Séance du 20 décembre 1999
M. le président. Par amendement n° 58, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 23, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa de l'article 71 de la loi de finances pour 1993 (n° 92-1376 du 30 décembre 1992), les mots : "les reversements au budget général sont supprimés". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement concerne le compte d'affectation spéciale des produits de privatisation pour une question de principe et de méthodologie.
Pour prémunir l'Etat, quels que soient ses représentants du moment, contre des tentations qui existent en toute période, nous souhaitons supprimer les mots « les reversements au budget général » parmi les emplois du compte.
Les ressources du compte sont tirées de la cession d'éléments du patrimoine public. Elles ne doivent pas pouvoir être utilisées à d'autres fins que patrimoniales, c'est-à-dire les dotations aux entreprises publiques ou la réduction de la dette publique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Effectivement, certains gouvernements ont cédé à la tentation d'utiliser les excédents du compte de privatisation pour couvrir des dépenses de fonctionnement. Tel fut le cas en 1993 à hauteur de 18 milliards de francs et en 1994 pour un montant de 50 milliards de francs.
A l'époque, le gouvernement que vous souteniez peut-être trouvait là un moyen de minorer optiquement le déficit qui résultait de sa politique budgétaire.
Mais, c'est du passé et nous n'allons pas, pour notre part, procéder à ce type d'opération.
Même si nous n'avons pas utilisé cette faculté, puisqu'elle n'a pas été mobilisée depuis 1995, je souhaite le rejet de votre amendement pour plusieurs raisons.
Premièrement, de nombreux autres comptes d'affectation spéciale peuvent effectuer des reversements au budget général. Pourquoi faire un sort particulier à ce compte 902-24 ?
Deuxièmement, vous savez que le budget général a la capacité de supporter des dotations en capital au budget des charges communes par le truchement du chapitre 54-90 bien connu. Il ne serait donc pas illégitime, en principe, à condition que les fonds soient affectés par le biais du chapitre 54-90, que les excédents du compte 902-24 puissent être versés au budget général.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 23.
Par amendement n° 59, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 23, un article additionnel, ainsi rédigé :
« L'article 3 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations est complété in fine par un alinéa, ainsi rédigé :
« Avant de prendre l'arrêté mentionné au 7e alinéa du 2° du présent article, le ministre chargé de l'économie, des finances et de l'industrie transmet aux présidents des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat l'ensemble des pièces à partir desquelles la commission des participations et des transferts fonde l'évaluation visée au 5e alinéa du présent article ainsi que les comptes rendus des travaux de cette commission. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est encore un amendement méthodologique visant à une meilleure information du Parlement, cette fois-ci à l'occasion de chaque opération de cession d'une participation publique. Nous souhaitons que les présidents des commissions des finances soient destinataires de l'ensemble des pièces, en particulier de l'évaluation réalisée par la commission des participations et des transferts.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement parce que la plupart des informations qu'utilise la commission des participations et des transferts relèvent du secret des affaires, et que leur manipulation commande donc la plus grande prudence. Il serait par conséquent dangereux, voire très dangereux que ces documents techniques soient systématiquement diffusés, surtout si l'opération en question n'était pas encore menée à son terme.
En revanche - et je vais là dans le sens du rapporteur général - il est souhaitable que les avis de la commission des participations et des transferts, qui sont rendus publics avec l'arrêté du ministre, soient aussi détaillés et précis que possible. C'est le cas aujourd'hui mais peut-être peut-on aller encore plus loin si le rapporteur général le souhaite. Je demande donc le retrait de cet amendement et, à défaut, son rejet.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant de la confidentialité des informations, je ferai remarquer que la transmission concerne les présidents des commissions des finances des deux chambres du Parlement, deux personnes dont on sait qu'elles traiteront ces sujets avec toute la réserve et la probité correspondant à leurs fonctions.
Il me semble donc que le dispositif tel qu'il est prévu dans cet amendement ne devrait pas susciter une telle opposition de la part du Gouvernement. Bien entendu, la commission maintient son amendement.
Il n'est absolument pas dans notre objectif de vouloir attenter au secret des affaires, cela va de soi. D'ailleurs, l'essentiel des privatisations est sans doute derrière nous. Peut-être qu'un jour, effectivement, sous d'autres cieux, dans d'autres conjonctures, ce mouvement reprendra mais, dans l'immédiat, monsieur le ministre, accéder à de telles demandes d'informations ne risquerait pas de bouleverser les dossiers des mois, voire des quelques années à venir.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 23.
