Séance du 1er décembre 1999
M. le président. Par amendement n° 1-105 rectifié, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Doublet, Hérisson, Joyandet, du Luart, Ostermann, Trégouët et Vasselle proposent d'insérer, après l'article 31, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le tarif de la redevance du compte d'affectation spéciale n° 902-00 "Fonds national de développement des adductions d'eau", institué par l'article 2 du décret n° 54-982 du 1er octobre 1954 et modifié par l'article 46 de la loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993 de finances pour 1994, est porté pour l'eau tarifée au mètre cube utilisé pour les besoins domestiques, de 14 centimes par mètre cube à 16 centimes par mètre cube au 1er janvier 2000.
« II. - Les tarifs de la redevance par tranche de consommation pour l'eau tarifée au mètre cube utilisé pour les besoins industriels ou agricoles sont uniformément relevés dans les mêmes proportions de 2 centimes par mètre cube au cours de la prochaine année.
« III. - Les tarifs de la redevance selon les diamètres de branchement pour l'eau tarifée suivant d'autres systèmes ou ne faisant l'objet d'aucune tarification, quel qu'en soit l'usage, sont relevés dans les mêmes proportions que le tarif au mètre cube de la redevance pour les besoins domestiques.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je voudrais préalablement dire à notre collègue Pastor que je fais amende honorable. Les événements exceptionnels ne sont effectivement pas maîtrisables. Je suis l'élu d'un canton dont les deux tiers de la surface sont situés au-dessous du niveau des hautes eaux de la mer. Je sais par conséquent ce qu'est une catastrophe naturelle.
Je dis simplement qu'il nous faudrait une politique plus cohérente et plus large en matière d'eaux fluviales et de gestion des rivières, avec l'établissement de barrages notamment. Paris n'a plus connu de crue après celle de 1910, précisément grâce aux barrages qui ont été réalisés en amont de la Seine et aux immenses réservoirs qui amortissent les conséquences des crues. Il est vrai que la construction de tels barrages coûte des centaines de millions de francs !
Par conséquent, s'il est exact qu'on ne peut pas tout prévoir, on peut néanmoins, grâce à une politique cohérente et développée, atténuer les conséquences des catastrophes. Pour le reste, si mes propos ont dépassé ma pensée, je vous prie d'accepter mes excuses.
J'en viens à l'amendement n° I-105 rectifié, relatif au Fonds national pour le développement des adductions d'eau.
Le Sénat est, je crois, la seule assemblée qui accepte, depuis longtemps, de défendre les ressources de ce fonds, créé en 1954. Il deviendrait désormais une section du Fonds national de l'eau, section dont l'ordonnateur principal serait le ministre de l'agriculture. Comme l'ont dit un certain nombre de collègues, il y aurait dorénavant deux cagnottes, l'une pour l'environnement, l'autre pour l'agriculture.
Comment les choses vont se passer, nous ne le savons toujours pas.
Quoi qu'il en soit, le FNDAE est le partenaire privilégié des collectivités locales. Il a passé des contrats et apporte une aide importante aux collectivités rurales. De plus, il assure, c'est vrai, une péréquation entre le milieu urbain et le milieu rural, ce qui n'est pas une mauvaise chose.
Nous avons été nombreux sur ces travées, qu'elles que soient d'ailleurs nos opinions, à défendre la réactualisation des ressources du FNDAE. Actuellement, le tarif de la redevance s'élève à 14 centimes le mètre cube. S'il avait suivi l'inflation, il s'établirait aujourd'hui à 25 centimes par mètre cube, soit quasiment le double. Avec notre amendement, nous proposons une hausse de 2 centimes par mètre cube, sachant que 1 centime représente 45 millions de francs de ressources qui ne seront perçues que deux ans plus tard, car il faut d'abord percevoir la recette sur les consommations d'eau.
Cette réactualisation des ressources du FNDAE est d'autant plus nécessaire pour assurer le financement des nombreux investissements des collectivités locales que l'Etat a opéré sur le FNDAE une ponction de 150 millions de francs, destinés au financement du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA. Voilà pourquoi nous proposons, certains collègues et moi-même, cette actualisation.
Les services du ministère de finances nous rétorqueront que cela va entraîner une inflation. Je voudrais les rassurer sur ce point. Si inflation il y a, non seulement elle sera de la moitié de ce qu'elle aurait dû être, mais j'ajouterai qu'une augmentation de un centime de la redevance pour les usagers qui ont l'assainissement et qui acquittent un prix moyen de 17 francs par mètre cube d'eau en France correspondrait à une augmentation de 0,059 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est beaucoup !
