doute la bonne...
M. Bernard Cazeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de cette réponse, qui me convient parfaitement.

DÉCOUPAGE DES CANTONS

M. le président. La parole est à M. Dufaut, auteur de la question n° 645, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Alain Dufaut. Madame le secrétaire d'Etat, vous savez que les élections, tous scrutins confondus, sont plus nombreuses, et donc moins espacées, que les recensements de population dans notre pays.
Les requêtes d'élus locaux - ils se plaignent à juste titre d'inégalités flagrantes dans la représentation de certains départements - revenant avant chaque échéance électorale depuis plusieurs années, il nous était permis d'espérer que le Gouvernement profiterait du recensement de la population organisé en 1999 pour procéder enfin à un redécoupage des cantons et, ainsi, à un rééquilibrage de la représentation cantonale en fonction de l'évolution démographique de chacun des départements.
Or malgré, semble-t-il, de nombreuses hésitations, il est acquis, maintenant, que le Gouvernement ne procédera pas à un redécoupage cantonal global avant mars 2000, date butoir, d'après la loi du 11 décembre 1990, pour qu'une telle opération puisse s'appliquer au renouvellement cantonal de mars 2001.
Cette décision ne manque pas de surprendre si l'on se réfère à la réponse apportée par M. le ministre des relations avec le Parlement, lors d'une séance de questions orales sans débat au Sénat, le mardi 15 juin 1999. Le ministre précisait en effet : « S'agissant des cantons, le Gouvernement étudiera également les inégalités démographiques entre cantons, confirmées ou révélées par le recensement. Il pourrait être amené à corriger, par décret en Conseil d'Etat, les inégalités de représentations les plus importantes. » Cela était d'ailleurs tout à fait conforme aux engagements pris par le ministre de l'intérieur lui-même devant l'ensemble des présidents de conseils généraux, réunis en congrès du 7 au 9 avril 1999 à Deauville.
De plus - je connais assez bien les textes sur le sujet - le Conseil constitutionnel, dans une décision des 1er et 2 juillet 1986, a précisé que le découpage électoral doit être déterminé sur des « bases essentiellement démographiques ». Il faut donc connaître les résultats du recensement.
Même si l'on sait que ce principe général est appliqué de manière moins stricte aux conseils généraux, certaines inégalités, madame le secrétaire d'Etat, sont flagrantes et ne peuvent plus durer. C'est le cas, notamment, pour mon département, le Vaucluse, qui comprenait déjà, sur la base du recensement de 1990, 467 075 habitants et qui, selon les derniers chiffres du recensement de 1999, vient de franchir la barre des 500 000 habitants. Or, les conseillers généraux de Vaucluse sont seulement au nombre de vingt-quatre, dans un département pourtant foncièrement rural. Par comparaison, le département limitrophe des Alpes-de-Haute-Provence compte trente conseillers généraux pour moins de 150 000 habitants.
Par ailleurs, les départements de l'Ain, de la Drôme, du Doubs et de la Manche, qui comptent à peu près le même nombre d'habitants que le Vaucluse, comprennent respectivement quarante-trois, trente-six, trente-cinq et cinquante-deux cantons. A contrario, les départements de l'Ariège, du Cantal, de la Corse-du-Sud, de la Creuse, de l'Indre et de la Lozère, dont le nombre de cantons est à peu près identique à celui du Vaucluse, ont une population qui ne dépasse pas 137 000 habitants.
Ces écarts démographiques nécessiteraient manifestement un redécoupage des cantons du département de Vaucluse allant dans le sens d'une augmentation considérable du nombre de ses représentants.
Pour toutes ces raisons, j'aimerais que vous m'expliquiez, madame le secrétaire d'Etat, pour quelles raisons le Gouvernement a modifié sa position.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, il s'agit effectivement d'un dossier très discuté.
Le Gouvernement n'a bien sûr, pas mis en cause la fiabilité des chiffres du recensement pour reporter après les élections cantonales de 2001 le remodelage cantonal rendu nécessaire par les évolutions démographiques.
Il a simplement constaté, à l'automne dernier, que l'INSEE n'avait rendu publics que les chiffres provisoires du recensement général de la population de 1999 pour les régions, les départements et les communes. On pouvait, naturellement, en tirer des chiffres provisoires pour la population des cantons composés d'un nombre entier de communes, mais ces chiffres n'étaient pas utilisables pour entamer un remodelage des cantons, et ce pour deux raisons.
D'abord, il s'agissait de chiffres provisoires, et l'Etat ne peut prendre en compte, à l'occasion de la saisine des conseils généraux et du Conseil d'Etat, qu'il doit consulter avant d'adopter des décrets de remodelage cantonal, que les chiffres définitifs du recensement homologués par décret, faute de quoi ce remodelage cantonal pourrait être affecté d'un vice de forme - et vous savez comme l'on aime traquer les vices de forme dans notre pays !
Ensuite, les chiffres provisoires alors donnés par l'INSEE ne permettaient pas de connaître la population des cantons dont les limites sont infra-communales. Or, ces cantons sont, dans la plupart des cas, des cantons urbains dont le poids démographique est déterminant pour mesurer les inégalités de représentation au sein d'un département.
Dès lors, le Gouvernement ne peut que se fonder sur les chiffres définitifs de la population par canton issus du recensement, chiffres qui viennent d'être rendus publics et homologués par décret publié au Journal officiel du 30 décembre 1999.
Par ailleurs, la loi du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux a prévu, dans son article 7, qu'il ne peut être procédé à aucun redécoupage des circonscriptions électorales dans l'année précédant l'échéance normale de renouvellement des assemblées concernées, vous l'avez rappelé. Les élections cantonales devant se dérouler en mars 2001, il est ainsi interdit de modifier les limites cantonales après le 29 février 2000.
Le Gouvernement ne disposait donc, entre la date de publication des chiffres officiels du recensement, le 30 décembre 1999, et le 29 février 2000, que de deux mois à peine pour élaborer un projet de remodelage cantonal, consulter les conseils municipaux intéressés, consulter les conseils généraux, suivant la procédure prévue à l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, rédiger les décrets, les soumettre au Conseil d'Etat pour avis, prendre en compte les éventuelles modifications liées à ces avis et publier ces décrets.
Le Gouvernement a estimé qu'il n'était pas possible, en si peu de temps, de mener à bien cette réforme importante de la carte cantonale. Nombreux sont ceux qui le regrettent, dans tous les rangs des assemblées départementales, car il n'y a là, au moins, aucun clivage entre nous.
Enfin, vous évoquez la décision des 1er et 2 juillet 1986 du Conseil constitutionnel à l'appui d'une argumentation en faveur du rééquilibrage du nombre des conseillers généraux par département, ce qui est un peu différent, en fait, d'un simple redécoupage.
Le Conseil constitutionnel, dans plusieurs décisions de 1985 et 1986, a posé le principe selon lequel une assemblée représentative doit être élue sur des bases essentiellement démographiques. Ce principe n'est que la conséquence du principe constitutionnel d'égalité du suffrage. Il s'applique, avec les atténuations à cette règle qu'a consenties le juge constitutionnel, à la délimitation des cantons, lesquels constituent les circonscriptions électorales. Mais il n'implique pas que le nombre de conseillers généraux soit proportionnel à la population de chaque département, puisque c'est non pas ce nombre qui est déterminant pour le respect de l'égalité du suffrage, mais la seule délimitation des circonscriptions au sein de chaque département.
Par conséquent, même si nous sommes nombreux au sein du Gouvernement à comprendre votre argumentation, encore faut-il que tout cela soit fait en heure et en temps et, s'agissant de l'augmentation du nombre de sièges soumis auparavant aux conseils généraux eux-mêmes, puisque ce sont eux qui auraient à gérer ce nouvel état de fait ou de droit le cas échéant.
M. Alain Dufaut. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dufaut.
M. Alain Dufaut. Madame le secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas être virulent dans ma réponse, mais vous comprendrez aisément que vos arguments ne peuvent me donner entière satisfaction.
Comment peut-on arguer de cette mauvaise connaissance des résultats du recensement, alors que l'INSEE avait publié les premiers chiffres dès le mois d'août 1999 et qu'on connaissait très bien, dans les grandes proportions, les évolutions démographiques des principaux départements ? Au moins, pour les cas les plus flagrants, comme celui du Vaucluse, on aurait pu envisager une augmentation provisoire du nombre de cantons !
Vous savez fort bien - j'en ai discuté avec M. le ministre de l'intérieur - qu'il est impossible de faire fonctionner le conseil général d'un département d'un demi-million d'habitants avec vingt-quatre conseillers généraux. C'est insuffisant au regard tant de la représentativité que de l'accomplissement des missions.
Je le répète, il est dommage que l'on n'ait pas corrigé au moins les plus grosses anomalies. Nous attendrons donc le renouvellement de 2004 !

RÉGLEMENTATION DES RAVE PARTIES

M. le président. La parole est à M. de Rohan, auteur de la question n° 670, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis quelque temps, les rave parties se multiplient en Bretagne.
M. le président. Et ailleurs !
M. Josselin de Rohan. Le scénario est toujours le même : un samedi ou une veille de fête, vers vingt-trois heures, des centaines de véhicules automobiles convergent vers un lieu qui a été signalé sur minitel par message crypté et investissent ce lieu, situé en général à l'écart des grandes agglomérations, dans un bourg rural qui va très vite être dépassé par les événements.
Pendant une ou plusieurs nuits, les habitants du bourg vont ainsi être bercés par la musique techno, qui se déverse sur les ravers sans discontinuer.
Dans le même temps, les automobiles stationnent n'importe où puisque les bourgs n'ont pas, bien entendu, de parking suffisamment vaste pour abriter pareil rassemblement, et, passez-moi l'expression, madame le secrétaire d'Etat, la chienlit s'installe dans les lieux.
On note un très grand pourcentage de personnes en état d'ébriété prononcée, et aussi de drogués - il y a des odeurs qui ne trompent pas !
Quant aux forces de l'ordre, elles sont naturellement impuissantes à encadrer ce genre de rassemblement, puisqu'il ne s'agit que de la brigade de gendarmerie locale, composée au maximum de sept à dix personnes : comment pourrait-elle apporter une aide vraiment efficace au maire, lequel, nous le savons, est pénalement responsable de tous les débordements qui pourraient survenir, notamment des accidents qui pourraient se produire du fait du comportement irresponsable d'un certain nombre de ravers ?
Il est de notoriété publique que le moindre de ces rassemblements occasionne près de 50 000 francs de dégâts, ainsi qu'on peut le constater une fois que les ravers sont partis.
Cela devient véritablement insupportable. Cela met en cause la tranquillité des habitants, mais aussi l'ordre public et l'hygiène publique. Quand on voit ce que l'on demande comme précautions aux organisateurs de manifestations autorisées, on reste confondu devant le laxisme qui préside à l'organisation de ces rassemblements !
Mes questions sont simples.
En premier lieu, envisagez-vous de contraindre les organisateurs de raves parties à demander l'autorisation préalable aux communes et aux autorités administratives de département avant de tenir des rassemblements de cette importance ?
En deuxième lieu, êtes-vous prêts à donner instruction aux préfets, en cas de manifestation inopinée, de mettre à la disposition des maires des forces de gendarmerie ou de maintien de l'ordre suffisantes pour pouvoir faire face aux contraintes liés à ces rassemblements ? Et, dans le cas où les préfets en seraient incapables, seraient-ils en droit d'interdire immédiatement la poursuite de ces raves parties ?
En troisième lieu, êtes-vous prêts - c'est important - à demander aux procureurs de poursuivre les organisateurs de rave parties ayant donné lieu à des dégradations ou à des débordements ?
En tout cas, il n'est pas possible, madame le secrétaire d'Etat, de laisser les maires désarmés comme ils le sont aujourd'hui et responsables des conséquences d'événements qu'ils ne peuvent manifestement pas maîtriser.
M. le président. Nous demanderons à Michel Field de faire une émission spéciale sur ce sujet à la télévision, et nous serons servis !
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le président, je ne suis même pas certaine que M. Field trouve toutes les réponses !
Monsieur le sénateur, c'est vrai, les rave parties sont un véritable phénomène de société.
Dès 1996, compte tenu du développement des manifestations rave et techno, les pouvoirs publics se sont saisis de cette question, qui pose d'évidents problèmes d'ordre public mais également de santé publique.
La réflexion menée par le Gouvernement a conduit à la rédaction de la circulaire interministérielle - intérieur, défense, culture et communication - du 29 décembre 1998, qui a appelé l'attention des préfets sur la nécessité d'encadrer de telles manifestations.
A cet égard, il convient de souligner qu'une mutation fondamentale s'est opérée au cours des derniers mois dans le sens d'une sortie de la clandestinité de tels rassemblements. Mais, comme le souci des responsables d'agir en tant que professionnels est rare, vous avez raison de dire que, depuis quelques semaines, il y a de nouveau des rassemblements quasi clandestins.
La circulaire du 29 décembre 1998 distingue clairement les manifestations qui doivent faire l'objet d'une autorisation préalable et celles qui ne sont pas déclarées. Les organisateurs des manifestations rave et techno sont incités à se rapprocher des autorités compétentes, qui doivent, d'une part, les responsabiliser et les sensibiliser aux difficultés à surmonter et, d'autre part, favoriser l'encadrement de ces rassemblements pour éviter les troubles que vous avez décrits ou les incidents graves qui peuvent survenir en cas d'implantation sauvage, comme cela a été le cas, en Bretagne, ce dernier week-end.
En tout état de cause, lorsqu'une manifestation à caractère récréatif rassemble plus de 1 500 personnes, ses responsables sont soumis à l'exigence de la déclaration préalable auprès du maire ou, à Paris, auprès du préfet de police, prévue par le décret n° 97-646 du 31 mai 1997 fixant les conditions d'application de l'article 23 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, ainsi qu'à la mise en place d'un service d'ordre.
L'inobservation de ces dispositions est punie des peines d'amendes applicables aux contraventions de la cinquième classe : 10 000 francs. Dès lors, si la tenue de la rave party est préalablement connue, l'autorité municipale peut intervenir après avis de la commission de sécurité compétente soit pour assortir la réunion d'un certain nombre de conditions, soit pour l'interdire.
A cet égard, le tribunal administratif d'Orléans, dans un jugement du 25 février 1997 concernant la société Othala Production, a rejeté la requête d'une société de spectacles qui contestait la légalité de l'arrêté par lequel le maire d'une commune avait interdit une manifestation similaire. Le juge administratif, pour confirmer la légalité de la décision du maire, a notamment retenu que, face à l'afflux du public attendu, « une mobilisation adéquate tant des forces de l'ordre que des moyens de secours appropriés aux risques d'incendie était très difficile à assumer ».
Par conséquent, la simple perspective du défaut de moyens suffisants fonde valablement le refus d'un maire. Si une telle manifestation se déroule et que des problèmes tels que ceux qui sont liés au commerce ou à l'usage de substances vénéneuses apparaissent, les dispositions des articles L. 628 et suivants du code de la santé publique peuvent être évoquées à l'appui d'une saisine du parquet.
En outre, d'autres griefs pourraient être relevés, notamment l'ouverture d'un débit de boissons sans autorisation, qui constitue une contravention conformément aux dispositions de l'article L. 31 du code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme, que tous les élus locaux connaissent bien, et, plus généralement, les atteintes à la propriété, comme ce fut le cas lors des deux dernières manifestations que vous avez citées.
Par ailleurs, les forces de police peuvent être sollicitées, notamment selon le droit commun des opérations de dispersion des réunions publiques interdites.
Parallèlement, une intervention en matière de police judiciaire peut être engagée, en se fondant sur l'article 78-2 du code de procédure pénale. Il s'agit alors de mettre en place des contrôles d'identité opérés sur réquisition du procureur de la République dans les lieux et pour une période déterminés par ce dernier, la saisine pouvant se faire en moins d'une heure.
Dans le cadre de la mise en oeuvre d'une action devant l'autorité judiciaire, le maire peut formuler une demande tendant à l'obtention de dommages et intérêts à l'encontre des personnes responsables des divers agissements précités, lesquelles peuvent alors se voir imposer de réparer les dommages causés par les infractions qu'elles ont commises.
Il importe désormais, puisque le droit nous donne toutes les possibilités, d'informer les maires, peut-être par l'intermédiaire de l'Association des maires de France. Avec le ministère de l'intérieur, nous pourrons diffuser une information claire et précise sur l'organisation inopinée - c'est la situation la plus difficile - des rave parties : le maire ou un adjoint de service peut saisir immédiatement l'autorité judiciaire via la gendarmerie ou l'autorité de police et, à partir de ce moment, il n'encourt plus la responsabilité que vous craignez qu'il n'endosse.
Une bonne information des maires, des poursuites engagées à l'encontre des responsables et des plaintes déposées par le ou les propriétaires - récemment, malheureusement, une propriétaire n'a pas voulu porter plainte, ce qui n'a pas facilité les choses, puisque l'action n'a pas pu être engagée - permettront de faire en sorte que les organisateurs, qui ont des motivations qui les regardent et que je n'ai pas à juger sur le plan moral, sentent qu'ils engagent leur responsabilité et qu'ils peuvent être poursuivis en tant que responsables si les dégradations sont importantes ou s'il y a eu des accidents.
M. Josselin de Rohan. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Je vous remercie de votre réponse, madame le secrétaire d'Etat. Mais l'administration, c'est comme la guerre vue par Napoléon : c'est un art simple, mais tout d'exécution.
Les textes existent - vous les avez rappelés - et ils ont été renforcés. En revanche, on constate sur le terrain la très grande prudence dont les préfets et les forces de gendarmerie font preuve devant ces rassemblements inopinés.
Ainsi, le 1er novembre dernier, dans une commune qui jouxte la mienne et qui « accueillait » une rave party qui a duré trois jours, le maire n'a pu compter que sur cinq gendarmes pendant quarante-huit heures. Lorsque la rave party s'est terminée, on lui en a proposé quarante. C'était au début qu'il fallait les gendarmes !
Dans une autre commune du Morbihan, le procureur n'a donné aucune espèce de suite aux demandes du maire tendant à ce que les organisateurs d'une rave party soient poursuivis, alors que, pourtant, elle avait causé des dégâts sur le territoire de sa commune.
Les textes existent, certes, mais il faut que les préfets reçoivent des instructions fermes, que M. le ministre de l'intérieur, que Mme le garde des sceaux leur demandent de faire preuve d'une rigueur exemplaire.
Si les préfets se croient autorisés à fermer les yeux, ces manifestations se poursuivront. Il faut donc des exemples forts, fermes et rapides.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Je vais prendre contact immédiatement avec M. le ministre de l'intérieur et Mme le ministre de la justice, parce que, s'il est vrai que nous avons les moyens, il faut que les préfets s'en saisissent.
Lors d'entretiens récents, M. le ministre de l'intérieur n'a pas exclu qu'il puisse y avoir des forces de police spécifiques, ce qui serait un peu dommage parce que, en accord avec M. le ministre de la défense, on serait obligé de mobiliser des forces spécifiques pour ce type de manifestation.
Si, en effet, il n'y avait que le bruit, vous avez raison, le trouble ne serait pas majeur. Mais, lors des dernières manifestations, il y a eu des incidents graves sur des propriétés privées ainsi que des incidents sur des personnes, des incidents qui auraient pu très mal finir : des jeunes, certains étaient mineurs, se sont en effet drogués jusqu'à l'excès.
Face à l'ampleur de ce phénomène de société, M. le ministre de l'intérieur a la même préoccupation que vous ; quant à Mme Guigou, elle s'est inquiétée du fait que, les parents étant dans l'ignorance des lieux où se déroulent ces évèvements, des accidents peuvent survenir et, malheureusement, tourner au tragique.
M. le président. Madame le secrétaire d'Etat, je veux à mon tour vous remercier de l'intérêt que vous portez à ce problème.
A Fuveau, dans les Bouches-du-Rhône, à l'issue d'une rave party, des jeunes ont tout détruit : des ateliers, des locaux d'entreprises... Pendant les jours qui ont suivi, ils ont même essayé de pénétrer dans Marseille avec des camions. Dieu merci, le préfet de police, alerté, les en a empêchés.
Le problème devient grave.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux, nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

7

ÉLOGE FUNÈBRE D'ALAIN PEYREFITTE,
SÉNATEUR DE SEINE-ET-MARNE

M. le président. Madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre d'Alain Peyrefitte. (Mme le ministre et M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
« Encore un peu plus oultre. »
Cette ardente exigence de dépassement exprimée par une vieille devise de chevalerie, Alain Peyrefitte avait choisi de la faire graver sur la garde de son épée d'académicien.
Elle est révélatrice de l'homme d'exception qu'était Alain Peyrefitte.
Elu du peuple, homme d'Etat, diplomate, académicien, essayiste d'envergure, historien, homme de presse, polémiste, Alain Peyrefitte fut tout cela.
Mais cette multiplicité, dans laquelle se mêlent et s'harmonisent la réflexion, l'action et l'écriture, n'altère ni la richesse ni la très profonde unité de ce qu'a été la vie d'Alain Peyrefitte.
L'attachement à ses racines constitue peut-être l'une des lignes de force du destin de notre collègue.
Alain Peyrefitte est né le 26 août 1925 à Najac, dans l'Aveyron, où son père et sa mère étaient instituteurs.
La fidélité d'Alain Peyrefitte à ces terres nobles et austères de l'Aveyron, de l'Ariège et de l'Aubrac, qui furent celles de sa jeunesse, est essentielle.
Il y suivit ses parents au gré de leurs affectations.
Il y fit ses études primaires, puis secondaires.
Il y passa ses vacances d'enfant, d'adolescent, puis de jeune homme, avec pour point fixe la maison familiale de Saint-Beauzely, construite de ses mains par un aïeul artisan maçon. Il y prit le maquis pendant l'Occupation.
Ces années de formation tissent un écheveau dense de liens étroits d'attachement à un terroir, à un pays et à des hommes.
On y décèle l'ombre tutélaire et les solides héritages intellectuels, humains et moraux d'une famille modèle de la République, où se mêlent René, le grand frère normalien, des parents instituteurs laïcs, un grand-père gendarme, des aïeux paysans, un arrière-grand-père artisan maçon.
Elève exceptionnel, Alain Peyrefitte est reçu à l'Ecole normale supérieure à dix-neuf ans. Quoiqu'il quittât la Rue d'Ulm pour intégrer la première promotion de l'Ecole nationale d'administration, dont il sortit, dans un rang brillant, le plus jeune, Alain Peyrefitte resta fidèle à l'Ecole normale.
Il y consacra l'un de ses premiers ouvrages, Rue d'Ulm. Plus tard, il n'omit jamais de témoigner sa fidélité et sa sympathie tant à l'Ecole qu'à ses condisciples de la Rue d'Ulm.
Au sortir de l'ENA, Alain Peyrefitte choisit la diplomatie. Il y excella.
La construction européenne fut la dominante de sa carrière diplomatique. D'abord à Bonn, où, auprès d'André François-Poncet, il poursuivit une formation privilégiée, puis au Quai d'Orsay, où il apporta une contribution éclairée à la constitution des institutions européennes en gestation et, enfin, après avoir eu en charge le consulat de France à Cracovie, entre Bruxelles et Paris, où il participa activement à la préparation du traité de Rome.
Cette expérience de la diplomatie fut une part importante du parcours d'Alain Peyrefitte. Jamais la dimension internationale ne sera absente de ses réflexions.
En 1958, sous l'action conjuguée de sa passion pour l'avenir de son pays et de cette ardente exigence qui l'habitait, et qu'il appelait « le sens de la réalité », Alain Peyrefitte entre en politique.
Il se présente en novembre 1958 dans la quatrième circonscription de Seine-et-Marne, celle de Provins-Montereau, où ses parents s'étaient retirés. Il y est élu. Réélu député jusqu'à son élection au Sénat en 1995, conseiller général du canton de Bray-sur-Seine de 1964 à 1988, maire de Provins de 1965 à 1997, Alain Peyrefitte est resté pendant quarante et une années de mandats l'ambassadeur fidèle de sa terre d'élection de Seine-et-Marne.
Il aimait profondément ce qu'il appelait ce « microcosme français », où il installa sa maison, aux abords de la cité médiévale de Provins. Il en défendait opiniâtrement la cause et en admirait le dynamisme. Il en aimait les habitants, auprès desquels il retrouvait les valeurs qui avaient orienté sa jeunesse.
Alain Peyrefitte fut un grand parlementaire.
A son retour à l'Assemblée nationale après les événements de mai 1968, il y présida avec autorité et dynamisme la commission des affaires culturelles.
Quittant définitivement le Gouvernement en 1981, Alain Peyrefitte retourna au Palais-Bourbon, où il siégea sans discontinuer jusqu'en septembre 1995, date à laquelle il représenta la Seine-et-Marne dans notre Haute Assemblée, où il rejoint la commission des affaires étrangères.
Qu'il s'agisse de l'équilibre des finances publiques, du statut de la magistrature, de la présomption d'innocence ou de la construction européenne, ses interventions dans cet hémicycle, justes et réfléchies, et souvent prémonitoires, resteront dans les mémoires.
Parlementaire de talent, Alain Peyrefitte fut aussi un homme d'Etat, huit fois ministre - toujours dans des postes clefs - sur une durée cumulée de onze années et sous trois Présidents de la République successifs : le général de Gaulle, Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing.
C'est, une fois encore, comme le plus jeune qu'il débuta, à l'âge de trente-sept ans, une carrière ministérielle en entrant dans le premier gouvernement Pompidou comme secrétaire d'Etat à l'information.
Ministre délégué aux rapatriés à la suite de la signature des accords d'Evian, il fut nommé ministre de l'information en décembre 1962 et conservera jusqu'en janvier 1966 ces fonctions, qui firent de lui, plus tard, le mémorialiste du général de Gaulle.
Ministre de la recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales de janvier 1966 à avril 1967, Alain Peyrefitte fut ministre de l'éducation nationale dans le quatrième gouvernement de Georges Pompidou, qu'il quitta au lendemain des événements de mai 1968.
Revenu au Gouvernement, il fut ministre chargé des réformes administratives et du Plan, puis ministre des affaires culturelles et de l'enseignement et, après une interruption de trois années de ses fonctions ministérielles, il devint, de mars 1977 à juin 1981, garde des sceaux du gouvernement Barre.
Homme politique de premier plan, Alain Peyrefitte fut aussi un intellectuel engagé dans son siècle. Sa vie fut une synthèse achevée entre l'action et la réflexion.
Cette fusion rare et parfaite, il l'avait mise brillamment en lumière chez André Malraux dans le magnifique hommage qu'il lui rendit, ici même, en séance publique, le 3 décembre 1996. D'André Malraux, Alain Peyrefitte disait : « Comme le Tchen de La Condition humaine, il ne pouvait vivre une idéologie qui ne se transforme immédiatement en actes. » Parce que, ajoutait-il, « dans l'acte, il retrouve forcément l'homme et que, dans l'action, c'est soi-même qu'on met en jeu et qu'on révèle. »
Tel était également Alain Peyrefitte.
L'oeuvre écrite d'Alain Peyrefitte est immense.
Elle est littéraire par la limpidité et la précision de son style.
Elle est scientifique par la rigueur de sa construction, la profondeur et la multiplicité des recherches préalables qui la sous-tendent.
Mais, réflexion prospective sur son temps, alimentée aux sources d'une immense culture, d'un sens aigu de l'histoire, et nourrie d'une expérience personnelle des responsabilités politiques, l'oeuvre écrite d'Alain Peyrefitte s'élève au niveau d'un témoignage éclairé de ce siècle.
La réflexion qu'Alain Peyrefitte a ouverte en 1973 sur la Chine avec la publication de Quand la Chine s'éveillera et qu'il poursuivit au long de huit livres de même ampleur est révélatrice de la méthode d'analyse et du système de pensée qui furent ceux d'Alain Peyrefitte.
Rejoignant sur ce point essentiel la pensée du général de Gaulle, Alain Peyrefitte estimait qu'un peuple devait rester lui-même, tel que sa culture et son histoire l'ont fait, avec ses croyances, ses légendes, sa foi, sa volonté de bâtir son avenir. Ainsi était pour Alain Peyrefitte la Chine, cet océan de mercure, cette civilisation ancestrale, pourtant porteuse d'un formidable avenir.
Le recensement des pesanteurs, mais aussi l'exaltation de cette volonté de perpétuel renouvellement que toute nation porte en elle constituent peut-être la colonne vertébrale de la réflexion d'Alain Peyrefitte.
C'est une démarche semblable qu'illustrent les brillants essais d'Alain Peyrefitte sur la société française, qu'il s'agisse du plus connu d'entre eux, Le Mal français, publié en 1976, ou, dans un domaine plus spécifique, Les Chevaux du lac Lagoda, publié en 1981, et qui reste une réflexion - ô combien actuelle ! - sur la justice.
Enrichie par la compréhension, l'action doit s'adapter aux circonstances comme aux données immuables de toute société. Elle ne doit pas négliger le « principe de confiance », ce « tiers facteur immatériel », sous-jacent de toute l'oeuvre d'Alain Peyrefitte et qui, au-delà du travail et du capital, favorise le développement de toute société.
Le corps de pensée d'Alain Peyrefitte rejoignait ainsi spontanément et profondément celui du gaullisme.
C'est en ce sens qu'Alain Peyrefitte était spontanément et profondément gaulliste.
C'est en ce sens qu'Alain Peyrefitte servit spontanément et sans faille le gaullisme.
Serviteur éclairé du gaullisme au Parlement, au Gouvernement, Alain Peyrefitte le fut aussi pour l'Histoire.
Avec son mémorial C'était de Gaulle, Alain Peyrefitte porta au sommet la conjonction entre l'écrivain et le ministre.
De 1962 à 1969, Alain Peyrefitte fut sans interruption ministre du général de Gaulle, qu'il rencontra quelque trois cents fois. Avec une précision rigoureuse et un grand tact, il s'en fit l'incomparable biographe. Faisant oeuvre d'historien, il témoigne d'une exigente volonté de toujours comprendre cet homme, dont il disait si bien qu'il était « hanté par une idée plus grande que lui, une idée de la France tellement haute qu'il en était transfiguré ».
Reçu à l'Académie française le 13 octobre 1977, Alain Peyrefitte fut appelé en 1983 à la présidence du comité éditorial du Figaro.
Véritable homme de presse par sa rigueur professionnelle, par son combat militant pour la langue française et par la hauteur de réflexion de ses éditoriaux, Alain Peyrefitte fut aussi un redoutable polémiste. Il prolongea ce talent aigu par la publication de plusieurs ouvrages de nature politique.
Alain Peyrefitte était un homme complexe.
Réservé, en raison d'une pudeur qui pouvait apparaître comme de la froideur, animé d'une exigence morale de dépassement de soi qui pouvait apparaître comme de l'ambition, habité par un sens rigoureux de l'Etat qui pouvait apparaître comme de l'intransigeance, mû par une rigueur intellectuelle aiguë qui pouvait le faire croire hautain, Alain Peyrefitte était avant tout un chrétien, un gaulliste et un homme de coeur.
La foi chrétienne est sans doute l'un des ressorts intimes qui dirigea sa vie.
Gaulliste, Alain Peyrefitte l'a été dans l'action et dans l'écriture et, peut être aussi, au plus profond de sa personnalité. Ne rejoignait-il pas là encore le général de Gaulle lorsque, évoquant la grandeur, il disait : « Cette grandeur ne tient qu'à nous, à chacun de nous. Chacun y est appelé, mais personne d'autre que soi-même ne peut entendre l'appel, en relever le défi. Ce n'est pas la cause pour laquelle on se bat qui nous justifie. C'est la qualité du combat. » ?
Homme de coeur, Alain Peyrefitte l'était par ses fidélités. Il l'était aussi par ses meurtrissures. Certaines ingratitudes et certaines attaques l'ont profondément affecté. Jamais il n'oublia l'attentat qui l'avait visé et dont son chauffeur fut la victime. A jamais, malgré sa foi, il fut meurtri par la mort de Christel, sa fille.
A ses collègues du groupe du Rassemblement pour la République, à ses collègues de la commission des affaires étrangères, aux élus de Seine-et-Marne et à la municipalité de Provins, à Mme Alain Peyrefitte, à ses filles, Florence, Véronique et Emmanuelle, à son fils, Benoît, je voudrais dire, en notre nom à tous, mes condoléances sincères, émues et profondément attristées.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, haut fonctionnaire, normalien, diplomate, intellectuel, académicien, journaliste, historien, ministre, homme politique, l'immense carrière d'Alain Peyrefitte ne ressemble à aucune autre.
Cet homme brillant, aux multiples talents, aura marqué de sa présence, et souvent de son empreinte, l'histoire contemporaine de notre pays.
En remontant le cours de son itinéraire hors du commun, on est frappé de constater qu'il manque peu de distinctions, peu d'honneurs, voire peu de talents, à celui qui avait reçu en partage les dons innés de l'esprit et la faveur du destin.
Pourtant, au moment d'évoquer sa mémoire, après avoir été saisi par la multitude de ses facettes, une question jaillit d'elle-même : qui était réellement AlainPeyrefitte ? Certes, on m'objectera qu'un secret aussi jalousement gardé constitue, en soi, l'un des plus beaux hommages que l'on puisse rendre à un homme de cette stature ayant à ce point marqué les esprits dans des domaines si différents. Néanmoins, une lecture attentive de son parcours ramène sans cesse à l'esprit quelques images clés, quelques mots symboles d'une trajectoire dont on parviendrait finalement à saisir le fil conducteur.
Ainsi, comme un leitmotiv, reviennent les termes de fidélité, combat, contraste, recherche et... confiance.
C'est, par exemple, mû par le sentiment de confiance, qui sera le sujet de l'un de ses premiers essais, que ce fils d'instituteur aveyronnais « monte » à Paris poursuivre ses études.
Que ce soit sur les bancs de l'Ecole normale, de l'ENA et de la Sorbonne ou sur ceux de l'Académie française, du Palais-Bourbon ou du Luxembourg, dans son bureau à Provins, en poste à l'étranger ou devant la page blanche du livre, partout il promène sa soif de savoir, sa rigueur légendaire et parfois les affirmations au ton polémique visant à relancer et nourrir le débat.
Sa formation et sa carrière le placent dans la lignée de ceux qui accèdent, par leur mérite, aux plus hautes dignités de la nation.
Produit pur de l'élitisme républicain, dont il a pourtant critiqué les travers, Alain Peyrefitte faisait partie de ces hommes qui se sont pliés aux règles imposées par une formation et un parcours essentiellement classiques, mais qui ont su, parallèlement, préserver, forger et épanouir pleinement leur talent personnel.
Alain Peyrefitte illustre cette tradition avec toute la complexité et la richesse qui sont les siennes. C'était un homme paradoxal, assurant la synthèse impossible entre les charges d'un grand serviteur de l'Etat, sept fois ministre, et les activités de l'écrivain, historien, journaliste, féru d'esprit critique et de liberté.
Nul doute que l'exercice du pouvoir a été pour cet intellectuel engagé un exercice de style lui permettant de passer à l'action.
Il l'a fait, comme toujours, en se donnant corps et biens à la mission qu'il s'était vu confier et en fidélité totale à ceux qui la lui avaient confiée.
Il l'a fait en sacrifiant tout à ces deux axiomes, ses sympathies partisanes comme ses préventions de chercheur.
Les certitudes du combattant politique pouvaient-elles se satisfaire des doutes et des questions de l'intellectuel ? Il les mit officiellement entre parenthèses, allant jusqu'à déstabiliser ceux qui l'avaient connu sous d'autres cieux, menant d'autres quêtes consacrées au questionnement du monde et à son ordonnancement.
Pourtant, sous la cuirasse du combattant, il ne s'est jamais départi des habits du chercheur.
Le fil rouge qui traverse sa vie est celui qui relie ses débuts à l'Ecole normale à la thèse qu'il soutient en 1994 à la Sorbonne. C'est le fil rouge de l'éternel chercheur qu'il a toujours été, du grand voyageur qui avait choisi pour tout premier poste celui de diplomate alors qu'il n'avait jamais quitté la France. C'était un voyageur comme seuls le sont ceux qui ont grandi dans leur village et qui demeurent profondément enracinés à leur terroir. Un voyageur qui s'était donné pour mission de faire connaître un pays mythique mais mal connu, la Chine, ou de dénoncer un autre univers kafkaïen, l'administration française. Un voyageur dans le temps aussi, émule de Tocqueville, qui a beaucoup écrit sur l'histoire et la philosophie politique.
L'écrivain, l'essayiste, l'éditorialiste tour à tour érudit ou acerbe du Figaro, était devenu ces dernières années le brillant mémorialiste du gaullisme. Il avait donné pour titre à son ouvrage : C'était de Gaulle. Avec ses dernières forces, il venait d'en achever le troisième volume. C'est assez dire l'énergie, la capacité de mémoire et d'organisation de ce grand témoin, pédagogue passionné, chez qui l'érudition et l'expérience ont donné naissance à de magnifiques ouvrages salués par la critique mais aussi le grand public.
Dans ces ouvrages consacrés au général de Gaulle, on le retrouve effacé, admiratif jusqu'à la dévotion devant ce qu'il appelait lui-même « le miracle » de Gaulle, devant ce héraut du pragmatisme qui avait réussi selon lui ce qu'il y a de plus grand en politique : redonner et inspirer la confiance.
Alain Peyrefitte n'a pas seulement consacré des années de travail littéraire à celui qui constitue sans doute l'ultime repère de sa carrière : il lui avait auparavant donné trente ans de sa vie. C'est au nom de cette fidélité qu'il s'est fait combattant, souvent rugueux, profondément engagé dans les débats de notre temps. En 1958, âgé de trente-trois ans, il est élu député gaulliste de la Seine-et-Marne et le restera jusqu'à son élection au Sénat en 1995.
L'histoire d'Alain Peyrefitte est l'histoire d'une fidélité : fidélité à un homme, le général de Gaulle, fidélité à l'Etat, qu'il sert avec un don de soi total, fidélité à la France et à Provins, qu'il sert comme maire pendant trente-deux ans.
Du chercheur perpétuel au secrétaire général de l'UDR en passant par le ministre, l'homme de presse, l'académicien auteur d'immenses succès publics, ce sont tous ces personnages simultanés qu'il tâchait d'accorder en lui et qui faisaient la personnalité si contrastée d'Alain Peyrefitte, son intelligence si aiguë et son destin hors du commun.
Son ultime performance restera sans doute d'avoir su nous faire profiter, et parfois nous faire subir, tous ces talents avec une égale réussite. Chacun d'entre nous a été à un moment ou à un autre impressionné par AlainPeyrefitte. Je l'ai été. Au-delà des affrontements, il restera comme un symbole d'excellence, un de ces hommes qui ont tout donné aux passions qui étaient les leurs, un de ces hommes qui font honneur à la politique, un grand Français.
Madame, Florence, Véronique, Emmanuelle, Benoît, c'est en pensant aussi à Christel, votre fille, votre soeur, trop vite disparue et que j'associe dans ma mémoire, que je vous adresse les condoléances sincères du Gouvernement, auxquelles j'ajoute mes personnelles pensées chaleureuses.
M. le président. Mes chers collègues, selon la tradition, nous allons interrompre nos travaux quelques instants en signe de deuil.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

8

COMMUNICATION DE M. LE PRÉSIDENT
DU SÉNAT SUR LES SINISTRES,
LEURS CONSÉQUENCES
ET LES ENSEIGNEMENTS
SUSCEPTIBLES D'EN ÊTRE TIRÉS

