Séance du 29 novembre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Décès d'un sénateur (p. 1 ).

3. Communication du Conseil constitutionnel (p. 2 ).

4. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 3 ).

5. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 4 ).

Article 1er (p. 5 )

MM. Yves Fréville, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
Adoption de l'article.

Article additionnel avant l'article 2 (p. 6 )

Amendement n° I-117 rectifié de M. du Luart repris par la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; le secrétaire d'Etat, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Yves Fréville, Jacques Oudin. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2 (p. 7 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jacques Oudin.
Amendements n°s I-1 de la commission, I-163 de Mme Beaudeau et I-220 de M. Oudin. - M. le rapporteur général, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jacques Oudin, le secrétaire d'Etat, Alain Lambert, président de la commission des finances ; Yves Fréville. - Adoption de l'amendement n° I-1, les amendements n°s I-163 et I-220 devenant sans objet.
Amendements n°s I-2 de la commission et I-221 de M. Oudin. - MM. le rapporteur général, Jacques Oudin, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement n° I-221 ; adoption de l'amendement n° I-2.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 2 (p. 8 )

Amendement n° I-226 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-222 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-167 de Mme Beaudeau. - MM. Paul Loridant, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. le président de la commission. - Rejet.
Amendement n° I-106 de M. Ostermann. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-223 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse. - Retrait.
Amendements n°s I-121 de M. Revet et I-169 de Mme Beaudeau. - M. Jean Clouet, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Caldaguès. - Retrait de l'amendement n° I-121 ; rejet de l'amendement n° I-169.
Amendement n° I-86 de M. Miquel. - MM. Bernard Angels, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-170 de M. Loridant. - MM. Paul Loridant, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Yann Gaillard, Michel Caldaguès. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements n°s I-72 et I-73 de M. Fréville. - MM. Yves Fréville, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° I-224 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-225 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général.

Suspension et reprise de la séance (p. 9 )

Amendement n° I-225 rectifié de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-141 rectifié de M. Miquel. - MM. Jean-Pierre Demerliat, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Articles additionnels après l'article 2
ou après l'article 7 (p. 10 )

Amendements n°s I-20 de la commission, I-164 et I-165 de Mme Beaudeau. - M. le rapporteur général, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement n° I-20 insérant un article additionnel après l'article 7, les amendements n°s I-164 et I-165 devenant sans objet.

6. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 11 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 12 )

7. Rappel au règlement (p. 13 ).
MM. Michel Charasse, le président.

8. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 14 ).

Articles additionnels après l'article 2 (suite) (p. 15 )

Amendement n° I-171 de M. Loridant. - MM. Paul Loridant, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Jean Chérioux, Michel Caldaguès, Yann Gaillard. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-168 de Mme Beaudeau. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendements identiques n°s I-120 de M. du Luart et I-229 de M. Gaillard. - MM. Roland du Luart, Yann Gaillard, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° I-260 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-127 de M. du Luart et I-257 rectifié de M. Oudin. - MM. Jean Clouet, Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse. - Retrait de l'amendement n° I-257 rectifié ; adoption de l'amendement n° I-127 insérant un article additionnel.
Amendement n° I-228 de M. Gaillard. - MM. Yann Gaillard, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-227 de M. Gaillard. - MM. Yann Gaillard, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-258 rectifié de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-125 rectifié de M. du Luart et I-234 rectifié de M. Oudin. - MM. Roland du Luart, Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait des deux amendements.

Article additionnel avant l'article 2 bis (p. 16 )

Amendement n° I-3 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Yves Fréville. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2 bis (p. 17 )

Amendement n° I-4 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Marc Massion, Alain Lambert, président de la commission des finances ; Michel Charasse. - Adoption.
Amendement n° I-288 rectifié bis de M. Baylet. - MM. Yvon Collin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 2 bis (p. 18 )

Amendement n° I-231 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-232 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, le président de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2 ter (p. 19 )

Mme Marie-Claude Beaudeau.
Amendement n° I-5 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° I-6 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 2 ter (p. 20 )

Amendement n° I-159 rectifié de M. Joly repris par la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques n°s I-107 de M. Ostermann, I-122 de M. du Luart et I-147 de M. Hamel. - MM. Joseph Ostermann, Roland du Luart, Emmanuel Hamel, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean Chérioux. - Adoption des amendements insérant un article additionnel.

Article 3 (p. 21 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Denis Badré.
Amendements identiques n°s I-128 de M. du Luart et I-267 de M. Delong ; amendement n° I-270 de M. Fréville. - MM. Roland du Luart, Jacques Oudin, Yves Fréville.

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Yves Fréville. - Retrait des amendements n°s I-267 et I-270 ; rejet de l'amendement n° I-128.
Amendement n° I-7 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-269 de M. Hyest. - MM. Yves Fréville, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Denis Badré. - Adoption.
Amendement n° I-241 de M. Darcos. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-78 de M. Hoeffel. - MM. Denis Badré, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-87 de M. Moreigne. - MM. Michel Moreigne, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-242 de M. Gournac. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-129 de M. du Luart. - MM. Jean Clouet, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Denis Badré. - Adoption.
Amendement n° I-130 rectifié bis de M. de Rocca Serra repris par la commission et sous-amendement n° I-293 de M. Charasse. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse, Yves Fréville, Michel Dreyfus-Schmidt, Yann Gaillard. - Rejet du sous-amendement et de l'amendement.
Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 3 (p. 22 )

Amendement n° I-246 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-176 de Mme Beaudeau, I-131, I-132 de M. du Luart, I-243 à I-245 de M. Oudin et I-110 de M. Ostermann. - MM. Thierry Foucaud, Jean Clouet, Jacques Oudin, Joseph Ostermann, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Yves Fréville. - Rejet des amendements n°s I-176, I-131, I-243 et I-110 ; retrait des amendements n°s I-132, I-244 et I-245.
Amendement n° I-88 de M. Angels. - MM. Jean-Pierre Demerliat, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-89 de Mme Pourtaud. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-90 de Mme Pourtaud. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
M. le secrétaire d'Etat.

9. Remplacement d'un sénateur décédé (p. 23 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 24 )

10. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 25 ).

Articles additionnels après l'article 3 (suite) (p. 26 )

Amendement n° I-177 rectifié de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. - Retrait.
Amendement n° I-173 de Mme Beaudeau. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-109 de M. Ostermann. - MM. Joseph Ostermann, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse. - Retrait.
Amendements n°s I-108 de M. Ostermann, I-79, I-81 rectifié bis de M. Hérisson, I-175 de Mme Beaudeau, I-80 rectifié bis et I-82 rectifié de M. Arnaud. - MM. Joseph Ostermann, Philippe Arnaud, Paul Loridant, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Denis Badré, Jacques Oudin, Yann Gaillard, Yves Fréville. - Retrait des amendements n°s I-79, I-81 rectifié bis, I-80 rectifié bis et I-82 rectifié ; adoption de l'amendement n° I-108 insérant un article additionnel, l'amendement n° I-175 devenant sans objet.
Amendements n°s I-91 de M. Angels et I-178 de Mme Beaudeau. - M. Bernard Angels, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement n° I-91 ; rejet de l'amendement n° I-178.
Amendements n°s I-83 de M. Badré, I-172 de Mme Beaudeau et I-247 de M. Oudin. - MM. Denis Badré, Paul Loridant, Auguste Cazalet, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements n°s I-83 et I-247 ; rejet de l'amendement n° I-172.
Amendements n°s I-92 et I-93 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° I-271 de M. Badré. - MM. Denis Badré, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements n°s I-8 de la commission et I-174 de Mme Beaudeau. - M. le rapporteur général, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le secrétaire d'Etat, Michel Charasse. - Adoption de l'amendement n° I-8 insérant un article additionnel, l'amendement n° I-174 devenant sans objet.

Article 3 bis. - Adoption (p. 27 )

Article 4 (p. 28 )

Amendement n° I-94 de M. Mauroy. - MM. Jean-Pierre Demerliat, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article.

Article 4 bis. - Adoption (p. 29 )

Article 5 (p. 30 )

Amendement n° I-61 rectifié de M. Michel Mercier et sous-amendement n° I-294 de M. Charasse. - MM. Michel Mercier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse, Yves Fréville. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Amendements n°s I-9 et I-10 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Yves Fréville, Michel Mercier, Alain Lambert, président de la commission des finances. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.

11. Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 31 ).

12. Dépôt d'une proposition de loi organique (p. 32 ).

13. Dépôt de propositions de loi (p. 33 ).

14. Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 34 ).

15. Dépôt d'un rapport d'information (p. 35 ).

16. Ordre du jour (p. 36 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCÈS D'UN SÉNATEUR

M. le président. J'ai le profond regret de vous faire part du décès de notre collègue Alain Peyrefitte, sénateur de Seine-et-Marne.
M. le président du Sénat prononcera l'éloge funèbre de notre très regretté collègue, qui a été une éminente personnalité de la Ve République, tant comme ministre que comme parlementaire et élu local. Chacun gardera aussi le souvenir de l'homme de lettres et de l'historien, qui a su jeter un regard d'humaniste sur l'évolution du monde moderne.

3

COMMUNICATION
DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. En application de l'article 34 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat a été informé que le Conseil constitutionnel a été saisi d'une requête enregistrée le 24 novembre 1999 contre l'élection sénatoriale qui s'est déroulée le 14 novembre 1999 dans le département de la Savoie.
Acte est donné de cette communication.

4

CANDIDATURES À
UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.

5

LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (n° 88, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 89 (1999-2000).]
La discussion générale a été close au cours de la dernière séance.
Nous passons à la discussion des articles.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. _ IMPÔTS ET REVENUS AUTORISÉS
A. _ Dispositions antérieures

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. _ I. _ La perception des impôts, produits et revenus affectés à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d'être effectuée pendant l'année 2000 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de finances.
« II. _ Sous réserve de dispositions contraires, la loi de finances s'applique :
« 1° A l'impôt sur le revenu dû au titre de 1999 et des années suivantes ;
« 2° A l'impôt dû par les sociétés sur leurs résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 1999 ;
« 3° A compter du 1er janvier 2000 pour les autres dispositions fiscales. »
Sur l'article, la parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. L'article 1er reconduit naturellement l'autorisation de percevoir les impôts, au bénéfice non seulement de l'Etat mais aussi de toute une série d'organismes ou fonds, en particulier le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
Il ne s'agit pas, cette année, d'une décision de pure forme puisque cinq impôts sont concernés par ce fonds. Nous reparlerons plus tard de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, et des droits sur les tabacs ; deux autres ont été créés par la loi de financement de la sécurité sociale, à savoir l'impôt de taxation des heures supplémentaires, d'une part, et la contribution sociale sur les bénéfices, d'autre part.
C'est, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le cinquième de ces impôts que je voudrais vous interroger. Les droits sur les boissons avaient été affectés au Fonds de solidarité vieillesse par un article de la loi de finances pour 1994, c'est-à-dire conformément à la procédure de l'article 18 de l'ordonnance organique sur les lois de finances. Je souhaite tout simplement savoir si, en votant l'article 1er, nous reconduirons bien cette affectation, qui a été modifiée en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je me permets d'insister, car il y a là la source d'un éventuel recours devant le Conseil constitutionnel, dans la mesure où ce qu'une loi de finances a fait, seule une loi de finances pour le défaire. La loi de finances pour 1994 ayant affecté ces recettes au Fonds de solidarité vieillesse, j'estime qu'il aurait fallu, pour le moins, comme pour la TGAP et comme pour les droits sur les tabacs, que ce changement d'affectation soit explicitement prévu dans le présent projet de loi de finances.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je veux rassurer M. Fréville : la dotation qui était autrefois inscrite au bénéfice du Fonds de solidarité vieillesse passe maintenant au fonds d'allégement des charges de sécurité sociale. Vous avez donc entièrement satisfaction, monsieur le sénateur.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

B. - Mesures fiscales

Article additionnel avant l'article 2



M. le président.
Par amendement n° I-117, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présentera sur le bureau de chaque assemblée parlementaire, avant le 1er octobre 2000, un rapport comprenant une présentation consolidée du projet de loi de finances pour 2001 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, et en particulier leur impact global en termes de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-117 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le défendre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement me paraît tout à fait utile car il met l'accent sur une très grande insatisfaction de notre assemblée.
Nous observons que les prélèvements obligatoires sont à présents répartis entre la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances, chacune obéissant à ses règles propres et chacune étant discutée de manière autonome. Or nous avons besoin d'une vue d'ensemble sur la politique des prélèvements obligatoires et sur leur affectation.
Au demeurant, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, lors de la discussion générale, a fait preuve d'une certaine ouverture sur ce sujet en laissant entendre que cette présentation consolidée pourrait être livrée aux assemblées parlementaires à l'occasion du débat d'orientation budgétaire. Ce serait déjà un premier pas.
Le dispositif de cet article additionnel, initialement déposé par le groupe des Républicains et Indépendants, vient bien à la rencontre des préoccupations de la commission des finances puisqu'il prescrit la présentation d'un rapport avant le 1er octobre 2000 de telle sorte que, l'an prochain, nous soyons éclairés, en abordant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 comme du projet de loi de finances pour 2001, sur l'impact de ces deux textes en termes de prélèvements obligatoires et de leur affectation à la dépense publique.
Il s'agit là d'une excellente initiative, que la commission des finances reprend sans réserve à son compte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je veux indiquer à M. le rapporteur général que l'objectif qu'il poursuit est également celui du Gouvernement : présentation des comptes clairs et lisibles par le Parlement et, au-delà, par la presse et l'opinion.
Le rapport présenté à l'occasion du débat d'orientation budgétaire offre déjà une vue consolidée des comptes. Surtout, le projet de loi de finances est assorti, comme le prévoient les articles 32 et 38 de l'ordonnance organique, d'un rapport très complet et extrêmement clair, qui satisfait à votre objectif, monsieur le rapporteur général : « Avoir une vision exacte de la situation financière de la France ; analyser l'évolution réelle des impôts et des dépenses ».
Autrement dit, l'ensemble des informations que vous demandez est contenu dans ce rapport.
Par ailleurs, le programme pluriannuel des finances publiques à l'horizon 2002 présenté au Parlement à la fin du mois de décembre de l'an dernier met en perspective l'évolution à moyen terme des finances de l'ensemble des administrations publiques : Etat, sécurité sociale et collectivités locales, ces dernières ne devant pas être oubliées, monsieur le rapporteur général, lorsqu'il est question des prélèvements obligatoires.
En conclusion, je pense qu'il n'est peut-être pas nécessaire de multiplier les documents de présentation. Ce qui existe est satisfaisant. Mais il faut aller dans votre sens et faire en sorte que, chaque année, les documents soient plus clairs, plus précis, et qu'ils répondent bien à l'objectif premier du contrôle parlementaire que vous avez souligné à juste titre.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-117 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. Je vais donc le mettre aux voix.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Par cet amendement, il est proposé qu'il soit dorénavant procédé à une présentation consolidée des comptes retracés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances.
Cette année, un certain nombre de mouvements ont effectivement lieu entre les deux textes, mouvements qui ont d'ailleurs été rejetés par la majorité sénatoriale, laquelle a déjà singulièrement mis à mal le projet de loi sur la réduction du temps de travail comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale et est aujourd'hui opposée par principe à la présente loi de finances, ainsi qu'en témoignent, par exemple, les amendements de suppression des articles 27 bis et 29, qui matérialisent les transferts de recettes fiscales au bénéfice du financement de la protection sociale.
J'avoue d'ailleurs assez mal comprendre la perplexité des membres de la majorité sénatoriale, notamment quand ils parlent de « bonneteau fiscal ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah bon ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Les mesures conjuguées de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances sont, à notre avis, aisément identifiables pour qui accorde un peu de temps aux documents budgétaires.
Le produit de la taxe générale sur les activités polluantes et une part importante de celui des droits de consommation sur les tabacs et sur les boissons alcoolisées se voient ainsi transférés vers les recettes de la protection sociale. Dans le même temps, on constate une disparition de la majoration exceptionnelle de 10 % de l'impôt sur les sociétés perçue au profit du budget de l'Etat et la création d'une contribution d'un montant plus faible pour le financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Laborieuse démonstration !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il faut souligner qu'il y a non pas évolution globale à la hausse du pourcentage des prélèvements obligatoires mais des changements d'affectation des produits, ce dont d'ailleurs nous pourrions discuter.
Nous avons eu l'occasion de préciser que le choix consistant à financer des allégements de cotisations sociales par l'affectation de droits de consommation, donc de droits indirects, ne nous paraissait pas nécessairement le meilleur. De même, nous ne sommes pas convaincus que l'embauche soit essentiellement freinée par l'existence de prélèvements sociaux. Il nous semble en particulier qu'il est plus que temps de réorienter vers un soutien au financement de l'investissement l'action de l'Etat en direction des entreprises.
Force est de constater que la démarche de nos collègues de la majorité sénatoriale n'est rien de moins qu'idéologique. Rien ne prouve en effet que la réduction des prélèvements sociaux et fiscaux soit la meilleure condition d'un développement économique et social harmonieux.
Le fait que notre pays ait choisi de socialiser la satisfaction de besoins relatifs à la santé, la retraite ou l'éducation implique évidemment l'existence d'un système de prélèvements qui n'existe pas sous cette forme dans les pays où ces besoins reçoivent le plus souvent une réponse individualisée.
Peut-être nos collègues souhaitent-ils remettre en cause l'existence de la sécurité sociale et la réduire à ce qui existe aux Etats-Unis. Notons que les prélèvements facultatifs - mais en fait obligatoires - que les salariés américains doivent consentir pour financer leur santé ou leur retraite sont à rapprocher de ceux qu'assument en France la Caisse nationale d'assurance maladie ou la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Je ne suis pas persuadée qu'il y ait, au bout du compte, une grande différence entre ces modes de prélèvement. La différence, elle réside dans le fait que, en France, la sécurité sociale organise la solidarité entre les générations ou entre les malades et les biens-portants, alors que, aux Etats-Unis, tout le monde le sait, des sommes considérables normalement dédiées à la protection peuvent partir en fumée sur les marchés financiers où interviennent les fonds de pension et les compagnies d'assurance privées.
Vous l'avez compris, mes chers collègues, nous ne voterons pas cet amendement, initialement présenté par le groupe des Républicains et Indépendants et repris par M. le rapporteur général.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je voterai, moi, cet amendement car il est absolument nécessaire à la clarté de nos débats.
J'ai bien lu le rapport économique et financier qu'évoquait M. le secrétaire d'Etat voilà quelques minutes, et je peux vous garantir, mes chers collègues, que vous n'y trouverez, par exemple, nulle trace du transfert des droits sur les boissons alcoolisées du fonds de solidarité vieillesse au fonds de financement de la sécurité sociale. Je n'ai pas non plus trouvé, dans ce rapport, une présentation claire du produit des impôts qui sera affecté à la sécurité sociale.
Certes, figure à la fin du fascicule sur les voies et moyens une évaluation de ces impôts, mais chacun peut constater que cette évaluation concerne l'année 1999. Autrement dit, la présentation est faite avec un an de retard.
Par conséquent, il est absolument indispensable que ce rapport soit fourni. Qu'il le soit sous forme d'une annexe au rapport économique et financier ou d'un rapport séparé, cela n'a pas d'importance, mais nous devons avoir une vision claire de tous les impôts affectés à tous les établissements publics distincts de l'Etat pour une année donnée, c'est-à-dire, en l'occurrence, 2000.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cela relève-t-il d'une approche idéologique que de vouloir faire en sorte que les parlementaires et les citoyens soient informés clairement des dispositions financières qui sont prises chaque année ? En écoutant Mme Beaudeau, je me posais cette question. La démocratie, c'est d'abord la clarté, et tous ceux qui s'opposent à une plus grande clarté ont certainement des arrière-pensées que je n'oserai qualifier.
Notre droit budgétaire répond à trois principes : celui de l'unité - il n'y a qu'un budget -, celui de l'universalité - le budget doit tout comprendre - et celui de l'annualité - le budget est établi chaque année. Tels sont les principes de base fixés par notre Constitution ! A la suite des événements survenus ces dernières années, nous avons fait exploser ces principes.
Bien évidemment, je voterai l'amendement n° I-117 rectifié. Mais nous pouvons nous poser la question de savoir comment nous en sommes arrivés là. Peut-être pourrait-on faire observer au Gouvernement que son rôle est de faire respecter les règles constitutionnelles. Il accepte d'ailleurs maintenant une meilleure lisibilité des textes. Il reconnaît donc qu'il ne l'avait pas fait auparavant.
Cela signifie que les lois de financement de la sécurité sociale et les lois de finances qu'on nous présente depuis plusieurs années, corrigées d'ailleurs immédiatement après leur vote par les lois rectificatives puis par les annulations de crédits, traduisent bien l'opacité étonnante de nos décisions.
Je demande donc au Gouvernement de revenir au principe de base de notre République, l'unité du budget : il comprend toutes les dépenses et toutes les recettes, et il est voté chaque année par le Parlement, dans la plus grande clarté, je l'espère.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-117 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de la loi de finances, avant l'article 2.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - I. - Les dispositions du I de l'article 197 du code général des impôts sont ainsi modifiées :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 26 230 francs le taux de :
« 10,5 % pour la fraction supérieure à 26 230 francs et inférieure ou égale à 51 600 francs ;
« 24 % pour la fraction supérieure à 51 600 francs et inférieure ou égale à 90 820 francs ;
« 33 % pour la fraction supérieure à 90 820 francs et inférieure ou égale à 147 050 francs ;
« 43 % pour la fraction supérieure à 147 050 francs et inférieure ou égale à 239 270 francs ;
« 48 % pour la fraction supérieure à 239 270 francs et inférieure ou égale à 295 070 francs ;
« 54 % pour la fraction supérieure à 295 070 francs ;
« 2° Au 2, les sommes : " 11 000 francs " et " 20 270 francs " sont remplacées respectivement par les sommes : " 11 060 francs " et " 20 370 francs " et les sommes : " 6 100 francs " et " 5 380 francs " sont remplacées respectivement par les sommes : " 6 130 francs " et " 5 410 francs " ;
« 3° Au 4, la somme : " 3 330 francs " est remplacée par la somme : " 3 350 francs ".
« II. - Le montant de l'abattement prévu au deuxième alinéa de l'article 196 B du code général des impôts est fixé à 20 480 francs. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette intervention sur l'article 2 porte évidemment sur la question, sans cesse posée, de la réforme de l'impôt sur le revenu.
Il est en effet remarquable de constater que cet impôt qui est, si l'on peut dire, le plus directement perçu par nos concitoyens quant à sa réalité concrète est, depuis de longues années - peut-être, en fait, depuis qu'il existe - l'objet d'une controverse sans cesse renouvelée.
Dans le cadre de la réforme fiscale que le Gouvernement a engagée depuis le printemps 1997, il semble que l'impôt sur le revenu fasse l'objet, l'an prochain, d'attentions toutes particulières, au même titre que la fiscalité directe.
On observera que le précédent gouvernement avait engagé une réforme de l'impôt qui consistait, dans ses grandes lignes et compte tenu de l'équilibre général de notre système fiscal, à faire supporter par les revenus les plus faibles une redistribution toujours plus favorable aux revenus les plus importants.
Par conséquent, une réforme de l'impôt sur le revenu nous paraît nécessaire, réforme qui semble acquise, selon les dernières déclarations de M. le Premier ministre.
Pour autant, nous ne pouvons dissocier - et nos amendements de cette année comme les propositions que nous avons formulées les années précédentes en attestent - cette réflexion et cette réforme de l'évolution plus générale de notre fiscalité.
On ne peut d'ailleurs oublier que la réforme de l'impôt sur le revenu a été quelque peu engagée en 1998, dès lors que le basculement des cotisations maladie sur la contribution sociale généralisée, la CSG, a fait de celle-ci une sorte de socle proportionnel de l'impôt progressif.
Je ferai une première observation à ce propos.
Il est manifeste que l'assiette de la CSG et celle de l'impôt progressif sont nettement différentes, même si cela n'apparaît pas vraiment pour les salariés. C'est sans doute là une première piste de réflexion qu'il conviendrait d'explorer.
Si l'on souhaite modifier l'économie générale de notre impôt progressif, il importe de s'interroger sur l'opportunité d'apporter un certain nombre d'exceptions à la règle fiscale qui en appauvrissent singulièrement le rendement et qui conduisent in fine à ne traduire qu'imparfaitement les notions de justice fiscale comme l'efficacité de l'impôt.
Il demeure en effet inconcevable que les revenus du capital contribuent pour 11 % au rendement de la CSG et que ce pourcentage s'établisse à 3 % dès qu'il s'agit de l'impôt progressif, auquel ils échappent donc très largement, et ce sans tenir compte de la qualité même des placements qui les génèrent.
Nous continuons de penser que l'égalité devant l'impôt est quelque peu mise à mal par cette situation et que toute réforme de l'impôt sur le revenu doit viser à mettre un terme à ces distorsions.
Par ailleurs, ainsi que nous l'avons souligné, une réforme de l'impôt sur le revenu, outre qu'elle permet de faire cesser quelques privilèges que rien ne justifie véritablement, doit aussi se fixer comme objectif d'offrir des marges de réduction du poids des autres impôts.
Nous ne sommes pas opposés à un accroissement relatif du rendement de l'impôt sur le revenu si, dans le même temps, un effort particulier est accompli pour réduire la taxe sur la valeur ajoutée ou d'autres droits indirects.
C'est d'autant plus pertinent que la moitié des contribuables de l'impôt sur le revenu sont aujourd'hui non imposés, dont un nombre non négligeable, soulignons-le - plus de 1,3 million de foyers, si je ne me trompe -, l'est du fait de l'accumulation d'avoirs fiscaux et de l'application de telle ou telle réduction de cotisation.
Or chacun sait que, dans le même temps, la TVA n'oublie personne et frappe donc beaucoup plus fort ceux qui n'ont que peu pour consommer et vivre.
Je formulerai une dernière remarque. Compte tenu d'un certain nombre de pratiques en vigueur chez nos partenaires européens, devons-nous envisager de remettre en question notre système déclaratif au profit d'un système de retenue à la source, comme cela se pratique pour la CSG ?
En cette matière, nous inclinons à penser que le système déclaratif dont nous disposons aujourd'hui conserve toute sa valeur, pour autant que l'on tende à le simplifier au travers d'une réduction des niches fiscales, que nous évoquions encore il y a quelques instants.
A l'examen de cet article, telles sont les observations que nous comptions formuler sur un débat qui est appelé à se prolonger.
M. le président. Sur l'article, la parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Voilà quelques années, à l'époque du gouvernement Juppé, une vaste réforme de l'impôt sur le revenu avait été engagée. Tout le monde s'en était alors réjoui. Peut-on, en effet, être satisfait de la situation actuelle de notre système d'imposition sur le revenu ?
Comme l'a rappelé Mme Beaudeau, la moitié des assujettis à l'impôt sur le revenu ne le paie pas. L'autre moitié le paie, mais la progressivité du taux d'imposition est telle qu'elle en devient dissuasive pour des tranches de revenus qui, finalement, ne sont pas si élevées que cela, notamment en ce qui concerne les cadres.
Cela, ajouté à d'autres charges fiscales et sociales qui pèsent sur certaines catégories de personnes, aboutit, dans un monde aux frontières ouvertes, où la mobilité est de plus en plus grande, à une double conséquence : certains viennent en France parce qu'ils n'y paient pas d'impôts, tandis que les meilleurs d'entre nos fils partent à l'étranger parce qu'ils en paient trop.
J'aimerais qu'un jour on puisse analyser, de façon très précise, ce double phénomène : on attire des personnes chez nous par notre générosité et on en chasse d'autres dont nous aurions extraordinairement besoin du fait d'une trop grande rigueur.
Comme nous le verrons dans les quelques amendements en discussion, nous allons nous chamailler sur un demi-point ou sur trois points de barème en passant à côté du fond du problème : l'impôt sur le revenu est mal calculé, mal basé et il n'a pas les effets qu'on en attend. Très souvent, on accorde des réductions d'impôt à des gens qui n'en paient pas et l'effet psychologique est tout à fait désastreux.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, au-delà du débat qui aura lieu, le Gouvernement serait bien inspiré de revoir la totalité de l'imposition sur le revenu, y compris les nouvelles impositions proportionnelles qui ont été instaurés, notamment la CSG.
Il convient, me semble-t-il, de reprendre ce chantier. Le gouvernement Juppé avait entrepris une réforme en la matière, mais vous l'avez abandonnée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Par amendement n° I-1, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De rédiger comme suit le I de cet article :
« I. - Les dispositions du I de l'article 197 du code général des impôts sont ainsi modifiées :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 26 540 francs le taux de :
« 10,5 % pour la fraction supérieure à 26 540 francs et inférieure à 52 200 francs ;
« 24 % pour la fraction supérieure à 52 200 francs et inférieure ou égale à 91 870 francs ;
« 33 % pour la fraction supérieure à 91 870 francs et inférieure ou égale à 148 750 francs ;
« 43 % pour la fraction supérieure à 148 750 francs et inférieure ou égale à 242 030 francs ;
« 48 % pour la fraction supérieure à 242 030 francs et inférieure ou égale à 298 470 francs ;
« 54 % pour la fraction supérieure à 298 470 francs. »
« 2° Au 2, les sommes de "11 000 francs" et "20 270 francs" sont remplacées respectivement par les sommes de "11 190 francs" et "20 610 francs" ;
« 3° Au 4, la somme de "3 330 francs" est remplacée par la somme de "3 390 francs". »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du A ci-dessus, de compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification des modalités d'actualisation du barème est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-118, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, proposent :
A. - De rédiger ainsi le 1° du I de l'article 2 :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque revenu qui excède 32 510 francs, les taux de :
« 7,5 % pour la fraction supérieure à 32 510 francs et inférieure ou égale à 50 380 francs ;
« 21 % pour la fraction supérieure à 50 380 francs et inférieure ou égale à 88 670 francs ;
« 29 % pour la fraction supérieure à 88 670 francs et inférieure ou égale à 111 660 francs ;
« 37 % pour la fraction supérieure à 111 660 francs et inférieure ou égale à 165 760 francs ;
« 43 % pour la fraction supérieure à 165 760 francs et inférieure ou égale à 248 800 francs ;
« 48,5 % pour la fraction supérieure à 248 800 francs. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus, de compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification de l'actualisation du barème de l'impôt sur le revenu est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-218, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët, proposent :
I. - De rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour le 1° du I de l'article 197 du code général des impôts :
« 1° L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 26 230 francs le taux de :
« 9,5 % pour la fraction supérieure à 26 230 francs et inférieure ou égale à 51 600 francs ;
« 23 % pour la fraction supérieure à 51 600 francs et inférieure ou égale à 90 820 francs ;
« 32 % pour la fraction supérieure à 90 820 francs et inférieure ou égale à 147 050 francs ;
« 41 % pour la fraction supérieure à 147 050 francs et inférieure ou égale à 239 270 francs ;
« 46 % pour la fraction supérieure à 239 270 francs et inférieure ou égale à 295 070 francs ;
« 52 % pour la fraction supérieure à 295 070 francs. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification du barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-119, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent :
I. - Dans le 2° du I de l'article 2, de remplacer la somme : « 11 060 francs » par la somme « 16 600 francs ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond du quotient familial est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-219, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
I. - Dans le texte présenté par l'article 2 pour modifier le 2 du I de l'article 197 du code général des impôts, de remplacer la somme : « 11 060 francs » par la somme « 16 600 francs ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond du quotient familial est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-163, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - Dans le texte présenté par le 3° du I de l'article 2 pour modifier le 4 de l'article 197 du code général des impôts, de remplacer la somme : « 3 350 francs » par la somme : « 4 500 francs ».
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de l'extension de la décote sont compensées par le relèvement, à due concurrence, du taux prévu au 6° du paragraphe III bis de l'article 125 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-220, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
I. - Dans le texte présenté par l'article 2 pour modifier le 4 du I de l'article 197 du code général des impôts, de remplacer la somme : « 3 350 francs » par la somme : « 2 280 francs ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification de la décote visée au 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-1.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement concerne l'évolution du barème de l'impôt sur le revenu.
Tout d'abord, je ferai allusion, monsieur le secrétaire d'Etat, à différents rapports de parlementaires qui se sont déjà exprimés sur ce sujet.
Mon collègue de l'Assemblée nationale - votre successeur, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous avez exercé cette fonction de rapporteur général voilà quelques années -...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... a noté que les recettes fiscales passeraient, pour l'an 2000, de 320 milliards de francs à 332,2 milliards de francs, soit une hausse de 13,2 milliards de francs pour l'impôt sur le revenu. A partir de ce chiffre, il a estimé qu'une réflexion s'imposait sur l'indexation du barème.
Mon collègue de l'Assemblée nationale a également fait remarquer que l'indexation actuelle s'effectue sur la base de l'indice des prix hors tabac et que l'écart traditionnel de 0,1 % entre cet indice et l'indice général des prix aboutit, sur une période de cinq ans, à une augmentation de la charge fiscale d'environ 1 à 2,5 milliards de francs. Il a ajouté que l'indexation du barème, non pas sur l'évolution du revenu disponible des ménages, mais sur celle des prix, contribue aussi à renforcer le poids intrinsèque de l'impôt sur le revenu par rapport aux autres prélèvements.
Le Sénat avait procédé à des constatations analogues et il avait esquissé une problématique voisine dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 1999. Dans ce rapport, que j'avais établi au nom de la commission des finances figurait, notamment, la remarque suivante : une simple indexation sur les prix permettrait à l'Etat, par le jeu de la progressivité de l'impôt, de toucher les dividendes de l'augmentation du pouvoir d'achat des Français.
En effet, telle est bien, monsieur le secrétaire d'Etat, la question que pose aujourd'hui, dans la conjoncture économique présente, un barème fortement progressif, comme celui qui est actuellement en vigueur en France, lorsqu'il s'applique à des revenus gonflés par le retour de la croissance.
La commission des finances estime qu'il s'agit non pas de trouver un agrégat représentatif de l'impôt sur le revenu, mais de tenir compte, dans la définition du barème, de l'accroissement réel des revenus des Français. La solution la plus simple à cet égard serait de faire référence au taux de croissance du produit intérieur brut, donnée simple et prévisible.
L'idée directrice est donc de mettre en place un système d'indexation garantissant un partage des fruits de la croissance entre l'Etat et les contribuables. En pratique, il s'agirait d'ajouter à la traditionnelle indexation sur les prix, égale cette année à 0,5 %, un élément égal à la moitié de la croissance prévue pour 1999, soit 1,15 %.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sous une apparence peut-être technique en ce qui concerne le jeu des clauses d'indexation, cet amendement paraît essentiel à la commission. Il s'agit, en effet, d'éviter la mise en oeuvre d'un système fiscal aveugle dans ses modes d'évolution. Il faut, au contraire, s'efforcer d'adapter son rendement à l'évolution de la conjoncture économique, de telle sorte que, au travers de la définition des bases de l'impôt sur le revenu, l'ensemble des citoyens contribuables soient associés à la croissance économique et qu'ils en perçoivent, eux aussi, quelques dividendes. Ces derniers ne doivent pas profiter seulement à l'Etat. (M. Jean Chérioux applaudit.)
M. le président. L'amendement n° I-118 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-218 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-119 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-219 est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-163.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement que le groupe communiste républicain et citoyen a déposé sur la question de l'application de la décote traduit, par certains égards, une position assez constante que nous exprimons depuis plusieurs années.
Le système de la décote est, chacun le sait ici, en oeuvre depuis plusieurs années dans le cadre d'un allégement de la contribution fiscale des revenus les plus modestes.
Dans un premier temps concentré sur les foyers fiscaux comportant une part ou une part et demie, ce système a ensuite été étendu aux autres foyers fiscaux.
Dans le cadre de la réforme de l'impôt sur le revenu engagée en 1997, il devait d'ailleurs progressivement disparaître, étant mis en corrélation avec le mouvement que cette réforme opérait sur les taux d'imposition, singulièrement sur les tranches les plus faibles.
L'une des critiques les plus fréquemment formulées à l'encontre de ce dispositif, dont le coût est estimé à 5,3 milliards de francs, est qu'il favoriserait la création d'une sorte de « trappe de pauvreté » dans laquelle tomberait un certain nombre de contribuables.
Force est cependant de constater que cette situation n'est que l'exact reflet de la capacité contributive de ces ménages.
On peut, certes, regretter que le système de la décote trouve trop souvent application. Il n'en demeure pas moins que cela procède, pour l'essentiel, de la consistance même de l'assiette des revenus imposables, en particulier de la persistance, dans notre pays, d'une profonde inégalité des revenus.
En effet, aujourd'hui, des millions de personnes continuent de ne disposer que de faibles revenus, qu'il s'agisse de pensions, de retraites ou encore de revenus salariaux, du fait même d'un partage pour le moins inégal des fruits de la croissance dans notre société.
On ne doit jamais oublier, surtout dans ce débat, que la précarité du travail demeure une réalité pour des millions de nos concitoyens, que le niveau du SMIC est manifestement sous-évalué au regard des besoins individuels ou familiaux normaux de la vie courante, que le partage de la richesse créée entre salariés et actionnaires est loin d'être favorable aux premiers.
Le système de la décote, même s'il ne constitue pas nécessairement, nous en sommes bien conscients, la réponse la plus adaptée au problème, permet de corriger ces inégalités devant l'impôt, et ce dans le strict respect des principes mêmes de notre fiscalité ; il convient donc de lui rendre toute sa portée.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-220.
M. Jacques Oudin. Cet amendement tend à mettre progressivement fin à certaines différences fiscales entre les couples - mariés ou non - établissant une seule déclaration d'impôt et les couples établissant deux déclarations séparées, et ce par la poursuite de la réforme de la décote initiée par le précédent gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-163 et I-220 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-163 du groupe communiste républicain et citoyen, dont le coût est probablement très élevé, est intéressant en ce qu'il enrichit la réflexion ; mais il n'est pas conforme aux orientations que la commission a retenues cette année pour l'impôt sur le revenu.
Nous avons bien noté les déclarations du Gouvernement annonçant une remise à plat et un débat d'ordre général sur la fiscalité des personnes : l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation. Il paraît donc difficile d'entrer à présent dans une démarche ponctuelle et de ne pas renvoyer les différentes propositions qui sont faites à ce débat général sur l'impôt sur le revenu.
En ce qui concerne la commission des finances, à de nombreuses reprises, nous avons fait état de notre préférence, notamment l'an dernier, lorsque nous avons, par un vote d'article de seconde partie, rappelé notre volonté de voir l'impôt sur le revenu diminuer dans toutes ses composantes et dans tous les compartiments du barème. Nous avions estimé que ce signal était nécessaire et que nos orientations devaient s'inscrire dans la continuité de la politique décidée à cet égard, sans doute un peu tardivement de notre point de vue, par l'ancien gouvernement.
Nous restons sur cette ligne, bien entendu.
Il est bon de rappeler que, si les orientations formulées à l'époque avaient été mises en oeuvre, nous aurions aujourd'hui un impôt sur le revenu qui, après plusieurs années de baisse, aurait suscité un dynamisme nouveau de la part des acteurs de l'économie.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que la proposition du groupe communiste républicain et citoyen doit, comme d'autres, être renvoyée au débat que nous annonce le Gouvernement.
L'amendement n° I-220, sur le même sujet, mais d'inspiration opposée, est également intéressant. La commission des finances, du moins sa majorité, est évidemment plus en sympathie avec cette orientation qu'avec la précédente. Je suggère à nos collègues de retirer cet amendement, après avoir, bien sûr, entendu l'avis du Gouvernement, pour, le cas échéant, le transférer en seconde partie, et, de toute manière, le reprendre - c'est ma suggestion - à l'occasion du débat général sur l'impôt sur le revenu qui nous a été annoncé.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° I-163 et demande le retrait de l'amendement n° I-220.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-1, I-163 et I-220 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements, je souhaite répondre aux différents orateurs qui se sont exprimés sur l'impôt sur le revenu.
Il est clair que les critiques sont nombreuses à l'égard de ce qu'est devenu, au fil du temps, l'impôt sur le revenu. Il est clair également que la complexité de l'impôt sur le revenu fait obstacle à toute appréciation juste de sa place dans l'ensemble du paysage fiscal. Il est clair enfin - je me réfère ici à un vieux principe que j'avais moi-même énoncé alors que j'étais rapporteur général - qu'un bon impôt est un vieil impôt, c'est-à-dire un impôt qui est bien établi, solidement et durablement, sur des bases claires, simples et compréhensibles dans le reste du paysage fiscal. (M. le président de la commission des finances acquiesce.)
Au fil du temps, nous avons « raffiné », si je puis dire, cet impôt sur le revenu. Tous les gouvernements, toutes les majorités ont contribué, de fait, sans le vouloir probablement, à rendre toujours plus complexe l'impôt sur le revenu de sorte qu'il est aujourd'hui excessivement concentré puisque, cela a été rappelé tout à l'heure, si plus de 50 % des assujettis n'acquittent pas d'impôt sur le revenu, 5 % des contribuables assument 50 % du montant de la charge totale. Et que dire du sort du smicard célibataire qui est imposable à l'impôt sur le revenu, sinon que c'est un bien mauvais signal adressé à l'ensemble des salariés qui doivent consentir tant d'efforts pour le retour à l'emploi ? En effet, si dès qu'il retrouve du travail, l'ancien chômeur est immédiatement frappé par l'impôt sur le revenu, à des taux marginaux souvent trop élevés on décourage l'initiative et la dynamique économique que nous appelons tous unanimement de nos voeux.
Il faut donc en effet relire l'impôt sur le revenu en fonction de cet objectif d'initiative, de dynamique économique, de soutien à la qualité de la croissance, et je souscris à ce qui a été dit sur toutes les travées à cet égard. La réforme de cet impôt est bien dans l'intention du Gouvernement, comme l'ont déclaré récemment M. le Premier ministre puis M. Sautter.
Bien entendu, il ne s'agit pas de remettre en cause les fondements de l'impôt sur le revenu, dont il faudra conserver la progressivité et la redistributivité. Mais il faudra corriger les différentes anomalies constatées dans le barème actuel pour le rendre plus moderne.
Nous devrons, ce faisant, accorder une attention particulière à la situation des classes moyennes, qui n'a pas encore été évoquée, mais à laquelle chacun pense ici. Lorsque, dans un foyer fiscal, les revenus sont moyens pour les deux conjoints, l'impôt sur le revenu pèse de manière inacceptable.
M. Michel Charasse. Ça s'arrête où, les « revenus moyens » ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. On ne sait pas forcément où s'arrêtent les revenus moyens, mais on sait bien où sont les petits et les très gros revenus.
M. Michel Charasse. Mais les moyens ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Comme l'a déclaré M. le Premier ministre il y a quelques jours, tout cela devra s'inscrire dans une réforme globale de la fiscalité directe. En effet, on ne peut pas penser l'impôt sur le revenu sans penser en même temps l'imposition locale, en particulier la taxe d'habitation, qui devrait faire l'objet d'un nouvel examen au cours de l'an 2000, lors de la préparation du projet de loi de finances initiale pour 2001.
Il s'agit donc d'une réforme globale, à l'inverse de ce qui s'est passé au cours des années 1995 et 1996, durant lesquelles des réformes successives, plus annoncées d'ailleurs que réalisées, ont abouti à un alourdissement considérable de la charge fiscale globale. Il vous faut en convenir, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, plus de 120 milliards de francs d'impôts nouveaux ont été ainsi créés. Ce que nous voulons, nous, c'est alléger la charge globale, dans un contexte de justice sociale, monsieur Charasse, et de maintien des grands acquis démocratiques de notre système d'imposition, pour dynamiser l'économie sans porter atteinte aux impératifs de justice et d'équité sociales.
Mais j'en viens à l'amendement n° I-1.
M. Marini n'ignore pas que sa proposition serait d'un coût budgétaire important, puisqu'il s'agirait de 4,2 milliards de francs,...
M. Michel Charasse. C'est le tabac qui paye !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, c'est la cagnotte qui paiera !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... et ce pour un très faible avantage individuel, environ 270 francs en moyenne par foyer fiscal imposable.
Par ailleurs, et c'est sans doute le principal défaut à mes yeux de l'amendement de M. Marini, il jouerait de manière indifférenciée et donc, de fait, même si ce n'est certainement pas l'objectif prioritaire de son auteur, en faveur des contribuables aux revenus les plus élevés.
Nous avons, pour notre part, choisi d'utiliser les marges budgétaires disponibles pour poursuivre la réduction des inégalités qui est au coeur de la politique fiscale du Gouvernement, notamment par l'allègement de la TVA, par la suppression de la contribution représentative du droit de bail pour les locataires acquittant annuellement moins de 36 000 francs de loyer et par une multitude d'autres dispositions dont la lecture est claire : il y a plus de justice fiscale lorsqu'il y a allégement de l'impôt.
Je suis donc hostile à l'amendement n° I-1.
Quant à l'amendement n° I-163, permettez-moi de faire un simple rappel. Le mécanisme de la décote a été institué pour corriger, au profit des contribuables de condition modeste, les effets du barème progressif. Son montant est donc étroitement lié à la structure même du barème de l'impôt sur le revenu. Il doit en conséquence évoluer de la même manière que l'ensemble des tranches du barème afin de ne pas déséquilibrer celui-ci.
Une modification du mécanisme de la décote ne peut donc être envisagée, vous en conviendrez avec moi, que dans le cadre d'une réforme d'ensemble de l'impôt sur le revenu. Je viens de l'indiquer, la réflexion est en cours. Le projet de la loi de finances pour 2001 comprendra des dispositions importantes allant dans le sens souhaité.
C'est pourquoi, dans cette attente et prenant en compte les objectifs de justice fiscale qui sont les vôtres, je vous demande, madame Beaudeau, de bien vouloir retirer votre amendement.
L'amendement n° I-220, qui va dans le sens inverse de celui qui a été présenté par le groupe communiste républicain et citoyen, est, à mon avis, marqué d'une faute originelle en ce sens qu'il présenterait l'immense inconvénient d'imposer 1 235 000 nouveaux contribuables modestes alors que, grâce au système de la décote, ils ne le sont pas. M. Oudin s'inspire directement de la logique de la réforme d'ensemble annoncée, à la télévision, par l'ancien Premier ministre, M. Juppé. Si, par cet amendement, on ne reprend qu'une partie de cette réforme, on en déséquilibre la logique. Il serait donc sage de retirer cet amendement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre débat s'engage dans d'excellentes conditions. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. le secrétaire d'Etat. J'approuve en grande partie ce qu'il a dit quant à sa conception de l'impôt. S'agissant de l'impôt sur le revenu, il a eu raison d'insister sur le fait qu'un bon impôt est souvent un impôt ancien, bien fondé, épuré au fil des ans.
Cependant, il est un aspect que vous n'avez pas souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, et qui est celui qui a le plus contribué à complexifier cet impôt : c'est le taux marginal trop élevé. Nous avons, les uns et les autres, fréquemment dénoncé les niches fiscales. Or elles ont été souvent ouvertes parce que, le taux marginal étant si élevé, il fallait bien instaurer des soupapes pour trouver des solutions.
Dès lors que l'on s'engage dans un tel débat et que l'on veut avoir une vision objective du sujet, on ne peut pas ne pas souligner cette question, qui me paraît réelle et à laquelle il faudra trouver des réponses.
Le second aspect qui n'a pas manqué de retenir mon attention, c'est votre évocation - et ce point revient assez souvent au banc du Gouvernement - d'une majoration, excessive, selon vous, des impôts en 1995 et 1996. Puisque vous êtes un Européen convaincu et que vous êtes un spécialiste des finances, monsieur le secrétaire d'Etat, je me retourne vers vous pour vous poser la question suivante : en 1995 et 1996, sachant que vous souhaitiez de tout coeur, j'imagine, la qualification pour l'euro et que vous auriez été naturellement très attaché à ce que le solde nous permette d'obtenir cette qualification, quels impôts auriez-vous augmentés, quelles dépenses auriez-vous baissées ?
La réponse à cette question nous intéresse beaucoup. Si vous aviez eu à diminuer des dépenses, dites lesquelles.
M. Denis Badré. C'est une vraie question !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. En effet, nous n'y avons peut-être pas pensé. Or nous allons vous faire des propositions. Si vous aviez eu à majorer d'autres impôts, dites-nous lesquels.
Je crois en votre science fiscale, mais je suis sûr que vous ne nous avez pas tout dit. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Michel Charasse. Eternelle question : quelles dépenses baisser ? Personne n'y répond jamais, même à droite !
M. Jean Chérioux. Surtout à gauche !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous entrons effectivement dans l'essentiel du débat, et M. le président de la commission des finances a bien planté le décor de cette discussion relative à l'impôt sur le revenu et aux choix budgétaires et fiscaux.
Monsieur le secrétaire l'Etat, je voudrais revenir sur l'indexation du barème.
En matière fiscale, il existe deux catégories de choix : les choix volontaires et les choix implicites. Les choix volontaires, ce sont les mesures de législation fiscale qui nous sont proposées dans le cadre de la vision économique et financière d'un gouvernement. Les choix implicites, c'est le jeu automatique des dispositions antérieures.
A l'occasion du présent projet de loi de finances, nous avons fait un effort de recherche pour reprendre - de nombreux collègues se sont d'ailleurs joints à cette démarche par leurs propres amendements - des seuils en valeur absolue, au motif que, au fil du temps, ces seuils ont pris des caractères très différents de ceux qui étaient les leurs à l'origine. Donc, nous nous sommes efforcés d'actualiser ces seuils pour se remettre dans les conditions des décisions d'origine, souvent anciennes et qui remontent parfois à plusieurs décennies.
En matière d'indexation du barème, faisant la même remarque que nos collègues de l'Assemblée nationale, nous disons que la seule indexation sur les prix entraîne des effets économiques au détriment des contribuables et que ces effets s'agrravent d'année en année de manière insidieuse. C'est ce que j'appelle un choix implicite.
Compte tenu de la conjoncture de croissance économique forte que nous avons la joie de constater aujourd'hui, il est anormal de ne pas traiter les contribuables de manière équitable. De la même manière, il est inéquitable de ne pas associer suffisamment les collectivités territoriales à la croissance, par une indexation insuffisante de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement sur le taux de croissance. C'est exactement le même raisonnement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, même s'il ne s'agit que d'atténuations à la marge des cotisations individuelles, ces atténuations cumulées au fil des ans peuvent entraîner de sérieuses distorsions au terme de quelques années.
Dans votre discours redistributeur, vous affirmez que l'évolution du mode d'indexation tel que le propose la commission aurait un effet indifférencié. En ce qui concerne la progressivité du barème, nous estimons - c'est une conviction forte - qu'en l'état le barème décourage les capacités d'initiative et l'investissement. Il entraîne des distorsions qui, à terme, sont très défavorables à l'économie française. Il est une incitation aux délocalisations de revenus ou une incitation à moins produire pour moins percevoir afin d'être un peu moins spolié par la machine fiscale et sociale.
Ce sont ces préoccupations que la commission des finances entend soumettre à notre Haute Assemblée, compte tenu de notre très grande insatisfaction au regard de l'impôt sur le revenu tel qu'il est conçu actuellement. Affirmer que le débat interviendra mais qu'il est différé, réaliser des effets d'annonce en ce domaine de la fiscalité des personnes, alors que vous disposez de marges de manoeuvre fiscales inégalées jusqu'à présent - nous reviendrons sur ce point tout au long de la discussion - c'est une manière de différer les problèmes, de disjoindre les questions les plus délicates, non pas nécessairement vis-à-vis du Sénat, mais, peut-être, vis-à-vis des différentes tendances de la majorité qui soutient le Gouvernement auquel vous appartenez. En effet, s'agissant de la politique fiscale, si les déclarations de M. Laurent Fabius me paraissent souvent sympathiques, mais je ne me retrouve pas dans celles de Marie-Claude Beaudeau.
M. Michel Charasse. C'est la majorité plurielle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Effectivement. Peut-être y a-t-il là une grande habileté qui consiste à repousser de tels débats qui feront jaillir des contradictions, des tensions inévitables au sein des différentes fractions qui vous soutiennent, mais, pour ce qui nous concerne, nous sommes, par avance, disponibles pour la tenue d'un tel débat relatif à l'impôt sur le revenu. Nous sommes d'ores et déjà curieux de savoir où se situera le compromis que M. le Premier ministre devra réaliser pour faire des propositions.
M. Michel Charasse. Comme d'habitude : à mi-chemin ! (Sourires.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Notre débat a en effet une très grande importance et il présente beaucoup d'intérêt.
L'indexation du barème est une question rémanente, dont nous avions d'ailleurs apaisé les contraintes depuis une vingtaine d'années. Je me souviens qu'il fut une époque où M. Giscard d'Estaing proposait d'indexer de manière différentielle les tranches du barème, afin d'accroître la progressivité sans que le débat public sur la fiscalité de l'impôt sur le revenu fasse apparaître cette manoeuvre implicite aux conséquences extrêmement importantes sur la structure de la fiscalité et sur le poids sur les classes moyennes de l'imposition directe, tout cela étant noyé dans un débat qui affichait l'idée que l'impôt sur le revenu était trop élevé. En vérité, il était accru au moment de l'indexation différentielle des différentes tranches.
Aujourd'hui, et ce depuis une quinzaine d'années, l'indexation de l'ensemble des tranches du barème est identique - elle a d'ailleurs été instituée par la gauche - et c'est une bonne chose.
Baisser les impôts ? Il faut baisser les impôts et préserver la justice dans l'ensemble du système fiscal. Nous procédons, en effet, d'une manière très différente de celle qui avait été adoptée par le Premier ministre M. Juppé, qui avait en même temps fortement accru la TVA et annoncé, sans d'ailleurs la réaliser, la baisse de l'impôt sur le revenu.
Nous préférons notre méthode, mais, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, nous donnons à propos de la baisse des impôts des signaux clairs, orientés vers la dynamique de l'économie au profit de l'emploi. Je donnerai deux exemples emblématiques, même si, pour l'instant, ils ne sont que symboliques.
Le premier, c'est la baisse de l'imposition sur les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise, réalisée en 1997 dans le cadre de la loi de finances pour 1998, modifiée et accrue dans son intensité et dans son champ en 1998 au titre de la loi de finances pour 1999. Il s'agit d'un signal donné à l'économie, en direction des créateurs d'entreprise et de l'investissement, de l'innovation dans la création de valeur dans l'entreprise. Ce signal est très fort, car, émanant d'un gouvernement de la gauche plurielle, il montre la dynamique très importante que nous voulons imprimer à l'innovation et à la création de la petite entreprise, de la start up , comme on dit parfois dans notre économie.
Le second signal qui a « dégelé » complètement le marché immobilier, c'est la baisse des droits de mutation à l'occasion des transactions immobilières. On l'attendait depuis vingt ans. Cela a permis de faire passer l'imposition sur les mutations à titre onéreux de quelque 18,2 % à 4,80 % aujourd'hui pour l'immobilier d'entreprises. Il s'agit, là aussi, d'un déclic psychologique, qui montre la direction que nous voulons suivre, à savoir la justice sociale, la création d'emplois et la dynamique de croissance.
Voilà des pistes qui font partie de notre débat, qui sont fructueuses pour orienter la réflexion que nous aurons avec la Haute Assemblée et l'Assemblée nationale l'année prochaine sur la réforme globale de l'imposition directe et, à travers elle, sur la baisse, pour un certain nombre de catégories sociales bien identifiées et donc politiquement significatives, par le signal que nous donnerons là aussi, de l'impôt sur le revenu et de l'imposition directe locale.
Voilà une conception d'ensemble. Le Gouvernement de M. Lionel Jospin s'honore de vouloir mettre en oeuvre des réformes fiscales après avoir développé une large concertation, après avoir formulé une conception d'ensemble des réformes fiscales qui reste cohérente avec les objectifs politiques de la majorité plurielle qui le soutient.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-1.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Face à la réforme que le Gouvernement nous annonce pour l'année prochaine, nous avons tout de même pour mission d'émettre des signaux.
Le signal qui est donné par la commission des finances est très fort. Il consiste tout simplement à bien expliquer que si l'on n'indexe pas le barème au moins pour partie sur la croissance, nous aurons une augmentation des prélèvements obligatoires. Je crois que c'est ce signal que nous devons donner.
Je voudrais souligner par ailleurs que M. le rapporteur général indexe à juste titre le barème sur la moitié de la croissance. En effet, une partie de la croissance est due à la croissance démographique, qui représente chaque année de 0,5 à 0,6 point de PIB. J'aurais souhaité - mais c'est une remarque de technicien - que l'on tienne compte de cette petite nuance. Cela étant, puisque M. le rapporteur général indexe le barème sur la moitié de la croissance, il tient indirectement compte de la croissance démographique. Ce qui importe pour l'individu contribuable, c'est naturellement la croissance du revenu par tête, et non pas la croissance globale. L'écueil que je signalais a donc été parfaitement évité.
Cet amendement de la commission sur l'indexation est un signal fort que le Sénat donne au Gouvernement en vue de la réforme fiscale. C'est pour cette raison que le groupe de l'Union centriste le votera.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-1, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s I-163 et I-220 n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-2, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer le II de l'article 2.
Par amendement n° I-221, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
I. - A la fin du II de l'article 2, de remplacer la somme : « 20 480 francs » par la somme : « 30 330 francs » ;
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter l'article 2 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond de l'abattement accordé aux contribuables rattachant à leur foyer fiscal un enfant majeur ou versant des pensions alimentaires à des enfants majeurs est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-2.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° I-3, qui sera présenté tout à l'heure.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-221.
M. Jacques Oudin. Cet amendement tend à rétablir l'ancien plafond de l'abattement accordé aux contribuables rattachant à leur foyer fiscal un enfant majeur ou versant des pensions alimentaires à des enfants majeurs.
Cette mesure n'avait de sens qu'en contrepartie d'une baisse de l'impôt sur le revenu et c'est l'unique raison qui avait amené l'ancien gouvernement à procéder à cet abaissement.
Le gouvernement actuel a choisi de renoncer, pour des raisons idéologiques, à la réforme de l'impôt sur le revenu. Il doit tirer les conséquences de ce choix et renoncer également aux mesures de suppression ou de réduction de certains abattements prises en contrepartie de ladite baisse de l'impôt sur le revenu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-221 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est intéressant et la commission a formulé une proposition de même nature avec son amendement n° I-3, qui vise à insérer un article additionnel avant l'article 2 bis afin d'apporter en faveur des familles un certain nombre d'aménagements à l'impôt sur le revenu, dans le cadre d'une politique familiale dont la nécessité nous semble évidente.
Les préoccupations de M. Oudin et de nos collègues vont tout à fait dans le même sens : l'initiative ainsi exprimée vise manifestement à réparer certaines mesures malheureuses de la précédente loi de finances.
La commission a toutefois opéré des choix techniques légèrement différents. Même si elle partage les orientations des auteurs de l'amendement, elle leur suggère donc de bien vouloir retirer ce dernier, de telle sorte que la discussion puisse de concentrer sur le dispositif plus large et plus complet - mais de même esprit - conçu par la commission dans l'amendement n° I-3.
M. le président. L'amendement n° I-221 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je me rallie à l'amendement n° I-3 de la commission.
M. le président. L'amendement n° I-221 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-2 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Pour la clarté du débat, monsieur le président, j'indique que cet amendement trouve sa justification dans l'amendement n° I-3, présenté également par M. le rapporteur général, et qui tend à accorder un abattement de 24 000 francs par personne rattachée au foyer fiscal d'un contribuable.
Aujourd'hui, le montant de l'abattement accordé aux personnes qui rattachent à leur foyer fiscal un enfant marié ou célibataire chargé de famille est fixé en fonction d'un principe : l'avantage en impôt qu'il procure au contribuable ne doit pas excéder celui dont bénéficieraient les contribuables imposés au taux marginal le plus élevé si ce rattachement prenait la forme d'une majoration de leur quotient familial.
Pour cette même raison, le plafond des pensions alimentaires versées aux enfants majeurs est fixé par référence au montant de cet abattement. Dès lors que, dans le projet de loi de finances, nous envisageons de fixer le montant du plafond du quotient familial à 11 060 francs pour l'imposition des revenus de 1999, le montant de l'abattement doit, par définition même, être fixé pour la même année à 11 060 francs divisés par 0,54, soit 20 480 francs.
Si le Sénat suivait son rapporteur général, cela reviendrait à défavoriser les personnes qui rattachent à leur foyer fiscal un enfant marié ou chargé de famille ainsi que les contribuables qui versent une pension alimentaire à un enfant majeur par rapport aux parents qui bénéficient d'une majoration de quotient familial lorsque le rattachement prend cette forme.
Il y aurait donc là introduction d'une injustice réelle dans la situation de parents contribuables suivant que leur enfant est directement rattaché au foyer fiscal ou qu'il ne l'est pas. Je crois donc que M. Marini serait bien inspiré de retirer son amendement, dont les effets ne sont certainement pas ceux qu'il a voulu mettre en place.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-2, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)
M. le président. Monsieur le rapporteur général, m'autoriserez-vous une suggestion ? Pour la clarté du débat, lorsque vous présentez un amendement qui réalise une coordination avec un amendement ultérieur, il serait sans doute préférable de demander la priorité de ce dernier : nous y verrions plus clair !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dont acte, monsieur le président.