M. Jacques Oudin. Pour les abonnés qui n'ont pas l'assainissement, l'augmentation serait de 0,125 %. Voilà pourquoi nous plaidons en faveur d'une augmentation de 2 centimes du tarif de la redevance pour accroître les ressources du FNDAE, soit 90 millions de francs supplémentaires dans deux ans sur 900 millions de francs, alors que nous avons perdu, nous, collectivités rurales, 150 millions de francs. Ce serait, je crois, une modeste et une juste compensation ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendant, et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ? M. Philippe Marini, rapporteur général. Une fois n'étant pas coutume, je crains d'évoquer des arguments que notre collègue Jacques Oudin va peut-être estimer un peu trop proches de ceux qu'il entend à Bercy !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Excellente référence !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne sais pas, mais je me dois de rappeler l'analyse qui a été faite en commission.
Le FNDAE fait l'objet, d'année en année, d'importants reports de crédits en autorisations de programme comme en crédits de paiement. Le prix de l'eau ne cesse d'augmenter. Donner un signal supplémentaire d'augmentation, même pour deux centimes, peut paraître contestable.
Bien sûr, cela n'enlève rien à l'objectif visé d'un meilleur équipement des communes rurales. Mais je me dois de rappeler que la commission des finances a souhaité le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement donne un avis négatif sur l'amendement de M. Oudin.
En effet, doté de 938 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2000, le FNDAE ne connaît pas de difficultés de financement et il répond correctement aux besoins des communes rurales, qui bénéficient par ailleurs d'autres systèmes généreux, quoique bien dimensionnés, issus de l'action des agences de l'eau.
Un éventuel relèvement des ressources du FNDAE par une augmentation des centimes additionnels contribuerait à une hausse des prélèvements obligatoires. Horresco referens !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Horresco !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il entraînerait également un renchérissement du prix de l'eau, prix auquel l'opinion publique se montre de plus en plus sensible compte tenu de l'augmentation constatée au début de la décennie. En effet, le prix moyen par mètre cube, qui était en 1990 de neuf francs, s'élève aujourd'hui à dix-sept francs.
Une nouvelle augmentation serait contraire au souci du Gouvernement, récemment réaffirmé et partagé par l'ensemble des acteurs de la gestion des bassins, de stabiliser le prix de l'eau. Ce souci s'est manifesté dans la définition du nouveau Fonds national de l'eau, notamment de la deuxième section, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, dont la création n'aura aucun effet sur le prix de l'eau.
Il serait d'ailleurs paradoxal d'augmenter ses tarifs pour accroître les ressources du FNDAE, qui constitue la première section du compte spécial du Trésor ; je m'en suis expliqué.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous n'avons point encore voté cette disposition !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Si elle ne figure plus dans le projet, le Gouvernement proposera de la rétablir au cours de la navette !
Je précise que les ressources disponibles du FNDAE, soit 938 millions de francs, donneront une certaine aisance grâce aux nouveaux moyens ouverts dans le projet de loi de finances pour 2000. Les missions assignées à ce fonds peuvent être parfaitement satisfaites, monsieur Oudin, sans une augmentation, laquelle aurait un effet néfaste sur les objectifs de la politique de l'eau, ce que nous ne souhaitons pas. C'est pourquoi je demande au Sénat de repousser l'amendement n° I-105 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-105 rectifié.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Nous avons assisté à un débat étonnant. D'un côté, M. le secrétaire d'Etat fait mention d'un nouvel élan pour la politique de l'eau. Quelles sont les ressources supplémentaires pour cette politique ? Aucune !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Parce qu'il y a assez de ressources !
M. Jacques Oudin. Comment, monsieur le secrétaire d'Etat ? Tous les contrats entre le FNDAE et le département ont été réduits de 15 %. Le prix de l'eau, dites-vous a augmenté. Pourquoi est-il passé de 9 francs à 17 francs ?
Vous pourriez faire des comparaisons. Le prix du mètre cube d'eau en Allemagne, par exemple, est de 25 francs et aux Pays-Bas de 20 francs. Il faut savoir ce qui se passe ailleurs. Pourquoi a-t-on augmenté le prix de l'eau ? Parce qu'on a investi !