M. le président. Mes chers collègues, après les intempéries de l'automne, qui avaient si durement éprouvé nos compatriotes du grand Sud-Ouest et, quelques semaines plus tard, ceux de l'outre-mer, la France vient d'être frappée coup sur coup par une marée noire à l'ampleur inégalée et par des tempêtes aux effets dévastateurs et meurtriers.
Notre civilisation technologique, qui a pu triompher si facilement du fameux « bogue » de l'an 2000, a montré une grande fragilité face aux éléments naturels. C'est une dure, mais peut-être salutaire, leçon d'humilité et de prudence que nous inflige ainsi la nature.
Plusieurs années, voire des décennies, seront nécessaires pour réparer des dégâts qui s'élèvent, pour notre seul pays, à plusieurs dizaines de milliards de francs.
Nos premières pensées seront pour les familles endeuillées : plus de cent victimes ! A ceux qui ont perdu l'un des leurs, parfois dans l'exercice de son devoir, le Sénat adresse ses plus vives condoléances. A ceux qui, blessés, ont été meurtris dans leur chair, nous exprimons nos voeux de prompt et complet rétablissement.
Comment, aussi, ne pas être accablé par les images de ces fleurons de notre patrimoine tristement endommagés, de ces millions d'arbres déracinés, couchés ou cassés, de ces pylônes électriques renversés et broyés par le vent, de ces côtes souillées par les nappes de pétrole, de ces oiseaux venus trouver refuge sur nos côtes pour l'hiver et condamnés à une mort certaine par le déversement de tonnes de mazout ?
Sans même évoquer les forêts vosgiennes, qui me sont chères, vous me permettrez de dire un mot du jardin du Luxembourg, durement touché, où il a fallu procéder à l'abattage de plus de cent cinquante arbres. Nous devons être reconnaissants à nos services, qui ont permis que le parc soit rouvert aussi rapidement que possible et dans des conditions de sécurité optimale pour les promeneurs.
Bien sûr, notre sympathie ira également à ceux qui, en dépit des efforts des collectivités publiques, d'EDF ou de France Télécom, sont longtemps restés privés d'eau, d'électricité, de téléphone, voire d'un toit.
Saluons ici l'action exemplaire des agents des services publics, civils et militaires,...
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. ... des employés des entreprises publiques, des agents de l'Office national des forêts, des artisans, de simples citoyens, qui n'ont pas ménagé leurs efforts au cours de ces heures difficiles, notamment entre Noël et le jour de l'An.
Ce superbe élan de solidarité et de générosité est la plus belle réponse que les Françaises et les Français pouvaient apporter à ceux qui dénoncent la frilosité et l'égoïsme de nos compatriotes.
Je n'aurai garde d'oublier nos amis d'Europe, d'Amérique et d'Afrique qui nous ont apporté un appui décisif.
A l'heure des bilans, il est clair que nos grandes infrastructures ont terriblement souffert. Il faudra, je l'ai dit, plusieurs années avant que la qualité des réseaux électriques et téléphoniques soit pleinement rétablie. L'exploitation forestière paraît sinistrée pour un long moment dans nombre de départements.
Le nettoyage de nos plages, la reconstruction des zones sinistrées, le nécessaire soutien aux activités les plus touchées, comme l'agriculture en général, la pêche et la filière bois en particulier, constituent une grande cause nationale qui appelle de la part du Gouvernement des réponses audacieuses.
M. le Premier ministre a annoncé, mercredi dernier, un train de mesures sur lesquelles il semble prématuré de porter un jugement.
Pour l'heure, l'essentiel me paraît être que les conséquences pratiques des décisions gouvernementales se fassent sentir immédiatement dans nos communes et nos départements et que les fonds soient débloqués dans les meilleurs délais. Le plus difficile sera de repérer les situations de détresse, pour les traiter en priorité.
Dans les semaines à venir, le Sénat devra être informé des conditions de mise en oeuvre de ces mesures. Il nous faudra, avec M. le ministre des relations avec le Parlement, organiser la tenue d'une séance consacrée à une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. le président. Il est également impératif que les compagnies d'assurance assument toutes leurs responsabilités. L'Etat doit y veiller.
A plus long terme, ma conviction est que nous ne pourrons pas éluder plus longtemps les questions posées par la multiplication des phénomènes naturels qui affectent notre pays et, par-delà la France, notre planète. Trop d'écoles flambant neuves ont été emportées par la tempête, trop de pylônes électriques se sont effondrés comme des châteaux de cartes. Quant à la marée noire, une catastrophe de l'ampleur de celle de l' Erika aurait sans doute pu être évitée.
Au-delà des moments d'intense émotion que nous venons de vivre et une fois les premiers dégâts réparés, le temps viendra pour nous d'engager une réflexion approfondie sur les conditions de circulation des bateaux de commerce dans l'Atlantique Nord, les modalités de déclenchement des plans POLMAR et ORSEC et la coordination des moyens d'intervention. Avec les présidents de groupes et des commissions intéressées, nous étudierons les meilleurs moyens d'investigation ou d'études que nous pourrions mettre en oeuvre au Sénat pour rechercher les lacunes dans les contrôles de sécurité des navires de commerce et surtout faire des propositions en vue d'éviter une nouvelle pollution accidentelle de nos côtes.
Plus jamais ça ! Il n'y a pas de fatalité de la marée noire.
Que penser aussi de notre dispositif de réaction aux situations d'urgence ? Est-il suffisant ? Faut-il le renforcer ?
En conclusion, force nous est de faire un constat : les premiers présents sur le terrain ont été les élus locaux, tout particulièrement les maires (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE), qui ont pris en mains les opérations de secours aux sinistrés ou de nettoyage des plages.
Les élus de proximité ont su montrer leur capacité à faire face à des circonstances exceptionnelles et à prendre les initiatives nécessaires pour organiser la solidarité, canaliser les bonnes volontés et mobiliser les énergies. Avec des moyens de fortune, ils ont su faire merveille.
Par le maillage de notre territoire qu'elles assurent, les collectivités locales ont constitué, face aux intempéries, un formidable filet de sécurité. Une fois de plus, les élus ont confirmé leur rôle irremplaçable au service des populations. La décentralisation, c'est bien le service public public de proximité. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Plus que jamais, il apparaît urgent, pour enrayer l'hémorragie des vocations municipales, de contrôler le socle humain de la décentralisation en élaborant un statut de l'élu local enfin digne de ce nom et en redéfinissant les contours de la responsabilité pénale pour les fautes non intentionnelles.
Pour l'heure, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, se doit de rendre un hommage solennel aux élus locaux.
Pour manifester notre reconnaissance, mes chers collègues, nous allons suspendre notre séance pour quelques instants et, si vous en êtes d'accord, j'adresserai, en votre nom à toutes et à tous, aux élus des communes et des départements sinistrés, l'extrait du Journal officiel relatant notre hommage. (Applaudissements.)
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, le Gouvernement tient à s'associer à la déclaration que vous venez de faire.
Il tient à exprimer une nouvelle fois sa compassion à l'égard des familles des victimes de ces catastrophes, à dire sa solidarité active à ceux dont les biens ont été dévastés, à exprimer sa reconnaissance à ces milliers de bénévoles qui ont agi dans un élan du coeur admirable, ainsi qu'à tous les agents des services publics civils et militaires, qui ont accompli leurs missions avec rapidité, dévouement et efficacité.
Il veut aussi exprimer sa reconnaissance à l'égard de tous les élus locaux, en particulier les maires, qui se sont mobilisés pour concrétiser et coordonner les secours.
L'heure, vous l'avez dit, monsieur le président, est à la reconstruction. Le Gouvernement a, mercredi dernier, rendu public un plan très divers et très complet. Ce plan sera déconcentré à l'échelon des départements, adapté à la diversité du terrain et fondé sur l'étude des situations au cas par cas.
Il faudra, comme vous l'avez dit également, monsieur le président, tirer les leçons de ces catastrophes. Le Gouvernement s'est engagé à mener cette réflexion.
Monsieur le président, je veux, en conclusion, dire que le Gouvernement est, bien entendu, ouvert à l'organisation d'un débat parlementaire sur ces questions. (Applaudissements.)
M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie de l'engagement que vous venez de prendre au nom du Gouvernement.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

9

CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Mercredi 19 janvier 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et le soir :
1° Nomination d'un secrétaire du Sénat, en remplacement de M. Hubert Haenel ;
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 392, 1998-1999).
Jeudi 20 janvier 2000 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 392, 1998-1999).
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.
A seize heures quinze, M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes, déposera le rapport annuel de la Cour des comptes.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 24 janvier 2000 :
A neuf heures et à quatorze heures quarante-cinq :
Le Parlement est convoqué en Congrès pour le vote sur :
- le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
- le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie.
Le temps de parole imparti à l'orateur de chaque groupe a été fixé à dix minutes maximum ; les deux scrutins auront lieu dans les salles voisines de l'hémicycle.
Mardi 25 janvier 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A dix heures trente et à seize heures :
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (AN, n° 1840).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 24 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 24 janvier 2000.
Mercredi 26 janvier 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la création d'un conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) (n° 19, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Proposition de loi de M. Serge Lagauche et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (n° 444, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Jeudi 27 janvier 2000 :

Ordre du jour réservé

A neuf heures trente et à quinze heures :
Proposition de loi de M. Pierre Fauchon tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 9 rectifié, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendemets à ce texte.
L'ordre des interventions dans la discussion générale sera déterminé en fonction du tirage au sort.
Mardi 1er février 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A dix heures et à seize heures :
Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports (n° 484, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 31 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 31 janvier 2000.)
Mercredi 2 février 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 460, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 1er février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 1er février 2000.
Jeudi 3 février 2000 :
A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 460, 1998-1999) ;
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité (n° 480, 1997-1998).
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 1er février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 1er février 2000.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 8 février 2000 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat ;
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 630 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (contrat de plan en Haute-Loire) ;
N° 642 de M. Raymond Soucaret à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (suppression des postes de correspondants locaux des douanes et droits indirects) ;
N° 643 de M. Bernard Murat à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (conséquences du classement des foyers-logements en « équipement recevant du public ») ;
N° 644 de M. René Marquès à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (immatriculation des vélomoteurs) ;
N° 655 de M. Francis Grignon à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale (remboursement des traitements des maladies orphelines) ;
N° 666 de M. Jean-Marc Pastor à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (prestation compensatoire en cas de divorce) ;
N° 669 de M. Jean Faure à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (politique de diversification énergétique et de valorisation de la forêt française) ;
N° 671 de M. Charles Descours à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (rôle de la commission de la transparence) ;
N° 673 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (réforme des études des professions de santé) ;
N° 674 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (création de bureaux de tabac dans les petites communes) ;
N° 675 de M. Michel Teston à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale (accès des rhumatologues à la radiologie) ;
N° 676 de M. Léon Fatous à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (baisse des effectifs de la direction de l'équipement du Pas-de-Calais) ;
N° 679 de Mme Dinah Derycke à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (avenir de l'usine Alstom de Lys-lez-Lannoy) ;
N° 681 de M. Alain Joyandet à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (réglementation applicable aux baptêmes de l'air) ;
N° 682 de M. Bernard Plasait à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat (conditions d'extension de surfaces commerciales) ;
N° 685 de M. Michel Duffour à M. le ministre de la défense (réorientation des missions de la SNECMA) ;
N° 686 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (difficultés d'application de la loi relative aux animaux dangereux) ;
N° 687 de M. Jean-Claude Peyronnet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (conséquences de l'embargo sur la viande bovine britannique).

Ordre du jour prioritaire

A seize heures et, éventuellement, le soir :
2° Projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique (n° 488, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 7 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 7 février 2000.
3° Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (n° 135, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 7 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mercredi 9 février 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures et, éventuellement, le soir :
1° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, instituant un défenseur des enfants (n° 97, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 8 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier l'article 6 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (n° 141, 1999-2000).
3° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national (AN, n° 1867).
La conférence des présidents a fixé au mardi 8 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
4° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (ensemble une déclaration) (n° 490, 1998-1999).
5° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole d'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération (n° 7, 1999-2000).
6° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay (n° 33, 1999-2000).
7° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay (n° 34, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
8° Projet de loi autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport dans la convention (n° 48, 1999-2000).
9° Projet de loi autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes (n° 49, 1999-2000).
10° Projet de loi autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes (n° 50, 1999-2000).
11° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord relatif à l'application provisoire entre certains Etats membres de l'Union européenne de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes (n° 51, 1999-2000).
12° Projet de loi autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union europénne, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières (ensemble une annexe) (n° 138, 1999-2000).
La conférence des présidents a décidé que ces cinq projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
13° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999 (n° 66, 1999-2000).
14° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part (n° 95, 1999-2000).
15° Projet de loi autorisant l'adhésion du Gouvernement de la République française à la convention internationale de 1989 sur l'assistance (n° 107, 1999-2000).
16° Projet de loi autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières (ensemble 11 annexes) (n° 137, 1999-2000).
Jeudi 10 février 2000 :

Ordre du jour réservé

A neuf heures trente et à quinze heures :
1° Proposition de loi de M. Bernard Joly tendant à permettre la dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place de l'Etat (n° 325, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 9 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
2° Proposition de loi de M. Jean-Pierre Raffarin et de plusieurs de ses collègues tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires (n° 254, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au mercredi 9 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mardi 22 février 2000 :
A neuf heures trente :
1° Questions orales sans débat.
A seize heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques (n° 156, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au lundi 21 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Mercredi 23 février 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A quinze heures :
1° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
2° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au référé devant les juridictions administratives (n° 136, 1999-2000).
La conférence des présidents a fixé au mardi 22 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.
Jeudi 24 février 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Troisième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi organique relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux (AN, n° 1877).
2° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives (AN, n° 1878).
A quinze heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.

Ordre du jour prioritaire

4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l'ordre du jour réservé ?...
Ces propositions sont adoptées.

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ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux de ses membres pour siéger au sein du Conseil national de la montagne.
En conséquence, j'invite la commission des affaires économiques et du Plan et la commission des affaires sociales à présenter chacune une candidature.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