Articles additionnels après l'article 2



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-123, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu bénéficient, au titre des revenus de 1999, d'un abattement exceptionnel de 5 % sur le montant de l'impôt à payer.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-226, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les assujettis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques bénéficient d'un abattement de 5 % sur le montant de l'impôt à payer.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
L'amendement n° I-123 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-226.
M. Jacques Oudin. Cet amendement allie la simplicité à la lisibilité puisqu'il allège de 5 % l'impôt sur le revenu pour tous les contribuables.
Le coût de cette mesure d'allégement, chiffré à 17 milliards de francs par le Gouvernement, peut largement être pris en charge en 2000 grâce aux surplus dégagés par la croissance. Il convient d'agir sur les prélèvements obligatoires dès l'an prochain et de ne pas attendre 2001 !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-226 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission partage, naturellement, le souci des auteurs de l'amendement : il est clair que, dans la période de croissance où nous nous trouvons, il convient de se poser un certain nombre de questions concernant la réforme de l'impôt sur le revenu, ainsi que nous venons de le voir lors de la discussion précédente.
Il me semble toutefois que l'amendement que nous avons voté tout à l'heure en matière d'indexation du barème en fonction de la croissance est un signal suffisant pour manifester clairement le souci du Sénat de ne pas laisser se développer des effets implicites par lesquels les contribuables seraient complètement frustrés des dividendes de la croissance.
Dans ces conditions, je pense qu'il est préférable que la suggestion qui nous est présentée soit renvoyée au débat annoncé sur la réforme globale de l'impôt sur le revenu.
M. Jean-Pierre Schosteck. Aux calendes grecques !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Chacun l'aura compris, un avantage général - une réduction de 5 % sur le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu - suravantage les revenus les plus élevés, désavantage les revenus les plus faibles et crée une injustice par rapport aux contribuables qui n'acquittent pas de cotisation et qui ne bénéficient d'aucun avantage supplémentaire.
Je suis donc hostile à cette manière de procéder, pour les raisons que nous avons évoquées les uns et les autres tout à l'heure.
Nous avons choisi, nous, d'utiliser les marges budgétaires pour réduire les inégalités fiscales. Or cet amendement, par sa simplicité extrême - mais aussi, disons-le sans polémique, par sa brutalité - aggraverait, au contraire, les dispositions inégalitaires qui figurent encore dans le code général des impôts.
M. Michel Charasse. L'ennui naquit un jour de l'uniformité ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. J'ai la faiblesse de penser que le signal contenu dans l'amendement n° I-226 était beaucoup plus fort que tous les autres.
Cela étant, entendre M. le secrétaire d'Etat nous dire que cet amendement est injuste parce que...
M. le président. Monsieur Oudin, retirez-vous ou non votre amendement ?
M. Jacques Oudin. Je m'explique, monsieur le président !
M. le président. Non ! Je ne peux vous laisser vous expliquer que si vous retirez l'amendement.
M. Jacques Oudin. Je vais le retirer...
Entendre M. le secrétaire d'Etat nous dire que cet amendement serait injuste parce que ceux qui ne paient pas d'impôt ne pourraient pas bénéficier d'une réduction sur un impôt qu'ils n'acquittent pas est un raisonnement extraordinaire !
M. Michel Charasse. C'est très moderne !
M. Jacques Oudin. Au demeurant, il pourrait être avancé dans de nombreux autres cas.
Cela dit, j'espère que la réforme de l'impôt sur le revenu dont on nous parle ne sera pas l'Arlésienne ! Mais je fais confiance à la commission des finances et à son rapporteur et je me rallie bien volontiers à leur invitation en retirant mon amendement, tout en pensant que l'argument selon lequel les impôts ne doivent pas être réduits au motif que la moitié des Français n'en paient pas mérite de figurer dans une anthologie des débats parlementaires.
M. le président. L'amendement n° I-226 est retiré.
Par amendement n° I-222, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le quatrième alinéa du 3° de l'article 83 du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : "A compter de l'imposition des revenus de 1999, cette limite est de 50 000 francs pour les voyageurs, représentants et placiers de commerce ou d'industrie". »

« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.