J'ai investi 200 millions de francs en quinze ans. Le prix du mètre cube d'eau dans mon département s'élève à 30 francs, je le reconnais. Personne n'en est mort. J'habite dans une contrée éloignée. Il faut amener l'eau de quatre-vingts kilomètres et l'épurer. Il y a des bassins ostréicoles le long des rivages et des plages. C'est vital.
A-t-on, oui ou non, une politique de l'eau ? Dans l'affirmative, avec quoi allez-vous la financer ? Vous disposez du FNDAE, qui est modeste et qui s'élève à 900 millions de francs. Notons 11 milliards de francs de redevance des agences. Quand on vous demande une actualisation, vous rétorquez que tout va bien. Ce n'est pas vrai ! Combien de collectivités rurales ne peuvent pas investir en raison d'un coût élevé ? Le premier investissement n'est pas rentable. En effet, lorsque vous faites une station d'épuration et que vous installez 300 mètres de tuyaux, vous n'avez aucune recette.
Il faut aider les collectivités locales. Votre refus est totalement en contradiction avec l'élan que vous avez souligné.
Quant à l'inflation, n'en parlons pas, j'ai cité les chiffres. Je regrette d'être en contradiction de pensée avec M. le rapporteur général...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est rare !
M. Jacques Oudin. C'est la seule fois ! Mais sur ce point, mes convictions sont faites. Cela fait longtemps que je me bats pour l'eau, avec d'autres membres de cet hémicycle. Nous devons peut-être réformer le Fonds national pour le développement des adductions d'eau ou le Fonds national de l'eau. Mais alors que nous avons décidé de stabiliser les redevances qui n'ont pas augmenté depuis trois ans dans les comités de bassin, nous devons ajuster la redevance du FNDAE. C'est pourquoi, je voterai cet amendement.
M. Roland du Luart. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Pendant plus de dix ans, j'ai été rapporteur du budget de l'agriculture et, à ce titre, j'ai siégé au sein du comité du Fonds national pour le développement des adductions d'eau. Je suis tout à fait solidaire avec le point de vue que vient de défendre mon collègue M. Oudin.
Le double mécanisme que l'on veut instituer contient en lui-même les germes de frictions entre les ministères de l'agriculture et de l'aménagement du territoire et de l'environnement chacun gérant un fonds différent et concurrentiel. Il ne peut y avoir que des blocages.
Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit notre collègue Pastor tout à l'heure : personne ne peut prévoir les calamités naturelles telles celles qu'a malheureusement subies le sud de la France, mais ce qui est certain, c'est que les collectivités territoriales, les conseils généraux, doivent avoir les moyens d'exécuter dans des délais rapides les grands ouvrages qui sont indispensables pour pallier les effets de très grandes calamités.
Or, depuis plusieurs années, on réduit les dotations dont bénéficient les conseils généraux en provenance du FNDAE. Les programmations entre le ministère de l'agriculture et les collectivités territoriales permettaient de résoudre pragmatiquement les problèmes se posant sur le terrain en réalisant les ouvrages indispensables. C'est donc faire aujourd'hui aux collectivités une très mauvaise manière que de refuser de les doter des moyens dont elles ont besoin pour aller plus loin.
Pour ce qui est de l'inflation, permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous nous battons tous pour limiter les prélèvements obligatoires, mais que le Gouvernement s'en charge avec une louche assez grosse en matière de fiscalité directe ! Ce ne sont pas les 2 centimes de M. Oudin qui vont vraiment charger la barque des prélèvements obligatoires. Ou alors cela fera sourire beaucoup de gens dans cet hémicycle.
M. Alain Lambert président de la commission des finances. Ce n'est pas la goutte d'eau qui fera déborder le vase ! (Sourires.)
M. Roland du Luart. Par ailleurs, le FNDAE travaille bien mais les gouvernements successifs ont confisqué une partie de ses moyens au profit des programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole. Moi, je considère qu'il faut rétablir les moyens du fonds pour qu'il puisse fonctionner de la façon la plus efficace possible.
Voilà la raison pour laquelle je soutiens, avec la plus ferme détermination, l'amendement que j'ai cosigné avec mon collègue Jacques Oudin. C'est pour notre pays la seule façon de mettre en oeuvre, autour de l'eau, une véritable solidarité entre le milieu urbain et le milieu rural et, surtout, de réaliser des projets qui ne peuvent aboutir qu'avec ce concours spécifique.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-105 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 31.
Article 31 bis