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LIBERTÉ DE COMMUNICATION

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 392, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. [Rapport n° 154 (1999-2000) et avis n° 161 (1999-2000)].
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui la réforme de la loi sur la liberté de communication préparée par le Gouvernement telle que l'a adopté en première lecture l'Assemblée nationale.
Avec cette réforme, le service public trouvera les moyens d'une nouvelle ambition. Avec cette réforme, le système de la régulation audiovisuelle à la française prendra pleinement en compte la nouvelle donne de la numérisation.
Depuis un demi-siècle déjà, la radio et la télévision se sont imposées comme la principale source d'information des citoyens, le premier de leur divertissement et, avec l'école, le plus puissant vecteur de l'éducation, de la culture et de l'expression des idées.
Une nouvelle mutation des usages audiovisuels est cependant engagée avec l'essor conjoint des transmissions satellitaires et de la numérisation des signaux.
Un bouleversement plus puissant encore est en oeuvre avec la convergence de l'audiovisuel, de la téléphonie et de l'informatique.
Ouverture au monde le plus lointain, mais aussi connaissance du monde le plus proche : si les frontières géographiques disparaissent, nos concitoyens ne veulent pas perdre leurs racines. C'est dans le même esprit d'universalité que nous exigeons que l'information nous renseigne aussi bien sur ce qui arrive à l'autre bout du monde que sur ce qui se passe dans notre village ou notre quartier. Devenue européenne, demain peut-être mondiale, la citoyenneté se veut plus fraternelle et plus intime.
Est-ce à dire que cette facilité de recueillir l'information, de disposer de toute l'ampleur du savoir humain en temps réel va transformer notre société au point de faire disparaître toutes les inégalités et progresser l'intelligence humaine ?
A nous d'en décider : deux espoirs se dessinent devant nous.
Le premier, c'est la fin des inégalités culturelles. Tous ces progrès ne sont encore accessibles qu'à une petite partie de l'humanité, la plus riche. Bien sûr, nous pouvons aujourd'hui recevoir plus de trois cents chaînes, mais 80 % des foyers ne disposent encore aujourd'hui que des seules chaînes hertziennes gratuites. Dans quelques années, peut-être ne seront-ils que 50 %, mais quand bien même ils ne seraient que 20 %, 10 %, voire moins, nous devrions leur garantir une qualité et une diversité de contenus. C'est ainsi que nous combattrons l'exclusion.
Le second espoir, c'est la diversité de la pensée. En matière économique, les monopoles sont coûteux pour le consommateur ; en matière de communication, ils sont pernicieux pour l'esprit. Nous pouvons bénéficier de nouvelles sources de divertissement, d'information, de culture, multiples et diverses.
Ouvrir notre paysage audiovisuel, faciliter le développement de nouvelles chaînes du câble, du satellite ou du numérique hertzien, c'est permettre l'épanouissement de chacun dans la liberté.
Renforcer le contrôle de l'indépendance des rédactions, à l'égard des intérêts politiques et économiques, c'est favoriser le pluralisme et l'impartialité de l'information.
Soutenir la production de contenus audiovisuels de qualité, en incitant les nouvelles chaînes non pas à se contenter de rediffuser des stocks largement amortis ou des téléfilms américains achetés au kilomètre, mais à investir dans la création de programmes originaux, c'est défendre la diversité culturelle.
Ce sont bien ces principes que la France défend dans l'arène internationale. Ce sont bien ces principes qui sous-tendent la loi de développement et de liberté que le Gouvernement vous soumet aujourd'hui.
Une loi de développement qui permette à nos entreprises publiques et privées de prendre toute leur part dans le renouveau technique et des services, et d'affirmer efficacement leur présence sur le marché international.
Une loi de liberté qui garantisse que cet essor soit porteur d'un regain de la démocratie et d'un épanouissement des forces de la création.
Je sais que beaucoup de sénateurs, au-delà de nos différences d'approche, partagent avec le Gouvernement l'attachement au service public audiovisuel, à l'indépendance des autorités de régulation ou au pluralisme de la création.
Je n'ai pas besoin de le souligner, le contexte a profondément changé depuis le moment où vous avez adopté un projet de loi modifiant la loi de 1986 présenté par mon prédécesseur : le temps écoulé nous permet de nous pencher aujourd'hui, en temps réel, sur les questions que l'évolution des techniques nous pose. Qui pouvait alors prévoir la fusion AOL-Time Warner, le développement de la web-tv ou l'accélération du passage à la télévision numérique de terre ?
C'est bien dans cet esprit d'adaptation souple aux nouvelles problématiques que nous ouvrons le débat sur la télévision numérique de terre ou que nous réfléchirons ensemble au développement des télévisions locales, avec l'objectif de finaliser ces dispositifs au cour des secondes lectures. Je conçois cette navette parlementaire comme une chance d'enrichissement du texte qui vous est soumis. J'en profite pour rendre hommage au remarquable travail qui a été accompli ici, tout particulièrement par MM. Hugot et Belot, vos rapporteurs, ainsi que par Mme Pourtaud et par MM. Pelchat et Weber, qui ont examinés très attentivement ce projet de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans cette démarche tout à la fois pragmatique et réfléchie, fondée sur la conviction que l'action publique dans l'audiovisuel est légitime, cette réforme poursuit trois objectifs : refonder, développer et réguler.
D'abord, il s'agit de refonder le service public, d'une part pour renouer le contrat démocratique qui lie les citoyens à leur audiovisuel public et, d'autre part, pour créer un point d'équilibre et de référence dans un monde concurrentiel et changeant.
Missions, organisation et moyens sont les trois piliers de ce projet de loi.
J'ai tenu à ce que la représentation nationale débatte des missions qu'elle assigne au service public de l'audiovisuel, dans son ensemble et à travers chacune de ses composantes, dans les nouvelles technologies comme dans ses aspects plus classiques.
Dans cette volonté de redonner force et ambition à l'audiovisuel public, la France agit de concert avec tous les pays d'Europe et prendra, dans le cadre de sa présidence de l'Union, plusieurs initiatives.
En effet, ce que nous défendons ensemble, c'est l'idée qu'un audiovisuel public fort et diversifié constitue un outil irremplaçable au service de la démocratie, du développement culturel, de la diversité de la création audiovisuelle et du rayonnement international. Ce choix s'impose à la fois comme une exigence de citoyenneté et comme un pari industriel d'avenir.
L'audiovisuel public, par la richesse de ses programmes et de ses savoir-faire, dispose d'atouts remaquables pour contribuer au développement de l'offre thématique aussi bien qu'au renforcement de notre présence dans la compétition internationale de l'information et des programmes. C'est également lui qui est le mieux placé pour anticiper l'enrichissement des services que permettra le développement de diffusion numérique hertzienne que nous allons évoquer.
Aucune chaîne privée ne saurait se substituer au rôle joué par la Sept-Arte en matière de création, de documentaire ou de fiction, ou par La Cinquième comme pôle de connaissance, d'éducation et de savoir, et je sais combien votre Haute Assemblée est attachée au bon fonctionnement et au développement de la chaîne éducative. Mais il est également décisif que le service public, avec la force conjuguée de France 2 et de France 3, fasse oeuvre de qualité et d'invention dans tous les grands genres de programmes à vocation « grand public » : fictions, bien sûr, mais aussi jeux, sports ou divertissements.
France 2 est la chaîne publique à qui incombe la mission fédératrice la plus large et qui doit exercer, au plus haut niveau d'exigence, son rôle d'information nationale et internationale. C'est grâce à la puissance de ce navire amiral que le secteur public, loin d'être condamné à un destin subsidiaire, va pouvoir se déployer avec succès dans les nouveaux services et sur la scène internationale. Enfin, grâce aux moyens que cette loi lui donnera, France 2 finira de sortir de la crise d'identité et de la crise financière qu'elle traversait depuis plusieurs années.
Si toutes ces évolutions, si tous ces défis technologiques et sociologiques plaident pour un développement offensif de l'audiovisuel public, ils permettent aussi de mesurer les déficiences actuelles de son organisation.
C'est bien pour donner à la télévision publique la plénitude de ses moyens que j'ai proposé de rassembler ses forces en un véritable groupe industriel et financier, la fameuse « holding ».
Pourquoi constituer un tel groupe ?
C'est d'abord pour mener une stratégie d'investissement plus efficace, en particulier dans le numérique, et de développement des programmes.
C'est, ensuite, pour « faire le poids » face à des opérateurs privés d'autant plus puissants qu'ils s'allient, pour atteindre une véritable dimension européenne.
C'est, enfin, pour permettre aux chaînes publiques de réaffirmer leur identité éditoriale au sein d'un même groupe industriel et financier, dans le respect de leurs missions et de leurs antennes respectives. A côté de France 2, dont je vous ai indiqué la place centrale, France 3 doit être la chaîne de la proximité, de l'attachement au territoire et au voisin. Quant à La Cinquième, j'attends de cette chaîne qu'elle s'adresse à tous les publics, avec une mission éducative très large, consubstantielle à la notion même de service public.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous propose que la Sept-Arte ne fasse pas partie de ce groupe. Il s'agit là d'une décision que, après mûre réflexion, j'ai soumise au Premier ministre, qui l'a acceptée et dont il a fait part hier au chancelier allemand. Je souhaiterais vous l'expliquer.
J'ai été, vous le savez, parmi les premières et les plus ardentes à m'impliquer, dès l'origine, dans la défense d'Arte, qui, vous ne l'ignorez pas, a son siège à Strasbourg. Il s'agissait alors pour moi de soutenir un projet culturel réellement innovant et démocratique, traduction dans les faits de mon idéal européen.
L'essentiel a donc toujours été et reste, à mes yeux, le développement d'Arte en France, en Allemagne et en Europe, et je continue à penser que la Sept-Arte aurait été assez forte pour participer au groupe France Télévision sans perdre pour autant son identité.
Le projet de loi garantissait l'indépendance éditoriale, l'autonomie financière et managériale de la Sept-Arte, comme d'ailleurs celle de France 2, France 3 ou de La Cinquième. Dans ce cadre donc, les revendications de la partie allemande pouvaient trouver satisfaction à l'intérieur de France Télévision, grâce à des aménagements, que j'avais proposés tout en veillant à leur compatibilité avec un bon fonctionnement du groupe. Je me suis cependant aperçue que les demandes de nos partenaires, qui, en maints points, dépassaient le cadre prévu par le traité, voire la situation du pôle allemand d'Arte, risquaient, si nous les satisfaisions intégralement, de nuire à la cohérence de France Télévision, notamment au niveau de la direction du groupe et de la Sept-Arte.
Alors, attachée aujourd'hui, comme hier, au maintien du pacte de confiance et de la sérénité du partenariat sur lequel repose l'existence et l'évolution de cette chaîne, j'ai préféré choisir une autre solution.
Arte, chaîne européenne de service public, a toute sa place dans le paysage audiovisuel français : nous veillerons à ce qu'elle bénéficie de tout le soutien nécessaire à l'extension de sa diffusion, en France et en Allemagne, en Europe et dans le monde, à l'amélioration de ses moyens de programmes et de développement, comme j'ai pu déjà le prouver au fur et à mesure des votes des lois de finances successives depuis 1998. Je suis persuadée de trouver, dans cet effort pour que l'excellence profite au plus grand nombre, l'appui de tous ceux qui, dans le milieu intellectuel notamment, se sont mobilisés dès l'origine pour la Sept et pour Arte et entendent en préserver et développer les acquis. Nous travaillerons ensemble comme nous l'avons toujours fait.
La Sept-Arte conservera bien évidemment ses liens capitalistiques avec France Télévision : je rappelle que France 3 détient 45 % de son capital. Nous pourrons ainsi veiller à une bonne coordination stratégique entre le groupe et la Sept-Arte.
En effet, regrouper France 2, France 3, La Cinquième et leurs filiales, dont TV 5 et CFI, mais aussi les nouvelles chaînes thématiques existantes ou à venir, c'est non pas créer une superstructure administrative, mais mettre en place un état-major doté des pouvoirs et des moyens nécessaires à la conduite d'une véritable stratégie.
L'enjeu est de mieux affirmer la richesse éditoriale de l'offre publique de télévision tout en renforçant l'efficacité économique du service public, de renforcer sa politique de diversification thématique et, dans les nouveaux services, d'accroître sa capacité de négociation sur les marchés internationaux des droits sportifs, d'améliorer sa coopération avec les organes de l'action audiovisuelle extérieure, CFI et TV 5, dont les chaînes publiques seront désormais actionnaires majoritaires.
Plus fondamentalement, seule une vision stratégique commune permettra aux chaînes publiques de se préparer aux nouvelles opportunités qu'offrira le passage au numérique de terre. J'attends d'elles qu'elles assument pleinement le rôle moteur qui leur revient dans une telle transition.
Evidemment, une telle réforme de structures serait inachevée si elle ne s'appuyait pas sur des moyens renforcés. Il fallait non seulement remédier à la privatisation rampante, c'est-à-dire à la croissance de la part de la publicité dans les chaînes publiques, mais aussi accroître les moyens de celles-ci.
D'une part, donc, nous maintenons la redevance, véritable « cotisation citoyenne ». La redevance est la seule ressource qui garantisse, dans la durée, l'autonomie du fonctionnement de la radio et de la télévision publiques, notamment à l'égard des aléas propres à toute recette commerciale. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a adopté - et j'espère que le Sénat fera de même - l'inscription dans la loi comme un principe pérenne de l'obligation, pour l'Etat, de rembourser intégralement au compte spécial de la redevance le montant des exonérations, c'est-à-dire 2,5 milliards de francs par an.
Dès l'année 2000, l'audiovisuel public bénéficiera de moyens très nettement accrus, en progression de 5,3 %, soit environ un milliard de francs - 971 millions de francs très exactement - de moyens nouveaux, bien entendu, au-delà de la compensation intégrale de la baisse de la publicité décidée pour l'an 2000.
D'autre part, nous diminuons la durée de la publicité autorisée sur les chaînes publiques. En effet, depuis quinze ans, tous les rapports, tous les experts, mais aussi beaucoup de téléspectateurs réclamaient la fin des tunnels pour des raisons de confort d'écoute, bien sûr, mais aussi comme garantie de la qualité des programmes. Le Gouvernement a donc décidé d'abaisser de 12 minutes à 8 minutes la durée horaire maximale de la publicité pour France 2 comme pour France 3. D'ailleurs, depuis le 1er janvier dernier, cette réduction est en partie effective, puisque le Gouvernement avait souhaité limiter dès 2000 cette durée maximale à 10 minutes.
Nous le faisons dans la loi, parce qu'il s'agit d'une véritable décision politique, qui signe l'engagement pris de compenser le manque à gagner en recettes publicitaires. Il vous appartiendra désormais, au sein du Parlement, de veiller à ce que cet engagement soit strictement tenu dans le vote comme dans l'exécution de chacune des lois de finances annuelles.
Tous convenaient que l'accroissement de la part de la publicité dans son financement menaçait de plus en plus le service public dans l'indépendance et l'identité de sa programmation.
Décidé à passer aux actes, le Gouvernement a souhaité que les mesures prises portent des effets clairement perceptibles pour le téléspectateur. Il devait également veiller à ce qu'elles n'affaiblissent pas le potentiel d'activité des chaînes publiques. D'où le versement intégral des sommes correspondant à la perte de recettes publicitaires, mais aussi de celles qui seront nécessaires pour produire les 350 heures de programmes qui remplaceront la publicité. Cela représentera 1,5 milliard de francs par an.
Sur les 2,5 milliards de francs de compensation des exonérations, il restera donc 1 milliard de francs par an aux chaînes publiques pour financer l'amélioration de leurs programmes et les investissements nécessaires notamment au passage à la télévision numérique de terre.
Je ferai une remarque à ce propos : la compensation par des exonérations de redevance, qui sont un élément de notre politique sociale, est une excellente décision, que beaucoup d'entre vous réclamaient tous les ans et que ce gouvernement a prise. Elle n'est nullement contradictoire avec une réflexion sur la redevance, sur son mode de recouvrement, sur son assiette, voire sur son montant. Cette réflexion est en cours et fera l'objet d'un rapport que le Gouvernement remettra au Parlement avant le mois de juin prochain.
Redonner à l'audiovisuel public un projet d'avenir, c'est enfin le doter d'un management stable et responsable, et lui permettre la maîtrise de son développement.
Dans ce domaine encore, le Gouvernement vous propose de faire enfin entrer dans les faits des recommandations dont chacun plaide le bien-fondé mais dont la mise en oeuvre a toujours été différée. Oui, la loi va enfin porter à cinq ans le mandat des dirigeants de l'audiovisuel public. Oui, elle va enfin libérer le service public des aléas d'une gestion budgétaire à courte vue et lui permettre de maîtriser une véritable stratégie de développement. C'est tout l'objet des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, novation par rapport aux aléas de court terme d'une gestion purement budgétaire, mais aussi garantie d'indépendance pour les dirigeants, possibilité de contrôle intelligent et efficace pour la tutelle.
Ces deux mesures tendent à promouvoir une profonde modernisation des modes de gestion et de tutelle des chaînes publiques, où les pouvoirs publics et les dirigeants des sociétés se trouvent désormais liés par un véritable pacte de responsabilité mutuelle, pour définir en commun une stratégie et arrêter les conditions de sa mise en oeuvre.
Missions, organisations, moyens : avec ces trois piliers, la réforme devrait nous permettre à tous, téléspectateurs et citoyens, de considérer la télévision publique comme « notre » télévision.
Enfin, la conception du service public que je vous ai exposée justifie, sans discours supplémentaire, que le projet de loi mette fin au contrat d'exclusivité de diffusion de France 2 et de France 3 qui avait été consenti au profit de TPS. Cela n'a rien à voir avec la décision de la Commission européenne, qui se prononce non pas sur les mêmes bases, mais au nom de règles de concurrence, et qui n'empêche nullement le gouvernement français de prendre ses décisions d'actionnaire des chaînes publiques. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
J'en viens au second objectif de cette réforme : développer. En effet, préparer l'avenir, c'est réunir aujourd'hui les conditions économiques et juridiques qui permettent à nos entreprises d'entrer dans un nouveau cycle de développement et de diversification des programmes et des services audiovisuels.
Comme je l'ai souligné, la réforme du service public s'inscrit tout entière dans une perspective de développement. Mais cette visée s'étend bien au-delà : elle concerne l'ensemble des entreprises du secteur et des industries de programmes.
La réforme induira une action sans précédent de relance économique pour toute l'économie des médias et pour l'industrie des programmes, grâce à l'apport additionnel de ressources publiques correspondant aux remboursements des exonérations. En premier lieu, celui-ci accroîtra de plus d'un milliard de francs le potentiel propre d'investissement de l'audiovisuel public dans les programmes et dans les services. Mais, dans le même temps, l'essentiel des ressources commerciales libérées par la baisse de la publicité pourrait se transférer, en partie vers les autres médias comme la radio ou la presse écrite ou les chaînes thématiques, en partie vers les chaînes privées.
Ce double effet suffira à engendrer au total un accroissement d'au moins 500 millions de francs des sommes mobilisées au bénéfice de la production, par le jeu des obligations d'investissement et de la taxe sur le compte de soutien auxquelles chaînes publiques et privées sont assujetties.
La réforme apporte par ailleurs des garanties nouvelles en faveur d'un développement pluraliste de la création audiovisuelle et cinématographique et du renforcement d'un tissu diversifié de producteurs, distributeurs et éditeurs indépendants.
S'agissant des grandes chaînes hertziennes, la loi se propose de renforcer l'efficacité des dispositions en vigueur en matière d'obligations économiques à l'égard de la production indépendante et pour assurer une plus grande fluidité des droits.
De plus, les chaînes thématiques du câble et du satellite seront désormais soumises, elles aussi, à des obligations de contribution à la production de programmes.
Dans le même temps, câblo-opérateurs et opérateurs de bouquets satellitaires seront tenus de réserver une place suffisante, dans leur offre de services, à des éditeurs indépendants.
S'agissant enfin de l'équilibre du paysage radiophonique, le souci de préserver la pluralité des opérateurs conduit à demander au CSA de veiller à ce qu'une proportion suffisante de fréquences reste allouée aux radios associatives et à ce que le public ait accès à des stations généralistes contribuant à l'information politique et générale.
La loi audiovisuelle comportera également l'ensemble des dispositions indispensables au développement des services par câble, comme par satellite.
En conformité avec le droit communautaire, le Conseil supérieur de l'audiovisduel sera désormais habilité à conventionner l'ensemble des chaînes par satellite établies en France.
En conséquence, les chaînes thématiques diffusées par satellite seront soumises à un régime d'obligations identiques à celles que supportent les chaînes distribuées par câble.
Quant aux plates-formes satellitaires, elles feront désormais l'objet d'une déclaration auprès du CSA, les câblo-opérateurs restant pour leur part assujettis à un régime d'autorisation que justifie le monopole d'exploitation dont ils disposent localement.
Par ses propositions d'amendements, la commission des affaires culturelles montre tout l'intérêt porté par la Haute Assemblée à l'évolution que va connaître, dans les prochaines années, avec la numérisation de la diffusion, le secteur de la radio-télévision, et à ses enjeux de toute première importance. Je souhaiterais donc que nous nous y arrêtions un instant.
La technologie numérique s'installe sur l'ensemble des supports de communication au public, qu'il s'agisse du satellite, du câble ou de la diffusion hertzienne. Les opérateurs français, à travers les bouquets satellite et les réseaux câblés, ont su développer en la matière une véritable expertise, qui leur permettra de prendre très rapidement position dans la télévision numérique de terre. La diffusion hertzienne terrestre demeurant, en France, le mode majoritaire de réception des programmes télévisés, il apparaît difficile de ne pas en envisager la numérisation. Celle-ci est déjà effective dans certains pays de l'Union européenne - Grande-Bretagne, Suède - ou en cours de lancement dans d'autres, tels l'Espagne, les Pays-Bas et l'Italie.
Conscient des enjeux, le gouvernement français a souhaité mener une large concertation avec l'ensemble des acteurs concernés afin de définir le meilleur cadre juridique, économique et technique de la numérisation de la diffusion hertzienne. Un Livre blanc a donc été envoyé à plus de 300 acteurs socioprofessionnels, et un forum Internet a été ouvert.
J'ai alors confié à M. Hadas-Lebel, conseiller d'Etat et ancien directeur général de France 2, la présidence d'un groupe de travail réunissant les administrations concernées et les autorités de régulation. Ce groupe a procédé au dépouillement des réponses au Livre blanc et au forum Internet. M. Hadas-Lebel m'a remis, hier soir, son rapport, que j'ai aussitôt adressé à votre président et à vos rapporteurs.
C'est en s'appuyant sur ce rapport, aboutissement d'un long travail qui a associé toutes les autorités publiques, tous les opérateurs mais aussi de simples téléspectateurs, et sur les autres travaux dont il dispose aujourd'hui que le Gouvernement prendra les décisions nécessaires. Nous aurons l'occasion de débattre plus longuement de ce sujet lors de la discussion des articles.
Je sais également que la Haute Assemblée est très soucieuse du développement des télévisions locales, sur lesquelles j'aimerais maintenant vous dire quelques mots, mesdames, messieurs les sénateurs. Leur développement correspond, à mon sens, à un véritable approfondissement de notre démocratie et répond à des aspirations profondes de nos concitoyens.
A la demande du Gouvernement, le CSA a engagé les travaux de planification des ressources hertziennes. Il ne s'agit pas de renvoyer le développement des télévisions locales à la période où l'équipement numérique des ménages sera suffisant pour assurer à lui seul leur équilibre. Au contraire, au vu des premières étapes de la planification et dès lors qu'aura été confirmée la décision d'engager le passage au numérique, le CSA sera en mesure de vérifier quelles fréquences actuellement inemployées pourraient ou non être attribuées à des projets locaux ou régionaux existants sans compromettre la couverture territoriale des futurs « multiplexes » numériques.
Je conclurai en évoquant le dernier principe de cette réforme : la régulation. Ce sera, en effet, contribuer à la modernisation de notre démocratie que de promouvoir un exercice plus efficace et plus transparent des pouvoirs confiés aux autorités indépendantes existantes en vue de garantir aux concitoyens un fonctionnement des médias audiovisuels qui reste concurrentiel, pluraliste et respectueux du public.
Loi de développement pour l'ensemble de l'économie audiovisuelle, la réforme entend encourager le renforcement de grands groupes français capables de s'affirmer, au plan international, dans des conditions qui respectent la concurrence et le pluralisme.
Il nous a paru nécessaire de renforcer les procédures de régulation déjà en vigueur, de rendre plus efficace et plus transparent l'exercice des compétences de chacune des autorités indépendantes, et d'organiser la bonne complémentarité de leur intervention à l'égard des activités audiovisuelles.
Le Gouvernement a notamment considéré que l'ensemble des mouvements économiques affectant l'audiovisuel ne permettaient plus de maintenir ce secteur à l'écart du contrôle des concentrations. Afin de prendre pleinement en compte les exigences propres au pluralisme, il est donc proposé que de telles concentrations soient soumises au contrôle du Conseil de la concurrence, mais avec une consultation systématique du CSA.
De même, le projet de loi élargit l'information économique dont disposera le CSA à propos du candidat et de ses principaux actionnaires, lors de l'attribution des fréquences hertziennes. Il précise également les critères lui permettant de ne pas recourir à la « reconduction automatique » instaurée par la loi Carignon, et améliore la transparence de cette procédure lorsqu'elle est utilisée.
Je veux le souligner pour finir : ce sont bien l'auditeur et le téléspectateur, l'usager et le citoyen, qui sont les vrais destinataires de l'ensemble de notre réforme.
De ce point de vue, j'attache le plus grand prix à plusieurs des dispositions du projet de loi qui concourent à faire prévaloir, à l'égard de l'ensemble des opérateurs, les droits essentiels du téléspectateur.
Je pense, notamment, à la transposition dans notre droit interne de la directive européenne en ce qui concerne la protection des mineurs ou le droit d'accéder à une diffusion en clair des événements d'importance majeure.
C'est aussi le respect de l'usager qui conduit à confier au Conseil supérieur de l'audiovisuel le soin de veiller à l'indépendance de l'information audiovisuelle à l'égard des intérêts économiques des actionnaires. Le Conseil disposera à cet effet d'un droit d'information sur les marchés publics pour lesquels ces derniers auront soumissionné. Il devra également rechercher avec les opérateurs les dispositions les mieux adaptées pour garantir l'indépendance des rédactions : médiateurs, sociétés de journalistes, code de déontologie devraient ainsi, je l'espère, contribuer à renouveler la relation de confiance qui s'impose entre les médias et leur public.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est, vous l'aurez constaté, dans un esprit constructif que je souhaite que nous travaillions ensemble, au cours de ce débat, pour faire progresser ce projet de loi. Je suis, pour ma part, fermement déterminée à aboutir à un texte efficace, traduisant dans les faits les grands principes auxquels nous sommes pareillement attachés. Pour modeste qu'il soit, mon objectif est l'expression d'une grande ambition : c'est chaque téléspectateur, chaque citoyen que j'entends placer au coeur de cette réforme. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
(M. Paul Girod remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter, au nom de la commission des affaires culturelles, le projet de loi relatif à la liberté de communication et les modifications que le Sénat pourrait lui apporter afin de le dynamiser quelque peu. Je souhaite ainsi que notre discussion puisse faire avancer un certain nombre d'options que vous avez, madame la ministre, évoquées, notamment dans le domaine du numérique hertzien.
La réflexion concernant l'audiovisuel public a d'ores et déjà permis des novations utiles, que nous aimerions saluer. C'est ainsi que la première perspective de ce projet de loi vise à inscrire clairement l'audiovisuel public dans le cadre d'un groupe industriel public. C'est une option majeure qui concerne un ensemble d'entreprises dont il importe d'assurer la capacité de développement dans le cadre de la concurrence actuelle et des nouveaux dynamismes suscités par les évolutions technologiques.
Voilà deux ans, le projet de loi de M. Douste-Blazy avait d'ores et déjà prévu la fusion de La Cinquième et de la Sept-Arte. Par ailleurs, sur proposition de sa commission, le Sénat avait adopté, en première lecture, la création d'une société holding regroupant France 2 et France 3 et, d'emblée, cette dernière a démontré son utilité. Enfin, le groupe France Télévision, que vous souhaitez promouvoir, madame la ministre, devrait étendre le groupement, au-delà de France 2 et de France 3, à la société résultant de la fusion de La Cinquième et de la Sept-Arte.
Je ne peux pas vous cacher notre surprise d'avoir constaté dans quelle situation vous avez été placée en devant prendre une décision qui, manifestement, a connu des évolutions au cours des dernières semaines. Nous attendrons donc l'approfondissement du débat pour savoir si ces évolutions tiennent, pour l'essentiel, à une interprétation indiscutée de nos engagements internationaux ou si elles relèvent d'une qualité de nos relations diplomatiques qui a pu se trouver en défaut à un moment ou à un autre.
Quoi qu'il en soit, la perspective de ce groupe industriel se trouve partiellement affectée par cette nouvelle donne. Mais des perspectives nouvelles peuvent s'ouvrir et nous ne voulons pas en sous-estimer la richesse.
La fixation des moyens des différentes sociétés est organisée, avec les adaptations consécutives aux décisions récentes, dans le même esprit de regroupement puisque France Télévision serait attributaire de la part de redevance affectée au groupe et la répartirait entre ses filiales.
Le problème reste donc bien aujourd'hui celui du périmètre et, a priori, nous pensions que toutes les chaînes publiques, notamment en matière d'audiovisuel intérieur, avaient vocation à entrer dans un groupement industriel, commercial et financier assurant à chacune des chaînes rapprochées une dynamique nouvelle alors même, bien sûr, qu'il s'agissait d'éviter une sorte de mutualisation des pertes.
C'est la raison pour laquelle nous pouvons concevoir que, en attendant que l'actionnaire principal de RFO donne à cette chaîne les moyens - sur tous les plans - de remplir ses fonctions, cette chaîne de l'outre-mer garde pour l'instant des relations contractuelles avec le reste du groupement.
En raison d'une certaine improvisation, les décisions prises à l'égard de la Sept-Arte pourraient ne pas manquer d'infléchir, madame la ministre, le développement de cette chaîne qui, au-delà de toutes les garanties apportées sur la ligne éditoriale, sur la ligne financière, sur la ligne « manageriale », si j'ose dire, semble exiger une vie autonome. Finalement, cette chaîne pourra sans doute être parfaitement ajustée, comme vous le suggérez, à un développement européen plus large au-delà du couple binational franco-allemand. Peut-être est-ce là une chance compte tenu des nouvelles perspectives qui s'ouvrent.
La deuxième innovation importante à laquelle nous souhaitons apporter notre soutien est l'inscription dans la loi du principe du remboursement des exonérations de redevance.
Nous savons, les uns et les autres, que ce principe vaut par notre sincérité et notre loyauté, qui sont réelles. Quelle que soit la contrainte de l'annualité budgétaire, il y donc là un rappel qui permettra effectivement au Parlement de rappeler les engagements pris.
Une troisième innovation particulièrement séduisante concerne la mise en place de contrats d'objectifs et de moyens. C'est une initiative et un instrument que nous reconnaissons d'emblée et sans restriction comme très utiles. L'audiovisuel public a en effet besoin que l'actionnaire principal fasse preuve, en la matière, d'un véritable engagement et qu'il soit demandé aux gestionnaires de rendre des comptes. Une mesure de ce type avait d'ailleurs été avancée dans le cadre du projet de loi Douste-Blazy.
Ces trois innovations méritent d'être soulignées et accompagnées.
En revanche, je ne cacherai pas que j'ai le sentiment que deux autres mesures pourraient rendre plus aléatoire le basculement de l'audiovisuel public dans la société de l'information.
En premier lieu, la réduction législative de la durée horaire des messages publicitaires risque d'altérer les effets de la réforme au moment où nous mettons en place des contrats d'objectifs ou s'engageraient l'actionnaire principal, l'Etat, et les gestionnaires des chaînes. A mon avis, les mêmes garanties doivent être offertes aux deux parties, Etat et chaînes, pour que soit assuré le nécessaire abondement de ressources d'origine publique en contrepartie de l'exigence réitérée d'une réduction des recettes propres de type publicitaire.
Si cette perspective de légalisation de la réduction de la durée horaire des messages publicitaires a un caractère emblématique qui ne peut manquer d'exprimer une volonté politique, on pourrait probablement inscrire cette exigence dans le cadre des contrats d'objectifs de façon plus ajustée et plus efficace.
Par ailleurs, dans le cadre d'une responsabilisation du groupe industriel auquel nous pensons, la liberté de partenariat du service public - alors même que nous voyons tout ce que la culture d'entreprise de France Télévision a pu gagner au dialogue instauré au sein de TPS - me paraît incompatible avec l'exclusivité tout en exigeant de la part des chaînes privées une obligation de portage, autre façon de contourner le droit de l'audiovisuel public en tant que groupe industriel, de distinguer ses partenaires, et pourquoi pas ? de négocier ses partenariats.
La contribution du Sénat pourrait porter essentiellement sur trois domaines sur lesquels je voudrais insister.
Tout d'abord, nous avons voulu, après nos collègues de l'Assemblée nationale, faire preuve nous aussi d'imagination concernant la définition des missions de service public. Là où nos collègues ont d'emblée emprunté la voie des définitions par extension en énumérant, sous forme d'inventaire, des missions particulièrement emblématiques et séduisantes, nous préconisons des définitions où, d'une façon plus ramassée et plus synthétique, nous traçons les contours du service public, dans la perspective même des conditions qui rendent ces définitions nécessaires : nous devons pouvoir opposer aux instances européennes, lorsque nous sommes interrogés sur l'affectation de moyens publics à l'audiovisuel - qui est un secteur concurrentiel - un lien consubstantiel entre des missions et des moyens nécessaires, de telle sorte que ces missions soient véritablement le propre du service public. Nous pourrons ainsi être à l'abri de critiques et de remises en cause quant à l'affectation de moyens publics sur des fonctions susceptibles d'être largement partagées.
Notre deuxième initiative pourrait concerner l'entrée de l'audiovisuel public dans la société de l'information. A cet égard, il est clair que la participation de l'audiovisuel public à TPS, je le disais tout à l'heure, lui a permis de prendre la mesure parfois de son retard, et souvent de ses handicaps. Faire participer l'audiovisuel public en toute priorité aux nouvelles conquêtes de la diffusion hertzienne numérique est, me semble-t-il, l'occasion de faire rebondir ce grand service auquel nous sommes attachés, dans un juste partage avec les grands partenaires nationaux qui ont su faire de l'usage de l'analogique hertzien une réponse très adaptée à la diversité des besoins de notre public. La réflexion est engagée, mais les décisions doivent maintenant être prises.
La troisième initiative concerne les relations des organismes publics et de leur actionnaire unique, l'Etat. En effet, l'audiovisuel public devra désormais se mettre au diapason des évolution gourmandes en moyens, en investissements - et donc, peut-être, en nouvelles capitalisations - des entreprises.
L'une de nos propositions consistera, notamment, à faire en sorte que l'Etat prenne ses responsabilités dans la désignation du président du groupe France Télévision, et ce dans le cadre, toujours éclairé, des propositions du CSA, qui pourrait présenter une liste d'au moins deux noms et de quatre noms au plus, sachant qu'il s'agirait des administrateurs que le CSA serait amené à désigner dans les conseils d'administration de ces organismes. Il nous semble ainsi qu'un choix à partir d'une liste dressée par le CSA et impliquant l'Etat - peut-être le ministre de la culture en particulier, madame la ministre - dans la désignation du président permettrait d'aborder ces périodes de grande évolution et de risque financier important avec encore plus d'efficacité.
Le deuxième volet du projet de loi, c'est la transposition des directives européennes, en particulier de certaines dispositions de la directive « Télévision sans frontières ». Il n'y a pas grand-chose à en dire. Il s'agit d'obligations auxquelles nous aurions dû nous plier depuis longtemps.
Dans ce domaine, nous proposons un amendement qui tend au respect scrupuleux de nos engagements européens.
Le troisième volet de la loi a trait à la régulation du secteur privé. Vous avez, madame la ministre, rappelé deux idées fortes en la matière : assurer la primauté des contenus sur les supports et encourager le renforcement des grands groupes français dans des conditions qui respectent la concurrence et le pluralisme.
Le projet de loi prévoit ainsi des mesures favorables à la fluidité du marché des droits et à l'indépendance des producteurs par rapport aux diffuseurs. Cela nous paraît utile, et nous accompagnerons donc vos initiatives.
En ce qui concerne la régulation des diffuseurs, le projet de loi ouvre de bonnes perspectives. Peut-être nos collègues de l'Assemblée nationale ont-ils, voulant trop bien faire, traité de façon quelque peu contradictoire, par leurs amendements, l'idée qui nous paraissait être l'idée originelle.
L'octroi au Conseil de la concurrence d'une compétence de droit commun en matière de contrôle des concentrations économiques dans l'audiovisuel nous paraît être une excellente idée. Elle converge avec la conclusion de nos propres réflexions, et nous en sommes heureux. Le rapport, présenté en décembre dernier, du groupe de travail de la commission des affaires culturelles du Sénat faisait, en effet, la même préconisation.
En revanche, la commission a été extrêmement réservée à l'égard des dispositions supposées garantir l'indépendance de l'information envers les candidats aux marchés publics, notamment à l'égard de celles qui limitent la portée du dispositif de reconduction automatique des autorisations de diffuser les services de radio et de télévision sur les fréquences hertziennes terrestres et de celles qui réduisent la liberté des distributeurs du câble et du satellite de gérer leur offre en fonction d'un contexte économique de plus en plus ouvert et concurrentiel.
Dans la plupart de ces domaines, la rédaction initiale du projet de loi était peut-être plus raisonnable que celle qui nous est parvenue.
En matière de reconduction automatique des autorisations, la procédure a été rendue plus transparente, un régime de déclaration préalable a été institué pour le satellite et les procédures de modification des plans de service du câble ont été assouplies. Mais nos collègues de l'Assemblée nationale ont, semble-t-il, finalement modifié au fond le projet de loi en y introduisant une dose massive de dirigisme qui en change l'équilibre.
En effet, là où vous parliez encore tout à l'heure, madame la ministre, de renforcement de la régulation, le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale présente une réduction draconienne et délibérée des pouvoirs de régulation ; là où le projet de loi portait création d'un régime souple et libéral de codiffusion satellitaire, le texte institue maintenant une sorte de procédure d'autorisation à laquelle il ne manque plus que le nom.
Je crois que tout cela répond assez mal à la demande de sécurité, de pragmatisme et de dynamisme exprimée par la communication audiovisuelle ou au système de plus en plus ouvert et concurrentiel qui se met en place. Peut-être ce texte nous arrive-t-il un peu trop coloré de soupçons puisque, aussi bien, ce n'est pas une couleur que nous avions reconnue au projet de loi initial.
La commission propose donc de rééquilibrer le projet en fonction de quelques principes : promouvoir la diversité et la concurrence, assurer la transparence des décisions, renforcer le rôle du CSA et libérer l'initiative des opérateurs.
Je vais conclure ma présentation en évoquant les nouveaux modes de communication audiovisuelle et, évidemment, en mettant en avant l'effort de réflexion que le Sénat a voulu faire pour répondre, de façon très citoyenne et très partagée, aux attentes de la communication contemporaine face à l'évolution technologique que favorise la numérisation.
L'examen du projet de loi offre au Sénat la possibilité de prendre une initiative - elle vient, bien sûr, en doubler d'autres tout aussi respectables et que nous allons découvrir - celle de lancer la diffusion hertzienne numérique de terre, qui est sans doute, à horizon prévisible, l'une des dernières frontières à franchir dans le nouveau monde de la communication audiovisuelle.
Premier point : pourquoi faut-il lancer le numérique de terre aujourd'hui ? A cela, trois raisons principales.
D'abord, je l'ai évoqué tout à l'heure, pour ouvrir au secteur public la porte de la société de l'information, du numérique, du multimédia. Il y a là une occasion de rebondir et peut-être d'éviter les difficultés de la stagnation, qui se traduit parfois par la régression.
Ensuite, pour offrir au public une gamme de services traditionnels et innovants la plus diversifiée et la plus large possible. Le réseau de diffusion numérique hertzien terrestre devra, à terme, avoir une couverture territoriale équivalente à celle du réseau analogique actuel. Il permettra d'offrir au public les services de proximité que la diffusion satellitaire ne permettrait de mettre en place qu'à un coût exorbitant au regard de leur audience potentielle.
Enfin, tirant parti de la numérisation dans l'exploitation des fréquences, pour libérer certaines fréquences et en faciliter l'allocation à d'autres usages. Nous pensons, bien sûr, à la téléphonie mobile, par exemple, les fréquences hertziennes terrestres restant une ressource rare.
Le deuxième point que je souhaite aborder est celui de la méthode que nous avons retenue pour lancer le numérique hertzien.
Nous proposons d'adopter un régime juridique qui rendra visible aux opérateurs les conditions dans lesquelles le basculement aura lieu, qui précisera leurs droits, leurs obligations, les possibilités qui leur seront offertes d'accéder aux fréquences, et qui fixera les priorités à respecter afin que le paysage audiovisuel corresponde à l'équilibre souhaité par l'autorité politique.
Chacun a un rôle à jouer en la matière, et avant tout les opérateurs, qui vont mettre en place chez nous cette nouvelle dimension de l'audiovisuel. La diffusion hertzienne analogique a permis de montrer leurs capacités, leur combativité, leur compétitivité ; il importe de leur montrer le cadre dans lequel ils peuvent continuer à agir en tant qu'entrepreneurs.
Le régulateur aura notamment la responsabilité d'attribuer les canaux aux services, même s'il nous semble que l'attribution de la fréquence - l'utilisation numérisée nous permet de parler de multiplex à chaque fréquence - peut relever d'équilibres où le politique a son mot à dire pour prendre en compte les opérateurs publics et privés en mesure de jouer le rôle de chef d'orchestre sur chacune des fréquences.
En ce qui concerne le politique, le législateur a, comme c'est son rôle, à mettre en place un régime juridique qui rende possible le développement de l'opération. Nous ne doutons pas que le Gouvernement a conscience de sa capacité à impulser, à proposer un point de départ au lancement de cette nouvelle économie. A mon sens, le plus tôt sera le mieux.
Quoi qu'il en soit, la commission n'a pas une démarche dirigiste. Elle propose d'inscrire dans la loi les conditions juridiques d'une mobilisation de l'ensemble des intéressés. A chacun, ensuite, de prendre ses responsabilités en fonction de sa vision de l'avenir de la communication audiovisuelle, et il n'y aura de numérique hertzien terrestre que lorsque chacun - politique, régulateur, opérateur - sera convaincu qu'il est incontournable et même désirable, au point de ne pas trop tarder.
Pour avoir, comme d'autres dans le Livre blanc, interrogé largement les partenaires, pour avoir cherché, en tant que rapporteur, à prendre un maximum de contacts - une trentaine en tout, à la mesure de nos moyens et du temps qui nous était imparti - je puis témoigner, madame le ministre, que, manifestement, les opérateurs sont mobilisés, qu'ils attendent.
Si les résultats du rapport que vous avez bien voulu nous faire remettre ont fait naître chez vous une conviction compatible avec ce que nous avons ressenti chez les opérateurs, il y a tout lieu de penser que nous sommes à la veille de décisions importantes.
Quels sont - et j'en terminerai par là - les choix politiques qui nous ont guidés dans l'élaboration de ce régime juridique ? Ils sont au nombre de quatre.
Premièrement, favoriser la constitution rapide d'une offre significative de services et l'engagement des opérateurs nationaux, publics et privés, de la télévision hertzienne terrestre, en accordant à ces opérateurs une priorité d'accès aux fréquences numériques. Je dirai presque qu'il faut un mouvement national des grands opérateurs, publics et privés pour que cela réussisse.
Deuxièmement, instituer un système d'autorisation des offres, et non des services, le CSA ayant peut-être même vocation à promouvoir des normes en la matière, ne serait-ce que pour ouvrir ces multiplex aux indépendants, voire tel multiplex ayant plus une vocation de télévision de proximité aux indépendants de la télévision de proximité. Je pense notamment aux agglomérations. Si nous retenons cette proposition, c'est parce qu'elle nous paraît le mieux correspondre à la logique technique et économique de la diffusion numérique.
Troisièmement, favoriser la diversité du paysage numérique et l'émergence de la communication télévisuelle locale en prévoyant, comme j'en faisais état à l'instant la présence d'un nombre minimum de services indépendants du distributeur dans les multiplex nationaux.
Enfin, quatrièmement, réserver un multiplex aux services locaux et prévoir la possibilité de faire figurer un ou plusieurs services locaux indépendants dans les trois multiplex distribués par les diffuseurs nationaux.
Au fond - j'en reviens au début de notre propos, qui était consacré au service public - le dernier principe consiste simplement à octroyer la part la plus large au secteur public, en lui attribuant deux multiplex sur les six qui seront disponibles et en lui confiant, par ailleurs, le rôle de chef d'orchestre de la distribution du multiplex destiné aux services locaux, qu'il pourrait partager avec les éditeurs indépendants de services locaux.
Voilà, madame la ministre, un rapport qui ne reprend pas l'intégralité des apports de votre projet de loi, mais qui s'inscrit d'emblée dans le dialogue et dans une critique constructive. Nous osons espérer que vous serez attentive à nos propositions - vous avez évoqué tout à l'heure le travail d'échanges avec le Parlement, qui semble avoir été un choix médité de votre part - afin que, sur ce projet qui incite à la réflexion, nous puissions, les uns et les autres, prendre notre part dans les avancées de l'audiovisuel français, et ce dans le respect - que cela soit bien clair - de notre tradition, qui confie au secteur public comme au secteur privé une part du développement. C'est un fait de culture qui doit pouvoir être préservé, notamment grâce à la conception que nous avons de l'attribution des futurs multiplex. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Claude Belot rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue Jean-Paul Hugot s'est longuement exprimé sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui.
Madame la ministre, la position de la commission des finances participe tout à fait du même esprit. Nous savons tous que vous avez à inscrire la loi d'aujourd'hui dans la durée, alors que le présent lui-même est incertain, que la vérité d'hier n'est déjà plus celle d'aujourd'hui - vous nous l'avez démontré en évoquant un fait très récent - et qu'elle n'est peut-être pas celle de demain. Je traite toujours ces sujets avec beaucoup d'humilité, me souvenant qu'il y a trois ou quatre ans, lorsque je m'y suis intéressé, nombre de beaux esprits considéraient que la révolution numérique n'en était pas une puisqu'elle n'aurait pas lieu...
Madame le ministre, je sais que vous vous livrez à un art très difficile mais il faut être lucide face à de tels sujets, et prendre la mesure de l'exercice lorsque l'on décide de créer une société nouvelle, France Télévision, insérée dans un holding banalisé ; même si elle ne compte qu'un actionnaire unique, cette société anonyme sera soumise, comme les autres, aux règles du droit commun.
Je citerai maintenant quelques chiffres, que vous connaissez tous d'ailleurs.
Le nouveau groupe qui vient de naître aux Etats-Unis représente une capitalisation boursière de 1 700 milliards de francs, soit le budget de l'Etat français. La capitalisation cumulée des quatre autres entreprises américaines qui viennent maintenant après ce premier groupe est supérieure à la capitalisation de celui-ci.
Les groupes français, en ce domaine, sont bons : les trois groupes cotés au marché représentent une capitalisation cumulée de 220 milliards de francs. C'est relativement important. Les sociétés Canal Plus, M6 et TF1 sont considérées comme des valeurs de croissance porteuses de plus-values et de profits, et d'ailleurs leur entrée au CAC 40 est à l'ordre du jour du conseil d'administration de la société qui administre le CAC. Ces groupes peuvent, par une simple augmentation de leur capital, qui sera souscrite, doubler celui-ci en quelques jours et le faire passer de 220 milliards de francs à 440 milliards de francs. C'est un art très facile pour une société en croissance dans des domaines considérés comme porteurs, notamment celui des technologies nouvelles. C'est là que se situe tout l'enjeu. Le groupe audiovisuel de la commission des finances, que je préside depuis six mois, a essayé d'y voir clair en France et aussi hors de nos frontières pour bien comprendre ce qui se passait. En effet, le modèle est mondial. Les images vont, viennent, se vendent, s'achètent. Nous pouvons, avec des rebonds satellitaires, envoyer ou recevoir des images du monde entier, et ce en temps réel, instantanément. C'est dans ce monde que nous vivons.
Alors, il faut dire les choses très simplement. A l'unanimité, ce groupe de travail de la commission des finances a, dans sa diversité, énoncé une chose simple et qui va dans le sens de ce que vous souhaitez : il faut maintenir en France un audiovisuel public fort. (M. Pelchat applaudit.) Il le faut parce qu'il est possible d'informer différemment, voire de désinformer, de distraire différemment, et même peut-être d'éduquer différemment. En France, c'est un véritable enjeu. Nous sommes porteurs d'une très grande civilisation et nous devons en être des usufruitiers responsables à un moment où le monde évolue rapidement. Nous devons avoir les moyens d'un service public audiovisuel à hauteur de l'enjeu. Voilà ce que dit le groupe de travail.
J'ai cité tout à l'heure un certain nombre de chiffres : 1 700 milliards de francs pour le nouveau groupe américain, le plus important... et les regroupements ne sont peut-être pas terminés ; 220 milliards de francs pour le secteur privé français, sans compter les nouveaux éléments de Canal Satellite. Vous envisagez de doter France Télévision à hauteur de 1,5 milliard - 1,8 milliard de francs.
La commission des finances, par ma voix, vous recommande, madame le ministre, de faire tout ce que vous pourrez. L'Etat actionnaire ne doit pas se contenter de mots et d'afficher des ambitions : il doit prendre la mesure de la difficulté et vous donner les moyens de capitaliser à bonne hauteur cette nouvelle société.
Nous souscrivons totalement à votre démarche sous réserve que la capitalisation soit au bon niveau - je vous ai donné les niveaux de la concurrence française et étrangère. Certes, nous ne les atteindrons jamais mais il faudrait aller bien au-delà de ce que vous prévoyez.
Vous prenez d'ailleurs un risque en banalisant le statut de la nouvelle société. Si cette dernière perd les trois quarts de son capital - compte tenu des résultats des exercices antérieurs, cela peut être très vite fait - il serait du plus mauvais effet que tel ou tel quotidien exhorte l'Etat actionnaire à le reconstituer et que celui-ci y consente. C'est le droit commun des sociétés anonymes. L'Etat peut peut-être se permettre des libertés, mais vous savez comme moi que tout finit par se savoir. C'est une responsabilité que vous prenez, mais c'est aussi un engagement que vous devez tenir.
S'agissant des moyens, les réflexions sont simples. L'audiovisuel public ne peut vivre que du produit de la redevance, ou de crédits budgétaires qui sont exceptionnels, et les situations exceptionnelles ne doivent pas perdurer. Le produit de la redevance n'évoluera plus si l'on ne modifie pas son montant. Il restera au niveau qu'il a atteint aujourd'hui, grâce au Sénat d'ailleurs, qui a voté un amendement permettant de croiser les fichiers de la taxe d'habitation et de la redevance : les rentrées sont meilleures, il y a moins de fuites. Le Sénat avait pris ses responsabilités ; il avait bien fait. Vous en profitez, ainsi que les sociétés de télévision publiques.
Il y aura également les ressources tirées de la publicité. Mais si l'audience baisse, les ressources baissent aussi ; c'est déjà le cas pour le deuxième semestre de l'année 1999.
Il y aura peut-être encore la question des droits audiovisuels, et je voudrais saluer votre initiative puisque vous avez osé toucher à ce qui était considéré comme un principe établi. La télévision française, contrairement aux télévisions de nombreux autres pays, devait remettre, au bout de trois ans, le fruit de ses productions à l'Institut national de l'audiovisuel, institution fort respectable mais dont la vocation est avant tout d'être un archiviste et non pas un commerçant.
Les chaînes resteront propriétaires de leurs oeuvres ; elles pourront produire et elles pourront vendre. La BBC recueille l'équivalent de plusieurs milliards de francs au titre des droits audiovisuels. Ma conviction est qu'il faudra aller un peu plus loin, jusqu'au copyright, mais c'est un sujet difficile à débattre avec l'ensemble des contributeurs à la création dans l'audiovisuel comme dans d'autres domaines.
Il faut vendre des produits audiovisuels français à l'étranger et il faut en vendre beaucoup plus. Aujourd'hui, mes chers collègues, une seule émission - Fort Boyard - représente le quart de l'exportation française de l'audiovisuel. Bien qu'elle soit de qualité et qu'elle soit produite dans mon département, je considère qu'il devrait y en avoir beaucoup plus.
Le Gouvernement fait donc un effort en matière de droits audiovisuels ; il prend des décisions qui vont dans la bonne direction, et c'est très bien.
La commission des finances a également souhaité inscrire dans la loi une plus grande transparence en matière de ressources afin que les chaînes - mais cela vaut également pour les radios - nous donnent le détail de celles-ci. En effet, elles ont tendance à ne nous donner comme ressources que ce qu'elles reçoivent de la redevance ou de l'Etat ; le reste, c'est leur cuisine ! Le Parlement doit être clairement informé, et la commission des finances a déposé un amendement en ce sens.
Mais il y a aussi un enjeu de démocratie. La France n'échappera pas à l'émergence des télévisions locales. Vous en avez d'ailleurs tout à fait conscience, madame le ministre, et vous l'avez dit tout à l'heure très clairement. Les télévisions locales, les télévisions de proximité, correspondent à une attente et à un vrai enjeu démocratique. Si nous disposions de télévisions de proximité au moment des prochaines élections municipales, je suis sûr que l'information de nos concitoyens et de nos électeurs en serait profondément changée. Il faut avoir le courage d'affronter cette question, comme on a eu le courage un jour de créer des radios locales.
Pourquoi ne pas créer des télévisions locales, sachant que cet investissement est dérisoire compte tenu de l'enjeu ? Aujourd'hui, pour 150 000 francs, on peut avoir un matériel d'émission numérique qui couvre 30 ou 40 kilomètres. Je l'ai vu fonctionner en Italie, où il en existe 500 ou 600, je crois. Il y en a au Canada et dans de nombreux pays. Pourquoi pas en France ? Là aussi, la commission des finances a adopté un certain nombre d'amendements allant dans ce sens.
Je vous ai écouté très attentivement, madame le ministre, particulièrement sur ce sujet. Aujourd'hui, nous élaborons une loi pour un certain temps. Je crois qu'il serait sage d'inscrire dans cette loi des dispositions qui permettront de créer des télévisions locales, en sachant qu'elles ne pourront être créées que le jour où il y aura une fréquence, ce qui laissera le CSA faire son métier en dressant l'inventaire des fréquences.
Si on laisse passer cette occasion, si on laisse passer l'opportunité de cette loi, on n'aura plus de loi ensuite mais on aura des fréquences disponibles. Cela, à mon avis, on peut le savoir assez facilement et rapidement.
Madame le ministre, vous voyez dans quel état d'esprit le Sénat aborde cette discussion. Il a le sentiment d'une loi importante, dont il entend discuter avec un esprit de responsabilité, d'ouverture et de projection dans l'avenir. Je souhaiterais que vous acceptiez nos amendements qui, le moment venu, quand il y aura une fréquence disponible, permettront de créer ces télévisions locales.