M. Jacques Oudin. Cet amendement prend en compte la spécificité des VRP, dont le rôle est particulièrement important pour le développement des petites et moyennes entreprises et pour le commerce extérieur de la France.
Il convient de revenir, pour eux, au plafond antérieur de 50 000 francs pour la déduction forfaitaire supplémentaire pour frais professionnels.
M. Michel Charasse. Nous commençons à rétablir la liste !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous voyons là revenir une problématique bien connue en matière d'impôt sur le revenu.
M. Michel Charasse. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. De deux choses l'une, monsieur le secrétaire d'Etat : ou bien on met à plat l'impôt sur le revenu et, dans le cadre d'une discussion globale sur sa conception et son devenir, on simplifie en traitant d'une manière uniforme...
M. Denis Badré. Et équitable !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... toutes les professions, ou bien on tarde à réaliser ce mouvement de baisse de l'ensemble de l'impôt sur le revenu et on voit alors inévitablement resurgir ces discussions corporatistes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai le souvenir - récent - des échanges vigoureux que nous avions eus au sujet d'une profession indispensable aux démocraties et que nous connaissons bien...
M. Michel Charasse. Les journalistes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, mon cher collègue !
M. Michel Charasse. Nos chers journalistes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, nos chers journalistes ! Mais pourquoi les VRP nous seraient-ils moins chers que les journalistes ? C'est un sujet qui ne peut pas ne pas resurgir, car ils sont aussi respectables les uns que les autres !
M. Denis Badré. Voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Que l'on veuille donc bien se diriger dès que possible vers une vision claire de l'impôt sur le revenu, vers une baisse des prélèvements obligatoires sur la personne, et tous ces sujets disparaîtront, nos discussions parlementaires n'en seront plus encombrées.
Certes, je comprends bien l'initiative de notre collègue M. Oudin et du groupe du RPR, mais je considère que ce sujet devra être réexaminé dans le cadre d'une étude plus globale de l'impôt sur le revenu et, le cas échéant, je ne serais pas du tout hostile à ce que cet amendement soit représenté lors de l'examen de la deuxième partie en tant que signal positif vis-à-vis de cette profession et en tant qu'appel à une véritable réforme au-delà d'un seul effet d'annonce.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, j'avais cru comprendre que M. le rapporteur général demandait le retrait de l'amendement de M. Oudin.
M. le président. M. Oudin ne s'étant pas manifesté, je dois vous consulter, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je suis hostile à cet amendement, et je tiens à dire à M. Oudin qu'il n'est pas absurde d'évoquer, lorsqu'une réduction linéaire de 5 % est proposée, le cas des contribuables qui ne s'acquittent pas d'une cotisation. N'est-ce pas pour mettre en oeuvre cette problématique extrêmement moderne que, à droite comme à gauche, certains ont proposé des systèmes d'« imposition négative » ?
Si la justice fiscale est à l'ordre du jour - ce qui est le cas sur l'ensemble de ces travées, j'en suis persuadé -, on doit veiller, surtout dans le cas français où 50 % des contribuables n'acquittent pas d'impôt sur le revenu, à prendre en compte la situation des plus défavorisés de nos concitoyens. Et, lorsque la moitié d'entre eux ne paient pas de cotisation et que l'on veut réformer le système de l'impôt sur le revenu, on doit se préoccuper des plus défavorisés, des plus modestes.
Voilà la problématique. Loin d'être absurde, elle est au contraire très moderne. De nombreux économistes ont soulevé cette question et produit une abondante littérature sur cette problématique d'une plus grande justice à travers une redistribution organisée autour du système de l'impôt sur le revenu.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement n° I-222 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je le retire, monsieur le président, en me ralliant à la suggestion de M. le rapporteur général : je le représenterai donc dans la seconde partie du projet de loi de finances.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre raisonnement est tout à fait valable. Il a un seul défaut : il concerne à 50 % une population qui n'est pas assujettie à l'impôt ! C'est malheureusement là que le bât blesse ! Si ce pourcentage ne s'élevait qu'à 5 %, 10 %, voire 15 % et correspondait donc vraiment à des personnes dont le niveau de revenus, selon l'échelle des revenus sociaux, est insuffisant, on pourrait alors comprendre. Mais quand 50 % des personnes ne paient pas l'impôt, et surtout l'impôt sur le revenu, manifestement, le système est obsolète !
M. le président. L'amendement n° I-222 est retiré.
Par amendement n° I-167, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 2, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le sixième alinéa, il est inséré dans l'article 83 du code général des impôts un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« ... les cotisations versées aux sociétés mutualistes. »
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 980 bis du code général des impôts, les mots : "n'est pas" sont remplacés par le mot : "est". »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement du groupe communiste républicain et citoyen porte sur la question de la quotité du revenu global imposable des contribuables à l'impôt sur le revenu.
Nous proposons en effet à la Haute Assemblée d'examiner la déductibilité fiscale des cotisations versées par les ménages et les particuliers aux organismes mutualistes, singulièrement dans le cadre de la couverture maladie complémentaire.
Cet amendement est fondé sur un principe relativement simple d'incitation à la souscription par les particuliers de cotisations de couverture complémentaire, dont on sait aujourd'hui qu'une part importante de la population n'en bénéficie pas faute d'avoir cotisé à une mutuelle.
En effet, cette démarche de responsabilisation a un coût important.
Les cotisations volontaires des salariés et des non-salariés aux régimes de protection sociale complémentaire représentent en effet des sommes relativement importantes : plusieurs dizaines de milliards de francs pour un montant global d'un peu plus de 70 milliards de francs de prestations, dont plus de 50 milliards de francs en complémentaire maladie.
Si l'on prend en compte le taux de prélèvement de l'impôt sur le revenu sur l'assiette imposable de cet impôt, on parvient, dans un premier temps, en tout cas en théorie, à une charge budgétaire liée à une éventuelle défiscalisation des cotisations de l'ordre de 5 à 7 milliards de francs, en sachant qu'une part importante des contribuables aujourd'hui mutualisés n'est pas en situation d'être imposable au titre de l'impôt sur le revenu.
Il s'agit là, évidemment, du coût strict des choses, du coût brut.
Mais la mesure que nous proposons comporte aussi des éléments susceptibles d'apporter des recettes.
Premier aspect : c'est cette année que se met en place, dans des conditions que nous jugeons d'ailleurs insuffisantes mais perfectibles, la couverture maladie universelle.
Pour peu que je me souvienne, la mise en oeuvre de cette nouvelle forme de prestation de solidarité est d'un coût budgétaire non négligeable, aux alentours des 7 milliards de francs, c'est-à-dire, dans les faits, à un niveau relativement proche de celui que nous avons évoqué plus haut quant à la faculté de déduire du revenu imposable les cotisations versées.
Inciter au développement de la couverture complémentaire volontaire des particuliers est un moyen de réduire l'intervention des fonds non seulement de l'Etat mais également des collectivités territoriales dans la prise en charge de la couverture complémentaire de nos compatriotes. Je vous rappelle en effet que les départements et les communes contribuent financièrement à l'aide sociale.
Cette mesure a aussi une vertu de responsabilisation des citoyens par une démarche de cotisation réfléchie, assumée et volontaire.
Il s'agit donc aujourd'hui, pour nous, de faire en sorte que se créent les conditions d'une meilleure couverture globale en matière de santé de la population de notre pays et que, dans le même temps, puissent se dégager des moyens nouveaux de financement de l'action de l'Etat.
Mais il est un autre aspect que l'on ne peut oublier : le mouvement mutualiste, dans ses règles de fonctionnement, dans ses principes et ses missions, est, de manière fondamentale, un lieu de débat et de décision démocratique, et la participation de chaque mutualiste à ce processus contribue à donner un relief particulier à ce que l'on appelle la citoyenneté.
C'est donc aussi l'un des fondements de notre proposition.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances remercie M. Loridant et ses collègues de lui donner l'occasion de rappeler un certain nombre de choses.
Tout le monde aime bien le mouvement mutualiste. Mais encore faudrait-il qu'il s'astreigne, dans notre pays, à des règles du jeu, et que, s'agissant de se mettre en conformité avec les directives européennes, il accepte de séparer l'activité de protection sociale de la gestion des oeuvres sociales. Encore faudrait-il qu'il soit irréprochable ! Il y a, en ce domaine, des exemples récents qu'il nous faudrait avoir présents à l'esprit avant d'envisager de nouvelles exonérations fiscales.
Nous sommes tous des mutualistes, nous sommes tous des sympathisants des organismes mutualistes. Mais, vraiment, si nous voulons voir ces derniers assurer leur avenir et tenir toute leur place dans le système de protection sociale, il nous faut non pas seulement leur faire des cadeaux et tenir des propos rassurants dans les assemblées générales, mais aussi leur expliquer que, comme toute entité de la vie économique et sociale, il leur faut peut-être s'adapter et se réformer.
Nous ne pouvons donc vraiment pas, à mon avis, aller dans le sens de cet amendement, en acceptant de compliquer encore plus l'impôt sur le revenu et de prendre des mesures qui, en matière de couverture de maladie universelle, vont introduire de nouvelles distorsions de concurrence entre les organismes mutualistes et d'autres intervenants tels que, par exemple, les caisses de sécurité sociale.
Bien entendu, il est souhaitable, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous nous disiez où se situe, après le rapport Rocard, la problématique de la mise en conformité des mutuelles par rapport aux directives communautaires.
Si nous voulons véritablement que les salariés du secteur privé ou les salariés de la fonction publique continuent de bénéficier avec sécurité, visibilité et prévisibilité des interventions complémentaires des mutuelles, si nous voulons renforcer cet élément de notre pacte social, ne faut-il pas faire en sorte que ces organismes se modernisent, acceptent la règle commune, ainsi que la transparence qui a fait tant défaut, et, disant cela, je pense naturellement au régime des étudiants ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, à partir de cet amendement du groupe communiste républicain et citoyen, pouvez-vous nous rassurer quant à l'évolution du secteur mutualiste et au respect des règles du jeu ? Lorsque ces règles seront mieux assurées et mieux établies, peut-être sera-t-il possible de réexaminer des amendements de ce type. Mais, à ce stade, nos collègues comprendront aisément que l'avis de la commission des finances ne puisse qu'être défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vais répondre avec clarté à M. le rapporteur général : le Gouvernement prépare effectivement un projet de loi qui portera transposition de la directive européenne concernant les assurances et les mutuelles. Ce projet de loi sera présenté au Parlement au cours du premier semestre de l'année 2000. Vous aurez donc satisfaction, monsieur le rapporteur général, et je rejoins tout à fait vos appréciations sur la nécessité de transparence et de rigueur dans la gestion des mutuelles.
J'en viens à l'amendement n° I-167. M. Loridant sait bien que la loi du 27 juillet 1999 créant la couverture maladie universelle s'inscrit dans le programme de lutte contre les exclusions et dans celui du renforcement de la cohésion sociale. Ce texte ouvre largement, à compter du 1er janvier 2000, la couverture maladie de base et la couverture complémentaire gratuite, et vise une population particulièrement vulnérable. C'est cette dernière, le plus souvent d'ailleurs non imposable, qui doit retenir notre attention.
Or, monsieur Loridant, la mesure que vous proposez par construction ne profiterait qu'aux personnes imposables. C'est d'ailleurs pourquoi vous l'introduisez dans des réflexions relatives à l'impôt sur le revenu. Elle n'est donc pas adaptée aux objectifs que la majorité plurielle et le Gouvernement poursuivent de concert. De fait, votre proposition favoriserait les 88 % de la population déjà couverts par une couverture complémentaire maladie. Cela entraînerait un effet d'aubaine qui, s'il se traduirait par une économie d'impôt relativement faible pour chaque contribuable, aurait néanmoins, en termes de dépenses fiscales, un coût prohibitif : jusqu'à 20 milliards de francs.
Je crois qu'il faut se garder d'hypothéquer ainsi nos marges de manoeuvres budgétaires ; il faut réserver ces dernières à nos concitoyens les plus démunis.
C'est pourquoi, monsieur Loridant, sachant que vous partagez les objectifs du Gouvernement en matière de justice sociale et de sécurité sociale, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Loridant, l'amendement n° I-167 est-il maintenu ?
M. Paul Loridant. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-167.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Comme les salariés de notre pays, les membres du groupe socialiste sont très attachés aux mutuelles, qui sont à l'origine du mouvement ouvrier. C'est dire avec quelle attention nous suivons les évolutions actuelles, et en particulier la grande vigilance qui est la nôtre quant aux réformes en cours du côté de l'Europe. Nous n'accepterons naturellement pas que soient mis en cause par l'Europe les règles et les principes de la mutualité. De ce point de vue, il ne faudra pas attendre notre soutien.
J'ai bien entendu les propos tenus tout à l'heure par M. le rapporteur général quant à la nécessité d'une plus grande transparence, etc. Je suis tout à fait d'accord. Mais la transparence est largement liée à la vigilance et à l'action de la tutelle. Et si certaines organisations mutualistes fonctionnent mal, ou ne sont pas transparentes, c'est parce que la tutelle, c'est-à-dire, depuis toujours, le ministère des affaires sociales, est défaillante.
Quant au principe de non-transparence, je vous propose, monsieur le rapporteur général, que nous fassions ensemble, un jour, la liste des organismes qui ne sont pas transparents ! Le jour où vous parviendrez à rendre transparente, par exemple, la gestion de la taxe piscicole par les fédérations de pêcheurs, nous en reparlerons ! C'est en effet un impôt qui est prélevé directement par le trésorier des fédérations, sans le contrôle de personne, et qui ne passe pas par les perceptions ! Je vous dis qu'un de ces jours on trouvera de belles choses là-dedans !
J'en viens maintenant au fond de l'amendement. L'ennui, dans la suggestion qui nous est faite par nos amis du groupe communiste républicain et citoyen, c'est que cet avantage ne profitera qu'à ceux qui paient l'impôt sur le revenu, lesquels ont généralement les moyens de se payer une mutuelle.
Le problème se pose pour ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu, ou qui sont sans ressources, et dont M. Loridant a parlé tout à l'heure, puisque, dans certains cas, l'aide sociale prend en charge exceptionnellement les cotisations mutualistes.
Par conséquent, j'aurais été beaucoup plus attiré par un amendement qui, à la limite, aurait créé un impôt négatif.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Voilà !
M. Michel Charasse. Cela n'étant pas le cas, je ne pourrai pas, à mon grand regret, voter l'amendement n° I-167. En effet, ce dernier, aboutirait au fond à accorder un avantage à des personnes qui n'en ont pas besoin, laissant de côté certains de nos concitoyens qu'il faudrait au contraire aider pour leur permettre de souscrire à une mutuelle, ce qui, soit dit en passant, allégerait considérablement les charges de l'aide sociale, puisque cette dernière supporte financièrement cette absence de mutuelle.
Je ne peux donc, je le répète, me rallier à l'amendement n° I-167.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le rapporteur général, il s'agit là d'une question de fond : nous avions en effet déjà proposé cet amendement l'année dernière, alors même que l'argumentation que vous avancez cette année sur le mode de fonctionnement de certaines mutuelles n'était pas opposable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le temps passe...
M. Paul Loridant. Vous me connaissez : je suis de ceux qui prônent la rigueur et la transparence. Si certaines mutuelles sont mal gérées, il faut y remédier et éventuellement sanctionner les gestionnaires.
M. Michel Charasse. La tutelle doit faire son travail !
M. Paul Loridant. Comme le dit M. Charasse, la tutelle doit faire son travail.
M. Michel Charasse. Exactement !
M. Paul Loridant. Comme bien d'autres au sein non seulement de la gauche, mais aussi de la majorité sénatoriale, les membres du groupe communiste républicain et citoyen sont très attachés au mouvement mutualiste, qui correspond à une prise en charge collective et à la prise de conscience que tout ne doit pas incomber à l'Etat ou à la collectivité. Une démarche volontaire de cotisation est un acte important qui responsabilise et fait jouer des valeurs collectives dans une période où, précisément, l'individualisme triomphe.
Cet amendement a pour objet fondamental d'encourager la démarche mutualiste, les directives européennes, qui sont très importantes dans ce domaine, ne devant pas détruire cet important mouvement.
Cela dit, je persiste dans mon idée, mes chers collègues. Je sais en effet, en tant que président d'un centre communal d'action sociale, que, lorsque des familles demandent l'aide médicale, elles sont prises en charge pendant les trois premiers mois et qu'il leur est systématiquement demandé ensuite de faire l'effort, même si elles ont des ressources modestes, de cotiser elles-mêmes à une mutuelle. Cette démarche suppose d'ailleurs un accompagnement.
Si cette mesure ne bénéficie pas à ceux qui ne sont pas imposables, elle vise néanmoins à confronter le mouvement mutualiste à une époque où certains voudraient le voir disparaître, certaines compagnies d'assurance notamment, qui voudraient à tout prix prendre sa place.
Voilà pourquoi nous tenons à maintenir cet amendement, et nous invitons la Haute Assemblée à l'adopter.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur M. Loridant, le cas de figure que vous évoquez sera couvert, à partir du 1er janvier 2000, par la mise en oeuvre de la CMU.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Jusqu'à 3 300 francs de revenus !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. En conséquence, l'exemple que vous avez évoqué de manière très vivante dans votre intervention présente désormais un caractère théorique : il relève du passé.
Votre amendement était certainement intéressant l'année dernière ; aujourd'hui, il a « pris un coup de vieux », si je puis dire, puisque la loi de juillet 1999 va bientôt entrer en application.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je souhaite réaffirmer les raisons pour lesquelles je voterai cet amendement n° I-167 que mon groupe a présenté.
La couverture maladie universelle portera sur la partie « base sécurité sociale » et la partie complémentaire, mais uniquement pour les personnes ne disposant que de 3 300 à 3 500 francs. L'amendement que nous présentons, en revanche, concerne des personnes qui payent l'impôt sur le revenu et qui perçoivent des revenus que je qualifierai de moyens.
La plupart des demandes qui sont présentées à l'aide sociale concernent, comme l'a dit Paul Loridant, la prise en charge de la cotisation mutuelle ; les bureaux d'aide sociale doivent prendre en charge des sommes que nos concitoyens ne peuvent pas assumer, des sommes considérables qui restent à leur charge après la prise en charge de la sécurité sociale.
Cela représente des sommes énormes, et vous savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette demande existe dans tous nos bureaux d'aide sociale...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ce ne sont pas des dépenses de même nature !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout à fait, monsieur le ministre.
Vous estimez que le coût de notre amendement serait de 20 milliards de francs. Cela prouve que cette question doit être traitée. Qu'on le veuille ou non, en effet, la sécurité sociale rembourse aujourd'hui de moins en moins bien et il reste une part de plus en plus lourde à la charge des cotisants.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. L'amendement présente un avantage et un inconvénient. L'inconvénient, c'est qu'il est totalement inadapté à la situation ; et l'immense avantage, c'est qu'il nous aide à comprendre comment le Gouvernement aborde la question de la transposition des troisièmes directives de coordination dans le secteur des assurances dans le code de la mutualité.
Les interventions que nous avons entendues, la vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat, celle de M. Charasse, qui s'exprime, je l'imagine, au nom du groupe socialiste, alors qu'il semble dire « ne comptez pas sur nous », et celle des membres du groupe communiste républicain et citoyen, qui appartiennent, en tout cas à cet instant, à la majorité qui soutient le Gouvernement et qui me semblent être en communion de pensée avec vous... m'incitent à vous demander ce que vous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement a nommé M. Michel Rocard à la tête d'un groupe de travail pour préparer cette transposition. M. Rocard vient de rendre ses travaux, que j'ai eu l'occasion de lire, puisque j'ai eu l'honneur de travailler sur la question des assurances pour le compte de la commission des finances. Je voudrais savoir si ces travaux donnent satisfaction au Gouvernement, si le projet de loi que vous nous avez annoncé s'en inspirera. Nous voulons en effet savoir comment aborder cette question qui a été soulevée par M. le rapporteur général.
Je crois vraiment que le budget est un rendez-vous important entre le Gouvernement et le Parlement, qui représente la nation. Il faut donc nous en dire plus, monsieur le secrétaire d'Etat, et ne pas vous contenter de quelques informations, au détour de tel ou tel amendement. Nous ne pouvons pas rester dans l'ambiguïté.
Il y a ce que le Gouvernement pense et ce que pensent les partis qui le soutiennent. La position de la majorité sénatoriale, en revanche, est très claire sur le sujet. Pour l'instant, la lumière est donc plutôt du côté de la majorité sénatoriale et l'ombre du côté du Gouvernement et de sa majorité. (Sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-167.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je voudrais demander à M. Loridant - parce que je vais voter, avec mon groupe, contre son amendement - s'il ne serait pas préférable de le retirer afin de réfléchir à une nouvelle rédaction, en concertation avec le Gouvernement, de manière à pouvoir présenter à nouveau cet amendement à l'occasion du collectif, par exemple. Je ne sais pas quelle sera la position finale du Gouvernement, mais il est bien évident qu'aller au-delà de la première tranche du barème, c'est accorder un avantage injustifié.
Par ailleurs, l'expression « cotisation versée aux sociétés mutualistes » - je viens de m'en apercevoir à l'instant - m'incite à dire qu'il faudrait préciser qu'il ne s'agit que des cotisations mutualistes « maladie ». En effet, des cotisations mutualistes comportent aujourd'hui des assurances décès, des assurances cercueil, pertes des revenus, etc. On ne peut donc pas laisser déduire l'intégralité de la cotisation mutualiste.
Je suis toujours adhérent de la Mutuelle centrale des finances, en tant qu'ancien fonctionnaire du ministère des finances. Je paie 1 500 à 1 600 francs par mois parce que ma cotisation couvre l'assurance maladie, l'assurance décès, l'assurance vie, etc. Il est bien évident que ce que vise M. Loridant, c'est seulement la cotisation d'assurance maladie.
Il serait donc plus raisonnable, monsieur Loridant, de retirer cet amendement afin de vous laisser aux uns et aux autres le temps de réflechir à une solution qui viserait vraiment les cas les plus modestes, c'est-à-dire les personnes qui sont à la limite de l'impôt sur le revenu et que l'on retrouve, effectivement, de temps en temps, dans les bureaux d'aide sociale de nos mairies.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-167, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-106, MM. Ostermann, Braun, Cazalet, Chaumont, Oudin et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 154 du code général des impôts, les mots : "de 17 000 francs" sont remplacés par les mots : "d'une rémunération égale au plus à trente-six fois le montant mensuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance".
« II. - Dans le second alinéa du I du même article, le nombre : "trente-six" est remplacé par le nombre : "soixante-douze".
« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application des I et II ci-dessus, sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Lorsque la femme d'un artisan ou d'un commerçant occupe un emploi salarié dans l'entreprise de son mari, son salaire est réintégré pour une grande part dans le bénéfice de l'entreprise. Il en est ainsi pour la part de son salaire dépassant 17 000 francs par an, sauf si l'entreprise adhère à un centre de gestion agréé. Une partie plus ou moins importante de son salaire est donc assimilée, fiscalement, à un bénéfice et non à un salaire.
Cette règle est absurbe sur le plan de l'assurance sociale. En effet, alors que le salaire du conjoint supporte en totalité les cotisations d'assurance maladie, vieillesse, etc. du régime des travailleurs non salariés une partie de celui-ci est une nouvelle fois soumise à ces cotisations au titre du régime des travailleurs non salariés.
Il est indispensable de mettre un terme à l'anomalie que constitue le bas plafonnement de la déductibilité du salaire du conjoint à 17 000 francs.
Le présent amendement vise donc à relever ce plafond à trente-six fois le SMIC pour les entreprises non adhérentes à un centre de gestion agréé et à soixante-douze fois le SMIC pour les entreprises adhérentes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Oudin a eu une bonne idée. Cet amendement tend en effet à introduire une mesure d'équité s'agissant de sujets souvent douloureux et mal pris en compte par la réglementation fiscale actuelle. La commission des finances est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Du fait de la communauté d'intérêt existant entre les époux mariés sous un régime non exclusif de communauté, la rémunération versée au conjoint de l'exploitant présente le caractère d'une affectation de bénéfice et non celui d'une charge déductible du résultat imposable. Les solutions actuelles sont donc, par rapport aux principes généraux de déduction, d'ores et déjà particulièrement favorables au conjoint.
Par ailleurs, l'accroissement de la déduction dans les proportions proposées permettrait à l'exploitant d'obtenir le bénéfice de l'abattement de 20 % sur la fraction de son revenu professionnel correspondant au salaire versé au conjoint, ce qui irait à l'encontre de la volonté régulièrement affirmée de subordonner un tel abattement à l'adhésion à un centre de gestion agréé.
A cet égard, l'augmentation que vous proposez de la limite de déduction applicable lorsque l'exploitant adhère à un tel centre n'aurait aucune portée, puisqu'elle ne concernerait que les exploitants susceptibles d'attribuer à leur conjoint un salaire annuel excédant 240 000 francs.
Enfin, le coût de la mesure que vous préconisez est de plus de un milliard de francs.
M. Michel Charasse. Le tabac !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-106, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2.
Par amendement n° I-223, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans les I et II de l'article 154 quinquies du code général des impôts, les mots : ", pour la fraction affectée en application du IV de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale au financement des régimes obligatoires d'assurance maladie," sont supprimés.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement rend la CSG totalement déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu.
La déductibilité seulement partielle qui existe actuellement n'est pas fiscalement équitable. Une déductibilité totale permettrait de mettre fin au sentiment d'injustice ressenti par les contribuables qui paient de l'impôt sur de l'impôt, ce qui est totalement contraire à notre droit fiscal.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission estime que ce sujet est extrêmement important et que cette préoccupation doit être exprimée.
Comme les auteurs de l'amendement, nous pensons qu'il n'est pas normal que la CSG ne soit pas, comme les cotisations sociales prélevées à la source, déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu. Nous estimons donc qu'il est fondamentalement anormal que l'on soit amené à payer l'impôt sur un revenu que l'on n'a pas perçu.
La situation actuelle, où les contributions sociales sont partiellement déductibles, est exagérément complexe, mal comprise et donc non satisfaisante. Même si l'orientation qui est ainsi tracée nous paraît être bonne, il est clair que cet amendement soulève une question majeure de politique budgétaire et fiscale.
L'enjeu d'une telle orientation est un enjeu majeur, puisqu'il s'agit de 15 milliards à 20 milliards de francs. Il sera donc nécessaire, à l'occasion d'un réexamen d'ensemble de la politique des finances publiques, notamment de la politique fiscale, et plus particulièrement de la fiscalité des personnes, de bien poser ce problème.
Il est vrai que l'addition de l'impôt sur le revenu et d'une contribution sociale généralisée qui n'est pas intégralement déductible pose un problème majeur. Il est non moins vrai que l'on ne pourra pas se fonder éternellement sur de telles pratiques.
Lorsque viendra le moment de la discussion de fond sur l'impôt sur le revenu, il sera nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, que soient bien liés tous les aspects.
Il y a un certain nombre d'années, beaucoup d'entre nous demandaient une consolidation, en quelque sorte, voire une fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG, c'est-à-dire un élargissement de l'impôt sur le revenu à toutes les formes de revenus et un partage du proportionnel et du progressif. Il conviendra, lorsque le Gouvernement nous offrira l'opportunité de participer à un débat global sur la fiscalité des revenus, de revenir sur ce problème.
Un grand nombre de contribuables ne comprennent pas pourquoi ils reçoivent le solde d'impôt sur le revenu et, un mois plus tard, la note de la CSG. Ils constatent en effet à cette occasion qu'il y a non seulement une pression fiscale globale, mais aussi un second élément qui n'est pas pris en compte dans le premier.
Sur le fond, la commission des finances ne peut qu'adhérer au raisonnement tenu par nos collègues. Il n'en demeure pas moins qu'à ce stade, après le débat dans cet hémicycle, il convient de retirer cet amendement, qui n'est pas compatible avec le solde budgétaire que l'on peut raisonnablement attendre pour l'année 2000. Il conviendra de réexaminer ce sujet dans le cadre de la réforme globale de l'impôt sur le revenu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je partage l'opinion de M. le rapporteur général quant à la nécessité de retirer l'amendement n° I-223, et cela pour deux raisons.
D'abord - le rapporteur général l'a indiqué lui-même -, le coût budgétaire de la mesure proposée est très élevé : 17 milliards de francs. Il ne s'agit donc pas d'une petite mesure que l'on peut proposer au détour d'un simple amendement. Il s'agit vraiment d'une réforme de fond, à laquelle, d'ailleurs, je me déclare hostile.
En effet, cette réforme aurait un effet anti-redistributif tout à fait manifeste, parce qu'elle bénéficierait davantage aux contribuables imposés à des taux marginaux élevés. En effet, pour 100 francs de CSG acquittée, l'avantage serait nul pour un salarié non imposable par construction. En revanche, il serait de 54 francs pour les 235 000 contribuables imposés au taux marginal supérieur de l'impôt sur le revenu.
Pour cette raison, nous nous situons très largement au-delà des limites acceptables au regard de la justice fiscale et de la redistribution des revenus à partir de l'imposition sur le revenu.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-223.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne suis pas favorable à cet amendement parce que la question posée par M. Oudin mérite une réflexion autrement plus approfondie - et je pense qu'il est d'accord - que celle à laquelle il nous convie aujourd'hui.
Les constituants de 1958 ont prévu que les dépenses sociales sont financées par des cotisations. Les cotisations, ce sont les modalités de financement qui, sauf en ce qui concerne leur création, échappent complètement - M. Oudin le sait bien, puisqu'il est rapporteur spécial sur ce sujet - à la compétence parlementaire, s'agissant de leur assiette, de leur taux et de leurs modalités de recouvrement.
Au fil des ans, on a pris l'habitude de faire un mélange, dans le budget social de la nation, entre les cotisations, qui échappent au Parlement, et certains impôts. Il y a d'abord eu des taxes spéciales affectées : à une époque ce furent les taxes du BAPSA, puis une partie des droits sur le tabac, enfin la CSG.
Le problème, c'est que, de la CSG, qui est le plus important de tous les impôts - mais ce n'est pas le seul qui soit affecté aux dépenses sociales - on a fait un impôt, et qu'on est entré dans l'ère du mélange, c'est-à-dire dans un système qui en fait m'apparaît, à moi, être une violation de l'esprit des institutions et de l'article 34 de la Constitution. C'est comme cela !
On ne pouvait peut-être pas faire autrement. C'était sans doute inéluctable. Mais il n'empêche que nous ne sommes plus dans le dispositif de la Constitution de 1958, qui, au fond, avait établi une sorte de partage entre le Parlement, d'une part, et les partenaires sociaux, d'autre part.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Michel Charasse. Par conséquent, il n'est pas anormal qu'aujourd'hui on se trouve dans un système dont M. Oudin soulève l'anomalie, qui consiste à dire : c'est un impôt, mais qui n'est pas déductible, car c'est en fait un impôt qui est une quasi-cotisation. Vous me rétorquerez qu'une cotisation est déductible. Sans doute, mais il se trouve que ce n'est pas une cotisation, puisque c'est un impôt...
Par conséquent, tout est dans tout et dans le contraire de tout ! Cela rejoint la question posée par M. Oudin à l'occasion de l'amendement n° I-1, à propos d'un système unique dans lequel le budget comporterait l'ensemble des dépenses et l'ensemble des recettes.
En réalité, il nous faut réfléchir. Je pense, moi, que la sortie normale de cette discussion, si l'on veut rester dans l'esprit des institutions de la République et des principes selon lesquels l'impôt est voté par le Parlement, nous contraindra, un jour ou l'autre, à aller jusqu'au bout de la logique et à décider que, désormais, les cotisations sociales seront pleinement de la compétence parlementaire.
Pour l'instant, je ne peux pas voter l'amendement n° I-223 de M. Oudin, et je suis persuadé qu'il comprend pourquoi.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je n'aurais pas pu mieux parler que M. Charasse, qui a fort bien dit les choses.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. De manière sensée !
M. Jacques Oudin. Il est plutôt sympathique et réconfortant de voir qu'il est, dans cet hémicycle, des personnes qui pensent la même chose, quelles que soient les travées sur lesquelles elles siègent.
Notre système fiscal de la personne est obsolète. Nous passons notre temps à répéter qu'il faudra le revoir globalement ; M. le secrétaire d'Etat nous l'a encore dit deux fois ce matin. La question naïve que l'on pourrait vous poser est de savoir quand vous allez vous y mettre ! Un gouvernement a ouvert le chantier, que vous vous êtes empressés d'arrêter dès votre arrivée aux affaires ! Vous auriez pu au moins poursuivre la réflexion, quitte à l'orienter vers des options différentes.
Par conséquent, on diffère l'adoption des amendements que nous déposons parce que nous pensons que certaines situations méritent d'être modifiées - nous venons d'en avoir un certain nombre - et on nous demande de les retirer les uns après les autres, en attendant une réflexion globale qui n'arrive pas. C'est ainsi que, année après année, strate après strate, modification après modification, nous avons abouti à un système que certains disent anticonstitutionnel, qui est en tout cas complexe et dans lequel plus personne ne retrouve ses petits !
M. Philippe de Gaulle. L'impôt n'est plus proportionnel, comme le prévoyait pourtant la Constitution...
M. Jacques Oudin. Il faudrait vraiment que la réflexion soit menée de façon claire, nette et globale, au moins sur l'impôt sur le revenu.
Je retire volontiers mon amendement, mais le problème n'en demeure pas moins posé !
M. le président. L'amendement n° I-223 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-121, MM. Revet et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La deuxième phrase du deuxième alinéa du 5 a de l'article 158 du code général des impôts est ainsi rédigée : "Cet abattement est fixé à 31 900 francs pour l'imposition des revenus perçus à compter du 1er janvier 1999."
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-169, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions des articles 6 et 92 de la loi de finances pour 1997 (loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996) sont abrogées.
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 199 decies B du code général des impôts, le taux : "15 %" est remplacé par le taux : "10 %". »
La parole est à M. Clouet, pour défendre l'amendement n° I-121.
M. Jean Clouet. L'amendement n° I-121 vise à rétablir le plafond de l'abattement de 10 % au titre des pensions.
Etant donné qu'il a fait l'objet d'un avis défavorable en commission, nous le retirons.
M. le président. L'amendement n° I-121 est retiré.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-169.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'amendement n° I-169 du groupe communiste républicain et citoyen porte sur la question de la définition de l'abattement de 10 % appliqué au montant imposable des pensions et retraites, dont la portée avait été quelque peu limitée par la loi de finances pour 1997, année de la réforme Juppé, soutenue à l'époque par la majorité sénatoriale.
Arguant notamment du fait qu'une part importante du revenu des retraités bénéficiait d'un abattement spécifique institué en vertu de l'article 157 bis du code général des impôts, le gouvernement d'alors avait motivé la réduction des effets de l'abattement appliqué aux pensions et retraites par le fait que celui-ci aurait fait double emploi.
On avait également justifié cette mesure par la réduction générale de l'imposition des diverses tranches du barème progressif, qui devait faire retrouver aux retraités une situation proche de la situation antérieure.
Cette orientation, que nous avions combattue à l'époque, appelle aujourd'hui, de notre part, plusieurs observations.
La première est que les pensions et les retraites qui bénéficient de l'abattement de 10 % sont et demeurent représentatives des cotisations versées par les salariés, notamment par les retraités, au cours de leur vie professionnelle. Etant donné que ces revenus sont, en quelque sorte, des revenus salariaux différés, je ne trouve pas scandaleux qu'ils bénéficient du traitement réservé aux salaires. Le rétablissement de cet abattement au niveau qui était le sien avant la réforme de 1997 trouve donc là, de notre point de vue, une première justification.
La deuxième observation est que l'abattement porte sur les pensions et retraites assimilables aux revenus salariaux, et ce dans une limite réévaluée de 24 000 francs aujourd'hui, ce qui constitue, selon nous, un facteur d'inégalité de traitement entre revenus. En effet, pour peu que les contribuables retraités aient eu l'occasion de réaliser quelques placements financiers, ces revenus bénéficient toujours des avantages liés à la mise en oeuvre soit d'exonérations totales ou partielles, soit de prélèvements libératoires plus nettement favorables que les taux d'imposition appliqués au barème progressif. Cela vaut, par exemple, pour les plans d'épargne en actions, mais également pour les primes capitalisées d'assurance vie, etc.
Cela créé trois catégories de contribuables retraités : ceux qui bénéficient de l'abattement prévu par l'article 157 bis, sans grande capacité contributive ; ceux dont les revenus sont essentiellement, sinon exclusivement, composés des pensions de retraite issues de leur régime par répartition, et qui enregistrent donc, depuis 1997, cette réduction de la portée de l'abattement de 10 % ; enfin, ceux dont les revenus sont aussi des revenus financiers - et parfois plus des revenus financiers que des revenus différés - et qui continuent de tirer parti des conditions fiscales avantageuses accordées à ces revenus.
C'est aussi parce que nous ne souhaitons pas voir cette situation perdurer que nous demandons, cette année encore, la remise en question des articles 6 et 92 de la loi de finances pour 1997.
Enfin, troisième et dernière observation, nous ne pouvons oublier que la réduction de cet abattement de 10 % a également un impact sur le revenu fiscal de référence utilisé en matière de fixation des impositions locales et qu'elle a pu conduire, dans certains cas, à une majoration des cotisations dues au titre de la taxe d'habitation.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement n° I-169.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les amendements n°s I-121 et I-169 étaient identiques, au gage près, le gage prévu par le groupe communiste républicain et citoyen étant, du point de vue de la majorité de la commission des finances, hors du domaine de l'acceptable. Mais ce n'est qu'un détail par rapport à l'ensemble !
La commission comprend l'intention des auteurs. Nous avons d'ailleurs déjà eu connaissance de ce type d'amendement lors du débat budgétaire de l'an dernier.
Il est clair que l'essentiel est d'arrêter la diminution du plafond. Cela a été fait l'année dernière, au terme d'un débat qui a eu lieu dans les deux assemblées,...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Très long débat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... lesquelles s'étaient mobilisées assez largement, toutes opinions confondues, et après un revirement opportun du Gouvernement, qui a accepté la stabilisation à 20 000 francs.
Pour aller plus loin, il faudrait, monsieur le secrétaire d'Etat, reprendre ce débat à l'occasion de l'examen global de l'impôt sur le revenu dont nous parlons depuis le début de la matinée, car il s'agit d'un sujet dont les implications sont lourdes, sur les plans tant financier que budgétaire, et qui, de plus, est important du point de vue social et du point de vue de l'équité. Il ne faudra naturellement pas oublier de bien mettre en perspective les comparaisons entre les personnes en activité et les personnes retraitées.
En attendant qu'un tel débat ait lieu, je souhaite que le groupe communiste républicain et citoyen accepte de retirer son amendement, à défaut de quoi, notamment au vu du gage qui a été prévu, je ne pourrais qu'émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vais d'abord rappeler la genèse de la situation actuelle.
L'abattement de 10 % sur les pensions et retraites a été profondément remanié en 1997 par la réforme dite Juppé et, comme vient de le préciser M. le rapporteur général, des débats nourris sur ce sujet ont eu lieu lors de l'examen de la loi de finances de 1999, ici même et à l'Assemblée nationale.
Nous sommes parvenus à un équilibre en arrêtant la disparition de cet avantage au profit des retraités, c'est-à-dire en mettant fin au processus de baisse du plafond qui avait été programmé par le gouvernement Juppé.
Nous avons tenu compte de la situation des retraités les plus modestes - d'ailleurs, de l'immense majorité des retraités - en fixant le plafond à 20 000 francs, ce qui correspond, je le rappelle, à 200 000 francs de pension par an, soit à près de 17 000 francs par mois. Ne sont touchés par ce plafond que 5 % des retraités ou pensionnés.
Par ailleurs, ce plafond est indexé sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
La mesure d'équilibre à laquelle nous sommes parvenus me semble bonne. Elle préserve la situation de la très grande majorité des retraités, en tout cas de ceux qui ne disposent que de revenus modestes ou moyens. Il ne me semble donc pas opportun de revenir dessus.
J'ajouterai, madame Beaudeau, que les personnes concernées ne peuvent pas constater des majorations de taxe d'habitation parce que, compte tenu du niveau de leurs revenus, elles ne bénéficient pas des trois dispositifs qui permettent de faire varier la taxe d'habitation. Vous devez compléter votre information, madame le sénateur.
Pour toutes ces raisons, je demande aux auteurs de l'amendement de bien vouloir le retirer, sinon j'en demanderai le rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1-169.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je voulais simplement saisir l'occasion pour rappeler à Mme Beaudeau, qui vient d'évoquer une fois de plus le caractère privilégié, à ses yeux, du prélèvement libératoire sur les revenus de certaines catégories de capitaux, que ces revenus ne proviennent pas de capitaux tombés du ciel. Ils proviennent de capitaux qui ont été constitués grâce à des revenus ou à des capitaux déjà taxés, soit au titre de l'impôt sur le revenu, soit au titre des droits de succession, soit, quelquefois, lorsqu'il y a un réinvestissement, au titre du prélèvement libératoire. En tout cas, ils ne sont jamais vierges de fiscalité !
Alors, que l'on cesse de nous parler du privilège que constitue le prélèvement libératoire !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-169, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-86, M. Miquel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« La déduction de charges mentionnée à l'article 163 septdecies du code général des impôts est remplacée par une réduction d'impôt sur le revenu. Cette réduction est égale à 25 % du montant des sommes effectivement versées et mentionnées à l'article précité. Les sommes ouvrant droit à réduction d'impôt ne peuvent excéder, au titre d'une même année, le montant de 120 000 francs. »
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. La progressivité de notre système de prélèvement fiscal est faible, comme chacun sait, en raison notamment du poids limité de l'impôt sur le revenu dans celui-ci.
Des enquêtes ont montré, par ailleurs, qu'une majorité de Français ont le sentiment non pas que l'impôt sur le revenu est trop élevé, mais que cet impôt est mal réparti.
Ce sentiment vient de ce que perdurent encore trop souvent de multiples régimes fiscaux dérogatoires du droit commun, qui permettent à certains contribuables, et non les plus à plaindre, d'échapper de manière substantielle à cet impôt.
Tout concourt donc à montrer que les réformes importantes qui ont été engagées en 1983 visant à transformer une majeure partie des déductions sur le revenu en réductions d'impôt, comme celles qui ont été engagées depuis trois ans en matière de lutte contre ce que l'on a appelé « les niches fiscales », vont dans le bon sens.
Des efforts ont été consentis en 1997 dans le secteur du financement en capital d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles. Néanmoins, il ne nous paraissent pas suffisants. Il semble nécessaire aujourd'hui, à propos de ce que l'on appelle dans notre jargon les SOFICA, sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, de mettre enfin en place un dispositif cohérent du point de vue de la justice fiscale.
A cet égard, deux objectifs doivent être remplis.
D'une part, l'avantage fiscal nouveau doit être mieux proportionné aux véritables retombées constatées dans la réalité. En effet, il apparaît qu'une faible proportion seulement de dépenses éligibles au système de déduction du revenu est réellement investie dans le secteur du cinéma.
D'autre part, l'avantage fiscal nouveau ne doit pas constituer un frein par trop significatif à la progressivité de l'impôt. En effet, même si l'aspect incitatif de l'avantage fiscal doit être conservé, il n'est pas opportun que celui-ci permette non seulement aux bénéficiaires d'obtenir une diminution d'impôt, mais encore à certains d'entre eux de changer de tranche d'imposition.
C'est pourquoi, tout en gardant la même limite maximale de dépenses éligibles en vigueur - soit 120 000 francs par an -, nous proposons de faire en sorte que le montant de l'avantage en impôt ne dépasse pas la somme de 30 000 francs, alors qu'aujourd'hui il peut atteindre 64 800 francs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est extrêmement surprise par cet amendement, ainsi d'ailleurs que par l'argumentaire utilisé pour sa présentation.
En effet, à entendre notre collègue Bernard Angels, la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu serait faible. Or j'ai cru comprendre, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il était question de réformer l'impôt sur le revenu en raison notamment du caractère inadéquat du barême. Dès lors, il va falloir qu'on nous explique, peut-être à l'issue d'une utile concertation entre le Gouvernement et le principal groupe qui le soutient, dans quelle direction est censée s'engager cette réforme de l'impôt sur le revenu.
M. Angels souhaiterait un durcissement : plus de prélèvements et une progressivité plus forte. (M. Angels fait un signe de dénégation.) C'est ce que j'ai cru comprendre !
M. le secrétaire d'Etat, quant à lui, souhaiterait s'engager dans une voie plus propice au développement des activités économiques.
Au demeurant, je le répète, M. le président de l'Assemblée nationale s'est exprimé de manière, à mon sens, tout à fait constructive en la matière.
J'avoue être également très surpris en ce qui concerne les SOFICA.
En ce moment même, toutes sortes de personnes fort estimables manifestent un peu partout pour défendre l'exception culturelle française, afin que, et je cite, les « affreux Américains » ne nous envahissent pas !
La production cinématographique n'est-elle pas un vecteur important de la francophonie et de nos valeurs culturelles ? Quel est le signal qui peut être donné, au moment même des négociations de Seattle, par la réduction d'un avantage maximal de 64 000 francs à 32 000 francs ? Est-ce à la mesure du sujet que nous avons à traiter, à savoir la définition de dispositions incitatives au maintien et au développement d'une production cinématographique française ?
Certes, le régime des SOFICA n'est pas la panacée. Il n'est pas extraordinaire. Il ne coûte même pas très cher à l'Etat. On peut d'ailleurs se demander s'il y a suffisamment de projets de financement d'entreprises de production à se « mettre sous la dent ». Mais est-il réellement opportun de proposer une mesure risquant de leur être préjudiciable.
Affirmer que les contribuables qui versent ne sont pas à plaindre est effectivement exact puisqu'il faut bien qu'ils disposent de revenus suffisants pour être intéressés par des déductions fiscales ! Mon cher collègue, il est clair que l'on ne peut pas « tondre un oeuf ». Ce n'est pas nouveau, mais c'est un vieux principe qu'il vaut mieux garder en tête.
Au lieu de s'arrêter sur la situation de fortune de ces contribuables ne faut-il pas mieux considérer l'intérêt des entreprises, l'intérêt de l'économie ? Il vaut mieux plaindre les entreprises faibles plutôt que de passer son temps à regretter que des contribuables aisés soient incités à investir leurs capitaux là où l'on en a besoin, même si c'est de manière assez symbolique.
Enfin, si la procédure est utilisée de manière abusive, chacun sait que toutes sortes de procédures de contrôle fiscal peuvent être mises en jeu ; je ne ferai pas l'injure à l'excellent rapporteur spécial des crédits des services financiers, Bernard Angels, de penser qu'il ignore ces procédures et les moyens susceptibles d'être mis en jeu par l'administration fiscale.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je tiens tout d'abord à rassurer M. le rapporteur général : il n'existe aucun problème d'harmonisation entre la majorité plurielle, le groupe socialiste en particulier, et le Gouvernement.
M. Jean Chérioux. Bonne nouvelle !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Nous partageons la même pensée et souscrivons au principe qui a présidé au dépôt de cet amendement, à savoir la transformation progressive, loi de finances après loi de finances, des déductions du revenu global en réductions d'impôts. De ce point de vue, l'amendement paraît donc tout à fait intéressant.
Au demeurant, M. le rapporteur général a excellemment rappelé, à l'instant, que le problème posé par les SOFICA viendrait plutôt du fait que les dispositifs existants tournent quelque peu au ralenti par rapport à la production cinématographique française puisqu'ils aboutissent à une dépense fiscale d'environ 100 millions de francs.
Ainsi, nous devons essayer de rapprocher ces deux objectifs : soutenir la production française - et je crois que c'est d'actualité au moment où s'ouvrent les débats de l'Organisation mondiale du commerce pour plusieurs années alors que nous aurons à défendre une certaine conception de la culture française et une conception européenne de la présence de notre culture dans le monde - mais aussi faire toute leur place aux propositions du type de celles de M. Angels. Toutefois, monsieur le sénateur, vous le comprendrez, je préférerais que cela ait lieu dans le cadre de la réforme globale de l'impôt sur le revenu qui doit intervenir.
J'en profite pour rassurer M. Oudin à ce propos. A la suite de ce qu'avaient indiqué M. le Premier ministre et M. le ministre de l'économie et des finances, j'ai bien dit que ce serait au cours de l'année 2000 que sera présentée, probablement à travers le projet de loi de finances pour 2001, une réforme de l'imposition sur le revenu.
Je crois donc, monsieur Angels, que, prenant en compte la volonté du Gouvernement de retenir le principe fiscal que vous venez d'invoquer, vous pourriez retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Angels, maintenez-vous votre amendement ?
M. Bernard Angels. Monsieur le secrétaire d'Etat, les réformes d'assiette doivent être terminées avant que n'intervienne la réforme du barème. J'espère qu'un large débat aura lieu l'an prochain sur ce point car il faut à tout prix répondre au besoin de justice fiscale.
En attendant, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-86 est retiré.
Par amendement n° I-170, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Deux frères, deux soeurs ou un frère et une soeur qui résident ensemble font l'objet, pour les revenus fixés au premier alinéa de l'article 196 A bis du code général des impôts, d'une imposition commune à compter de l'année qui suit leur déclaration de résidence commune à la mairie de leur domicile.
« II. - Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat du I ci-dessus sont compensées par un relèvement des droits figurant à l'article 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. En adoptant la proposition de loi sur le pacte civil de solidarité, le PACS, le Parlement a choisi de prendre en compte dans la loi, en particulier sur le plan fiscal, les évolutions des modes de vie et les boulversements socio-économiques.
La désertification de nos campagnes, qui figure au nombre de ces évolutions, conduit bien souvent des frères et soeurs à vivre sous le même toit et à partager de ce fait les charges d'un ménage. Cette situation, même si elle se rencontre plutôt en milieu rural, peut aussi parfois être observée en milieu urbain.
Aussi nous paraît-il logique de faire figurer dans la loi de finances que les frères et soeurs qui vivent sous le même toit peuvent bénéficier d'une déclaration fiscale commune.
Une telle disposition avait été présentée lors de la discussion de la proposition de loi sur le PACS et adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, mais elle n'avait finalement pas été retenue. Nous proposons de la rétablir dans la loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement traite du problème bien connu des fratries, problème d'autant mieux connu que nous l'avons rencontré, notamment, tout au long de la discussion, agrémentée de multiples navettes, sur cette chose que l'on appelle le PACS.
Lors de cette discussion, il n'aurait évidemment pas été possible de donner un avis favorable sur une telle disposition dans la mesure où les deux commissions saisies dans notre assemblée, à savoir la commission des lois et la commission des finances, avaient retenu une autre logique, mettant en avant une forme plus générale de solidarité.
Aujourd'hui, nous pouvons regarder cette proposition d'un oeil différent. Elle nous a semblé aller dans le sens de l'équité fiscale avec la reconnaissance de la solidarité entre frères et soeurs habitant ensemble. Ayant en outre constaté que le gage, tout à fait classique, était parfaitement acceptable, je crois pouvoir dire que cet amendement, qui est complémentaire de celui que présente la commission en matière de droits de mutation par décès, peut recueillir un avis favorable.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La situation des collatéraux proches qui ont communauté de vie pose un vrai problème, et M. Loridant l'a remarquablement exposé il y a un instant.
C'est précisément parce que le Gouvernement reconnaît qu'il y a là une question qui se pose concrètement dans la vie de nombreux frères et soeurs vivant ensemble que Mme le garde des sceaux avait proposé, lors du débat sur le pacte civil de solidarité, de créer un groupe de travail chargé d'étudier ce sujet. Ce groupe de travail devrait rendre ses conclusions assez rapidement. En tout cas, elles seront certainement disponibles lorsque nous aborderons la réforme globale de l'impôt sur le revenu.
Je me propose donc de reprendre au moins l'esprit de la proposition de M. Loridant lorsque nous évoquerons l'imposition sur le revenu dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2001.
En attendant, je demande à M. Loridant de bien vouloir retirer son amendement.
M. Jean Chérioux. Quelle promesse !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-170.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Depuis le début de cette matinée, et cela va sûrement continuer pendant deux jours, c'est vraiment : demain, on rasera gratis ! On ne cesse de nous faire miroiter une merveilleuse réforme de l'impôt sur le revenu qui interviendrait en l'an 2000, et en attendant, il ne faudrait rien faire : ni alourdir, comme nos collègues socialistes ou communistes le proposent, ni alléger, comme la majorité sénatoriale le propose.
On se demande vraiment s'il faut continuer à signer un chèque en blanc au Gouvernement ! Parce qu'il y en a beaucoup, des questions qui sont susceptibles d'être renvoyées à cette réforme de l'impôt sur le revenu, entre les SOFICA, les pensions, la CSG, les niches fiscales, etc. !
Il me semble que, lorsqu'il est possible de prendre des mesures utiles, éventuellement modestes mais qui apportent certain allégement aux contribuables ou qui introduisent un peu de logique dans le système, nous devons saisir l'occasion.
Je félicite donc M. Loridant de ne pas retirer son amendement, que je m'apprête à voter.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. J'irai dans le même sens que mon ami Yann Gaillard. D'ailleurs, si d'aventure M. Loridant, cédant aux affectueuses sollicitations du Gouvernement, avait retiré son amendement, je n'aurais pas manqué de le reprendre.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Sur des sujets aussi importants et complexes que l'impôt sur le revenu, comme d'ailleurs sur les autres que nous aurons à aborder dans la discussion du projet de loi de finances pour 2000, il n'est pas du tout inutile, aux yeux du Gouvernement, que des sénateurs des différents groupes présentent des amendements, même si ceux-ci sont finalement retirés ou repoussés.
Le Sénat manifeste un certain nombre de préoccupations et fait passer au Gouvernement des idées de réforme, des invitations à approfondir l'étude de certains dossiers : ce sont autant de signaux adressés au Gouvernement pour qu'il intègre les suggestions qui sont ainsi faites dans sa propre réflexion et, le moment venu, propose les réformes qu'il juge adéquates en fonction de sa majorité et de ses objectifs politiques, bien entendu.
Ne considérez donc pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que, lorsque le Gouvernement demande le retrait d'un amendement, les idées qui le sous-tendaient sont pour autant abandonnées. Elles doivent mûrir, il faut les étudier, et elles seront, d'une manière ou d'une autre, à des degrés divers, insérées dans une réflexion globale. Le Gouvernement remercie d'ailleurs la représentation nationale de contribuer ainsi à nourrir cette réflexion.
Les parlementaires participent à l'édification de notre pensée. Une fois que celle-ci sera mûre, après toutes les consultations et la concertation nécessaires, le Gouvernement pourra vous inviter à légiférer de manière globale et efficace dans le sens qu'au moins un certain nombre d'entre vous auront souhaité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-170, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Tous deux sont présentés par MM. Fréville et Badré, Mme Bocandé et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° I-72 vise à insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est complété par le membre de phrase suivant : "; pour un couple marié soumis à imposition commune, le montant de l'impôt est diminué, dans la limite de son montant, de la différence entre 5 020 francs et son montant ;".
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la réduction de l'exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers prévue au b du 1 de l'article 265 bis du code des douanes. »
L'amendement n° I-73 tend à insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est complété par le membre de phrase suivant : "; pour un couple marié soumis à imposition commune, le montant de l'impôt est diminué, dans la limite de son montant, de la différence entre 6 700 francs et son montant ;".
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la réduction de l'exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers prévue au b du 1 de l'article 265 bis du code des douanes. »
La parole est à M. Fréville, pour présenter ces deux amendements.
M. Yves Fréville. Ces deux amendements concernent une question que nous avons déjà évoquée, celle de la décote, mais sous son aspect familial et conjugal. Puisque le Gouvernement nous incite à lui envoyer des signaux à propos de la réforme de l'impôt sur le revenu, mon groupe souhaite lui en adresser un s'agissant du traitement réservé à la famille en cette matière.
Au fond, nous avons, à cet égard, le choix entre deux solutions : ou nous considérons que c'est la famille en tant que foyer fiscal qui doit être imposée, ou nous souhaitons au contraire que l'impôt sur le revenu soit calculé individu par individu. Pour notre part, nous sommes très attachés à la première solution, ce qui nous amène à défendre le quotient conjugal et le quotient familial.
Si, au cours des années récentes, des progrès ont été accomplis dans le sens de la « familialisation » de l'impôt sur le revenu, il reste au moins un « os », si je puis m'exprimer ainsi, celui de la décote. Je prendrai un exemple pour me faire comprendre.
Supposez deux célibataires qui, après décote, paient aujourd'hui, l'un et l'autre, 650 francs d'impôt sur le revenu, soit 1 300 francs à eux deux. Si ces deux célibataires se marient, quel cadeau le système fiscal déposera dans la corbeille ? Au lieu de payer globalement 1 300 francs, ils paieront 4 000 francs, soit une augmentation de 2 700 francs !
En effet, le système de la décote n'est pas « conjugalisé », ce terme barbare signifiant tout simplement que l'on ne tient pas compte du nombre de parts qui existent dans le foyer.
L'amendement n° I-73 vise, par conséquent, à restaurer l'équité fiscale en permettant au couple marié - ou « assimilé » - de payer la même chose que lorsqu'il n'était pas encore constitué. Telle est l'idée, et elle est toute simple !
M. Denis Badré. Et très bonne !
M. Yves Fréville. Toutefois, j'ai bien conscience du coût d'une telle réforme. C'est pourquoi j'ai également déposé un amendement de repli, l'amendement n° I-72, qui prévoit simplement de franchir une première étape de cette réforme.
M. Denis Badré. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-72 et I-73 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le problème a été remarquablement exposé par Yves Fréville, et je ne saurais mieux dire que lui.
Il est clair que la réforme de l'impôt sur le revenu doit prendre en considération les impératifs et les priorités d'une politique familiale.
Nous sommes nombreux à souhaiter que, dans le recalibrage de certaines mesures, il soit tenu compte du mariage, de la stabilité du couple et des conditions d'épanouissement des enfants. Ce point revêt une très grande importance dans l'engagement politique d'un certain nombre d'entre nous et, lorsque ce débat général concernant l'impôt sur le revenu viendra devant notre assemblée, il faudra bien entendu mettre fortement l'accent sur cette priorité.
Cependant, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises depuis le début de cette matinée - voilà encore quelques instants, Yann Gaillard faisait fort justement allusion à la frustration qui pouvait être ressentie au sein de notre assemblée -, le projet de loi de finances tel qu'il nous est présenté - avec des prévisions de recettes et de dépenses d'un certain montant, avec un solde dont la commission des finances juge la réduction insuffisante, avec un endettement public dont le recul nous paraît insuffisamment rapide - nous ne sommes malheureusement pas en mesure de répondre comme il conviendrait à l'ensemble des besoins financiers qui résulteraient d'une approche nouvelle de l'impôt sur le revenu.
Le Gouvernement a estimé - c'est son choix ! - que les marges financières disponibles pour réduire les impôts devaient être concentrées sur une seule mesure : la baisse de la TVA ciblée sur les dépenses relatives au logement. Il a fait ce choix,...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Pour cette année !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui est excellent pour les professionnels dont il s'agit, mais qui coûte 20 milliards de francs. Il y a certes là de quoi satisfaire - et c'est certainement légitime - une catégorie sociale et professionnelle, mais ces 20 milliards de francs ne peuvent pas être utilisés par ailleurs.
Bien entendu, nous le verrons, d'autres professionnels viennent demander la même chose et se mettent dans la file d'attente : ceux de la restauration, du chocolat, de la margarine... et j'en passe. Bref, c'est tout un florilège de professions qui, de manière tout à fait justifiée, souhaitent bénéficier du même taux réduit !
Or les 20 milliards de francs qui pouvaient être consacrés à la baisse des prélèvements obligatoires ont été concentrés sur une mesure opportune, mais ciblée, électoraliste, qui ne prépare pas l'avenir, alors qu'il aurait fallu clairement consacrer ces 20 milliards de francs à la réforme de l'impôt sur le revenu, de manière à faire de l'année 2000 l'an I de la réforme de l'impôt sur le revenu. C'est la responsabilité du Gouvernement d'y avoir renoncé.
Sur le fond, je ne peux qu'adhérer à l'argumentaire qui a été présenté par Yves Fréville, mais je me dois, en ma qualité de rapporteur général, de faire remarquer que le coût du doublement du plafond de la décote pour les couples soumis à imposition commune se traduirait pas une moins-value fiscale de 3 650 millions de francs.
En outre, il s'agirait bien de l'ensemble des couples soumis à imposition commune et non pas seulement des couples mariés, comme Yves Fréville l'a lui-même précisé.
Il me semble donc qu'à l'issue d'un débat nécessaire sur ce sujet il serait opportun, du moins dans le cadre de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, de retirer ces amendements.
Je ne serais pas du tout hostile à ce qu'ils soient représentés au titre de la deuxième partie. En effet, s'il s'agit simplement d'un signal sans incidence sur le solde de la loi de finances pour l'an 2000, nous pourrions tout à fait retenir ces dispositions dans le cadre de la deuxième partie du projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout d'abord les 20 milliards de francs de réduction de taxe sur la valeur ajoutée ont pour seule motivation non pas celle que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur général, mais l'emploi. La bataille pour l'emploi est, en effet, prioritaire, et les réductions fiscales doivent être lues à travers le prisme de cet objectif central du Gouvernement, qui, d'ailleurs, est atteint, si j'en juge par le nombre d'emplois salariés créés depuis deux ans et demi.
Par conséquent, c'est bien l'emploi qui motive notre politique.
C'est aussi l'équité fiscale. Je ne reprendrai pas le débat sur la place de la TVA dans notre appréciation de la justice fiscale, mais nous pourrions certainement enrichir un jour notre réflexion à ce propos.
J'en viens aux amendements proprement dits. Je souhaite attirer votre attention, monsieur Fréville, sur le fait que l'exemple que vous citez concerne le cas spécifique de personnes vivant en concubinage. (M. Fréville fait un signe de dénégation.) Or il est réducteur de limiter la problèmatique du sujet que vous abordez à ce seul aspect de la question. En effet, la décote a été instituée pour les célibataires de condition modeste lorsque le barème progressif les faisait pâtir de l'existence du quotient familial.
La lecture de vos amendements donne à penser qu'il conviendrait d'engager une réflexion sur le quotient familial.
Par ailleurs, le bénéfice de la décote a été étendu, en 1987, à l'ensemble des contribuables. Sa « conjugalisation », si vous me permettez ce néologisme, ne se justifie pas dès lors que son objet n'est pas d'instituer un seuil d'exonération directement proportionnel aux revenus des familles. Je vous indique - j'ai peine à le faire, car je vais être critiqué de nouveau par M. Oudin - que le Gouvernement reviendra sur cette question en 2000, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2001.
En outre, le gage que vous proposez, monsieur le sénateur, à savoir une réduction de l'exonération sur la taxe intérieure sur les produits pétroliers, affecterait de manière négative certains transporteurs aériens, notamment le principal d'entre eux, la société Air France. Il est donc incompatible avec les dispositions du traité portant organisation de l'aviation civile internationale.
Mais la question du gage n'étant pas primordiale et le dispositif de l'amendement étant l'essentiel, je demande au Sénat de rejeter ces amendements.
M. le président. Monsieur Fréville, les amendements n°s I-72 et I-73 sont-ils maintenus ?
M. Yves Fréville. Je retire ces amendements, monsieur le président, mais j'ai bien l'intention de les déposer à nouveau au titre de la deuxième partie du projet de loi de finances, comme le suggérait excellemment M. le rapporteur général. Je formulerai cependant deux remarques.
Tout d'abord, il ne s'agit nullement d'une question de concubinage, monsieur le secrétaire d'Etat. J'envisage tout simplement le cas de deux célibataires qui se marient. Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais telle est bien la réalité : chacun payait 650 francs, ils payaient donc 1 300 francs à deux, s'ils se marient, leur impôt s'élèvera à 4 000 francs.
Ma deuxième remarque a trait aux objectifs poursuivis par le Gouvernement dans cette loi de finances. J'ai bien compris qu'un effort était entrepris en matière de TVA sur le logement. Mais mes amendements visent plus précisément les salariés modestes, car ce sont eux qui en seront les principaux bénéficiaires.
Si j'ai déposé ces amendements, c'est parce que l'impôt sur le revenu souffre de taux marginaux excessifs en ce qui concerne les hauts revenus - je n'en parle pas dans ces amendements - mais aussi les bas revenus. A de nombreuses reprises, le Gouvernement, à la suite des études du Conseil d'analyse économique, nous a dit qu'il fallait faciliter l'entrée sur le marché du travail des exclus. Eh bien ! ces amendements avaient notamment pour objet, monsieur le secrétaire d'Etat, de réduire la barrière fiscale que rencontrent ceux qui entrent sur le marché du travail.
M. le président. Les amendements n°s I-72 et I-73 sont retirés.
Par amendement n° I-224, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 199 quater C du code général des impôts, le taux : "30 %" est remplacé par le taux : "50 %".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Certains pourraient penser que cet amendement est peut-être un peu démagogique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh ! ce n'est pas votre habitude !
M. Jacques Oudin. Il tend en effet à appliquer la même réduction d'impôt au titre des cotisations syndicales qu'à celui des cotisations d'adhésion à un parti politique.
S'agit-il d'un intérêt majeur que je porte aux syndicats ou bien du souhait que, au travers de ce débat, on apporte une plus grande clarté sur les modalités de financement de nos organisations syndicales, comme on a tendu à le faire pour les organisations et les partis politiques ?
Il est intéressant qu'un syndicat puisse être financé par des cotisations. Dès lors, il n'est pas inéquitable d'accorder aux organisations syndicales les mêmes réductions d'impôt qu'aux organisations et mouvements politiques. Mais, une fois que l'on aura octroyé ces avantages, il est évident qu'il faudra encadrer la totalité du financement de façon aussi stricte que pour les mouvements politiques. Nous y voilà ! Chacun a en tête des exemples de mise à disposition de fonctionnaires dans des syndicats, payés par des administrations diverses, ou d'autres pratiques que l'on condamne pour les mouvements politiques. Il n'y a pas de raison de les tolérer pour les organisations syndicales.
Tel est l'objet véritable de cet amendement. Il paraît généreux de prime abord, mais en fait il vise à atteindre, à terme, une plus grande clarté, donc une plus grande sévérité dans les comptes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un intéressant sujet qui est ainsi introduit dans notre débat et qui nécessite, assurément, l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. On ne peut que se féliciter de la sollicitude avec laquelle M. Oudin considère l'activité syndicale. Cela rejoint une préoccupation qui m'est personnelle...
M. Jacques Oudin. Préoccupation très honorable !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... et qui est également celle de l'opposition sénatoriale.
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est normal !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Plus sérieusement, je vais répondre à son argumentation.
Il existe une différence de nature entre les dons aux associations et aux groupements politiques et les cotisations aux organisations syndicales : ces dernières sont destinées à défendre directement les intérêts des mandants de ces syndicats. De la sorte, une cotisation syndicale relève d'une logique non pas de don, mais d'engagement personnel pour défendre un intérêt direct. C'est le sens même que l'on accorde, en France, à la constitution et à l'organisation des syndicats.
Par ailleurs, les syndicats modulent souvent le niveau des cotisations en fonction du niveau de revenus de l'adhérent. Ce principe, qui d'ailleurs reflète les rôles démocratique et social des syndicats, est la meilleure réponse à la problématique. Je demande donc au Sénat de rejeter cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Après avoir entendu les explications du Gouvernement, je puis indiquer quelle est la position de la commission.
Le sujet est tout à fait estimable et l'alignement proposé constituerait un facteur de simplification. Cela étant dit, sans doute est-il préférable de reprendre ce sujet, avec un certain nombre d'autres, dans le cadre de la réforme d'ensemble.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Par souci de cohérence !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Effectivement !
C'est pourquoi la commission souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je le retire, monsieur le président.
Certes, j'attendais que M. le secrétaire d'Etat nous apporte cet éclairage, mais je souhaitais aussi qu'il nous donne d'autres éléments d'information sur le financement des organisations syndicales. Il n'en a rien été !
Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un syndicat ne vit que par la contribution de ses adhérents, qui défendent, par là même, leurs intérêts. Quel est le pourcentage des cotisations des adhérents dans le budget global des organisations syndicales ? Voilà un chiffre que j'aimerais bien connaître. Je vous adresserai une question écrite à ce sujet ; j'espère avoir la réponse un jour au Journal officiel !
M. le président. L'amendement n° I-224 est retiré.
Par amendement n° I-225, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le troisième alinéa du 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts est complété par les mots : "et pour les contribuables employant à leur domicile une ou plusieurs personnes pour assurer la garde d'au moins un enfant à charge de moins de trois ans, lorsque chaque membre du couple ou la personne seule exerce une activité professionnelle minimale".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement est favorable aux parents qui travaillent et qui ont du mal à faire garder leurs enfants en bas âge face à la relative pénurie des places de crèche.
Le plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile a été réduit de moitié par le Gouvernement et cela pose un grave problème à nombre de familles.
Cet amendement tend donc à revenir au plafond initial de 90 000 francs qui existait voilà trois ans pour l'emploi des salariés à domicile, mais pour la seule garde des enfants, j'y insiste. En effet, autrefois, le plafond concernait tout emploi à domicile.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission soutient l'intention des auteurs de cet amendement, car la mesure proposée lui paraît opportune. Toutefois, elle souhaiterait que le montant du plafond soit ramené à 60 000 francs, ce qui, d'une part, permettrait d'aller dans le sens souhaité, et, d'autre part, serait supportable sur le plan budgétaire.
M. le président. Monsieur Oudin, souhaitez-vous répondre au voeu de la commission ?
M. Jacques Oudin. Oui, monsieur le président, et je modifie mon amendement dans le sens proposé par la commission.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, pour permettre à nos collègues de rectifier leur amendement, je demande un brève suspension de séance.
M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à douze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement n° I-225 rectifié, présenté par MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët, et tendant à insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le troisième alinéa du 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts est complété par le membre de phrase : "et à 60 000 francs pour les contribuables employant à leur domicile une ou plusieurs personnes pour assurer la garde d'au moins un enfant à charge de moins de trois ans, lorsque chaque membre du couple ou la personne seule exerce une activité professionnelle minimale".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-225 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Favorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est exactement inverse. Je demande au Sénat de rejeter cet amendement.
L'abaissement à 45 000 francs du plafond de dépenses qui ouvrent droit à la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, abaissement auquel nous avions procédé il y a deux ans, est une mesure d'équité qui a permis au dispositif de conserver un caractère incitatif en termes d'emploi, ce qui était l'objectif premier, tout en évitant que ne se constitue un avantage excessif pour les personnes les plus aisées.
Gardons le sens de la mesure en incitant à l'emploi sans créer un avantage contraire à la justice fiscale, que nous souhaitons promouvoir.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-225 rectifié.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. M. le secrétaire d'Etat n'a peut-être pas tout à fait entendu les précisions que j'ai apportées. Il s'agit non pas de revenir sur la mesure générale d'abaissement qui a été prise, mais de réajuster le plafond uniquement pour les emplois concernant la garde de jeunes enfants.
Une telle modification aura-t-elle des conséquences pour l'emploi ? A l'évidence, oui, monsieur le secrétaire d'Etat : les jeunes femmes qui auront plus de facilités pour faire garder leurs enfants retourneront sur le marché du travail, avec l'expérience qui est la leur.
Il ne s'agit pas d'une mesure générale, je l'avais précisé, mais je crois que, malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez fait part de la réponse de vos services, qui concernait une élévation générale du plafond. Or tel n'est pas l'objet de mon amendement.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le sénateur ?
M. Jacques Oudin. Je vous en prie, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je conçois que cette objection relative à l'emploi fasse tomber une partie de mon raisonnement. Il n'en demeure pas moins que la mesure profitera essentiellement aux contribuables les plus aisés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le vieux principe suivant lequel on ne tond pas un oeuf !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est pour cette raison que j'ai demandé le rejet de cet amendement.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Oudin.
M. Jacques Oudin. Voyez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis persuadé que les contribuables les plus aisés, eux, trouveront des places dans les crèches. Je n'y peux rien, telle est la réalité des choses. Ce sont les autres qui devront recourir à des aides à domicile, faire appel à la voisine ou à quelqu'un du village ou du quartier. Pardonnez-moi, mais je crois que, un peu par dogmatisme, vous mettez à côté de la plaque !
Je maintiens bien entendu mon amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-225 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2.
Par amendement n° I-141 rectifié, M. Miquel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse, Demerliat, Haut, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'avantage maximal en impôt résultant de l'application des dispositions des articles 199 undecies , 199 terdecies A et 199 terdecies -0 A du code général des impôts ne peut excéder la somme de :
« 104 545 francs en ce qui concerne les investissements réalisés outre-mer ;
« 10 989 francs en ce qui concerne les souscriptions effectuées dans le cadre du rachat d'une entreprise par ses salariés ;
« 9 251 francs en ce qui concerne les souscriptions en numéraire au capital de sociétés non cotées ;
« 22 263 francs en ce qui concerne les souscriptions de parts de fonds communs de placement dans l'innovation. »
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Cet amendement a pour objet de recentrer le dispositif existant au titre des réductions d'impôt.
Chacun ici se souvient que, depuis plusieurs années déjà, nous défendons l'idée selon laquelle il conviendrait de limiter de manière globale l'ensemble des réductions d'impôt dont peut bénéficier un contribuable, et ce pour des raisons évidentes de justice fiscale.
S'il peut être tout à fait utile de proposer des avantages fiscaux pour inciter les contribuables à investir dans tel ou tel secteur d'activité ou dans tel ou tel domaine, cette démarche ne doit pas aboutir à permettre à certains contribuables de s'exonérer de manière par trop substantielle de l'impôt.
Sinon, on aboutirait à un vrai paradoxe. Les contribuables qui n'ont pas les moyens d'effectuer les dépenses éligibles à ces dispositifs d'allégement d'impôt seraient les seuls à s'acquitter, en fait, de leur impôt en fonction du barème voulu et voté par le législateur, alors que, dans le même temps, ce barème ne serait que théorique pour ceux qui peuvent ainsi y échapper.
En somme, avec ces multiples dispositifs, c'est le principe d'une progressivité inverse qui s'appliquerait.
Nous avons pris connaissance avec intérêt du rapport déposé à notre demande devant le Parlement, en application de l'article 87 de la loi de finances pour 1999. Ses conclusions sont très intéressantes ; elles font apparaître quelques points importants.
D'abord, les réductions d'impôt représentent dans leur ensemble un phénomène de masse et sont réparties de manière équilibrée sur l'ensemble des contribuables.
Ensuite, le montant moyen effectif total de la réduction d'impôt est finalement moins élevé que ce que l'on pouvait imaginer.
Enfin, pour les tranches les plus élevées, le montant moyen de la réduction d'impôt ne représente qu'un faible pourcentage de la cotisation d'impôt due.
Partant, il nous semble aujourd'hui peu pertinent de plafonner ces dispositifs de manière globale comme nous le souhaiterions.
En revanche, il est intéressant de constater que ces informations s'inscrivent par rapport à des moyennes. Or, si les résultats enregistrés en moyennes paraissent tout à fait satisfaisants, on peut considérer que ces moyennes, fictives, théoriques en quelque sorte, constituent des limites à ne pas dépasser.
Quel a été notre raisonnement ? Nous avons choisi trois dispositifs parce qu'ils étaient de portée non négligeable et de nature économique : la loi Pons, le rachat d'une entreprise par ses salariés et les souscriptions dans des sociétés non cotées ainsi que dans l'innovation. Pour chacun de ces dispositifs, nous avons retenu le montant moyen constaté le plus élevé quelle que soit la tranche considérée, en lui donnant en quelque sorte une vocation de limite maximale à ne pas dépasser.
Prenons l'exemple le plus caractéristique, celui de l'outre-mer. Aujourd'hui, des contribuables de toutes les tranches investissent dans la loi Pons. Evidemment, pour les revenus modestes et moyens, le montant de réduction d'impôt est moins élevé que pour les revenus élevés : 3 435 francs et 9 132 francs pour les premiers, et 104 545 francs pour la dernière tranche. Nous disons simplement d'accord pour cette limite, même si elle nous paraît déjà fort élevée, mais nous ajoutons que cette limite ne doit pas être dépassée.
Aujourd'hui, il est évident que certains contribuables - puisque ce chiffre est une moyenne - retirent des avantages bien plus importants que la somme moyenne de 104 545 francs : cela nous paraît anormal et doit être corrigé. Mes chers collègues, c'est ce que nous vous proposons de faire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait défavorable, monsieur le président. Il est vraiment absurde, en ce qui concerne l'outre-mer, de tout miser sur les mécanismes d'assistance, sur le RMI comme sur les prestations passives, et de refuser, dans le même temps, l'incitation à investir dans les entreprises.
Mais qui, sinon, va investir ? Est-ce le smicard ? Est-ce celui qui n'a pas d'épargne ? Certainement pas ! C'est celui qui est en mesure de distraire de son revenu ou de son capital une part significative, qu'il apporte à une nouvelle entreprise pour lui permettre de boucler son plan de financement ou à une entreprise existante pour améliorer les conditions de son développement.
Alors, j'avoue ne pas comprendre nos collègues socialistes, qui raisonnent toujours en termes de plafond avec à l'esprit une préoccupation unique, celle d'un égalitarisme complètement désuet, mais qui se satisfont de la situation sociale pourtant lamentable de nos départements et territoires d'outre-mer, compte tenu, notamment, de l'augmentation du nombre de chômeurs que l'on y enregistre.
Enfin, chers collègues du groupe socialiste, avez-vous vu ce qui s'est passé lorsque le Premier ministre s'est rendu aux Antilles récemment ? Avez-vous lu les journaux ? Avez-vous regardé la télévision ? La situation sociale de ces départements français vous semble-t-elle supportable ?
Est-ce en continuant à modifier la politique d'investissement, est-ce en continuant à modifier la politique fiscale et la politique d'emploi des deniers publics, en y intégrant toujours plus de mesures d'assistance et en suscitant toujours moins d'esprit d'entreprise, que l'on parviendra à améliorer les conditions de l'équilibre social et de l'harmonie sociale dans ces départements ?
C'est un vrai sujet de fond. Changer la logique du mécanisme de soutien à certains investissements nécessaires au développement économique de notre pays, notamment outre-mer, est absolument contre-productif. Limiter, comme le prévoit votre amendement, l'avantage en impôt au montant moyen de réduction d'impôt constaté pour chaque mécanisme aboutirait à réduire la masse des investissements et méconnaîtrait la finalité même des mécanismes considérés.
Je ne suis pas surpris de constater que cet amendement est cosigné par l'ensemble des membres de votre groupe qui siègent à la commission des finances, à l'exception de l'un d'entre eux : notre collègue et ami M. Roger Lise, président du conseil général de la Martinique. CQFD !
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le sujet abordé par cet amendement est fondamental, puisqu'il touche à la philosophie de la fiscalité, à l'efficacité économique et sociale de celle-ci, au rôle que jouent les différentes réductions d'impôt et, par voie de conséquence, à la raison d'être de ces dernières.
J'ai indiqué, au début de notre débat, que la réforme et l'amendement de notre système d'impôt sur le revenu devaient s'ordonner autour de trois principes forts : simplicité, lisibilité et conciliation entre efficacité économique et justice fiscale. Ce sont ces trois objectifs que cherche à atteindre l'amendement défendu voilà un instant par M. Demerliat.
Toutefois, au-delà de la lutte contre les « niches fiscales », dans laquelle vous vous inscrivez, de la légitimité de la réflexion qui est celle du groupe socialiste, il est nécessaire de l'insérer, là encore, dans une vision d'ensemble cohérente. Cela vaut pour l'exemple choisi dans la situation de l'outre-mer comme pour les autres situations évoquées.
Aussi me paraît-il préférable d'attendre que l'on ait mis en perspective l'ensemble de la réforme à laquelle le Gouvernement procédera l'année prochaine avant de s'attaquer à tel ou tel aspect particulier de ces niches fiscales et de cette réforme. C'est pourquoi il est souhaitable que le groupe socialiste retire cet amendement et que l'on revienne sur cette question lors d'un prochain débat.
M. le président. Monsieur Demerliat, l'amendement n° I-141 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté votre souhait de combattre ces niches fiscales lors de l'examen de la réforme de l'impôt sur le revenu. Aussi, je retire bien volontiers cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-141 rectifié est retiré.