Par amendement n° 60, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 23, un article additionnel ainsi rédigé :
« A compter du dépôt du projet de loi de finances pour 2001, le projet de loi de finances de l'année est accompagné d'annexes explicatives faisant connaître notamment :
« 1° La situation des comptes de l'Etat telle qu'elle résulte de l'application des principes et des règles du plan comptable général ;
« 2° La situation consolidée des comptes des administrations publiques centrales pour la dernière année où celle-ci est disponible ainsi que pour l'année à venir ;
« 3° La situation consolidée des comptes des administrations publiques centrales et des administrations de sécurité sociale la dernière année où celle-ci est disponible ainsi que pour l'année à venir ;
« 4° L'équilibre du projet de loi de finances à partir d'une présentation de ses opérations comprenant une section de fonctionnement et une section d'investissement ;
« 5° Le solde budgétaire et la situation de la dette publique au sens qu'en donnent les textes d'application prévus à l'article 104 C du traité instituant la Communauté européenne. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne vais pas revenir sur le détail de ces propositions, nous les avons déjà abordées lors de la discussion du projet de loi de finances. Il s'agit de plusieurs idées importantes sur le plan de la méthode, destinées à rendre plus authentiques ou plus convaincants nos débats budgétaires.
Il s'agit en particulier de faire figurer en annexes explicatives la situation consolidée des comptes des administrations publiques centrales, situation consolidée tenant compte de tous les éléments du patrimoine public, notamment de la part qui se trouve dans le secteur des établissements publics et des entreprises contrôlées par l'Etat. Il s'agit également de la situation consolidée entre les comptes des administrations publiques centrales et ceux des administrations de sécurité sociale, le fameux budget consolidé d'un côté, qui met en évidence, ce qui ressortit à l'Etat et, de l'autre, ce qui ressortit à la sécurité sociale.
Naturellement, la prescription de séparer la section de fonctionnement et la section d'investissement, une définition plus claire du solde budgétaire et de la situation de la dette publique sont autant d'idées sur lesquelles nous souhaitons un vote de principe avant d'y revenir à l'occasion de l'examen de propositions de modification de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959, propositions que la commission des finances s'efforcera de mettre au point et de rendre publiques dans les quelques mois qui viennent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mon avis se scindera en deux parties.
Sur la démarche générale tendant à la rénovatin de nos procédures budgétaires et financières, pour laquelle M. le rapporteur général vient à nouveau de plaider avec force, le Gouvernement émet un accord de principe, qu'il a déjà concrétisé par un certain nombre de progrès dans la présentation budgétaire.
Ainsi, nous poussons - et c'est évidemment le ministère de l'économie des finances et de l'industrie qui est en pointe - à la signature de contrats pluriannuels. Nous allons plus loin en développant une programmation pluriannuelle des finances publiques, en instaurant une présentation par acteur et par programme. Nous sommes en train de remodeler complètement la comptabilité de l'Etat pour qu'elle soit moins juridique et qu'elle devienne davantage analytique. Tout cela va, je crois, dans la bonne direction.
Votre amendement est plus précis ; vous demandez la transmission de quatre types d'informations qui figurent déjà dans un certain nombre de documents. Certaines figurent dans le programme pluriannuel d'évolution des finances publiques, qui détaille de façon consolidée la situation des différentes administrations publiques. Nous aurons, je pense, l'occasion d'en parler en janvier.
Au printemps, le Gouvernement publie ce que l'on appelle le compte général de l'administration, qui présente, en fait, un bilan simplifié d'un côté, un compte des résultats de l'Etat de l'autre, établis selon les règles du plan comptable général.
Enfin, à l'automne, paraît le rapport économique, social et financier et vous obtenez les réponses à vos nombreuses questions rassemblées dans le questionnaire général.
Je pense également à la séparation que vous souhaitez et que vous obtenez - je la trouve quelque peu artificielle, mais je respecte votre souhait - entre sections d'investissements et sections de fonctionnement.
Finalement, nous allons dans la direction que vous souhaitez, et les quatre informations principales que vous désirez obtenir sont déjà largement dispensées dans les documents que l'Etat vous communique.
Dans ces conditions, je pense que vous pourriez retirer votre amendement, monsieur le rapporteur général ; à défaut, j'en demanderai le rejet.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne suis pas tout à fait aussi optimiste que le Gouvernement et celui-ci a besoin d'être encore encouragé pour aller dans le sens qui est esquissé par la commission des finances. Il me semble donc préférable que le Sénat adopte l'amendement, qui comporte des repères clairs et précis pouvant nous être utiles dans l'avenir.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 60, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 23.
Article 23 bis