Dans le même esprit, s'il y a un jour une télévision de proximité, il faudra que les collectivités locales, avec un cahier des charges bien clair, puissent les soutenir. Cela évitera de renouveler l'expérience des radios libres uniquement associatives, qui ont été, vous le savez, accaparées par un certain nombre de groupes parce que, si la volonté des associations est grande, leur capacité à gérer ne l'est pas toujours autant. Et c'est NRJ et d'autres radios qui ont tout simplement récupéré certaines radios locales afin de constituer leur réseau. Elles sont devenues de superbes affaires ; l'une d'entre elles sera très bientôt cotée en bourse. C'est la consécration de l'association créatrice qui est devenue autre chose.
Il faudra donc faciliter la création de ces télévisions locales, voire avec le soutien des collectivités. Aujourd'hui, ces dernières le font par le biais de leurs budgets de communication. Je peux, dans mon département, financer telle opération dans le cadre d'un budget de la communication. Mais ce n'est pas strictement de la communication que de faire un film documentaire sur tel ou tel aspect important de mon département. Aux termes de la loi, le département peut décider de le faire s'il y trouve un intérêt, mais en l'imputant sur un budget de communication, ce qui est tout à fait inadapté.
L'amendement que nous présenterons en ce sens aurait un avantage, celui de la clarté et de l'honnêteté, en définissant le cadre dans lequel doit s'inscrire ce type d'opération.
Vous voyez, madame la ministre, que la commission des finances a examiné ce projet de loi avec beaucoup d'intérêt et de bienveillance, et elle rend hommage au travail de la commission des affaires culturelles. Et puis, elle souhaite vraiment la réussite de l'entreprise France dans ce domaine. Notre pays s'est toujours honoré lorsqu'il s'agissait de créer et a toujours eu un savoir-faire dont l'expression la plus moderne, aujourd'hui, est précisément l'audiovisuel. Dans ce domaine-là, nous avons la capacité de réussir. Pour réussir, il faut que nous ayons une vision qui nous permette d'anticiper, il faut que nous ayons toujours en tête une certitude : le numérique va très vite gagner du terrain et, dans quelques années, le paysage audiovisuel français sera complètement modifié. Il est indispensable de permettre la création de beaucoup d'images, pour les Français, mais aussi pour les vendre dans le monde entier. Il est nécessaire aujourd'hui d'être à la hauteur de cette industrie qui est en train de naître et dans laquelle nous pouvons tout à fait réussir si nous nous en donnons les moyens.
Tel est l'esprit dans lequel la commission des finances a examiné ce projet de loi, soutien sur l'essentiel et une démarche créatrice. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 16 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici des mois qu'il est débattu, à mon avis dans des cercles trop restreints - France 2 et France 3 auraient dû organiser des débats significatifs - de l'avenir du secteur public de l'audiovisuel.
L'énoncé, déjà, interroge : « secteur public ». Pourquoi pas « service public », même si une allusion au terme « service » est ajoutée au titre III ?
Les mots ont de l'importance. Céder sur les mots, c'est céder sur les choses !
Qui dit « service public » évoque ses valeurs constitutives.
Je me souviens à cet égard des mots prononcés par François Léotard à l'Assemblée nationale, en 1986 : « Le service public est mort. C'est un astre mort dont la lumière nous parvient encore, mais qui est mort. » Dans la foulée, il avait réduit la notion de service au mot secteur, c'est-à-dire à une signification purement économique.
Je crois que l'on ne peut bâtir un nouveau service public de l'audiovisuel sans remettre en cause la loi ultra libérale de François Léotard, qui a vendu la composante la plus forte du service public au secteur privé, sans remettre en cause les bourgeons, comme la loi Carignon créant la pérennisation de la reconduction automatique des fréquences et l'élargissement du pouvoir des groupes de communication sur les chaînes de télévision par la règle des 49 %, deux mesures que les libéraux britanniques ont caractérisé à l'époque comme une logique du « capitalisme de la rente ».
Dès votre annonce du débat, madame la ministre, les états généraux de la culture se sont sentis responsables en pensée et en actes, et ont tout de suite considéré que la première grande mesure d'une loi sur le service public de l'audiovisuel devait être l'abrogation de la loi « Léotard », qui a formaté depuis treize ans cette belle chose qu'est la télévision, cette belle invention humaine qui est devenue essentielle à la vie sociale et culturelle de notre moderne société.
Dans le débat à l'Assemblée nationale, j'ai bien sûr trouvé, de votre fait ou du fait des parlementaires de la majorité - dont je suis activement et chaleureusement, et ce pour construire - des déclarations et des amendements traduisant les préoccupations démocratiques de celles et ceux qui considèrent l'avènement d'un droit à la communication comme la naissance d'un droit fondamental de notre société, laquelle doit maîtriser les moyens de se représenter elle-même, de communiquer avec elle-même et avec le monde.
Mais le socle étant la loi Léotard, comment ces greffes démocratiques vont-elles prendre ?
Oui, le socle doit être revu. Il n'y a pas de fatalités et les dangers potentiels de l'accord AOL-Time Warner et la dimension du nouveau groupe n'infirment pas cette position.
Non, il n'y a pas de fatale fatalité qui s'imposerait comme bornage du débat. C'est l'idée qui a guidé les états généraux de la culture dans leur travail pour une nouvelle loi.
Tout d'abord, un groupe d'étude de sept, puis de quinze personnes s'est réuni, ensuite une journée de synthèse avec 100 participants s'est déroulée ici même, au Sénat. Telle est la source du texte que j'ai déposé et qui doit faire l'objet d'une discussion.
Il ne suffit pas de mentionner ce texte, monsieur le rapporteur, pour être quitte. Ce texte est une composante de la pluralité d'approches de l'audiovisuel et il doit être pris en considération. Il est différent, c'est vrai, du texte gouvernemental. Il s'oppose à l'esprit du texte « Léotard » et à ses suites.
Il part de cinq attendus : il combat, je le répète, l'idée de fatalité, et ce qui s'est passé à Seattle est un atout de ce point de vue ; il considère la communication comme un besoin essentiel, comme un droit universel ; il appréhende la télévision comme un rapport social entre une société et son imaginaire, comme une représentation du monde que se donne, à certains moments, une collectivité - tout le contraire d'un instrument au service de pouvoirs politiques ou économiques ; il constate que la télévision, et pour longtemps encore, est la première pratique culturelle et de loisir des Français, qui lui consacrent en moyenne trois heures et demie par jour et qui, en tant que téléspectateurs, sont autodidactes ; il pointe que, aujourd'hui, la question de la régulation de la télévision se pose moins face au pouvoir politique que face au pouvoir économique - « un peuple qui abandonne son imaginaire aux grandes affaires se condamne à des libertés précaires », déclaraient, dès 1987, les états généraux de la culture.
Tout cela, ainsi que la bataille pour l'exception culturelle - à laquelle vous avez tant pris part, ici et partout, avec détermination, madame la ministre - et le recul de l'idée de fatalité, poussent à poser avec réalisme la question d'un « nouveau code de la route », d'un « code de la route de l'imaginaire des peuples », qui a besoin d'élaboration locale, nationale, européenne et internationale, c'est-à-dire d'un « sommet de Rio » de la pensée, de l'esprit et de la culture et je renouvelle ici la proposition que j'ai faite au Premier ministre, M. Lionel Jospin, qu'un tel sommet se tienne à Paris à la fin de 2000 ou au début de 2001.
Avant d'épeler notre texte de loi, abordons la question des nouvelles technologies, en proposant d'ailleurs de prendre la décision nationale d'entrer dans l'ère numérique.
Les nouvelles technologies occupent légitement le devant de la scène, mais aussi parfois comme un alibi.
On ne peut tout à fait légiférer sans tenir compte du numérique ou d'Internet, mais j'ai parfois l'impression d'être face à une conception téléologique de l'histoire : les technologies comme progrès continu, sans préciser de quel progrès il s'agit.
« Toujours plus fort, toujours plus loin, toujours plus vite, dans une course à la nouveauté permanente. »
« L'histoire de l'Art n'est pas l'histoire du pinceau », disent les auteurs d'un beau et profond ouvrage, Cinéma et dernières technologies.
Les deux dimensions ne coïncident pas et l'alibi novateur de l'un sert de masque à la régression de l'autre. Les nouvelles technologies peuvent servir à l'idéologie de la table rase, à une approche magique de l'histoire balançant entre l'Apocalypse et la prophétie : les lendemains numériques qui chantent !
Je pense qu'il faut tenir le plus extrême compte des nouvelles technologies, mais les décideurs politiques que nous sommes doivent se garder d'être impliqués dans un déterminisme technique qu'ils structurent tout en le subissant : là comme en économie, il n'y a pas de fatale fatalité.
Je ne pense pas comme M. Minc, qui proclame : « Le marché est naturel comme la marée », ni comme M. Madelin, qui déclame : « Les technologies sont naturelles comme la gravitation universelle. » Pour moi, marché et technologies sont des inventions humaines à maîtriser et non des faits surhumains à subir, et, à l'automne, les états généraux de la culture, en coopération avec le Métafort d'Auvervilliers, que vous soutenez, tiendront ici même un colloque international intitulé : « Technologies, culture et humanité ».
Alors, notre loi, qui va s'exprimer dans plusieurs amendements, en voici les grands traits.
C'est une loi en quinze articles, définissant une véritable responsabilité publique et sociale en matière audiovisuelle à tous les niveaux de la société, c'est une loi créant une dynamique de « publicisation », construite comme une alternative à la « mercantilisation » généralisée.
Cela signifie mixité public-privé, avec un pilotage par un puissant secteur public, par des finalités d'intérêt général et des critères d'efficacité sociale et économique appliqués à tous les acteurs, par la démocratie et la construction d'un espace public de la communication, c'est-à-dire par le mouvement social : les utilisateurs-citoyens, les professionnels, les créateurs et les personnels.
Pour enclencher cette responsabilité publique et sociale, processus éloigné de toute institutionnalisation, notre texte se veut une loi spécifique sur l'audiovisuel.
Une loi spécifique sur Internet doit venir en discussion, et le plus vite sera le mieux. L'IRIS, dans sa réunion du 27 mai dernier, a avancé des recommandations utiles, tout comme le sommet mondial de l'UNESCO, tout comme une lettre de seize importantes organisations professionnelles sur les droits de propriété littéraire et artistique, qui ne sont pas le copyright , monsieur Belot, qui rapportiez le texte au nom de la commission des finances.
Notre loi met au centre de tout les contenus et leur création, et c'est fondamental quelle que soit la technologie, la télévision comme la radio, qu'on oublie trop souvent.
L'audace de la création comme luxe de l'inaccoutumance et l'élan du pluralisme comme tension vibrante sont des enjeux de civilisation face à la situation actuelle où cette inaccoutumance, cette tension vibrante sont souvent aplaties, assagies, aseptisées, atomisées, pour ne pas dire dissoutes.
Liberté de création et de recherche - je milite notamment pour que soit stoppée la mutilation de cette dimension à l'INA... pluralisme des idées, des expressions, des esthétiques - les articles 3, 4 et 5 analysent en profondeur cette démarche comme une mission de service public, comme une exigence spécifique visant à éveiller les regards, mieux, à nourrir l'avenir du regard, avec en son coeur, pour tous, le troublant tumulte de l'histoire pluraliste des images, des connaissances, des créations et, parmi elles le cinéma, le théâtre... Tout cela contribue à créer l'espace où le « je » peut advenir un « je » se mêlant aux autres, un « je » pouvant accueillir plus d'une tendresse, en tout cas un « je » à la recherche d'un pluriel.
Nous sommes pour une télévision mutine, libérée du star system et de l'audimat. C'est à partir de cette démarche que nous voulons traiter, comme vous, madame la ministre, spécifiquement la chaîne Sept-ARTE, expérience originale de confrontation à l'altérité, cette immense question contemporaine.
Bien sûr, tout cela implique l'exception culturelle, qui n'est pas un enfermement archaïque, mais une ouverture sans pareil, qui doit se fortifier et gagner des domaines comme la santé, l'éducation, l'environnement, le sport, le vivant, autrement dit faire passer l'homme et la femme avant le « fric » ! Mais cela implique une capacité de production et de création. C'est là qu'il faut bien mesurer les implications de l'accord AOL-Time Warner.
Ce groupe d'abonnés et de contenus à prétention et à réalité mondiales, bâti sur le péage et sur les portefeuilles de droits, a bien saisi l'importance de la question des contenus, mais à sa manière, celle du business, quitte à y ajouter des fleurs culturelles.
La France et l'Europe, trop constamment pingres jusqu'ici en ce domaine - le plan média, pour me limiter à lui, va bientôt être une « sucette » dans le contexte international - ont à faire un saut de pensée et un saut d'investissement.
Je pense d'ailleurs que M. Prodi aurait besoin de réfléchir à ce qu'il dit. Je le cite : « La force de la culture américaine est symboliquement exprimée par les mass media . Elle est en effet considérée par certains comme capable de constituer la référence unitaire de l'Europe à la recherche de son âme. Il n'y a rien de scandaleux dans cette hypothèse, notamment parce que les équilibres futurs du monde reposent sur une coopération toujours plus étroite entre l'Europe et les Etats-Unis dans les domaines de la politique, de l'économie et de la défense, ce qui présuppose une certaine affinité en ce qui concerne les grandes lignes des modèles d'intégration de la société. »
Moi, je pense avec Aragon que l'avenir « c'est ce qui dépasse de la main tendue », et je tends la main aux artistes américains comme aux artistes de tous les pays du monde. Mais M. Prodi, qui ignore superbement le Sud et l'Est, nous propose la politique de la main coupée, c'est-à-dire une politique sans avenir.
Je préfère m'en tenir à Lucien Febvre : « L'Europe est une civilisation. Rien de plus mouvant sur terre qu'une civilisation, rien qui ne vive plus dangereusement. »
Vous comprendrez donc pourquoi notre article 9 est consacré au soutien de la production audiovisuelle nationale - je pense à la SFP, mais aussi à beaucoup d'autres choses - et notre article 11 à une politique européenne de la production et de la distribution.
Ici et en Europe, il faut « culbuter » les seuils de financement. Nous affirmons l'objectif d'intérêt national et d'intérêt européen de 1 % du PIB en cinq ans dans les industries du contenu. Produire des programmes audiovisuels, mais aussi des logiciels pour les programmes interactifs est un enjeu majeur, clé de l'avenir de l'audiovisuel.
Je sais, madame la ministre, que vous avez fait prendre un tournant au financement du service public. Il était en danger. Par rapport au PIB, nous étions au dernier rang européen avec la Grèce. Alors que le volume de production originale de fictions nationales diffusées a augmenté de 15 % en Allemagne entre 1996 et 1998, de 25 % en Angleterre et de 85 % en Espagne, il a diminué de 21 % en France.
Toutes les statistiques avancées lors de la réunion organisée au Sénat par nos collègues MM. Weber et Pelchat allaient dans le même sens.
Oui, vous avez commencé à corriger cette situation, mais il faut aller plus loin et plus vite, car l'annualité budgétaire précarise le service public. Je défendrai un amendement ayant pour objet de demander au Gouvernement la présentation, d'ici à un an, d'un rapport au Parlement visant à l'augmentation du financement de l'audiovisuel public. Si l'on pense au numérique, c'est décisif et incontournable.
Avant de conclure, je souhaite énumérer les dimensions de la démocratie que nous avançons : démocratisation du CSA - article 14 - en particulier de son conseil d'administration, dans lequel entreraient les artistes et les experts du quotidien ; création de comités régionaux de l'audiovisuel ; constitution auprès du CSA et des CRA de collèges consultatifs ; démocratisation des conseils d'administration des chaînes - article 13, article 8 - par la représentation des personnels, des usagers, des créateurs ; pour les sociétés privées, les salariés sont aussi représentés ; démocratisation des pratiques - article 8, article 1er, article 4. Cela va de la non-reconduction automatique - j'ai noté que vous l'aviez fait - des autorisations de conventions avec des opérateurs privés aux limitations à 25 % de la part du capital d'une entreprise du secteur audiovisuel à un même groupe, en passant par le pluralisme et ses garanties, et le bornage du droit à la concurrence par le principe supérieur d'exception culturelle.
Ajoutons le domaine du local et de ses enjeux pour la télévision en France, avec l'objectif de faire de la télévision avec les gens et non sur les gens. Dès décembre 1988, les états généraux étudiaient cette question en liaison avec leur charte de l'audiovisuel.
Le problème se pose encore plus avec le numérique hertzien. Nous devons réfléchir aux travaux de la coordination des médias libres créée en 1999, à l'expérience belge et à son articulation avec le service public. Le 31 janvier, un colloque permettra d'en débattre encore à l'Assemblée nationale. Faisons en sorte que la loi prenne en compte ce problème d'avenir en pensant à l'expérience contradictoire des radios libres, positive pour la démocratie participative et l'expression citoyenne, et négative avec la mise en réseau commerciale, ce qui implique la non-cessibilité des fréquences.
En conclusion, ma proposition de loi ose se libérer des seules règles d'un jeu qui ne serait qu'économiquement profitable et socialement tolérable, se nourrit de valeurs à l'heure exacte de la conscience, va au devant des désirs et plaisirs, des savoirs et vouloirs des citoyens et des créateurs. Elle veut que la pensée et l'imaginaire ne restent pas à quai, mais gagnent la haute mer, là où le vent est favorable à l'aventure humaine, dont la télévision est partie prenante dès qu'elle n'a pas l'imprudence de mépriser les rêves, qu'elle choisit autre chose que la morale du présent asservissante de l'énergie d'avenir. Cette proposition de loi tend à donner un départ nouveau pour la télévision.
Ces artistes des états généraux - dont je me fais le porte-parole - sont, diront certains, de doux rêveurs, des utopistes éloignés du terrain. Voilà douze ans que nos utopies reçoivent toujours confirmation du réel, dont l'une des composantes est l'action des artistes.
Mais, je le sais, cela ne peut pas venir de vous, madame la ministre.
Je me souviens, au moment du GATT, d'une délégation des états généraux au Parlement européen. Nous avions eu l'idée de reprendre la tradition strasbourgeoise du Moyen Age, quand étaient mis sur un bateau, au milieu du Rhin, ceux qui pensaient dans la marge. On appelait même ce bateau, pour fustiger ses passagers, « la nef des fous ». Vous nous aviez prêté, en tant que maire, citoyenne et militante de la culture, un bateau. Nous avions tenu colloque au milieu de l'Ill avant d'aborder le Parlement.
Aujourd'hui, au moment où s'ouvre à Biarritz le Festival international de programmes audiovisuels, le FIPA, avec la démonstration des étonnants talents qui existent dans le monde de la télévision ici et partout, par ma voix c'est un peu la même chose qui se passe et chacun et chacune sait bien que c'est la marge qui tient le texte.
Je paraphraserai Saint-Exupéry pour le mot de la fin. Si notre projet diffère du vôtre, madame la ministre, loin de le léser, il l'augmente. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je reprendrai quelques points concrets, dont un certain nombre ont déjà été évoqués lors de l'assez long débat que nous avons eu au mois de février 1997 à l'occasion de l'examen d'un projet de loi dont l'intitulé était exactement le même.
A l'époque, j'avais longuement explicité mes réserves quant au projet de fusion entre La Cinquième et Arte. Je suis donc satisfait de voir le Gouvernement ne pas donner suite à ce projet, un peu tard certes, mais je crois que c'est la sagesse.
J'ajoute que la coordination assurée par le président commun entre Arte et La Cinquième a eu des effets bénéfiques à la fois sur La Cinquième et surtout sur Arte elle-même, notamment sur sa programmation, qui, de l'avis général, est désormais débarrassée des scories que certains désignaient comme du « gauchisme d'avant-garde un peu trop élitiste ». Les programmes d'Arte ont une qualité que la plupart des auditeurs, dont moi-même, reconnaissent.
Je ne doute pas que vous aurez à coeur de défendre et de développer les qualités de cette chaîne - plus exactement de ce groupement européen d'intérêt économique franco-allemand - au niveau européen.
La finalité de La Cinquième est tout autre. Elle est résolument axée sur le savoir, la formation et l'emploi. Nous l'avions ainsi dénommée au sein de la commission sénatoriale que je présidais, dont mon collègue Trégouët était le rapporteur et qui avait préparé un rapport qui n'est pas resté sur une étagère puisqu'il est à l'origine de cette réussite à laquelle, malheureusement, des moyens toujours trop limités, selon moi, ont été consacrés.
Nous avions aussi évoqué la possibilité de renforcer cette chaîne en l'adossant à une fondation. Cette suggestion a été écartée, sans avoir jamais fait l'objet d'un débat. Pourtant, elle permettait de rassembler de façon permanente les divers ministères concernés - ils sont nombreux ! - l'ensemble des régions, qui sont très directement concernées par la formation professionnelle, à laquelle elles consacrent beaucoup d'argent, et le monde économique.
Il convient aussi de donner à La Cinquième une dynamique particulière : celle du numérique. Nous avons en effet toujours insisté au Sénat sur la Banque de programmes et de services, la BPS, que je qualifierai de bibliothèque nationale numérisée des programmes relatifs au savoir, à la formation professionnelle et à l'éducation, véritable réplique numérique de la Bibliothèque nationale de France.
Cette banque n'est qu'à l'état d'embryon. Elle correspond pourtant à une nécessité absolue en ce début de siècle. Elle est essentielle, tant pour le rayonnement international que pour régler les problèmes liés à la téléformation, à la télééducation, à la télémédecine, etc.
J'en viens maintenant à France Télévision et à l'exclusivité donnée à TPS.
En février 1997, j'avais déjà dit combien il était choquant de voir qu'une télévision publique, financée pour une grande part par de l'argent public, soit ainsi liée à une chaîne privée. A l'époque, cela pouvait encore se justifier, Canal + étant en situation quasi monopolistique. Ce n'est plus le cas.
Ce n'est pas l'avis d'un commissaire de Bruxelles qui modifiera ma position, d'autant qu'il fait abstraction de ces nombreux téléspectateurs français abonnés, par exemple, à CanalSatelllite, qui, placés dans les zones d'ombre, sont privés du fruit de leur redevance. Je m'étonne qu'ils ne se plaignent qu'auprès de leurs élus, et non devant les tribunaux.
Je crois que les monopoles doivent être limités aux seuls secteurs où ils sont indispensables, ce qui n'empêche pas la discussion entre les chaînes publiques et les opérateurs des bouquets satellites quels qu'ils soient.
J'aborderai maintenant la question de l'audiovisuel et de l'Internet.
La numérisation développe une convergence dont nous mesurons les effets aux grandes manoeuvres qui se développent sur le plan industriel. On a déjà évoqué le fait que le groupe Time Warner a été absorbé par une jeune société, AOL, jeune mais qui a crû rapidement et qui n'existait pas à l'époque où Time Warner était déjà un géant !
En France, la liaison programmée entre Canal + et Lagardère ne fait que commencer.
Pourquoi ? Simplement parce que toutes les données - sons, images fixes, images animées... - sont touchées par la numérisation. Beaucoup d'opérations importantes, que ce soit dans le domaine de la publicité ou dans celui du commerce international, vont nécessiter un renforcement de tous les services correspondants je pense entre autres aux services de télécommunication, d'informations, aux services audiovisuels, etc. qui vont se mélanger, via l'Internet.
De plus, les canaux de diffusion, qui véhiculent tout et n'importe quoi, se multiplient : diffusion filaire - fil de cuivre avec le coaxial ou fibre optique -, diffusion par satellites et même diffusion par réseau de raccordement numérique asymétrique avec l'ADSL.
On peut donc s'interroger - c'est mon cas - sur les autorités dont nous disposons, telles que le CSA ou l'ART, qui sont issues du passé et qui, compte tenu du développement prodigieux des technologies, vont probablement être amenées à coopérer davantage, voire à se fondre.
Nous disposons, en plus, d'un établissement public de l'Etat, l'Agence nationale des fréquences, et de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, qui réunit des sénateurs, des députés et des personnes de l'art. Cette commission me paraît particulièrement intéressante parce qu'elle permet aux différents ministères, à ceux qui posent des questions - cela peut être le CSA ou l'ART - d'obtenir des réponses, en tout cas d'en débattre, ce qui contribue à améliorer le système. Il serait par conséquent opportun soit de trouver pour l'audiovisuel quelque chose d'équivalent, soit - ce qui serait mieux - de procéder à une fusion pour élargir ses compétences. Je présenterai d'ailleurs un amendement dans ce sens.
Par l'Internet, on peut désormais téléphoner. On commence aussi à faire de la radio et de la télévision.
D'après la loi, jusqu'à ce jour, dès qu'il s'ouvre un site Web ou même une page personnelle, il faudrait le signaler au CSA. Mais comment le CSA pourrait-il traiter des millions de demandes par jour ?
Une régulation s'impose néanmoins pour régler les problèmes qui se posent et qui se poseront de plus en plus quand on fait de la télévision sur l'Internet - c'est déjà le cas à Sophia-Antipolis -, car cette transmission ne nécessitant aucune fréquence, il n'est nullement nécessaire que le CSA accorde une fréquence.
Quand ces diffusions vont se multiplier - ce qui est certain compte tenu de l'intérêt de la télévision de proximité et de la sélectivité des publics que permet l'Internet - il faudra bien trouver une formule pour que ces télévisions de proximité et thématiques puissent se développer tout en faisant l'objet d'un contrôle.
Dans le domaine des télévisions numériques hertziennes, la répartition des fréquences pose, à mon sens, un problème - qui a d'ailleurs été évoqué à la page 20 du rapport Hadas-Lebel, que j'ai reçu hier - celui de leur attribution.
Le rapport Hadas-Lebel fait état de procédures d'affectation, en évoquant uniquement l'audiovisuel comme s'il allait de soi que les bandes VHF et UHM devaient rester le domaine réservé de l'audiovisuel.
Toutes ne peuvent pas être affectées à l'audiovisuel. Il faut prendre en compte d'autres services, tels que la télémédecine, la diffusion relative aux différents niveaux de formation, au savoir... Là encore, je proposerai une modification de la loi afin qu'elle soit sur ce point mise à l'heure du numérique.
Enfin, je voudrais m'associer au vibrant et brillant plaidoyer que vient de prononcer notre collègue Jack Ralite : compte tenu de toutes ces nouvelles potentialités, il est absolument nécessaire, c'est indiscutable, de faire des efforts financiers en faveur de la création audiovisuelle et multimédia - je mélange les deux volontairement -, convergence et numérisation obligent !
Madame la ministre, vous avez très brillamment démarré les opérations, en conjonction avec votre collègue Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Il convient de renforcer votre action, et pas seulement, à mon sens - bien que cela soit nécessaire -, pour accroître les moyens des chaînes audiovisuelles publiques. Il faut également multiplier les opérations d'aides au cinéma et à la création en général.
En effet, avec l'amélioration des techniques, l'augmentation des canaux de diffusion filaires ou satellitaires, avec l'amélioration de toutes les procédures qui permettent de passer de la création à la diffusion par la numérisation, quantités de potentialités existent en matière de créativité, de richesse, d'emplois. Nous devons favoriser leur développement en aidant prioritairement les jeunes équipes débutantes, et ce à un coût relativement modeste par rapport au coût traditionnel de la création d'un film, par exemple. Ce faisant, nous trouverons une solution pour l'emploi, en particulier pour l'emploi des jeunes ; nous trouverons des solutions pour développer les activités de création et de jeux, qui, dans bien des cas peuvent favoriser l'intégration dans les quartiers difficiles. Nous aurons enfin la joie de disposer d'une formation par la pratique - la main à la pâte - pour nos jeunes qui, en la matière, se montrent très créatifs et dont l'environnement peut être suffisamment solide pour que leurs produits soient de qualité, repris par les chaînes régionales ou thématiques et exportables.
Tels sont, madame la ministre, les quelques points sur lesquels je voulais insister, en vous remerciant d'y accorder toute votre attention. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a dix jours AOL, géant de l'internet, estimait que, pour poursuivre sa croissance, il lui fallait s'allier au premier groupe mondial de communication présent dans tous les métiers, de la presse à la télévision en passant par le cinéma et le disque, Time Warner. Eclatante démonstration de ce que nous sommes quelques-uns à avoir souvent affirmé à cette tribune et que rappelait Hervé Bourges jeudi dernier : « La grande bataille qui va se livrer dans les prochaines années au niveau mondial sera plus que jamais celle des contenus ! »
Adapter le secteur de la communication à ces bouleversements en pensant à l'avenir de nos industries de programme est donc bien un enjeu majeur pour notre pays. Toute la difficulté consiste à résoudre la contradiction entre deux objectifs tout autant fondamentaux l'un que l'autre : d'une part assurer à nos groupes français de l'audiovisuel, publics et privés, les moyens de défendre leur place dans la compétition internationale, d'autre part garantir la liberté de choix aux citoyens téléspectateurs, c'est-à-dire préserver notre identité culturelle et assurer le pluralisme.
Nous pensons comme vous, madame la ministre, que, pour concilier ces deux grands objectifs, il est indispensable de renforcer le service public, de réaffirmer les pouvoirs de l'autorité de régulation, d'harmoniser les règles entre les différents modes de diffusion, câble et satellite, et de préparer l'arrivée du numérique hertzien. Cependant, il nous faut aussi mieux soutenir notre industrie de programmes, améliorer la circulation des droits et favoriser l'accès des éditeurs indépendants et des programmes de proximité à la diffusion.
Au sein d'un univers de plus en plus concurrentiel, votre projet de loi engage donc tout d'abord, madame la ministre, le renouveau du service public de l'audiovisuel. Il est en effet essentiel de garantir l'équilibre entre le secteur public et le secteur privé dans notre paysage audiovisuel et en même temps de permettre aux téléspectateurs non seulement « d'écouter », mais aussi de « voir la différence ».
Le secteur public doit constituer un pôle industriel puissant, capable d'affronter la concurrence des groupes français et étrangers. C'est ce que prévoit le projet de loi, d'une part, en rassemblant le secteur public et, d'autre part, en clarifiant et en accroissant ses financements.
La création de la holding France Télévision, qui devrait regrouper les chaînes publiques, vient enfin donner corps et existence juridique à un rapprochement engagé en 1992 avec la création de l'entité France Télévision.
Il s'agit non pas de tenter un retour nostalgique à l'ORTF, comme certains voudraient le laisser croire pour minimiser l'importance de votre réforme, mais plutôt d'anticiper des évolutions inéluctables, de jeter un pont vers l'avenir.
Je dirai d'emblée quelques mots sur le problème délicat de la fusion entre Arte et La Cinquième, prévue en 1996 par le gouvernement d'Alain Juppé essentiellement pour des raisons d'économies budgétaires, et de son intégration effective dans la holding.
Nos partenaires allemands, vous l'avez rappelé tout à l'heure, estiment contraire au traité franco-allemand de création d'Arte l'intégration de la Sept Arte dans la holding. Vous avez choisi d'en prendre acte, madame la ministre, et il me semble que vous avez eu raison : l'imposer au nom de considérations juridiques, c'était risquer de porter atteinte à l'entente et à la confiance entre les équipes, facteur essentiel de la réussite de cette aventure unique.
La création de la holding va permettre de réaffirmer les missions de service public, mais aussi de mieux envisager la complémentarité des différentes antennes. La ligne éditoriale de chaque chaîne gagnera en clarté, France 2 sera confirmée comme la grande télévision généraliste de service public alors que France 3 et la Cinquième ont des dominantes plus spécialisées, l'une tournée vers la proximité et les régions, l'autre vers les programmes éducatifs.
Le plan de développement du service public, sous la responsabilité directe de la holding, gagnera en cohérence. Des complémentarités pourront être mises en oeuvre en matière d'investissement dans le numérique, de chaînes ou de services thématiques, de distribution de programmes en ligne, mais également en ce qui concerne l'international. Vous l'avez signalé, TV5 et CFI sont, en fait, des filiales de France Télévision. Peut-être pourrait-on envisager l'intégration des autres participations de la SOFIRAD afin de rassembler les efforts du secteur public à l'exportation ?
Pour ceux qui demeurent sceptiques, le modèle de la BBC, ensemble de chaînes généralistes et thématiques étroitement liées sous une présidence unique, est un exemple de réussite, en particulier pour l'international.
Permettez-moi néanmoins, mes chers collègues, de formuler une remarque à l'intention de notre rapporteur : le renforcement du secteur public et sa crédibilité sont fondés sur son indépendance par rapport au pouvoir politique.
La rupture du cordon ombilical opérée par la loi de 1982 est une chose acquise. Il est surprenant de voir notre rapporteur la remettre en cause. Sans d'ailleurs oser vraiment le présenter comme tel, il propose un système complexe qui revient in fine à faire nommer le président de France Télévision par le Gouvernement.
Pour conclure sur ce chapitre, je dirai que la réaffirmation des missions du service public lui permettra pleinement, je l'espère, par son exemplarité en matière de programmes, d'être un moteur pour l'ensemble du secteur audiovisuel. En d'autres termes, je crois que le service public doit naturellement remplir un rôle de régulateur du paysage audiovisuel. Il s'agit bel et bien d'imposer une autre forme de télévision, outil de création et d'innovation, qui assure la liberté de choix du téléspectateur.
De telles missions justifient pleinement, madame la ministre, votre réforme du financement de l'audiovisuel public, qui gagnera en clarté sans pour autant affaiblir les chaînes publiques.
Celles-ci seront moins dépendantes des recettes publicitaires. Rappelons qu'entre 1992 et 1998 les recettes publicitaires de France 2 ont augmenté de 60,5 % et celles de France 3 de 185,9 %. Leur part dans le budget de ces deux chaînes publiques est passée de 33 % en 1992 à près de 50 % en 1998.
Il faut bien constater que, pour atteindre les objectifs de recettes publicitaires inscrits dans la loi de finances, France 2 et France 3 ont dû, au fil des années, calibrer leur programmation pour satisfaire aux exigences des annonceurs.
En proposant d'abaisser de 12 à 8 minutes la durée horaire maximale de la publicité pour France 2 et France 3, vous avez donc choisi, madame la ministre, de mettre un coup d'arrêt à l'emprise grandissante des annonceurs sur l'élaboration des grilles de programmes. M. le rapporteur propose de supprimer cette disposition fondamentale du projet de loi. J'espère que le Sénat ne le suivra pas.
Il faut en effet que France Télévision prenne davantage de risques aux heures de grande écoute. Je crois d'ailleurs que la transition est déjà amorcée puisque la directrice générale de France 2, Michèle Cotta, vient d'annoncer que dix nouvelles émissions sont en préparation pour, d'ici au mois de septembre, conforter l'image de la chaîne autour des thèmes culturels, des magazines et de l'information.
Il était évidemment indispensable de compenser intégralement cette baisse de recettes commerciales par un accroissement des moyens publics. Au cours des deux prochaines années, 2,5 milliards de francs supplémentaires seront ainsi réinjectés dans le budget des chaînes publiques grâce au remboursement des exonérations de redevance. Serpent de mer des lois de finances, ces remboursements seront définitivement affectés au budget de l'audiovisuel public. C'est là une avancée importante du présent projet de loi.
Au-delà de cette compensation, on compte sur un surplus net de un milliard de francs, qui sera exclusivement consacré aux développements technologiques et aux programmes.
Cependant, pour que le service public puisse lutter à armes égales avec le secteur privé, nous devons réfléchir à la manière de garantir l'augmentation régulière des crédits d'année en année.
Il ne suffit pas, en effet, d'inscrire dans le projet de loi l'allongement à cinq ans des mandats des dirigeants de l'audiovisuel public et la conclusion avec l'Etat de contrats d'objectifs et de moyens. Il faut aussi donner au secteur public les ressources financières nécessaires à une action stratégique de long terme. Pour mémoire, car nous l'avons souvent répété dans cette enceinte, je rappelle que le budget de la BBC est une fois et demie supérieur à celui de France Télévision et celui des chaînes publiques allemandes, deux fois et demie supérieur à celui de nos chaînes.
Je pense, pour ma part, qu'il faudra prévoir l'augmentation pluriannuelle des moyens de nos chaînes publiques, ainsi que la capitalisation de la holding France Télévision, pour lui permettre d'assurer ses missions de développement.
Au demeurant, comme vous l'avez dit, madame la ministre, toutes les mesures figurant dans ce projet de loi n'ont de sens que mises au service du citoyen téléspectateur.
Selon une enquête de la SOFRES effectuée en décembre 1998, 83 % des Français estiment qu'il y a trop de publicité à la télévision et 70 % d'entre eux estiment que la réduction de la publicité sur France 2 et France 3 serait « une bonne chose ». De tels chiffres n'ont rien de surprenant lorsque l'on sait que la durée de publicité diffusée sur les chaînes publiques entre dix-neuf heures et vingt-deux heures a augmenté de plus de 65 % en cinq ans. Cette baisse de la durée de la publicité permettra de restituer aux téléspectateurs près de trois cent cinquante heures de programmes par an !
Dans l'univers numérique, les programmes du service public doivent également rester accessibles à tous les citoyens. C'est pourquoi nous souhaitons, à la différence, là encore, de M. le rapporteur, la fin de l'exclusivité des chaînes publiques sur TPS et son obligation réciproque, le must carry , c'est-à-dire l'obligation pour tous les bouquets de les reprendre, sauf si elles s'y opposent.
J'ajouterai que la transposition de la directive Télévision sans frontières dans notre droit français permettra l'accès gratuit des citoyens aux événements d'importance majeure, trop souvent confisqués jusqu'à présent, particulièrement en matière sportive, par les chaînes cryptées.
Par ailleurs, pour garantir le pluralisme, il faut donner au CSA, allié au Conseil de la concurrence, un nouveau pouvoir de contrôle économique, avec saisine automatique par le ministre, contrairement là encore à ce que propose le rapporteur. Comme je l'ai dit voilà un instant, nos groupes de communication, à l'exception du nouveau pôle Canal + Lagardère, ne sont pas encore de taille européenne et doivent pouvoir se développer. Néanmoins, parce que la culture et l'information ne sauraient être des produits comme les autres, il est nécessaire que des contrôles puissent s'exercer, que des verrous soient opposées.
Je constate malheureusement que le rapporteur n'aime pas la transparence. Il propose en effet au Sénat de supprimer toutes les dispositions visant à permettre au CSA de faire la clarté sur les liens entre opérateurs de communication et marchés publics ainsi que les dispositions destinées à assurer l'indépendance de l'information au regard des intérêts économiques des actionnaires. Du même mouvement, il propose de revenir au système de reconduction automatique de la loi Carignon, que le projet de loi supprimait fort opportunément.
Autre disposition très importante du projet de loi : les opérateurs du câble et du satellite obéiront le plus possible à des régimes d'obligation similaires ou, du moins, harmonisés.
Nous devons également, me semble-t-il, répondre à l'attente des Français en matière de programmes locaux. Le succès de ces programmes est certain comme en témoigne l'audience des décrochages de France 3 et de M 6 ou celle des télévisions locales du câble, qui atteint parfois des scores dont TF 1 n'ose même pas rêver.
Les télévisions locales, lorsqu'elles existent, même embryonnaires sur le câble, rapprochent les citoyens en récréant le sentiment d'appartenance à une région, un département, une ville ou un quartier. Elles inventent une nouvelle manière d'utiliser la télévision au service de la communication sociale. Ce rôle peut d'ailleurs certainement être mieux rempli par des structures associatives, comme c'est le cas pour les radios, que par des sociétés commerciales, orientées vers les profit.
Pour toutes ces raisons, il nous faut donner un statut légal au tiers secteur audiovisuel et organiser les conditions juridiques et économiques de son existence. L'amendement déposé à l'Assemblée nationale par Yves Cochet, qui permet au CSA d'imposer aux opérateurs du câble de laisser un canal aux associations locales, doit être complété par des mesures visant à autoriser les associations à faire de la télévision sur le réseau hertzien. C'est ce que nous proposerons à travers un certain nombre d'amendements.
Enfin, le projet de loi doit permettre de renforcer notre industrie des programmes, vecteur de notre identité culturelle.
Grâce à la généralisation du numérique, les moyens de diffusion sont passés de la rareté à l'abondance. Il est essentiel qu'à cette multiplication des tuyaux, câble, satellite, Internet, corresponde une augmentation de l'offre de programmes.
J'espère que, comme moi, mes chers collègues, vous souhaitez échapper à ce monde idéal selon AOL, que deux journalistes d'un grand quotidien national ont décrit récemment de la manière suivante : « Le pari d'AOL - Time Warner est que l'abonné se satisfera des informations de CNN pour l'informer, qu'il choisira un film du catalogue Warner, commandera le dernier album de Cher ou de Madonna et qu'il sera un fan de la série Friends, autant de produits du nouveau groupe AOL ».
Il est certain que, si nous ne voulons pas laisser le champ libre aux programmes américains ou noyer les télespectaeurs sous les rediffusions, il faut que notre industrie de programmes puissent relever le défi.
A cette fin, le projet de loi présente plusieurs mesures indispensables.
D'abord, les obligations économiques des grandes chaînes hertziennes à l'égard de la production indépendante seront renforcées.
Ensuite, la fluidité des droits de diffusion sera mieux assurée. Nous proposerons, d'ailleurs, de compléter ce dispositif par un amendement.
De plus, les chaînes thématiques du câble et du satellite seront soumises, comme les chaînes hertziennes, à des obligations de production de programmes.
Enfin, il est essentiel de mieux garantir l'accès des éditeurs indépendants à la diffusion, que ce soit sur le câble, sur les plates-formes satellitaires ou sur les éventuels futurs bouquets hertziens numériques. Il n'est pas acceptable que les distributeurs aient le droit de vie et de mort sur les chaînes.
Le projet de loi renvoie à un décret la fixation du pourcentage minimal de programmes indépendants que devront accueillir les opérateurs du câble ou du satellite. A l'inverse du rapporteur, j'estime que ce pourcentage doit être fixé par la loi et ne saurait être inférieur à un tiers de l'offre francophone. Dans le même esprit, nous devrons garantir aux éditeurs une durée minimale des contrats de distribution.
Pour préparer l'avenir, un chapitre reste à écrire, vous l'avez dit, madame la ministre, sur le numérique hertzien terrestre. Le Gouvernement fera connaître prochainement ses propositions sur la base du rapport Hadas-Lebel mais, d'ores et déjà, le groupe socialiste du Sénat a procédé à de très nombreuses auditions. Je voudrais, à cet égard, formuler quelques remarques et poser quelques jalons.
Il nous semble indispensable que la France ne reste pas à l'écart du développement de ces nouveaux réseaux qui devraient permettre de mettre à la disposition de nos concitoyens trente-cinq à quarante-cinq chaînes ou services, sous réserve qu'ils s'équipent d'un récepteur numérique. Ces nouveaux espaces seront très utiles au développement de chaînes locales commerciales ou associatives. La plupart des pays européens se sont déjà engagés dans cette voie et nos industriels fabricants de téléviseurs ou diffuseurs ont acquis un savoir-faire reconnu. La réussite dépendra de l'offre de programmes supplémentaire qui sera ainsi rendue disponible.
Pour que les Français s'engagent massivement dans la démarche d'équipement susceptible de faire descendre le prix des nouveaux téléviseurs à des niveaux comparables à ceux des prix des téléviseurs analogiques et pour que les éditeurs de services et les groupes de communication acceptent d'investir dans les nouveaux réseaux, il faut que le Gouvernement et le Parlement fixent rapidement les règles du jeu.
Quatre principes, à titre personnel, me semblent importants.
Tout d'abord, un calendrier clair et pas trop lointain pour l'arrêt de la diffusion analogique doit être établi. Il doit être assorti d'une obligation de couverture intégrale du territoire par les opérateurs, la diffusion terrestre pouvant être complétée par la diffusion satellitaire.
Doit en outre être assurée la garantie, pour le service public, d'une place proportionnelle à celle qu'il occupe aujourd'hui dans l'espace analogique.
Le service public doit cependant être soumis à l'obligation de fournir une vaste gamme de services gratuits puisque financés par la redevance.
En ce qui concerne l'épineux problème du mode d'attribution des fréquences, notre rapporteur et le CSA ont, me semble-t-il, des positions assez opposées. Selon moi, là encore, il convient de chercher à concilier le développement industriel de nos groupes audiovisuels et le pluralisme, ce qui suppose de laisser une place importante aux éditeurs indépendants et aux programmes locaux.
Ne pourrait-on décliner le modèle de la distribution satellitaire tel qu'il ressort du projet de loi et des amendements que nous étudierons ? Les groupes pourraient organiser librement leur offre et la commiercialisation de celle-ci au sein d'un multiplex mais chaque opérateur de multiplex devra accueillir un pourcentage minimal de programmes fournis par des éditeurs indépendants, qui ne saurait être inférieur à 30 %.
Cela implique que le CSA veille à ce que les programmes locaux et les programmes du tiers secteur audiovisuel trouvent leur place au sein de cette offre indépendante et que l'opérateur du multiplex soit obligé de commercialiser, en même temps que ses propres services, l'offre indépendante, le CSA devant également faire en sorte que chaque multiplex offre des programmes différents des autres.
Mais je pense que nous aurons tout loisir, madame la ministre, de débattre des choix possibles pour le numérique terreste lors de la deuxième lecture et je souhaite que le projet de loi ne sorte pas défiguré de son examen par le Sénat. Nous devons, en effet, faire en sorte que ce texte tant attendu par les opérateurs entre en vigueur le plus tôt possible.
Pour finir, je livre à votre méditation les réflexions qu'inspirait à Dominique Wolton la récente fusion AOL-Time Warner : « Dans la communication, le plus simple sera toujours du côté des techniques, et le plus compliqué du côté des hommes et des sociétés. Il faut éviter de croire que l'omniprésence des réseaux et des ordinateurs suffira demain à créer une société de liberté, de tolérance et de solidarité. » (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon propos sera relativement bref, car l'essentiel de la pensée de mon groupe sera rappelé par mes collègues MM. Richert et Hérisson. C'est en fait avant tout à titre personnel que je souhaite intervenir sur un problème très particulier.
Mais je veux d'abord faire part de ma satisfaction devant le ton de ce débat.
C'est en 1958 que j'ai, pour la première fois, à l'Assemblée nationale, participé à un débat sur l'audiovisuel ; à l'époque on parlait encore de la TSF ! Depuis, j'ai assisté à je ne sais combien de débats sur ce sujet, toujours passionnants mais souvent aussi très passionnés, parfois aux limites de la tolérance.
Or, aujourd'hui, à part quelques flèches, légitimes venant d'une bouche féminine (Sourires), j'ai l'impression que ce débat a de la hauteur.
Je suis heureux de voir avec quelle attention Mme le ministre nous écoute. Mais je tiens à lui dire qu'elle a l'art de se faire désirer. La vitesse à laquelle les données techniques évoluent et la nécessité d'une remise en cause incessante qui en découle expliquent sans doute la prudence dont elle a fait preuve en retardant régulièrement la tenue de ce débat. Après tout, si c'est pour un mieux, pourquoi pas ?
Il s'agit surtout d'aborder les grands problèmes de l'audiovisuel comme l'a fait M. Laffitte et, une fois de plus, d'étudier les conditions de développement d'une radio-télévision de service public que, madame le ministre, vous voulez ouverte, efficace et surtout susceptible de répondre aux nécessités de notre époque.
Madame le ministre, je connais la difficulté de votre tâche et je souhaite que l'on puisse, à l'avenir, traiter de ces problèmes dans la transparence, ce qui n'a pas toujours été le cas au cours des dernières décennies. Je le dis tranquillement, même si cela déplaît à la gauche ou à la droite : sur ce plan au moins, elles peuvent être solidaires ! (Nouveaux sourires.)
S'agissant de la transparence, deux exemples me viennent à l'esprit.
Le premier est très ancien. J'ai retrouvé une interview qu'avait accordée en 1960 le directeur général de l'époque, M. Chavanon, dans laquelle celui-ci avouait : « Après deux années d'exercice, je commence à comprendre comment fonctionne la maison. » Hélas ! quelques jours plus tard, il était remplacé. (Nouveaux sourires.)
Le second est tout récent. M. Marc Tessier, le nouveau président, déclarait dernièrement au Journal du dimanche : « L'organigramme était tel à mon arrivée qu'il m'arrivait de ne pas savoir qui faisait quoi. »
Décidément, il y a une certaine continuité dans l'opacité au sein de cette maison !
Mais ce n'est pas sur les réformes de structures que je souhaite intervenir. Au demeurant, ces réformes font généralement l'objet de l'essentiel de nos débats. Bien sûr, elles sont nécessaires, car tout évolue, et nous avons déjà entendu dans cet hémicycle des voix éminentes nous expliquer avec science et talent pourquoi il faut y procéder.
Le point que je souhaite aborder ce soir, il n'en est jamais question dans les débats parlementaires. Relisez les comptes rendus des débats passés et vous verrez qu'on n'y évoque jamais des programmes. On parle essentiellement des évolutions techniques, de la prospective, de la gestion, mais les choix programmatiques ne sont presque jamais discutés dans cette enceinte.
Or, on le sait, les Français passent en moyenne trois heures à trois heures et demie par jour devant le petit écran. Il faut y ajouter le temps passé à écouter la radio. Et le phénomène va encore s'amplifier avec les nouvelles technologies. Plus que jamais, l'information, la distraction et l'instruction vont s'emparer de nos « lucarnes ».
Des questions fondamentales demeurent néanmoins sans réponse : qui donne les impulsions ? Qui décide des sélections ? Qui est maître de l'écran ? Certes, quelques personnes très honorables, qui détiennent un mandat éphémère, sont désignées à cette fin. Mais ce n'est pas suffisant pour réfléchir à une grande politique programmatique de la télévision ou de la radio ! Le principal concerné est tout de même le public. Mais où et quand celui-ci fait-il entendre sa voix ? J'attends toujours qu'on me le dise !
Certains répondront : il y a l'audimat. Que l'on ne me parle pas de l'audimat, qui donne des renseignements d'ordre quantitatif et non qualitatif ! L'audimat indique si le poste est ouvert ou pas, il ne dit rien de l'appréciation que le téléspectateur ou l'auditeur porte sur tel ou tel programme, du succès que celui-ci remporte et de l'intérêt qu'il présente.
D'autres évoqueront les médiateurs. Que l'on ne me parle pas, non plus, des médiateurs, qui sont certainement d'excellentes personnes, mais qui sont d'abord la voix de la direction avant d'être celle des téléspectateurs. (Mme le ministre fait un signe de désapprobation.) Si, madame le ministre, je vous l'assure. Moi - contrairement à vous, sûrement - j'ai le temps d'examiner les fruits de leur activité. Si vous le voulez, je vous ferai parvenir quelques extraits.
En tout cas, lors de sa séance du 27 février 1997, le Sénat avait adopté, sur ma proposition, un amendement tendant à instituer, auprès des organes dirigeants des sociétés de l'audiovisuel public, un comité consultatif d'orientation des programmes réunissant ce que j'appelle des « téléspectateurs actifs ».
Bien entendu, la question demeure de savoir comment aurait été composé ce comité. On ne veut plus des associations de téléspectateurs, car, dit-on, elles ne réunissent que peu de membres. C'est un cercle vicieux ! Si elles ne sont jamais consultées, si elles n'ont pas de responsabilités, le nombre de leurs adhérents sera toujours extrêmement réduit !
En revanche, cet argument ne vaut pas pour les membres du corps enseignants, les parents d'élèves, les mouvements familiaux. Il est légitime que leurs représentants puissent s'exprimer ! Si vous n'en voulez pas, madame la ministre, ce qui m'étonnerait d'ailleurs beaucoup, dites-le carrément !
Pour justifier mon propos, je veux évoquer un incident qui m'a profondément heurté, car il est révélateur d'une certaine conception du service public et du mépris dans lequel on tient quelquefois le Parlement.
Je précise tout de suite que l'observation qui va suivre ne vise pas la direction actuelle de France Télévision. Il faut laisser à celle-ci le temps de prendre la dimension des problèmes, et ses premières décisions me paraissent aller dans la bonne direction ; je suis bien placé pour le savoir puisque je fais partie du conseil d'administration.
Certes, l'amendement dont je parlais tout à l'heure et qui jetait les bases d'un comité d'orientation des programmes a été rejeté par l'Assemblée nationale. Mais il avait tout de même inquiété la direction de France Télévision de l'époque. Celle-ci avait ouvertement fait savoir qu'elle était en opposition totale avec la proposition du législateur et, sans aucune hypocrisie - elle eut au moins ce mérite - elle a allumé un contre-feu. En effet, sans que ce soit nulle part prévu dans les textes, elle a créé de toutes pièces deux comités d'orientation, un pour France 2 et un autre pour France 3, comités composés d'ailleurs de gens de grande qualité : universitaires, rédacteurs en chef en exercice, académiciens, journalistes spécialisés ayant des rapports étroits avec la maison, savants, anciens hauts fonctionnaires, prix Nobel, conseillers littéraires, producteurs, réalisateurs. Bref, ce sont, par excellence, des comités élitistes.
En un an, ces deux comités ont tenu deux réunions, dont une pour le baptème ! Peut-être y en aura-t-il une troisième pour l'enterrement, après le vote de la nouvelle loi par l'Assemblée nationale et le Sénat !
M. Belot, en sa qualité de rapporteur spécial du budget de l'audiovisuel, et moi-même, en tant que membre du conseil d'administration de France Télévision, avons demandé que nous soient communiqués les comptes rendus des travaux de ces deux comités. Nous n'avons, ni l'un ni l'autre, jamais obtenu satisfaction. Or ce sont ces travaux qui sont censés être pris en considération pour orienter les programmes.
Ce n'est pas l'opacité, c'est de la clandestinité ! C'est très grave dans la mesure où il s'agit de ce que regardent les téléspectateurs, en particulier nos enfants.
Je n'insiste pas, car j'espère que le nouveau comité qui sera créé, si toutefois le texte est modifié, ne présentera pas les mêmes défauts.
L'Assemblée nationale propose d'instaurer un conseil d'orientation - c'est une expression à la mode ! - des programmes composé de quarante téléspectateurs - on dirait l'Académie française ! - tirés au sort sur le plan national, et qui siégerait deux fois par an, la première fois en s'adjoignant les membres du conseil d'administration, ce qui porterait à cette occasion l'effectif de l'assemblée en question à cinquante-deux personnes !
Cinquante-deux personnes pour deux ou trois heures de réunion deux fois pas an : je souhaite bien du plaisir à celui qui présidera ce comité ! Comment pourra-t-on étudier sérieusement une politique de programmes avec un tel comité ? On est passé d'un comité élitiste à un comité populiste. Je dis « populiste » car on recourt maintenant au tirage au sort. On se croirait à la cour d'assises !
Je formulerai maintenant quelques objections.
Premièrement, si ce conseil se réunit deux fois par an, on ne voit pas, je le répète, comment il pourra travailler sérieusement, la première fois avec cinquante-deux membres et la seconde fois avec quarante membres.
Deuxièmement, cette commission serait composée de quarante téléspectateurs assujettis à la redevance, c'est-à-dire que l'on exclut les économiquement faibles, tous ceux qui, faute de moyens, sont dispensés de payer la redevance et qui sont souvent les plus nombreux devant le petit écran, car il faut bien tuer le temps... On est quand même en république, et en république sociale, et je ne peux imaginer que la gauche se rallie à cela. Là encore, je suis persuadé que l'on y réfléchira et que ce texte sera amendé.
Troisièmement, on innoverait en instaurant un nouveau système de démocratie : le tirage au sort. Je n'ai jamais vu cela, sauf, comme je l'ai dit voilà un instant, pour les jurys d'assises. J'adresse une véritable mise en garde, car si nous prenons l'habitude de faire confiance au tirage au sort pour désigner les membres d'assemblées de cette importance, où irons-nous ? J'espère que l'on ne tirera pas au sort, un beau jour, les candidats-sénateurs ! Faire confiance au hasard, c'est, à mon avis, aboutir au bazar ! Nous ne pouvons accepter une philosophie qui, de fil en aiguille, aboutirait à la démocratie du loto. C'est en effet la démocratie du loto que de recourir au tirage au sort pour désigner ceux qui se pencheront sur nos programmes de télévision.
Méfions-nous aussi des surprises que peuvent amener les loteries. Demandera-t-on l'opinion de personnes qui sont peut-être anarchistes, ou fascistes, et qui seront désignées ainsi ?
Voilà ce que je voulais vous dire très simplement. J'ai préféré en effet concentrer mon propos sur un seul point très précis.
Madame le ministre, j'ai confiance dans le sérieux de la réflexion que vous apporterez en seconde lecture à mes observations. Nous sommes prêts à collaborer à l'élaboration d'un autre système de comité de programmes. Simplement, madame le ministre, il faut tout de même que ce texte corresponde à quelque chose de digne, à ce qu'en attendent à la fois notre culture, notre démocratie et notre histoire. Nous avons bien mérité cela ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. - M. Gérard Delfau applaudit également.)