ARTICLES ADDITIONNELS APRÈS L'ARTICLE 2
OU APRÈS L'ARTICLE 7

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-20, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin du 2 de l'article 200 A du code général des impôts, le taux : "16 % est remplacé par le taux : 15 %".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée par le relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-164, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 2 de l'article 220 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter de l'imposition des revenus, au titre de 1999, les gains nets obtenus dans les conditions prévues aux articles 92 B à 92 F du code général des impôts sont imposés à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et aux salaires. »
« II. - Le taux prévu à l'article 278 du code général des impôts est réduit à due concurrence. »
Par amendement n° I-165, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyer proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 3 de l'article 200 A du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« 3. Ce taux forfaitaire est porté à 20 % pour les gains nets réalisés sur les opérations à court terme. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-20.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'aligner le taux proportionnel d'imposition des plus-values de cession, qui s'élève actuellement à 16 %, sur le taux de prélèvement libératoire sur les produits des placements à revenu fixe, qui est de 15 %.
Cette modification est certes peu importante mais elle est significative. Le dispositif actuel se caractérise par la coexistence de plusieurs taux d'imposition selon les différentes catégories de produits d'épargne. Le dispositif proposé vise donc à simplifier ce paysage. Les différences actuelles en matière de taux d'imposition des plus-values de cession, d'une part, et des produits de placement à revenu fixe, d'autre part, présentent deux inconvénients. D'abord, elles nuisent à la lisibilité de la fiscalité relative à l'épargne. Ensuite, elles peuvent traduire des distorsions de comportement, lorsque les titres concernés sont des obligations, en raison du caractère très proche du point de vue économique des notions de revenus et de plus-values.
Aussi, il peut être avantageux d'acheter des obligations avant le détachement du coupon, d'encaisser ce dernier imposé au taux de 15 % puis de revendre les obligations. Cette cession sera assimilée à une perte qui pourra être imputée sur des produits de même nature, eux-mêmes imposés à 16 %, la différence de taux permettant de diminuer l'imposition sur les plus-values.
Je ne sais si ce raisonnement est susceptible de s'appliquer à un grand nombre de cas mais l'arithmétique démontre qu'un tel comportement est possible.
Au demeurant, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne faisons que reprendre une suggestion du conseil des impôts figurant dans son dix-septième rapport au Président de la République, publié en 1999, et concernant la fiscalité des revenus de l'épargne.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter les amendement n°s I-164 et I-165.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'amendement n° I-164, que j'avais annoncé lors de la discussion générale, est particulièrement chargé de sens et concerne l'essence même de notre système fiscal.
Nous proposons en effet, concurremment, deux mesures fortes dans le cadre de cet amendement.
La première porte sur la question de la prise en compte des revenus financiers dans le cadre de l'application du barème de l'impôt sur le revenu.
La seconde concerne le problème du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée et la nécessité de réduire ce taux qui a été majoré depuis quatre ans.
La première question porte sur le régime des plus-values de cession d'actifs de revenus mobiliers, aujourd'hui soumis à un prélèvement libératoire de 16 %, prélèvement largement inférieur, chacun le sait, au taux marginal d'imposition au titre de l'impôt sur le revenu, à savoir 54 %, comme au taux marginal moyen que l'on a pu observer, qui se situe aux alentours de 40 %.
Dans les faits, on a d'ailleurs un peu l'impression que, même si les plus-values réalisées sur les cessions de titres mobiliers ne bénéficient pas des mêmes conditions de traitement que les plus-values de nature immobilière, la prime à la durée de détention des titres est matérialisée par le niveau pour le moins réduit du prélèvement libératoire.
Selon l'évaluation des voies et moyens, le coût de ce dispositif est relativement important, puisqu'il est estimé aujourd'hui à 20 milliards de francs, et la bonne santé du marché boursier au cours des dernières années a très sensiblement majorté ce coût, d'environ 30 % en deux ans.
On observera, d'ailleurs, que ces 20 milliards de francs de dépense fiscale, qu'il convient de majorer de l'ensemble des dispositions annexes dont le coût n'est pas chiffré avec précision, par exemple des reports d'imposition, constituent, à eux seuls, plus de six points de rendement de l'impôt sur le revenu et représentent une dépense une fois et demie plus élevée que celle qui résulte de l'abattement de 10 % sur les pensions et retraites ou deux fois plus élevée que celle que représente l'exonération des prestations familiales.
La progression constante du niveau de la valorisation boursière est, évidemment, le fait générateur essentiel de cette croissance rapide de la défense fisale.
Quand, dans une France qui connaît encore un taux de chômage de 11 % et où plusieurs millions de nos compatriotes vivent dans la précarité, le CAC 40 affiche insolemment des records quotidiens à 5 200 points et tend à atteindre, au cours de l'an 2000, le seuil des 7 000 points, il n'est guère surprenant de constater le coût de plus en plus élevé des avantages fiscaux dérogatoires au droit commum consentis aux revenus des capitaux.
Outre que cela nous interpelle sur la capacité de la bourse à traduire le mouvement de l'économie réelle, cela traduit aussi une profonde inégalité de traitement des contribuables, qui profite seulement à ceux qui ont fait de la valorisation des fonds propres des entreprises, avec, je le signale au passage, toutes ses conséquences en termes d'organisation du travail, leur source essentielle de revenu.
C'est pourquoi cet amendement vise à remédier à cette situation.
Il est, nous l'avons vu, assorti d'une proposition de réduction du taux normal de la TVA.
Cette démarche de notre groupe est relativement ancienne et remonte à l'époque où le taux normal de la TVA a été majoré, au nom de l'emploi.
Nous estimons que le potentiel de croisance de l'économie est bridé par l'existence d'un taux normal de TVA trop élevé et que la réduction de celui-ci, au-delà de dispositifs ciblés sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir, est une des priorités que le Gouvernement doit afficher dans toute démarche de réforme de notre fiscalité.
Compte tenu des dispositions qui sont désormais prises pour le financement d'un certain volume de la dépense publique pour l'emploi, force est de constater que le financement de cette dépense publique par le biais du relèvement du taux de la TVA n'a plus beaucoup de sens.
Au-delà, il importe, selon nous, de porter une attention particulière à la question des droits indirects, au regard de données assez fondamentales.
Ces droits, et singulièrement la TVA, sont régressifs dans leur application et frappent donc plus lourdement nos concitoyens qui disposent des revenus les plus modestes, qui ont une capacité d'épargne plus faible.
Ils sont donc en contradiction avec le principe même de notre fiscalité, selon lequel « chacun contribue à la charge publique à proportion de ses facultés », et doivent être clairement réformés.
Ils doivent l'être, ainsi que le prévoit notre amendement, en regard d'un renforcement de l'efficacité de nos impôts directs.
Pour que notre fiscalité trouve un nouvel équilibe et « marche sur ses deux jambes », nous vous demandons donc, mes chers collègues, d'adopter ce dispositif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-164 et I-165 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-164 étant à l'opposé des orientations de la commission des finances, celle-ci ne peut qu'émettre un avis défavorable.
Toutefois, je voudrais inciter notre collègue Mme Marie-Claude Beaudeau à la réflexion.
Elle déplore que le CAC 40 soit élevé. Mais, en cas de crise financière,...
M. Emmanuel Hamel. Ça va venir ! Ça craquera !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... si l'indice était brutalement divisé par deux, il en résulterait inévitablement des dommages pour les entreprises. En effet, plus les titres sont bas, plus l'appétit des prédateurs grandit, plus il y a d'offres publiques d'achat, plus il y a de prises de contrôle, plus il y a de restructurations et plus il y a de pertes d'emplois !
M. Emmanuel Hamel. Nous vivons dans un monde de prédateurs !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Est-ce ce que vous souhaitez, madame Beaudeau ?
Il faut voir les choses comme elles sont dans le monde où nous vivons. Le mur de Berlin est tombé voilà dix ans ! Nous constatons tous qu'il n'y a pas d'autre système que l'économie de marché,...
M. Emmanuel Hamel. Laquelle ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... que l'autarcie n'existe pas. Il faut donc éviter d'employer des expressions qui ne sont plus de notre temps. Nous devons, les uns et les autres, essayer de travailler avec les rouages qui existent.
Les anathèmes ne devraient pas avoir cours. Certes, il s'agit de bons propos de tribune - aujourd'hui, on ne parle plus de propos de préau puisqu'il n'y en a plus - de propos pour se faire bien voir par certains de nos concitoyens qui n'ont pas nécessairement la formation économique qui devrait leur être transmise. Il serait sans doute préférable que nous les aidions à obtenir cette formation, que nous sachions leur parler de manière responsable, pour qu'ils comprennent les rouages de l'économie moderne et qu'ils puissent réagir par rapport aux dysfonctionnements de celle-ci.
Tout ce qui les conforte dans des discours du passé purement démagogiques est mauvais. C'est de ce point de vue que je me place pour transmettre l'avis défavorable de la commission.
MM. Michel Caldaguès et Jean-Pierre Schosteck. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je rappellerai d'abord un principe, qui va de soi, et je rejoins Mme Beaudeau dans l'esprit qui a sous-tendu son intervention. Depuis juin 1997, le Gouvernement s'efforce de rééquilibrer la charge de l'imposition sur les revenus du travail et celle qui concerne les revenus du capital dans le sens de la justice fiscale ; cela apparaît en filigrane dans l'intervention de Mme Beaudeau.
Plus directement, il n'y a pas, monsieur le rapporteur général, de logique absolue - dison le mot - à instaurer un alignement des taux tel que vous le proposez. Pendant de longues années, et jusqu'au 1er janvier 1990, le taux du prélèvement libératoire sur les intérêts d'obligations a été fixé à 25 %, alors que le taux d'imposition des plus-values l'était à 16 %. Et il existe encore, actuellement des prélèvements libératoires au taux de 35 % pour les produits de bons de caisse, de bons du Trésor et pour les produits assimilés émis entre 1990 et le 31 décembre 1994.
Je ne m'engagerai pas dans le procès du financement de l'économie par le marché boursier : le rôle principal de la Bourse est de financer l'économie, de financer les investissements, et donc de financer l'emploi. Au-delà des aspects spéculatifs circonstanciels qui peuvent apparaître, le fondement de notre financement de l'économie est bien là, et je préfère qu'il soit assuré par de l'épargne française plutôt que de voir les valeurs soumises à la dispersion et au gré des fonds de pension étrangers.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Créons nos propres fonds de pension !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Plus nous rendrons le site français attractif pour le financement de nos investissements, mieux cela vaudra pour notre économie nationale et pour notre indépendance nationale, j'en suis convaincu !
M. Emmanuel Hamel. Oui, monsieur le secrétaire d'Etat : veillez à la défendre, notamment à Bruxelles ! Il faut que la France reste la France !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cependant, comme le marché boursier se porte bien, je pense qu'il n'est pas nécessaire de donner actuellement un signal politique qui serait mal perçu par certains épargnants, par certaines couches de la population, par certains contribuables. Il faut laisser « reposer la pâte ».
Au demeurant, je suis sensible à un argument que vous n'avez pas développé explicitement, monsieur le rapporteur général, et qui suppose qu'il y ait égalité de traitement fiscal entre les valeurs à revenu fixe et les valeurs à revenu variable. Vieux débat, débat intéressant, débat juste !
La prise de risque doit sans doute être encouragée, mais vous auriez pu tout aussi bien, puisque vous souhaitez cette égalité, proposer une évolution dans l'autre sens et aligner le taux de 15 % sur celui de 16 % au lieu de faire l'inverse.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis pour la baisse !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Vous êtes pour la baisse ? Je suis, en l'état actuel des choses, pour la stabilité du système, car le financement par la Bourse, encore une fois, fonctionne bien : l'investissement français se porte bien aujourd'hui.
Parce qu'il ne vise pas un principe fondamental de philosophie fiscale, je vous invite donc à retirer l'amendement n° I-20 et, si vous n'accédiez pas à ma demande, je demanderais au Sénat de bien vouloir le rejeter.
Concernant les amendements n°s I-164 et I-165 de Mme Beaudeau, je répète que le Gouvernement est favorable au principe du rééquilibrage du prélèvement fiscal entre les revenus du travail et les revenus du capital. Je le redis ici - mais le Sénat en est convaincu - le Gouvernement a déjà montré, par les nombreuses mesures fiscales qu'il a soumises au Parlement, quelle était sa disposition d'esprit en la matière.
Je veux ajouter que la taxation à un taux proportionnel des plus-values sur valeurs mobilières permet de prendre en compte de manière forfaitaire l'augmentation nominale de la plus-value. Passer à une taxation selon un barème progressif de l'impôt sur le revenu conduirait nécessairement à instaurer un mécanisme de correction de l'augmentation nominale de la plus-value, comme c'est le cas pour les plus-values immobilières. Or il n'est pas certain que cette correction de l'assiette des plus-values sur valeurs mobilières permette une contribution plus forte des contribuables réalisant de telles plus-values.
C'est pourquoi je vous demande, madame Beaudeau, de retirer l'amendement n° I-164, et j'utiliserai le même type d'argumentation concernant l'amendement n° I-165, d'autant qu'en termes de faisabilité ce dernier serait très difficile à mettre en oeuvre car il entraînerait une augmentation des obligations déclaratives des contribuables ainsi que de celles qui sont mises à la charge des établissements financiers, sans compter que la gestion du délai de détention des titres de leurs clients par lesdits établissements leur poserait un réel problème.
Enfin, vous poussez la bouchon jusqu'à proposer la rétroactivité au 1er janvier 1999, alors que, vous le savez, les systèmes informatiques des établissements financiers sont actuellement mobilisés par les adaptations nécessaires au passage à l'an 2000.
Il faut d'ailleurs ajouter - et cette remarque intéressera le Sénat - que, dans des pays comme l'Allemagne ou la Belgique, où il existe un système de taxation des plus-values réalisées à court terme - je signale d'ailleurs au passage que le droit fiscal français ignore la notion de « plus-value à court terme » -, il est de notoriété publique que les difficultés de gestion et de contrôle rendent inefficace ce système de taxation, en particulier en Allemagne. Voyez les difficultés auxquelles nous sommes confrontées lorsque nous cherchons à rapprocher les fiscalités à l'échelon européen ! Nous butons toujours sur l'efficacité d'un contrôle des revenus de ce type.
Encore une fois, il faut donc, à mon avis, laisser « reposer la pâte » et maintenir le système en l'état, et dans le cas de l'amendement Marini et dans le cas des amendements Beaudeau.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-20, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 7, et les amendements n°s I-164 et I-165 n'ont plus d'objet.
Je vous propose, mes chers collègues, de renvoyer la suite de la discussion à quinze heures.

6

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Larché, Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Daniel Hoeffel, Paul Girod, Guy Allouche et Michel Duffour.
Suppléants : MM. Guy Cabanel, Luc Dejoie, Mme Dinah Derycke, MM. Jean-Jacques Hyest, Lucien Lanier, Jean-Claude Peyronnet et Henri de Richemont.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

7

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Michel Charasse. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, la semaine dernière, quatre magistrats du siège se sont publiquement élevés auprès du Président de la République contre l'exercice normal des droits du Parlement en matière de contrôle des services publics, justice incluse, ce qui constitue, au moins pour ce qui concerne le Sénat, une double faute.
C'est, d'une part, une faute disciplinaire au regard de l'article 10 de l'ordonnance de 1958, qui interdit aux magistrats « toute manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du Gouvernement de la République » et « toute démonstration de nature politique ».
C'est, d'autre part, une faute pénale au regard de l'article 31 de la loi de 1881 puisque les sénateurs membres de la commission d'enquête du Sénat sur la Corse ont été accusés de violation de la séparation des pouvoirs - il faut dire que les juges sont des spécialistes en la matière ! - donc d'avoir commis la forfaiture prévue par la loi des 16 et 24 août 1790. Cela constitue une diffamation à l'égard de « un ou plusieurs membres de l'une ou de l'autre chambre ».
Aujourd'hui, monsieur le président, l'escalade se poursuit avec les déclarations du président de l'Union syndicale des magistrats, M. Valéry Turcey, dans le journal Les Echos de ce matin.
Je citerai deux extraits de ces déclarations.
A une question sur le Congrès de Versailles du 24 janvier, M. Turcey répond : « Un échec serait très grave. Quoi que l'on pense des réformes sur la justice, ces projets constituent une tentative raisonnée et logique de rationalisation des rapports entre la classe politique et la justice...
M. Philippe Marini. Pression !
M. Michel Charasse. ... « C'est prendre le risque de voir ces relations, aujourd'hui tendues, tourner à la crise ouverte sans solution prévisible. »
M. Philippe Marini. C'est inadmissible !
M. Michel Caldaguès. Insensé !
M. Michel Charasse. Un peu plus loin, M. Turcey poursuit : « Les sénateurs exercent une forme de chantage. Leur véritable intention est de mettre les juges dans la situation de ne plus pouvoir les poursuivre. »
M. Philippe Marini. C'est inadmissible !
M. Michel Charasse. La première des deux citations - « ça ira mal si vous votez mal » - est un délit prévu et réprimé par le deuxième alinéa de l'article 433-3 du code pénal, dont je vous rappelle qu'il prévoit une peine de dix ans d'emprisonnement et de un million de francs d'amende pour toute personne qui fera pression sur un élu pour qu'il exerce son mandat électif dans un sens ou dans un autre. Je tiens le texte à la disposition de ceux de nos collègues qui s'y intéressent !
La seconde citation, qui insulte le Sénat directement, est non seulement une nouvelle violation de l'article 10 de l'ordonnance organique sur le statut des magistrats - prise de position politique sur un débat en cours, contestation de la forme parlementaire du régime - mais aussi, là encore, une diffamation au sens du même article 31 de la loi de 1881 à l'égard, cette fois-ci, de tous les membres de notre assemblée, sans même parler du mandat impératif, interdit par l'article 27 de la Constitution.
Monsieur le président, nous ne pouvons pas, notre assemblée ne peut pas laisser passer ces actes délictueux, ces attaques, ces mises en cause des institutions de la République et de la République elle-même sans réagir.
Même si chacun d'entre nous se sent outragé d'être ainsi traité par des agents publics qui sont tenus au devoir de réserve et qui doivent plus que d'autres respecter les lois de la République, puisqu'ils ont la charge de les faire appliquer, la question dépasse de très loin nos personnes : c'est le régime parlementaire et démocratique français, c'est la souveraineté nationale qui sont ainsi mis en cause et menacés ; c'est la mise au pas des assemblées !
Monsieur le président, le président et le bureau du Sénat ne peuvent laisser se dérouler sans réagir le processus dans lequel ceux que l'on aurait appelés, en 1789, des « factieux » et des « scélérats » veulent enfermer le Parlement de la République.
Nous sommes face à une tentative de rétablissement des parlements de l'Ancien Régime,...
M. Michel Caldaguès. Tout à fait !
M. Michel Charasse. ... de la dictature des juges, tant dénoncée dans les cahiers de doléances, une tentative d'établissement du gouvernement des juges fondée sur l'antiparlementarisme. Il y a dans ces démarches et dans ces déclarations des relents de vichysme, qui a d'abord supprimé les chambres - ah, les juges sous Vichy ! - démarches qui appellent les républicains au sursaut avant qu'il ne soit trop tard.
Je vous demande donc, monsieur le président, non seulement de transmettre ma protestation au président du Sénat, mais aussi de demander à ce dernier de réunir en urgence notre bureau pour protéger la liberté d'expression, d'appréciation et de vote des parlementaires, spécialement des sénateurs, et pour refuser ce que l'on tente de faire aujourd'hui : placer nos délibérations et nos votes sous la tutelle de quelques juges égarés qui veulent s'emparer du pouvoir.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Michel Charasse. Je souhaite donc que notre bureau saisisse M. le Président de la République et Mme le garde des sceaux de ces faits afin que le Conseil supérieur de la magistrature statue rapidement au disciplinaire. Voilà peu, un responsable syndical de la magistrature a été révoqué pour avoir tenu des propos racistes. La même sanction doit s'appliquer aujourd'hui à l'égard de ceux qui s'en prennent à la République.
Je souhaite, en outre, que notre bureau dépose les plaintes en diffamation qui s'imposent, ainsi que sur la base de l'article 433-3 du code pénal.
Faute d'agir, monsieur le président, mes chers collègues, que se passera-t-il demain pour ceux qui n'obéiront pas à M. Turcey le 24 janvier prochain à Versailles ? Je n'oublie pas ce que me disait le dernier survivant des Quatre-vingts, mon compatriote du Cantal Maurice Montel, quelques mois avant sa mort : « Parmi les Quatre-vingts, la majorité avait été menacée personnellement et physiquement par Laval et ses sbires avant le vote. Beaucoup ont ensuite payé cher leur résistance du 10 juillet 1940. »
De grâce, ne revenons pas à cette époque barbare et démontrons que cette assemblée n'est pas à ce point ignorante de ses devoirs et de l'histoire qu'elle en vienne à renier la République ! Comme l'a dit Clemenceau : « Le Sénat conservateur, oui, mais conservateur de la République ! » (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées socialistes, ainsi que sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. Loridant applaudit également.)
M. Emmanuel Hamel. Déclaration historique !
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de ce rappel au règlement.
Les termes que vous avez employés et les applaudissements qu'ils ont suscités sur toutes les travées font apparaître que la situation est suffisamment grave pour que, dès cet après-midi, je saisisse par voie de télégramme M. le président du Sénat - il est en effet actuellement à l'étranger - de vos propos. Je pense qu'il saura faire diligence pour donner toutes les suites qui s'imposent. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. Michel Charasse. Merci !

8

LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (n° 88, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 89 (1999-2000).]
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen de l'amendement n° I-171.

Articles additionnels après l'article 2 (suite)



M. le président.
Par amendement n° I-171, M. Loridant, Mme Beaudeau, MM. Foucaud, Bécart, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Bret, Duffour, Fischer, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Ralite, Renar et Mme Terrade proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A l'article 231 bis F du code général des impôts, après les mots : ", par le salarié bénéficiaire", sont insérés les mots : "ou par l'employé des différentes catégories de personnel des collectivités publiques".
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits figurant à l'article 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement tend à clarifier le régime des titres-restaurant en élargissant le champ des bénéficiaires aux agents de la fonction publique.
En effet, l'ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 réglementant les titres-restaurant et son décret d'application n° 67-1165 du 22 décembre 1967 s'adressent aux salariés sans préciser si les fonctionnaires peuvent prétendre à cette mesure.
Aucun texte postérieur n'a abordé ce point. Néanmoins, depuis l'ordonnance de 1967, les personnels de la fonction publique d'Etat ou de la fonction publique locale ont progressivement bénéficié du titre-restaurant ; tout au moins tel ministère ou telle collectivité a-t-il accordé le bénéfice du ticket-restaurant à ses salariés. En outre, le Conseil d'Etat, à la suite d'une démarche contentieuse, a officialisé, par une décision en date du 21 octobre 1999, l'existence des titres-restaurant dans la fonction publique.
Néanmoins, depuis lors, certains ont tendance à considérer qu'il convient de limiter la valeur de la participation de l'Etat ou des collectivités dans les titres-restaurant. Il en découle une très grande hétérogénéité de situations entre les différentes collectivités locales, source de nombreux contentieux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, d'après les informations que j'ai pu recueillir, la participation de l'employeur, d'une collectivité à l'autre ou d'un ministère à l'autre, peut varier de 5,86 francs à plus de 20 francs. Dans ce cas, j'estime, que le principe d'égalité n'a pas été respecté.
Il est donc question de mettre fin à cette situation en confirmant dans la loi le principe d'un accès des fonctionnaires aux titres-restaurant de telle sorte que les modalités qui en résulteront soient valables pour toutes les administrations.
Tel est l'objet de cet amendement, qui se justifie par la nécessité de définir une position claire et d'éviter que les décisions contentieuses n'aboutissent à des incohérences sur l'ensemble du territoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, comme l'ont relevé nos collègues, les dispositions en vigueur semblent ne pas être appliquées partout de la même façon, et des contentieux peuvent exister quant à l'applicabilité du régime du ticket-restaurant à certains agents de la fonction publique, notamment territoriale. Il a pu se produire, me semble-t-il, que des chambres régionales des comptes n'examinent pas ce sujet de la même manière d'une région à une autre.
Je comprends donc l'inspiration de cet amendement, qui vise à étendre les dispositions issues de l'ordonnance de 1967 à l'ensemble des agents de la fonction publique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est nécessaire que vous nous précisiez la position du Gouvernement sur ce sujet, car l'interprétation jurisprudentielle est, dans certains cas, aléatoire. Les conséquences fiscales peuvent ne pas être complètement bien gérées, et des risques peuvent subsister pour les collectivités ou pour les agents concernés.
Il est donc nécessaire, me semble-t-il, que, en réponse aux préoccupations exprimées, vous puissiez nous donner l'avis du Gouvernement et nous dire si, de votre point de vue, cet article additionnel est absolument indispensable ou si la confirmation par le Gouvernement de la doctrine administrative vous paraît être de nature suffisante.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous proposez, afin d'assurer l'accès au titre-restaurant aux fonctionnaires des trois fonctions publiques - Etat, collectivités locales et hôpitaux - que cet avantage, lorsqu'il est accordé à des fonctionnaires, bénéficie, dans les mêmes conditions que lorsqu'il est accordé à des salariés, de l'exonération de taxe sur les salaires prévue par l'article 231 bis F du code général des impôts. Vous voulez croire que l'octroi d'un allégement d'impôt à raison de cet avantage emportera implicitement la consécration juridique de l'extension aux agents de l'Etat, des collectivités locales et des services hospitaliers, du bénéfice du titre-restaurant.
M. Christian Sautter a demandé qu'il soit procédé à un état des lieux précis des diversités de situation que vous avez évoquées. Les résultats seront communiqués à la représentation nationale l'année prochaine.
Sur le plan juridique, c'est-à-dire au regard de l'ordonnance du 27 septembre 1967 à laquelle M. le rapporteur général faisait référence, le titre-restaurant a été institué - à dessein, je le souligne - pour les seuls salariés du secteur privé, pour lesquels il constitue d'ailleurs un acquis social indubitable. Ce titre-restaurant est donc dépourvu de toute base juridique légale dans la fonction publique d'Etat, territoriale et hospitalière.
En effet, et c'est ce qui le différencie des entreprises privées, l'Etat conduit, en faveur de ses agents, une politique spécifique d'action sociale en étroite collaboration avec les représentants des personnels, notamment au sein du comité interministériel de l'action sociale. L'objectif principal de cette action est d'apporter aux agents, en fonction de leur situation propre, et tout particulièrement aux plus modestes d'entre eux, un ensemble d'aides financières et en nature : prestation - service, crèche, chèques-vacances, restauration, etc.
S'agissant de la restauration proprement dite, l'effort consenti par l'Etat vise à procurer à ces agents non pas un complément de rémunération mais une aide destinée en priorité à garantir à tous, dans des conditions financièrement raisonnables, l'accès à un repas complet et équilibré.
A cet effet, ont été mises en place progressivement sur l'ensemble du territoire et à proximité immédiate des lieux de travail des infrastructures de restauration collective adaptées aux attentes des usagers. Des investissements, d'ailleurs significatifs, ont été réalisés à cette fin et continuent en ce moment même à l'être, et notre pays peut s'honorer, malgré les imperfections qui demeurent ici ou là, de l'outil qu'il met ainsi à la disposition de ses fonctionnaires, et en particulier des plus modestes d'entre eux. Compte tenu de l'importance de cet effort en faveur de la restauration collective, le Gouvernement n'est pas favorable à l'extension de l'usage du titre-restaurant aux agents de l'Etat.
D'un point de vue strictement budgétaire, une telle mesure, qui mettrait inévitablement en péril la plupart des petits centres qui n'atteignent une masse de fréquentation que via une coopération interadministrative, par ailleurs encouragée, induirait, en outre, une charge supplémentaire que l'on peut estimer à 5,6 milliards de francs pour la seule fonction publique de l'Etat, hors ministère de la défense. Cette charge est comparable à une augmentation de 0,85 % du point de la fonction publique.
Sous le bénéfice de ces précisions, je vous prie, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, les explications claires que vous venez de nous donner montrent toute l'étendue de ce problème. Il est clair que l'on ne peut pas cumuler deux avantages.
Les salariés du secteur public bénéficient d'oeuvres sociales et de services collectifs de l'Etat ; ils devraient pouvoir choisir entre ce régime et celui de droit commun des salariés du secteur privé, que le groupe communiste républicain et citoyen souhaite rendre accessible à tout le monde, quel que soit son statut.
Compte tenu des aspects complexes et peut-être un peu contradictoires de ce problème, compte tenu également du bien-fondé de la préoccupation qui a été exprimée, je ne puis, pour ma part, après vous avoir entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'émettre un avis de sagesse.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-171.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le secrétaire d'Etat, vos explications ne m'ont pas échappé. Vous avez évoqué les prestations dont bénéficient les agents de la fonction publique de l'Etat ; il en est de même pour ceux de la fonction publique territoriale. Il va de soi que l'on ne peut bénéficier à la fois d'un service de restauration collective et de tickets-restaurant.
Mais le problème ne se pose plus tout à fait dans ces termes. La réalité, c'est que, y compris dans l'administration d'Etat, les tarifs de prise en charge des tickets-restaurant par l'employeur varient d'un département ministériel à l'autre et que les distorsions sont encore aggravées dans les collectivités territoriales puisque, à côté des régions, départements ou communes qui ont mis en place des services de restauration collective pour leur personnel, d'autres distribuent des tickets-restaurant dont la prise en charge par l'employeur est différente d'une collectivité à l'autre.
Le problème demeure donc en dépit des précisions que vous avez apportées et il est urgent que l'administration apporte des réponses définitives et clarifie aux yeux des magistrats des chambres régionales des comptes ou des juges administratifs - à ma connaissance, les deux instances ont été saisies - la ligne de conduite à tenir pour les collectivités publiques.
L'amendement que j'ai déposé vise à obliger l'Etat à réagir. C'est pourquoi je souhaite que le Sénat l'adopte, en attendant la solution - à laquelle je ne doute pas un seul instant que l'on arrivera - qui répondra au principe d'égalité.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Si je l'ai bien entendu, M. le secrétaire d'Etat vient de dire que le ticket-restaurant n'avait aucune base juridique dans la fonction publique, en limitant son propos à la fonction publique d'Etat. Mais ce qui m'inquiète, c'est la situation dans laquelle vont se trouver la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, où existent aussi des restaurations collectives et un système de tickets-restaurant.
Après la déclaration de M. le secrétaire d'Etat, les collectivités locales qui utilisent le système des tickets-restaurant vont se trouver dans une situation juridique fort embarrassante : les chambres régionales des comptes constesteront systématiquement le bien-fondé juridique des décisions prises par les collectivités territoriales en matière de tickets-restaurant et les considéreront comme irrégulières, avec toutes les conséquences qui en découleront.
Je souhaite donc que le Gouvernement règle rapidement cette affaire et, pour le pousser à prendre ses responsabilités, je voterai l'amendement n° I-171.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. la parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Il me paraît également indispensable de mettre de l'ordre dans cette affaire. Il serait important d'obtenir du Gouvernement des assurances autres que aimablement verbales, car la restauration collective émanant des services de l'Etat pose bien d'autres problèmes : par exemple, dans un certain nombre de ces établissements, on entre comme dans un moulin, ce qui ne fait guère plaisir aux professionnels de la restauration, qui s'en plaignent souvent.
Nous nous demandons à quelles règles tout cela obéit. Le Gouvernement doit nous faire bénéficier d'une plus grande transparence en la matière.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout d'abord, il s'agit non pas, monsieur Caldaguès, de restauration collective, mais, par définition, d'une restauration individuelle dont une partie de la charge est couverte par le système du ticket-restaurant financé par l'employeur.
En outre, j'ai indiqué tout à l'heure qu'il existait une très grande diversité de situations - M. Loridant lui-même l'avait admis dans son intervention liminaire - ce qui appelle une mise en ordre. Dans telle collectivité ou tel hôpital, la solution retenue est tout à fait différente de celle qui a été adoptée dans tel autre établissement du même type. Il faut donc tout mettre à plat, partant d'une bonne connaissance, aussi universelle que possible, des différents systèmes d'aide dans les trois fonctions publiques de l'Etat, des collectivités territoriales et des hôpitaux, et trouver ensuite les moyens de rationaliser le système, afin de donner des fondements juridiques et réglementaires incontestables à l'ensemble des différentes solutions positives adoptées de manière pragmatique par les collectivités ou établissements auxquels nous avons affaire.
Je propose donc que nous prenions acte de vos inquiétudes, messieurs Caldaguès et Chérioux, afin que, quand l'étude demandée par M. Sautter aura été remise, nous puissions faire le point et rediscuter de ce problème avec vous. A la prochaine occasion, en toute connaissance des faits, nous pourrons alors mettre au point des propositions qui permettront de clarifier la situation et d'apaiser les inquiétudes.
M. Jean Chérioux. Les chambres régionales des comptes n'attendront pas !
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Il y a un point que je n'ai pas compris dans la réponse de M. le secrétaire d'Etat : il semble que, dans son esprit, le système du ticket-restaurant soit exclu lorsqu'une restauration collective est assurée. Pourquoi ne pas concevoir un système où l'intéressé aurait le choix ?
M. Jean Chérioux. Exactement !
M. Yann Gaillard. Il est évident que l'on ne peut pas bénéficier à la fois d'une carte d'accès dans le restaurant de tel ministère et de tickets-restaurant. Pourquoi ne pas demander aux agents de la fonction publique s'ils préfèrent disposer de tickets-restaurant ou déjeuner à la cantine du ministère ? Cette concurrence contribuerait probablement à améliorer l'ordinaire des cantines, que j'ai fréquentées pendant bien des années ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-171, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2.
Par amendement n° I-168, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 2, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions de l'article 7 de la loi de finances pour 1997 (loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996) sont abrogées.

« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, le taux prévu au 2 de l'article 200 A du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Depuis 1997, nous avons déposé un amendement identique lors de l'examen de chaque projet de budget. Il tend à rétablir le traitement fiscal particulier des allocations versées dans le secteur privé pour les congés de maternité et à les assortir dans les faits d'une exonération d'imposition.
La dépense fiscale correspondant à cette mesure était relativement faible. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, au cours de laquelle la suppression de cette exonération était mise en balance avec d'ailleurs d'autres mesures discutables pour financer la réduction des taux d'imposition, nous avions souligné le caractère pour le moins critiquable de ce qui est devenu l'article 7 de la loi de finances.
Je noterai par ailleurs que les dispositions concernées avaient fait l'objet d'un rejet par l'ensemble des composantes qui constituent la majorité parlementaire de l'Assemblée nationale aujourd'hui et la minorité de gauche de la Haute Assemblée. Cela avait d'ailleurs été matérialisé par la voie d'un scrutin public demandé par le Gouvernement.
La mesure demeurerait en application pour les femmes salariées du secteur privé, le statut de la fonction publique ayant de longue date, lui, résolu le problème du maintien du traitement des femmes fonctionnaires en congé de maternité.
Nous pouvons d'ailleurs craindre qu'un examen plus attentif de la situation ne nous prouve, ce que nous craignions déjà à l'époque, à savoir que la suppression de l'exonération mette en cause la simple application du droit et incite les femmes concernées à ne pas en bénéficier.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vois que nous commençons bien cet après-midi : sur les deux amendements qui ont été appelés en discussion depuis la reprise de la séance, le rapporteur général a souhaité connaître d'abord l'avis du Gouvernement. Sans doute est-ce pour s'aligner sur celui-ci, en toute démocratie. (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est pour soutenir la majorité plurielle ! (Nouveaux sourires.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur l'imposition des indemnités perçues par les femmes en congé de maternité qui résulte de la loi de finances de 1997, et qui a donc été adoptée en 1996.
En effet, ces indemnités se substituent au salaire des bénéficiaires pendant leurs congés de maternité. L'imposition d'une somme qui a incontestablement le caractère d'un revenu est une disposition légitime. C'est d'ailleurs la situation qui prévaut depuis toujours dans le secteur public. Je ne souhaite pas que l'on introduise une différenciation nouvelle entre le secteur public et le secteur privé à cet égard.
Je demande donc le retrait, et, à défaut, le rejet, de l'amendement n° I-168.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les explications qui viennent d'être données rejoignent le point de vue que j'allais exprimer. Mais j'avais besoin de les entendre avant de suggérer un vote à notre Haute Assemblée.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-168, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° I-120, est présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Le second, n° I-229, est présenté par MM. Gaillard, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 5° de l'article 8 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 5° Des associés d'une exploitation agricole à responsabilité limitée. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. du Luart, pour présenter l'amendement n° I-120.
M. Roland du Luart. Nous souhaitons ne pas attendre la réforme annoncée de la fiscalité agricole pour adopter certaines mesures permettant de favoriser la pérennité des exploitations agricoles et leur transmission.
Deux des problèmes qui se posent aujourd'hui dans les exploitations agricoles sont le renforcement des fonds propres et la clarification de la législation fiscale concernant, d'une part, ce que l'agriculteur ou ses partenaires apportent eux-mêmes à l'exploitation et, d'autre part, les résultats de l'entreprise.
En l'état actuel de la réglementation, les entreprises agricoles à responsabilité limitée constituées d'un seul associé ou des membres d'une même famille relèvent de l'impôt sur le revenu. En revanche, lorsque l'exploitation agricole à responsabilité limitée, l'EARL, est composée de plusieurs associés non parents, elle est assujettie de plein droit à l'impôt sur les sociétés.
Cet amendement vise donc, pour clarifier les choses, à assujettir toutes les EARL, quelle que soit leur composition, à l'impôt sur le revenu. Ce dispositif paraît de nature à orienter des capitaux vers les EARL, puisque ces entreprises pourraient ainsi disposer de fonds propres plus importants et donc faire face aux aléas, notamment climatiques, sans devoir souscrire des emprunts parfois coûteux auprès des organismes bancaires ou solliciter l'Etat en cas de calamités agricoles.
M. le président. La parole est à M. Gaillard, pour présenter l'amendement n° I-229.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, je n'ai rien à ajouter à l'excellente démonstration de notre collègue M. du Luart.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-120 et I-229 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous abordons ici une série d'amendements visant à moderniser la fiscalité agricole. La commission des finances n'a pas eu le temps d'entreprendre les investigations, les études nécessaires sur tous les points techniques qu'ils soulèvent.
Quoi qu'il en soit, elle a émis un avis favorable sur les amendements n°s I-120 et I-229.
Il semble en effet raisonnable d'accepter la transparence fiscale - puisqu'en définitive c'est de cela qu'il s'agit - des entreprises agricoles à responsabilité limitée et de permettre la remontée dans les revenus personnels des associés des bénéfices ou des pertes issus de l'exploitation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il faut d'abord rappeler la règle : les sociétés dont les membres n'ont qu'une responsabilité limitée relèvent, en règle générale, de l'imposition sur les sociétés. Toutefois, il est vrai que l'article 8-5° du code général des impôts prévoit une dérogation à ce principe pour les EARL dont les membres sont unis par le mariage ou par des liens de parenté en ligne directe ou collatérale jusqu'au deuxième degré. De même, les EARL constituées entre un exploitant et un jeune qui s'installe continuent de relever de l'impôt sur le revenu.
Ces dérogations ont deux motivations : favoriser l'installation des jeunes et favoriser l'exploitation familiale, en particulier la petite exploitation familiale.
Je crois qu'il n'est pas souhaitable d'aller au-delà du droit positif fiscal existant car l'assujettissement de tous les associés de l'EARL au régime fiscal applicable à l'impôt sur le revenu mettrait en cause la cohérence des régimes fiscaux applicables aux différentes formes sociétaires d'exploitation qui existent en agriculture - vous l'avez dit - mais aussi dans d'autres activités industrielles, commerciales, artisanales, non commerciales ou autres.
Cette question sera d'ailleurs abordée, je le crois, dans le rapport sur la fiscalité agricole de Mme Béatrice Marre, député.
Dans l'attente des conclusions de ce rapport, je demande à MM. du Luart et Gaillard de bien vouloir retirer leurs amendements.
M. le président. Monsieur du Luart, l'amendement n° I-120 est-il maintenu ?
M. Roland du Luart. Si, véritablement, le Gouvernement entend donner des suites au rapport de Mme Marre dans les semaines qui viennent, je veux bien retirer mon amendement, à la condition toutefois qu'il prenne l'engagement formel que ce problème sera réglé en l'an 2000.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je puis assurer M. du Luart que le rapport de Mme Marre doit être rédigé pour le mois d'avril 2000 et que le Gouvernement en tirera des conséquences, naturellement.
M. Roland du Luart. Pas le 1er avril, j'espère ! (Rires.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Non ! Disons le 2 avril !
M. Roland du Luart. Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-120 est retiré.
Monsieur Gaillard, l'amendement n° I-229 est-il maintenu ?
M. Yann Gaillard. Je le retire également.
M. le président. L'amendement n° I-229 est retiré.
Par amendement n° I-260, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa du III de l'article 72 B est ainsi rédigé :
« Lorsqu'un exploitant agricole individuel fait apport de son exploitation à une société ou un groupement dans les conditions définies à l'article 151 octies, le bénéfice correspondant à l'apport des stocks peut être rattaché aux résultats de cette société ou de ce groupement selon les modalités prévues au d du 3 de l'article 210 A. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je me demande si cet amendement subira le même sort que les précédents, si cette question retiendra l'attention de Mme Marre !
Afin de rendre opérationnel le dispositif de l'article 151 octies tout en simplifiant le traitement comptable de ces opérations en le rendant cohérent avec les principes juridiques, il est proposé d'apporter les stocks des exploitants agricoles en valeur vénale, afin de dégager les profits qui en découlent et de les taxer comme un élément du résultat de la société.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La suggestion de M. Oudin est également intéressante, mais elle nécessiterait une analyse plus détaillée dans le cadre plus général qui a été évoqué. En l'occurrence, il faudrait s'interroger sur les spécificités de la comptabilité des sociétés agricoles par rapport aux autres sociétés et se demander si un tel mécanisme est justifié par les particularités économiques de la branche agricole.
Sur tous ces sujets, en toute franchise, je ne puis que dire à nos collègues que la commission n'a pas été en mesure d'entreprendre une analyse assez détaillée.
Mais peut-être la réflexion du Gouvernement a-t-elle progressé plus que la nôtre. Aussi sommes-nous intéressés par son avis.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ce sujet est fort délicat.
Le dispositif actuel, qui prévoit l'apport des stocks pour leur valeur comptable, soulève des difficultés dans la mise en oeuvre d'une réparation équitable du capital de la société bénéficiaire des apports dès lors que l'apporteur souhaite être rémunéré d'après la valeur réelle des apports et non d'après leur valeur comptable. Vaste sujet !
De l'avis même de la chancellerie, cette difficulté n'est pas réelle car le capital peut être réparti entre les différents apporteurs selon un rapport d'échange indépendant de la valeur des apports. Une prime d'apport peut d'ailleurs être créée pour équilibrer ces derniers.
Enfin, même si le problème relevé existait - mais la chancellerie estime qu'il n'est pas réel - la mesure proposée serait inéquitable dès lors que cette difficulté est susceptible de se poser non seulement pour le secteur agricole, mais également pour toutes les activités qui impliquent une conservation durable des stocks. On a parfois parlé de stocks « à rotation lente » s'agissant des stocks agricoles, et la question pourrait se poser, par exemple, pour ce que l'on pourrait considérer comme des stocks en matière immobilière.
Cette question fait par ailleurs l'objet du rapport de Mme Béatrice Marre, et pour les mêmes raisons que celles que j'ai évoquées en donnant l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-120 et I-229, je souhaite que le Sénat veuille bien prendre en considération que le problème est posé, que nous y travaillons, que nous aurons à y revenir à partir du mois d'avril prochain.
Je demande donc aux auteurs de l'amendement de bien vouloir le retirer, de faire confiance au travail d'approfondissement de leur collègue député et du Gouvernement, qui prendra ce travail en compte.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaiterait, étant donné la technicité et la complexité du sujet, que l'amendement puisse être retiré.
M. le président. L'amendement n° I-260 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je fais tout à fait confiance aux capacités de Mme Marre. Je fais plus confiance encore aux capacités de notre commission des finances en matière de fiscalité agricole. Je vais cependant retirer l'amendement.
Cela fait des années que nous débattons dans cette enceinte de certains problèmes techniques de fiscalité agricole. Maintenant que l'Europe est une entité totalement ouverte et intégrée, au moins dans ce domaine-là, il serait souhaitable non seulement que les règles comptables françaises soient améliorées, mais qu'elles soient harmonisées avec celles de nos partenaires.
M. Roland du Luart. Tout à fait !
M. Jacques Oudin. Monsieur le secrétaire d'Etat, n'oubliez pas que nous sommes en Europe et que la comptabilité, lorsqu'elle est appliquée avec une certaine finesse, permet de fausser parfois la concurrence !
M. le président. L'amendement n° I-260 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-127, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est rétabli un article 72 bis au code général des impôts ainsi rédigé :
« Art. 72 bis . - En cas de transmission ou de rachat des droits d'un associé, personne physique, dans une société mentionnée à l'article 8, qui exerce une activité relevant du champ d'application de l'article 63 et qui est soumise à un régime réel d'imposition, l'impôt sur le revenu peut être établi au nom de cet associé pour sa quote-part dans les résultats, déterminés dans les conditions prévues aux articles 72 à 75, réalisés depuis la fin de la dernière période d'imposition jusqu'à la date de cet événement. Cette mesure s'applique sur demande conjointe de l'associé dont les titres sont transmis ou rachetés ou de ses ayants cause et du bénéficiaire de la transmission ou, en cas de rachat, des associés présents dans la société à la date du rachat.
« Le bénéficiaire de la transmission des titres est alors imposable à raison de la quote-part correspondant à ses droits dans le bénéfice réalisé par la société au cours de l'exercice, diminué de la part du résultat imposé dans les conditions prévues par le premier alinéa. En cas de rachat des titres par la société, les associés présents dans la société à la clôture de l'exercice sont imposables à raison du résultat réalisé par la société au cours de l'exercice, sous déduction de la part du résultat imposé dans les conditions prévues au premier alinéa, au nom de l'associé dont les titres ont été rachetés.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-257 rectifié, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouet proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 72 du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - En cas de transmission ou de rachat des droits d'un associé, personne physique, dans une société mentionnée à l'article 8, qui exerce une activité relevant du champ d'application de l'article 63 et qui est soumise à un régime réel d'imposition, l'impôt sur le revenu peut être établi au nom de cet associé pour sa quote-part dans les résultats, déterminés dans les conditions prévues aux articles 72 à 75, réalisés depuis la fin de la dernière période d'imposition jusqu'à la date de cet événement. Cette mesure s'applique sur demande conjointe de l'associé dont les titres sont transmis ou rachetés ou de ses ayants cause et du bénéficiaire de la transmission ou, en cas de rachat, des associés présents dans la société à la date du rachat.
« Le bénéficiaire de la transmission des titres est alors imposable à raison de la quote-part correspondant à ses droits dans le bénéfice réalisé par la société au cours de l'exercice, diminué de la part du résultat imposé dans les conditions prévues au premier alinéa. En cas de rachat des titres par la société, les associés présents dans la société à la clôture de l'exercice sont imposables à raison du résultat réalisé par la société au cours de l'exercice, sous déduction de la part du résultat imposé dans les conditions prévues au premier alinéa, au nom de l'associé dont les titres ont été rachetés.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives des contribuables.
« Ces dispositions s'appliquent aux transmissions et rachats de parts intervenues à compter du 1er janvier 1999. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Clouet, pour défendre l'amendement n° I-127.
M. Jean Clouet. Dans les sociétés civiles agricoles relevant du régime de l'article 8 du code général des impôts - ce sont des sociétés de personnes - l'intégralité du résultat est acquise aux seuls associés présents à la clôture de l'exercice. Par conséquent, l'associé qui a cédé ses parts sociales en cours d'exercice n'a aucun droit au résultat, pour la période au titre de laquelle il était associé.
C'est pourquoi il est demandé, dans un souci d'équité, que soit transposé au régime agricole le dispositif prévu par l'article 93 B pour les sociétés de personnes exerçant une activité professionnelle non commerciale. Ainsi, les associés ayant cédé leurs parts en cours d'exercice toucheraient une rémunération proportionnelle à la durée de leur participation.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-257 rectifié.
M. Jacques Oudin. Nous demandons que soit transposée, en matière agricole, la possibilité de déterminer un résultat fiscal intermédiaire en cas de transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit, des droits d'un associé. L'associé dont les titres sont transmis ou rachetés est redevable de l'impôt afférent à la part du résultat correspondant à ces droits, déterminée à la date de cet événement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelles que soient les qualités que l'on prête, sans doute à juste titre, à Mme Marre...
M. Michel Charasse. De grandes qualités !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... pour éclaircir la fiscalité agricole, qui en a sans doute besoin,...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Certes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... point n'est besoin, sur ce sujet, d'attendre son rapport. Il s'agit en effet d'une mesure de bon sens, visant à permettre l'établissement d'un résultat fiscal intermédiaire de manière à clarifier certaines situations patrimoniales.
Bien que les deux amendements se placent dans la même logique, la commission vous recommande, mes chers collègues, d'adopter l'amendement n° I-127, qui est un peu moins rétroactif que l'amendement n° I-257.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Les deux amendements mettent en lumière une difficulté dont le Gouvernement est bien conscient et des situations réelles qui peuvent, c'est vrai, porter préjudice à certains des associés des sociétés de personnes.
Toutefois - je suis désolé de l'indiquer au rapporteur général et aux auteurs des deux amendements - nous préférons attendre la mise à plat de l'ensemble de ces problèmes pour prendre une décision, qui aura le mérite de s'insérer dans une vision globale et, par conséquent, dans une démarche parfaitement cohérente. C'est pourquoi je demande le retrait des amendements ou, à défaut, leur rejet.
M. le président. Monsieur Oudin, acceptez-vous de retirer l'amendement n° I-257 rectifié ?
M. Jacques Oudin. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-257 rectifié est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-127.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je vais suivre le Gouvernement dans cette affaire, car il faut effectivement, je crois, attendre le rapport de Mme Marre.
Une chose devrait toutefois rassurer le secrétaire d'Etat, c'est que l'amendement n° I-127 se conclut par les mots : « Un décret fixe les modalités d'application du présent article. » Par conséquent, tant que le décret n'est pas pris, l'article ne s'appliquera pas, et l'amendement n'a donc pas tellement d'importance ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-127, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2.
Par amendement n° I-228, MM. Gaillard, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article 72 D du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2000, le taux est porté à 35 % dans la limite de 175 000 francs. »
« II. - Les cinquième et sixième alinéas de l'article 72 D du code général des impôts sont supprimés.
« III. - L'éventuelle perte des recettes pour le budget de l'Etat résultant des I et II ci-dessus est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Cet amendement, comme d'ailleurs celui qui va suivre, a trait au fonctionnement de la déduction pour investissement au profit des exploitations agricoles. Codifiée à l'article 72 D du code général des impôts, son efficacité est limitée par un certain nombre de dispositions, notamment le plafonnement et l'obligation de réintégrer la déduction au même rythme que l'amortissement des investissements, ce qui la prive d'une grande partie de son intérêt.
L'amendement n° I-228 a pour objet de faire « sauter » ces dispositions pour donner à la déduction pour investissement en matière agricole sa pleine efficacité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est intéressant.
Il met notamment l'accent sur la limite de la déduction pour investissement, fixée, si je ne me trompe, depuis la loi de finances initiale pour 1997, à 52 500 francs.
Il souligne, entre autres, la nécessité de revenir périodiquement aux seuils en valeur absolue qu'on n'a pas de raison de sacraliser et sur lesquels il faut s'interroger de temps à autre.
Cela dit, d'autres sujets pourraient être évoqués à l'occasion de cette proposition d'élargissement de la déduction pour investissement. Je pense aux débats sur les formes d'agriculture, sur les structures des exploitations, sur le point de savoir qui bénéficiera le plus ou qui bénéficiera le moins de ce type de dispositions, etc.
Tout cela sera examiné, de même que la conformité du dispositif au règlement communautaire, d'ici au printemps prochain, époque à laquelle le rapport annoncé sortira, et à l'occasion des travaux que notre commission des finances serait en mesure d'approfondir.
Dans l'immédiat, la commission est favorable au retrait de cet amendement, étant entendu qu'elle souhaite incorporer les éléments qui le fondent dans un travail d'approfondissement qu'il nous appartient de conduire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Pour les mêmes raisons, même avis !
M. le président. Monsieur Gaillard, retirez-vous votre amendement ?
M. Yann Gaillard. Oui, monsieur le président, et je prie sainte Béatrice de nous éclairer. (Sourires.)
M. le président. Dans cette ambiance laïque et républicaine, vous me permettrez de considérer que vos derniers propos ne figureront au procès-verbal qu'à titre allusif !
L'amendement n° I-228 est retiré.
Par amendement n° I-227, MM. Gaillard, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2 un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le I de l'article 72 D du code général des impôts est complété, in fine , par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, le bénéfice résultant de cette intégration fait l'objet d'une imposition séparée au taux fixé au deuxième alinéa du a bis de l'article 219 du CGI (ou au 1 du point 1 de l'article 39 quindecies du CGI) à concurrence des sommes inscrites à une réserve spéciale d'autofinancement au passif du bilan.
« La dotation à la réserve spéciale d'autofinancement ne peut résulter que d'un prélèvement sur le bénéfice comptable de l'exercice, ou sur les capitaux propres de l'entreprise.
« Tout prélèvement sur la réserve spéciale d'autofinancement entraîne la réintégration des sommes correspondantes dans les bénéfices courants de l'exercice en cours. Il donne droit à un crédit d'impôt égal à l'impôt initialement payé.
« Toutefois, les dispositions de l'alinéa qui précède ne sont pas applicables lorsque les sommes prélevées sur la réserve spéciale se rapportent à des dotations faites depuis plus de cinq ans, tout prélèvement étant obligatoirement imputé sur les dotations des exercices antérieurs les plus récents. »
« II. - Dans le dernier alinéa du II de l'article 1003-12 du code rural, après les mots : "plus-values et moins-values professionnelles à long terme" sont insérés les mots : "des sommes imposées au taux fixé au deuxième alinéa du a bis de l'article 219.1 du code général des impôts (ou au 1 du point 1 de l'article 39 quindecies du CGI) en application de l'antépénultième alinéa du 1 de l'article 72 D du code général des impôts".
« III. - L'éventuelle perte des recettes pour le budget de l'Etat résultant des I et II ci-dessus est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Cet amendement subira probablement le même sort que le précédent, mais il importe que notre assemblée pose des questions au moment où ce sujet va, paraît-il, faire l'objet d'une étude intégrale.
Il s'agit toujours du fonctionnement de la déduction pour investissement, mais plus précisément, cette fois, des procédures de réintégration.
L'idée fondamentale - qui devrait, je crois, être une idée force du rapport de Mme Marre et des propositions du Gouvernement - c'est que, en matière agricole, il faut véritablement, du point de vue fiscal, distinguer le bénéfice réinvesti dans l'entreprise du bénéfice prélevé pour rémunérer le travail de l'exploitant.
Actuellement, quand elle n'est pas affectée, dans un délai de cinq ans, à l'acquisition d'une immobilisation amortissable ou à l'augmentation de la valeur du stock, la déduction pour investissement doit être réintégrée dans les résultats du cinquième exercice suivant, ce qui est tout à fait normal.
Il est proposé de maintenir cette réintégration, mais de soumettre les sommes réintégrées à une imposition proportionnelle de 19 %, à concurrence des sommes inscrites à une réserve spéciale d'autofinancement figurant au passif du bilan. La dotation à cette réserve se ferait par prélèvement sur le bénéfice comptable de l'exercice ou sur les capitaux propres.
Le dispositif proposé, qui est d'une neutralité totale en cas de prélèvement de réserves pour les besoins personnels de l'exploitant, prévoit la réintégration des sommes ainsi prélevées dans le bénéfice passif de l'impôt sur le revenu au taux progressif.
La réserve jouerait un rôle d'amortisseur - une réserve pour risques en quelque sorte. Elle pourrait donc soit être utilisée par l'exploitant, soit être réintégrée si ce dernier ne l'a pas utilisée pour les besoins de son exploitation. Je crois que cette idée est importante.
Vous me répondrez probablement, monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut étudier cette proposition plus avant. J'en suis tout à fait d'accord, mais je tenais à poser le problème, surtout pour que l'on ait bien présent à l'esprit cette distinction fondamentale entre ce qui touche à la marche de l'exploitation et la rémunération personnelle de l'exploitant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à créer un étage supplémentaire de la déduction pour investissement. Si celle-ci n'était pas utilisée dans les cinq ans, au lieu d'être réintégrée au bénéfice imposable pour être taxée, elle abonderait, selon la proposition qui vient d'être faite, une réserve d'autofinancement en vue d'une utilisation ultérieure.
L'amendement est intéressant, mais il faut préciser l'approche et définir en particulier les conditions d'utilisation et les conditions de durée à appliquer aux sommes recueillies dans la réserve d'autofinancement, ce qui nécessite un travail complémentaire. Les auteurs de l'amendement veulent apporter plus de souplesse à la gestion fiscale des exploitations agricoles, objectif qui me paraît être parfaitement respectable et qu'il convient de soutenir. Néanmoins, comme Yann Gaillard s'y attendait, je vais suggérer que l'on approfondisse un peu le sujet.
Au demeurant, ce que sainte Béatrice est capable de faire à l'Assemblée nationale, peut-être saint Yann pourrait-il y contribuer au Sénat ! (Sourires.)
M. le président. Quel aréopage de saints ! (Nouveaux sourires.)
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je m'en tiendrai à la laïcité de l'Etat pour répondre, sur le fond, à M. Gaillard.
L'objectif - vous en serez d'accord avec moi - c'est d'aider les agriculteurs à investir, à être compétitifs et à se moderniser. La voie fiscale est une opportunité parmi les meilleures voies possibles. Il convient par ailleurs, comme toujours en matière de fiscalité agricole, d'avoir l'oeil fixé sur la simplicité et la lisibilité des dispositifs. Dans ce dernier domaine, nous n'avons pas toujours péché par un excès de simplicité ! Les raffinements que nous avons introduits depuis les lois de finances de 1984 - M. Blin, qui était rapporteur général à l'époque, s'en souvient bien - se sont accumulés et ont transformé notre système fiscal agricole en un maquis très souvent inextricable, je le dis objectivement.
L'amendement est intéressant par la volonté qui le sous-tend d'encourager la compétitivité et la modernisation de notre agriculture. Toutefois, il ne fixe ni condition d'investissement - M. Marini parlait à l'instant de conditions en général - ni délai de réintégration. Il donne à certaines entreprises agricoles, sans contrepartie particulière en termes économiques ou d'emploi, un avantage qui est de leur permettre de différer indéfiniment une fraction de l'imposition des bénéfices de l'exploitation, avantage d'autant plus important que le droit marginal d'imposition sera élevé.
La mise en oeuvre d'un tel mécanisme, qui constituerait une possibilité d'option supplémentaire au sein de la fiscalité agricole - laquelle en comporte déjà pas moins de vingt-cinq, ce qui est beaucoup ! - et qui devrait être notifiée à Bruxelles, serait d'une grande complexité. De plus, je le dis sincèrement, elle ne ferait qu'accroître, sans utilité objective, l'opacité de cette fiscalité.
Enfin, votre proposition n'ayant rien de spécifique au secteur agricole, les arguments qui la fondent seraient très rapidement étendus et revendiqués par l'ensemble des entreprises individuelles, créant une incohérence globale de démarche dans notre système fiscal.
Par conséquent, ayant attiré l'attention sur la situation et les conditions de modernisation de l'investissement dans le domaine agricole, M. Gaillard serait bien avisé de retirer l'amendement n° I-227. Nous avons compris ce qui le motivait. Nous ferons en sorte, dans l'évolution future de la fiscalité agricole, que cet objectif soit retenu le plus efficacement possible.
M. le président. Monsieur Gaillard, acceptez-vous de retirer l'amendement n° I-227 ?
M. Yann Gaillard. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-227 est retiré.
Par amendement n° I-258 rectifié, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 73 du code général des impôts est complété par un III ainsi rédigé :
« III. - Par dérogation aux dispositions du I ci-dessus, et à titre transitoire, les exploitants agricoles pourront clôturer en 1999 un excercice d'une durée différente de douze mois, à la condition que ce changement de date de clôture ait pour objet de faire coïncider leur exercice avec les dates de la campagne viticole.
« Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. La campagne viticole se déroulera non plus du 1er septembre au 31 août, mais du 1er août au 31 juillet.
Cette modification entraîne des conséquences fâcheuses pour les viticulteurs qui souhaitent faire coïncider leur exercice fiscal et la campagne de production.
Afin de remédier à ce dysfonctionnement, il est proposé de permettre aux exploitants viticulteurs soumis au régime réel des bénéfices agricoles de clore, à titre exceptionnel, un exercice différent de douze mois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient de savoir que les dates de la campagne viticole ont été modifiées, semble-t-il, par un règlement communautaire dans le cadre de la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole. Il en résulte que la campagne viticole commencera en 2000, soit un mois plus tôt que les années précédentes.
Cette modification empêchera les viticulteurs de faire coïncider leur exercice fiscal et leur campagne de production, car l'article 73 du code général des impôts fixe la durée des exercices fiscaux à douze mois, sans possibilité de dérogation. Il serait donc utile de retenir la proposition de nos collègues, qui reprend des préoccupations justifiées des milieux professionnels. Il me semble que, sans attendre le réexamen d'ensemble de la fiscalité agricole, nous pourrions voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je crois qu'il est prématuré de se prononcer sur l'opportunité de modifier l'article 73 du code général des impôts alors que le règlement auquel vient de faire allusion M. le rapporteur général, qui modifie les dates de la campagne viticole, ne fixe aucune date pour la souscription par les viticulteurs d'une déclaration des stocks. Cette dernière devrait figurer dans un règlement d'application qui interviendra dans le courant de l'année 2000.
Juridiquement, tant que la Communauté ne s'est pas prononcée, rien ne s'oppose à ce que les viticulteurs continuent, comme ils le font actuellement, à souscrire une déclaration des stocks au 31 août, sans préjudice ni de la date d'achèvement de la campagne viticole européenne ni de celle de la clôture de son exercice comptable.
Au demeurant, il faut bien distinguer entre deux réalités techniques différentes car la déclaration des stocks souscrite en fin de campagne viticole ne recouvre pas l'inventaire des stocks établi à l'appui de la déclaration des bénéfices agricoles.
Enfin, l'amendement autorise les exploitants à clore un exercice d'une durée largement inférieure à un an, ce qui pourrait conduire bon nombre de viticulteurs à demander le retour au régime du forfait de manière totalement artificielle. Ce sujet sera également évoqué dans le rapport sur la fiscalité agricole que déposera dans quelques semaines Mme Marre.
J'ajoute à l'intention de M. Oudin que près de 80 % des agriculteurs ont librement choisi d'avoir un exercice décalé par rapport à la campagne viticole. La dérogation demandée ne correspond pas à une nécessité d'intérêt général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. le secrétaire d'Etat vient de nous livrer une analyse fouillée dont je déduis que l'amendement n° I-258 rectifié n'est pas strictement nécessaire. Tant que les textes communautaires ne sont pas encore applicables, les viticulteurs peuvent jouer d'une certaine souplesse sur la longueur de l'exercice fiscal.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Exactement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu de ces informations, dont la commission n'avait pas connaissance, il me semble préférable que l'amendement soit retiré et que cette question soit étudiée à l'occasion de l'examen de l'ensemble de la fiscalité agricole.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. En écoutant l'excellente explication de M. le secrétaire d'Etat, je me suis dit : c'est vrai, pouquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! Vous aviez même du mal, monsieur le secrétaire d'Etat, à cerner la totalité de l'exposé que vous étiez en train de faire.
Pourquoi une fiscalité doit-elle forcément être complexe et incompréhensible ? A cause de fonctionnaires trop intelligents, ou de parlementaires insuffisamment vigilants ? Je ne sais.
Tout cela est matière à fraude et à falsification : plus c'est compliqué, plus on trouve de failles.
En tout cas, on se demande comment notre fiscalité agricole a pu en arriver à un tel état de complexité et d'inapplicabilité sans que nous réagissions. Je trouve cela étonnant, je tenais à le dire à la Haute Assemblée.
Cela dit, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-258 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-125 rectifié MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des républicains et indépendants proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au premier alinéa de l'article 73 B du code général des impôts, les mots : "entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001".
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-234 rectifié, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 73 B du code général des impôts, les mots : "entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2002".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. du Luart, pour défendre l'amendement n° I-125 rectifié.
M. Roland du Luart. Cet amendement vise à reconduire pour une durée d'un an le régime de réduction de 50 % du bénéfice des jeunes agriculteurs applicable durant leurs soixante premiers mois d'activité.
Cet abattement, qui est le pendant en matière agricole de l'exonération des bénéfices des entreprises nouvelles qui existe en matière industrielle et commerciale est un élément important de la politique d'installation en agriculture. A ce titre, il doit être reconduit, au moins pour un an, dans l'attente de la publication du rapport parlementaire sur la fiscalité agricole.
La justification même de cet amendement se trouve dans la nécessité d'attendre les conclusions de Mme Marre. Vous ne pourrez donc pas m'opposer le dépôt du rapport de Mme Marre, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-234 rectifié.
M. Jacques Oudin. Il a le même objet que l'amendement précédent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-125 rectifié et I-234 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Lorsque nos collègues ont déposé ces amendements, ils ne pouvaient pas savoir que l'Assemblée nationale voterait, lors de l'examen de la deuxième partie de la loi de finances, un amendement introduisant un article additionnel qui produirait les mêmes effets que leur dispositif. Cet amendement, devenu l'article 63 bis de la loi de finances, que nous examinerons en seconde partie, me semble leur donner satisfaction.
En effet, il est nécessaire de proroger au moins d'une année le régime existant sauf à engendrer une discontinuité qui se retournerait contre les intérêts légitimes de nombreux jeunes agriculteurs.
Les amendements me semblent donc pouvoir être retirés pous l'instant, quitte a être présentés de nouveau lors de l'examen de l'article 63 bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, d'autant que la disposition reconduite en attendant le rapport publié en 2000 par l'Assemblée nationale émanait de Mme Marre. Cette disposition tendait déjà à modifier dans un sens plus favorable aux agriculteurs le droit fiscal les concernant.
M. le président. L'amendement n° I-125 rectifié est-il maintenu ?
M. Roland du Luart. Les explications de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d'Etat montrent que les choses vont dans le bon sens et que les deux assemblées ont eu raison. Les agriculteurs auront donc satisfaction, ce qui est l'essentiel. Le dispositif proposé figurant à l'article 63 bis, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-125 rectifié est retiré.
Monsieur Oudin, votre amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-234 rectifié est retiré.