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DÉPÔT D'UN RAPPORT
DE LA COUR DES COMPTES

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier président de la Cour des comptes un rapport relatif à la fonction publique de l'Etat.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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LIBERTÉ DE COMMUNICATION

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au-delà des polémiques médiatiques passagères et des effets faciles de l'agitation politicienne, la principale question qui se pose à nous, dans le débat qui s'ouvre aujourd'hui, me semble la suivante : dans un domaine en perpétuelle évolution, comment pouvons-nous, en France, assurer de manière pérenne l'avenir du secteur public de l'audiovisuel ?
Pour répondre à cette interrogation, il importe d'avoir présent à l'esprit deux éléments importants que nous imposent, d'une part, l'évolution technologique et, d'autre part, l'environnement international.
Pour ce qui est du domaine technologique, chacun peut observer la multiplication de nouveaux supports, de nouveaux véhicules d'images, que ce soit le satellite, Internet, le numérique hertzien, le MMDS, le DAB, l'ADSL ou encore l'UMTS à venir pour les portables. Cette liste n'est pas et ne sera pas à l'avenir limitative ; elle est au contraire évolutive, et tout laisse à penser que les innovations futures permettront d'accroître encore les capacités de diffusion des supports connus ou existants tout en en développant de nouveaux.
En ce qui concerne notre environnement international, plus particulièrement européen, je voudrais, madame la ministre, mes chers collègues, attirer votre attention sur la simple comparaison de l'état de l'audiovisuel public français par rapport à celui de ses voisins immédiats et puissants que sont l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Vous pourrez constater par vous-mêmes que cette comparaison n'est pas favorable à notre pays, loin s'en faut.
En effet, si, dans le domaine de la diffusion, on compare, par exemple, le pourcentage de la fiction nationale dans l'ensemble de la fiction diffusée en prime-time , on constate qu'il s'élève à 90 % en Grande-Bretagne, à 70 % en Allemagne et seulement à 47 % en France.
Plus significatives encore sont les comparaisons d'heures de fiction produites par le secteur public et diffusées annuellement sur les chaînes de nos trois pays. Si l'Allemagne et la Grande-Bretagne, qui produisaient respectivement 1 700 heures et 1 000 heures en 1996, ont porté cette production, pour 1998, à, respectivement, 1 950 heures et 1 320 heures, a contrario , et pour la même période, la France est passée de 700 heures produites en 1996 à 550 petites heures produites en 1998, soit une diminution de 30 %, c'est-à-dire, aujourd'hui, à peine le quart de ce que produit l'Allemagne. Comment, madame la ministre, mes chers collègues, être présents dans cette grande bataille à venir que l'on nous annonce sur le contenu avec un niveau aussi faible de production ?
L'une des causes principales - pour ne pas dire la principale - de cette situation réside à l'évidence dans le sous-financement de notre secteur public audiovisuel.
Sans vous imposer des quantités de chiffres, je poursuivrai simplement cette comparaison avec nos voisins immédiats. Ainsi, le rapport du produit de la redevance, en 1996, était, en France, de 10 milliards de francs, alors qu'il était de 20 milliards de francs en Grande-Bretagne et de 30 milliards de francs en Allemagne.
Si l'on analyse maintenant les autres sources de recettes comme la publicité, on constate qu'il n'y a pas de compensation du manque de redevance puisque les recettes totales du secteur public s'élèvent à plus de 40 milliards de francs en Allemagne, à 25 milliards de francs en Grande-Bretagne et à 18 milliards de francs en France.
Evolution du contexte technologique, comparaison du contexte européen, c'est donc la pérennité même de notre secteur audiovisuel public qui se pose à nous.
Madame la ministre, mes chers collègues, si nous voulons éviter à terme la disparition ou la cannibalisation du secteur audiovisuel public, il nous faut, en France, agir rapidement et directement sur le mode de financement de l'audiovisuel public et sur son évolution future.
Pour cela, madame la ministre, laissez-moi vous faire part de quelques suggestions qui touchent non seulement au financement de l'audiovisuel public, mais aussi à sa situation face aux nouveaux moyens de diffusion de l'image.
En ce qui concerne le financement, je voudrais tout d'abord souligner une évidence : notre audiovisuel public n'est pas en dehors de la compétition internationale, pas plus qu'il ne doit ou ne peut être en dehors des évolutions technologiques qui l'entourent.
Par conséquent, si l'on veut que notre secteur public puisse tenir son rang et sa place dans la compétition nationale ou internationale, il faut lui en donner les moyens. Pour cela, vous conviendrez qu'il est nécessaire et urgent de modifier son mode de financement, puisque celui que nous connaissons actuellement ne nous permet pas de soutenir la comparaison, ne serait-ce qu'avec nos voisins immédiats. Et je ne parle pas des Etats-Unis qu'ont beaucoup évoqués les orateurs précédents !
L'importance de la publicité, très supérieure à ce qu'elle est dans les pays voisins, comme je le rappelais tout à l'heure, ne suffit pas à combler la faiblesse de notre redevance, mais impose aux téléspectateurs des tunnels de publicité difficilement supportables.
C'est pourquoi nous devons agir sur trois points précis : la redevance, la publicité et le fonctionnement même de France Télévision.
On l'a vu, la redevance ne rapporte pas assez, en France. Il faut donc faire en sorte que, sans pour autant l'augmenter dans l'immédiat, elle soit désormais payée par l'ensemble des redevables. C'est possible.
Aujourd'hui, le fait générateur de la redevance est constitué par le binôme « poste de télévision et point de réception », le paiement faisant suite à un acte de déclaration volontaire, et donc à la bonne volonté du citoyen.
Pourquoi ne pas faire du seul point de réception, qui est le point d'entrée de la communication potentielle, et ce, quel que soit son mode de diffusion, le seul fait générateur du paiement de la redevance ? Au regard de la réalité, ce serait plus équitable puisque chacun, dans son habitation, est consommateur de fréquences occupées par le service public, à quelque titre que ce soit. Cette redevance deviendrait alors une redevance de communication.
En ce qui concerne les exonérations, votre projet de loi, madame la ministre, promet leur remboursement total par une dotation budgétaire. Si l'intention est louable, le voeu est pieux puisque, en la matière, la loi ne saurait être contraignante, et que seuls le ministère du budget et le Parlement ont un pouvoir de proposition et de décision.
L'annualité budgétaire est un impératif qui s'impose à tous dans notre république. La bonne solution serait, à mon sens, que, chaque année, à l'occasion du vote du budget, le Gouvernement soumette au Parlement le champ des exonérations et leurs conséquences budgétaires. Cela obligerait chaque gouvernement souhaitant modifier le montant des compensations à proposer au Parlement la suppression, pour certaines catégories, de cette exonération et à prendre ainsi une véritable responsabilité politique. Au-delà de la responsabilisation en la matière, cela aurait pour effet de garantir intégralement le financement du secteur public, qui serait alors assuré soit par la compensation gouvernementale, soit par les catégories ayant perdu leur exonération.
Venons-en à la taxe CNC. En vertu du principe « pas de taxes sur une taxe », je propose que la redevance ne soit plus soumise à cette taxe et que le taux de cette dernière soit augmenté à due concurrence pour toutes les recettes de publicité, tant du secteur public que du secteur privé, compte tenu des transferts de publicité que l'on peut attendre d'une réduction de la durée de la publicité sur les chaînes publiques.
Vous avez constaté, madame la ministre, que toutes ces mesures ne répondent qu'à une seule volonté : augmenter et pérenniser les recette publiques. L'ensemble de ces dispositions pourrait augmenter le produit de la redevance de l'ordre de 4,5 milliards de francs à 5 milliards de francs.
Toutes ces mesures ne nous dispensent pas, bien sûr, d'une réflexion sur l'évolution du montant de la redevance dans les prochaines années, car ce premier pas nous maintiendrait encore dans une position de faiblesse par rapport à nos partenaires anglais et allemands et favoriserait incontestablement, à terme, l'invasion de nos écrans par des productions anglo-saxonnes.
Ne pas réagir maintenant nous entraînerait dans une situation proche de celle de l'Espagne et de l'Italie qui ont laissé filer leur redevance et qui ont aujourd'hui beaucoup de difficultés pour rétablir la situation.
S'agissant du recours aux recettes commerciales dans le financement de l'audiovisuel public, il faut bien évidemment le maintenir, mais sans qu'il dépasse un volume raisonnable, comme c'est le cas en Grande-Bretagne.
C'est pourquoi il m'apparaît que la réduction de la durée des écrans publicitaires que vous proposez est insuffisante. En effet, le passage pour France 3 à huit minutes de publicité par heure nous ramène à la situation antérieure à 1992, c'est-à-dire avant le décret pris par M. Lang qui a porté cette durée à douze minutes ; quant à France 2, la réduction projetée ne sera pas perçue par les téléspectateurs et ne sera pas, de mon point de vue, un facteur de fidélisation ; par ailleurs, elle ne favorisera pas assez le surenchérissement de l'espace pour les annonceurs.
Il faut donc, madame la ministre, un geste fort, une avancée significative dans ce domaine pour augmenter le prix des écrans publicitaires tout en fidélisant les téléspectacteurs.
C'est pourquoi je propose que la durée des écrans publicitaires soit portée, pour France 2, à six minutes par heures, et, pour France 3, à quatre minutes par heure.
Abordons enfin, s'agissant du fonctionnement de notre secteur public, la constitution de France Télévision en holding prévue par ce projet de loi.
France Télévision doit fonctionner comme une véritable société dotée d'un capital, ayant des objectifs et pouvant être maîtresse du financement de son développement, et ne doit plus être gérée comme une administration. France Télévision ne doit plus avoir à quémander des rallonges perpétuelles mais, en présentant un véritable plan d'entreprise sur cinq ans, ce qui correspond d'ailleurs à la durée du mandat de son président, elle doit valider ses stratégies et les assumer.
L'actuelle annualisation des budgets, en obligeant à l'équilibre au centime près, rend ce fonctionnement impossible et conduit, à terme, à une marginalisation de notre secteur public.
Dans un autre secteur, sans avoir pour autant déposé d'amendement, je suggère que RFO soit intégrée à la holding France Télévision, et cela, de mon point de vue, afin de garantir une égalité de traitement dans tous les domaines pour l'ensemble des programmes des régions françaises, même lointaines.
Quant à Arte, le problème ne se situe plus au niveau de son intégration et de la préservation de son indépendance au sein de la holding France Télévision puisque la décision va être prise de laisser à notre chaîne franco-allemande son indépendance.
C'est, de mon point de vue, une bonne chose, car cela lui assure sa totale liberté éditoriale dans le cadre d'un dialogue franco-allemand, qui est le seul cadre de la convention. Cependant, le problème de financement d'Arte reste entier du fait que le secteur public allemand dispose de ressources quatre fois supérieures aux ressources françaises. Or la convention franco-allemande qui prévoit, vous le savez, un financement à parité pourrait être mise en péril si nos partenaires allemands décidaient de faire un effort exceptionnel en faveur d'Arte, effort que nous n'aurions pas les moyens de suivre.
Au-delà du fonctionnement et du financement de l'audiovisuel public et de sa pérennité, se posent, madame la ministre, d'autres problèmes importants que je souhaiterais aborder succinctement maintenant. Ils ont trait aux nouveaux moyens de diffusion d'images.
S'agissant d'Internet, et plus particulièrement de la responsabilisation des fournisseurs d'accès, nous devons faire en sorte que ces derniers soient pleinement responsables des contenus qu'ils transportent et qu'ils diffusent.
Or, votre projet de loi, madame la ministre, déresponsabilise à mon sens les fournisseurs d'accès, alors que 90 % du contenu proposé proviennent de l'étranger et autorisent ou favorisent, de ce fait, bien des dérives.
A notre sens, cette déresponsabilisation ouvre aussi la porte non seulement à la multiplication des piratages musicaux, qui mettent en péril toute l'économie de la culture, mais aussi, hélas ! à la pédophilie, aux intégrismes, aux nazillons de toutes sortes.
Aujourd'hui, seul l'intermédiaire, le fournisseur d'accès, peut empêcher la diffusion d'un contenu ; et si, comme vous le proposez, on le déresponsabilise, cela conduit ipso facto à organiser, si je puis dire, l'impuissance de la société à lutter efficacement contre ces contenus illicites et à faire du non-respect de la loi une règle juridique.
Il faut, dans ce domaine, comme la morale nous le suggère et comme la loi doit nous y contraindre, prévoir une véritable responsabilité du fournisseur d'accès quant au contenu diffusé et prévoir les sanctions adéquates en cas de violation du droit.
Au sujet du numérique hertzien, il est tout de même étrange, madame la ministre, alors même que tous les pays européens ont légiféré et que certains d'entre eux ont même commencé à s'équiper, que, dans votre loi, il n'existe aucune proposition concernant ce qui est pourtant l'avenir de l'audiovisuel.
De plus, les seuls échos que nous ayons sur cette technologie française laissent à penser que son développement pourrait être handicapé sur notre territoire par son mode d'attribution « fréquence par fréquence », mode d'attribution qui a pourtant déjà démontré son inefficacité en Suède.
L'attribution par multiplex à des opérateurs existants ayant obligation de diffuser de nouveaux entrants, système développé en Angleterre et en Espagne, a démontré, lui, son efficacité au niveau de l'équipement tout en permettant de conforter les opérateurs existants et de diffuser de nouveaux entrants.
Nous sommes donc impatients de connaître vos propositions dans ce domaine.
Venons-en maintenant au câble et au satellite. La loi ne prévoit pas les mêmes conditions d'exploitation à l'un et à l'autre, alors même que ces deux supports sont en concurrence directe. En effet, dès lors que les plates-formes satellitaires sont soumises à un simple régime déclaratif, le câble ne saurait, lui, relever d'un régime d'autorisation d'exploitation, d'autant plus complexe que l'autorisation est délivrée sur proposition des communes ou des groupements de communes alors qu'il s'agit des mêmes types de services.
Il est incompréhensible que des services diffusés sur satellite ne le soient pas aussi sur le câble, alors que ces deux moyens sont à la fois complémentaires et concurrents. J'aurai d'ailleurs à défendre ce point de vue en présentant un amendement que j'ai personnellement déposé.
Pour conclure, vous ne pourrez pas, madame la ministre, terminer ce débat sans prendre position sur l'exclusivité des chaînes publiques sur un seul bouquet satellite.
Si vous les autorisiez à être présentes sur un autre bouquet, cela ne bousculerait pas, de mon point de vue, l'équilibre économique de l'ensemble, ces chaînes publiques ne représentant qu'un tiers de l'audience et TPS conservant l'exclusivité de la diffusion de toutes les chaînes hertziennes en clair.
Si une telle décision en faveur de la présence des chaînes hertziennes sur les autres bouquets était prise, il ne faudrait cependant pas obliger ces derniers à être présentes sur tous les bouquets, notamment sur ceux de nos départements et territoires d'outre-mer, car les modestes opérateurs de ces régions seraient alors contraints de les transporter depuis la métropole à leur frais, ce qui mettrait en grave danger leur équilibre économique.
Globalement, je pense, pour conclure, que votre texte va dans la bonne direction.
Cependant, l'insuffisance de certaines dispositions, la non-prise en compte d'importants problèmes soulevés, notamment par les nouvelles technologies, nous le rendraient difficilement adoptable en l'état.
Aussi, ce n'est qu'au vu des amendements que vous accepterez, madame la ministre, que nous déterminerons notre vote. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Oserai-je dire, madame le ministre, que votre texte était attendu comme un enfant à la naissance réputée délicate ? De mon parcours parlementaire - modeste ! - je ne me souviens pas qu'un projet de loi ait rencontré autant de difficultés dans sa préparation. Les péripéties de celui-ci auraient pu prêter à sourire - en tout cas, les journalistes en ont beaucoup parlé dans les médias - si les dispositions qui nous sont proposées ne nous décevaient pas dans leur état actuel et si le sujet n'était aussi sérieux. Car, là, nous sommes en convergence totale puisque, de cette loi, sortira - ou ne sortira pas - une société française réconciliée - ou non - avec sa radio et sa télévision, lesquelles façonnent trois, quatre, et parfois davantage d'heures quotidiennes dans sa vie.
Plusieurs textes successifs, plusieurs auteurs successifs : je me souviens du texte de mon collègue Didier Mathus, avec ses mesures anticoncentration - disparu ! - de deux versions, si j'ai bien compris, élaborées par vous, et enfin d'un texte qui a un auteur intéressant, le Sénat.
C'est autour de ce dernier texte que nous allons, je pense, organiser la discussion et je souhaite, comme vient de le dire mon collègue M. Pelchat, que vous ayez une oreille attentive, madame la ministre - mais j'ai cru comprendre que tel serait le cas - aux propositions sénatoriales.
Je me permettrai de formuler d'abord trois remarques préliminaires.
Premièrement, le calendrier parlementaire ne nous a pas permis, avec les fêtes, la tempête, le bogue, d'examiner de façon attentive - mais un sénateur travaille même pendant ces périodes-là ! - les excellents amendements qui ont été présentés devant la commission des affaires culturelles l'avant-veille de Noël.
Deuxièmement, je regrette, alors que le débat sur le numérique terrestre - important, et même cardinal à nos yeux - fait rage dans toute la planète des médias, que nous n'ayons toujours pas connaissance du célèbre rapport de M. Raphaël Hadas-Lebel. Je souhaite qu'à l'occasion de la présente discussion, qui va durer encore deux jours, nous puissions obtenir ce fameux document, qui manque cruellement à notre éclairage parlementaire. (M. le président de la commission des affaires culturelles ainsi que M. Laffitte brandissent ledit rapport.) Mais je constate, j'en suis heureux que ce rapport a été distribué ! Je note l'heure !
Enfin, troisièmement, madame le ministre, l'idée ne vous est-elle pas venue, puisque retard il y avait dans la préparation de ce texte, d'imaginer de traiter conjointement l'audiovisuel et la société de l'information ? Nous y sommes poussés par l'actualité la plus brûlante : AOL et Time Warner organisent une fusion de fait de la société de l'information et de l'audiovisuel, que nous allons pourtant traiter dans deux lois différentes. Où est le kit d'amarrage pour ces deux lois ?
Oserai-je rappeler, madame le ministre, que, lorsque, en juillet 1998, je siégeais dans une autre assemblée, accompagnant une délégation parlementaire conduite par M. Didier Mathus, nous avions élaboré un document - remarquable, d'ailleurs - où nous constations que la convergence des médias était le sujet incontournable de toute loi sur l'audiovisuel ? Or c'est un sujet que l'on contourne, que l'on esquive. Assez jolie performance législative !
Ainsi, madame le ministre - je reviens à vos propos - votre projet de loi a pour objet principal de fortifier le service public de l'audiovisuel en en refondant les missions.
Par ailleurs, votre texte traite du système de régulation et prévoit la transposition en droit interne - transposition tardive puisque, si je ne m'abuse, la France est le dernier pays européen à le pratiquer - des dispositions de la directive Télévision sans frontières.
S'agissant de l'Europe, permettez-moi de m'interroger sur la manière dont sera traité le cas d'Arte. Vous avez répondu pour partie à cette question tout à l'heure, mais j'avais préparé mon intervention sans avoir entendu votre propos liminaire. Nous nous réjouissons donc de voir que vous ne méprisez pas l'accord franco-allemand !
Par ailleurs - c'est une autre de mes préoccupations - vous semblez vouloir ignorer la recommandation européenne relative à la concurrence des bouquets satellitaires. Dans une autre assemblée, j'ai été à l'origine, avec l'un de vos prédécesseurs, de l'organisation de la concurrence dans les bouquets satellitaires. L'Europe nous encourage à cette concurrence, qui est une bonne chose pour le téléspectateur. Nous aurons l'occasion de vous interroger sur ce sujet.
Dès son titre Ier, ce projet de loi prévoit le renforcement de l'audiovisuel public, que la loi de finances pour 2000 a déjà approuvé : nous avons eu cette discussion, pratiquement avec les mêmes orateurs, voilà maintenant un mois et demi.
La progression des ressources de l'audiovisuel public sera de 1,5 milliard de francs, et la baisse de la durée de la publicité sur les chaînes publiques est déjà prévue, passant à dix minutes, avec une réduction supplémentaire en 2001. Vous prévoyez également - et nous vous y encourageons - la création d'un groupe industriel public fort. Vous reprenez, en outre, une idée que nous avions avancée, contre l'avis de Bercy à l'époque : je veux parler du principe d'un financement pluriannuel reposant sur des contrats d'objectifs et de moyens.
Néanmoins, madame le ministre, toutes ces mesures arriveront-elles à cacher le mal dont souffre l'audiovisuel public ? Se pose en effet le problème de la définition des missions de service public qui lui sont confiées : soit ces missions sont trop importantes pour un budget insuffisant, soit elles sont mal accomplies avec un budget toujours insuffisant.
Une des questions essentielles que nous devons nous poser - n'est-ce pas le thème principal de cette discussion sur l'audiovisuel ? - est de savoir si nous entendons donner aux missions de service public un caractère clair, net et précis. Quand on regarde les chaînes publiques et les chaînes privées, il est en effet souvent difficile de les distinguer. Où sont les missions de service public qui, à certaines heures, notamment en prime time , permettraient de distinguer France 2 de TF 1 ? J'ai bien du mal à le dire, et ce malgré la faculté que j'ai, que nous avons tous, de zapper !
Si je ne m'abuse, les chaînes publiques ont des obligations spécifiques qu'elles tentent de remplir. Or ces principes ne sont pas toujours très lisibles. Aussi accorderons-nous un très grand intérêt, madame le ministre, à la discussion de l'article 1er du projet de loi, qui dresse une liste de ces missions de service public. Je sais d'ailleurs que la commission des affaires culturelles a proposé des amendements relativement intéressants sur ce sujet, qui nous permettront d'organiser le débat.
Cela étant, je le répète, il est souvent difficile de distinguer les programmes des chaînes publiques de ceux des chaînes privées. Or c'est un sujet essentiel si nous voulons, comme l'a dit en particuler notre collègue M. Ralite, donner à ce service public, qui fait pour nous l'unanimité, les moyens des ambitions des Français.
Le contexte actuel de la communication audiovisuelle n'est pas favorable à l'audiovisuel public. Il suffit, pour s'en convaincre, de se référer au raport du CSA qui, sur les bilans 1998 de France 2 et de France 3, relève que « ce blocage de la progression des chiffres d'affaires des chaînes, sensible depuis 1996 sur France 2 et France 3, est intervenu - c'est important, je le souligne - à un moment où l'accroissement de la concurrence entraînait une croissance forte du marché, et donc des coûts des programmes audiovisuels phares que sont - on le sait bien - le cinéma, le sport ou la fiction ».
Permettez-moi de me référer également, madame le ministre, aux dernières grèves de l'audiovisuel public : j'ai constaté avec beaucoup de tristesse - je l'avais dit lors de la discussion du projet de budget de l'audiovisuel public - que les Français se sont tout simplement passés des chaînes publiques parce qu'ils disposaient d'une offre concurrente. Il me paraît donc très important qu'à l'occasion de cette discussion nous puissions indiquer le sens des missions du service public sans nous préoccuper seulement de la reconversion des recettes publicitaires en recettes budgétaires.
Enfin, madame le ministre, il s'agit de ne pas tomber dans le travers consistant à dire que tout sera réglé par la numérisation.
Dans ce projet de loi, nous avons glissé très largement sur ces perspectives. Or l'avenir de la télévision publique, comme celui de tous les médias, réside dans la numérisation. Mais je vous ai entendue dire tout à l'heure que, voilà quatre ou cinq ans, on n'aurait pas pu faire le pari de la numérisation. Non, madame le ministre ! Tous les journaux de presse écrite étaient alors déjà numérisés, même les plus petits en province. On savait, voilà déjà dix ans, que la voie du numérique était la seule voie des médias de demain !
Vous ne dites donc pas grand-chose sur la numérisation de la diffusion hertzienne dans ce projet de loi, même si je sais que vous avez organisé une consultation publique sur la mise en place du numérique terrestre.
Partout, on entend dire que le numérique est incontournable et répondra - et tel est le sens, je crois, de la discussion que nous allons avoir ces jours-ci - à une politique véritable de libération des fréquences. C'est un sujet que nous ne pourrons éluder et, là encore, cela me paraît une performance législative que de ne pas évoquer ce sujet dès l'aube de l'examen de votre projet de loi.
Heureusement, le rapport de notre collègue Jean-Paul Hugot trace des lignes directrices qui nous permettent d'y voir plus clair et les apports qu'il propose sur les nouveaux modes de communication audiovisuelle sont importants.
Cependant, je crois devoir dire que, si la numérisation de la diffusion hertzienne est un avenir possible des services de communication audiovisuelle, de nombreuses interrogations se posent, auxquelles il faudra bien répondre. Le passage au numérique est une opération complexe qui n'exclut pas certains risques et qui nécessitera du temps.
Chacun connaît les avantages importants que présente le numérique. Ils sont de trois natures.
Pour l'audiovisuel, la diffusion numérique permettra une offre de chaînes prenant en compte les attentes et les demandes des téléspectateurs, en particulier en permettant aux téléspectateurs de se bâtir des programmes « sur mesure », répondant ainsi à l'envie du téléspectateur d'aujourd'hui.
Le deuxième avantage est incontestable : la diffusion numérique permettra d'offrir à chacun les télévisions de proximité qui sont aujourd'hui indispensables. En effet, on accède aujourd'hui plus facilement au Bangladesh qu'à son propre quartier.
Troisième avantage : le numérique permettra le développement de la télévision de services, c'est-à-dire une télévision enrichie et interactive, avec téléchargement de films, de musiques, de jeux et consultation d'Internet.
Les possibilités technologiques offertes par le numérique sont donc une occasion pour l'audiovisuel public de se développer, mais également d'avoir accès à la société de la l'information. Je retrouve là la convergence des médias. Certaines chaînes ne se tournent-elles pas déjà vers Internet en devenant de véritables portails ? C'est le cas des deux bouquets satellitaires, Canal Satellite et TPS.
Pour les pouvoirs publics, cette numérisation offre incontestablement des avantages, comme la multiplication des fréquences. Cependant, c'est une opération délicate sur laquelle j'aimerais m'arrêter quelques instants.
S'agissant du coût, madame le ministre, j'attends de savoir si le rapport Hadas-Lebel est clair sur l'analyse économique du numérique terrestre. Des chiffres sont lancés, beaucoup de chiffres ! J'aimerais qu'ils soient vérifiés, car j'estime que c'est un enjeu important pour l'audiovisuel public et l'audiovisuel tout court. Il est clair que ce coût va réduire la possibilité d'accès des opérateurs sur le numérique.
Autre question à se poser : quand le passage se fera-t-il ? Les Etats-Unis - nous avions, avec mon collègue M. Mathus, rencontré la FCC - ont pris une position brutale, celle de la fixation d'une date butoir : à telle date, on passe de l'analogique au numérique. En France, nous n'en sommes pas là et le compte à rebours n'est pas encore lancé. Une période transitoire de dix ans sera raisonnablement nécessaire pour faire basculer les fréquences d'un mode à l'autre. J'espère que la discussion que nous aurons nous permettra d'aborder ce sujet.
Et comment se fera ce passage ? Qu'adviendra-t-il des fréquences analogiques libérées ? Nous vous ferons des propositions, madame le ministre, afin que ces fréquences puissent être utilement redistribuées.
Revenant sur votre proposition initiale, je dirai que la culture audiovisuelle ne doit pas être réservée à une élite. Si le numérique est opérationnel, sa réception effective n'est pas encore d'actualité : l'équipement en numérique suppose une intégration technique dans les téléviseurs, vite possible dans le haut de gamme, mais nécessitant, pour le bas de gamme ou les moyennes gammes, des décodeurs dont le coût est évalué à environ 1 200 francs, somme non négligeable pour un foyer modeste.
La commission des affaires culturelles du Sénat a réussi, fort opportunément, à combler le vide juridique et réglementaire de votre projet de loi sur ce sujet, car il nous semble qu'il faut légiférer et anticiper sur ce que les professionnels de la communication audiovisuelle considèrent tous comme inévitable.
Ces positions prises par le Sénat sont intéressantes. Pour ma part, et avec le groupe du Rassemblement pour la République, je ferai également des propositions pour modifier la loi de 1986 et ce projet de loi. Nous ne pourrons donc qu'adopter un texte qui les reprendra.
Madame le ministre, c'est finalement à ce Sénat, décrit par le chef du Gouvernement, voilà un an, comme « une anomalie de la démocratie »,...
M. Henri Weber. A juste titre !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela n'a aucun rapport !
M. Louis de Broissia ... qu'il appartient d'écrire le texte sur l'audiovisuel français du xxie siècle.
M. Gérard Delfau. C'est bien ce qui nous inquiète !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Encore une fois, cela n'a aucun rapport !
M. Louis de Broissia. Nous assumerons tous ensemble, monsieur Dreyfus-Schmidt, ce devoir parce que nous avons le sens de l'intérêt supérieur de la France. Mais, je le rappelle, c'est le texte de rattrapage récrit par le Sénat que le groupe du Rassemblement pour la République soutiendra. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce ne sera tout de même pas la loi définitive !
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en abordant de nouveau le rôle et l'organisation des médias audiovisuels, j'ai l'impression d'être soumis, à mon tour, à l'épreuve du rocher de Sisyphe. Depuis cet été 1986 où le ministre Léotard fit voter ici-même, non sans mal - certains s'en souviennent sur ces travées - une loi relative à la liberté de communication, en fait le plus beau cadeau jamais offert à un groupe privé en France,...
M. Louis de Broissia. Et Canal Plus ?
M. Gérard Delfau. ... que de fois sommes-nous revenus sur l'ouvrage ! Il s'agissait, à chaque nouveau texte, de rééquilibrer le rapport de forces en faveur du service public, dans sa dimension « télévision », et votre démarche, madame le ministre, s'inscrit dans cette perspective.
On ne peut pas dire que vos propositions soient d'une grande audace, mais je mesure bien, ayant perdu ma naïveté, que, dans ce domaine, le Gouvernement et le Parlement doivent faire preuve de modestie, tant le sujet est délicat et tant les puissances financières du secteur privé veillent efficacement à maintenir leur position dominante. Si j'en avais douté, l'intervention de notre collègue, voilà un instant, me l'aurait confirmé !
Il n'empêche, vous essayez de faire un pas en proposant essentiellement la constitution d'un groupe unique, France Télévision, regroupant, outre France 2 et France 3, la société issue de la fusion de La Cinquième et de la Sept-Arte, du moins jusqu'à cet après-midi.
Démarche logique et dangereuse à la fois : France 2 est en recul, France 3, en crise d'identité. Leur cohabitation actuelle reste problématique.
A l'inverse, La Cinquième est une vraie réussite : elle est cette télévision de la connaissance dont nous avions été quelques-uns à rêver ici.
Quant à la Sept-Arte, elle est inégale dans sa programmation et souvent un peu indigeste. Elle demeure pourtant le refuge quand toutes les télévisions commerciales, privées ou publiques, ont choisi de « faire » le même soir dans la facilité et l'attrape-audience.
Qui m'assure que la guerre des clans au sein de France Télévision et les pesanteurs d'une double hiérarchie ne vont pas éroder la singularité de La Cinquième et de la Sept-Arte ?
En l'état, je n'ai pas les garanties que j'attends et donc, à regret, je ne voterai pas cette disposition essentielle de votre texte.
Au moment où je dois m'exprimer à la tribune du Sénat, j'apprends que le Gouvernement renonce, au moins partiellement, à cette intégration de la Sept-Arte pour des raisons diplomatiques. Madame le ministre, cette décision ne modifie pas ma position, au contraire, puisque La Cinquième se trouve désormais déséquilibrée et isolée, dans une situation que les personnels jugent alarmante et que les usagers ne nous pardonneraient pas de laisser perdurer. Je maintiens donc mon jugement, en attendant que se décantent les conséquences de ce nouveau rebondissement.
Me plaisent davantage, en revanche, la limitation de la durée horaire des messages publicitaires et l'inscription dans la loi du remboursement des exonérations, une vieille revendication du Sénat.
Mais l'objection est forte : qui nous assure que Bercy honorera sa promesse au fil des gouvernements ? La Constitution de la Ve République, trop déséquilibrée, interdit au législateur un droit de poursuite en cas de manquement à la parole donnée de la part du ministère des finances.
Une seconde objection se présente : ce manque à gagner de la télévision publique, ce nouveau cadeau fait au secteur privé, qui pourtant se porte bien, aurait dû faite l'objet d'un contrat de qualité avec les dirigeants de France 2 et France 3.
Si le contribuable doit payer - je peux l'admettre - encore faut-il qu'il sache à quoi s'engage, en contrepartie, le président des chaînes publiques. Or, de grèves en chutes d'audience, le service public de la télévision me paraît éloigné - c'est le moins que l'on puisse dire - de ces préoccupations.
Bref, cette deuxième proposition me laisse perplexe sur ses conséquences pratiques. Je la voterai, pourtant, en raison de son principe même.
Une raison de mon scepticisme réside dans la dérive que je constate à Radio France : de par son statut de service public, elle est astreinte à réserver ses messages publicitaires aux seuls organismes publics ou collectifs. Or, dans la tranche horaire du matin, je constate que France Inter, par le biais du parrainage, se déguise souvent en Europe 1. J'ai même relevé récemment qu'elle ouvrait son antenne à la publicité en faveur d'une compagnie d'assurances qui a juré la mort de la sécurité sociale et de la retraite par répartition, provoquant ainsi l'indignation d'un grand nombre d'auditeurs.
Sans doute, là encore, suis-je naïf : pourquoi suis-je étonné de cette dérive, alors que l'ensemble de l'information économique de cette même radio de service public, le matin, a la tonalité de BFM ou de Radio classique, alors que l'information politique y est totalement aseptisée, alignée sur la thématique et les événements qu'impose le dialogue à distance des principaux partis de gouvernement ?
Il y avait une information libre et d'une grande honnêteté intellectuelle, c'était Info-matin, sur France Culture, avec Jean Lebrun. Son auteur a émigré vers une autre plage horaire et, comme après le départ d'Ivan Levaï, en son temps, Radio France a perdu un morceau de son identité.
Voilà, madame la ministre, où sont les problèmes et ce qu'espèrent les Français en matière de service public audiovisuel. Je ne pense pas que votre projet de loi réponde à cette attente ; je ne voudrais pas, en tout cas, que s'aggrave encore la situation.
Il est une autre demande sans cesse formulée : que France 3 rééquilibre son contenu vers la province en améliorant la dimension de proximité de ses stations régionales.
Cette exigence fut au coeur d'un récent conflit social, mais la machine parisienne a eu tôt fait d'étouffer cette aspiration. Pourtant, nous avons, en la matière, un exemple encourageant : la vitalité et l'objectivité des radios locales de Radio France, qui surent, en outre, se rendre indispensables lors de la catastrophe naturelle de Noël dernier.
La population souhaite une telle évolution, comme le montre le succès des journaux d'information régionaux de la chaîne publique. France 3 avait lancé, en février-mars 1999, le chantier d'une « refondation » de la télévision régionale, pour répondre, entre autres, à la concurrence des opérateurs privés, tel M6. Ce projet s'appelait « Proxima ». Où en est-il aujourd'hui ? Pourquoi votre projet de loi est-il muet sur ce point capital ? Si je passe, à présent, au domaine de la radio, je ne me retrouve pas plus dans les quelques articles qui lui sont consacrés. Le problème majeur, là encore, c'est celui de l'équilibre - et non du « partage », n'en déplaise à nos collègues de la majorité sénatoriale - entre les trois secteurs : public, commercial et associatif.
Concernant le secteur associatif, de Georges Fillioud à Catherine Tasca, un vrai travail parlementaire a été effectué pour en assurer la pérennité et le professionnalisme face à l'appétit des réseaux commerciaux. Et ce ne fut pas facile. Nous avons été aidés par l'implantation de centaines de militants des « radios libres » et par l'appui précieux du CSA, du moins dans sa première présidence, celle de M. Boutet. C'est alors qu'a été élaboré, puis adopté, le « communiqué 34 », dont j'ai été un peu l'inspirateur, ainsi que le texte lui-même le rappelle.
J'enrage, aujourd'hui, quand je vois la pression des radios privées, toutes confondues, qui grignotent peu à peu les fréquences et asphyxient, en toute impunité, les petites radios associatives, dont, de surcroît, la voix dans le quotidien est rendue inaudible par des stations des réseaux commerciaux.
Concentration des fréquences, absence d'informations locales, pilonnage incessant du secteur associatif, toutes les dérives, un temps contenues, sont de nouveau d'actualité.
Et que dit, à ce sujet, votre projet de loi pour rappeler le CSA à ses responsabilités ? Si l'« autorité indépendante » s'oublie, n'est-il pas du devoir du Gouvernement de proposer au Parlement le moyen de redresser la situation ?
Ce débat devrait vous permettre, madame la ministre, de redéfinir le cadre du « juste équilibre » radiophonique, qui a fondé la doctrine de la gauche depuis une vingtaine d'années. C'est, en tout cas, ce que personnellement j'attends.
Reste un dernier sujet : la faculté qu'ont les radios associatives d'inclure jusqu'à 20 % de ressources provenant de recettes publicitaires dans leur budget. Cette disposition, appelée communément - veuillez m'en excuser - « amendement Delfau », date de 1989 et elle ne me semble pas remise en question par le Parlement. En revanche, elle pourrait l'être par les services de Bercy, à la suite des instructions fiscales du 15 septembre 1998, entrées en vigueur le 1er janvier dernier. Déjà, elle a été unilatéralement réévaluée à la baisse par une interprétation restrictive du texte de loi.
Le risque est grand que, dans nombre de départements, des services fiscaux zélés n'assimilent désormais cette recette à un changement de statut de la radio ou ne l'imposent si brutalement que le secteur associatif soit conduit à y renoncer.
Mais comme il ne s'agit là que d'un arbitrage à l'intérieur du Gouvernement et d'une circulaire à envoyer à l'administration, j'ai bon espoir, j'ai tout espoir même, que vous dissiperez les craintes des radios associatives et que vous saurez imposer votre point de vue à votre collègue de Bercy.
La position, en la matière, est simple : les radios associatives éligibles au fonds de soutien doivent être, de droit, exonérées des impôts commerciaux. En revanche, toute association qui se révélerait être le « faux nez » d'une entreprise à but lucratif doit perdre immédiatement sa fréquence au bénéfice d'une autre équipe associative, c'est ce que recommande l'honnêteté.
Avec les radios associatives, les vraies, j'ai toujours fait la chasse à la vente des fréquences, ce bien inaliénable, et encouragé les CTR à contrôler étroitement les opérateurs afin que les missions d'intérêt général soient au coeur de leur projet radiophonique. Là encore, je souhaiterais que le CSA soit plus vigilant.
Enfin, je ne veux pas rouvrir le débat sur les seuils de concentration, sur les bassins d'audience et sur le mélange douteux des moyens d'information, des régies publicitaires, des commandes publiques et des délégations de services. Votre gouvernement a choisi, après beaucoup d'hésitations, de ne faire qu'effleurer ces sujets, par un biais technique. Vous avez vos raisons, je les comprends... mais c'est dommage !
Telles sont les réflexions que m'inspire votre projet de loi. Il est insuffisant et, sur un point au moins, il est à mon sens dangereux. Cependant, il demeure perfectible. C'est pourquoi je ne désespère pas de pouvoir in fine le voter.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi qui est aujourd'hui soumise à notre discussion comporte tout un ensemble de mesures positives qui devraient lui valoir l'adhésion de la majorité sénatoriale, si nous n'étions pas déjà entrés, trop précocement, en période électorale, c'est-à-dire en période d'opposition systématique. (M. le président de la commission des affaires culturelles s'exclame.)
Tout d'abord, cette loi injecte 2,5 milliards de francs supplémentaires dans notre secteur audiovisuel. C'est une excellente chose, car ce secteur est globalement sous-financé si on le compare à ses homologues étrangers et si l'on prend en compte les impératifs de développement, de diversification et d'expansion à l'international qui sont désormais les siens.
J'insiste sur ce point, parce que je sais que, dans l'inconscient de beaucoup de nos collègues, règne au contraire la conviction que l'audiovisuel est un monde opulent, dont la faune bigarrée et parfois interlope se pavane de palace en palace, au gré des festivals, avec pour seul risque de finir dans un placard doré.
La réalité est un peu moins rose ! Si l'on s'en tient aux ressources des chaînes non payantes, la télévision allemande dispose de 49 milliards de francs par an, la télévision britannique de 46 milliards de francs et la télévision française de 25 milliards de francs seulement : 7 milliards de francs au titre de la redevance et 18 milliards de francs au titre de la publicité. Je n'entre pas dans le détail puisque notre collègue M. Michel Pelchat l'a fait ici même, en début de soirée.
Ce sous-financement global ne pénalise pas les diffuseurs privés, qui sont peu nombreux en France : alors qu'il y a trente-cinq chaînes en Allemagne, 85 % des téléspectateurs français n'en reçoivent que six.
Les chaînes privées sont en situation de force et jouissent d'une rentabilité satisfaisante, voire exceptionnelle. Ce sont essentiellement les entreprises de production qui supportent les conséquences de ce sous-financement.
D'après M. Jérôme Clément, qui n'est pas à proprement parler un syndicaliste du secteur, puisqu'il est, comme vous le savez, le président de la Sept-Arte depuis huit ans déjà, le financement moyen de chaque heure de programme a augmenté de 20 % entre 1989 et 1998, alors que le coût de production de cette même heure augmentait de 60 % !
France 3, le plus gros commanditaire français de documentaires, attribue aujourd'hui un budget de 900 000 francs à 1 million de francs pour une émission d'une heure et demie en prime time. Dans le même temps, la BBC paie 3 millions de francs par heure et demie pour une série documentaire de six fois 52 minutes sur le Kosovo.
La conséquence de cet état de fait c'est, tout d'abord, une faible rentabilité des sociétés de production, qui entrave la constitution des fonds propres nécessaires au développement et à l'innovation, quand elle ne décourage pas certains, et non des moindres - je pense à Gaumont ou à AB-Production -, qui préfèrent renoncer à produire et changer d'activité.
La conséquence c'est, ensuite, une moindre créativité et une moins d'audace. Je le répète, en espérant n'offenser personne, car c'est le syndicat des producteurs lui-même qui le dit : ce n'est pas en France, mais en Grande-Bretagne, qu'ont été inventés Absolutely Fabulous ou The New Statesman ; c'est aux Etats-Unis qu'ont été créés The X-Files, New-York police blues, Friends, Oz, ns Simpson... et tant d'autres séries novatrices.
La conséquence, enfin, c'est une moindre capacité de reconquête de l'audience nationale et de moins bonnes performances à l'exportation.
Deux séries de chiffres illustrent ce diagnostic : en Grande-Bretagne, 90 % des émissions de fiction diffusées en prime time sont des oeuvres de fiction nationales ; en Allemagne, ce chiffre est de 70 % ; en France, il est de 47 % seulement. Plus préoccupant encore, et Jack Ralite l'a rappelé cet après-midi, le volume de la production nationale de fictions originales diffusées entre 1996 et 1998 a augmenté de 15 % en Allemagne, de 25 % en Grande-Bretagne, de 85 % en Espagne, mais il a diminué de 21 % en France.
Comment entendez-vous remédier à cette situation, madame la ministre ? Augmenter de 2,5 milliards de francs les ressources du secteur de l'audiovisuel, c'est très bien, mais ce ne doit être qu'un début. D'autres l'ont dit avant moi à cette tribune, et je partage cette opinion : il faut porter progressivement ces ressources au même niveau que celles des pays comparables - sinon l'Allemagne au moins l'Angleterre - en ne négligeant aucune source de financement.
Quelques suggestions ont été faites ici à cet égard : ne serait-il pas désormais temps, par exemple, d'autoriser la grande distribution, qui inonde nos boîtes aux lettres de ses épais prospectus, de faire de la publicité sur les chaînes non nationales ?
M. Ladislas Poniatowski. Et la presse aussi !
M. Henri Weber. Exactement !
Il faut aussi, peut-être, revoir notre système de soutien à la production, afin qu'il soit plus favorable à la production télévisuelle. Il faut renforcer l'aide, en amont, vers l'écriture de scenarii et, en aval, vers la promotion, la distribution et l'exportation des oeuvres.
Il faut sans doute garantir la fluidité des droits, comme votre texte s'y emploie.
Il faut surtout élargir et renouveler le marché de l'audiovisuel en favorisant la création de chaînes et l'arrivée de nouveaux entrants : chaînes thématiques, télévisions régionales et de proximité. Le passage au numérique hertzien, en mettant fin à la pénurie des fréquences, nous en fournit l'occasion. A cet égard, je crois pour ma part que le CSA a raison, contre l'amendement déposé par notre rapporteur, M. Jean-Paul Hugot, de proposer l'attribution des trente-six nouvelles fréquences, service par service et non pas multiplex par multiplex.
Le parallèle que fait le président Hervé Bourges avec l'ouverture aux radios libres de la bande FM, en 1981 et en 1986, me paraît pertinent. Où en serions-nous, en effet, aujourd'hui si nous avions alors réparti les nouvelles fréquences entre les quatre « opérateurs historiques » de la radiophonie ?
J'entends bien que la création d'une chaîne de télévision, même locale ou thématique, est beaucoup plus difficile et onéreuse que l'ouverture d'une radio. Mais nous savons aussi que les nouveaux opérateurs existent. Il s'agit des entreprises de communication, de la presse quotidienne régionale, des télévisions associatives. Là encore, comme disait le général de Gaulle, « ce n'est pas le vide qui est à craindre, mais le trop-plein ». D'autant que, en matière de fréquences libérées, il s'agit non pas de plusieurs centaines mais de quelques dizaines !
Les opérateurs historiques ont, bien évidemment, toute leur place sur le numérique hertzien, en particulier les trois chaînes du service public. Mais le passage de l'analogique au numérique doit être l'occasion d'une ouverture du marché et de l'affirmation de nouveaux acteurs. C'est là une condition majeure de l'essor de l'industrie des programmes.
Madame la ministre, votre projet de loi - c'est un autre point positif ! - donne un coup d'arrêt à la privatisation rampante de France 2, qui a été engagée depuis 1993 par le biais du désengagement de l'Etat et du recours croissant aux recettes publicitaires. Celles-ci étaient passées, notre collègue, Mme Poutaud l'a rappelé tout à l'heure, de 42 % en 1992 à 52 % en 1997, avec les conséquences que l'on sait sur la grille des programmes. La décision de revenir, dans un premier temps, à huit minutes d'écrans publicitaires par heure nous semble sage.
Une partie de la droite milite désormais ouvertement pour la privatisation de France 2 et pour la réduction du service public à deux ou trois chaînes résiduelles. Ce n'est pas votre cas, monsieur le rapporteur, mais votre collègue Laurent Dominati s'est clairement prononcé en ce sens à l'Assemblée nationale, en proclamant tout haut ce que beaucoup, à droite, pensent tout bas.
Nous restons convaincus, pour notre part, tout comme vous, madame la ministre, que la qualité et la fécondité de notre télévision dans son ensemble proviennent largement de l'équilibre et de la concurrence qui se sont institués entre son pôle privé et son pôle public.
Nous vous savons gré de vouloir rétablir et préserver cet équilibre, d'autant que les fusions et les absorptions spectaculaires qui animent le monde de la communication depuis quelques mois, et cela a été dit à cette tribune, nous rappellent opportunément qu'aucun groupe audiovisuel privé n'est à l'abri d'une OPA, « amicale » ou hostile. L'existence d'un secteur audiovisuel public puissant et conquérant est aussi un élément de défense de la souveraineté et de la culture nationales, dans un monde où les grandes manoeuvres de fusion et d'absorption se donnent libre cours.
Bien d'autres mesures positives figurent dans votre projet de loi. Je n'ai pas le temps de m'y arrêter. Je citerai le regroupement des moyens des chaînes publiques - à l'exception désormais d'Arte, en raison de son statut transnational - dans la holding France Télévision, dotée d'une stratégie de développement commune et d'une taille critique pour aborder les marchés internationaux ; la prolongation du mandat du président à cinq ans, l'institution de contrats d'objectifs et de moyens avec l'Etat, la modernisation des modes de gestion des chaînes, le renforcement des pouvoirs de régulation du CSA et du conseil de la concurrence.
Le projet de loi que vous nous proposez, madame la ministre, est un bon projet de loi.
La majorité sénatoriale l'attaque d'ailleurs non pas tant pour ce qui s'y trouve, que pour ce qui ne s'y trouve pas : l'encadrement législatif du développement du numérique terrestre et d'Internet. Dans ces deux domaines, qui sont éminemment conflictuels, vous avez préféré prendre le temps de la concertation. Je ne doute pas que vous reviendrez bientôt devant nous avec des propositions pertinentes et élaborées. En attendant, nous allons voter votre projet de loi, modifiant ainsi la loi de 1986 sur la liberté de communication. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous vivons actuellement l'un des épisodes les plus passionnants de ce long feuilleton, qui a commencé au printemps de 1997.
En effet, à peine arrivée rue de Valois, vous annonciez, madame la ministre, votre intention de réformer en profondeur et, surtout, de moderniser le secteur audiovisuel.
Je ne reviendrai pas sur les multiples rebondissements qui ont marqué les dix-huit derniers mois. Une chose est aujourd'hui certaine : ce projet de loi dont nous débutons aujourd'hui l'examen aura eu du mal à voir le jour. Il vient cependant couronner une lutte acharnée, une détermination jamais démentie.
Au plus fort de la tourmente, alors que vos propres amis s'apprêtaient à vous lâcher, vous avez tenu bon. C'est pourquoi je tiens ici à saluer votre courage et votre fermeté.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Philippe Richert. Vous avez su plaider l'importance de ce projet de loi, et je vous rejoins pleinement sur l'opportunité et l'urgence d'une réforme de fond de notre politique audiovisuelle.
En défendant votre texte devant le Sénat, vous apaisez partiellement les inquiétudes que nous avions émises au cours de ces derniers mois. Incontestablement, le projet de loi a été enrichi et la navette permettra, je l'espère, de le faire évoluer encore. Mais je ne le trouve pas aussi ambitieux que ne le laissent entendre vos propos. Je ne veux pas mettre en doute votre volonté de réussir, mais je relève un décalage réel entre l'affichage - « un audiovisuel fort et diversifié », dites-vous - et les moyens qui y sont affectés.
C'est pourquoi, plutôt que de passer en revue les différents aspects, voire les innovations du projet de loi, que je trouve intéressant et que je soutiens - tout à l'heure notre collègue M. Weber disait que nos propositions portaient plus sur les carences du projet de loi que sur le texte lui-même - je voudrais insister sur des points de divergence ou des attentes particulières qui aujourd'hui ne sont pas satisfaites.
Principal reproche : si votre texte comble des carences, éponge en quelque sorte un passif, en clair, remet le secteur public à niveau, il ne prépare pas suffisamment l'avenir.
Nous le savons bien, un texte de loi a pour objet, bien entendu, de rattraper les retards, mais aussi et surtout de préparer, d'anticiper les changements et de leur donner un cadre.
Vous savez mieux que moi, madame la ministre - vous l'avez dit tout à l'heure - que le secteur de l'audiovisuel est à l'aube de bouleversements considérables déjà largement non seulement annoncés, mais entamés. En quinze ans, la télévision a beaucoup changé, mais ce n'est rien par rapport à ce qu'elle va connaître dans les cinq prochaines années.
Dans votre intervention, vous avez reconnu la nécessité de prendre en compte les évolutions en termes de numérique hertzien, de redevance et de télévisions locales par exemple. Pour tous ces sujets, vous avez créé des groupes de travail, confié des missions d'étude ou promis des réflexions. Il est temps d'agir et je vous remercie pour l'esprit constructif qui, vous l'avez annoncé, prévaudra et grâce auquel, j'en suis sûr, des amendements proposés sur tous ces points par les commissions ou par les sénateurs permettront d'ouvrir de nouveaux horizons.
Pourquoi refuser de prendre en compte cette inéluctable convergence qui s'opère au niveau mondial et qui fait de l'audiovisuel le partenaire privilégié des télécommunications et de l'informatique ? La fusion entre AOL et Time Warner en est la manifestation la plus aboutie et la plus récente.
L'Europe n'échappe pas à cette orientation. Toutes les chaînes commerciales multiplient les initiatives pour s'installer sur Internet. Le mouvement né aux Etats-Unis a déjà eu des répercussions en France. Les importantes valorisations boursières des opérateurs de télévision sur les marchés financiers en sont la preuve.
On ne peut plus penser aujourd'hui l'audiovisuel dans un cadre purement national, je serais même tenté de dire étatique. Pourquoi, dès lors, choisir délibérément de procéder à une réforme sans intégrer dès le début ces nouvelles dispositions, que vous avez vous-même d'ailleurs esquissées ?
C'est donc un projet modeste, disiez-vous parfois un peu trop modeste - selon moi - que nous allons examiner, un projet qui définit les missions d'intérêt général assignées aux sociétés du secteur public, un projet qui prévoit aussi la création d'une holding regroupant les chaînes publiques. Sur ce point, je ne suis pas en désaccord avec vos positions, si l'on s'en tient aux principes.
Vous annoncez en effet vouloir créer un grand groupe industriel formé de chaînes aux programmes complémentaires, menant une stratégie cohérente de développement, un outil de diffusion d'informations et de programmes à dimension internationale. Comment ne pas être d'accord ? Cette stratégie est convaincante à condition de s'en donner les moyens ; M. Belot en a tout à l'heure parlé. Sachez que nous vous soutiendrons pour « vitaminer » davantage, sur ce point, votre projet.
J'ouvre ici une courte parenthèse relative au départ d'Arte. Cet épisode est navrant, car cette volonté d'intégrer Arte dans la holding, sans l'accord de la partie allemande, a été surprenante et mal ressentie.
Plus surprenante encore était votre constance à ne pas vouloir modifier sur ce point votre position malgré les arguments parfaitement recevables du président de la chaîne franco-allemande. C'était incontestablement non seulement fissurer le socle d'un édifice pour lequel nos voisins avaient, et depuis le début, pleinement assumé leurs responsabilités, mais encore remettre en cause le statut d'une chaîne de qualité, qui s'impose progressivement dans le paysage audiovisuel européen.
Heureusement, le Premier ministre vient d'annoncer sa décision de retirer Arte du projet de holding. Avec cette révision à la baisse des ambitions de la holding se pose dès lors la question de sa réelle pertinence, car elle apparaît dès lors comme une coquille partiellement vidée de substance, sans pôle culturel ni rayonnement international. Il nous faudra nous atteler tous ensemble à la tâche pour tenter de remédier à cela.
En effet, rien dans le texte qui nous est soumis ne permet de penser que les objectifs initiaux pourront être atteints. Les missions des chaînes demeurent floues. A France 2, le général, à France 3, le national, le régional et le local. Voilà une répartition des rôles bien ambiguë. Quelle est la différence entre le national et le général ? Je ne vois pas très bien ce qui distinguera les deux chaînes, ce qui leur permettra de ne plus se concurrencer.
Actuellement, ces deux chaînes programment des jeux, des fictions, des informations, des films, des émissions pour la jeunesse... comme TF 1... comme M 6...
En réalité, le service public manque aujourd'hui d'identité, et on peut dire parfois d'originalité. Et ce n'est pas ce projet de loi seul qui pourra changer les choses, bien au contraire. Il consacre en partie le retour de l'Etat dans le secteur audiovisuel, un retour plutôt bureaucratique. La qualité des programmes serait-elle incompatible avec la création de nouvelles structures administratives ? Espérons seulement que le nouvel ensemble laissera aller l'argent là où il est utile, c'est-à-dire à la production et aux programmes ; vous l'avez annoncé.
J'en viens maintenant à la réduction du temps des écrans publicitaires sur France Télévision. A n'en pas douter, il s'agit là d'une mesure choc de votre projet de loi.
Vous aviez fixé la barre à cinq minutes par heure. L'Assemblée nationale a modéré les ambitions et a tranché pour huit minutes, soit une baisse de 30 % par rapport à la situation actuelle.
En réalité, je crois que cette réduction sera peu visible par les téléspectateurs - mais c'est une appréciation purement personnelle - car elle permettra toujours des tunnels de publicité assez longs. Ce ne sera donc pas par ce biais que le service public pourra se démarquer des chaînes commerciales.
Permettez-moi de faire ici une comparaison avec la situation qui existe au sein du service public de l'audiovisuel en Allemagne. Les deux chaînes publiques allemandes sont à 75 % financées par la redevance. La publicité est limitée à vingt minutes par jour, et avant vingt heures. Elle ne représente que 11 % du budget. Les chaînes publiques d'outre-Rhin ne cherchent pas systématiquement à programmer aux mêmes heures les mêmes programmes que les chaînes privées, et pourtant elles font de l'audience.
Je ne suis pas sûr que la réduction du temps des écrans publicitaires en France soit de nature à dissuader France 2 et France 3 de se lancer dans la course à l'Audimat. Pourtant, c'est une affaire de volonté politique. Une télévision publique de qualité sans publicité n'est possible que si l'on s'en donne les moyens, cela a déjà été dit.
Le Gouvernement, en l'occurrence, a préféré ne pas aller au fond, optant d'abord pour une réforme que je qualifierai d'administrative, alors qu'il aurait pu être à l'origine d'un texte fondateur d'une grande loi sur l'audiovisuel.
Tout le monde parle du numérique terrestre, sauf le texte qui nous est soumis n'y fait nullement allusion. La France sera bientôt le dernier des pays européens à se lancer dans cette voie. Les Etats-Unis ont déjà programmé la fin de la diffusion analogique pour 2006. En Grande-Bretagne, une trentaine de chaînes sont diffusées en numérique hertzien, dont la totalité des chaînes publiques. L'Espagne a prévu que toute la diffusion sera numérisée d'ici à dix ou douze ans. L'Irlande, le Portugal, les Pays-Bas, l'Allemagne s'apprêtent à passer au numérique terrestre.
La France dispose pourtant d'une avance technologique considérable. N'est-ce pas TDF qui a installé et développé le système en Grande-Bretagne ?
La presse s'est fait l'écho de plusieurs de vos déclarations indiquant que vous réserviez vos propositions sur la question pour la deuxième lecture à l'Assemblée nationale. On peut se poser la question : pourquoi encore attendre ? N'avons-nous pas déjà perdu du temps ? J'ai bien entendu que vous étiez ouverte sur le sujet et j'espère que les suggestions de la commission des affaires culturelles, qui montrent à quel point le Sénat est attentif aux évolutions technologiques et à l'importance de les prendre en compte dans notre législation, pourront faire évoluer les choses. J'espère que la discussion et les amendements permettront les avancées attendues.
Autre sujet absent du projet de loi, je le rappelais voilà un instant : la convergence entre la télévision, l'ordinateur et le téléphone. Pourtant, il est à parier que, demain, c'est en grande partie Internet qui fera l'audience de la télévision. Si les chaînes ne veulent pas se marginaliser, il leur faut aujourd'hui se transformer en « aspirateurs d'internautes ». L'imbrication de ces mondes et les formidables perspectives de croissance qu'ils génèrent sont autant de raisons pour agir et renforcer notre industrie audiovisuelle. Je connais les difficultés dans ce contexte si mouvant, mais les enjeux sont tels qu'un effort particulier d'imagination et de rigueur s'impose.
Autre sujet de préoccupation : les télévisions de proximité. Là aussi, notre pays accuse un grand retard. Certes, France 3 assure la mission de service public de la télévision régionale. Mais si l'information et les produits sont de bonne qualité, ils ne sont pas suffisamment locaux. Pour remplir sa mission, France 3 aurait besoin de s'ouvrir davantage sur la région, sur le local, pour être cet outil de démocratie que vous avez évoqué.
Vous avez, madame la ministre, la connaissance de ce qui se passe en Allemagne en la matière : plus d'indépendance et plus de réalité de terrain.
Mais le projet de loi ne se soucie pas pour l'instant de cette question, ni de la clarification du financement des chaînes de proximité. Faut-il attendre le lancement du numérique terrestre pour nous intéresser à une nouvelle impulsion pour les chaînes régionales et à une place pour les chaînes locales ?
Je souhaite que, dès cette séance, par nos amendements, par la création de cadrages permettant les évolutions futures, des réponses à ces besoins soient apportées.
Dernier point : le financement de la télévision publique repose, comme par le passé - je dirai même encore plus que par le passé - sur la redevance. Quelle est la légitimité de celle-ci alors que la place des chaînes publiques est de plus en plus réduite et alors que, demain, ces chaînes seront consultables sur des ordinateurs qui, eux, sont dispensés de cette taxe ? S'il était légitime hier, se basant sur le principe de l'utilisateur-payeur, de prélever les redevances, tout propriétaire de téléviseur étant nécessairement téléspectateur de télévision publique, peut-on encore faire reposer sur les redevances cette part essentielle du financement ?
Le moment n'est-il pas venu non seulement de réfléchir, mais aussi d'innover face aux évolutions fondamentales auxquelles nous assistons, pour moderniser et adapter ces ressources afin qu'elles soient d'un montant suffisant pour répondre aux besoins et qu'elles garantissent la pérennité et l'équité ?
Vous aurez compris, madame la ministre, que de nombreux points de votre projet de loi méritent qu'on les soutienne, nos rapporteurs l'ont largement évoqué. Mais je regrette que ce texte réserve à de futurs projets de loi l'essentiel de la préparation de l'avenir de l'audiovisuel. Il manque dès lors de perspectives, même s'il permet, en toute objectivité, de rattraper un certain nombre de retards.
La commission des affaires culturelles et la commission des finances pallient en partie ces handicaps par leurs suggestions et leurs amendements. Par ce biais, le projet est plus offensif et mieux à même de moderniser la société française. J'en remercie les rapporteurs, et j'espère que l'esprit d'ouverture annoncé tant par vous-même, madame la ministre, que par les rapporteurs permettra, grâce à ce texte, de donner à l'audiovisuel français la place, le dynamisme et la vigueur qu'il ambitionne et que la France et son rayonnement méritent. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m'est imparti, je voudrais concentrer mon intervention sur deux points : la production d'oeuvres audiovisuelles françaises et la situation d'Arte.
La production audiovisuelle française, nous le savons tous, ne se porte pas très bien, et ce projet de loi, je le crains, risque de l'altérer davantage encore.
Vous avez été quelques-uns à faire des comparaisons avec des pays voisins, comparaisons qui sont très intéressantes. En 1998, l'Angleterre a produit 1 320 heures de fictions, soit deux fois plus que la France. L'Allemagne en a produit cette même année 1 950 heures, soit près de quatre fois plus que notre pays. L'Espagne, avec 850 heures, nous a totalement distancés. En l'an 2000, l'Italie nous aura également dépassés.
Michel Pelchat et Henri Weber ont également fait une autre comparaison très intéressante : le pourcentage de la fiction nationale dans l'ensemble de la fiction diffusée en prime time. Les chiffres qui ont été cités par l'un et par l'autre, à savoir 90 % en Grande-Bretagne, 70 % en Allemagne et 45 % en France sont malheureusement à notre désavantage. Nous sommes les seuls à diffuser plus de fictions étrangères que de fictions nationales en prime time.
Plus grave, madame la ministre, et vous le savez très bien, notre production de fictions diminue en volume, tandis que celle de ces deux mêmes pays ne cesse d'augmenter, puisque nous sommes passés de 700 heures en 1996 à 550 heures en 1998. Dans une telle conjoncture, j'ai été stupéfait d'entendre, la semaine dernière, le nouveau président de France Télévision déclarer que produire moins mais mieux était l'objectif de France Télévision. Je crois qu'il se trompe : en matière de fictions, la question du volume est fondamentale.
Face à cette dégradration, votre projet de loi, madame la ministre, introduit de nouvelles inquiétudes, notamment auprès des producteurs, à la fois par la création de cette holding et par l'insécurité du financement.
En ce qui concerne la création d'une holding, vous savez tous que cette nouvelle superstructure sera inévitablement « budgétivore » : dès lors qu'elle crée un échelon bureaucratique supplémentaire, les dépenses de fonctionnement augmenteront, et ce sont les crédits destinés aux programmes qui en pâtiront.
En outre, on peut redouter que l'effet de hausse des moyens de production résultant de l'agrégation des budgets des différentes chaînes intégrées à la holding ne conduise à relâcher l'effort dans les années à venir.
Vous avez été très nombreux à faire allusion à l'insécurité du financement futur, qui inquiète également les producteurs.
Votre projet de loi, madame la ministre, affirme le principe du remboursement intégral des exonérations de redevance. C'est bien. Mais vous savez et nous savons tous que cette disposition ne lie pas le législateur et ne garantit en rien que cet effort sera poursuivi au-delà de l'an 2000. Or la baisse des recettes publicitaires que vous instaurez rend ce remboursement particulièrement crucial pour l'équilibre du budget de l'audiovisuel public.
La fragilité budgétaire qui en résulte risque de se traduire par des ajustements sur la production pour deux raisons : d'abord, parce que l'on ne peut guère toucher aux crédits de fonctionnement ; ensuite, parce que - tout le monde le sait - entre la décision de produire et la diffusion de l'oeuvre s'écoule un certain temps, parfois très long - il peut atteindre deux ans - de telle sorte que celui qui n'a pas tenu ses engagements, en ce qui concerne notamment les recettes, n'est plus là au moment où se posent les problèmes.
Vous avez d'ailleurs été très consciente de ces insuffisances financières, madame la ministre, puisque vous avez envisagé, un temps, d'instaurer une taxe additionnelle au prélèvement sur les recettes publicitaires des chaînes qui alimentent aujourd'hui le compte de soutien au cinéma et aux industries audiovisuelles pour soutenir la production.
Cette mesure, suivant les différents projets successifs, puisque nous en avons eu plusieurs entre les mains, est apparue, a disparu et est revenue. Nous sommes en période d'éclipse, et c'est dommage.
La création de la holding présente un dernier aspect pervers pour la production française.
Dorénavant, les producteurs n'auront plus qu'un seul guichet au lieu de trois pour proposer leurs projets. Or, à un moment où le Premier ministre lui-même a dénoncé, dans un domaine tout à fait autre - celui de la grande distribution - la disparition de toute concurrence due soit à des fusions, soit à des regroupements de centrales d'achat, il est paradoxal qu'il contribue à faire disparaître toute concurrence dans le secteur audiovisuel public.
Mes chers collègues, cette insuffisance de la production se retrouve aussi avec Arte.
Vous allez retirer la Sept-Arte de la holding publique, madame la ministre. Vous vous rendez enfin à la raison !
En effet, cette intégration était inconséquente et contrevenait à l'esprit, sinon à la lettre, de la convention franco-allemande. Je vous rappelle que celle-ci prévoit l'indépendance du président et du vice-président d'Arte. Comment alors envisager que le président d'Arte, lorsque le poste échoit à la France, soit placé sous l'autorité du président des chaînes publiques françaises ?
Cette intégration était également incohérente : vous laissez des chaînes françaises comme RFO et les chaînes de l'audiovisuel extérieur hors de la holding, mais vous vouliez y inclure une chaîne née d'un traité international !
Malheureusement, le retrait d'Arte de la holding pose de nouvelles difficultés. Pour ne pas réduire à néant votre grand projet de holding, vous allez conserver La Cinquième en son sein, recréant ainsi une nouvelle incohérence.
Les gouvernements successifs ont encouragé, depuis cinq ans maintenant, la fusion de La Cinquième et de la Sept-Arte. Cette réunion est aujourd'hui très avancée dans les faits, à défaut d'être validée par le droit, et elle a plutôt réussi. Comment allez-vous procéder pour séparer maintenant ces deux chaînes, madame la ministre ?
Je vous pose la question car vous avez demandé au président de France Télévision un rapport sur la future organisation de la holding, la répartition des responsabilités, le mode de répartition des financements. Il me semble, madame la ministre, que le Parlement est en droit de connaître à la fois les grandes lignes de ce rapport et votre point de vue sur ce document, ce que vous en avez retenu et ce que vous allez nous annoncer.
Tous ces éléments témoignent d'une certaine incohérence et du caractère inabouti de ce projet de loi. S'il comporte, certes, des dispositions positives, l'ensemble est incomplet, peu cohérent et, malheureusement pour la production française, sans ambition.
Madame la ministre, je voudrais conclure par une question.
J'ai lu dans Le Figaro d'hier l'article de M. Hervé Bourges, président du CSA. Il nous interpellait, nous, législateurs, puisqu'il nous demandait de prendre des dispositions pour que le CSA puisse nommer, dès la promulgation de la loi, celui qui conduira la destinée du groupe public. Autrement dit, il veut lui-même être encore en place pour nommer le futur président !