Article additionnel avant l'article 2 bis



M. le président.
Par amendement n° I-3, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer, avant l'article 2 bis un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le début du premier alinéa du 3 de l'article 6 du code général des impôts est ainsi rédigé : "Toute personne majeure âgée de moins de vingt et un ans, ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu'elle poursuit ses études ou est demandeur d'emploi, ainsi que, quel que soit son âge,"... (Le reste sans changement.) »
« II. - L'article 196 B du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 196 B. - Le contribuable qui accepte le rattachement des personnes désignées au 3 de l'article 6 bénéficie d'un abattement de 24 000 francs sur son revenu global net par personne ainsi prise en charge.
« III. - Le deuxième alinéa du 2 du I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Toutefois, la réduction d'impôt correspondant à la part accordée au titre du premier enfant est portée à 16 380 francs sauf pour les contribuables célibataires, divorcés ou soumis à l'imposition distincte prévue au 4 de l'article 6, qui répondent aux conditions fixées au II de l'article 194 pour lesquels la réduction d'impôt est de 20 610 francs. »
« IV. - Dans la première phrase du 2° ter du II de l'article 156 du code général des impôts, les mots : "soixante-quinze ans" sont remplacés par les mots : "soixante ans".
« V. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions des paragraphes I à IV est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, vous me faisiez remarquer, à juste titre, ce matin que nous avions voté la conséquence avant la cause ; la cause est ici. En d'autres termes, cet amendement portant article additionnel avant l'article 2 bis tend à déterminer une modification que nous avons déjà votée ce matin.
Il a pour objet de prévoir divers aménagements ponctuels favorables à la famille et aux solidarités privées, à savoir : rétablissement à 16 380 francs du plafond de l'avantage fiscal résultant d'une demi-part de quotient familial pour les familles n'ayant qu'un enfant à charge ; possibilité de rattachement au foyer fiscal des enfants à la recherche d'un emploi ; élévation à 22 000 francs du montant fixé par le code général des impôts pour l'abattement dont bénéficient les enfants rattachés ; enfin, abaissement à soixante ans de l'âge minimal à partir duquel la personne recueillie ouvre droit à la déduction prévue au code général des impôts.
Nous avons pris l'initiative de présenter ces dispositions, qui ont été, pour une large part d'entre elles votées par le Sénat, à l'occasion du récent débat sur le pacte civil de solidarité.
La commission des finances estimait qu'il était nécessaire en particulier de mieux traiter les familles comprenant des enfants de plus de vingt ans à la recherche d'un emploi et domiciliés chez leurs parents.
Nous sommes conscients qu'un tel régime d'abattement serait plus favorable que le mécanisme de quotient familial plafonné à 11 000 francs, mais nous estimons qu'il faut hiérarchiser les avantages. Ce dispositif a vocation à s'appliquer à des jeunes adultes qui entraînent, le plus souvent, des charges élevées pour les familles.
En outre, l'extension du système de l'abattement simplifierait les déclarations des contribuables qui, sur la base de 2 000 francs par mois, pourraient procéder à une telle réduction sans avoir à fournir des justificatifs, toujours fastidieux à rassembler, ce qui faciliterait, du même coup, la tâche des services fiscaux.
La commission estime qu'il faut encourager le développement des solidarités privées. C'est la raison pour laquelle elle souhaite favoriser l'accueil à domicile des personnes âgées en abaissant de soixante-quinze à soixante ans l'âge à partir duquel les personnes recueillies au foyer ouvrent droit à la déduction de 17 680 francs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous attachons beaucoup d'importance à cette mesure, qui peut concerner nombre de foyers fiscaux.
Nous savons qu'elle a un coût significatif, probablement de l'ordre de 1 milliard de francs, mais elle nous semble nécessaire dans le cadre des orientations à donner à la réforme de l'impôt sur le revenu.
Tout à l'heure, j'ai parlé de la hiérarchisation des avantages fiscaux. Yves Fréville, lui, a formulé un certain nombre de réflexions concernant les couples en parlant de le « conjugalisation » de la décote.
Dans la fiscalité sur la personne, il faut retrouver des valeurs. Il faut que la conception de l'impôt sur le revenu reflète une vision claire de la société, de son devenir et, de même que nous sommes attachés au mariage et au statut fiscal qui doit lui correspondre, de même nous estimons, s'agissant des jeunes à la recherche d'un emploi et à la charge de leurs parents, qu'il est bon que la fiscalité tienne compte des besoins objectifs qu'une telle situation peut induire.
Tel est l'esprit dans lequel la commission des finances a préparé cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cet amendement présente quatre propositions différentes ; il vise : en premier lieu, - et c'est le point sur lequel vous avez le plus insisté, monsieur le rapporteur général - à étendre aux enfants chômeurs âgés de moins de vingt-six ans la possibilité du rattachement au foyer fiscal de leurs parents ; en deuxième lieu, à substituer au quotient familial l'application d'un abattement de 24 000 francs pour tout enfant majeur rattaché au foyer fiscal d'un contribuable ; en troisième lieu, à porter de 11 060 francs à 16 380 francs le plafond du quotient familial pour le premier enfant à charge ; en quatrième et dernier lieu, à abaisser de soixante-quinze ans à soixante ans l'âge à partir duquel une personne hébergée sous le toit d'un contribuable ouvre pour celui-ci le droit à déduction des frais d'accueil de son revenu imposable.
Je vais donner une réponse précise à chacun de ces quatre points.
Premier point : les enfants majeurs qui ne poursuivent pas d'études sont imposables à l'impôt sur le revenu sous leur propre responsabilité dès lors qu'ils ont plus de vingt et un ans. Toutefois, s'ils sont en situation de besoin, les parents peuvent déduire de leur revenu imposable, dans la limite de 20 480 francs pour l'imposition des revenus de 1999, les sommes qu'ils leur versent à titre de pension alimentaire.
Monsieur le rapporteur général, cette solution est beaucoup plus favorable que celle du rattachement de l'enfant au foyer fiscal de ses parents pour les personnes qui ne disposent que de revenus modestes.
Je prendrai un exemple chiffré. A l'heure actuelle, un couple marié déclarant 140 000 francs de salaires et versant annuellement 20 000 francs de pension alimentaire à un enfant chômeur de plus de vingt et un ans verse 2 602 francs au titre de l'impôt sur le revenu. Si l'amendement était adopté, son imposition serait portée à 3 699 francs, soit une augmentation de plus de 40 %.
C'est bien entendu à dessein que je n'ai pas pris l'exemple d'un couple percevant des revenus salariaux élevés. Ce qu'il faut essentiellement retenir, monsieur le rapporteur général, c'est que votre suggestion ne paraît guère favorable aux plus modestes.
J'en viens au deuxième point : le rattachement des enfants mariés ou célibataires chargés de famille âgés de moins de vingt et un ans, ou de moins de vingt-cinq ans s'ils poursuivent des études, prend la forme d'un abattement qui est aujourd'hui de 20 480 francs par personne rattachée pour l'imposition des revenus de 1999, de telle sorte que l'avantage maximal en impôt n'excède pas, pour les contribuables imposés au taux marginal le plus élevé, celui qui résulte du quotient familial, soit 11 060 francs.
Votre proposition tendant à accorder un abattement de 24 000 francs pour tout enfant majeur rattaché au foyer d'un contribuable aurait pour effet d'accorder un avantage en impôt plus important aux personnes qui rattachent un enfant majeur qu'à ceux qui ont la charge d'un enfant mineur. En effet, aux termes de cette proposition, l'avantage maximal en impôt - calculé en fonction du taux marginal le plus élevé, soit 54 % - s'élèverait à 12 960 francs, alors que celui qui résulte du plafond du quotient familial, qui s'appliquait en tout état de cause aux enfants mineurs, est limité pour 1999 au plafond de 11 060 francs. Il y a là, me semble-t-il, un problème de conception, à moins que vous ne cherchiez à avantager les enfants majeurs par rapport aux enfants mineurs.
Sur le troisième point, le plafond du quotient familial a été fixé l'an dernier à 11 000 francs. Cette mesure, décidée après concertation avec les associations familiales, est la contrepartie du rétablissement de l'universalité des allocations familiales. Elle permet d'introduire une progressivité de l'effort de solidarité en fonction du revenu et de préserver la situation de toutes les familles disposant de revenus modestes.
Ainsi, s'agissant des couples mariés avec un enfant, seules les familles percevant plus de 36 485 francs de revenu déclaré par mois, sont concernées par le plafonnement du quotient familial.
Par ailleurs, la situation des foyers monoparentaux a été préservée par le Gouvernement puisque le plafond de la majoration du quotient familial afférent au premier enfant à charge de ces contribuables n'est pas modifié.
J'ajoute que votre proposition aurait pour effet de compliquer, s'il en était besoin, le mécanisme du quotient familial, qui comporte déjà quatre plafonds différents.
En outre, votre amendement avantagerait de façon anormale les personnes qui vivent en union libre et qui ont à leur charge un enfant chacun par rapport aux couples soumis à une imposition commune.
Sur le dernier point, enfin, la déduction prévue au 2° ter du II de l'article 156 du code général des impôts vise à encourager les contribuables à accueillir à leur domicile des personnes âgées et démunies de ressources en l'absence d'obligation alimentaire entre ces personnes. De plus, les avantages en nature consentis par les foyers d'accueil constituent des libéralités et, à ce titre, ne sont pas imposables pour leurs bénéficiaires ; cela a d'ailleurs été confirmé par la Cour de cassation.
Compte tenu de son caractère extrêmement favorable, cette mesure doit conserver son champ d'application strictement limité aux personnes les plus âgées ne disposant pas de moyens financiers importants.
Pour ces différentes raisons - et je pense avoir opposé sur chacune de vos propositions, des objections dirimantes - je vous demande, monsieur le rapporteur général, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne suis pas convaincu, monsieur le secrétaire d'Etat, par l'ensemble de cette démonstration.
M. Michel Moreigne. Elle est pourtant mathématique !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, pas tant que cela !
Sur l'intérêt respectif du système de l'abattement et du système de la pension alimentaire, il faut se souvenir que ce dernier est plus difficile à gérer pour les contribuables. En effet, il leur impose de fournir des justificatifs aux services fiscaux. Le choix de l'abattement correspond donc surtout à un souci de simplicité.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est important ! Et cela va aussi dans le sens de la transparence !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien sûr ! Mais peut-être existe-t-il des situations où le contribuable serait susceptible de choisir l'une ou l'autre voie.
Je voudrais me réserver la possibilité, d'ici à la seconde lecture, d'améliorer éventuellement la rédaction de l'amendement sur ce point.
S'agissant de la hiérarchisation des avantages, il est vrai qu'un jeune adulte à la recherche d'un emploi coûte plus cher à ses parents qu'un enfant d'âge scolaire : je crois que chacun peut en faire l'expérience. Je ne vois aucun inconvénient, bien au contraire, à ce que, en ce domaine, les avantages soient ajustés à la réalité des coûts, dans un état donné de la société.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous l'avez montré par votre intervention très détaillée, il s'agit de sujets complexes. La commission maintient son amendement en se réservant de l'améliorer sur des points techniques, soit en vue d'un accord en commission mixte paritaire - il n'est pas interdit d'espérer ! - soit en vue d'une nouvelle lecture.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-3.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. J'approuve l'amendement de la commission, et le raisonnement de M. le rapporteur général sur ce que, en langage technique, on appelle l'« échelle d'Oxford », c'est-à-dire le fait qu'un enfant majeur coûte plus cher qu'un enfant mineur, me paraît tout à fait pertinent.
Mais je veux surtout réagir à un propos de M. le secrétaire d'Etat concernant la fiscalité d'un couple en union libre ayant des enfants. Je crois me souvenir que, du fait du vote d'un amendement de M. de Courson, amendement dont j'étais d'ailleurs cosignataire, il n'y plus à cet égard de différence selon que le couple vit en union libre ou se trouve dans une autre situation. Je n'ai pas du tout compris, sur ce point, le raisonnement de M. le secrétaire d'Etat et je ne voudrais pas que cette interprétation fît en quelque sorte jurisprudence.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 2 bis .

Article 2 bis



M. le président.
« Art. 2 bis. _ I. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 80 duodecies ainsi rédigé :
« Art. 80 duodecies . _ 1. Sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81, constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan social au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du code du travail, des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du même code ainsi que de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel et interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.
« La fraction des indemnités de licenciement exonérée en application du premier alinéa ne peut être inférieure ni à 50 % de leur montant ni à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de la moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune fixé à l'article 885 U.
« 2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis au deuxième alinéa du 1 est imposable. »
« II. _ A la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail, les mots : "fiscal et" sont supprimés. »
Par amendement n° I-4, M. Marini, au nom de la commission, propose :
A. - A la fin du second alinéa du 1 du texte présenté par le I de cet article pour l'article 80 duodecies du code général des impôts, de supprimer les mots : « , dans la limite de la moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune fixé à l'article 885 U ».
B. - De compléter ce même article par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - Les dispositions du I et du II s'appliquent pour les indemnités versées à compter du 21 octobre 1999. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous abordons, avec cet amendement, un sujet qui a été très médiatisé lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale. Il s'agit du statut fiscal des indemnités de licenciement, qui détermine lui-même le traitement de ces indemnités au regard des charges sociales.
Adopté, vous le savez, dans le feu de l'actualité et alors que les esprits étaient échauffés par le débat sur les stock-options...
M. Emmanuel Hamel. Parlez français !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... les options de souscription ou d'achat d'actions, mon cher collègue,...
M. Jacques Oudin. C'est mieux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais c'est un peu plus long ! Pardonnez-moi d'être parfois paresseux ! (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Mais c'est français !
M. le président. Monsieur Hamel, laissez s'exprimer M. le rapporteur général ou demandez-lui l'autorisation de l'interrompre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bref, l'article 2 bis a été inséré dans le projet de loi de finances à la suite de l'adoption, dans un contexte dont chacun se souvient, d'un amendement présenté par le député François Hollande et visant à déterminer les seuils à partir desquels les indemnités de licenciement ou de cessation de mandat social doivent être fiscalisées.
Je rappellerai simplement qu'il s'agissait d'un amendement en quelque sorte transactionnel puisqu'il a permis le retrait d'un amendement du président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Bonrepaux, lequel amendement était susceptible de faire dispararaître de facto l'essentiel de ces options de souscription ou d'achat d'actions.
Certains membres de la commission des finances ont d'abord été tentés de supprimer purement et simplement une disposition ad hominem rédigée dans l'urgence. Toutefois, la commission a examiné le problème sur le fond. Si elle a estimé que cet article avait du « mauvais », elle a également constaté qu'il avait du « bon » et, selon une pratique qui lui est habituelle, elle a voulu éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain.
En effet, le dispositif de l'article 2 bis présente l'avantage de fixer dans la loi le régime fiscal des indemnités de rupture de contrat. Ce régime fiscal était jusqu'à présent laissé à l'appréciation de l'administration, sous le contrôle du juge de l'impôt. Ainsi, cette disposition permet d'éviter les désagréments liés aux fluctuations de la doctrine et elle est susceptible d'améliorer la sécurité juridique des citoyens contribuables.
En particulier, l'article 2 bis valide législativement la pratique actuelle de l'administration, qui considère, sur le fondement de la jurisprudence des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel et du Conseil d'Etat, qu'à concurrence de leur fraction conventionnelle ou, à défaut, de leur fraction légale, les indemnités ne doivent pas être soumises à l'impôt sur le revenu. Une jurisprudence de même inspiration a été fixée par la Cour de cassation s'agissant des charges sociales correspondantes.
L'article 2 bis va même plus loin puisqu'il prévoit que les indemnités doivent demeurer exonérées à concurrence soit de l'équivalent de deux années de revenu brut, soit de la moitié de leur montant. Ces seuils d'exonération sont supérieurs à ce que le Conseil d'Etat a accordé jusqu'ici.
De surcroît, le caractère proportionnel des seuils retenus permet de maintenit un lien entre le montant fiscalisable des indemnités et la situation personnelle de chaque salarié ou mandataire.
Toutefois, l'article 2 bis présente, ainsi que je l'ai déjà laissé entendre, un défaut majeur. Il dispose en effet que toutes les indemnités qui excèdent un montant en valeur absolue, fixé à 2,35 millions de francs, doivent être fiscalisées, même si leur montant est inférieur aux seuils proportionnels que je viens de mentionner. En d'autres termes, au-delà de 2,35 millions de francs, il y a présomption selon laquelle les sommes distribuées sont purement et simplement représentatives de perte de rémunération et ont donc, par extension, le caractère de rémunération fiscalisable, devant par ailleurs supporter, en tant que telle, les charges sociales correspondantes.
La commission des finances a estimé que la fixation d'un seuil d'imposition en valeur absolue, quel qu'en soit le montant, portait gravement atteinte au principe selon lequel des indemnités qui ont le caractère de dommages et intérêts ne sauraient être soumises à l'impôt sur le revenu.
Selon les jurisprudences en vigueur, tant administrative que judiciaire, il y a, dans les indemnités de licenciement, une part représentative de perte de rémunération et une part visant à réparer un préjudice global. Or la réparation d'un préjudice global a bien la nature de dommages et intérêts et ces derniers ne sauraient être fiscalisés.
Si l'on admettait, comme le proposent les députés, qu'au-delà de ce seuil de 2,35 millions de francs toute somme versée en réparation d'un préjudice est imposable, il faudrait alors, mes chers collègues, soumettre à l'impôt sur le revenu, par exemple, les indemnités réparatrices versées aux accidentés de la route ou à un pianiste ayant perdu l'usage de ses mains. On conçoit bien qu'une telle conséquence ne puisse être admise et qu'elle soit contraire aux principes généraux du droit.
A la limite, si l'on allait dans le sens que suggèrent les députés, il faudrait examiner la situation fiscale personnelle d'une personne à qui un tribunal civil octroierait des dommages et intérêts parce qu'elle aurait été victime d'une violation contractuelle ou d'un dol.
Pour en revenir aux indemnités de licenciement, il convient de préciser que le départ de son plein gré d'un mandataire social doit s'apparenter à une cessation forcée de ses fonctions, dès lors qu'il s'agit de la résultante d'une restructuration d'entreprise. Prenons l'exemple d'un président-directeur général remercié à la suite d'une offre publique d'achat hostile sur son entreprise : manifestement, son départ résulte non pas d'un choix, mais bien d'une cessation forcée de ses fonctions.
On vient de remarquer que, du fait de l'accélération des restructurations d'entreprises, de telles situations se renouvellaient fréquemment. Il ne saurait être question de créer des obstacles fiscaux artificiels et générateurs d'inéquités en fonction d'une situation individuelle sans doute choquante, celle du président d'Elf Aquitaine. Si je ne m'abuse, celui-ci ne devrait pas forcément être touché par la mesure telle qu'elle a été calibrée à l'Assemblée nationale.
Pour toutes ces raisons, la commission propose, par l'amendement n° I-4, la suppression du seuil de 2,35 millions de francs. Par suite, les indemnités versées aux dirigeants ou mandataires sociaux d'une entreprise seront soumises au même régime fiscal que celles qui sont octroyées aux salariés : elles seront imposées au-delà de deux années de salaire brut ou à concurrence de la moitié de la somme perçue.
En outre, cet amendement prévoit de supprimer la rétroactivité fiscale, qui nous semble inadmissible, c'est-à-dire l'application de la mesure dès le 1er janvier 1999. Il nous paraît bien suffisant que ce dispositif prenne effet à sa date d'annonce, c'est-à-dire à la date de la présentation de l'amendement en séance publique à l'Assemblée nationale, le 21 octobre 1999.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je rappellerai tout d'abord le principe : les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu le sont à raison de l'ensemble des revenus qu'ils perçoivent, quelle que soit la nature de ceux-ci.
A ce principe général du droit, le Gouvernement a entendu apporter une atténuation par l'article 2 bis - il est issu, d'ailleurs, d'un amendement parlementaire adopté avec l'avis très favorable du Gouvernement - qui clarifie le régime fiscal des indemnités de rupture du contrat de travail ou de rupture du mandat social perçues, en effet, vous venez de le rappeler, monsieur le rapporteur général, à compter du 1er janvier 1999.
Le principe général étant posé, par exception, peuvent être exonérées les indemnités de licenciement pour leur montant légal ou conventionnel et, le cas échéant, si les indemnités sont supérieures à ce montant, dans la limite globale la plus élevée, de 50 % de leur montant ou de deux fois la rémunération annuelle brute du bénéficiaire. Le montant exonéré ne peut toutefois excéder la moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune, soit 2,35 millions de francs pour les indemnités perçues au cours de l'année 1999.
Les indemnités allouées aux mandataires sociaux à l'occasion de la cessation forcée de leurs fonctions sont exonérées dans les mêmes limites que celles qui ont été indiquées ci-dessus.
La mesure que vous proposez, monsieur le rapporteur général, tend à aller plus loin que l'article 2 bis : vous voulez garantir aux contribuables de bonne foi, c'est-à-dire la majorité de nos concitoyens, nous en sommes certains, la sécurité juridique à laquelle ils peuvent légitimement prétendre. L'imprévisibilité actuelle du régime définitif au regard de l'impôt sur le revenu des indemnités perçues, qui repose sur l'appréciation subjective d'une situation de fait, est effectivement la cause d'une grande insécurité juridique, à la fois pour les contribuables et pour les services fiscaux, et la source de nombreux contentieux, très complexes, qui ne cessent d'encombrer les tribunaux.
Vous proposez, par ailleurs, de mettre fin à certains abus qui sont facilités par l'incertitude actuelle de la norme juridique. C'est ainsi que des indemnités d'un montant très élevé - vous avez fait référence à un cas particulier qui le confirme - versées, notamment, à des cadres dirigeants ou à des mandataires sociaux d'entreprise, en application soit du contrat de travail, soit du mandat social - c'est ce qu'on appelle, veuillez m'excuser, monsieur Hamel, les golden parachutes -...
M. Emmanuel Hamel. Dites-le en français : les parachutes dorés !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... soit d'une transaction, peuvent échapper à l'impôt, parce que les services fiscaux ne disposent pas d'informations de recoupement.
Or votre amendement, qui permettra que des indemnités d'un montant supérieur à 2,35 millions de francs continuent d'être exonérées de l'impôt sur le revenu au titre de dommages et intérêts, va à l'encontre, c'est une évidence, de ces deux objectifs.
S'agissant de la date d'entrée en vigueur du dispositif, c'est à la suite d'une demande expresse de l'Assemblée nationale qu'il a été décidé d'appliquer ces nouvelles règles à l'ensemble des indemnités reçues au cours de l'année 1999. Votre amendement, plus restrictif, limiterait la recette fiscale de l'Etat en la matière.
Le Gouvernement n'a pas souhaité - il ne le souhaite toujours pas - s'opposer au voeu de sa majorité, celle qui le soutient à l'Assemblée nationale. Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement.
J'interviendrai dans quelques instants sur un dispositif proche du vôtre, monsieur le rapporteur général, mais qui ne présente pas les mêmes inconvénients aux yeux du Gouvernement : il s'agit de l'amendement n° I-288 rectifié présenté par M. Baylet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-4.
M. Marc Massion. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Cet article 2 bis, introduit à l'Assemblée nationale, permet d'apporter une clarification au régime fiscal des indemnités de rupture de contrat de travail ou de mandat social.
Actuellement, le régime fiscal des indemnités de rupture du contrat de travail versées aux salariés est fixé essentiellement par la jurisprudence et la doctrine administrative. Il en est de même pour les indemnités versées aux dirigeants en cas de rupture du contrat social. Ces indemnités constituent un complément de rémunération imposable, à moins qu'elles n'aient pour objet de réparer un préjudice exceptionnel autre que la perte de salaires.
Le dispositif proposé par cet article reprend les principes doctrinaux et jurisprudentiels et permet ainsi d'énoncer clairement que les indemnités correspondant aux conventions collectives ou les indemnités de départ ou de licenciement sont exonérées de l'impôt sur le revenu.
Le second apport de cet article résulte dans le traitement des indemnités de licenciement ou des indemnités versées à des dirigeants lors de la cessation forcée de leurs fonctions lorsque celles-ci dépassent l'indemnité conventionnelle ou légale. Ce surplus serait alors exonéré jusqu'à concurrence au maximum de 50 % du montant de l'indemnité ou de 50 % de la limite de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune, soit 2 350 000 francs.
Ce plafond n'est pas accepté par M. le rapporteur général. On se trouve pourtant loin des situations habituelles. Les sommes accordées sont même, dans certains cas, vertigineuses et font alors clairement partie de dispositifs confinant à l'abus. Il n'y a aucune raison qu'au-delà de ce montant déjà très élevé de 2 350 000 francs il y ait une exonération de l'impôt sur le revenu. D'autant que, dans ces cas précis, la personne concernée est rarement en difficulté pour retrouver un emploi. Comment expliquer à un salarié modeste qui paie l'impôt sur le revenu sur son salaire que M. X, qui quitte une entreprise pour un autre poste dans une autre entreprise, ne paiera rien sur les millions qu'il touche en indemnité de départ ?
Il nous faut donc corriger ces excès en ne prévoyant pas d'exonération de l'impôt sur le revenu au-delà de ce montant de 2 350 000 francs. J'ajoute que le fait de déclarer ces sommes permettra également l'introduction d'un peu de transparence dans ces indemnités.
C'est donc avec détermination que le groupe socialiste votera contre cet amendement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je dois dire que, depuis ce matin, M. le secrétaire d'Etat nous donne l'occasion d'avoir un débat serein...
M. Michel Charasse. Et de qualité !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... sur la fiscalité et sur son rôle dans notre société. Afin de ne pas alourdir la discussion, j'ai attendu que l'occasion se présente pour apporter une contribution supplémentaire aux grands principes qu'il a édictés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est un principe auquel je crois profondément et que vous n'avez pas évoqué : l'impôt est un instrument de rendement et, chaque fois que l'on veut lui faire jouer un autre rôle, on risque de commettre des imprudences, des excès, et de causer des dommages auxquels on n'a pas songé.
Ce matin, vous avez donné l'impression - je serai bref, car nous sommes maintenant loin du sujet - que, finalement, l'impôt pouvait, sous une forme ou sous une autre, j'allais dire convoquer la croissance. Je suis beaucoup plus réservé que vous ! Je vous souhaite, je souhaite à la France que la croissance se poursuive le plus longtemps possible. Toutefois, si, brusquement, elle devenait plus fragile, vous iriez bien vite en chercher les raisons à l'extérieur ; vous ne diriez pas que c'est à cause des mesures géniales que vous nous proposez qu'elle n'est plus au rendez-vous !
Par ailleurs, l'impôt n'a pas pour objet de donner des leçons de morale ! Il s'agit là d'un exemple où, sous la tyrannie des médias, on légifère à partir de cas particuliers dont on ne connaît pas l'ampleur. Personnellement, je ne connais pas l'ampleur des cas particuliers auxquels on a fait allusion. J'ai du reste le sentiment que, quels que soient les efforts accomplis par le Gouvernement, par l'Assemblée nationale et par le Sénat, de toute manière, cette mesure représentera un coût pour l'entreprise, mais pas pour les personnes concernées par ce type de situation. (M. le rapporteur général fait un signe d'approbation.)
Nous pouvons donc prendre toutes les mesures que nous voudrons : de toute façon, les leçons de morale de ce genre n'auront aucun effet !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Et les actionnaires ?
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. En effet, mais cela peut être des Français modestes, qui ont épargné,...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... et je ne crois pas qu'ils méritent d'être sanctionnés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous poursuivez dans une voie que tous vos prédécesseurs ont emprunté à tort, me semble-t-il : vous voulez, comme chaque fois, légiférer à partir de cas particuliers.
Tout à l'heure, parlant des contribuables de bonne foi, vous avez ajouté qu'il s'agissait de la majorité de nos concitoyens. Mais nous ne traitons dans la loi que de ceux-là. Ceux qui ne sont pas de bonne foi sont, je l'espère, sanctionnés, et il existe dans notre législation des règles et des sanctions précises - hélas, on ne les utilise pas assez souvent - notamment l'abus de droit. Au reste, nous avons à plusieurs reprises évoqué cette question.
Il s'agit pour vous de mettre fin à certains abus grâce à des recoupements auxquels l'administration pourrait procéder. Or les moyens qui sont mis à la disposition de l'administration française pour procéder à ces contrôles sont tout de même d'un bon niveau et, sauf à vouloir vraiment que la totalité des informations concernant les personnes dans ce pays soit portée à la connaissance de l'administration fiscale, sauf à le vouloir vraiment, nous ne pouvons pas en faire davantage.
Un aspect du débat qui vient de s'instaurer m'a frappé - d'ailleurs M. le rapporteur général l'a souligné. Il me paraît, en effet, capital que nous nous en tenions à un principe d'égalité entre les victimes de préjudices, quels qu'ils soient.
Ne tombons pas dans la démagogie, en tout cas pas dans cette maison. Il ne faut pas que ce soit le journal télévisé de vingt heures ni les journaux du soir ou du matin qui nous dictent notre ordre du jour ou notre ligne de conduite. Faisons en conscience ce que nous croyons devoir faire pour le bien du pays. Or je ne crois pas, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il soit juste de commencer à discriminer les catégories de préjudices et à élaborer des régimes fiscaux séparés selon une typologie des dommages que pourraient subir certaines victimes. Ce n'est pas réalisable.
Ce que l'on peut reprocher à ce dispositif, issu d'une initiative parlementaire mais soutenu, et peut-être sollicité par le Gouvernement, c'est précisément de nous faire entrer dans la considération de cas si particuliers que nous encombrons inutilement notre dispositif normatif. Vous avez appelé ce matin à la lisibilité et à la simplicité, monsieur le secrétaire d'Etat, or nous n'y contribuons pas.
Personnellement, j'invite instamment le Sénat à suivre la voie que nous propose M. le rapporteur général, car c'est celle de la sagesse et de la sérénité, celle qui nous garantit contre les pressions de toute nature que nous subissons les uns et les autres, une voie sur laquelle nous sommes appelés à élaborer une législation fiscale juste et équitable et qui offre à l'Etat un rendement suffisant pour qu'il puisse mener son action - vous n'êtes pas mal servi à cet égard pour l'instant, monsieur le secrétaire d'Etat ! - une voie libre de dispositions qui, à terme, engendreraient inégalités et inefficacité. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je voudrais répondre brièvement à M. le président de la commission des finances.
Que l'on ne se méprenne pas : nous voulons non seulement assurer la rigueur et la justice du système fiscal, notamment en ce qui concerne l'emploi des indemnités de rupture du contrat de travail ou du mandat social, mais aussi, comme je crois l'avoir déjà dit ce matin au début de notre débat, manifester le souci constant du Gouvernement de dynamiser l'économie, de favoriser la création d'activités et d'entreprises et d'induire par l'innovation, à un rythme beaucoup plus soutenu que celui que notre économie a connu jusqu'à présent, de la croissance pour la mettre au service de l'emploi.
Je suis donc personnellement très sensible aux idées qui sous-tendent l'amendement de M. Marini ainsi que celui de M. Baylet : quoi de plus intelligent, en effet, que de prévoir, sous certaines conditions - et là est, en vérité, le débat - le réemploi des indemnités de licenciement ou de rupture du mandat social au profit de la création d'entreprise, au profit de la création de richesses, au profit de la création de valeurs, donc au profit de l'emploi ? Le Gouvernement s'inscrit totalement dans cette orientation. Toutes les dispositions législatives qu'il a proposées jusqu'à présent, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, vont dans ce sens.
Cependant, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, la question se pose de savoir où l'on place le curseur pour ce qui est des conditions que l'on doit imposer afin que cette disposition soit à la fois suffisamment dynamique, économiquement efficace et socialement juste. C'est là que le Gouvernement se sépare de la majorité du Sénat : nous ne sommes pas d'accord sur cette limite.
Certes, nous convergeons sur l'objectif de dynamisation économique, de prise de risques, de création d'entreprises, bref sur tout ce qui fait la chair et le sang d'une croissance vive et forte de l'économie française, mais nous ne pouvons pas vous rejoindre sur les limites sociales que vous voulez, au fond, faire disparaître, ce qui, de notre point de vue, serait source d'injustices et aboutirait à rompre l'équilibre du système de sorte que la bonne idée de départ ne pourrait être poursuivie jusqu'à son terme dans un contexte de justice tout à la fois sociale et fiscale. C'est tout ce qui nous sépare ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je pourrais m'en tenir aux explications, excellentes, de mon ami Marc Massion et de M. le secrétaire d'Etat, mais je voudrais faire deux observations complémentaires pour justifier mon vote hostile à l'amendement qui nous est présenté, malgré le talent du rapporteur général et du président de la commission des finances.
Je pense que la suppression du plafond global, que prévoit l'amendement de M. Marini, est contraire à la fois au principe d'égalité et à l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comment, comment ?
M. Michel Charasse. La suppression de ce plafond est contraire au principe d'égalité puisque, pour la première fois dans notre droit, on prévoit en matière fiscale, mais pas dans les autres matières, la compensation intégrale du préjudice. Or, cela n'existe nulle part ailleurs. (M. le rapporteur général s'étonne.) Monsieur le rapporteur général, lorsque la justice a fixé des barèmes pour le pretium doloris, elle a fixé des barèmes de façon totalement arbitraire. Certains peuvent estimer qu'ils sont très bas, mais il n'y a jamais véritable réparation du préjudice. Tous ceux qui ont eu à affronter, à un moment ou à un autre, la justice savent bien que, quel que soit l'effort qui est fait, le préjudice n'est jamais réparé. Or là, on veut qu'il soit réparé totalement. C'est la première rupture du principe d'égalité.
La seconde rupture, monsieur le rapporteur général, est liée à l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, article qui prévoit que la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».
J'ai le sentiment qu'en supprimant tout plafond (M. le rapporteur général s'exclame), ou plutôt tout plafond global, - il en reste un, et c'est ce à quoi vous devez penser à l'instant - vous allez au-delà. Selon moi, compte tenu de la jurisprudence, toujours sévère, du Conseil constitutionnel en ce qui concerne l'application des principes, notamment de la déclaration de 1789, en matière fiscale, cette disposition, si elle devait prospérer, n'aurait aucune chance de passer rue Montpensier.
Donc, j'appelle votre attention sur ces deux points : pourquoi faudrait-il que le préjudice soit intégralement réparé uniquement en matière fiscale, et pas ailleurs ? Pourquoi faudrait-il que l'expression « en raison de leurs facultés » ne s'applique pas aux indemnités de licenciement ?
J'attends qu'on me donne la réponse.
En tout cas, je ne voterai pas cet amendement n° I-4.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Plusieurs points de l'intervention de M. Charasse nécessitent réponse.
Autant j'était presque fasciné au début de la séance, mon cher collègue, par votre rappel au règlement - je souscris, vous le savez, tout à la fois à son style et à son contenu -...
M. Michel Charasse. Merci, mais le sujet n'est pas le même !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... autant je suis perplexe et je m'interroge sur les propos que vous venez de tenir, et ce pour un certain nombre de raisons.
D'abord, nous ne proposons par l'indemnisation sans limite. Nous prévoyons même une double limite,...
M. Michel Charasse. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... à savoir soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié, soit 50 % de l'indemnité de licenciement, le plus élevé de ces deux termes étant retenu. Il y a bien deux limites qui sont à apprécier non pas ne varietur, mais en fonction de la réalité du préjudice subi. Car ne croyez pas, mes chers collègues, que ces sommes soient fixées de manière arbitraire. S'il y a indemnité, c'est bien parce qu'il y a préjudice,...
M. Michel Charasse. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et s'il y a indemnité élevée, c'est bien parce qu'il y a un préjudice élevé !
Le reproche que je fais personnellement au dispositif du Gouvernement et de l'Assemblée nationale, c'est qu'il pénalise d'autant plus que le préjudice est lourd, puisque, selon ce dispositif, on serait d'autant plus pénalisé fiscalement que l'indemnité serait plus élevée. Or comment voulez-vous qu'une indemnité soit fixée à un niveau élevé si le préjudice n'est pas lui-même d'une très grande gravité ?
Puisque vous invoquez le gouvernement des juges, ou plutôt, en d'autres termes, le pouvoir considérable qu'il appartient au Conseil constitutionnel d'exercer, je voudrais, me situant sur ce terrain, demander, à la suite de M. le président de la commission des finances, ce qui justifie que, par rapport à d'autes bénéficiaires d'indemnités réparatrices, ceux-là soient moins bien traités ? Au nom de quoi considérera-t-on que le fait d'avoir été privé de son emploi ou de sa réputation professionnelle soit moins grave que le fait d'avoir été victime d'un préjudice d'une autre nature corrigé par des dommages et intérêts ou par une indemnité assurantielle ?
N'y a-t-il pas, dans notre droit, un principe d'égalité des personnes se trouvant objectivement dans la même situation ?
Si l'on évoque ces sujets avec le souci de trouver une solution juste...
M. Michel Charasse. Le sida, c'est 2 millions de francs ! Et c'est plus grave que ce qui vient d'arriver à tel ou tel P-DG !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... c'est bien parce que, dans notre droit, et c'est un principe général, les dommages et intérêts ne sont pas assimilables à des revenus.
Vous nous parlez de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et de la contribution commune qui doit être répartie à proportion des facultés. Vous ne sauriez ignorer - je ne vous ferai pas cette injure - que les indemnités dont il s'agit sont, en tout état de cause, intégralement fiscalisées au titre de la fiscalité du patrimoine. Sauf à ce que cet argent disparaisse instantanément, ce qui est difficile, il se retrouvera dans la déclaration patrimoniale de fin d'année et sera imposé selon le barème de l'impôt de solidarité sur la fortune. Il est donc faux de prétendre que ces sommes sont exemptes d'imposition.
M. Michel Charasse. Pas à un tarif très élevé !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais des dommages et intérêts, qui sont des créances réparatrices d'un préjudice, sont des éléments constitutifs d'un patrimoine et non d'un revenu.
Sur ce sujet, la Haute Assemblée est maintenant éclairée comme elle doit l'être. Différentes pistes peuvent être explorées. Nous y reviendrons. Mais, véritablement, l'amendement de la commission, qui vise à supprimer le seuil de 2,35 millions de francs, se situe, je le crois sincèrement et je le dis avec conviction, dans le cadre de nos principes généraux du droit.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-288 rectifié bis, MM. Baylet, Collin et Bimbenet proposent de compléter le texte présenté par le I de l'article 2 bis pour l'article 80 duodecies du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« 3. Toutefois, la fraction des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou à l'occasion de la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter qui excède les montants définis au deuxième alinéa du I est exonérée à hauteur du montant investi, dans les six mois qui suivent la rupture du contrat de travail ou la cessation forcée des fonctions, dans la souscription en numéraire au capital d'une société dont les titres, à la date de la souscription, ne sont pas admis à la négociation sur un marché réglementé. La société bénéficiaire de l'apport doit satisfaire aux conditions mentionnées au 3 de l'article 92 B decies. Les souscriptions donnant lieu à l'exonération prévue au présent alinéa n'ouvrent pas droit aux déductions prévues au 2° quater de l'article 83, aux articles 83 bis, 83 ter et 163 septdecies ou aux réductions d'impôt prévues aux articles 199 undecies, 199 terdecies -O A et 199 terdecies A. »
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le secrétaire d'Etat, répondant à M. le rapporteur général sur l'amendement précédent, vous avez fait référence par avance à cet amendement-ci. J'ai cru comprendre, à cette occasion, que vous n'y étiez pas hostile.
De quoi s'agit-il ?
Cet amendement vise à exonérer d'impôt les indemnités versées aux salariés en cas de rupture de leur contrat de travail ou aux mandataires et dirigeants d'entreprises en cas de cessation forcée de leurs fonctions, dès lors que ces indemnités sont investies dans des sociétés non cotées de moins de quinze ans, dans les six mois qui suivent le licenciement ou le départ forcé.
Cette exonération ne serait pas cumulable avec la possibilité de déduire les intérêts des emprunts contractés en vue d'acquérir les titres ou avec la réduction d'impôt résultant de la loi « Madelin ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette analyse étant fort pertinente, la commission a émis un avis favorable sur la suggestion de nos collègues. Cela permettrait d'encourager des placements dans de jeunes sociétés innovantes, ce qui serait favorable au dynamisme de l'économie et à la création d'entreprises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. M. Collin vient de défendre l'amendement que M. Baylet et lui-même ont cosigné, montrant par là même, si besoin était, l'apport décisif aux travaux de la majorité plurielle du Mouvement des radicaux du gauche sur un point essentiel.
Nous débattons en effet d'une disposition très dynamique, qui va plaire à l'opinion publique puisqu'il s'agit à la fois de la prise en compte de la situation personnelle des salariés mais aussi des mandataires sociaux lorsqu'ils sont privés de leur emploi. Vous y ajoutez des conditions. Il faut une cessation forcée de leurs fonctions. Vous introduisez l'idée d'une mobilisation des sommes indemnitaires allouées aux salariés ou aux mandataires sociaux pour que celles-ci soient réemployées dans les six mois afin, et c'est un bon objectif, de financer ce que l'on appelle des start up - je prie M. Hamel de me pardonner ! - c'est-à-dire les jeunes entreprises innovantes en création.
Le Gouvernement comprend cette démarche. Vous maintenez par ailleurs - et cette différence avec l'amendement défendu par M. le rapporteur général est de taille car elle est un signal d'orientation politique claire - la limite maximale de 2,35 millions de francs par référence à la moitié de la première tranche de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Tout en étant personnellement favorable à une disposition de ce type, qui constitue un véritable signal politique par rapport à la nécessité d'une plus grande implication de nombre de nos salariés et des mandataires sociaux dans la création d'entreprises et la prise de risque, je souhaite que l'on étudie bien la rédaction d'une telle disposition, que l'on prenne en compte la volonté politique qu'elle exprime et que l'on puisse, peut-être, s'en remettre au dialogue fructueux qui va avoir lieu entre l'Assemblée nationale et le Sénat à l'occasion de la commission mixte paritaire,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... dont le succès est annoncé ! (Sourires.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... dont le succès ne fait pas de doute. (Nouveaux sourires.)
M. Jean Chérioux. Dialogue restreint !
M. Michel Charasse. Il faut croire au bicamérisme !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ainsi, au vu de ce que pourra apporter la majorité plurielle à l'Assemblée nationale, l'apport de la majorité plurielle au Sénat, qui est ici pour l'instant minoritaire, pourra être pleinement valorisé.
Je propose donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer, étant entendu que le message est compris par le Gouvernement, qu'il sera porté avec fidélité et dynamisme dans le débat que le Gouvernement entretient avec sa majorité plurielle de manière à étudier des conditions de rédaction concrètes et précises qui permettront, je l'espère personnellement, de donner satisfaction à MM. Collin et Baylet.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-288 rectifié bis, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2 bis, modifié.

(L'article 2 bis est adopté.)

Articles additionnels après l'article 2 bis



M. le président.
Par amendement n° I-231, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa du e du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, le taux : "14 %" est remplacé par le taux : "25 %".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement est favorable aux propriétaires bailleurs dont les revenus tirés d'une location sont les plus taxés. La charge fiscale est lourde par rapport aux risques pris par le propriétaire bailleur. Il convient donc d'augmenter le taux de l'abattement auquel le propriétaire a droit au titre des frais de gestion, qui est insuffisant au regard des frais réels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous abordons le domaine des revenus fonciers.
Cet amendement a pour objet de relever de 14 % à 25 % la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers. Le cas échéant, il serait utile de reprendre cette disposition lors de l'examen de la deuxième partie du présent projet de loi de finances, car il faut réexaminer l'ensemble du dispositif de la fiscalité immobilière.
Il convient de rappeler que le régime de la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers a connu de nombreuses modifications au cours des dernières années, la plus récente ayant été le relèvement à 14 % obtenu grâce au Sénat et, si mes souvenirs sont exacts, sur la proposition de M. Alain Lambert, alors rapporteur général.
L'amendement proposé part d'une bonne analyse. Toutefois, des considérations de solde budgétaire nous conduisent à souhaiter que ce point soit réexaminé au titre de la deuxième partie, car le coût est substantiel et ne peut sans doute pas être pris en compte par redéploiement au sein des éléments de recettes et de dépenses qui concourent au solde de l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'aurais certainement développé avec moins de talent ce que vient de présenter excellemment M. le rapporteur général. Je me range à son avis. Le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement et, si tel n'est pas le cas, son rejet.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement n° I-231 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Je suis très sensible aux arguments présentés par M. le rapporteur général. Je retire donc cet amendement, que je représenterai lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances.
M. le président. L'amendement n° I-231 est retiré.
Par amendement n° I-232, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le paragraphe II de l'article 199 terdecies OA du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les versements réalisés à compter du 1er janvier 2000, les limites mentionnées au premier alinéa sont portées respectivement à 75 000 francs et à 150 000 francs. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement a pour objet d'inciter à l'investissement dans les petites et moyennes entreprises en doublant les plafonds de la réduction d'impôt au titre des souscriptions au capital de ces entreprises. Le doublement de ces plafonds, qui seraient portés à 75 000 francs et à 150 000 francs, est très important non pas en valeur absolue mais pour les entreprises concernées.
Cette réduction d'impôt est portée à un niveau identique à celle qui est consentie pour les souscriptions aux parts de fonds communs de placement dans l'innovation, les FCPI.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est excellent. Il rejoint les travaux que nous avons menés ensemble au sein de la commission des finances au cours de ces derniers mois, et notamment l'une des propositions qui avait été faite lorsque nous examinions le projet de loi sur l'innovation et la recherche. La commission émet bien sûr un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Là encore, nous sommes devant une disposition dont l'objectif est juste : favoriser l'épargne en direction des petites et moyennes entreprises.
Depuis la loi de finances pour 1998, le Gouvernement a pris des dispositions très importantes dans ce domaine. Je rappelle ici : la création des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, que l'on pourrait qualifier de stock-options pour les créateurs d'entreprise ; le report d'imposition des plus-values en cas de remploi dans une société nouvelle ; la création des contrats d'assurance-vie investis en actions, dont 5 % doivent être investis dans des entreprises non cotées, les contrats « DSK ». Cet effort a été poursuivi : la réduction d'impôt pour investissement dans les PME a été prorogée, le dispositif de déduction des pertes en cas de liquidation de la société a été amélioré.
L'amendement n° I-232 vise à relever les plafonds concernant ces différentes dispositions. Cela serait d'une effcacité médiocre au regard de l'objectif que l'on cherche à atteindre car, aujourd'hui, seule une minorité de contribuables, environ 18 % des souscripteurs, font état de versements égaux ou supérieurs aux plafonds actuels de 37 500 francs et de 75 000 francs.
C'est donc, pour l'essentiel, un effet d'aubaine en faveur de quelques bénéficiaires seulement qui résulterait de votre proposition. Elle ne susciterait pas vraiment de nouvelles souscriptions.
Le dispositif actuel d'encouragement à l'investissement dans les fonds propres des petites et moyennes entreprises est à la fois incitatif et équitable. Il doit connaître un régime de croisière suffisamment stable pour faire ses preuves encore mieux qu'il ne les a faites jusqu'à présent.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. J'écoute avec beaucoup d'attention M. le secrétaire d'Etat. Chaque mot est pesé et ses propos sont importants. Or, depuis ce matin, il a choisi d'illustrer par divers exemples les moyens que le Gouvernement met en oeuvre pour soutenir la croissance. Vous avez ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, cité la baisse des droits de mutation comme un exemple de soutien à l'activité économique. C'était en effet une bonne politique. Cependant, je n'ai pas trouvé dans la réponse que vous avez donnée à M. Oudin tout à l'heure le même signal s'agissant de la déduction forfaitaire qu'il vous suggérait, alors que cette mesure allait dans la même direction.
Puis, sur ce nouvel amendement - après avoir fait preuve d'un lyrisme que j'ai admiré voilà un instant lorsque, à propos de l'amendement de notre collègue Yvon Collin, vous avez dit à quel point la chair et le sang de l'initiative économique vous préoccupaient - vous n'avez trouvé ni chair ni sang dans ce que M. Oudin vous propose.
Finalement, je ne vois, à travers vos positions sur les propositions qui vous sont faites dans ces deux derniers amendements, aucun écho de ce que vous avez annoncé tout à l'heure comme étant la grande politique du Gouvernement. Je voulais le faire remarquer avant de vous demander si, en « deuxième lecture » de l'amendement, si je puis dire, vous ne devriez pas modifier votre point de vue. Pour être franc, dans votre avis sur cet amendement, je n'ai pas vraiment senti si vous étiez franchement défavorable ou si vous souhaitiez simplement vous en tenir à une forme de sagesse quasi sénatoriale... en espérant que cette formulation ne soit pas déshonorante à vos yeux.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'aurai pu m'en remettre à la sagesse du Sénat quant au fond de cette disposition. Mais je suis résolu à demander son rejet en raison de son coût. La dépense fiscale est trop importante...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et la cagnotte ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... pour que je puisse me laisser aller à accepter, au nom du Gouvernement, ces dispositions. En effet, les unes après les autres, elles chargent, comme le faisait remarquer in petto tout à l'heure M. Charasse, certains impôts à l'excès pour gager les différentes mesures d'allégement par ailleurs préconisées par le Sénat, ou, comme c'est le cas avec le présent amendement, elles ont un coût prohibitif par rapport à l'effet économique positif attendu.
Aussi, je réitère ma demande de rejet par le Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-232.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je pensais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous écouteriez la voix de la raison, à savoir M. le président de la commission des finances.
Vous avez avancé le dernier argument qu'invoque un ministre des finances en disant : cela va coûter trop cher. Or, cet argument est irrecevable car la disposition proposée vise à dynamiser les petites et moyennes entreprises en leur permettant d'avoir plus de fonds propres et des actionnaires plus actifs en la matière. Il s'agit de leur permettre de croître davantage. Et lorsqu'elles se développent elles paient des impôts à l'Etat. En renonçant à prendre une mesure de dynamisation des entreprises et de l'économie, vous vous privez de rentrées fiscales ultérieures. Ce n'est pas un bon raisonnement !
Bien entendu, vous allez dire : prouvez-nous que cette mesure, qui va coûter cher dans un premier temps, procurera par la suite des rentrées fiscales. J'ai fait un jour une analyse dans mon propre secteur. Nous avions voté des dégrèvements d'impôt en faveur d'entreprises qui s'installaient. Quelques conseillers m'ont alors objecté que cela coûterait cher. Or, il a été facile de leur montrer que nous allions récupérer notre mise en trois ans et que tout le reste représenterait du gain.
Par conséquent, s'il y a un investissement intéressant à faire, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est bien de prendre des mesures comme celles-ci.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-232, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2 bis.

Article 2 ter



M. le président.
« Art. 2 ter . _ I. _ L'article 200 du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Le 1 est abrogé ;
« 2° Le 2 devient le 1 et est ainsi modifié :
« a) Les mots : "la réduction d'impôt visée au 1" sont remplacés par les mots : "une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % de leur montant" ;
« b) Le taux : "1,75 %" est remplacé par le taux : "6 % " ;
« c) Après les mots : "versements effectués", sont insérés les mots : "par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B" ;
« d) Après les mots : "au profit", sont insérés les mots : "de fondations ou associations reconnues d'utilité publique," ;
« e) Après les mots : "et à des dons", sont insérés les mots : "aux associations cultuelles et de bienfaisance qui sont autorisées à recevoir des dons et legs, aux établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle et" ;
« 3° Le 2 bis devient le 3 et son dernier alinéa est supprimé ;
« 4° Le 3 devient le 2 et est ainsi modifié :
« a) Le premier alinéa est supprimé ;
« b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les fondations et associations reconnues d'utilité publique peuvent, lorsque leurs statuts ont été approuvés à ce titre par décret en Conseil d'Etat, recevoir des versements pour le compte d'oeuvres ou d'organismes mentionnés au 1. » ;
« 5° Dans la dernière phrase du premier alinéa du 4, les mots : "des limites mentionnées aux 2 et 3" sont remplacés par les mots : "de la limite mentionnée au 1" ;
« 6° Au premier alinéa du 5, la référence : ", 2 bis " est supprimée » ;
« 7° Au deuxième alinéa du 5, la référence : "2 bis " est remplacée par la référence : "3" ;
« 8° Le 6 et le 7 sont abrogés.
« II. _ Au I de l'article L. 84 A du livre des procédures fiscales, la référence : "2 bis " est remplacée par la référence : "3". »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 2 ter porte sur le régime des dons tel qu'il est aujourd'hui défini par notre législation fiscale.
Une observation initiale de la situation atteste du relatif attachement de nos compatriotes au soutien qu'ils peuvent apporter à l'action des organismes d'intérêt général ou d'utilité publique qui oeuvrent dans notre pays dans l'ensemble des domaines de la vie économique et sociale.
L'importance de cette action est particulièrement ressentie, on le sait bien, notamment dans les domaines de la recherche médicale, de la lutte contre l'exclusion sociale, de l'aide au développement du tiers monde ou encore de la protection de l'enfance.
Cet article, qui vise à simplifier le régime des dons, a été adopté par l'Assemblée nationale et a le mérite de clarifier une situation qui s'était particulièrement compliquée ces dernières années, notamment lors de la discussion d'une proposition de loi sénatoriale relative à cette question.
Pour autant, si nous nous accordons tous à reconnaître la place toute particulière des oeuvres d'intérêt général ou d'utilité publique dans la vie du pays, il nous semble utile, à ce stade du débat, de revenir sur la question du devenir du milieu associatif, milieu qui est évidemment directement concerné par les dispositions de l'article 2 ter et, par voie de conséquence, de l'article 200 du code général des impôts.
Une récente instruction fiscale a constitué une première approche du problème. Force est cependant de reconnaître que son interprétation suscite des commentaires, les directions départementales des impôts n'ayant pas toujours la même analyse des critères définis par cette instruction fiscale.
Ce présent projet de loi de finances apporte un certain nombre de précisions : relèvement du seuil d'exonération de la taxe sur les salaires, mise en oeuvre d'une franchise de taxe sur la valeur ajoutée pour les activités de nature commerciale accessoire...
Pour autant, de nombreuses questions demeurent en suspens, notamment celle de la sécurisation de l'intervention des associations au titre de la délégation de service public, qui est parfois remise en cause dans le cadre d'une interprétation discutable des règles d'attribution des marchés publics.
Il demeure à l'esprit de tous que le monde associatif constitue une réalité relativement complexe et que toutes les associations ne sont pas logées à la même enseigne.
Cependant, il importe, alors même que ce gouvernement fait du développement de la vie associative l'une des priorités de son action, et ce à un an - ou peu s'en faut - du centenaire de la loi de 1901, que des solutions acceptables soient définies.
C'est à la lumière de son expérience que, par exemple, la Fédération française des maisons des jeunes et de la culture apporte au débat une esquisse de proposition de loi relative à l'évolution en cours, dans le droit-fil des principes de la loi de 1901, principes de laïcité, de démocratie vivante et de transparence dans les choix de gestion et l'activité même des structures associatives.
Pour notre part, nous refusons d'instrumentaliser les associations pour en faire coûte que coûte des auxiliaires de la cohésion sociale. Nous pensons qu'il convient, dans le cadre de la réflexion qui s'engage aujourd'hui sur leur place, leur rôle et leur devenir, de donner un écho particulier à leurs préoccupations.
Si nous apprécions de façon positive certaines des dispositions qui sont prises dans le cadre de cette loi de finances, nous ne pensons pas qu'il faille faire l'économie de cette réflexion. La question du traitement fiscal n'est, bien entendu, qu'un des éléments du dossier.
Telles sont les quelques observations que nous souhaitions faire à l'occasion de l'examen de cet article.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-5, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit le 2° du I de l'article 2 ter :
« 2° Le 2 devient le 1, et est ainsi rédigé :
« 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 6 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, au profit :
« a) De fondations ou associations reconnues d'utilité publique ;
« b) D'oeuvres ou organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;
« c) Des établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique, publics ou privés, à but non lucratif, agréés par le ministre chargé du budget, ainsi que par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, ou par le ministre chargé de la culture ;
« d) D'organismes visés au 4 de l'article 238 bis ;
« e) D'associations cultuelles et de bienfaisance qui sont autorisées à recevoir des dons et legs, ainsi que des établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle. »
Par amendement n° I-160, MM. Joly, Othily, de Montesquiou et Bimbenet proposent :
I. - De rédiger ainsi le e du 2° du I de l'article 2 ter :
« Après les mots : "d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général", la fin du 2 est supprimée. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter ces articles par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension à tous les organismes d'intérêt général de la réduction d'impôt visée à l'article 200 du code général des impôts est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-268 M. Grignon et les membres de l'Union centriste proposent :
I. - De compléter in fine le 2° du I de ce même article par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est complété par une seconde phrase ainsi rédigée : "Le taux de réduction d'impôt est porté à 100 % pour les dons faits à des organisations humanitaires participant à la lutte contre toutes les formes d'exploitation de l'individu". »
II. - En conséquence, après le I de l'article 2 ter, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du relèvement à 100 % du taux de la réduction d'impôt mentionnée à l'article 200 du code général des impôts pour les dons faits à certaines organisations humanitaires sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-5.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement est, pour l'essentiel, rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° I-160 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-268 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-5 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-6, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit le 4° du I de l'article 2 ter :
« 4° Le 3 devient le 2 et son premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les fondations et associations reconnues d'utilité publique peuvent, lorsque leurs statuts ont été approuvés à ce titre par décret en Conseil d'Etat, recevoir des versements pour le compte d'oeuvres ou d'organismes mentionnés au 1. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui fait suite à l'amendement n° I-5.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2 ter, modifié.

(L'article 2 ter est adopté.)

Articles additionnels après l'article 2 ter



M. le président.
Par amendement n° I-159, MM. Joly, de Montesquiou, Othily et Bimbenet proposent d'insérer, après l'article 2 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le deuxième alinéa du 2° de l'article 199 septies du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Primes afférentes à des contrats d'assurance visant à constituer un complément de retraite par capitalisation sous forme de capital ou de rente viagère. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le reprends.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-159 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le défendre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je reprends cet amendement qui est tout à fait opportun car il vise à élargir la réduction d'impôt prévue à l'article 199 septies du code général des impôts en matière de primes afférentes à des contrats d'assurance destinés à constituer un complément de retraite par capitalisation sous forme de capital ou de rente viagère.
Il répond aux préoccupations que nous avons exprimées ici voilà quelques semaines en matière de fonds d'épargne retraite.
Je crois que nous avons là un dispositif raisonnable, même si ses modalités pratiques mériteraient sans doute d'être affinées.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-159 rectifié ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La réduction d'impôt pour assurance vie a été supprimée par les lois de finances pour 1996 et 1997 pour le cas de figure évoqué. Je suppose qu'à l'époque vous étiez, monsieur le rapporteur général, d'accord avec la suppression de cette disposition que vous proposez de rétablir aujourd'hui !
Chacun sait que la souscription des contrats d'assurance vie d'une durée au moins égale à huit ans bénéficie déjà d'un régime d'imposition très favorable, qui se décompose en trois volets : premièrement, l'exonération de l'impôt sur le revenu des produits capitalisés ; deuxièmement, en cas de sortie sous forme de capital, l'exonération des sommes récupérées ; enfin, troisièmement, en cas de sortie sous forme de rente viagère, seule une fraction de la rente représentative des intérêts, qui est déterminée en fonction de l'âge du crédit-rentier au moment de l'entrée en jouissance de la rente, est soumise à l'impôt.
Ces trois dispositions nous semblent suffisantes.
Je demande le rejet de l'amendement n° I-159 modifié parce qu'il n'est pas nécessaire de prévoir un avantage fiscal supplémentaire au moment de la souscription du contrat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-159 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2 ter.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° I-107 est présenté par MM. Ostermann, Braun, Cazalet, Chaumont, Oudin et Trégouët.
L'amendement n° I-122 est déposé par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° I-147 est présenté par M. Hamel.
Tous trois tendent à insérer, après l'article 2 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 200 ter du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories, les dépenses engagées par les contribuables en vue d'améliorer leur formation professionnelle au sens du livre IX du code du travail ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 20 % du montant des sommes versées, retenues dans la limite de 5 000 francs par foyer fiscal. »
« II. - La perte de recettes résultant du I pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par une taxe additionnelle sur les droits visés aux articles 575 et 575 A du CGI. »
La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° I-107.
M. Joseph Ostermann. Le présent amendement vise à prévoir une réduction d'impôt pour encourager la formation professionnelle prise en charge par les particuliers.
Des négociations significatives ont eu lieu dans le cadre de la mise en place des 35 heures, en vue notamment de favoriser des projets de formation personnels des salariés, en dehors du temps de travail.
Ces projets de formation ne seront pas systématiquement financés par l'entreprise, en particulier lorsqu'ils répondront à des besoins personnels.
C'est la raison pour laquelle il est proposé de mettre en place une réduction d'impôt qui permettra d'encourager l'effort de formation personnel.
Un sondage réalisé par l'IFOP au mois de septembre dernier vient de confirmer cette aspiration des salariés. Il fait ainsi apparaître que près de quatre salariés sur dix se montrent disposés à participer financièrement à des formations suivies en dehors du temps de travail.
En outre, parmi les mesures d'incitation proposées, 63 % placent la réduction d'impôt en première position, loin devant la création d'un livret d'épargne formation (21 %) ou la création d'un prêt à taux réduit (10 %).
Il convient enfin de souligner que cette réduction d'impôt compléterait le crédit d'impôt formation existant pour les entreprises.
M. le président. La parole est à M. du Luart, pour défendre l'amendement n° I-122.
M. Roland du Luart. Mon amendement va exactement dans le même sens que celui de M. Ostermann. Il est donc inutile que je l'explicite davantage.
M. le président. La parole est à M. Hamel, pour présenter l'amendement n° I-147.
M. Emmanuel Hamel. Cet amendement vise le même objet que les deux amendements précédents.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je me refuse à croire que vous ne serez pas favorable à ces amendements. En effet, les fonctions importantes que vous avez assumées tant dans le secteur du textile que dans celui de l'industrie hôtelière vous ont permis de comprendre que, parallèlement à l'effort accompli par les entreprises pour la formation professionnelle, dont il faut se réjouir et espérer qu'il viendra à s'intensifier, l'évolution du monde fait naître un besoin personnel de formation en dehors de celle qui est proposée par l'entreprise.
Mme Aubry a cité à l'Assemblée nationale ce sondage de l'IFOP évoqué par l'un de nos collègues qui montre que 40 % des salariés souhaitent pouvoir, parallèlement à la formation professionnelle proposée par l'entreprise, entreprendre par eux-mêmes un complément de cette formation professionnelle.
Imaginez que vous travaillez dans une entreprise qui risque d'être absorbée par un groupe étranger. Vous parlez mal l'anglais, ce que vous ne voulez pas avouer à votre employeur. Dans l'hypothèse de l'absorption de votre entreprise par un groupe étranger, vous éprouvez, pour conserver votre emploi, le besoin de suivre une formation dans une langue étrangère, anglaise, allemande ou autre.
Glissez-vous dans la peau d'un homme de quarante ans. Lorsque vous êtes sorti d'une grande école vingt ans auparavant, on ne vivait pas encore à l'ère de l'informatique ; il n'en était pas question. N'osant pas avouer votre insuffisance dans le domaine des nouvelles technologies, vous souhaiteriez recourir à titre personnel à un organisme de formation professionnelle qui vous permettrait de pallier les insuffisances que vous n'avez pas à avouer à l'entreprise.
Il est donc indispensable de compléter la formation professionnelle assurée par l'entreprise par une possibilité de formation professionnelle personnelle, permettant au salarié d'avoir individuellement recours à des organismes qui lui dispenseront une formation.
Il est naturel d'encourager, par une légère incitation fiscale, ce désir qu'éprouvent déjà plus de 40 % des salariés, comme le montrent de récents sondages. En effet, compte tenu des ressources du Trésor et de l'importance des moyens des finances publiques, que représente une incitation à ce mouvement par ce simple avantage fiscal d'une réduction d'impôt de 20 % du total des dépenses de formation assumées par le salarié, dans la limite de 5 000 francs ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis certain que nos amendements correspondent à votre attente.
M. Roland du Luart. Beau plaidoyer !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-107, I-122 et I-147 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission adhère tout à fait au raisonnement exposé en dernier lieu par M. Hamel. Toutefois, faute de disposer d'éléments de chiffrage, elle s'interroge sur les hypothèses qu'ont pu établir les services de l'Etat à ce sujet.
Elle souhaite donc entendre le Gouvernement avant de se prononcer sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Comment ne pas être sensible à l'admirable plaidoyer de M. Hamel ! De nombreux salariés vivent concrètement dans leur itinéraire professionnel les exemples qu'il a évoqués. Nous allons naturellement dans le sens qu'il préconise.
La formation, si l'on vous suit, monsieur Hamel, est une priorité nationale. La question se pose donc de savoir comment reprendre, en lui donnant les prolongements qu'elle mérite, la remarquable loi de 1971 inspirée par M. Delors, alors conseiller du Premier ministre de l'époque, M. Chaban-Delmas. Ce texte a rendu d'immenses services à l'économie de notre pays et à notre société.
C'est pourquoi M. le Premier ministre a chargé Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, de mener une réflexion d'ensemble sur le système de formation professionnelle continue afin de l'adapter aux réalités d'aujourd'hui, compte tenu notamment de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, ainsi qu'aux conditions de la compétitivité de l'économie française, car c'est bien, en fin de compte - et peut-être même d'abord - de cela qu'il s'agit.
Après avoir pleinement approuvé les propos de M. Hamel et des auteurs de ces trois amendements, je diverge cependant, monsieur le rapporteur général, sur les solutions que les uns et les autres souhaitent apporter à cet ardent problème, parce que, comme chacun de nous ici, je sais qu'en optant pour le régime des frais réels les salariés peuvent naturellement inclure les frais de formation dans leurs charges.
Pourquoi ajouter une strate de complexité au droit positif fiscal existant, une strate qui serait superfétatoire puisque l'ensemble des frais occasionnés par la formation peuvent être inclus dans les frais réels à la charge du contribuable dans les déclarations fiscales ?
Je demande donc aux auteurs de ces trois amendements de les retirer, car ils sont déjà satisfaits. Quoi qu'il en soit, il était bon que le Sénat manifeste - le Gouvernement y est très réceptif - l'impératif absolu de la formation professionnelle devant l'opinion publique à travers le Journal officiel de nos débats.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez répondu à ma question en n'en parlant point : je vous demandais ce qu'une telle mesure coûterait et, si je vous comprends bien, vous considérez qu'elle ne coûtera rien du tout puisqu'un dispositif est déjà prévu, même s'il faut fournir des justifications.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne coûtera donc pas plus cher avec le système envisagé par nos amis, MM. Ostermann, du Luart et Hamel, mais ce sera plus simple. Ce sera un signal, ce sera moins de paperasserie, ce sera mieux pour le contribuable.
Il me semble donc qu'il faut adopter ces amendements...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en prie !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, avec l'autorisation de M. le rapporteur général.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur général : j'aurais dû en effet vous dire que je ne disposais pas des éléments chiffrés dans les dossiers qui sont en ma possession à cette heure au Sénat ; mais je m'engage à vous fournir les éléments de coût, en termes de dépenses fiscales éventuelles, si les amendements étaient adoptés. Je le ferai dès que possible, c'est-à-dire dans les deux jours qui viennent.
M. Emmanuel Hamel. N'oubliez pas les rentrées fiscales induites, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Après avoir entendu les explications du Gouvernement, je confirme l'avis favorable de la commission des finances.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-107, I-122 et I-147.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, j'ai été très heureux d'entendre tout ce qui a été dit par les auteurs de ces amendements, qui ont pris une excellente initiative.
Je constate toutefois que l'on a surtout insisté sur l'aspect économique de la mesure proposée - et je le comprends fort bien - alors qu'il me paraît utile d'insister sur ses aspects humains et sociaux. Si des salariés veulent compléter leur formation, s'adapter en s'impliquant personnellement et en organisant eux-mêmes leur formation, il me paraît nécessaire de les aider.
Cela me rappelle un peu - excusez-moi cette image d'Epinal, monsieur le secrétaire d'Etat, vous qui avez des attaches dans cette région -...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. A Saint-Dié, pas à Epinal !
M. Jean Chérioux. ... les cours du soir qui étaient organisés sous la IIIe République : combien de ceux qui ont alors réussi dans la vie étaient de simples élèves de l'école publique qui ont complété leur formation eux-mêmes, en prenant sur leur temps de loisir ?
En l'occurrence, nous pouvons faire le parallèle et, indiscutablement, je crois que nous devons voter ces amendements, ne serait-ce que pour marquer notre souci de leur donner un caractère tout à fait exemplaire.
M. Emmanuel Hamel. Vous plaidez comme Philippe Séguin, mon cher collègue !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-107, I-122 et I-147, acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2 ter.