Mais ce n'est pas là le plus grave ; il ajoutait : « ... pour que celui-ci puisse négocier avec la tutelle les différents décrets d'application qui traduiront en pratique le texte qui sera voté ». Je suis désolé, madame la ministre, mais, en termes de démocratie, ce serait une première ! Aussi, j'aimerais entendre votre avis sur ce point. En tout cas, j'espère que vous ne céderez pas à cette demande, que je qualifie de stupéfiante. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes actuellement au coeur d'une période où de nombreux événements, intervenant en France et dans le monde, vont révolutionner à court terme le paysage de la communication internationale et française : la montée en puissance du numérique, le rapprochement de grandes entreprises du web et des programmes, la convergence inéluctable entre la télévision, le net et le téléphone, le développement exponentiel en France de l'internet et, surtout, la multiplication naturelle de l'offre de programmes de télévision, qui entraînera une atomisation générale des audiences.
Face à ce nouveau paysage, madame la ministre, votre projet de loi est-il à la hauteur des enjeux ? Permettra-t-il la survie d'un grand service public de télévision à la française ? C'est bien là la question !
Lors de la présentation de votre projet de loi devant l'Assemblée nationale, le 18 mai dernier, vous avez affirmé votre volonté de constituer, au travers de ce texte, un secteur audiovisuel public fort qui soit exclusivement voué au service du public. C'est pourquoi vous avez souhaité une restructuration de l'ensemble du secteur audiovisuel public en créant la holding France Télévision.
Or, on vient d'apprendre qu'Arte, seule chaîne à se comporter en vraie chaîne publique, ne fera plus partie de cet ensemble. Un certain nombre de nos collègues sont plutôt favorables à cette décision. Mais Arte est la seule chaîne à se comporter en vraie chaîne publique. Dès lors, qu'elle sera l'utilité de la nouvelle holding, qui se trouvera quelque peu vidée de sa substance.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour !
M. Alain Joyandet. Par ailleurs, le calendrier législatif ne vous a pas permis de prendre en compte les réflexions qui ont été menées sur le développement du numérique hertzien terrestre, ce qui est également regrettable.
Enfin, madame la ministre, ce qui est beaucoup plus grave, je ne vois nulle part ce que peut être votre définition du service public.
Sur le plan financier, la diminution de la publicité à huit minutes par heure n'est pas une condition suffisante pour la revitalisation de notre secteur audiovisuel public. A mon sens, vous n'avez fait qu'anticiper un phénomène qui était de toute façon naturel et qui, compte tenu de l'atomisation générale des fréquences à laquelle nous allons assister, se serait de toute évidence manifesté de la même manière.
Sans doute la diminution des recettes publicitaires va-t-elle dans le sens d'une certaine moralisation du service public puisque le financement mixte, tel qu'il s'est développé ces dernières années, n'est pas très satisfaisant. Les téléspectateurs ne s'acquittent pas de la redevance de l'audiovisuel public pour se voir infliger de longs tunnels publicitaires !
On peut cependant légitimement s'interroger sur l'opportunité de légiférer sur ce point puisque, comme le souligne Jean-Paul Hugot dans son excellent rapport, cette décision relève plus du pouvoir réglementaire que de celui du législateur. C'est d'ailleurs dans ce sens que s'était prononcé le Conseil d'Etat et c'est pourquoi l'article 48 de la loi du 30 septembre 1986 renvoyait la fixation de la durée des écrans publicitaires à un cahier des charges. Sans doute était-il plus spectaculaire de demander à la représentation nationale de voter cette réduction !
Mais je m'interroge surtout, très sérieusement, sur l'efficacité d'une telle mesure. Est-elle suffisante pour garantir l'indépendance des chaînes publiques et n'est-elle pas, en fait, le révélateur des dysfonctionnements du financement de l'audiovisuel public, à la fois public par la redevance, privé par la publicité et fiscal par la compensation versée par l'Etat pour des exonérations de redevance à vocation sociale ?
En mars 1997, l'Assemblée nationale était saisie d'un autre texte sur la liberté de communication audiovisuelle. A cette occasion, le député socialiste Jacques Guyard déclarait : « Le Gouvernement est en retard par rapport aux enjeux de la communication de demain... Je regrette que le Parlement ne soit pas saisi d'un texte plus adapté à l'ampleur des évolutions technologiques. »
Je vous rassure, l'observateur que je suis de la grande communication depuis maintenant une vingtaine d'années a toujours constaté que les politiques étaient en retard sur ce thème, qu'ils n'avaient jamais anticipé, qu'ils couraient toujours derrière, si vous me permettez d'employer cette expression.
En fait, le problème posé, en tout cas celui que je souhaiterais poser ce soir, est celui du financement mixte de l'audiovisuel public. Vous réduisez, certes, la montée en puissance des recettes publicitaires mais vous n'y mettez pas un terme : la course à l'audimat continuera. Si la quantité de publicité diminue, les plages d'audience recherchées ne feront que coûter davantage : au lieu de libérer la programmation on risque de la rendre tributaire d'exigences économiques supplémentaires.
Il est d'ailleurs intéressant d'analyser la progression des recettes publicitaires dans le financement des chaînes publiques durant les cinq dernières années. On constate une singulière augmentation de la part de ces dernières dans le budget de France 2 et de France 3 puisque, entre 1992 et 1997, les recettes publicitaires pour France 2 et France 3 ont évolué respectivement de 54 % et 85 % ; dans le même temps, la durée de la publicité a augmenté de 81 % pour France 2 et de 138 % pour France 3. Voilà des chiffres qui se passent de commentaires !
M. Gérard Delfau. C'est Balladur !
M. Alain Joyandet. La part des recettes publicitaires dans le budget des deux chaînes est, elle aussi, en nette progression puisqu'elle augmente de près de 10 %.
L'apport de la publicité ne peut donc pas être négligé et la réduction du temps d'antenne semble une mesure assez dérisoire qui n'est pas de nature à apporter un regain de vitalité et d'autonomie aux chaînes publiques.
Pis, la mesure que vous proposez va encore aggraver la situation puisque vous ne vous apprêtez pas à compenser de manière suffisamment ambitieuse les pertes de recettes publicitaires.
En comparaison avec ce qui se passe à l'étranger dans l'audiovisuel public ou en France dans le privé, ce que l'Etat s'apprête à apporter apparaît bien maigre par rapport aux besoins d'une grande société de télévision devant assurer son dévelopement dans le nouveau paysage que j'ai sommairement évoqué dans l'introduction de mon propos.
Si l'Etat ne veut ou ne peut financer, se posera alors la question du périmètre de l'audiovisuel public. J'ose soulever cette question dont on a dit tout à l'heure qu'une certaine partie de la droite l'évoquait de plus en plus souvent publiquement. D'ailleurs, madame la ministre, si vous n'acceptez pas d'anticiper en prévoyant des financements à la hauteur, vous aurez alors la douleur d'être confrontée soit à une recapitalisation dans l'urgence, soit à une réduction du périmètre.
Si vous ne faites ni l'un ni l'autre, vous laisserez ce travail délicat à vos successeurs.
Il n'est pas suffisant de tenter de moraliser le financement de l'audiovisuel, de limiter les recettes publicitaires ou de tenter de rationaliser les structures existantes en les regroupant dans une holding de façon à éviter les redondances de personnels, de locaux ou de structures. Il faut aller plus loin dans ce souci de simplification, et je sais que nous sommes de plus en plus nombreux à partager cette idée. Il faut clarifier le financement de notre paysage audiovisuel public, et je n'hésite pas à dire : à télé publique, fonds publics, c'est-à-dire redevance et subventions de l'Etat.
MM. Gérard Delfau et Michel Dreyfus-Schmidt. Pour l'école aussi ! M. Alain Joyandet. Sans doute ne pourra-t-on aller jusqu'à 100 %. Cela étant, tout à l'heure, à propos de l'Allemagne, notre collègue M. Richert indiquait que la publicité n'intervenait que pour 11 % ou 12 % du financement. Les pourcentages qui ont été cités tout à l'heure sont donc, de toute évidence, beaucoup trop importants.
Sur la base de cette équation, « à télé publique, fonds publics », et compte tenu de l'état général des finances publiques,...
Mme Danièle Pourtaud. Nous y voilà !
M. Alain Joyandet. ... si vous ne pouvez pas y consacrer les moyens nécessaires, madame la ministre, il faudra tôt ou tard réduire le périmètre.
A moins que ce gouvernement, ou un autre, ne décide que l'audiovisuel public est une priorité nationale et une mission régalienne de l'Etat, auquel cas il lui donnera beaucoup d'argent et son périmètre ne sera pas touché.
Mme Danièle Pourtaud. Quelle hypocrisie !
M. Alain Joyandet. Il est un autre élément qu'il faut prendre en compte, c'est la diminution historique, inéluctable des audiences. En effet, mes chers collègues, ne vous faites pas d'illusion : le phénomène que nous avons constaté - je l'ai personnellement suivi au cours des vingt dernières années - de l'atomisation des audiences des radios dans notre pays se produira de la même façon pour les télévisions, du fait de la révolution technologique. Autrement dit, les télévisions qui sont aujourd'hui leaders avec 30 % ou 40 % d'audience seront leaders dans dix ans avec 12 % ou 15 % d'audience.
Dès lors, comment peut-on organiser une grande société de télévision, qu'elle soit d'ailleurs privée ou publique - il suffit d'ailleurs de regarder ce qui se passe dans le privé ! -, autour de deux chaînes généralistes ? (Mme Pourtaud s'exclame.)
J'ai bien entendu aussi la remarque de notre collègue M. Richert à propos du cahier des charges et de la fixation des objectifs ; d'un côté, on parle de général et, de l'autre, de national. Existe-t-il une différence entre le général et le national ? Je n'en vois pas beaucoup !
Si, toutefois, les moyens nous manquent - ma position peut être contestable, mais elle est en tout cas respectable et j'essaie de faire en sorte qu'elle soit cohérente ; c'est tout l'intérêt du débat politique - ne vaudrait-il pas mieux organiser France Télévision autour de France 3 en y rattachant tout ce que notre pays comporte d'activités télévisuelles, y compris La Cinquième, RFO et même l'INA, ce qui résoudrait du même coup beaucoup d'autres problèmes qu'il serait bien trop long d'énumérer.
Une privatisation populaire de France 2 permettrait de consacrer tout le financement public au périmètre nouvellement défini, la publicité restant au secteur privé.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A moins de renationaliser TF 1 !
M. Alain Joyandet. L'équilibre financier de l'opération est viable : France 3 et La Cinquième-Arte perdent les ressources publicitaires, soit plus de 1 600 millions, mais récupèrent les 3 382 millions de francs de redevance initialement versés à France 2. Cette opération permet de dégager une manne financière de plus de 1 600 millions de francs, que le sectur public peut investir dans le développement technologique et, plus particulièrement, dans le développement de programmes diffusés par voie numérique hertzienne terrestre.
En effet, et cela m'amène à la deuxième lacune majeure du texte que vous nous soumettez, madame le ministre, vous avez fait un « bogue » de calendrier en présentant ce texte au Parlement. Vous avez eu le temps de prendre la mesure des transformations technologiques qui bouleversent notre paysage audiovisuel, mais votre texte est muet à ce sujet. Cela est fort regrettable, et je m'interroge sur cette fâcheuse tendance qu'a votre gouvernement à toujours tout morceler.
En effet, le Parlement passe son temps à légiférer dans des domaines complémentaires sans avoir de vision globale de l'ensemble des problèmes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour la justice, si !
M. Alain Joyandet. Précisément, c'est la même chose pour la justice, mon cher collègue, et cela nous évitera peut-être un déplacement lundi.
Vous allez me répondre que, dans un contexte d'évolution constante et rapide des technologies de l'information, vous avez souhaité procéder à une vaste concertation par l'intermédiaire d'un livre blanc sur l'utilité et l'opportunité du développement du numérique hertzien de terre. J'en conviens. Mais, alors, pouvez-vous m'indiquer quelle est la logique de votre démarche qui consiste à lancer ce livre blanc le 12 mai 1999 et à présenter le 18 mai devant l'Assemblée nationale le projet de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis sans faire aucune référence, au passage, au numérique hertzien de terre ?
Fort heureusement, une fois de plus, notre collègue Hugot et la commission des affaires culturelles ont pris la mesure des bouleversements que va provoquer l'entrée de la France dans l'ère du numérique hertzien de terre et ont considérablement amélioré le texte qui avait été adopté en mai dernier par les députés.
Car, incontestablement, madame le ministre, on ne peut pas envisager l'avenir du paysage audiovisuel public français sans imaginer les évolutions induites par cette nouvelle technologie. En effet, les multiplex qui vont être autorisés vont permettre à nos chaînes publiques de se diversifier et d'élargir leur clientèle en proposant des programmes adaptés à tous les publics.
J'en profite pour dire qu'une éventuelle réduction du périmètre de l'audiovisuel public français liée, dans un premier temps, à une insuffisance des financements publics permettrait de consacrer une part beaucoup plus importante de la manne publique aux avancées technologiques et de donner ainsi à l'audiovisuel public, dans un deuxième temps, une chance de se développer en se diversifiant et en « collant » mieux à la demande ; je pense ici, en particulier, aux chaînes thématiques qu'il faudra créer, car ce secteur ne doit pas être laissé exclusivement à l'initiative privée.
Je propose donc non pas une sorte de réduction emblématique du secteur public mais plutôt un coup d'accordéon qui lui permette de mieux se développer dans l'avenir, et cela pour des raisons essentiellement financières.
Toute cette évolution devrait vous faire envisager une autre définition du périmètre de l'audiovisuel public ; tous les éléments, qu'ils soient financiers, culturels ou techniques semblent converger en ce sens.
Il s'agit là d'une proposition qui donnerait une nouvelle dimension à la notion de service public audiovisuel à la française. A moins que le Gouvernement ne vous donne les moyens financiers d'assurer l'avenir de l'audiovisuel public dans son périmètre actuel, ce qui n'est pas le cas, madame la ministre, du moins pour l'instant. En effet, si l'on veut vraiment doter notre audiovisuel public des moyens nécessaires, ce sont non pas 1,5, 2,5 ou 4,5 milliards de francs qu'il faudra dégager, mais sans doute plusieurs dizaines de milliards de francs. Eh oui ! Tout à l'heure, M. Belot a estimé à quelque 220 milliards de francs la capitalisation de la télévision privée en France. Alors, avec 1,5 ou 2,5 milliards de francs, en enlevant quasiment 2 milliards de francs de publicité, on ne fait pas grand-chose pour le service public.
Je me tourne donc vers nos collègues de gauche pour leur dire : si vous êtes aussi attachés que cela à la télévision publique française, si vous voulez lui garder son intégrité et son périmètre, lui assurer son avenir et son développement, encore faut-il lui en donner les moyens.
Et si vous ne voulez pas lui en donner les moyens, à ce moment-là, il faut avoir le courage de parler d'une éventuelle autre politique.
Mme Danièle Pourtaud. C'est d'ailleurs ce que vous aviez fait avec le budget présenté par M. Juppé !
M. Alain Joyandet. Ce n'est pas celle que la commission ou le groupe du RPR propose. C'est une réflexion personnelle que j'essaie d'élaborer de manière cohérente.
En conclusion, je dirai que, sans les amendements que le Sénat s'apprête à adopter et qui vont ouvrir la voie du numérique terrestre, ce texte n'aurait vraiment que peu d'intérêt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'avez pas vu les nôtres !
M. Alain Joyandet. Tel qu'il nous est présenté, il ne répond pas aux besoins de l'audiovisuel public, il ne tient pas compte des évolutions technologiques en cours. Il n'est en rien un acte d'anticipation susceptible de contribuer à la sauvegarde du patrimoine culturel français.
Cependant, compte tenu de l'excellent travail de nos commissions et des rapporteurs, que je remercie, compte tenu aussi de l'esprit d'ouverture de Mme la ministre, qui, j'en suis convaincu, acceptera un certain nombre de nos propositions, ce texte, une fois que le Sénat l'aura enrichi, méritera d'être soutenu. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne fallait pas privatiser TF 1 !
M. le président. La parole est à M. Collomb.
Permettez-moi, mon cher collègue, de saluer votre première intervention à la tribune du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Gérard Collomb. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on ne saurait procéder à l'examen du projet de loi relatif à l'audiovisuel public qui nous est aujourd'hui soumis sans faire référence au contexte dans lequel il s'inscrit.
Ce contexte est marqué par une accélération croissante des mutations que connaît ce secteur, sous l'influence à la fois des changements technologiques et du renforcement de l'acuité de la concurrence.
Pour s'en convaincre, il suffit de comparer ce qu'est aujourd'hui le paysage audiovisuel français à ce qu'il était il y a cinq ou six ans. Depuis sont apparus les deux bouquets satellitaires Canal-Satellite et TPS ; depuis, surtout, a explosé le marché des chaînes thématiques, qu'elles soient diffusées sur le câble ou sur les bouquets satellitaires hexagonaux.
Or, avec l'arrivée du numérique terrestre hertzien, nous sommes à la veille d'un nouveau bouleversement majeur qui va étendre de manière considérable les possibilités offertes.
Ces avancées multiples dans le secteur de la communication audiovisuelle rendent nécessaires des modifications législatives, mais rendent aussi rapidement périmée la réglementation, ce qui conduit fatalement à sa révision périodique.
C'est pourquoi, contrairement à certaines de nos collègues, je considère que vous avez employé la bonne méthode, madame la ministre, en ne présentant pas votre texte comme « la » grande loi sur l'audiovisuel, mais en l'élaborant par enrichissements successifs.
Des modifications législatives, il y en aura bien d'autres, qui suivront les avancées technologiques que l'on voit poindre dans un horizon proche. Nos collègues ont tout à l'heure fait référence au rapprochement qui interviendra très bientôt entre télévision, ordinateur et téléphone. Il est évident que, à ce moment-là, c'est l'ensemble du cadre législatif qui devra être révisé, en particulier pour réaliser la nécessaire convergence entre la législation sur l'audiovisuel et celle qui a trait aux télécommunications.
La méthode que vous avez suivie, s'agissant de la diffusion numérique terrestre hertzienne, nous semble donc être la bonne, madame la ministre. Manifestant votre volonté d'en envisager la réglementation et les modalités de mise en oeuvre après avoir pris des avis précis et motivés - livre blanc adressé à plus de trois cents acteurs socio-professionnels devant formuler propositions et recommandations, rapports de MM. Cottet et Eymery et de M. Hadas-Lebel - et forte de l'écoute que vous aurez portée aux suggestions de notre rapporteur et de nos collègues, vous prendrez, j'en suis sûr, les bonnes décisions, dont nous pourrons probablement débattre lors de la seconde lecture du texte, pour que la France ne rate pas son entrée dans le numérique terrestre, que le passage de la diffusion analogique à la diffusion numérique terrestre se fasse à la fois rapidement et harmonieusement et que les nouveaux moyens techniques qu'elle offre permettent de préserver diversité et pluralisme de l'offre, une offre qui devra d'ailleurs être essentiellement gratuite si l'on veut que le numérique terrestre soit rapidement attractif.
Un deuxième aspect doit être pris en compte dans votre projet de loi : nous ne pouvons plus agir comme si notre pays pouvait s'abstraire du reste du monde. L'audiovisuel, plus que tout autre secteur, est aujourd'hui marqué par le phénomène de la globalisation. C'est bien en ayant à l'esprit la nécessité de constituer une industrie de l'audiovisuel et du multimédia puissante que nous devons aborder votre projet de réforme.
Nous sommes tous conscients de la nécessité de garantir à notre télévision une haute exigence de qualité et d'éviter la dérive induite par une commercialisation débridée. Nous sommes tous conscients de la nécessité, pour notre télévision, de garantir le pluralisme économique, politique et social, de participer à la promotion et à la diffusion de la culture française. Mais reconnaissons que cette exception culturelle française que nous nous plaisons tant à célébrer ne serait plus grand-chose si l'industrie audiovisuelle française était incapable de résister à la déferlante des images et des programmes venus d'outre-Atlantique.
Mes chers collègues, nous avons tous eu un mot pour louer les vertus de l'audiovisuel national, mais aussi un autre mot, éventuellement critique, sur la fusion entre AOL et Time Warner. Cela signifie bien que cette question nous préoccupe fondamentalement.
Sans même parler des Etats-Unis, nous devons bien pointer un certain nombre de nos carences. Dans l'excellent colloque que nos collègues Henri Weber et Michel Pelchat ont consacré à l'avenir de l'audiovisuel français, elles étaient clairement analysées et nombre de nos collègues les ont rappelées : insuffisance de financement du secteur audiovisuel français, insuffisance de production de fictions nationales, insuffisance de politique d'exportation qui place la France loin derrière la Grande-Bretagne et qui la fait rattraper par l'Allemagne, insuffisance de production française diffusée sur nos écrans de télévision et même, pour les plus critiques des intervenants à ce colloque, insuffisance d'innovation dans la production.
C'est à la lumière de cet état des lieux qu'il nous faut examiner le projet de loi tel que vous nous l'avez présenté, madame la ministre.
Il est inutile de préciser que nous partageons votre volonté de relancer l'audiovisuel public français. Nous approuvons à la fois les mesures d'ordre financier et les mesures d'ordre structurel visant à faire du service public une véritable entreprise publique de l'audiovisuel. Les exemples de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne sont là pour témoigner de la place déterminante que peut prendre un service public investissant fortement l'ensemble des potentialités de l'audiovisuel d'aujourd'hui. Cela impose la définition d'un vrai projet d'entreprise pour reconquérir la confiance des téléspectateurs en redonnant un contenu au souffle renouvelé aux chaînes généralistes, pour construire et développer des chaînes thématiques de qualité, pour mettre en place l'ensemble des services que peut offrir aujourd'hui l'audiovisuel, pour s'intéresser encore davantage au marché international et savoir vendre son offre.
Madame la ministre, à travers votre projet de loi, vous donnez la possibilité au service public de s'engager dans une telle voie, en dégageant des moyens financiers nouveaux, en constituant une holding permettant pleinement l'unité de commandement et en établissant des rapports contractuels avec le service public par le biais des contrats d'objectifs et de moyens.
Mais, et c'est la deuxième face de votre projet de loi, vous savez bien que, même s'il est au coeur de votre démarche, le service public ne représente évidemment pas l'ensemble de l'audiovisuel français. Or c'est bien l'ensemble de l'audiovisuel français, public et privé, qu'il s'agit de mobiliser si nous voulons gagner le pari de la compétition internationale. Telle est la tâche que vous vous fixez, me semble-t-il, à travers votre projet de loi : d'abord, en abondant financièrement les ressources de ce secteur par l'effet de rebond que va produire votre décision d'abaisser le temps de publicité dans le secteur privé ; ensuite, en proposant des mesures équilibrées, à la fois pour ce qui est des modes de régulation de ce secteur privé et des rapports qu'entretiennent en son sein les différents opérateurs.
Les mesures favorisant le développement pluraliste de la création, le renforcement d'un tissu diversifié de producteurs, de distributeurs ou d'éditeurs, celles qui tendent à soumettre les chaînes du câble ou du satellite à des obligations de contribution à la production vont dans le sens du renforcement de l'audiovisuel français.
De la même manière, la nécessité pour les câblo-opérateurs et les opérateurs de plates-formes satellitaires de faire une place suffisante dans leur offre de services à des éditeurs indépendants devrait permettre d'ouvrir davantage le champ audiovisuel français et devrait éviter les tentations oligopolistiques. En effet, mes chers collègues, s'il y a bien un danger du secteur privé, ce n'est pas qu'il soit privé, c'est qu'il soit détenu par un nombre extrêmement limité d'acteurs qui, de ce point de vue, réoccupent une position de quasi-monopole.
MM. Henri Weber et Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Gérard Collomb. Quant aux règles de transparence sur la réalité économique des groupes audiovisuels ou sur les phénomènes de concentration pouvant intervenir dans le secteur, elles seraient considérées comme normales dans des pays moins habitués que le nôtre au secret des affaires.
Les règles du jeu étant ainsi clairement fixées, il convient cependant, à mes yeux, de laisser le maximum de souplesse aux opérateurs et d'éviter, comme vous l'avez vous-même souligné, de transformer des régimes initialement déclaratifs en véritables régimes d'autorisation.
Au total, votre projet de loi me semble permettre une dynamique féconde entre secteur public renouvelé et secteur privé élargi, capable de permettre à notre pays de soutenir la compétition internationale dans le domaine de l'audiovisuel, de l'image et du multimédia. En effet, là est bien évidemment l'enjeu essentiel.
Dans le colloque précité, Jérôme Clément, qui, comme l'a souligné Henri Weber, défend l'idée d'un audiovisuel de qualité mais n'est pas partisan d'un libéralisme débridé, a déclaré :
« Nos arguments revêtent parfois une enveloppe très littéraire. La notion même d'exception culturelle, en faisant abstraction de toute référence au marché et à l'économie, indique qu'il s'agissait pour nous - qu'il s'agit pour nous - de défendre nos habitus , notre patrimoine intellectuel, notre traditionnelle "patrie, mère des lettres et des arts". C'est la nation française qui se présente comme étant littéralement mise en cause lorsque l'on s'attaque à son patrimoine culturel.
« Tout cela existe bel et bien. Mais les enjeux sont pourtant fondamentalement économiques, et nous ne le disons pas de manière suffisamment claire. Cette emphase s'accompagne au total trop souvent d'une action qui n'est pas à la hauteur du discours : il faut cesser avec ces pratiques qui confinent au ridicule. Il faut revenir à une conception plus économique de la culture et rétablir le lien qui existe entre culture et production, entre culture et industrie - ce que, après tout, Louis XIV avait compris en soutenant la manufacture des Gobelins. »
Mes chers collègues, j'aimerais que ces propos nous inspirent. Ils sont en effet fondamentaux.
Souvenons-nous du fameux mot sur Kant : « Le kantisme a les mains pures, mais il n'a pas de mains. » Il ne conviendrait pas que, demain, il en aille de même pour l'audiovisuel français. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen).
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'audiovisuel est un vecteur de la défense et de l'affirmation de l'identité culturelle française. Si cette dimension culturelle est légitimement placée au centre de la réflexion du Gouvernement, elle ne doit pas pour autant occulter la dimension économique du débat.
Il s'agit de la révolution numérique et de la convergence du multimédia.
La révolution numérique, tout d'abord, a permis de décupler l'offre de programmes proposée aux téléspectateurs et de l'enrichir de nouveaux services interactifs. Cette évolution technologique a une incidence majeure sur l'économie de la production des programmes par la multiplication des éditeurs de services audiovisuels. Elle a aussi conduit à l'émergence d'une nouvelle nature d'acteurs, les distributeurs de services. Se pose, aujourd'hui, le problème des relations entre éditeurs et distributeurs. Plus précisément, la question de l'intégration actuelle de certains éditeurs dans le métier aval de la distribution de services doit être considérée.
Observons la situation du satellite et du câble en France, riche d'enseignements à cet égard. L'analyse de la composition des bouquets de distributeurs par satellite révèle la préférence à la distribution des chaînes conçues par des éditeurs qui leur sont affiliés. Ainsi, sur un total de près de soixante-dix chaînes de programmes proposées par les deux distributeurs par satellite, ce sont, à ce jour, moins de dix chaînes qui sont communes aux deux offres. Dans le même temps, les distributeurs par câble, indépendants de tout intérêt de l'édition de programmes, proposent la majeure partie des chaînes diffusées par satellite.
La participation des éditeurs au capital des distributeurs de services a une incidence majeure sur le jeu concurrentiel et in fine sur l'offre délivrée au consommateur.
En premier lieu, cette intégration fait peser une menace sur l'édition indépendante des programmes. La préférence constatée des distributeurs de services pour les programmes des éditeurs qui les contrôlent s'exerce certes au détriment des éditeurs des chaînes du bouquet concurrent, mais aussi potentiellement au détriment des éditeurs indépendants, qui sont dès lors soumis au risque d'un traitement discriminatoire pour l'accès au marché par satellite. Ce risque est d'autant plus préoccupant que le câble, seule alternative ouverte aujourd'hui à la distribution par satellite, ne délivre ses services qu'à huit millions de foyers français, alors que le satellite atteint près de vingt millions de foyers en France.
En second lieu, cette intégration pèse sur l'activité des distributeurs indépendants tels que les câblo-opérateurs. Ceux-ci sont en effet confrontés au problème de l'accès à certains programmes « premium », maîtrisés par des éditeurs impliqués par ailleurs dans la distribution de services sur des supports concurrents.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Pierre Hérisson. Ces éditeurs peuvent alors avoir la tentation de se réserver la distribution de ces programmes à forte valeur de différenciation ou d'imposer aux autres distributeurs des conditions d'acquisition très défavorables.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très juste !
M. Pierre Hérisson. Une telle intégration conduit dès lors à la situation actuelle, où la diversité des programmes accessibles par les téléspectateurs est véritablement en cause. En effet, le téléspectateur faisant le choix de l'un des bouquets par satellite se voit restreindre l'accès à une part importante des programmes diffusés.
En conséquence, le strict contrôle des relations entre éditeurs de services et distributeurs de services s'impose pour garantir la diversité de la programmation offerte aux téléspectateurs et l'égalité de traitement de tout éditeur ou distributeur. A ce titre, la séparation des métiers d'éditeur et de distributeur, par le plafonnement des participations croisées autorisées, devrait être envisagée. C'est à cette condition qu'une concurrence équilibrée pourra se développer entre les différents distributeurs, d'une part, et entre les différentrs éditeurs, d'autre part. Ce même principe de séparation des métiers d'éditeur et de distributeur devrait sous-tendre le choix des futurs attributaires de multiplex numériques terrestres.
Tout comme la révolution numérique, la convergence multimédia va profondément modifier le secteur audiovisuel. En effet, elle donne aujourd'hui aux acteurs français de l'audiovisuel l'opportunité d'élargir leur offre de services en proposant au consommateur un nouvel accès à la société de l'information. Cette évolution devrait significativement contribuer à la démocratisation des accès à Internet en raison des nombreux atouts du téléviseur, cet équipement présentant un très fort taux de pénétration des ménages français et son utilisation demeurant plus simple que celle de l'ordinateur.
Les câblo-opérateurs et, dans une moindre mesure, les distributeurs de services par satellite commencent à mettre en oeuvre de nouvelles plates-formes multimédia pour saisir cette opportunité.
Le développement du multimédia constitue la nouvelle source de croissance du marché des services de communication. Mais la convergence multimédia fait aussi peser deux menaces sur les distributeurs de services audiovisuels actuels.
En premier lieu, en permettant l'accès commun aux services audiovisuels, aux services de communication personnelle et aux services de la société de l'information, la convergence multimédia va développer la concurrence entre les distributeurs de services et les opérateurs de télécommunications sur le nouveau marché unifié des services de communication. A ce titre, toute infrastructure locale alternative à celle de France Télécom doit être préservée alors que l'accès physique au client sera un facteur clé de présence sur le marché et que France Télécom est en position dominante sur le marché local.
Il est dès lors urgent d'engager la réflexion sur le développement du jeu concurrentiel sur le marché unifié des services de communication dans la perspective de cette convergence annoncée.
En second lieu, les portails Internet sont déjà en mesure de donner accès à des services audiovisuels avec une qualité qui tendra à se rapprocher de celle des diffusions actuelles par câble, par satellite ou en hertzien, dans un contexte juridique encore mal défini à ce jour.
Il convient, dans ce contexte, de redéfinir le cadre juridique de l'exploitation des services audiovisuels en application du principe de neutralité technologique, c'est-à-dire sans considération de l'infrastructure technique qui les délivre.
Compte tenu de ces considérations, madame la ministre, pourriez-vous répondre aux questions suivantes ?
Pour assurer la diversité des services proposés par tout distributeur, il est prévu, à l'article 34, un décret en Conseil d'Etat fixant les proportions minimales, parmi les services ayant conclu une convention en application de l'article 33-1, de services en langue française, qui, d'une part, ne sont contrôlés directement ou indirectement ni par le distributeur de services, ni par l'un de ses actionnaires détenant au moins 5 % de son capital, ni par la personne physique ou morale qui contrôle directement ou indirectement au moins la moitié des services concernés et, d'autre part, ne sont pas contrôlés directement ou indirectement par un distributeur de services au sens de l'article 33-4.
Quelles sont les proportions minimales envisagées à ce jour qui permettraient de garantir une réelle diversité de programmation et l'accès au marché des éditeurs indépendants ?
Au-delà de ce mécanisme de contrôle, ne faudrait-il pas prévoir de limiter la participation directe ou indirecte des éditeurs de services au capital des distributeurs ? Plus précisément, ne faudrait-il pas limiter la part directe ou indirecte de chaque éditeur dans le capital d'un distributeur et la part du capital de tout distributeur ouverte directement ou indirectement aux éditeurs ?
Enfin, ne faudrait-il pas envisager des mesures de soutien à l'investissement dans les réseaux câblés, seules infrastructures résidentielles multimédia alternatives à celles de France Télécom, dans la perspective de la convergence attendue de l'audiovisuel et des télécommunications ?
Quelles sont les actions envisagées par le Gouvernement pour clarifier le contexte juridique de la distribution de services audiovisuels sur Internet ?
Madame la ministre, telles sont les questions que je vous pose. Les réponses que vous y apporterez conditionneront bien sûr notre vote sur le texte que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le 19 février 1997, lors de la discussion générale d'un projet de loi modifiant la loi relative à la liberté de communication, j'avais tenu le propos suivant à cette même tribune : « Ne serait-il pas dans la partie la plus noble de la mission du législateur d'éclairer le chemin loin devant et non pas d'être mis dans l'obligation d'adapter la loi à des échéances de plus en plus rapprochées pour tenir compte de l'évolution des technologies ? »
Malheureusement, en ce début de l'an 2000, alors que, à votre tour, madame le ministre, vous défendez votre propre texte, je n'ai pas un mot à changer à cette question que je posais voilà trois ans déjà à votre prédécesseur.
C'est vraiment regrettable, d'autant que le paysage audiovisuel change sous nos yeux à une vitesse stupéfiante.
En ce jour, il nous faudrait non seulement débattre du numérique hertzien, comme le fait avec pertinence le Sénat sous l'autorité de la commission des affaires culturelles et de son éminent rapporteur, M. Jean-Paul Hugot, alors que le projet de loi ne l'évoque même pas, madame le ministre, mais aussi dresser déjà des balises pour mieux appréhender les vastes territoires qui vont être profondément modifiés dans des temps maintenant très courts par la fusion, depuis longtemps annoncée, des mondes du téléviseur, du téléphone et de l'ordinateur. Quand on sait que l'apparition de chacun de ces mondes a déjà profondément bouleversé notre vie ou celle de nos parents, chacun pressent les évolutions, les mutations profondes, devrais-je dire, qui vont découler de cette fusion.
L'une de ces évolutions est déjà bien maîtrisée depuis plusieurs années au niveau technique : je veux parler du numérique hertzien.
Le développement de la télévision numérique terrestre semble être, en cette année 2000, le sujet à la mode dont se sont emparés depuis quelques mois un certain nombre de gourous du paysage audiovisuel français, qu'ils siègent au CSA ou dans les organismes publics. A mon avis, le numérique terrestre est, dans le contexte technologique actuel, avant l'arrivée de nouveaux outils, un vecteur fort bien adapté pour la télévision de proximité.
Dans des temps où il est souvent plus difficile de savoir ce qui se passe dans notre propre ville, dans notre propre village, parfois dans notre propre quartier, que de connaître l'événement qui vient d'avoir lieu à l'autre bout du monde, cette télévision de proximité est de plus en plus demandée par nos concitoyens.
En revanche, réaliser en numérique un « copier-coller » du réseau national analogique imaginé voilà bientôt un demi-siècle n'est peut-être pas la démarche la plus pertinente. Entre-temps, des satellites se sont positionnés à 36 000 kilomètres au-dessus de nos têtes, et chacun d'entre eux a maintenant la capacité de nous servir sur l'ensemble du territoire, sans aucune zone d'ombre, des centaines de chaînes numériques.
Aussi, après nous être emballés pour TDF 1, pour le D2 MAC et beaucoup d'autres innovations fort séduisantes en leur temps, qui reposent aujourd'hui dans le coûteux cimetière des initiatives de nos brillants technocrates de l'image publique, ne devrions-nous pas prendre un instant pour examiner le modèle financier et économique de ce coûteux projet du réseau national du numérique hertzien ?
Permettez-moi de vous livrer quelques éléments de réflexion. Pour desservir en numérique hertzien les trois quarts de la population française, il ne faudrait certes que 150 émetteurs ; mais, pour couvrir le quart restant, il faudrait quelque 3 000 émetteurs de plus.
Cette installation terrestre induirait, nous a-t-on dit, des coûts de diffusion de 30 à 50 millions de francs par an pour une chaîne utilisant ce vecteur, alors que le transport par satellite ne revient qu'à 5 millions de francs par an par chaîne diffusée. Encore y a-t-il une différence de taille entre la diffusion satellitaire et la diffusion hertzienne. Dans ce cas, il est demandé à chaque chaîne 5 millions de francs par an pour couvrir tout le territoire, et même au-delà, sans zone d'ombre, alors que, avec le réseau hertzien, 80 % seulement du territoire est desservi pour une somme de 30 à 50 millions de francs. Personne n'ose calculer ou du moins révéler le coût des 20 % restants pour couvrir l'ensemble du territoire, tant ce coût serait exorbitant en prenant en considération le nombre très important d'émetteurs supplémentaires qu'il faudrait installer.
Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas multiplier le nombre de chaînes numériques que les Français doivent pouvoir recevoir en clair sans être dans l'obligation de prendre un abonnement ou de payer un péage. Mais je pense que, avant de prendre une décision définitive sur les moyens de diffusion de ces chaînes, il nous faut objectivement, et sans a priori , réfléchir à la solution technique la plus pertinente.
Cette réflexion est d'autant plus nécessaire qu'une autre révolution, bien plus importante que l'évolution d'un outil de diffusion, va profondément marquer l'avenir de l'audiovisuel, et ce dans des délais maintenant très réduits : je veux parler du mariage intime entre la télévision et Internet dont l'annonce de la fusion entre AOL et Time Warner n'est que l'avatar le plus récent.
Le protocole Internet associé à une bande passante de plus en plus large va totalement changer nos relations avec la télévision. Quittant son rôle passif, le téléspectateur va être invité à jouer, grâce à l'interactivité, un rôle beaucoup plus actif.
Au fur et à mesure qu'il visionnera sur son téléviseur, sur son ordinateur personnel et même, demain, sur son téléphone portable à écran soit les actualités, soit un spectacle de variétés, soit un film, soit un match de football, il demandera au réseau Internet de lui apporter des informations complémentaires, des précisions sur les points qui l'intéressent. Cette interactivité changera très vite les comportements des téléspectateurs, et il faut que nous nous préparions à une profonde évolution de l'ensemble du modèle audiovisuel. C'est bien avec cette vision prospective qu'il nous faut savoir préparer l'avenir. Or, madame le ministre, il est un sujet essentiel que vous traitez avec une cécité singulière dans votre texte et auquel le Sénat attache une particulière et grande attention : je veux parler de l'avenir de La Cinquième.
Comme M. Laffitte a eu la gentillesse de le rappeler dans son intervention, j'étais rapporteur de la mission commune d'information qui a produit, en 1993, le rapport intitulé L'accès au savoir par la télévision qui a été à l'origine de la création de La Cinquième.
M. Pierre Laffitte. Très juste !
M. René Trégouët. Nous avions alors fort bien balisé la voie à suivre. Relisant ce texte ces jours derniers, j'ai pu constater que la dynamique que nous avions alors proposée en passant par ces trois fenêtres de l'accès au savoir et qui a été mise en oeuvre avec compétence par l'équipe de La Cinquième, sous l'autorité éclairée de MM. Jean-Marie Cavada et Jérôme Clément, a montré son efficacité. En effet - peu de personnes le savent - en quelques années, La Cinquième a su se hisser au premier rang mondial des chaînes éducatives.
Quel gâchis ce serait si cette petite entité, si importante pour rénover l'ensemble des outils éducatifs de notre pays, était noyée dans cette grande machine médiatique publique que va devenir France Télévision !
France Télévision va être soumise au stress, aux obligations incontournables des grandes chaînes de flux qui doivent traiter en direct l'information, avec toutes les répercussions relationnelles inévitables, et divertir des publics de plus en plus divers tiraillés par la concurrence.
Cette culture de l'instant, qui est la marque des chaînes de flux, est à l'opposé du calme, du recul que doivent savoir prendre les chaînes éducatives, qui ont pour mission, en prenant appui sur le temps, d'aider non seulement nos enfants, mais aussi l'ensemble des populations exclues à acquérir des savoirs qui leur permettront d'exercer les métiers de demain.
De plus, cette troisième fenêtre, qui s'est matérialisée sous la forme de la banque de programmes et de services, la BPS, que la Haute Assemblée va encore renforcer en la transformant en banque nationale de programmes multimédias, en y associant l'Institut national de l'audiovisuel, le Centre national d'enseignement à distance, la Cité des sciences, la Bibliothèque nationale et tous les organismes qui stockent et enrichissent les connaissances dans notre pays, est fondamentale pour fournir des outils nouveaux à tous les enseignants, à tous les formateurs de France, pour les aider à transmettre le savoir.
Il n'est pas possible que nous laissions se fondre dans un organisme dont la mission essentielle est de traiter l'instant un instrument d'intérêt national dont la mission fondamentale est de nous aider à entrer dans l'avenir.
Aussi, madame le ministre, il faut que vous ayez la volonté de réaliser enfin ce que nous demandions dès 1993 : veuillez donner son émancipation à cet être, certes encore jeune, mais ô combien vigoureux et prometteur qu'est La Cinquième, en l'appuyant sur une puissante fondation dont le Parlement aurait préalablement modelé la silhouette pour la rendre aussi efficace que ses consoeurs anglo-saxonnes.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. René Trégouët. Dans cette fondation se retrouveraient tous les ministères, toutes les institutions publiques, tous les acteurs publics et privés qui ont pour préoccupation essentielle de préparer l'avenir.
En sachant que le rang d'une nation se fondera demain sur sa capacité d'acquérir et d'employer au mieux des connaissances et des expertises, il nous faut savoir utiliser et valoriser au mieux les outils qui préparent l'avenir.
Or, La Cinquième, avec sa banque nationale de programmes éducatifs qui, demain, grâce aux réseaux nouveaux à large bande, sera reliée à tous les établissements d'enseignement de France, est un outil fondamental de préparation de l'avenir. Ne le laissons pas - je vous le demande à nouveau, madame le ministre - se dissoudre et perdre sa personnalité dans un organisme dont la mission est tout autre, dans la terrible bataille de l'audiovisuel qui s'annonce. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous exprimer mes remerciements pour la qualité qui a marqué de bout en bout la discussion générale.
Le souci exprimé par l'ensemble des orateurs est bien la nécessité d'un renforcement du service public audiovisuel français dans le contexte économique, technologique et de concurrence nationale et internationale que nous connaissons. Il s'agit de lui donner des structures fortes et des moyens appropriés, tout en en faisant un outil de développement de la production audiovisuelle, grâce aussi, bien évidemment, à l'apport des entreprises privées. Ce travail s'avère, à mes yeux, constructif.
J'ai écouté les interventions des uns et des autres et les réflexions qui ont été faites, notamment sur l'état du texte et sur ce qui pourrait être compris comme des hésitations ou comme un défaut d'anticipation.
Quoi qu'il en soit, la tonalité sereine de ce débat me permet de dire que, si nous parvenons, jusqu'au terme de l'examen de ce texte et pour la première fois dans notre pays, à ne plus avoir un débat par trop idéologique et figé dans les équilibres actuels de l'audiovisuel tel que nous le connaissons, si nous voulons bien aussi éviter de nous engager dans une surabondance législative pour nous consacrer à l'adoption de dispositions efficaces et appropriées permettant une évolution de façon que le texte qui sera adopté par le Parlement ne soit pas obsolète au moment où il aura été voté, nous aurons alors fait un grand bond en avant.
Je crois que cela peut être une ambition commune, car on me dit, à l'instar de M. Richert, qu'il faut à la fois rattraper les retards et anticiper. Il est vrai que, quand j'ai accédé aux responsabilités, je n'ai pas trouvé d'éléments sur lesquels m'appuyer pour pouvoir anticiper sur ce que deviendrait la diffusion numérique. Ce que je pouvais en connaître et qui était à ma portée, c'était en effet la production numérique : la numérisation des archives, la numérisation de la presse, nous savions faire, et M. de Broissia l'a évoqué ; mais nous ne pouvions procéder à l'analyse et à la prospective sur la diffusion numérique.
Nous avons donc, depuis deux ans maintenant, travaillé sur ce sujet, mais en écoutant mes collègues européens je me suis rendu compte qu'il fallait avancer sur cette voie avec une certaine prudence, car certains regrettent déjà les dispositions qu'ils ont été amenés à prendre de façon extrêmement rapide.
J'ai donc préféré une autre stratégie, celle qui consiste à travailler d'abord avec ceux qui sont technologiquement prêts. Nous devons toutefois en même temps ménager l'équilibre entre satellite, câble et télévision numérique terrestre : si nous ratons cet équilibre, nous créerons en effet des difficultés à l'un ou à l'autre de ces opérateurs ou à des entreprises qui elles-mêmes doivent jouer un rôle dans le développement des programmes, dans l'accueil de nouveaux entrants, de nouvelles chaînes thématiques.
Lorsqu'on aborde le numérique, il faut donc le considérer sous tous ses aspects, et d'abord, bien évidemment, dans ce qu'il apporte au téléspectateur, car c'est cela qui peut justifier le choix de cette technologie de diffusion. Mais il faut aussi pouvoir assurer aux entreprises un environnement qui facilite leur développement, qui clarifie les rôles entre opérateurs de multiplex et entre diffuseurs.
Nous devons aussi assurer les modalités de ce passage au numérique pour les chaînes historiques et pour de nouveaux entrants, qu'il s'agisse de chaînes de profil assez classique ou de chaînes à vocation locale ou régionale.
Avec le numérique hertzien, toutes les questions qui se posent en ce qui concerne l'évolution du paysage audiovisuel français sont résumées et condensées. S'ajoute cependant à cette problématique le profil de nouvelles formes de télévision : les télévisions à la demande où le téléspectateur choisit, sélectionne son programme, le compose ou trouve sur les canaux des chaînes thématiques particulières qui permettent des services interactifs.
Il est incontestable que le passage au numérique constituera pour les entreprises publiques audiovisuelles, en particulier pour le groupe France Télévision, un atout considérable. Dans ce cadre, on peut parfaitement imaginer à la fois la place pérenne du groupe et le développement des services qu'il peut permettre. Il est donc extrêmement important de prévoir et de consolider le groupe France Télévision avant même le passage au numérique terrestre, qui impliquera de sa part un investissement important et un développement de services et de programmes.
C'est en même temps un moyen qui est ouvert aux entreprises privées. Il ne s'agit pas de dire que l'on passe au numérique hertzien pour le public en ne nous posant pas la question pour les entreprises privées !
Voilà pourquoi j'ai souhaité, dans ce changement de méthode, tenir compte du changement de donne : nous le voyons bien avec les questions posées par les nouvelles diffusions sur le Net des programmes audiovisuels, nous sommes en pleine évolution !
Nous parlons aujourd'hui d'autorégulation, de corégulation. M. Christian Paul est en train d'élaborer un rapport à ce sujet et l'un d'entre vous, M. Laffitte, a lui-même évoqué la possibilité d'introduire une forme de corégulation dans l'audiovisuel.
Toutes ces questions montrent bien que, si cette évolution rapide pose dans d'autres termes la responsabilité des opérateurs, des diffuseurs, en un mot de l'ensemble des entreprises publiques et privées, nous devons aussi trouver une méthode qui tienne compte de leurs intentions, de leur stratégie, même si, bien sûr, ils ont tendance à demander le maximum, nous l'avons bien constaté au moment de l'élaboration du Livre blanc : ils ont évidemment l'ambition d'occuper le plus grand espace possible sur ces nouvelles fréquences !
En même temps, j'y vois un signe de confiance et de dynamisme. Dans la mesure où le présent projet de loi prévoit une évolution permanente, l'objectif est bien que, au moment où il sera définitivement adopté et promulgué, nous soyons clairement fixés sur le calendrier et sur les modalités du passage de l'analogique au numérique hertzien.
Il nous faut aussi savoir que, dans un certain nombre de pays où l'on est parti « fleur au fusil », si je puis dire, en fixant un délai, les choses sont aujourd'hui beaucoup mois sûres. Il ne nous faut donc pas seulement tourner nos regards vers les pays où l'on a décidé de passer au numérique hertzien parce qu'ils auraient commencé avant nous ! En effet, premièrement, ces pays n'ont pas un développement satellitaire comme celui que nous connaissons en France ; deuxièmement, ils ne sont pas autant développés dans la diffusion accessible au public et, si le nombre de chaînes y est évidemment ouvert, il n'est pas encore très significatif par rapport au nombre de ménages desservis.
La stratégie que nous devons - et pouvons - avoir, c'est évidemment de nous engager dans cette voie en prenant en compte la nécessité de mettre cette technologie nouvelle au service de tous les publics sur l'ensemble du territoire, et ce le plus rapidement possible. Il faut pour cela être sûrs que nous pourrons financièrement mener à bien une telle stratégie, et la vérification économique qui a été évoquée à cette tribune est absolument indispensable.
Le rapport Hadas-Lebel pose un certain nombre de questions et fournit la synthèse des données qui étaient à la disposition de ses auteurs. Il reste que, avant de prendre des dispositions au niveau interministériel - avant de les soumettre en deuxième lecture au Parlement - nous procéderons à ces vérifications, car je souhaite vraiment que les entreprises françaises s'engagent en confiance.
S'agissant du numérique, mais aussi tout simplement de la production audiovisuelle, nous devons à tout prix associer non pas simplement les diffuseurs, mais aussi les entreprises de production. J'ai bien entendu à ce sujet vos interventions fort pertinentes, sur toutes les travées de cet hémicycle, et j'ai bien enregistré le souci unanime du Sénat vis-à-vis des entreprises de production française.
Vous avez eu raison de dire qu'il y a eu réduction du volume de la fiction commandée par les chaînes publiques. Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, l'explication est toute simple : à partir du moment où a été amorcé un cycle de diminution de la dynamique financière des chaînes publiques, l'incertitude budgétaire a régné, car les objectifs de progression des recettes publicitaires, trop ambitieux, n'ont pu être atteints, alors que, dans le même temps, les moyens budgétaires étaient en progression.
Il s'agit, aujourd'hui, de retrouver un équilibre économique vertueux pour l'ensemble du groupe au moment où il va être constitué. J'approuve entièrement, à ce sujet, le propos de vos rapporteurs, MM. Hugot et Belot, sur la nécessité de bien garantir le socle financier, en particulier par rapport à la réduction de la publicité. Nous le prouvons dès le budget 2000 avec la baisse de deux minutes du temps de diffusion de la publicité, qui sera évidemment complétée par les moyens nécessaires en 2001 pour l'application de la loi lorsque la publicité baissera de quatre minutes, cette compensation incluant le coût de production des trois cent cinquante heures libérées par la publicité.
Reste le milliard de francs supplémentaire nécessaire. Certains orateurs parlaient de 1,5 milliard de francs supplémentaires, ou plutôt de 1 milliard de francs supplémentaire par rapport à ces 1,5 milliard de francs, et d'autres de plusieurs dizaines de milliards de francs. Je veux simplement vous rendre attentifs au fait que après avoir entrepris le redressement de la SFP, nous abordons de front le plan de développement pour favoriser l'entrée dans l'ère du multimédia de l'AFP.
Pour la première fois - je vous invite à vous référer au passé - nous franchissons une étape significative en dotant les entreprises audiovisuelles de moyens budgétaires importants. La volonté politique a bien été marquée par le Gouvernement avec les propositions de compensation intégrale de l'exonération de redevance, avec le milliard de francs que nous pouvons préserver hors compensation directe de la baisse de la publicité pour favoriser les programmes et le développement du groupe France Télévision.
Reste, comme l'a souligné M. Belot, la question de la capitalisation. Lorsque le groupe sera porté sur les fonts baptismaux, il faudra poser la question, car on ne peut pas imaginer fonder une nouvelle société sans la garantir, tout comme on ne peut imaginer que France Télévision sorte d'une économie par trop administrée pour devenir une économie d'entreprise sans prévoir en même temps un budget de développement qui ne soit pas simplement imputé sur une sorte de compte d'avance, risquant ainsi de créer à terme un déficit si l'on n'arrive pas à dégager des recettes commerciales et à avoir suffisamment de crédits. Autrement dit, la visibilité économique est nécessaire pour prévoir et planifier l'investissement.
Dans ce contexte, nous devons être attentifs à l'économie de l'ensemble du secteur et prendre en considération les entreprises de production qui vont être dotées, par le biais de ce milliard de francs supplémentaire et grâce à la compensation des crédits budgétaires, l'ensemble des ressources publiques augmentant, des crédits nécessaires.
Sur un point, je suis en désaccord avec M. Pelchat : les obligations de production doivent aussi rester des obligations auxquelles souscrivent les chaînes publiques et les entreprises publiques de ce point de vue, on ne peut introduire de différence et la taxe qui alimente le compte de soutien permet d'apporter les 500 millions de francs que j'évoquais pour les entreprises de production.
Vous avez beaucoup insisté sur l'importance du développement de la production audiovisuelle. C'est un enjeu à la fois économique et culturel. Au demeurant, la stratégie d'un certain nombre d'entreprises a parfois été déterminée beaucoup plus par la convergence technologique, mais cette approche, qui était celle de la Commission depuis quelques années, a changé. Souvenez-vous du Livre vert sur la convergence, laquelle n'était pas perçue comme une convergence de médias ! Et, dans les différents colloques qui ont eu lieu récemment, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, on s'interrogeait toujours pour savoir si le Net, par exemple, était un média. Mais si l'on en discutait encore il y a peu, la récente absorption de Time Warner par AOL a montré qu'en réalité nous sommes bien dans ce cas. Il faut donc nous prémunir. C'est pourquoi il faudra - j'en suis d'accord - y compris hors de la loi, donner des moyens nouveaux.
Si j'ai souhaité engager la mise en oeuvre, sur proposition parlementaire - mais nous en étions d'accord - du fonds de modernisation de la presse, c'est pour accélérer le processus permettant à la presse d'accéder à ces technologies multimédia.
J'ai demandé au directeur du CNC de réfléchir à des propositions sur le soutien à la création multimédia, car je considère qu'aujourd'hui les jeunes entreprises ne sont pas suffisamment aidées. Même si ce que nous avons entrepris avec Christian Pierret est positif - je remercie ceux qui l'ont souligné - cela ne suffit pas à impulser une accélération permettant de répondre efficacement à la demande.
Nous avons la même conception de la place et des missions du service public, la même ambition pour notre télévision et notre radio. Nous avons quelques divergences sur les moyens mais une très grande convergence sur l'objectif.
Nous affinerons notre analyse sur la précision que nous pouvons apporter, car, selon que j'en discute avec la commission ou avec mes collègues, la vision de cette précision ou, au contraire, du caractère plus synthétique ou plus général n'est pas la même.
Ce que je crains, c'est qu'à vouloir être trop synthétique on ne nous dise que le tri se fera en fonction de ce qui est rentable ou non, et, finalement, ce ne sera plus dans le service rendu sur l'ensemble du champ à l'ensemble des publics que l'on pourra aborder la bonne définition, à mon sens, du service public.
En fait, nous sommes parfaitement d'accord sur le fond. Reste cette question stratégique qui a amené l'Assemblée nationale à retenir une option et le Sénat à prendre l'option contraire. Le débat nous permettra sans doute d'approfondir cette question.
La Cinquième a été largement évoquée à cette tribune. Comme son appellation complète l'énonce clairement, elle a été conçue, sur l'initiative de cette Haute Assemblée, comme une chaîne publique dont la mission est de développer pour tous l'accès à la connaissance, à la formation professionnelle et au savoir.
Anticipant de façon très clairvoyante les développements actuels des réseaux, elle se donnait d'emblée pour objectif, sur proposition de MM. les sénateurs Laffitte et Trégouët, d'offrir ses programmes sur l'ensemble des fenêtres de la société de l'information : l'écran hertzien mais aussi les services interactifs diffusés par voie satellitaire ou sur Internet.
La banque de programmes et de services, la BPS, préfigure de tels dévelopements, qui sont à destination, aujourd'hui, des institutions sociales ou éducatives et, demain, des usagers individuels.
Je m'inscris pleinement dans cette intention et cette finalité.
Pour vraiment dissiper la crainte qui peut être, aujourd'hui, celle des personnels sortant d'un processus de fusion avec Arte et qui vont se retrouver dans le groupe France Télévision, je dirai que, si le Parlement suit le Gouvernement, les différentes chaînes qui composent le groupe garderont leur identité éditoriale, qu'il y aura toujours trois « guichets » - France 2, France 3, La Cinquième - et non pas un seul, pour le financement des programmes. Il y aura trois entités, trois sociétés auxquelles s'adressent et pourront continuer de s'adresser les entreprises de production.
Ce que nous souhaitons, c'est que l'on cesse de programmer aux mêmes heures des programmes concurrents, que soit instaurée une certaine harmonisation pour atteindre le maximum d'audience avec l'ensemble des programmes des trois chaînes, que soient évités ces effets que nous avons constatés et qui ont d'ailleurs été dénoncés à cette même tribune.
On peut mesurer aujourd'hui combien les acquis de La Cinquième sont porteurs d'avenir. La vocation de La Cinquième doit être développée. Selon moi, doit être mis au service de cette diffusion de la culture et des savoirs par La Cinquième l'ensemble du patrimoine de nos établissements publics. Le rapprochement a été fait entre la BNF et la BPS. Il y a bien, là aussi, une similitude. La numérisation de nos collections nationales, leur mise en valeur - je pense à tout ce que fait le Louvre - doivent être mis à profit par La Cinquième et la BPS.
La présence de La Cinquième dans la holding sera donc pour elle une nouvelle chance. Les personnels me semblent prêts à cet enrichissement de leurs programmes. Il ne faut pas s'en faire un monstre et il ne faut évidemment pas diluer La Cinquième. Au contraire, la force de La Cinquième, son intérêt dans le groupe, seront de garder une configuration active, efficace, réactive, prospective et très axée sur les missions éducatives.
Arte a également été largement évoquée. S'agissant du débat avec nos partenaires allemands et le président Plog, je veux donner quelques dates pour bien situer le contexte.
Le 20 octobre 1998, le CSA a donné son avis sur le projet de loi. Le CSA ne s'est pas prononcé sur le projet de fusion.
Le 5 novembre 1998, nous avons eu l'avis du Conseil d'Etat, qui a approuvé le projet. Nous n'avons donc pas eu d'observation sur une quelconque non-conformité de l'intégration de La Cinquième-la Sept-Arte au groupe France Télévision.
Le 17 février dernier, une résolution était votée par le conseil de surveillance de la Sept-Arte, a l'unanimité des membres présents, pour apporter le soutien au président dans toutes les démarches qu'il pouvait entreprendre pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur l'urgence à trouver une traduction législative au processus de fusion engagé par le Gouvernement et lui-même dès avril 1997, après le changement de majorité.
Le 27 mai 1999, le texte était discuté en première lecture à l'Assemblée nationale.
Le 28 mai était nommé le nouveau président commun de France 2 et France 3.
Le 30 juin, lors de l'assemblée générale du GEIE d'Arte, le président informait l'assemblée du lancement par le comité de gérance d'expertises juridiques sur la compatibilité du projet de loi et du traité interétatique créant Arte.
C'est ainsi que j'ai été amenée à découvrir les objections. Ces expertises ont eu lieu ; nous avons demandé les nôtres ; nous avons constaté que nous avions une divergence de vue sur la conformité du texte de loi au traité.
Mais, comme il y avait désaccord, j'ai formulé un certain nombre de propositions qui allaient dans le sens d'un éclaircissement pour rassurer nos interlocuteurs et nos partenaires.
Néanmoins - je l'ai dit dans mon propos introductif - j'ai constaté aussi que toutes les objections ne seraient pas levées et que, si nous allions dans le détail de tout le fonctionnement quotidien, se poserait non plus simplement la question de l'intégration de la Sept-Arte-La Cinquième dans le groupe France Télévision mais aussi celle de la fusion.
Dès lors, nous nous trouvions dans une situation où nous pouvions discuter longtemps.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaitais vraiment venir devant votre assemblée avec une vision claire et une réponse précise, notamment vis-à-vis de nos partenaires, car je crois que l'on ne peut pas laisser un débat de ce type durer trop longtemps. Je connais suffisamment bien le partenariat franco-allemand pour savoir qu'à un moment donné, pour le bon équilibre de ce partenariat, il faut sortir d'une discussion et, s'il y a difficulté, apporter des solutions.
Je souhaitais pouvoir devant votre assemblée, annoncer la décision prise. Celle qui a finalement été retenue, sur ma proposition, par le Premier ministre donne toutes ses chances, sur le plan européen, à Arte, à son développement, et ce en toute clarté, même si je considère que les conditions pouvaient être réunies aussi dans le groupe.
Dans la mesure où nous donnerons à Arte les moyens nécessaires, où nous les garantiront, où nous serons présents, la chaîne ne subira pas de conséquences négatives, bien au contraire.
Je partage totalement le souhait exprimé à cette tribune par Mme Pourtaud d'un foisonnement des télévisions de proximité. J'adhère à sa volonté d'aider financièrement les associations qui utilisent les médias audiovisuels pour lutter contre l'exclusion ou tout simplement pour améliorer la qualité de vie et les rapports entre les citoyens. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de l'examen des amendements.
Mme Pourtaud a, bien sûr, exprimé son attachement à la télévision publique mais aussi à la radio publique. Le Sénat a souhaité accroître les ressources de Radio France dans le récent débat budgétaire et, aujourd'hui encore, à cette tribune, a été rappelée l'importance des radios locales de Radio France.
Monsieur Delfau, on ne peut pas accuser Radio France de dérive commerciale. La publicité est en effet limitée, sur son antenne, aux messages institutionnels. Le parrainage ne dépasse pas 5 % de son budget. Cela étant, nous sommes extrêmement vigilants. J'ai entendu l'exemple que vous avez cité, qui a suscité des réactions. S'il n'y a pas, en principe, de problème, il faut toujours veiller à ce que le principe soit tout à fait respecté. Par conséquent, je comprends parfaitement votre préoccupation.
Une autre dimension importante de la révolution numérique est évidemment Internet. M. Pelchat a insisté sur la nécessité d'organiser la responsabilité des prestataires techniques d'Internet. Je reviendrai ultérieurement sur cette question en m'exprimant sur son amendement.
Je veux simplement insister, un instant, sur le fait que cette loi est aussi une loi de liberté d'Internet, une loi de liberté de communication sur Internet, et ce au travers de deux dispositions : la suppression de la déclaration préalable des sites sur Internet, qui est un signe de confiance dans la maturité démocratique de nos concitoyens, et la distinction entre la responsabilité première du contenu de la communication sur les réseaux, celle des auteurs-éditeurs, et la responsabilité des prestataires techniques, qui ne doivent pas être considérés comme des juges du contenu.
Certains, parmi vous, se sont interrogés sur l'articulation entre communication audiovisuelle et Internet ou, plus généralement, la société de l'information. Nous travaillons simultanément à l'élaboration de la loi sur la société de l'information. J'ai toutefois souhaité et j'ai demandé à M. le Premier ministre que nous puissions ne pas aborder la question de la télévision numérique terrestre dans le cadre de cette loi, parce que je pensais que cela pénaliserait le débat que nous devons avoir sur l'évolution de l'audiovisuel.
Si nous en étions restés à l'audiovisuel analogique classique, en nous posant simplement les questions qui étaient initialement posées dans le texte qui a été remplacé par celui que je vous propose, nous n'aurions pas eu, je crois, un débat complet. C'est la raison pour laquelle j'ai sollicité cet arbitrage. Je l'ai obtenu, ce qui suppose en effet une cohérence entre la préparation de la loi sur la société de l'information et les dispositions qui seront prises en matière numérique.
M. Hérisson a tenu à bien distinguer éditeurs indépendants et distributeurs dans les bouquets satellites et les offres des câblo-opérateurs. Les éditeurs indépendants ne parviennent pas à trouver leur public dans la mesure où les distributeurs préfèrent favoriser leur propre chaîne. La question s'est d'ailleurs posée récemment.
Le projet de loi prévoit donc un contrôle du CSA sur la composition des offres. Aller au-delà serait peut-être porter une atteinte excessive à la liberté du commerce. Nous aurons sans doute à en discuter dans le détail un peu plus tard.
Je voudrais enfin répondre à M. Poniatowski, qui a évoqué la nomination du président de France Télévision et qui a parlé des décrets qui découleront du vote de ce projet de loi par le Parlement.
Monsieur Poniatowski, les entreprises sont d'ores et déjà associées à la création de la future holding, car nous devons là aussi travailler en temps réel et être les plus efficaces possible. J'ai d'ailleurs demandé à M. Tessier de commencer à y réfléchir. Cela se fait de façon extrêmement interactive et, monsieur le sénateur, s'il n'y a pas négociation des décrets, parce qu'un décret ne se « négocie » pas, la réflexion est engagée pour tenir compte de la réalité de France Télévision.
Le futur président ne pourra juridiquement être nommé par le CSA que lorsque les textes constitutifs de la future holding seront publiés. Aussi est-ce dès aujourd'hui que nous travaillons à leur rédaction.
Vous souhaitez que cette loi sur l'audiovisuel soit rapidement mise en oeuvre. Il ne faut pas laisser de temps de latence, il ne faut pas laisser planer des incertitudes. C'est la raison pour laquelle nous avançons le plus rapidement possible.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois avoir traité, du moins je l'espère, des questions essentielles. Je reconnais que ma réponse n'est pas exhaustive ; mais je vous apporterai d'autres éléments d'information lors de la discussion des amendements.
J'ajoute, à l'intention de M. Delfau, qu'il existe une instruction fiscale spécifique pour les radios associatives. Cette instruction est en cours de révision afin de préciser les conditions et les modalités d'exonération des charges fiscales et sociales des radios associatives. Ce dispositif relève non pas de la loi, mais de la circulaire. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi ne comporte aucune disposition nouvelle sur ce sujet.
Je vous remercie une fois encore, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos interventions. J'ai d'ores et déjà pu en tirer beaucoup de considérations et de réflexions, qui contribueront à la finalisation de ce texte. (Applaudissements.) M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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DÉPÔT D'UNE QUESTION
ORALE EUROPÉENNE AVEC DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale européenne avec débat suivante.
N° QE 7. - M. Hubert Haenel demande à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes d'exposer au Sénat l'état de préparation par le Gouvernement français de la présidence de l'Union européenne que la France exercera à compter du 1er juillet 2000, et notamment les sujets que le Gouvernement entend inscrire alors par priorité à l'ordre du jour du Conseil.
Conformément aux articles 79, 80 et 83 bis du règlement, cette question orale européenne avec débat a été communiqué au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

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COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 10 janvier 2000, l'informant de l'adoption définitive des trente-quatre textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 1146. - Communication de la Commission sur la violence envers les enfants, les adolescents et les femmes et proposition de décision du Conseil concernant un programme d'action communautaire à moyen terme relatif à des mesures destinées à soutenir au niveau de la Communauté l'action des Etats membres dans le domaine de la violence envers les enfants, les adolescents et les femmes (programme Daphne) 2000-2004 (adopté définitivement le 13 décembre 1999).
N° E 1148. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant la deuxième phase du programme d'action communautaire en matière d'éducation (SOCRATES) (adopté définitivement le 16 décembre 1999).
N° E 1179. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision du 19 décembre 1996 portant adoption d'un programme d'action pour la douane dans la Communauté « Douane 2000 » (réputé adopté le 16 décembre 1999).
N° E 1203. - Proposition de règlement (CE) du Conseil définissant les modalités et conditions des actions structurelles dans le secteur de la pêche (adopté au Conseil Pêche le 16 décembre 1999).
N° E 1204. - Proposition de règlement (EURATOM, CE) du Conseil relatif à la fourniture d'une assistance en faveur de la réforme et du redressement de l'économie des nouveaux Etats indépendants et de la Mongolie, (2000-2006) (adopté par procédure écrite achevée le 29 decembre 1999).
N° E 1208. - Proposition de décision du Conseil instituant un programme d'action communautaire en faveur de la protection civile (adopté au Conseil Transports le 9 décembre 1999.)
N° E 1230. - Proposition de règlement (CE) du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture (adopté au Conseil Pêche le 16 décembre 1999).
N° E 1257. - Proposition de décision du Conseil accordant une garantie de la Communauté à la Banque européenne d'investissement en cas de pertes résultant de prêts en faveur de projets réalisés à l'extérieur de la Communauté (Pays d'Europe centrale et orientale et de la partie occidentale des Balkans, pays méditérannéens, pays d'Amérique latine et d'Asie, République d'Afrique du Sud) (adopté par procédure écrite achevée le 22 décembre 1999).
N° E 1275. - Proposition de décision du Conseil portant conclusion de l'accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et la République populaire de Chine (adopté au Conseil Recherche le 2 décembre 1999).
N° E 1276. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technique entre la Communauté européenne et la République d'Argentine (adopté au Conseil Recherche le 2 décembre 1999).
N° E 1278. - Proposition de règlement (CE) du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 1911/91 relatif à l'application des dispositions du droit communautaire aux îles Canaries (adopté au Conseil Environnement le 13 décembre 1999).
N° E 1303. - Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à certaines procédures de mise en oeuvre de l'accord de commerce de développement et de coopération entre la Communauté et la République d'Afrique du Sud (adopté au Conseil Pêche, le 16 décembre 1999).
N° E 1308. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif aux produits de la pêche, modifiant l'accord européen entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Bulgarie, d'autre part (adopté au Conseil Pêche, le 16 décembre 1999).
N° E 1312. - Proposition de règlement (CE) du Conseil établissant certaines mesures de contrôle applicables dans la zone de la convention sur la future coopération multilatérale dans la pêche de l'Atlantique du nord-est (adopté au Conseil Pêche, le 16 décembre 1999).
N° E 1319. - Projet de budget 2000 pour EUROPOL revu compte tenu de l'avis unanime émis par le Conseil d'administration d'EUROPOL le 7 septembre 1999 (adopté au Conseil JAI, le 2 décembre 1999).
N° E 1333. - Proposition de règlement (CE) n° 745/99 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche [morue] (adopté au Conseil Pêche, le 16 décembre 1999).
N° E 1334 - Proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires consolidés au GATT et de certains autres contingents tarifaires communautaires, définissant les modalités d'amendement ou d'adaptation desdits contingents et abrogeant le règlement (CE) n° 1808/95 du Conseil (adopté au Conseil Pêche le 16 décembre 1999).
N° E 1335 - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certain produits agricoles et industriels. [Oxydes et hydroxydes] (adopté au Conseil Pêche le 16 décembre 1999).
N° E 1336 - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels et agricoles adopté au Conseil Pêche le 16 décembre 1999).
N° E 1337 - Proposition de règlement du Conseil portant suspension temporaire totale ou partielle des droits autonomes du tarif douanier commun pour certains produits de la pêche (2000) (adopté au Conseil Pêche le 16 décembre 1999).
N° E 1340 - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et le Royaume du Cambodge sur le commerce de produits textiles [paraphé le 3 février 1999] (adopté au Conseil Pêche le 16 décembre 1999).
N° E 1342 - Proposition de décision du Conseil concernant la mise sur le marché et l'administration de la somatotropine bovine (BST) et abrogeant la décision 90/218/CEE du Conseil (adopté au Conseil Pêche le 16 décembre 1999).
N° E 1345 - Projet de décision du Conseil du... concernant l'amélioration de l'information sur les travaux législatifs du Conseil et le registre public des documents du Conseil (adopté au CAG le 6 décembre 1999).
N° E 1356 - Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République tunisienne concernant le régime à l'importation dans la Communauté d'huile d'olive originaire de Tunisie, fixant les règles générales pour l'importation et abrogeant le règlement (CE) n° 906/98 (adopté au Conseil Pêche le 16 décembre 1999).
N° E 1361 - Projet de règlement (CE) n° 517/94 du Conseil relatif au régime commun applicable à l'importation de produits textiles originaires de certains pays tiers non couverts par des accords, protocoles ou autres arrangements bilatéraux, ou par d'autres régimes communautaires spécifiques d'importation (adopté par procédure écrite achevée le 21 décembre 1999).
N° E 1362 - Proposition de décision du Conseil sur l'application provisoire d'un accord bilatéral entre la Communauté européenne et la République du Belarus [Biélorussie] sur le commerce de produits textiles [modification et prorogation jusqu'au 31 décembre 2003]) (adopté par procédure écrite achevée le 21 décembre 1999).
N° E 1363 - Proposition de décision de Conseil sur l'application provisoire d'un accord bilatéral entre la Communauté européenne et l'Ukraine sur le commerce de produits textiles (adopté par procédure écrite achevée le 21 décembre 1999).
N° E 1364 - Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire d'un mémorandum d'accord entre la Communauté européenne et la République arabe d'Egypte sur le commerce des produits textiles (adopté par procédure écrite achevée le 21 décembre 1999).
N° E 1365 - Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire d'un accord bilatéral entre la Communauté européenne et certains pays tiers (Arménie, Azerbaidjan, Géorgie, Kazakhstan, Moldava, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan) sur le commerce de produits textiles (adopté par procédure écrite achevée le 21 décembre 1999).
N° E 1366 - Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire d'un accord bilatéral entre la Communauté européenne et l'ancienne République Yougoslave de Macédoine sur le commerce de produits textiles (adopté par procédure écrite achevée le 21 décembre 1999).
N° E 1367 - Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres modifiant les accords entre la Communauté européenne et la République populaire de Chine sur le commerce de produits textiles et d'habillement (adopté par procédure écrite achevée le 21 décembre 1999).
N° E 1368 - Proposition de décision du Conseil autorisant les Etats membres à continuer d'appliquer des réductions ou des exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales, utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue dans la directive 92/81/CEE (adopté au Conseil Pêche le 16 décembre 1999).
N° E 1369 - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 97/534/CE relative à l'interdiction de l'utilisation de matériels présentant des risques au regard des encéphalopathies spongiformes transmissibles (adopté au Conseil Agriculture le 14 décembre 1999).
N° E 1371 - Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif au régime applicable aux importations, dans la Communauté, de produits originaires des Républiques de Bosnie-et-Herzégovine et de Croatie et aux importations de vins originaires de l'ancienne République yougoslave de Macédoine et de la République de Slovénie (adopté au Conseil Pêche le 16 décembre 1999).