Article 3



M. le président.
« Art. 3. - I. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 279-0 bis ainsi rédigé :
« Art. 279-0 bis . - 1. Jusqu'au 31 décembre 2002, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture des équipements définis à l'article 200 quater ou à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers.
« 2. Cette disposition n'est pas applicable :
« a) Aux travaux qui concourent à la production ou à la livraison d'immeubles au sens du 7° de l'article 257 ;
« b) Aux travaux visés au 7° bis de l'article 257 portant sur des logements sociaux à usage locatif ;
« c) Aux travaux de nettoyage ainsi qu'aux travaux d'aménagement et d'entretien des espaces verts.
« 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou le cas échéant au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité. »
« II. - Au 7° bis de l'article 257 du code général des impôts, les a, b et c sont ainsi rédigés :
« a) De travaux d'amélioration mentionnés à l'article R. 323-3 du code de la construction et de l'habitation qui bénéficient de la subvention prévue aux articles R. 323-1 à R. 323-12 dudit code, et qui sont réalisés à compter du 1er janvier 1998 ;
« b) De travaux d'amélioration, de transformation ou d'aménagement, notamment lorsqu'ils bénéficient d'un prêt mentionné à l'article R. 331-1 du code de la construction et de l'habitation, et qui sont réalisés à compter du 1er janvier 1998 ;
« c) De travaux d'entretien, autres que l'entretien des espaces verts et les travaux de nettoyage, pour lesquels le fait générateur est intervenu à compter du 15 septembre 1999 et qui sont réalisés avant le 31 décembre 2002. »
« III. - Le d du 1 de l'article 269 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, par dérogation au premier alinéa, le fait générateur de la taxe intervient au dernier jour de chaque trimestre civil pour les livraisons à soi-même de travaux d'entretien mentionnés au c du 7° bis de l'article 257 effectués au cours de ce trimestre. »
« IV. - L'article 279 ter du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne s'appliquent plus aux travaux pour lesquels la facture est émise à compter du 15 septembre 1999. »
« V. - Les dispositions du I s'appliquent aux opérations pour lesquelles une facture a été émise à compter du 15 septembre 1999.
« VI. - 1. Dans le premier alinéa du 1 du I de l'article 199 sexies D du code général des impôts, l'année : "2001" est remplacée par les mots : "1999, pour lesquelles une facture, autre qu'une facture d'acompte, a été émise avant le 15 septembre 1999,".
« 2. L'article 200 ter du code général des impôts est ainsi modifié :
« a) Après le quatrième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les dépenses payées à compter du 15 septembre 1999, le pourcentage mentionné au quatrième alinéa est ramené à 5 %. Toutefois, le taux de 20 % reste applicable aux dépenses correspondant à des factures, autres que des factures d'acompte, émises jusqu'au 14 septembre 1999 et payées entre cette date et le 31 décembre 1999. » ;
« b) Il est inséré un III ainsi rédigé :
« III. - Les équipements qui ont bénéficié du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quater sont exclus du bénéfice des dispositions des I et II. »
« 3. Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 200 quater ainsi rédigé :
« Art. 200 quater . - l. Les dépenses payées entre le 15 septembre 1999 et le 31 décembre 2002 pour l'acquisition de gros équipements fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système de chauffage, des ascenseurs ou de l'installation sanitaire ouvrent droit à un crédit d'impôt sur le revenu lorsque ces travaux sont afférents à la résidence principale du contribuable située en France et sont éligibles au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 279-0 bis.
« Un arrêté du ministre chargé du budget fixe la liste des équipements ouvrant droit au crédit d'impôt.
« 2. Pour une même résidence, le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt ne peut excéder au cours de la période définie au premier alinéa du 1 la somme de 20 000 francs pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 40 000 francs pour un couple marié soumis à imposition commune. Cette somme est majorée de 2 000 francs par personne à charge au sens des articles 196 à 196 B. Cette majoration est fixée à 2 500 francs pour le second enfant et à 3 000 francs par enfant à partir du troisième.
« Le crédit d'impôt est égal à 15 % du montant des équipements figurant sur la facture de l'entreprise ayant réalisé les travaux.
« Il est accordé sur présentation des factures, autres que les factures d'acompte, des entreprises ayant réalisé les travaux et comportant, outre les mentions prévues à l'article 289, l'adresse de réalisation des travaux, leur nature ainsi que la désignation et le montant des équipements.
« Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses ont été payées, après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200, de l'avoir fiscal, des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué.
« 3. Lorsque le bénéficiaire du crédit d'impôt est remboursé dans un délai de cinq ans de tout ou partie du montant des dépenses qui ont ouvert droit à cet avantage, il fait l'objet, au titre de l'année de remboursement, d'une reprise égale à 15 % de la somme remboursée, dans la limite du crédit d'impôt obtenu.
« Toutefois, la reprise d'impôt n'est pas pratiquée lorsque le remboursement fait suite à un sinistre survenu après que les dépenses ont été payées. »
« VII. - 1. Au h du II de l'article 1733 du code général des impôts, les mots : "au crédit d'impôt prévu à l'article 200 ter " sont remplacés par les mots : "aux crédits d'impôt prévus aux articles 200 ter et 200 quater ".
« 2. A l'article 1740 quater du code général des impôts, les mots : "et 200 ter " sont remplacés par les mots : ", 200 ter et 200 quater" . »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet article 3 constitue, à l'examen, la mesure la plus significative de ce projet de loi de finances.
J'observerai d'abord que, dans son économie générale, le présent article n'a pas éveillé parmi les membres de la majorité sénatoriale de préoccupation particulière, alors même que vous nous aviez gratifiés, mes chers collègues, voilà quelques années - c'était à l'été 1995, pour être précise - d'une majoration du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée.
Je crois qu'il faut savoir gré au Gouvernement d'avoir mené une démarche tenace et pugnace pour obtenir de la Commission européenne et de nos partenaires européens la possibilité de nous proposer cette réduction du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée sur les travaux dans les logements.
Pour autant, on doit se poser la question de savoir si toute démarche de réforme fiscale en matière de droits indirects doit nécessairement passer par l'avis de la Commission européenne, qui deviendrait, en quelque sorte, une sorte de « commission de censure », à l'instar de celle qui existait jadis en matière de création cinématographique et qui nous priva, dans le cadre de ses décisions, de quelques oeuvres majeures.
Voilà qui nous ramène au débat, désormais assez récurrent, sur l'harmonisation fiscale dans le cadre de la construction européenne, harmonisation fiscale qui tend assez souvent à nier les principes d'indépendance des différents pays membres de l'Union et qui pose le problème du dumping fiscal auquel se livrent certains Etats.
Nous aurons d'ailleurs cette année un débat sur cette question, avec l'article 24 quinquies et les effets qui devraient en découler.
Pour autant, pour en revenir à l'article 3, nous pouvons nous féliciter de la situation nouvelle ainsi créée.
Il sera bien temps, l'an prochain par exemple, de faire le point sur la portée réelle de la mesure préconisée, mais nous pouvons d'ores et déjà indiquer sur quels points nous serons, en ce qui nous concerne, attentifs.
Tout d'abord, la baisse du taux de la taxe sur la valeur ajoutée va-t-elle conduire à une relance de l'activité générale du secteur concerné et l'effet base va-t-il, dans les faits, contrebalancer l'effet taux ? En clair, la mesure va-t-elle effectivement permettre au secteur du bâtiment, et singulièrement aux activités de second oeuvre, de contribuer à la poursuite de la croissance économique ?
Ensuite, devons-nous attendre de la mesure une relance de la création d'emplois dans le secteur, alors même que la plupart des entreprises concernées sont de petite taille et sont donc très étroitement dépendantes de la demande réelle ?
Peut-on mesurer les effets concrets de ces créations d'emplois en tenant compte, notamment, du coût relativement élevé du chômage pour les comptes publics de manière générale ?
Nous rappellerons que l'on estime généralement qu'un travailleur privé d'emploi pèse pour 120 000 francs annuels en moins-value de recettes sur les comptes de l'Etat ou des organismes sociaux et que, par exemple, 20 000 ou 30 000 créations d'emplois procureraient plus de 3 milliards de francs de recettes nouvelles à ce titre, réduisant d'autant le coût fiscal brut de la mesure préconisée.
Enfin, cette disposition, au-delà de sa pertinence, ne peut et ne doit pas nous faire oublier la nécessité de mener concurremment une politique volontaire de réduction du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée.
Ce taux majoré de 20,6 % est, de notre point de vue, une forme de survivance d'un passé certes récent, mais néanmoins passé, et il importe, alors même que notre pays a retrouvé le chemin de la croissance économique et satisfait largement les critères concernant l'état de ses comptes publics, de remettre en question cette situation dont font les frais, en dernière instance, nos concitoyens dès lors qu'ils sont consommateurs et contribuables, et notre économie, qui continue à souffrir d'un déficit de croissance lié à l'existence d'un tel taux.
Tel doit être notre objectif, objectif auquel les règles de l'harmonisation fiscale européenne ne s'opposent d'ailleurs pas, notre taux normal étant supérieur tant aux préconisations en la matière qu'au taux moyen observé dans les autres pays de l'Union.
Nous avons précédemment indiqué, dans la discussion de l'article 2, que la réduction de notre fiscalité indirecte demeurait à l'ordre du jour au même titre que l'amélioration de notre système de prélèvements directs. Il convenait de le rappeler ici.
Nous voterons en l'état l'article 3 - nous préférerions d'ailleurs qu'il n'y soit pas apporté de modification - mais nous gardons en vue cette perspective de la nécessaire modération du taux normal.
M. le président. Sur l'article, la parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il y a un an, le débat que nous avions eu sur la TVA ne nous avait pas satisfaits. En effet, il ne nous avait pas toujours permis de savoir ce que Bruxelles permettait, ni, lorsque Bruxelles ne permettait pas, si le Gouvernement était disposé à engager une demande de révision des règles communautaires.
Il est donc apparu utile d'établir une sorte d'état de l'eurocompatibilité, afin que nul ne puisse imputer à l'Europe des choix qui relèveraient simplement d'arbitrages franco-français.
Le rapport que la commission des finances m'a confié sur ce sujet pour préparer notre débat - Peut-on baisser la TVA ? - n'a été contesté, semble-t-il, par personne. (L'orateur brandit le rapport.) Il nous offre donc un guide qui rappelle la liste des produits et services pouvant aujourd'hui bénéficier d'un taux réduit de TVA dans les pays de l'Union qui en ont fait la demande. Il analyse aussi les difficultés d'interprétation qui apparaissent à la lecture de l'annexe H et il décrit la doctrine actuelle de votre administration, monsieur le secrétaire d'Etat, à leur sujet. Enfin, il rappelle que, même si la Commission est désormais consciente, grâce notamment à nos travaux, des inconvénients d'une adoption prématurée d'un régime commun de TVA, elle continue à être réservée face à toute demande de révision de cette annexe, au motif que celle-ci reste précisément attachée à un régime qu'elle veut considérer comme transitoire.
Pour modifier cette situation, la Commission a donc jusqu'ici toujours privilégié le recours à l'article 28 de la directive, qui permet l'instauration de mesures transitoires. C'est ainsi cette voie qui fut utilisée il y a deux ans pour l'horticulture et c'est aussi par ce canal qu'a été lancée cette année une expérimentation - j'insiste sur ce mot - permettant de faire passer au taux réduit des services à forte intensité de main-d'oeuvre.
Cette expérimentation devrait s'étaler sur trois ans pour apprécier concrètement l'effet de telles mesures : leur coût, leur impact en emplois ou la réduction de l'économie souterraine. Au terme de ce délai, il serait proposé une révision de l'annexe H, que la Commission accepterait alors.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous avions demandé de faire prévaloir à Bruxelles l'idée selon laquelle la directive régissant cette expérimentation devrait s'appuyer sur des critères permettant qu'elle soit la plus large possible pour qu'elle soit la plus intéressante possible. Or c'est finalement une liste limitative de services qui a été retenue, et vous n'avez pu obtenir que la restauration figure dans cette liste.
Je regrette ces deux décisions : le fait qu'une liste ait été retenue et non pas des critères, et l'absence de la restauration au sein de cette liste.
S'agissant de ce second point, il est très regrettable que vous n'ayez pas saisi l'occasion qui vous était offerte. En effet, des problèmes évidents se posent compte tenu des différents traitements qui sont apportés à la restauration traditionnelle, à la restauration collective, à la restauration rapide et à la livraison de plats cuisinés par les traiteurs. Ces distorsions de situation sont d'autant moins supportables et explicables que l'écart entre taux normal et taux réduit, maximal en France puisqu'il dépasse quinze points, rend plus aigus les problèmes.
En ne faisant pas figurer la restauration dans la liste des services pouvant bénéficier de l'expérimentation, vous avez choisi d'ignorer la réalité du problème et vous avez découragé un secteur pourtant riche en emplois, essentiel pour l'économie et pour le bien-être du pays. Il sera difficile, maintenant, de revenir sur l'exclusion de la restauration de cette liste.
En demandant et en obtenant l'inscription de la restauration sur cette liste, vous auriez, au contraire, rendu considération et espoir à toute une profession, sans - j'y insiste, monsieur le secrétaire d'Etat - être pour autant obligé d'aligner immédiatement l'ensemble des formes de restauration sur le taux minimal de TVA de 5,5 %, ce pour quoi vous nous disiez ne pas disposer des moyens budgétaires nécessaires. En effet, dans un premier temps, vous auriez pu simplement ramener le taux de TVA frappant la restauration traditionnelle à un second taux réduit, fixé par exemple à 14 %. Une demande de second taux est parfaitement présentable et recevable ! Le coût de la mesure aurait alors été beaucoup plus supportable, et les difficultés réelles rencontrées dans ce secteur seraient, elles aussi, devenues moins insupportables.
Aujourd'hui, nombre de nos collègues ont déposé des amendements tendant à réduire le taux de TVA pesant sur la restauration traditionnelle ou seront tentés de le faire, et ils ont raison de dénoncer une situation qui est effectivement anormale.
Vous allez leur répondre que leurs amendements ne sont pas compatibles avec la réglementation européenne et, vous aussi, vous aurez raison en disant cela.
Leurs amendements ne sont effectivement pas recevables aujourd'hui, mais ce n'est pas la faute de Bruxelles. Au conseil ECOFIN du 8 octobre dernier, ce fut votre choix.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne pouvais évidemment pas signer d'amendement non « eurocompatible », et je ne l'ai donc pas fait. Je vous demande cependant de tout mettre en oeuvre, aujourd'hui, pour que cette situation soit modifiée sur le fond. L'Europe, c'est non pas Bruxelles, mais d'abord nous ! Vous avez laissé passer une occasion sur laquelle nous avions pourtant vivement attiré votre attention tout au long de l'été dernier, et ce encore quelques jours avant le 8 octobre dernier. Il vous appartient maintenant de provoquer dès que possible une réouverture du dossier. Ce sera, bien entendu, plus difficile ; mais il est bien de votre responsabilité de le faire afin que la France puisse faire évoluer la situation dans ce secteur.
La responsabilité de l'Europe, c'est d'abord la responsabilité de chaque capitale de l'Union européenne.
Plus généralement, nous approuvons évidemment le principe des dispositions proposées pour ce qui concerne les services à domicile et les travaux dans le secteur du bâtiment, tout en regrettant, dans ce dernier cas, la complexité du dispositif.
Je ne citerai qu'un seul exemple tout à fait particulier mais très illustratif à cet égard : les congrégations religieuses se feraient répondre aujourd'hui par vos services que les monastères ne peuvent pas être considérés comme des locaux d'habitation ! (Sourires.) J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ferez très vite rectifier ce qui résulte, à l'évidence, d'une méconnaissance des monastères !
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en vous présentant ces quelques réflexions générales, j'avais pour seule ambition de clarifier notre débat et, si possible, de l'éclairer. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-128, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, et l'amendement n° I-267, déposé par MM. Delong, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Gaillard, Joyandet, Ostermann, Trégouët, Lassourd, Leclerc, Braye, Murat, Le Grand, sont identiques.
Tous deux tendent :
I. - Dans le 1 du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article 279-0 bis du code général des impôts, après les mots : « à usage d'habitation », à insérer les mots : « ou professionnel ».
II. - En conséquence, dans le dernier alinéa du 3 du texte proposé par le I de l'article 3 pour l'article 279-0 bis du code général des impôts, après les mots : « d'habitation », à insérer les mots : « ou professionnel ».
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, à compléter l'article 3 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension du bénéfice du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée visé à l'article 279-0 bis aux travaux d'amélioration des locaux à usage professionnel, est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-270, MM. Fréville, Amoudry, Branger et Baudot proposent :
I. - Dans le 1 du texte présenté par l'article 3 pour l'article 279-0 bis du code général des impôts, après les mots : « à usage d'habitation », d'insérer les mots : « et professionnels ».
II. - En conséquence, d'insérer après le I de l'article 3 un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension de l'avantage fiscal prévu au I du présent article aux locaux professionnels est compensée par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. du Luart, pour défendre l'amendement n° I-128.
M. Roland du Luart. Cet amendement vise à étendre aux locaux à usage professionnel l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée décidée le 15 septembre dernier pour les logements ayant plus de deux ans.
Une telle extension n'entre théoriquement pas dans le champ de la nouvelle directive européenne. Nous tenons néanmoins à attirer l'attention du Gouvernement sur la spécificité des professions libérales. C'est ce qui motive le dépôt de cet amendement.
Je souhaite insister sur deux points.
Tout d'abord, les professionnels libéraux dont les activités ne sont pas assujetties au régime de la TVA et qui, de ce fait, n'ont pas la possibilité, comme d'autres professionnels, de la récupérer, doivent pouvoir bénéficier de la baisse de la TVA sur les travaux immobiliers concernant leurs locaux professionnels.
Par ailleurs, ces locaux professionnels étant souvent situés dans des immeubles d'habitation, il s'ensuit une situation complexe, en particulier lorsque des travaux sont engagés dans les parties communes. Il serait donc plus simple d'harmoniser le dispositif.
Une telle extension favoriserait bien évidemment la création d'emplois, compte tenu de la forte intensité de main-d'oeuvre du secteur du bâtiment.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-267.
M. Jacques Oudin. Afin que ne soient pas oubliés les professionnels libéraux, cet amendement vise à étendre aux locaux à usage professionnel l'application du taux réduit de la TVA.
Ces professionnels dont les activités ne sont pas assujetties au régime de la TVA, et qui ne peuvent donc récupérer cette dernière doivent pouvoir bénéficier de la TVA pour les travaux immobiliers concernant leurs locaux professionnels.
M. le président. La parole est à M. Fréville, pour défendre l'amendement n° I-270.
M. Yves Fréville. Notre collègue Roland du Luart a parfaitement dessiné les contours de ces amendements qui ont le même objectif : assimiler les locaux professionnels aux locaux d'habitation pour l'application du taux réduit de la TVA.
Une telle mesure présenterait à nos yeux quatre avantages, qui ont d'ailleurs été partiellement exposés.
Tout d'abord, en matière d'emploi, il n'y a aucune différence entre la réfection d'un logement privé et celle d'un local professionnel. Par conséquent, la disposition proposée permettrait d'atteindre parfaitement l'objectif essentiel du Gouvernement, à savoir la création d'emplois.
Par ailleurs, notre amendement vise uniquement des professionnels qui ne sont pas assujettis à la TVA et qui ne bénéficient donc d'aucun autre système de récupération possible.
En outre, il tend à introduire une simplification dans le droit fiscal. Le centre de Rennes, dont je suis originaire, a été détruit en 1720 par un incendie et se compose aujourd'hui de 10 000 logements en copropriété. L'imbrication des locaux professionnels et des locaux d'habitation y est telle qu'une application stricte du texte qui nous est proposé engendrerait une complexité des récupérations de charges contraire à l'objectif de simplification que poursuit le Gouvernement.
Enfin, certaines professions libérales ne bénéficient pas - nous reviendrons sur ce point - de la réduction consentie au titre de la part « salaires » sur la taxe professionnelle. Or, il ne faut à mon avis pas systématiquement refuser des avantages fiscaux à ces professions.
M. Roland du Luart. Très bien !
(M. Guy Allouche remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-128, I-267 et I-270 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La directive du Conseil de l'Union européenne du 22 octobre 1999 permet l'application de la TVA à taux réduit pour une série de services à haute intensité de main-d'oeuvre, dont la rénovation et la réparation de logements privés. Ce ne sont donc pas des locaux professionnels.
J'ai cru comprendre - mais il importe que le Gouvernement nous le précise - que, dès lors qu'un logement était d'usage mixte, il fallait prendre en compte la majorité de la surface : si cette dernière est destinée à l'exercice professionnel, c'est le taux normal qui s'applique ; si elle est destinée à l'usage d'habitation, c'est alors le taux réduit qui s'applique.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Exactement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sous réserve d'une confirmation de M. le secrétaire d'Etat, la question des professions libérales devrait à mon avis pouvoir être traitée. En effet, de nombreux membres des professions libérales utilisent une partie de leur appartement pour leurs besoins professionnels et une autre partie - en général, la majorité de la surface - pour les besoins d'habitation familiale.
La commission des finances souhaiterait donc entendre M. le secrétaire d'Etat avant de se prononcer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-128, I-267 et I-270 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, ces trois amendements convergent pour étendre l'application du taux réduit de TVA aux travaux portant sur les locaux professionnels. Je ferai d'abord une réponse de principe, puis une réponse plus affinée à l'intention des divers intervenants.
En vérité, la mesure proposée aurait peu d'impact sur une situation qui répond déjà assez largement à vos interrogations, messieurs les sénateurs.
Les entreprises soumises à la TVA peuvent déduire, dans des conditions de droit commun, la taxe facturée. Il n'y a pas de problème. Une baisse du taux de la taxe serait donc sans effet dans cette hypothèse puisque, par définition, elle est déductible.
Les entreprises non soumises à la TVA, notamment certaines professions libérales, pourront déduire de leurs bénéfices le montant toutes taxes comprises des travaux, ce qui annule l'effet de la TVA. Mais surtout, l'application du taux réduit de la TVA aux travaux autres que la construction ou la reconstruction portant sur des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans s'inscrit dans le cadre - plusieurs sénateurs l'ont excellemment indiqué - de la directive européenne du 22 octobre 1999, qui autorise les Etat membres à appliquer à titre expérimental et pendant une durée limitée, jusqu'au 31 décembre 2002 - je dois le souligner, car cela est rarement évoqué - un taux réduit de TVA sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre.
C'est là que survient dans la discussion une difficulté à laquelle nous avons été confrontés et que j'évoquerai avec franchise devant vous : nos partenaires de l'Unon européenne et nous-mêmes avons dû établir une liste des services susceptibles de bénéficier de cette mesure. Cette liste a été difficile à élaborer, et il a été impossible d'y inclure à la fois, par exemple, la restauration, évoquée par certains d'entre vous, et les travaux dans les logements.
Il a d'abord été difficile de convaincre nos partenaires de prendre une mesure de baisse du taux de la TVA. Et nous ne les avons amenés à cette concession sur les positions françaises - c'était déjà, à mon sens, remarquable - qu'en acceptant une liste très limitative.
Il s'agit donc bien d'un compromis politique entre des Etats membres qui n'avaient ni la même vision de la baisse de la TVA ni la même volonté que nous d'aller assez loin dans ce domaine pour favoriser l'activité économique.
Nous avons littéralement arraché une mesure favorable aux logements et aux travaux relatifs aux logements.
Pourquoi l'avons-nous fait ? Comme l'indique le rapport qui vous est soumis, parce que la conséquence d'une telle mesure en terme d'emploi dans notre pays est tout à fait significative : selon la direction de la prévision, 33 000 emplois nets nouveaux à durée indéterminée dans quelques années ; selon la Fédération française du bâtiment, 60 000 emplois ; selon la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, 45 000 emplois ; enfin, selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, 36 400 emplois.
Il ressort clairement de toutes les études que cette mesure joue un rôle positif et dynamique pour l'emploi. D'ailleurs, personne ne songe ici à le contester, même si l'on peut remarquer au passage que les évolutions économétriques varient quand même de quelques dizaines de milliers d'emplois créés, ce qui ne laisse pas d'être inquiétant pour la science dont M. le rapporteur général et moi-même sommes des tenants : nous sommes économistes, et nous devons être modestes dans l'évaluation des conséquences sur l'emploi des mesures que nous prenons...
J'apporterai maintenant plusieurs précisions.
Monsieur le rapporteur général, en réponse à votre question, je vous confirme que la mesure s'applique au prorata de la part des immeubles consacrés au logement. C'est bien clair.
Une instruction du 15 septembre 1999 précise que, dans les locaux mixtes, c'est-à-dire qui sont consacrés à la fois à l'habitation et à l'exercice d'une activité professionnelle, la TVA de 5,5 % est de règle lorsque la surface consacrée à l'habitation est supérieure à 50 % de la surface totale du local. Je précise également à l'intention de M. Badré que les monastères sont bien des locaux d'habitation et qu'ils seront donc désormais traités comme tels.
Compte tenu de toutes ces précisions, de la satisfaction globale qui a été exprimée à l'égard des autres baisses de la TVA et de la perspective de ce que nous allons entreprendre ensemble grâce à cette baisse d'impôt en faveur de l'emploi, je demande aux auteurs des amendements n°s I-128, I-267 et I-270 de bien vouloir les retirer, faute de quoi je demanderai au Sénat de voter contre.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai été heureux d'entendre les réponses de M. le secrétaire d'Etat qui me semblent fort claires et qui amènent la commission des finances à souhaiter également le retrait de ces trois amendements.
J'aimerais cependant obtenir une précision de la part de M. le secrétaire d'Etat, après la réponse qu'il a apportée aux propos de M. Badré concernant les monastères et dont je me réjouis : pourriez-vous nous confirmer, monsieur le secrétaire d'Etat, que les internats des établissements d'enseignement seront traités de la même manière que les monastères ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je confirme naturellement, afin que cela figure au Journal officiel, que tout ce qui est destiné à l'habitation est un local d'habitation : les internats, comme les monastères - qui sont d'ailleurs des formes d'internat (Sourires) - doivent donc être inclus dans le concept de local d'habitation, monsieur le rapporteur général.
M. le président. Monsieur Clouet, l'amendement n° I-128 est-il maintenu ?
M. Jean Clouet. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement n° I-267 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-267 est retiré.
M. le président. Monsieur Fréville, l'amendement n° I-270 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville. Monsieur le président, compte tenu des précisions très intéressantes apportées par M. le secrétaire d'Etat, je le retire.
J'ajoute simplement qu'il faut retenir non seulement les internats, mais également les maisons de retraite à statut privé et les foyers-logements.
Mais nous reprendrons sans doute tout à l'heure la discussion sur les parties communes, car le problème n'est pas encore résolu.
M. le président. L'amendement n° I-270 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-128, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-7, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
I. - Dans le premier alinéa (1) du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article 279-0 bis du code général des impôts, après les mots : « des locaux à usage d'habitation », d'insérer les mots : « ou des parties communes d'immeubles comportant, à concurrence de la moitié au moins de leur superficie totale, des locaux affectés à un usage d'habitation, » ;
II. - De compléter la première phrase du sixième alinéa (3) du texte proposé par le I de l'article 3 pour l'article 279-0 bis du code général des impôts par les mots : « ou à des parties communes d'immeubles comportant, à concurrence de la moitié au moins de leur superficie totale, des locaux affectés à un usage d'habitation ».
III. - Pour compenser les pertes de recettes résultant des dispositions du I et du II ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension du dispositif de TVA à taux réduit aux travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur les parties communes d'immeubles comportant, à concurrence de la moitié au moins de leur superficie totale, des locaux affectés à un usage d'habitation, est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à simplifier l'application de ce nouveau régime aux immeubles collectifs en copropriété.
En effet, l'instruction du 14 septembre dernier, prise par anticipation avant l'adoption de la loi de finances pour 2000, comporte une section relative aux parties communes des immeubles collectifs. Les travaux sur lesdites parties communes peuvent bénéficier du taux réduit de TVA seulement à proportion des locaux affectés à l'habitation, selon le principe qui a été rappelé tout à l'heure par M. le secrétaire d'Etat.
Or, les règlements de copropriété ne permettent pas aux syndics de copropriété de connaître exactement l'usage de chaque logement dans l'immeuble. Il faudra donc que chaque propriétaire de lot indique au syndic, par une déclaration spécifique, l'usage réel, professionnel ou d'habitation, qu'il fait de son lot.
Cela crée des difficultés.
En premier lieu, les copropriétaires, dans le régime légal actuellement en vigueur, n'ont pas l'obligation de donner cette information. En second lieu, la loi du 10 juillet 1965, en son article 10 en particulier, fixe des règles spécifiques de participation des copropriétaires aux charges de l'immeuble qui ne se concilient pas avec les critères retenus pour l'application du taux réduit de TVA.
En conséquence, notre amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, a pour objet de spécifier que, s'agissant de l'application du taux réduit de TVA aux travaux réalisés dans les parties communes des immeubles collectifs, le taux réduit s'appliquera aux travaux réalisés dans les immeubles affectés, au moins pour moitié, à un usage d'habitation.
Nous recommandons de transposer au niveau de l'ensemble de l'immeuble la règle que vous nous avez confirmée pour chaque logement privatif. En effet, lorsqu'un local est pour plus de la moitié de sa surface affecté à usage d'habitation, il est considéré comme affecté en totalité à un usage d'habitation, cela dans un but de simplification.
Aux termes de cette règle, pour les copropriétés, on analyserait la situation de chaque lot : si la majorité de la superficie du lot est consacrée à l'habitation, on retiendra la totalité des tantièmes affectés au lot. On procéderait ainsi lot par lot pour définir une répartition des tantièmes entre locaux à usage d'habitation et locaux professionnels : s'il y a un tantième de plus pour les premiers par rapport aux seconds, on considérera que la totalité des travaux sur les parties communes de l'immeuble doit être assujettie au taux réduit de TVA à 5,5 %.
Telle est la mesure de simplification que propose la commission des finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement considère que l'amendement de M. Mariani est satisfait.
Je remercie d'ailleurs M. le rapporteur général de m'avoir posé ces questions qui vont me permettre de bien préciser l'application des dispositions dont je rappelle qu'elles sont en vigueur depuis le 15 septembre 1999 pour le taux réduit de TVA à 5,5 %.
Tout d'abord, s'agissant des travaux réalisés sur les parties communes, l'instruction ministérielle du 14 septembre dernier, qui a commenté cette disposition, précise que le taux réduit s'applique à hauteur de la quote-part des parties communes afférentes à des locaux à usage d'habitation.
Une concertation a été engagée avec les représentants des syndics et des administrateurs de biens. Il a été décidé, à la suite de cette concertation, que le taux réduit s'appliquera à l'ensemble des travaux portant sur les parties communes, dès lors qu'au moins 50 % des tantièmes généraux de la copropriété sont affectés à l'usage d'habitation. Cette avancée répond à votre demande, monsieur le rapporteur général.
Par ailleurs, je souligne que la directive communautaire adoptée le 22 octobre dernier et servant de fondement à la baisse de taux vise les travaux de rénovation et de réparation des seuls logements privés.
Enfin, il est vrai qu'il subsiste une difficulté pour les immeubles où moins de 50 % des locaux seraient à usage d'habitation. Dans cette situation, une lecture stricte du texte de votre amendement pourrait conduire à considérer que les travaux effectués sur les parties communes de ces immeubles devraient être en totalité soumis au taux normal de la TVA. Je ne pense évidemment pas que ce soit votre intention ; ce n'est pas non plus celle du Gouvernement.
Je vous propose donc de prendre acte des précisions que je vous apporte et qui seront développées dans une instruction dont M. Sautter a indiqué le 23 novembre qu'elle serait publiée très prochainement. Il a été décidé « de retenir une règle qui permet d'appliquer sans difficulté la baisse de TVA sur les travaux réalisés dans les parties communes, par exemple les travaux de ravalement ou les travaux de réfection d'usage d'escalier des immeubles situés en copropriété. Dès lors que l'immeuble comprend plus de 50 % de locaux à usage d'habitation, les travaux réalisés dans les parties communes relèveront en totalité du taux réduit de 5,5 % de TVA. Cette règle est d'application immédiate. Des règles pratiques ont été définies en concertation avec les professionnels pour les immeubles qui comprennent moins de 50 % de locaux d'habitation et pour les travaux d'urgence ».
Vous m'avez interrogé sur d'autres difficultés relatives aux copropriétés. Une commission constituée en 1987 auprès du garde des sceaux a été chargée d'étudier tous les problèmes de la copropriété. Le Gouvernement a saisi cette commission de la compatibilité de cette disposition avec la loi de 1965. Elle a conclu que l'application du taux réduit aux parties communes des copropriétés relatives aux locaux occupés comme logements ne posait aucun problème par rapport à la loi de 1965.
Munis de cette dernière précision et des autres que je viens d'énoncer, je crois que vous avez satisfaction et que l'ensemble des personnes qui accompliront des travaux de transformation, d'aménagement et d'entretien dans les locaux d'habitation disposeront ainsi d'un cadre juridique clair qui leur permettra de les engager rapidement.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-7 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai cru comprendre que le dispositif permettant de clarifier le statut fiscal des travaux touchant les parties communes des copropriétés sera intégré dans une instruction rectifiée, venant donc compléter celle du 14 septembre dernier.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu des assurances données par M. le secrétaire d'Etat, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-7 est retiré.
Par amendement n° I-269, MM. Hyest, Fréville et Branger proposent :
I. - Dans le 1 du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article 279-0 bis du code général des impôts, après les mots : « depuis plus de deux ans, » d'insérer les mots : « et sur les prestations d'études ou de maîtrise d'oeuvre fournies directement aux consommateurs finaux correspondant à ces travaux » ;
II. - En conséquence, après le I de l'article 3, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour le budget de l'Etat de l'extension de l'avantage fiscal prévu au I du présent article aux prestations d'études ou de maîtrise d'oeuvre fournies directement aux consommateurs finaux des travaux est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Il s'agit d'inclure les prestations d'études et de maîtrise d'oeuvre fournies directement aux consommateurs finaux dans l'assiette des travaux qui bénéficient du taux réduit de TVA.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis assez perplexe... Effectivement, s'agissant de travaux d'une certaine ampleur, en principe la présence du maître d'oeuvre ou de l'architecte sur le chantier est indispensable pour les mener à bien. Je serais donc heureux d'entendre l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Là aussi, il convient d'être précis. La mesure, expérimentale jusqu'en 2002, je le rappelle, qui a été autorisée par la directive vise les travaux eux-mêmes et non pas les prestations telles que celles des architectes, qui se situent en amont des travaux. L'application du taux réduit de TVA aux honoraires des architectes ou des maîtres d'oeuvre serait dès lors contraire au droit communautaire.
Par ailleurs, il n'y a aucune distortion de concurrence au détriment des architectes car leurs prestations et leur savoir-faire ne sont pas concurrencés par le service que peut rendre directement l'entrepreneur.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis un peu surpris car les prestations des architectes ne se situent pas seulement en amont des travaux. Un architecte doit en principe être sur le chantier, lui ou ses délégués, pour vérifier que tout va bien et pour coordonner les corps de métiers.
Au demeurant, qu'en est-il des prestations intervenant dans le cours des travaux, par exemple celles d'un architecte d'intérieur ou d'un décorateur ? Il s'agit non plus de l'amont, mais du chantier lui-même. Comment traitez-vous les prestations du décorateur, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Nous entendons favoriser les travaux à forte intensité de main-d'oeuvre. Ces deux critères ne peuvent manifestement pas s'appliquer aux professions d'architecte ou de maître d'oeuvre, qu'elles interviennent en amont des travaux ou pendant ceux-ci. Leur rôle se distingue des travaux eux-mêmes.
M. le président. Quel est finalement l'avis de la commission, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne suis pas très convaincu par l'argumentation de M. le secrétaire d'Etat. La commission, qui avait examiné rapidement, il est vrai, cet amendement, qui figurait parmi les deux cent cinquante qui avaient été déposés, avait émis un avis défavorable. Je dois le dire pour la clarté de nos débats.
Cela dit, compte tenu des explications de M. Fréville et de M. le secrétaire d'Etat, à titre personnel, sans que cela change les orientations arrêtées en commission, j'aurais plutôt tendance à m'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-269.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Notre discussion montre que cet amendement a un certain bien-fondé et que l'accessoire doit suivre le principal. Au moment où nous parlons toujours de problèmes de sécurité, quand on doit procéder à un ravalement sur un immeuble du xviiie siècle, il est essentiel que les architectes des monuments historiques soient présents.
Outre cette préoccupation de la sécurité qui nous anime, notre souci est de simplifier notre régime fiscal. Or, là, nous risquons fort de le compliquer encore.
Monsieur le rapporteur général, nous souhaitions, s'agissant des travaux sur les parties communes, simplifier leur régime en prévoyant un taux différent selon les locaux, à usage professionnel ou à usage d'habitation. Mais les syndics nous ont dit la difficulté qu'ils auraient à gérer deux taux de TVA. Or, je m'aperçois que maintenant, par le biais de ces prestations d'études et de maîtrise d'ouvrage, nous allons recréer les difficultés techniques d'application que nous pensions avoir éliminées avec les simplifications que M. le secrétaire d'Etat a fait valoir.
Cet argument de simplification me conduit à maintenir cet amendement.
M. Denis Badré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Mes chers collègues, vous avez pu constater que je n'ai pas cosigné cet amendement, pourtant présenté par des membres de mon groupe, et ce pour rester fidèle au principe que j'ai rappelé voilà quelques instants dans mon intervention liminaire : en tant que rapporteur de la commission des finances sur l'eurocompatibilité, il m'était assez difficile de signer des amendements que j'aurais jugés non eurocompatibles.
Cela étant dit, les arguments que notre collègue M. Yves Fréville vient de présenter m'ébranlent. Je pense, et je suppose que M. le secrétaire d'Etat est d'accord avec moi, que l'annexe H exclut ce type de passage au taux réduit dans le cas retenu par l'amendement. En revanche, dans le cadre de la directive, on est vraiment aux limites. Comme cette mesure ne coûterait pas trop cher, et puisqu'elle améliorerait la clarté de l'ensemble du dispositif, je voterai l'amendement I-269.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-269, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-241, MM. Darcos, Oudin, Braun, Cazelet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann, Tregouët et Lassourd proposent :
I. - De compléter in fine le 1 du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article 279-0 bis du code général des impôts par les mots : « n'ayant pas qualité d'immeubles par destination, ainsi que sur les travaux de fabrication, d'installation, d'amélioration de transformation et d'aménagement relatifs à des équipements ayant qualité d'immeubles par destination, et concernant des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter l'article 3 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension du bénéfice de la taxe sur la valeur ajoutée à taux réduit visée à l'article 279-0 bis du code général des impôts à certains travaux d'amélioration des immeubles est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Le taux réduit de TVA n'est pas applicable à la fourniture d'équipements mobiliers, dans le cadre de travaux d'amélioration, de transformation et d'aménagement de locaux.
L'instruction fiscale du 14 septembre dernier exclut « les opérations de réparation et d'installation de meubles meublants divers... les meubles faits sur mesure, les éléments de cuisine ou de salle de bains ou les éléments de bibliothèque ».
Interrogé à l'Assemblée nationale sur cette situation, le secrétaire d'Etat au budget a précisé que l'article « permettrait l'application du taux réduit à la pose et aux biens meubles des équipements de cuisine ou de salle de bains qui s'encastrent ou s'incorporent au bâti et qui ne restent pas à l'état d'éléments dont le désassemblage ne serait pas possible sans détériorer le bâti ou le meuble ».
Cette précision orale mériterait de figurer dans la loi dès lors qu'elle apparaît en contradiction avec l'instruction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est utile d'apporter des précisions sur ce point.
Je soutiens la préoccupation exprimée par les auteurs de l'amendement, notamment pour ce qui est de l'installation des bibliothèques. Si l'on veut défendre notre culture, il faut que les particuliers installent le plus grand nombre possible de bibliothèques. Ils y seraient encouragés par la baisse de la TVA.
Avant d'émettre son avis, la commission souhaite toutefois connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je ne peux ici que me référer aux propos que M. Sautter a prononcés devant l'Assemblée nationale le 21 octobre dernier et que M. Oudin vient, très aimablement, de répéter. Je ne les reprends donc pas ; ils figureront cependant au Journal officiel , par la voix de M. Oudin.
M. Emmanuel Hamel. Et quelle voix !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, j'apprécie votre louable souci d'exhaustivité, mais je constate que l'ensemble des précisions relatives à l'application d'une loi ne peuvent, par définition, être insérées dans la loi elle-même. Il faut laisser à l'instruction, dont j'ai annoncé qu'elle paraîtrait dans les prochains jours, le soin de dresser la liste exhaustive des cas dans lesquels le taux de TVA s'appliquera.
Il nous faut éviter de nous engager dans une complexité qui rendrait le texte illisible à mesure que la casuistique préciserait les cas dans lesquels on peut envisager d'appliquer le taux réduit. Restons-en là, puisque M. Sautter a précisé oralement devant l'Assemblée nationale les traits principaux de l'instruction d'application qui paraîtra prochainement.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai pas entendu de réponse quant au fond.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Mais si !
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant des immeubles par destination, il faudrait savoir quelle est l'idée qui préside à la solution dégagée, même s'il est évidemment préférable que le détail figure dans l'instruction et non dans la loi.
Cet amendement est essentiellement un amendement de questionnement, et je n'ai pas entendu la réponse à la question.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vais citer les propos de M. Sautter, qui me paraissent les plus clairs et les plus importants en l'occurrence : le taux réduit de TVA est applicable à « la fourniture ou la pose conjointe d'équipements qui s'encastrent ou s'incorporent au bâti et qui ne restent pas à l'état d'éléments dont le désassemblage ne serait pas possible sans détériorer le bâti ou le meuble ».
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces précisions devant être inscrites dans l'instruction, nous avons satisfaction. Dans ces conditions, je crois qu'il faut retirer l'amendement.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement n° I-241 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Il est évident, M. le rapporteur général l'a fort bien dit, qu'il s'agissait d'un amendement de questionnement. M. Christian Sautter avait déjà donné des précisions devant l'Assemblée nationale, mais il était important qu'elles soient renouvelées. M. le secrétaire d'Etat vient de le faire. J'en prends acte et je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-241 est retiré.
Par amendement n° I-78, MM. Hoeffel, Badré et les membres du groupe de l'Union centriste proposent :
I. - De compléter le 1 du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article 279-0 bis du code général des impôts par la phrase suivante : « Bénéficient du même régime, sous les mêmes conditions, les locaux affectés exclusivement à des activités non assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et appartenant à des organismes à but non lucratif. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant de l'extension du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux locaux appartenant à des organismes à but non lucratif est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Cet amendement vise à faire bénéficier du taux réduit les locaux appartenant à des organismes à but non lucratif, à condition qu'ils soient affectés exclusivement à des activités non assujetties à la TVA.
Cette mesure contribuerait à soutenir le monde associatif. Par ses effets pratiques - la rénovation et l'amélioration des locaux des associations - elle présente un intérêt général évident.
Mon collègue M. Hoeffel est évidemment attaché au fait qu'elle concernerait en particulier les organismes culturels en Alsace-Moselle, ce que je me plais à rappeler.
J'ajoute que cette mesure ne me semble pas hors du champ de la directive, c'est pourquoi je l'ai cosignée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini. rapporteur général. Si j'ai bien compris la directive, celle-ci s'applique à la rénovation et à la réparation de logements privés. Si les locaux associatifs dont il s'agit comportent des habitations, ils doivent se voir appliquer le taux réduit, comme l'a dit M. le secrétaire d'Etat tout à l'heure. Mais si les locaux en question ne sont pas d'habitation, je crois qu'ils sont à l'extérieur du champ d'application de la mesure.
Mais peut-être faudrait-il que M. le secrétaire d'Etat nous le confirme.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il arrive en effet que des associations aient des locaux utilisés à des fins d'hébergement. Ce sont des centres d'accueil, des centres de vacances, des associations diverses... si utiles d'ailleurs au mouvement associatif, au mouvement social et à la jeunesse. A partir du moment où ces associations ne se livrent pas à une activité d'hébergement commerciale, donc taxable, elles peuvent bénéficier du taux réduit de la TVA.
Cette précision figure d'ores et déjà dans le Bulletin officiel des impôts 3 C-5-99 du 15 septembre 1999, qui a commenté les dispositions de l'article 3 du projet de loi de finances. Nous sommes déjà garantis par une instruction supplémentaire. Le millefeuille administratif est suffisamment épais pour que nous soyons rassurés ! (Sourires.) Regarde l'instruction fiscale et va rassuré ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Monsieur Badré, l'amendement est-il maintenu ?
M. Denis Badré. Le « millefeuille administratif » et, plus encore, les propos de M. le secrétaire d'Etat m'ayant rassuré, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-78 est retiré.
Par amendement n° I-87, MM. Moreigne et Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du 3 du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article 279-0 bis du code général des impôts, après les mots : « facturés au propriétaire » d'insérer les mots : « personnes physiques ou morales, y compris les collectivités locales et leurs groupements ».
La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne. La baisse de la TVA sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien de l'habitation est sans conteste la mesure principale de réduction des impôts des ménages. Elle s'inscrit dans la volonté du Gouvernement de réduire la TVA, impôt injuste s'il en est, et de conforter la reprise du secteur artisanal.
En outre, elle permettra de réduire le travail clandestin et créera de nouveaux emplois, comme vous l'avez déjà précisé, monsieur le secrétaire d'Etat.
La mesure est déjà un succès : le secteur artisanal et celui du bâtiment connaissent une forte activité, au point que, semble-t-il, il serait difficile de trouver du personnel.
Comme toute mesure à succès, elle suscite quelques incompréhensions. Ces dernières portent sur la définition des travaux concernés - le débat que nous venons de vivre le confirme. L'instruction fiscale est là pour les dissiper, vous venez de le dire, monsieur le secrétaire d'Etat. Peut-être devra-t-elle être complétée.
Mais ces quelques interrogations sur l'application d'une mesure ne doivent pas cacher son effet extrêmement positif.
Cet amendement vise à clarifier l'application de la mesure. La baisse de la TVA concerne toutes les personnes, physiques ou morales, qui font faire des travaux. Dans le dossier explicatif fourni par le Gouvernement, les propriétaires nommés sont les ménages et les bailleurs sociaux ainsi que les sociétés d'économie mixte. Les collectivités locales et leurs groupements ne sont pas citées. Vous comprendrez qu'au Sénat il faille les citer nommément afin que tous les élus locaux disposant d'un parc de logements soient rassurés. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'article 3 du projet de loi de finances dont nous débattons précise d'ores et déjà que le taux réduit de TVA est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou à l'occupant du local à usage d'habitation, quelle que soit la qualité du preneur, qu'il s'agisse d'une personne physique ou d'une personne morale. Il est donc clair que les collectivités locales et leurs groupements sont bien inclus dans le champ d'application de l'article 3.
C'est une fois de plus l'instruction administrative du 15 septembre 1999 qui a commenté la portée de la mesure et précisé que le taux réduit était applicable à tous les preneurs, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les personnes physiques et les personnes morales. Je confirme donc - vous avez eu raison de poser la question - que les collectivités locales, auxquelles le Sénat, comme le Gouvernement, est très attaché, entrent bien dans le champ d'application de la mesure.
Tant l'interprétation officielle par l'instruction que mes propos doivent vous donner satisfaction, monsieur Moreigne.
M. le président. Monsieur Moreigne, l'amendement n° I-87 est-il maintenu ?
M. Michel Moreigne. Compte tenu des explications de M. le secrétaire d'Etat, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-87 est retiré.
Par amendement n° I-242, MM. Gournac, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann, Tregouët et Lassourd, proposent :
A. - Après le premier alinéa (1) du VI de l'article 3, insérer deux alinéa ainsi rédigés :
« Après la première phase du premier alinéa du 1 du I de l'article 199 sexies du code général des impôts, insérer une phrase ainsi rédigée :
« Les dépenses, relatives aux travaux d'enlèvement des flocages ou des calorifugeages contenant de l'amiante, payées durant l'année 1999, ouvrent droit à la même réduction d'impôt sur le revenu. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 sexies D du code général des impôts aux dépenses relatives aux travaux d'enlèvement des flocages ou des calorifugeages contenant de l'amiante est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Les décrets de 1996 relatifs à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis rendent obligatoires les travaux d'enlèvement des flocages ou des calorifugeages contenant de l'amiante avant la fin de l'année 1999.
Les travaux sont particulièrement onéreux et il convient d'aider les propriétaires des logements concernés.
A cette fin, cet amendement tend à appliquer à ces dépenses une réduction d'impôt de 20 % dans un plafond de 20 000 francs pour un célibataire et de 40 000 francs pour un couple marié. Ces sommes sont majorées au titre des personnes à charge et du nombre d'enfants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette préoccupation nous semble tout à fait fondée. La commission souhaite toutefois entendre l'avis du Gouvernement en ce qui concerne l'éligibilité au taux réduit de TVA des travaux de désamiantage.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Les auteurs de l'amendement ont déjà la satisfaction de constater que ces travaux de désamiantage sont éligibles à la baisse d'impôt pour gros travaux.
Par ailleurs, la réduction d'impôt a cessé de s'appliquer aux dépenses facturées à compter du 15 septembre 1999. Cette disposition a été remplacée par la baisse de quinze points du taux de la TVA applicable aux travaux immobiliers portant sur les locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans et prévue à l'article 3 de ce projet de loi de finances.
Les travaux d'enlèvement, de fixation ou d'encoffrement des matériaux contenant de l'amiante sont concernés par cette mesure.
J'ajoute que la baisse de la TVA sur les travaux se substitue de manière avantageuse à la réduction d'impôt qui jouait jusqu'au 15 septembre dernier : elle est d'effet immédiat - la réduction d'impôt pour les dépenses de gros travaux intervenait avec un décalage - elle s'applique à l'ensemble des logements et pas simplement à la résidence principale - le détail n'échappe à personne - elle n'est soumise à aucun plafond et elle est plus juste, car elle s'applique à tous les ménages, qu'ils soient imposables ou non.
Ces remarques me permettent de souligner à nouveau devant le Sénat le caractère fiscalement et socialement justes des mesures de réduction d'impôt que nous proposons. Non seulement elles sont beaucoup plus lisibles, mais les personnes les plus modestes en profiteront. La réduction de TVA s'appliquera en effet dès le premier francs alors que les réductions d'impôt antérieure ne jouaient qu'à partir d'un certain seuil, pour les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les explications de M. le secrétaire d'Etat sont très claires, très précises, et je pense que l'instruction comportera tous les détails utiles pour qu'il n'y ait pas d'incertitude sur le champ d'application de la mesure. Par conséquent, l'amendement de nos collègues me semble satisfait.
M. Michel Charasse. Les travaux de désamiantage effectués par les collectivités locales ne sont pas éligibles !
M. Jacques Oudin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Le raisonnement in abstracto n'a pas de faille. Mais encore faut-il que les professionnels appliquent la totalité de la réduction de la TVA, ce qui n'est pas forcément le cas ! Il est vrai que, selon M. le secrétaire d'Etat, 92 % des professionnels ont montré leur sérieux en appliquant totalement la réduction de la TVA.
Cette petite mise au point à laquelle je tenais étant faite et les explications de M. le secrétaire d'Etat étant effectivement sérieuses, je retire l'amendement n° I-242.
M. Michel Charasse. Le désamiantage et la mise aux normes effectués par les collectivités locales ne sont pas inclus dans les travaux soumis au taux réduit !
M. le président. L'amendement n° I-242 est retiré.
Par amendement n° I-129, MM. de Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent :
I. - Dans le second alinéa du a du 2 du VI de l'article 3, après les mots : « 15 septembre 1999, », d'insérer les mots : « jusqu'au 31 décembre 2002 » ;
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter l'article 3 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application jusqu'au 31 décembre 2002 du crédit d'impôt visé à l'article 200 ter du code général des impôts est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Il s'agit d'un amendement de coordination et de parallélisme des formes.
La baisse du taux de TVA ne durant en principe que jusqu'au 31 décembre 2002, il est normal qu'il en soit de même pour la réduction du crédit d'impôt décidée par le Gouvernement en contrepartie.
Cet amendement vise donc à aligner l'ensemble des aspects du dispositif sur la date butoir du 31 décembre 2002.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Gouvernement a maintenu un crédit d'impôt de 5 % pour les dépenses d'entretien dans l'habitation principale, afin de ne pas léser les contribuables qui pouvaient jusqu'à présent obtenir un crédit d'impôt de 20 % du montant des travaux sous certaines limites. Dès lors que le taux de TVA permet un gain fiscal de 15 %, pour maintenir la situation antérieure, il fallait que le taux de 5 % concernant le crédit d'impôt fût maintenu.
Le Gouvernement, semble-t-il, n'a pas souhaité modifier le terme du dispositif du crédit d'impôt, qui devrait s'arrêter au 31 décembre 2000. L'amendement présenté par M. Jean Clouet vise à le prolonger jusqu'au 31 décembre 2002, afin qu'il corresponde à l'achèvement de l'expérimentation de la TVA à taux réduit. Il convient en effet de rappeler que toutes nos discussions se déroulent dans le contexte d'une expérimentation qui est censée ne durer que jusqu'au 31 décembre 2002, même si l'on imagine bien qu'il ne sera pas très facile, le moment venu, de revenir sur ce que l'on considérera inévitablement comme un avantage acquis.
Après avoir examiné l'amendement n° I-129, la commission des finances s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La question soulevée par l'amendement n° I-129 n'ayant pas d'incidence sur l'équilibre budgétaire en 2000, cette proposition pourra être examinée lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2001.
Je demande donc le retrait de l'amendement ; dans le cas contraire, j'en demanderai le rejet.
M. le président. Monsieur Clouet, maintenez-vous l'amendement n° I-129 ?
M. Jean Clouet. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais donc le mettre aux voix.
M. Denis Badré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Je voterai cet amendement.
Je voudrais toutefois préciser que, l'expérimentation s'étendant jusqu'au 31 décembre 2002, c'est à cette date que l'on tirera les enseignements de l'expérimentation. S'ils sont positifs, je pense que la Commission consolidera ce dispositif dans l'annexe H. C'est la logique du système ; il faut la rappeler clairement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-129, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-130 rectifié, MM. de Rocca Serra, Natali, d'Ornano et Dominati proposent :
I. - De compléter in fine l'article 3 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le 2° du 1 du I de l'article 297 du code général des impôts est complété, in fine, par un alinéa ainsi rédigé :
« Les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien visés au 1 de l'article 279-0 bis du code général des impôts. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de compléter l'article 3 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la perception en Corse de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 2 % pour les travaux visés à l'article 279-0 bis du code général des impôts est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement est-il soutenu ?...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-130 rectifié bis.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le défendre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement concerne les spécificités du régime fiscal en Corse.
M. Michel Charasse. Quelle horreur !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il serait quand même dommage qu'il n'en soit pas question dans notre hémicycle cette année, mes chers collègues !
M. Michel Charasse. Il faut le faire repousser !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est en vertu de considérations d'équité que nos collègues signataires ont présenté cet amendement qui tend à appliquer en Corse un taux de TVA de 2,1 % sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur les logements, au lieu du taux de 5,5 % prévu par le projet de loi de finances initiale pour ce qui est des autres départements français.
Cette mesure se déduit du taux préexistant en Corse pour cette catégorie de travaux. Ce taux étant de 8 %, si l'on veut que l'avantage lié à la baisse ciblée de TVA soit du même ordre en Corse qu'ailleurs, il faut retenir un taux plus faible, que nos collègues situent, à juste raison, à 2,1 %.
Il convient de rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'est le Gouvernement lui-même qui avait présenté un amendement en ce sens à l'Assemblée nationale. Il se trouve que votre majorité...
M. Michel Charasse. Dans sa sagesse, elle ne l'a pas adopté !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... à l'Assemblée nationale ne l'a pas voté.
M. Michel Charasse. Elle a bien fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me permets, en la circonstance, soutenant nos collègues sénateurs corses, de venir en quelque sorte au secours de cette initiative du Gouvernement, qui me semblait être particulièrement opportune.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pour « Chez Francis » ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne vois pas le rapport !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. En effet, l'Assemblée nationale n'avait pas suivi le Gouvernement en première lecture,...
M. Michel Charasse. Elle a bien fait !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... parce qu'elle a estimé qu'il y avait incompatibilité entre cette disposition et le droit communautaire de la TVA.
Par conséquent, je n'entends pas aujourd'hui, au nom du Gouvernement, revenir sur une appréciation politique, celle de la majorité plurielle qui soutient le Gouvernement - ce dont je la remercie - et je pense que les choses doivent rester en l'état. Je propose donc le rejet de l'amendement n° I-130 rectifié bis , que vient de défendre M. le rapporteur général.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-130 rectifié bis.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je ne suis pas certain que ce soit vraiment le moment de faire ce genre de geste à l'égard de la Corse, alors que la discussion porte actuellement, à travers le rapport de la commission Barilari, sur l'ensemble du dispositif applicable en Corse, que l'on devrait avoir les résultats de cette commission dans peu de temps et que, monsieur le rapporteur général, vous aurez sans doute à vous exprimer, lors de l'examen du collectif budgétaire, sur un amendement quelque peu scélérat qui vise à revenir partiellement sur l'affaire des droits de succession. Par conséquent, je crois que ce n'est pas le moment de s'engager dans un tel processus !
J'ajoute, monsieur le président, que le Gouvernement a raison aujourd'hui de ne pas insister pour la reprise d'une disposition dont il était l'auteur, parce que le taux accordé à la Corse en matière de TVA est un taux fragile au regard de la réglementation européenne et que, pour l'instant, l'Europe ne le tolère - je ne dis pas l'accepte - que dans la mesure où il n'est pas étendu. Si vraiment je voulais être méchant, je dirais que le plus mauvais service à rendre à la Corse est de voter cet amendement et donc que je vais le voter ! Mais je n'irai pas jusque-là.
En tout cas, pour ces diverses raisons, je suis contre cet amendement.
Mais je souhaite le sous-amender...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah ?
M. Michel Charasse. ... dans l'hypothèse où il serait néanmoins maintenu.
Je propose de compléter in fine le paragraphe II par les mots : « perçus en Corse ». Comme cela, ils autogageront leurs propres dépenses immobilières... dans le feu de joie qu'on imagine ! (Rires.)
M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° I-293, présenté par M. Charasse et tendant à compléter in fine le II du texte proposé par l'amendement n° I-130 rectifié bis pour compléter l'article 3 par les mots : « perçus en Corse. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini rapporteur général. La commission n'a bien entendu pas pu se réunir pour examiner ce sous-amendement. Cela étant, je ne pense pas qu'il puisse être accepté. En effet, mes chers collèges, nous avons, vis-à-vis des questions fiscales concernant la Corse, à nous déterminer de manière réaliste.
L'année dernière, sous l'influence notamment de notre collègue Michel Charasse, nous avons voté un dispositif mettant fin de façon abrupte à une tradition fiscale bicentenaire, qui était celle des arrêtés Miot. Il se trouve - et l'on est bien obligé de le constater - que ce dispositif couperet n'est pas applicable (M. Michel Charasse s'exclame), et qu'il sera nécessaire, d'une manière ou d'une autre, de prévoir des atténuations ou des formules de transition.
Un autre sujet est évoqué aujourd'hui, celui du taux de TVA. Croyez-vous véritablement qu'il soit utile et opportun, dans le contexte actuel, auquel je me permets moi aussi de faire allusion, d'avoir des attitudes qui nient complètement les spécificités économiques et sociales de ces deux départements français ?
Enfin, le centralisme dans ce qu'il a d'excessif doit-il conduire à nier toutes les différences et toutes les situations spécifiques que nous sommes susceptibles de rencontrer ?
Le sous-amendement n° I-293 de M. Charasse doit être considéré comme l'une des expressions de son humour bien connu. Bien qu'appréciant ce sens de l'humour, je ne puis émettre un avis favorable sur ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° I-293 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le brio, le talent et la qualité de l'intervention de M. Charasse, ainsi que sa connaissance extrêmement approfondie de la fiscalité, me permettent de demander au Sénat de se référer à sa propre sagesse en ce qui concerne l'acceptation ou non du sous-amendement n° I-293.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° I-293.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je voterai naturellement mon sous-amendement (Sourires) en faisant observer amicalement à M. le rapporteur général que la Corse bénéficie d'un tarif spécial pour les tabacs. Par conséquent, si l'on augmente légèrement le tarif du tabac en Corse, on n'ébranlera pas les colonnes du temple ! Ils payent déjà moins cher. Ils sont les seuls, en France, à être dispensés de la lutte contre le tabagisme grâce à un tarif spécial, ce qui est tout de même un peu fort !
Monsieur le rapporteur général, s'agissant des arrêtés Miot, dont nous aurons l'occasion de reparler, il conviendra certainement d'adopter une période transitoire pour les délais de déclaration, car on ne retrouve pas facilement des patrimoines qui se sont égarés avec le temps. Mais vous savez très bien que la demande ne portera pas sur les délais ! Elle portera sur les bases d'imposition, et il n'y a aucune raison qu'un bien qui vaut 100 soit taxé à un tarif donné à Paris et à un taux réduit en Corse ! Or c'est pourtant cela qu'on va vous demander !
S'il ne s'agissait que d'instaurer une période transitoire, s'il ne s'agissait que d'une question de délais, je serais le premier à y être favorable, afin qu'on passe d'une situation de vide juridique à une situation nouvelle.
Dans la mesure où il faut faire un effort en matière de tabagisme - et c'est un fumeur qui vous parle ! - que les Corses le fassent aussi ! Il n'y a pas de raison qu'ils paient moins cher que les autres pour s'intoxiquer. (Sourires.) Je maintiens donc mon sous-amendement.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je ne suis pas un spécialiste des questions corses et je peux me tromper dans ce que je vais énoncer ; je serai peut-être alors corrigé.
Lorsque nous avons discuté de la fiscalité corse, notamment des arrêtés Miot, je crois me souvenir que les parlementaires corses exigeaient d'obtenir préalablement l'avis de l'assemblée de Corse.
M. Michel Charasse. Oui !
M. Yves Fréville. C'était, certes, dans le cadre d'une augmentation de la fiscalité. Mais je pense que cela doit jouer dans les deux sens et qu'en vertu du parallélisme des formes on doit aussi demander préalablement cet avis en cas de diminution de la fiscalité.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. le président. Monsieur Fréville, nous aurions pu demander l'avis des signataires s'ils avaient été présents dans l'hémicycle !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le dépôt du sous-amendement est une précaution pour le cas où l'amendement serait voté, mais on peut penser que ce ne sera pas le cas.
Je voudrais surtout dire à M. le rapporteur général, qui a cru devoir reprendre l'amendement n° I-130 rectifié que, devant les observations qui sont faites, il devrait le retirer.
M. Michel Charasse. Oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je me souviens qu'en 1967 - j'étais jeune député - l'un des textes dont nous avions été saisis portait sur des mesures tendant à compenser les inconvénients de l'insularité en Corse.
M. Michel Charasse. Le rapport Neuwirth !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Depuis, on en a vu beaucoup d'autres !
En tout cas, la proposition qui nous est faite de réduire à 2,1 %, au lieu de 5 %, le taux de TVA pour des personnes qui étaient auparavant assujetties à un taux de 8 % me fait penser à la revendication de ceux qui, ne travaillant que trente heures par semaine, estiment anormal que leur horaire hebdomadaire ne soit pas ramené à vingt-cinq heures dès lors que le Parlement a voté la loi sur les 35 heures ! C'est exactement le même raisonnement !
M. Michel Charasse. Voilà !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En fait, c'est donner un avantage nouveau. Or cet avantage nouveau, il n'y a vraiment aucune raison de le donner.
J'avoue, monsieur le rapporteur général, que vous nous rendriez service si, toute réflexion faite, vous retiriez cet amendement, de manière que nous n'ayons pas à décider si nous votons ou non le sous-amendement astucieux de notre ami Michel Charasse...
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je suis quelque peu gêné par la discussion qui vient d'avoir lieu depuis un quart d'heure, compte tenu notamment de la situation en Corse.
Pour ce qui est de l'amendement, je ne l'ai pas voté en commission des finances. Il me rappelle un peu la course des syndicats de police et de gendarmerie : quant un avantage est octroyé à l'un des corps, l'autre veut immédiatement l'obtenir, et vice versa.
Dans le cas qui nous occupe, je ne pense pas qu'il faille maintenir la différence de taux. On n'ôte rien à la Corse en diminuant le taux sur le continent. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
S'agissant du sous-amendement, je dirai à notre collègue M. Charasse, dont j'admire l'esprit et la compétence, qu'il est souvent mieux inspiré. Je vois mal comment, par quel mécanisme juridique, on pourrait confiner un gage et le limiter à la majoration des droits perçus en Corse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est peut-être pas constitutionnel !
M. Yann Gaillard. En fait, il s'ensuivrait une telle augmentation qu'elle constituerait un encouragement à la contrebande, qui n'est déjà, j'imagine, que trop fréquente dans ces magnifiques départements.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-293, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-130 rectifié bis, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 3