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Jacques Legendre, Louis Althapé, Gérard Braun, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Calméjane, Charles Ceccaldi-Raynaud, Xavier Darcos, Désiré Debavelaère, Luc Dejoie, Charles Descours, Michel Doublet, Alain Dufaut, Xavier Dugoin, Daniel Eckenspieller, Bernard Fournier, Patrice Gélard, Alain Gérard, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, René-Georges Laurin, Dominique Leclerc, Guy Lemaire, Paul Masson, Bernard Murat, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Jacques Oudin, Victor Reux, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre Schosteck, Louis Souvet et Alain Vasselle une proposition de loi visant à introduire dans la formation des futurs usagers de la route l'apprentissage de la conduite à tenir en cas d'accident de la route.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 164, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 163, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président. J'ai reçu de M. Robert Badinter et des membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt.
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 165, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

19

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à l'adhésion de la Communauté européenne au règlement n° 13/H de la commission économique pour l'Europe des Nations unies concernant l'homologation des voitures particulières en ce qui concerne le freinage.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1382 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 11 novembre 1999 relative à une demande de dérogation présentée par l'Irlande en application de l'article 27 paragraphe 2 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1383 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 11 novembre 1999 relative à une demande de dérogation présentée par le Royaume-Uni en application de l'article 27 paragraphe 2 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1384 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 11 novembre 1999 relative à une demande de dérogation présentée par les Pays-Bas en application de l'article 27 paragraphe 2 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1385 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 11 novembre 1999 relative à une demande de dérogation présentée par le Royaume-Uni en application de l'article 27 paragraphe 2 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1997 en matière de TVA.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1386 et distribué.

20

DÉPÔTS DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Claude Belot un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le financement de l'audiovisuel public.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 162 et distribué.
J'ai reçu de M. Michel Mercier un rapport d'information fait au nom de la mission commune d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer des améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales, sur la sécurité juridique des actes des collectivités locales et les conditions d'exercice des mandats locaux.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 166 et distribué.

21

DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président. J'ai reçu de M. Claude Belot un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 392, 1998-1999).
L'avis sera imprimé sous le n° 161 et distribué.

22

DÉPÔTS RATTACHÉS POUR ORDRE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SÉANCE
DU 22 DÉCEMBRE 1999

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le 23 décembre 1999 de M. le Premier ministre un projet de loi modifié par l'Assemblée nationale, portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques.
Ce projet de loi a été imprimé sous le n° 156, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔTS DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président du Sénat a reçu, le 23 décembre 1999, de MM. Jacques Oudin, Nicolas About, Jean-Paul Amoudry, Joël Bourdin, Auguste Cazalet, Patrice Gélard, René-Georges Laurin et Roland du Luart une proposition de loi relative à la mise à disposition des fonctionnaires.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 155, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 24 décembre 1999 de MM. Bret et Michel Duffour une proposition de loi relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 157, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 30 décembre 1999 de M. Daniel Goulet une proposition de loi portant sur certaines mesures de prévention des risques de pollutions maritimes par les hydrocarbures.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 158, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 12 janvier 2000 de M. Paul Vergès une proposition de loi tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 159, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu le 14 janvier 2000 de MM. Jean-Paul Hugot, Louis Althapé, Jean Bernard, Robert Calméjane, Auguste Cazalet, Jacques Chaumont, Désiré Debavelaere, Alain Dufaut, Xavier Dugoin, Michel Doublet, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Alain Gérard, François Gerbaud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Roger Husson, André Jourdain, Lucien Lanier, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Paul Masson, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Paul Natali, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Victor Reux, Martial Taugourdeau et René Trégouët une proposition de loi relative à l'amélioration de la connaissance et de l'aménagement du sous-sol.
Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 160, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

DÉPÔTS DE TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président du Sénat a reçu le 23 décembre 1999 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil autorisant les Etats membres à appliquer un taux réduit de TVA sur certains services à forte intensité de main-d'oeuvre conformément à la procédure prévue à l'article 28, paragraphe 6, de la directive 77/388/CEE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1374 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 23 décembre 1999 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil établissant un programme d'action communautaire de lutte contre la discrimination (2001-2006).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1375 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 23 décembre 1999 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne, d'une part, et la Norvège, d'autre part, concernant le protocole n° 2 de l'accord entre la Communauté économique européenne et le royaume de Norvège.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1376 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 23 décembre 1999 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil autorisant la République d'Allemagne à appliquer une mesure dérogatoire aux articles 16 et 17 de la sixième directive 77/388/CEE en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (procédure de l'article 27, déduction de certaines dépenses).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1377 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 23 décembre 1999 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE concernant le système commun de taxe sur la valeur ajoutée - dispositions accordées à la République d'Autriche et à la République portugaise.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1378 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 27 décembre 1999 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision autorisant les Pays-Bas à appliquer un taux réduit d'accise à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques conformément à la procédure prévue à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1379 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 3 janvier 2000 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel. Communication de la Commission sur l'intégration des systèmes de transport ferroviaire conventionnel.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1380 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu le 7 janvier 2000 de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 12 55/1999 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1381 et distribué.

23

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 19 janvier 2000, à quinze heures et le soir :
1. Nomination d'un secrétaire du Sénat, en remplacement de M. Hubert Haenel.
2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 392, 1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Rapport (n° 154, 1999-2000) de M. Jean-Paul Hugot, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Avis (n° 161, 1999-2000) de M. Claude Belot, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte est expiré.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 24 janvier 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 24 janvier 2000, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la création d'un conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) (n° 19, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 25 janvier 2000, à dix-sept heures.
Proposition de loi de M. Serge Lagauche et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (n° 444, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 25 janvier 2000, à dix-sept heures.
Proposition de loi de M. Pierre Fauchon tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 9 rect., 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 25 janvier 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 19 janvier 2000, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 18 janvier 2000
à la suite des conclusions de la conférence des présidents

Mercredi 19 janvier 2000, à quinze heures, et le soir :

Ordre du jour prioritaire

1° Nomination d'un secrétaire du Sénat, en remplacement de M. Hubert Haenel.
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 392, 1998-1999).
Jeudi 20 janvier 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (n° 392, 1998-1999).
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.)

*
* *

A seize heures quinze, M. Pierre Joxe, premier président de la Cour des comptes, déposera le rapport annuel de la Cour des comptes.

Ordre du jour prioritaire

3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 24 janvier 2000, à neuf heures trente et à quatorze heures quarante-cinq :
Le Parlement est convoqué en Congrès pour le vote sur :
- le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

- le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie.

(Le temps de parole imparti à l'orateur de chaque groupe a été fixé à dix minutes maximum ; les deux scrutins auront lieu dans les salles voisines de l'hémicycle.)
Mardi 25 janvier 2000, à dix heures trente et à seize heures :

Ordre du jour prioritaire

Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (AN, n° 1840).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 24 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 24 janvier 2000.)

Mercredi 26 janvier 2000,
à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la création d'un conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) (n° 19, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Proposition de loi de M. Serge Lagauche et des membres du groupe socialiste et apparentés relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane (n° 444, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Jeudi 27 janvier 2000,
à neuf heures trente et à quinze heures :

Ordre du jour réservé

Proposition de loi de M. Pierre Fauchon tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 9 rectifié, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 25 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendemets à ce texte. L'ordre des interventions dans la discussion générale sera déterminé en fonction du tirage au sort.)

Mardi 1er février 2000,
à dix heures et à seize heures :

Ordre du jour prioritaire

Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports (n° 484, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 31 janvier 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 31 janvier 2000.)

Mercredi 2 février 2000,
à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 460, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 1er février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 1er février 2000.)
Jeudi 3 février 2000 :

Ordre du jour prioritaire

A neuf heures trente :
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 460, 1998-1999).
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité (n° 480, 1997-1998).
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 1er février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 1er février 2000.)
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.)

Ordre du jour prioritaire

4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 8 février 2000 :
A neuf heures trente :
1° Dix-huit questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement) :
- n° 630 de M. Adrien Gouteyron à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Contrat de plan en Haute-Loire) ;

- n° 642 de M. Raymond Soucaret à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Suppression des postes de correspondants locaux des douanes et droits indirects) ;

- n° 643 de M. Bernard Murat à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Conséquences du classement des foyers-logements en « équipement recevant du public ») ;

- n° 644 de M. René Marquès à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Immatriculation des vélomoteurs) ;

- n° 655 de M. Francis Grignon à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale (Remboursement des traitements des maladies orphelines) ;

- n° 666 de M. Jean-Marc Pastor à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice (Prestation compensatoire en cas de divorce) ;

- n° 669 de M. Jean Faure à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (Politique de diversification énergétique et de valorisation de la forêt française) ;

- n° 671 de M. Charles Descours à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité (Rôle de la commission de la transparence) ;

- n° 673 de M. Dominique Leclerc à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (Réforme des études des professions de santé) ;

- n° 674 de M. Jean-Pierre Demerliat à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie (Création de bureaux de tabac dans les petites communes) ;

- n° 675 de M. Michel Teston à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale (Accès des rhumatologues à la radiologie) ;

- n° 676 de M. Léon Fatous à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Baisse des effectifs de la direction de l'équipement du Pas-de-Calais) ;

- n° 679 de Mme Dinah Derycke à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (Avenir de l'usine Alstom de Lys-lez-Lannoy) ;

- n° 681 de M. Alain Joyandet à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Réglementation applicable aux baptêmes de l'air) ;

- n° 682 de M. Bernard Plasait à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat (Conditions d'extension de surfaces commerciales) ;

- n° 685 de M. Michel Duffour à M. le ministre de la défense (Réorientation des missions de la SNECMA) ;

- n° 686 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Difficultés d'application de la loi relative aux animaux dangereux) ;

- n° 687 de M. Jean-Claude Peyronnet à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Conséquences de l'embargo sur la viande bovine britannique).

Ordre du jour prioritaire

A seize heures et, éventuellement, le soir :
2° Projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique (n° 488, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 7 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;

- à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 7 février 2000.)
3° Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (n° 135, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 7 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mercredi 9 février 2000,
à quinze heures et, éventuellement, le soir :

Ordre du jour prioritaire

1° Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, instituant un défenseur des enfants (n° 97, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 8 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier l'article 6 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (n° 141, 1999-2000).
3° Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national (AN, n° 1867).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 8 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
4° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (ensemble une déclaration) (n° 490, 1998-1999).
5° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole d'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération (n° 7, 1999-2000).
6° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay (n° 33, 1999-2000).
7° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay (n° 34, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)
8° Projet de loi autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport dans la convention (n° 48, 1999-2000).
9° Projet de loi autorisant la ratification de la convention, établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes (n° 49, 1999-2000).
10° Projet de loi autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes (n° 50, 1999-2000).
11° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord relatif à l'application provisoire entre certains Etats membres de l'Union européenne de la convention, établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes (n° 51, 1999-2000).
12° Projet de loi autorisant la ratification de la convention, établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union europénne, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières (ensemble une annexe) (n° 138, 1999-2000).
(La conférence des présidents a décidé que ces cinq projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.)
13° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999 (n° 66, 1999-2000).
14° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part (n° 95, 1999-2000).
15° Projet de loi autorisant l'adhésion du Gouvernement de la République française à la convention internationale de 1989 sur l'assistance (n° 107, 1999-2000).
16° Projet de loi autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières (ensemble onze annexes) (n° 137, 1999-2000).

Jeudi 10 février 2000,
à neuf heures trente et à quinze heures :

Ordre du jour réservé

1° Proposition de loi de M. Bernard Joly tendant à permettre la dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place de l'Etat (n° 325, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 9 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)
2° Proposition de loi de M. Jean-Pierre Raffarin et de plusieurs de ses collègues tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires (n° 254, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mercredi 9 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mardi 22 février 2000 :

A neuf heures trente :
1° Questions orales sans débat.
A seize heures :

Ordre du jour prioritaire

2° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques (n° 156, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au lundi 21 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Mercredi 23 février 2000,
à quinze heures :

Ordre du jour prioritaire

1° Eventuellement, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
2° Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au référé devant les juridictions administratives (n° 136, 1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 22 février 2000, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte.)

Jeudi 24 février 2000 :

A neuf heures trente :

Ordre du jour prioritaire

1° Troisième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi organique relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux (AN, n° 1877).
2° Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives (AN, n° 1878).
A quinze heures :
3° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures.)

Ordre du jour prioritaire

4° Suite de l'ordre du jour du matin.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Enseignement des langues anciennes

690. - 4 janvier 2000. - M. Daniel Hoeffel interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur l'enseignement des langues anciennes. L'application d'un seuil de quinze élèves serait nécessaire pour pouvoir ouvrir une classe de latin ou de grec. Cette mesure s'est traduite par une diminution sensible du nombre d'élèves suivant cet enseignement, tout particulièrement dans l'académie de Strasbourg. Par ailleurs, les élèves admis en section scientifique sont contraints de choisir en terminale entre la seconde langue vivante et une langue ancienne. Et par surcroît aucun cumul n'est possible entre la scolarisation en section européenne et l'enseignement d'une langue ancienne. Les élèves de ces filières sont ainsi privés de la possibilité d'acquérir une culture classique. L'ensemble de ces mesures compromet l'engouement observé ces dernières années en faveur des langues anciennes, malgré une réelle demande de la part des élèves ainsi que du corps enseignant. Quelles sont les orientations qui sont envisagées en faveur de la diffusion des langues anciennes ? Quelles sont, par ailleurs, les mesures concrètes permettant de traduire dans les faits la déclaration commune franco-italienne fait à Sienne le 2 juillet 1998 en faveur du développement de la culture classique et ratifiée par les chefs de gouvernement des deux pays ?

Indemnisation des rapatriés

691. - 7 janvier 2000. - M. Xavier Darcos appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la nécessaire révision de l'article 46 de la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à l'indemnisation des rapatriés. Les rapatriés réinstallés qui ont bénéficié d'une indemnisation de leurs biens au titre de cet article ont vu celle-ci réduite par le remboursement d'office des prêts de réinstallation alors que les rapatriés qui ne possédaient aucun bien outre-mer ont bénéficié, grâce à l'article 44 de la loi de finances rectificative pour 1986, de l'effacement total de leurs dettes de réinstallation. Il lui rappelle qu'elle a elle-même déclaré le 27 octobre 1998 devant l'Assemblée nationale que le Gouvernement était « très sensible à cette question et à cette iniquité et travaillait à la révision de l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 » et lui demande en conséquence de bien vouloir lui indiquer l'état d'avancement, après plus d'un an, de la réflexion du Gouvernement.

Situation de la direction de la programmation
et du développement

692. - 11 janvier 2000. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la situation préoccupante que traverse la direction de la programmation et du développement (DPD). Deux ans à peine après sa création, plusieurs dysfonctionnements lourds contribuent à une détérioration continue de la qualité, de l'audience et des conditions de travail. Ainsi, faute de crédits réservés à la DPD, dans un budget désormais centralisé à la direction de l'administration Géographie de l'école et l'enquête sur la situation des jeunes lycéens dans la vie active (IVA - Insertion dans la vie active) connaissent des difficultés. Au salon de l'éducation, qui fournissait pourtant une occasion exceptionnelle de promotion et mise en valeur, les publications de la DPD étaient absentes. Par ailleurs, les statistiques de la Recherche élaborées au sein de la DPD et utilisées par les instances internationales comme l'organisation de coopération de développement économique ne devraient-elles pas être maintenues et les services qui les effectuent voir leurs moyens renforcés ? Il est essentiel d'assurer la transparence, l'accès du public le plus large à une information qui ne puisse être suspecte de complaisance ou de manipulation. L'action politique, si elle se soucie de corriger ce qui ne va pas, doit disposer de données fiables, donc contradictoirement et publiquement débattues dans les résultats comme dans les méthodes. Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte entreprendre pour maintenir et renforcer la production de données, travaux et études statistiques, nécessaires à l'éclairage de la politique de l'Etat comme à l'information du plus large public possible.

Prestations sociales

693. - 17 janvier 2000. - M. Georges Mouly demande à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité si elle envisage, dans l'optique d'un traitement égalitaire des bénéficiaires de prestations similaires, le principe suivant : « à ressources identiques, avantages identiques », de mettre en oeuvre une réelle simplification du système des prestations sociales afin de redonner un sens aux missions des caisses d'allocations familiales et d'asseoir le rôle essentiel qu'elles jouent dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, un des enjeux majeurs de l'action publique.

Aménagement de la RN 171

694. - 18 janvier 2000. - Mme Marie-Madeleine Dieulangard souhaite interrroger M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les incidences du projet d'aménagement de la RN 171 en Loire-Atlantique, plus précisément sur la section Savenay-Nozay. Ces travaux apporteront pour les acteurs socio-économiques des améliorations sensibles de la desserte de la zone portuaire Saint-Nazaire - Montoir. Toutefois, la population des communes riveraines, tout en reconnaissant ces avantages, exprime ses préoccupations sur les nuisances induites par l'intensification du trafic à l'intérieur des bourgs traversés, en particulier en termes de sécurité ou de pollution sonore et atmosphérique. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir porter à sa connaissance les orientations préconisées par ses services afin que soit envisagé un contournement des bourgs concernés permettant d'assurer la sécurité des usagers et la préservation de leur environnement.

Test permettant de détecter le prion

695. - 18 janvier 2000. - M. Charles Descours demande à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale quel test les pouvoirs publics comptent retenir pour détecter dans les cheptels les animaux apparemment sains atteints de maladie à prion ?