M. le président.
Par amendement n° I-246, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann, Trégouët, Lassourd, Braye proposent, après l'article 3, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278 septies du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % sur les matières premières, les fournitures et les éléments d'équipement nécessaires à la réalisation de travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur les locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Cet amendement a pour objet d'harmoniser l'application du taux réduit de la TVA aux travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans, que ces travaux soient effectués par des professionnels ou par des particuliers qui habitent ou possèdent lesdits locaux. Il s'agit, en fait, d'aider ceux qui effectuent ces travaux eux-mêmes, bref, d'encourager le bricolage.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avant de se prononcer, la commission souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, les personnes qui recourent au travail clandestin acquièrent directement leurs produits. En leur permettant d'acheter les biens au taux réduit de la TVA, nous allons encourager le travail dissimulé. Alors que l'objectif du Sénat et du Gouvernement est d'encourager le secteur du bâtiment et de développer l'emploi dans ce secteur, l'amendement aboutirait au contraire à pénaliser les entreprises du bâtiment, qu'elles soient artisanales ou industrielles.
Pour cette raison, il serait vraiment plus que sage que les auteurs de l'amendement veuillent bien le retirer.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je crois surtout qu'il est difficile de déterminer à l'avance l'usage d'une fourniture, d'un élément d'équipement. Sur la base de quoi, de quelle déclaration peut-on certifier que cet élément d'équipement sera affecté à des travaux dans un local d'habitation ou dans un autre local ?
Même si l'on comprend les intentions des auteurs de l'amendement et les préoccupations des professionnels, il est difficile de mettre au point le dispositif envisagé. Sans me montrer aussi sévère que le Gouvernement, j'estime donc préférable que cet amendement soit retiré.
M. le président. Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin. Compte tenu des explications et des informations qui viennent d'être communiquées à la Haute Assemblée, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-246 est retiré.
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-176, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 2° Produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception du caviar. »
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, le taux prévu au 6° du paragraphe II bis de l'article 125 est relevé à due concurrence. »
Par amendement n° I-131, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy, Jean Boyer et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le b du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est abrogé.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-243, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Trégouët, de Broissia proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le b du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« b) De tous produits composés contenant du chocolat ou du cacao. Toutefois, les chocolats présentés en tablettes ou en bâtons, les fèves de cacao et le beurre de cacao sont admis au taux réduit. La liste de ces produits est définie par décret. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-110, MM. Ostermann, Braun, Cazalet, Chaumont, de Broissia, Oudin et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La seconde phrase du b du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est complétée par les mots : "quel que soit leur mode de présentation".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I est compensée à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-132, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca-Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le c du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est abrogé.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Les deux derniers amendements sont présentés par MM. Oudin, Cazalet, Chaumont, Delong, Ostermann, Trégouët, Blanc, Descours, Giraud, Leclerc et Taugourdeau.
L'amendement n° I-244 vise à insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le c du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts et abrogé.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
L'amendement n° I-245 tend à insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le c du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts est abrogé à compter du 1er juillet 2000.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-176.
M. Thierry Foucaud. Tout le monde connaît les arguments que nous développons maintenant depuis plusieurs années sur ce sujet.
Cet amendement vise à appliquer au chocolat et aux produits de confiserie le taux de la TVA applicable à l'essentiel des autres produits alimentaires.
M. le président. La parole est à M. Clouet, pour présenter l'amendement n° I-131.
M. Jean Clouet. Cet amendement tend à régler deux problèmes liés au chocolat : celui du contentieux fiscal et celui de la TVA sur le chocolat d'une manière générale.
Ce produit est taxé soit au taux normal, soit au taux réduit selon les cas. Ainsi, ce dernier s'applique au chocolat de ménage, au chocolat de ménage au lait, aux fèves de cacao et au beurre de cacao, y compris au chocolat noir.
Il semble plus logique que tous les chocolats soient soumis au taux réduit, parce qu'ils constituent tous des produits d'alimentation courante. La sixième directive européenne et l'annexe H ne s'y opposent pas. En outre, la France souffre d'une distorsion de concurrence par rapport à ses voisins européens, qui, pour la plupart, taxent le chocolat à 7 %.
Le deuxième problème est celui du contentieux fiscal qui concernera bientôt l'ensemble du chocolat noir.
Cette situation fiscale risque de mettre en péril nombre d'entreprises dans un secteur qui représente tout de même entre 12 000 et 13 000 emplois. Si l'administration fiscale persistait dans ses intentions de généraliser la taxation à 20,6 % du chocolat noir, cela pourait représenter une masse d'environ 500 millions de francs pour les industriels concernés. Il est temps de mettre fin à une situation inextricable et incompréhensible qui risque de pousser les industriels à concevoir leurs produits en fonction du taux de taxation et non au regard de leurs qualités gustatives.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-243.
M. Jacques Oudin. Avec cet amendement, nous rejoignons la longue cohorte des amateurs de chocolat !
M. le président. La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° I-110.
M. Joseph Ostermann. Je me sens solidaire des consommateurs de chocolat et, bien entendu, je souscris aux propos de M. Clouet.
M. le président. La parole est à M. Clouet, pour défendre l'amendement n° I-132.
M. Jean Clouet. Cet amendement concerne la margarine.
Il tend à proposer une réduction du taux de la TVA répondant à une double préoccupation, médicale et économique.
Il est anormal d'appliquer le taux normal à la margarine alors que la plupart des autres produits alimentaires bénéficient d'un taux réduit.
Par ailleurs, la production de margarine intéresse le secteur agricole puisque 100 000 hectares produisent, en France, du colza et du tournesol, souvent en petites et moyennes exploitations. Or le secteur des oléagineux a quelque peu souffert de la réforme de la PAC et du compromis de Berlin sur l'Agenda 2000.
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour défendre les amendements n°s I-244 et I-245.
M. Jacques Oudin. La margarine, c'est moins bon que le chocolat,...
M. Michel Mercier. C'est vrai !
M. Jacques Oudin. ... mais c'est tout de même nécessaire à l'équilibre alimentaire. Vous savez bien, mes chers collègues, que la margarine est recommandée dans tous les régimes alimentaires, notamment en cas de risque cardio-vasculaire ; nous sommes certains à le savoir tout particulièrement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le chocolat aussi !
M. Jacques Oudin. C'est la raison pour laquelle je défends la margarine à taux réduit !
M. le président. Monsieur le rapporteur général, que pensez-vous du chocolat et de la margarine ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'en pense le plus grand bien, monsieur le président.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais dire à M. le secrétaire d'Etat que ces amendements sont révélateurs, même s'ils sont traditionnels et récurrents, parce qu'ils nous montrent les limites de la politique de baisse ciblée de la TVA menée par le Gouvernement.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est bien la question de fond.
M. Jacques Oudin. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Toute action sur la TVA porte sur des sommes considérables. Il faut donc choisir des cibles, choisir des secteurs. Et quand on en choisit un, on exclut les autres ! Est-ce cela l'équité fiscale ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous avez augmenté la TVA de deux points !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Est-ce cela la justice fiscale ? Je pose très sérieusement la question.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est mieux que d'augmenter la TVA pour tous !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cher collègue, cette augmentation pour tout le monde, le Gouvernement est très satisfait d'en bénéficier dans ses caisses, et il ne nous a jamais proposé d'engager le mouvement inverse. Je suppose qu'en ce domaine son indignation n'a d'égale que sa satisfaction, selon une vieille formule de la vie parlementaire que vous connaissez bien.
Revenons, je vous prie, à la question des baisses ciblées de TVA.
En ce qui concerne le logement, c'est très bien. Bravo pour les professions concernées ! Nous avons bien travaillé tout à l'heure pour définir le champ d'application de la mesure, et vous nous avez répondu de façon précise, monsieur le secrétaire d'Etat. Votre instruction permettra aux professionnels de travailler en bénéficiant de cette réduction. Tant mieux pour eux.
Mais nous avons utilisé 20 milliards de francs !
Si l'on veut étendre le dispositif à d'autres services à haute intensité de main-d'oeuvre - tout à l'heure, on parlera de la restauration -, il en coûtera encore 20 milliards de francs. Et que dire si l'on voulait répondre aux préoccupations parfaitement justifiées des fabricants de chocolat ?
Vous avez reçu comme moi des échantillons de chocolat... (Exclamations sur diverses travées.) Oh, c'était de tout petits échantillons. (Rires.) Il n'y avait rien de coupable à les recevoir et à les accepter.
Il y avait, d'un côté, le chocolat à 20,6 % et, de l'autre, le chocolat à 5,5 %, et rien ne les distinguait, mes chers collègues !
M. le président. Lequel était le meilleur, monsieur le rapporteur général ? (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils se valent, monsieur le président.
Si l'on voulait aller dans le sens des préoccupations de nos collègues et des milieux professionnels concernés, il faudrait « mettre au pot » 3,5 milliards de francs pour le chocolat et près de 500 millions de francs pour la margarine, produit dont la consommation est pourtant relativement limitée.
Je poserai simplement une question au Gouvernement : quelles mesures allons-nous prendre, à l'avenir, pour ces professions ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez créé un appel d'air, une file d'attente. Alors, on se met dans la file d'attente ! Que font les fédérations professionnelles ? Eh bien ! elles paient des « lobbyistes »... (M. Emmanuel Hamel s'exclame.) Pardonnez-moi, mon cher collègue : elles paient des « agents d'influence » pour aller voir Pierre, Paul ou Jacques, afin de bien se situer dans la file d'attente !
Tels sont les effets pervers, me semble-t-il, que vous avez créés avec la politique de baisse ciblée de la TVA.
En ce qui concerne le chocolat, notre Haute Assemblée a voté, l'année dernière, un amendement de principe dans la deuxième partie de la loi de finances. Si certains de nos collègues le souhaitent, nous pourrions faire de même, à condition de retirer cette disposition de la première partie en raison de l'enjeu financier. Nous réitérerions ainsi notre attachement à ces produits, qui sont souvent des produits du terroir.
Pour ce qui est de l'amendement n° I-176 présenté par le groupe communiste républicain et citoyen, il s'agit d'une mesure traditionnelle très coûteuse, qui ne peut que susciter un avis défavorable.
En ce qui concerne les amendements n°s I-132, I-244 et I-245 relatifs à la margarine, j'émettrai le même avis défavorable que pour les amendements sur le chocolat.
M. Michel Charasse. Le chocolat de norme française, et non pas le chocolat européen trafiqué !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Qui est plein de graisse !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. M. le rapporteur général a une dialectique brillante, remarquable, mais je suis au regret de lui dire, avec beaucoup de respect, qu'il caricature la position du Gouvernement.
En parlant, comme il vient de le faire, des baisses ciblées de TVA, il oublie un facteur essentiel, qui a dicté au Gouvernement sa position au sein des instances européennes pour réclamer les baisses qu'il a proposées au Parlement sur les logements, il oublie le point crucial qui oriente toute la politique budgétaire et toute la politique fiscale : l'emploi !
La résonance, en termes d'emploi, d'une mesure sur les barres de chocolat noir ou de chocolat au lait n'a strictement rien à voir avec les 60 000 emplois que peut générer la baisse à 5,5 % de la TVA sur le logement que nous avons proposée.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il ne faut pas confondre l'une et l'autre des mesures, certes avec beaucoup d'élégance dans le raisonnement, mais aussi avec une erreur fondamentale, car il ne s'agit, en aucune manière, de la même dynamique fiscale : la mesure sur le chocolat a une incidence quasi nulle sur l'emploi, alors que la disposition sur le logement permettra, nous l'espérons tous - nous le savons même ! - de créer plusieurs dizaines de milliers d'emploi en quelques années.
D'ailleurs, monsieur le rapporteur général, votre précédesseur, M. Lambert, aujourd'hui président de la commission des finances, et vous-même aviez préconisé, lors de la discussion de la loi de finances de 1998 - je me réfère au tome II de votre propre rapport - qu'« une réflexion s'engage avec nos partenaires européens sur l'application du taux réduit de TVA au secteur de la rénovation du logement. » Tiens, tiens ! En effet, poursuiviez-vous, « une telle mesure aurait un fort contenu en emplois et serait plus adaptée à la nature actuelle des besoins des économies européennes, dont le parc de logements a basculé d'une phase de reconstruction dans une phase de rénovation et de renouvellement. »
Par conséquent, dans vos rapports sur les projets de loi de finances de 1998 et de 1999, et vous le rappelez dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 2000, vous étiez en parfait accord - vous l'avez écrit et annoncé devant la commission des finances - avec l'orientation des baisses de TVA que nous vous avons proposées. En effet, à l'époque, vous reconnaissiez déjà - et vous devriez le faire encore aujourd'hui devant le Sénat - que cette mesure est dynamique et qu'elle n'est en rien assimilable aux quelques mesures, certes intéressantes, mais dont la portée est tout à fait marginale, que l'on nous propose par les amendements n°s I-176, I-131, I-243 et I-110, dont je demande le rejet.
Le Gouvernement ne rougit pas du tout de procéder à une diminution des rentrées fiscales de 20 milliards de francs par la baisse à 5,5 % du taux de la TVA sur les travaux de rénovation des logements ! Par cette baisse, qui va toucher tout le monde, il sait qu'il travaille dans le bon sens, au profit des plus modestes,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. A voir !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... au profit du secteur du bâtiment et des travaux publics, qui est un grand secteur économique français ; il a toutes les raisons de penser que sa contribution à l'emploi peut encore être favorisée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-176.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Je souhaite formuler deux remarques.
Tout d'abord, le secteur de la chocolaterie, mais aussi de la confiserie, est l'un de ceux qui concourent largement à la renommée de notre tradition culinaire, et ce bien au-delà de nos frontières. Mais ce n'est pas ma principale observation.
Mon observation essentielle est celle-ci : ce secteur, qui est à forte composante artisanale, est particulièrement menacé à la fois par la déréglementation et par l'uniformisation des produits que souhaite mettre en oeuvre la Commission européenne. Prenons garde de ne pas tomber dans les arguments de M. le rapporteur général, qui montrent la limite de ses propositions sur le « dépenser moins » !
L'emploi est le principal moteur de la croissance. Il faut donc aller dans ce sens. A n'en pas douter, la réduction de TVA qui vous est proposée dans cet amendement aurait pour effet de conforter une activité en proie au doute. Il s'agit d'un secteur important pour l'emploi dans notre pays et dont la production est, bien sûr, appréciée des consommateurs, lesquels verraient les prix à l'achat diminuer si cet amendement était adopté.
Sans un soutien plus marqué des pouvoirs publics en faveur de ce marché de la gourmandise, qui concerne un produit de qualité particulièrement apprécié, je le répète, de nos compatriotes, on peut craindre une accélération des opérations de rachat, notamment des entreprises familiales et artisanales françaises, qui sont reconnues mondialement, par des groupes multinationaux ; je ne citerai pas d'exemple, mais ceux-ci ont pour objectif premier non pas tant la qualité que le rendement.
Par conséquent, pour un produit essentiel comme le chocolat, particulièrement dans une période de fêtes, il serait heureux que le Gouvernement fasse preuve de générosité en acceptant notre amendement, que sous-tend aussi un raisonnement économique et politique.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. Joseph Ostermann. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Il s'agit là d'apporter une précision de taille, à savoir que l'administration fiscale tente d'imposer pour le chocolat noir, jusqu'ici taxé à 5,5 %, le taux de 20,6 %.
Nous connaissons un certain nombre de contrôles fiscaux qui visent à taxer à 20,6 % du chocolat qui doit être taxé à 5,5 % et qui imposent aussi systématiquement aux entreprises de constituer des provisions. Je souhaiterais savoir quelles sont les instructions que le Gouvernement donnera à l'administration fiscale dans ce domaine.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lorsque c'est du noir, il n'y a pas de TVA ! (Rires.)
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, à titre personnel, je ne voterai aucun de ces amendements. En effet, notre système fiscal souffre déjà de l'existence de plusieurs taux de TVA qui vont à l'encontre de l'objectif de suppression des distorsions de concurrence.
On aurait tout intérêt, comme cela avait été fait à une certaine époque, lorsqu'on a supprimé le taux majoré de TVA, à rapprocher les deux taux restants de TVA. Il serait beaucoup plus opportun de baisser le taux général, quitte à relever le taux réduit. Ainsi, tous ces problèmes récurrents liés à la restauration et à la question de savoir si le chocolat ou la margarine sont des produits de première nécessité perdraient sans aucun doute leur importance. D'autant que je ne suis pas certain que ces baisses du taux de TVA - M. le rapporteur général le disait implicitement tout à l'heure - soient très efficaces, même s'agissant des dispositions relatives au logement que nous avons votées tout à l'heure.
Nous n'avons aucune assurance que les prix pratiqués diminueront à due concurrence. Lorsque le taux de TVA a été majoré de deux points, voilà quelques années, les prix n'ont pas augmenté dans la même proportion.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Heureusement !
M. Yves Fréville. Effectivement, mais cela montre très bien les limites d'une procédure d'incitation dans ce domaine !
Pour le logement, nous pouvions prendre une telle mesure, parce qu'il s'agit, au fond, d'un investissement pour les ménages, lesquels ne bénéficient d'aucune déduction de TVA, alors que, pour les investissements locaux, les collectivités locales se font rembourser la TVA au travers du fonds de compensation pour la TVA.
En résumé, je ne crois pas tellement à l'efficacité d'une législation complexe, ni à la portée de ces mesures incitatives. C'est la raison pour laquelle je préfère les impôts neutres. Par conséquent, je ne voterai pas ces amendements spécifiques qui dérogent à la règle générale.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, souhaitez-vous répondre à la légitime curiosité de M. Ostermann à propos du chocolat noir ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je reste défavorable à l'amendement n° I-110.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-176, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-131, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-243, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-110, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements concernant la margarine.
M. Emmanuel Hamel. C'est moins nocif pour la santé que le chocolat ! (Sourires.)
M. Jean Clouet. Je retire l'amendement n° I-132, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-132 est retiré.
Monsieur Oudin, les amendements n°s I-244 et I-245 sont-ils maintenus ?
M. Jacques Oudin. Je les retire également, monsieur le président.
M. le président. Les amendements n°s I-244 et I-245 sont retirés.
M. Emmanuel Hamel. Vive le beurre ! (Rires.)
M. Jacques Chaumont. Et l'argent du beurre ! (Nouveaux sourires. )
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-88, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 3° bis de l'article 278 bis du code général des impôts est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« d) Part de la prestation d'exploitation de chauffage représentative du combustible bois, quand le combustible est un des trois mentionnés aux a, b, c du 3° bis du présent article ;
« e) Terme de la facture d'un réseau de distribution d'énergie calorifique représentatif du combustible bois quand le combustible est un des trois mentionnés aux a, b, c du 3° bis du présent article. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par un relèvement des tarifs mentionnés à l'article 885 U du code général des impôts. »
Par amendement n° I-133, M. Ambroise Dupont et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le c du 3° bis de l'article 278 bis du code général des impôts, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Quand le combustible est l'un des trois mentionnés aux alinéas a , b et c ci-dessus, le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée s'applique :
« - à la part de la prestation d'exploitation de chauffage représentative du combustible bois ;
« - au terme de la facture d'un réseau de distribution d'énergie calorifique représentatif au combustible bois. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont compensées par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-215, MM. Braye et Delong proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le c du 3° bis de l'article 278 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... bois et déchets de bois de chauffage des installations collectives. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Demerliat, pour défendre l'amendement n° I-88.
M. Jean-Pierre Demerliat. La loi de finances pour 1997 a permis l'application du taux réduit de TVA sur les bois de chauffage. Toutefois, en l'état actuel de la législation, ce taux réduit ne s'applique que pour l'utilisation domestique directe lorsque des réseaux de chaleur utilisent ce combustible.
Cet amendement vise donc à étendre l'application du taux réduit de TVA au bois de chauffage à usage domestique, même lorsqu'ils sont utilisés par des réseaux de chaleur. Cela s'explique pour plusieurs raisons.
Premièrement, il s'agit ainsi de permettre une réelle application du taux réduit sur le bois de chauffage destiné aux particuliers. L'appréciation qui est faite actuellement est très restrictive, voire trop restrictive.
En effet, est considéré comme usage domestique le bois utilisé pour le chauffage de locaux à usage d'habitation ou de locaux affectés à un usage collectif autre que professionnel, commercial ou industriel.
La notion de locaux à usage d'habitation comprend les maisons individuelles et les immeubles collectifs d'habitation. Pourtant, dans ces immeubles collectifs, lorsque la prestation de chauffage est réalisée par un exploitant de chaleur qui utilise du bois, le taux est de 20,6 %. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, il est difficile de chauffer au bois des immeubles collectifs sans passer par un réseau de chaleur. Il serait donc normal que l'application du taux réduit de TVA sur le bois les concerne. Sinon, la baisse de TVA serait largement sans effet sur ces immeubles et sur leurs occupants, qui sont souvent des foyers modestes.
D'ailleurs, pour la taxe intérieure sur le gaz naturel, la doctrine administrative a admis que, pour éviter les distorsions de traitement entre les utilisateurs directs du gaz naturel et ceux qui sont alimentés par un réseau de chaleur, les entreprises exploitantes seraient considérées comme des intermédiaires pour l'application de l'exonération de cette taxe. Alors, pourquoi ne pas faire, en la matière, la même appréciation ?
De plus, cette proposition répond à un objectif de soutien du développement de la filière bois-énergie, ce qui réduirait nos importations d'énergie fossile et créerait des emplois en zones rurales.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Jean-Pierre Demerliat. Enfin, la contrainte communautaire n'apparaît pas s'exercer en la matière, puisqu'il s'agit simplement de résoudre le cas des intermédiaires que sont les réseaux de chaleur urbains. La Commission européenne incite d'ailleurs les Etats membres à utiliser l'outil fiscal pour favoriser les énergies renouvelables.
M. le président. L'amendement n° I-133 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-215 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-88 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances a, dans le passé, déjà soutenu cette demande et encouragé le Gouvernement à faire évoluer la législation communautaire sur ce point. Il semble nécessaire de poursuivre en ce sens car, à l'heure actuelle, selon les dispositions en vigueur en droit communautaire, seul le bois de chauffage affecté à un usage domestique peut bénéficier du taux réduit de la TVA.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous pose la question : est-il prévu de reprendre les démarches auprès de l'Union européenne pour aller dans le sens souhaité par un certain nombre de nos collègues ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Par cet amendement, M. Demerliat et les membres du groupe socialiste soulèvent un véritable problème et y apportent une véritable solution. Sur le fond, le Gouvernement soutient en effet cette proposition.
Malheureusement, les dispositions prises par l'Union européenne...
M. Emmanuel Hamel. Encore !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... ainsi que l'interprétation par la Commission du droit communautaire font que nous ne pouvons pas ajouter à la liste des prestations susceptibles de relever du taux réduit de la TVA le bois de chauffage à usage domestique, ce que nous regrettons.
M. Emmanuel Hamel. Libérons-nous de Bruxelles !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Par lettre du 7 septembre 1998, nous avions demandé à la Commission d'intégrer la fourniture d'énergie calorifique dans la liste communautaire des opérations éligibles au taux réduit. La Commission nous a répondu par la négative le 7 octobre 1998, en nous indiquant que le droit communautaire ne permettait pas actuellement - voilà peut-être une ouverture pour le futur ! - d'appliquer le taux réduit de la TVA à ces prestations.
Le Gouvernement ne renonce pas à persévérer dans ce sens, et je profite de l'occasion qui m'est donnée par la discussion de votre amendement, monsieur Demerliat, pour le dire avec clarté.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Touchons du bois ! (Sourires.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Nous souhaitons poursuivre dans cette direction pour favoriser l'utilisation du bois de chauffage à usage domestique ; il s'agit pour nous de donner un encouragement fiscal à cette utilisation écologique d'énergie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La Corse attend !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Nous avons obtenu, grâce au soutien de la représentation nationale - et je remercie à cet égard le Sénat - la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien de logements. Nous continuerons d'intervenir auprès de la Commission pour élargir la liste des produits et services susceptibles de bénéficier de cette baisse de la TVA.
L'expérience montre d'ailleurs que, lorsque le Parlement et le Gouvernement agissent de concert auprès de la Commission et auprès des autres gouvernements européens, ils peuvent aboutir.
Je puis vous assurer tout à fait solennellement, et avec confiance, que nous nous battrons pour que le droit communautaire évolue dans le sens souhaité par les auteurs de l'amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Dans l'immédiat, puisque, là aussi, le signal politique a été donné avec clarté et détermination - et j'en remercie le groupe socialiste - je demande aux auteurs de l'amendement de bien vouloir retirer ce texte, qui, à l'instant où nous en débattons, n'est pas compatible avec le droit communautaire.
M. Emmanuel Hamel. Libérons-nous du droit communautaire !
M. Denis Badré. Le droit communautaire, c'est nous qui le votons !
M. le président. Monsieur Demerliat, votre amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-88 est retiré.
Par amendement n° I-89, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 6° de l'article 278 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 6° Les livres et supports de contenu interactif, à caractère éducatif et culturel, y compris leur location. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des tarifs prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce débat est tout à fait intéressant.
Tout à l'heure, lorsque M. le rapporteur général prétendait démontrer les inconvénients des présentes baisses, je me suis permis de lui faire remarquer qu'il valait tout de même mieux diminuer la TVA que l'augmenter, comme cela avait été fait sur un plan général, quand on l'avait porté de 18,60 % à 20,60 % ! Ce à quoi il m'a répondu : « Vous avez été bien contents, vous et le Gouvernement, de trouver cet argent ! »
Il y a là une contradiction, puisque, précisément, nous commençons à diminuer cette TVA. Vous ne pouvez pas à la fois dire que nous sommes bien contents de l'augmentation de la TVA et nous reprocher de la baisser lorsque nous obtenons en effet qu'elle diminue.
M. Louis Mercier. Enlevez deux points partout, pour être crédible !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous savez combien coûte un point de TVA ?
M. Denis Badré. Quarante milliards !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On a choisi aujourd'hui une autre méthode, c'est vrai.
L'impôt indirect, on le sait bien, est l'art de plumer l'oie sans la faire crier. Cependant, quand on va trop loin, elle finit tout de même par protester, et c'est tant mieux car c'est alors que l'on peut dénoncer la manoeuvre !
Même si la baisse de la TVA coûte beaucoup, il faut tendre à diminuer autant qu'il est possible cet impôt indirect qui est parfaitement injuste, car il pèse beaucoup plus sur les petits que sur les gros.
Cela dit, il est des amendements récurrents, qui présentent cet avantage, comme nous en faisait tout à l'heure le reproche M. le rapporteur général, de créer des files d'attente - on les appelait des « queues » pendant ma jeunesse ! En ce cas, il faut prévoir des priorités, et l'examen auquel nous procédons tous ensemble doit nous permettre de prévoir quelles doivent être les priorités dans la file d'attente.
Mme Pourtaud et le groupe socialiste estiment nécessaire, c'est l'objet du présent amendement, d'appliquer, comme pour les livres, le taux réduit de la TVA aux cédéroms et autres supports interactifs de l'avenir, comme les DVD ou les CDI, à caractère éducatif et culturel.
Face à la révolution mondiale des nouvelles technologies, le cédérom doit être, au même titre que les sites français, l'un des vecteurs de la francophonie.
La France dispose d'importants atouts en termes de recherche et d'innovation, mais notre marché est encore trop étroit pour qu'elle puisse les faire valoir. Le récent rapport de Jean-François Abramatic sur le développement technique de l'internet, aux termes de la mission qui lui a été confiée par le secrétaire d'Etat à l'industrie d'alors, M. Christian Pierret, ici présent, nous confirme le retard de la France en matière de nouvelles technologies. Notre pays est à la traîne par rapport aux Etats-Unis et aux pays européens les plus dynamiques, du côté tant des entreprises que du public : on dénombre actuellement entre deux millions et demi et quatre millions d'internautes en France contre, par exemple, plus de dix millions en Allemagne. Les sites français représentent à peine 6 % des sites européens, selon ce même rapport.
En baissant la TVA sur les cédéroms, c'est donc le soutien à l'industrie française des contenus multimédias que nous proposons. La baisse de la TVA permettrait une relance générale de la consommation, pour un secteur qui, par ailleurs, a un fort potentiel de créations d'emplois.
J'ajoute que ce marché ne se porte pas si bien qu'il y paraît avec la multiplication du copiage sur les supports numériques vierges, accessibles à bas prix, entre 5 francs et 10 francs. Le Gouvernement réfléchit actuellement à des solutions comme la redevance pour copie privée, assise sur la taxation du support vierge. Il n'en demeure pas moins qu'une baisse des prix induite par celle de la TVA réduirait certainement l'intérêt de la contrefaçon.
Il s'agit également, par cet amendement, de démocratiser l'accès aux nouvelles technologies. En effet, dans le cadre du programme d'action gouvernemental pour la société de l'information, ou PAGSI, le Gouvernement a largement engagé une politique volontariste pour équiper massivement les établissements scolaires en matériels informatiques.
M. Michel Mercier. Ce n'est pas vrai ! Pas un sou !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si, monsieur Mercier !
Dans la poursuite de cette politique, il serait cohérent de faciliter l'achat de supports multimédias par les enseignants et par les élèves.
Contre cette baisse de TVA, on nous propose, depuis 1996, la directive européenne de 1992 qui fixe, dans l'annexe H, la liste des produits pouvant bénéficier d'un taux réduit de la TVA. L'année dernière, M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, affirmait dans cet hémicycle que « le Gouvernement français est très actif » sur cette question, et il poursuivait : « Nous n'allons pas nous satisfaire des réponses défavorables de la Commission européenne ».
M. Emmanuel Hamel. Encore elle !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà donc une priorité déjà reconnue, comme il convenait de le rappeler.
Il faut bien constater en effet que la plupart des oeuvres de l'esprit béneficient du taux réduit, qu'il s'agisse du livre, du cinéma ou de la presse. Le cédérom, au même titre que le disque, subit ainsi ce que j'appellerais une « discrimination fiscale ». Celui-ci est considéré uniquement comme un support et non comme un contenu culturel. Or sa valeur ajoutée est principalement de nature corporelle, car le coût du support interactif n'excède pas 4 francs, alors que le prix de vente moyen d'un cédérom était de 240 francs en 1998 ! Il est clair que la plus-value principale d'un cédérom est constituée par les droits d'auteurs, qui figurent d'ailleurs dans l'annexe H. Dans cette logique, il serait donc possible, sans modifier celle-ci, de lui appliquer le taux réduit de la TVA.
J'ajoute qu'un récent rapport de la Commission européenne propose d'appliquer le taux réduit aux produits et services ayant une valeur ajoutée à forte intensité d'emplois.
C'est précisément le cas pour les logiciels de loisirs. Les emplois induits par cette industrie sont actuellement de l'ordre de 50 000, en France, dans l'ensemble de la filière.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'aujourd'hui la directive européenne de 1992 ne peut plus nous être opposée et nous vous demandons, en conséquence, de bien vouloir voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce plaidoyer enflammé est très intéressant, mais la commission, après avoir examiné les textes applicables et la législation communautaire en vigueur, ne peut partager l'appréciation de M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a encore une certaine distance à parcourir pour modifier le droit communautaire en vigueur et faire en sorte qu'une telle mesure soit compatible avec lui.
Pour le reste, M. Dreyfus-Schmidt a repris un certain nombre de considérations habituelles sur le caractère injuste de la TVA par rapport à des impôts progressifs. Il en déduisait, à l'inverse, que les mesures de baisse ciblée allaient avantager plutôt les « petits » que les « gros ».
Mes chers collègues, prenez donc la mesure phare de baisse ciblée de la TVA sur le logement, qu'encore une fois j'approuve et que j'ai votée : il faudra bien que vous le reconnaissiez, plus on a d'argent, plus on a de résidences, et plus on a de résidences, plus on fait de travaux, et plus on fait de travaux, plus on bénéficie de la baisse du taux de 20,6 % à 5,5 %. Il ne faut pas nécessairement s'en plaindre, mais il ne faut pas non plus, monsieur Dreyfus-Schmidt, essayer de faire passer des vessies pour des lanternes. Car cette mesure que nous avons votée, qui est bonne, je le répète, et dont nous nous réjouissons pour les professionnels du logement, notamment, ne va pas, contrairement à ce que vous dites, avantager les « petits » par rapport aux « gros ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai jamais dit cela !
M. Philippe Marini, rapporteur général. A vous de gérer vos contradictions au sein de votre majorité plurielle, au sein de vos groupes ! Mais ne dites pas, de grâce, le contraire de la vérité.
Sur l'amendement n° I-89, pour les raisons de compatibilité qui ont été évoquées, la commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur Dreyfus-Schmidt, nous avons bien entendu votre plaidoyer criant de vérité et fort d'une logique économique imparable, mais, malheureusement, l'application du taux réduit de la TVA aux cédéroms et aux supports de contenu interactif serait contraire aux engagements communautaires de la France, car ils ne figurent pas sur la liste des produits que les Etats membres peuvent soumettre aux taux réduit de la TVA, quelle que soit l'information qu'ils permettent de transmettre et quel que soit leur contenu.
Il faudrait donc au préalable modifier les termes de la directive européenne. C'est ce que le Gouvernement, dans une lettre du 8 juillet 1998, a proposé. Nous avons notamment évoqué les cédéroms et les CD interactifs à caractère éducatif et culturel. On mesure d'ailleurs le soutien qu'une telle mesure apporterait à la création française et à la diffusion de la pensée française.
Mais, dans sa réponse du 31 juillet 1998, la Commission européenne a rappelé que la législation en vigueur en matière de TVA ne permettait pas d'appliquer un taux réduit à ce type de produits.
Nous essaierons donc, dans le futur, de convaincre la Commission des effets positifs d'une telle mesure. En toute hypothèse, quand bien même la Commission accepterait de prendre en considération cette demande, je rappelle que la modification de la directive communautaire requerrait toujours l'unanimité des Etats membres. Bien entendu, si l'occasion se présentait - et lorsqu'elle se présentera, restons optimistes ! - le Gouvernement suivra M. Dreyfus-Schmidt dans sa proposition qui, je le répète, est nécessaire.
Pour les rédacteurs de l'amendement, les droits d'auteur constituent l'essentiel de la valeur ajoutée des cédéroms, ce qui pourrait légitimer le taux réduit de TVA dès lors que les cessions de droit d'auteur font partie des opérations pour lesquelles le droit communautaire autorise l'application d'un tel taux.
Or, les ventes de cédéroms ne peuvent pas être assimilées à des cessions de droit, car la loi relative à la propriété littéraire et artistique définit les droits d'auteur comme les droits patrimoniaux reconnus aux auteurs d'oeuvres de l'esprit sur leurs propres oeuvres. Il s'agit des droits d'exploitation, du droit de représentation et du droit de reproduction.
La vente au consommateur final d'un support sur lequel figure une oeuvre de l'esprit constitue la livraison d'un bien meuble corporel et non une cession de droits d'auteur dès lors que la cession du bien a pour seul objet l'audition à titre privé de l'oeuvre sans que l'acheteur du bien dispose du droit d'exploiter l'oeuvre, notamment à des fins commerciales.
Je donne cette précision pour que les auteurs de l'amendement disposent de toutes les données juridiques nécessaires. Une certaine lecture de l'amendement pourrait, en effet, laisser penser que la directive communautaire ne s'oppose pas à un abaissement du taux de la TVA à 5,5 %.
En vérité, puisqu'il s'agit de support physique et non pas d'oeuvre de l'esprit, nous ne sommes pas dans un cas de figure « droits d'auteur » mais dans un cas de figure « produit physique ».
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-89.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'idée que défend en vérité Mme Pourtaud est que, dans un cédérom, l'aspect intellectuel l'emporte tout de même largement sur l'aspect matériel.
Cela étant dit, nous sommes d'accord avec le Gouvernement pour penser que le problème est de déterminer une priorité dans l'ordre de la discussion.
Prenant acte de vos déclarations, monsieur le secrétaire d'Etat, nous retirons l'amendement en l'état actuel des choses.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Merci !
M. le président. L'amendement n° I-89 est retiré.
Par amendement n° I-90, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278 bis du code général des impôts est complété par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« 7° Les supports de musique enregistrée, y compris leur location. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des tarifs prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le rapporteur général, vous m'accusez de vouloir vous faire prendre des vessies pour des lanternes. Or c'est vous qui décrivez une vessie que, pour ma part, je n'ai pas décrite.
M. Michel Mercier. Ce qui vous manque, c'est la lanterne !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai dit que l'impôt indirect est en règle générale injuste parce qu'il tombe de la même manière sur tout le monde... sauf peut-être s'agissant du caviar, qui restera cher et que peu de gens modestes seront en mesure de s'acheter.
M. Thierry Foucaud. Ce sera la même chose pour le chocolat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le choix du Gouvernement que vous avez suivi tendait, vous le savez bien, à créer des emplois, ce qui est la priorité des priorités. Cette mesure bénéficie tout de même aux petits, aux gens du bâtiment, à ceux qui étaient au chômage et qui ont ainsi trouvé un emploi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais ce sont les « gros » qui les paient !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La discussion pourrait se prolonger, mais sachez que je n'ai pas aimé vous entendre me dire que je voulais vous faire prendre des vessies pour des lanternes. Vous m'avez fait dire ce que je n'avais pas dit pour pouvoir mieux me contredire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh ! C'était dit gentiment !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'en viens à l'amendement n° I-90.
Il prévoit d'appliquer le taux réduit de TVA aux supports de musique enregistrée, autrement dit aux disques.
Il est vrai qu'il est récurrent, car le groupe socialiste, en particulier Mme Pourtaud, l'avait déjà présenté l'an dernier. Mais la réponse de M. le secrétaire d'Etat au budget, à l'époque, a laissé entrevoir une petite fenêtre d'espoir.
En effet, il avait fait part d'une remarque de la Commission européenne qui, tout en refusant pour l'instant le taux réduit, considérait que « l'application d'un taux différent au livre et au disque est susceptible de créer des distorsions de concurrence ». Vous nous direz tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, où en est la Commission de ses réflexions.
Il est certain qu'une baisse de la TVA sur le disque permettrait de considérer enfin celui-ci comme un bien culturel à part entière. Il faut bien constater qu'à la différence d'autres « oeuvres de l'esprit » comme le livre, le cinéma ou les spectacles, le disque ne bénéficie toujours pas d'un taux réduit.
La raison est bien connue, ce qui ne signifie pas pour autant qu'elle soit justifiée : le disque n'est pas répertorié dans la fameuse annexe H, qui dresse à l'échelle européenne la liste exhaustive des biens soumis au taux réduit.
Si je me permets d'insister encore une fois cette année sur ce point, c'est pour deux raisons essentielles : une telle mesure me paraît d'abord cohérente par rapport à l'objectif de démocratisation de la culture ; elle est aussi nécessaire pour l'industrie du disque, aujourd'hui menacée par le développement de la technologie numérique.
La démocratisation de l'accès à la culture est la préoccupation majeure du ministère de la culture. Il me semble que, dans la filière musicale, une baisse de la TVA de 20,6 % à 5,5 % sur le disque pourrait être l'une des mesures fortes favorisant l'accès de tous nos concitoyens à la musique.
Il est clair que le maintien d'un coût élevé du disque en raison de taxes excessives est un frein naturel à la consommation. Une baisse de la TVA permettrait de faire passer son prix de vente en dessous du seuil psychologique de 100 francs, contre 130 francs actuellement. En 1998, la moyenne d'albums achetés par an et par foyer en France n'est que de 5,5 %, soit l'un des chiffres les plus faibles d'Europe. Ce phénomène semble persister cette année, malgré une offre de plus en plus riche et diversifiée. Rappelons que le passage du taux de 33,33 % à 18,6 % en 1988 a permis le développement du répertoire francophone, avec une progression de 35 % l'année suivante.
Par ailleurs, une telle mesure semble d'autant plus nécessaire que nous sommes entrés dans l'ère numérique. Cette technologie peut être une chance pour l'industrie musicale grâce au commerce électronique. Elle est aussi une source légitime d'inquiétude pour les artistes, auteurs ou interprètes avec le développement de la copie privée et du piratage. Au premier semestre de cette année, les single, version moderne des anciens 45 tours sur lesquels n'est gravée qu'une seule chanson, ont accusé une chute brutale de 8 % à 11,5 % des ventes, provoquant pour l'industrie musicale une perte chiffrée à 64 milliards de francs dans le monde.
Grâce au fichier de compression MP 3, il est assez simple de télécharger une oeuvre musicale sur Internet. D'après une étude réalisée par le Syndicat national de l'édition phonographique, pendant le seul mois de mai 1999, 390 000 personnes auraient effectué une recherche sur Internet via cette norme et 80 % d'entre elles auraient téléchargé au moins un titre.
Quant aux CD enregistrables, ils circulent facilement dans les cercles d'amis et sont même, paraît-il, vendus sous le manteau dans les lycées. Le marché français des CD vierges audio pour l'année 1998 est en hausse d'au moins 300 %. En 1999, 90 millions de CDR, ces compacts disques vierges enregistrables - on pourrait d'ailleurs parler de disques compacts - devraient être vendus. Il est certain que le coût élevé du disque du fait de la TVA encourage les pratiques de piratage.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, Mme Pourtaud et le groupe socialiste vous présentent cet amendement.
M. Emmanuel Hamel. Une fois de plus, libérons-nous du carcan de Bruxelles ! Y en a marre !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement, qui n'est pas plus recevable que le précédent, reçoit un avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage l'avis de M. le rapporteur général.
M. Marc Massion. Quel honneur !
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Dreyfus-Schmidt ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La réponse du Gouvernement est un peu brève.
Dans la mesure où M. le secrétaire d'Etat avait bien voulu nous assurer tout à l'heure qu'il partageait notre souci quant aux cédéroms, j'aimerais savoir s'il estime normal que, à la différence des supports concurrents, les disques soient exclus du taux réduit de TVA. Sa réponse nous éclairerait sur la place réservée dans la file d'attente ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous voyez bien qu'il y a une file d'attente !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. M. Dreyfus-Schmidt m'excusera d'avoir été si lapidaire, mais j'avais cru développer, en réponse à l'excellent exposé dont il nous a gratifiés en défendant son premier amendement, la logique gouvernementale.
J'avais cru lui démontrer que le Gouvernement agissait auprès de la Commission de Bruxelles en lui demandant avec insistance et constance...
M. Emmanuel Hamel. Libérez-vous d'elle !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... d'inclure ces produits dans la logique d'une baisse de TVA.
Puisqu'elle n'est pas encore acquise, il nous faut remettre l'ouvrage sur le métier. Soyez assuré que nous le ferons avec constance, monsieur Dreyfus-Schmidt.
Sous cette réserve, je préférerais que vous retiriez votre amendement n° I-90, car j'ai expliqué tout à l'heure pourquoi il me paraissait important que le Sénat indique ses priorités. Vous avez parlé de priorités dans votre première intervention, c'est juste, et le Gouvernement les reçoit avec beaucoup de faveur. Il interviendra en temps utile avec une grande détermination à l'échelon européen pour que nous ayons, vous et nous, satisfaction. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, maintenez-vous votre amendement n° I-90 ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il suffisait, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous m'indiquiez que la position que vous avez adoptée pour le cédérom était également valable pour le disque pour qu'à l'instar de ce que nous avons fait pour les cédéroms nous retirions notre amendement relatif aux supports de musique enregistrée.
M. Emmanuel Hamel. Et Bruxelles l'emporte !
M. le président. L'amendement n° I-90 est retiré.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout à l'heure, à l'occasion de la discussion des amendements n°s I-107, I-122 et I-147, je m'étais engagé à préciser, dans un délai de quarante-huit heures, le coût de ces amendements relatifs à la formation des salariés.
Je suis en mesure de communiquer dès maintenant au Sénat le coût de ces trois amendements estimé par le service de législation fiscale : il se situe entre 510 millions et 550 millions de francs, en termes de dépense fiscale, au sens que peut prendre ce mot pour les personnes averties que vous êtes.
M. Emmanuel Hamel. C'est peu, compte tenu de nos ressources budgétaires !

9

REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR DÉCÉDÉ

M. le président. Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article L.O. 319 du code électoral M. Paul Dubrule est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de Seine-et-Marne, Alain Peyrefitte, décédé le 27 novembre 1999.
Mes chers collègues, nous reprendrons nos travaux à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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LOI DE FINANCES POUR 2000

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l'amendement n° I-177 rectifié.

Articles additionnels après l'article 3 (suite)



M. le président.
Par amendement n° I-177 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278 quater du code général des impôts est complété par les mots : "à l'exception de celles effectuées par les établissements publics de santé".
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, le taux prévu à la dernière ligne du tarif fixé à l'article 885 U du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement a pour objet d'exonérer totalement de TVA les achats de médicaments effectués par les établissements publics de santé.
Nos hôpitaux rencontrent de graves difficultés et, au cours des débats que nous avons eus lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, plusieurs d'entre nous ont insisté sur l'insuffisance de la dotation budgétaire allouée aux hôpitaux depuis des années. Puisque leurs recettes leur sont comptées, faisons en sorte que leurs dépenses soient réduites au minimum ! Il faut que les hôpitaux puissent continuer d'assurer dans les meilleures conditions possibles les soins et les traitements dus aux malades.
Enfin, je précise que cette disposition aurait un coût budgétaire limité, dans la mesure où la plupart des médicaments bénéficient déjà d'un taux de TVA de 2,10 %.
Par conséquent, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, qui est favorable à nos hôpitaux sans remettre fondamentalement en cause la politique du Gouvernement en matière de santé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Tout en comprenant les intentions des auteurs de l'amendement, la commission des finances considère que son dispositif n'est pas extrêmement clair. En effet, les collectivités publiques - donc les établissements publics hospitaliers - qui acquièrent des médicaments agréés sont d'ores et déjà soumises au taux de TVA super réduit de 2,10 %. Je me demande donc si la rédaction de l'amendement ne fragilise pas cette position.
Pour des raisons essentiellement techniques, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Le Gouvernement partage l'avis qui vient d'être formulé par M. le rapporteur général. J'ai peur que, loin de réduire - ce qui est l'objectif de Mme Beaudeau - le taux de TVA pour les médicaments, la rédaction actuelle de l'amendement n'accroisse en réalité ce taux de 2,10 % à 5,5 %. Or, c'est sans doute l'inverse que vous souhaitez, madame Beaudeau !
Dans ces conditions, je pense qu'il serait sage de vous laisser le temps de rédiger autrement votre amendement et - en attendant, je vous demande de le retirer -, afin de pouvoir, lors d'une lecture ultérieure, revenir à ce dispositif si vous le souhaitez.
M. le président. Madame Beaudeau, maintenez-vous l'amendement n° I-177 rectifié ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Chacun aura bien compris que l'objet de cet amendement était effectivement de réduire le taux de TVA sur les médicaments afin d'arriver à un taux zéro. Toutefois, effectivement, la façon dont nous l'avons présenté, en nous référant à l'article 278 quater du code général des impôts au lieu de viser l'article 280 octies dudit code, pose sans doute un problème.
J'accepte donc la proposition de M. le secrétaire d'Etat et je retire notre amendement jusqu'à ce que nous ayons trouvé un autre dispositif.
M. le président. L'amendement n° I-177 rectifié est retiré.
Par amendement n° I-173, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278 quater du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intra-communautaire, de vente, de livraison, de courtage ou de façon portant sur les prothèses auditives, les verres correcteurs de la vue, les montures, le matériel autre d'amélioration de l'audition et de la vision, prescrit médicalement.
« La liste des biens éligibles est fixée par décret. »
« II. - Les droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement a pour objet d'abaisser à 5,5 % le taux de la TVA appliquée aux prothèses auditives et aux verres correcteurs. Son adoption aurait pour avantage de réduire sensiblement le prix de produits aujourd'hui faiblement remboursés, tant par la sécurité sociale que par les régimes complémentaires.
Malgré les requêtes qui ont été exprimées par les associations concernées auprès des organismes sociaux pour assurer une prise en charge plus importante de ces produits, pourtant essentiels à la vie quotidienne de millions de Français, aucune initiative n'a été prise à ce jour.
Aussi, l'Etat, qui a la responsabilité de garantir l'accès à la santé de tous les citoyens, doit-il montrer l'exemple en facilitant l'acquisition de lunettes ou de prothèses auditives.
En outre, ce geste serait de nature à éviter des dépenses futures provoquées par le report, voire le renoncement à se munir de tels produits dans l'immédiat, entraînant une aggravation du handicap et le recours, à terme, à des prothèses plus coûteuses.
Dans un souci de justice et d'égalité de tous les assurés sociaux, nous vous demandons de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise un certain nombre de dispositifs et d'appareillages médicaux. Or, d'ores et déjà, les appareils auditifs sont assujettis au taux réduit de 5,5 % pour une très large majorité d'entre eux.
Il serait possible, selon le droit communautaire, d'aller plus loin et de soumettre au taux réduit les verres correcteurs, les montures et l'ensemble des matériels d'amélioration de l'audition et de la vision.
Dans ces conditions, il me semble utile d'entendre l'avis du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Comme je l'ai expliqué cet après-midi, nous avons consacré les marges que nous souhaitions affecter à la réduction de TVA à l'abaissement du taux applicable aux travaux réalisés dans les logements.
L'application du taux réduit de la TVA aux lunettes correctrices serait, en effet, une bonne idée. Nous ne pourrons toutefois pas accéder cette année à une nouvelle baisse de TVA, dont le coût serait de 1,5 milliard de francs. Ce serait difficilement envisageable au regard des mesures fiscales que j'ai défendues cet après-midi et de l'effort de réduction du déficit budgétaire entrepris par ailleurs par le Gouvernement.
Quoi qu'il en soit, nous retenons cette idée comme étant un projet tout à fait justifié et mobilisateur, puisque aussi bien - M. le rapporteur général vient de l'exprimer avec une grande clarté - le travail a déja été fait sur les prothèses auditives, notamment depuis la parution de l'instruction administrative du 22 juin 1999 : l'ensemble de ces prothèses, lorsqu'elles bénéficient du marquage « Communauté européenne », relèvent du taux réduit de 5,5 %.
M. Foucaud ayant manifesté l'opinion du groupe communiste républicain et citoyen et ayant été rassuré sur la volonté du Gouvernement d'étudier cette mesure le moment venu, il serait bon qu'il retire maintenant son amendement.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Notre collègue a compris qu'il lui fallait prendre place dans la file d'attente concernant l'ensemble des produits, dispositifs et prestations de services auxquels il souhaite appliquer le taux réduit !
Compte tenu de ce qu'a indiqué M. le secrétaire d'Etat, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Monsieur Foucaud, l'amendement est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. J'avais cru comprendre l'année dernière que nous étions déjà dans la file d'attente qu'a évoquée M. le secrétaire d'Etat. Mais l'attente se fait un peu longue !
Au regard des explications données ce soir sur la TVA, je crois qu'il faut rappeler deux chiffres : le présent projet de budget fait apparaître 18 milliards de francs pour les baisses de TVA et 21 milliards de francs pour la baisse du déficit. Pourquoi ne pas prendre un peu sur le déficit pour satisfaire un certain nombre de revendications sociales légitimes ?
Tel est l'objet de cet amendement, que nous maintenons donc.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-173, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est cela la sagesse ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. On n'a rien vu ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances après l'article 3. Par amendement n° I-109, MM. Ostermann, Braun, Cazalet, Chaumont, Gaillard, Oudin et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278 sexies du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % sur les opérations individualisées de construction, reconstruction, réhabilitation totale ou extension de casernements de gendarmerie réalisées par les collectivités locales et déclarées prioritaires et urgentes par le ministre de la défense mais ne faisant pas l'objet d'une subvention de la part de l'Etat.
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ainsi que par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Cet amendement, qui concerne la construction de casernements de gendarmerie, avait déjà été présenté l'année dernière.
Je me permettrai de rappeler rapidement l'évolution en matière de construction de casernements de gendarmerie : cette construction bénéficiait, avant 1994, d'une subvention de l'Etat et de la récupération de la TVA ; en 1995, elle bénéficiait d'une subvention de l'Etat mais plus de la récupération de TVA ; aujourd'hui, elle ne bénéficie plus ni de la récupération de la TVA ni d'une subvention de l'Etat, puisque les contraintes budgétaires imposées au département de la défense ne permettent plus ou permettent peu d'intervenir en faveur de la construction de gendarmeries. Par conséquent, une collectivité locale devant réaliser un casernement de gendarmerie doit être subventionnée par le département. Il s'agit quand même là d'une situation un peu particulière dans la mesure où la sécurité est une mission régalienne de l'Etat.
Par conséquent, l'amendement n° I-109 vise à prévoir une TVA à 5,5 % sur ces opérations.
M. Jacques Chaumont. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il apparaît légitime d'atténuer les efforts financiers réalisés en la matière par de nombreuses collectivités territoriales, et la mesure proposée est tout à fait correcte du point de vue du droit communautaire. Je rappelle que, l'an dernier, lors du débat budgétaire, nous avions adopté un amendement identique après avoir obtenu du Gouvernement une réponse qui n'était pas, à mon sens, d'une extrême clarté.
La commission des finances a donc émis un avis favorable sur cet amendement n° I-109.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement ne rejoint pas M. le rapporteur général et les auteurs de l'amendement dans leur élan. En effet, les travaux de construction ou ceux qui sont assimilables à une construction pour des gendarmeries sont exclus du champ d'application du taux réduit autorisé par la directive adoptée le 22 octobre 1999. Dès lors, l'application du taux réduit aux travaux visés par l'amendement est contraire au droit communautaire.
Je demande donc aux auteurs de l'amendement n° I-109 de bien vouloir retirer ce dernier.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-109.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Sur le fond, l'amendement n° I-109 est sympathique et recouvre une réalité. Seulement, comme l'a dit M. le secrétaire d'Etat - c'est d'ailleurs bien ce que je craignais personnellement, ainsi que je l'indiquais en aparté à mes amis - la directive communautaire interdit ce genre d'opération puisqu'elle n'est pas applicable à ce type de travaux immobiliers. On a fait une dérogation récente pour les grosses réparations ou les réparations dans les appartements, mais pas à cet égard.
En réalité, je souhaiterais que M. le secrétaire d'Etat veuille bien nous répondre sur un point précis afin d'éclairer les choses, étant entendu que je ne pourrai bien sûr pas voter l'amendement n° I-109, dont l'adoption nous ferait condamner à Bruxelles.
La question se pose aujourd'hui de façon très simple. Les constructions de gendarmeries ne sont plus éligibles au fonds de compensation de la TVA. On procède quelquefois - mais pas tout le temps - avec une subvention de l'Etat et un loyer versé par la gendarmerie. Si l'administration des domaines, qui évalue les loyers de l'Etat, voulait bien désormais, au moins s'agissant des gendarmeries, donner les instructions nécessaires pour que le loyer soit calculé de manière à couvrir tous les ans l'annuité de remboursement de l'emprunt, le problème serait alors réglé et l'amendement de M. Ostermann ne se justifierait plus.
Par conséquent, je souhaiterais, pour ne pas donner le signe que le Sénat est divisé sur cet amendement, qui recouvre un vrai problème, que M. Ostermann le retire et que dans le même temps, M. le secrétaire d'Etat s'engage à nous apporter une réponse sur ce point particulier de calcul du loyer. Bien entendu, il ne le peut certainement pas ce soir.
Vous me direz, bien sûr, qu'une commune n'est jamais obligée de construire une gendarmerie, puisqu'il ne s'agit pas d'une compétence communale. Mais nous savons très bien comment les choses se passent : l'obligation, à défaut d'être juridique, est morale ; la gendarmerie engage des démarches, met en avant la nécessité de procéder à des réparations au sein de la caserne, etc.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes un élu local et vous connaissez bien ces questions : je vous demande donc d'engager des réflexions sur ce sujet pendant la navette afin de pouvoir nous affirmer clairement que les loyers seront désormais calculés de manière à couvrir les annuités d'emprunt. Et le problème sera ainsi réglé.
En attendant, je serais heureux que M. Ostermann accepte de retirer son amendement. Je ne voudrais pas, en effet, que l'on donne le sentiment que le Sénat, ou plutôt le Parlement, en adoptant cet amendement, qui serait retiré ou rejeté au cours de la navette pour des raisons de directive européenne, n'a pas une vision claire de ce genre de difficulté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini rapporteur général. S'agissant de la conformité au droit communautaire, j'ai une petite bible qui est le rapport fait au nom de la commission des finances par notre collègue Denis Badré. (Très bien ! sur les travées du RPR, du groupe des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je me réfère à la fameuse annexe H, qui comporte une rubrique n° 9 ainsi libellée : « La livraison, construction, rénovation, transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale ».
M. Michel Charasse. Il s'agit de logements !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Puis, à la page 40 dudit rapport, où est rappellée la discussion intervenue dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999, le rapporteur s'exprime ainsi : « On pourrait donc en conclure implicitement qu'une telle mesure est eurocompatible, mais que son application effective se heurte à la réglementation actuellement en vigueur en France. Ainsi, seul le logement social peut bénéficier d'un taux réduit, mais l'appréciation du champ des logements sociaux relève de la souveraineté des Etats ».
Rendons à l'Europe ce qui lui appartient, conservons sur le plan national ce qui est de notre propre domaine, le domaine du législateur national. Il est tout à fait possible de considérer que les constructions de casernes de gendarmerie entrent dans le cadre de la politique sociale. Au demeurant, les logements de gendarmes sont bien des logements sociaux.
M. Michel Charasse. Pour la partie logement, mais pas pour la partie casernement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Alors, au moins pour la partie logement !
M. Michel Charasse. Il vaudrait mieux que les loyers couvrent les annuités d'emprunts ! L'amendement de M. Ostermann ne règle pas le problème !
M. Auguste Cazalet. Il a raison !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat. M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, je maintiens que la directive du 22 octobre 1999 ne permet pas une pareille baisse du taux de la TVA pour les constructions de gendarmerie.
Par ailleurs, j'informe le Sénat que la Commission, dans un rapport qu'elle a adressée à l'ensemble des Etats membres en novembre 1997, a stigmatisé l'abus auquel procédaient certains Etats membres dans la notion extensive qu'ils avaient du logement social. Nous ne pouvons donc pas considérer qu'il s'agit, dans le cas d'espèce, de logements sociaux au sens classique du terme. La directive du 22 octobre 1999 s'applique par conséquent pleinement.
Mais je suis très sensible, comme toujours, à la sagesse exprimée par M. Charasse qui, à l'instant, vient de mettre le doigt sur une difficulté. Je tiens d'ailleurs à confirmer qu'une collectivité locale ou territoriale - commune ou département - construisant une gendarmerie pour le compte de l'Etat ne bénéficie pas du FCTVA,
Par conséquent, monsieur Charasse, je crois légitime et sage de procéder aux investigations nécessaires sur le point de savoir si le loyer auquel les gendarmeries sont louées par les collectivités territoriales qui en ont assuré la maîtrise d'ouvrage et la construction ne peut pas couvrir le montant exact des frais engagés par ces collectivités terrirotiales pour cette construction. Je vous donnerai une réponse le moment venu.
Sous le bénéfice de cette avancée obtenue par les sénateurs et après avoir répondu, je crois, avec grande précision et extrême rigueur, en allant dans votre sens, je vous demande, monsieur Ostermann, de bien vouloir retirer l'amendement n° I-109.
M. le président. Monsieur Ostermann, l'amendement n° I-109 est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann. Il faut répondre à la préoccupation soulevée dans cet amendement.
J'accepte de retirer cet amendement aujourd'hui. Mais soyez assuré, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il réapparaîtra si nous n'obtenons pas de réponse satisfaisante.
M. le président. L'amendement n° I-109 est retiré.
Je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-108, MM. Ostermann, Braun, Cazalet, Chaumont, de Broissia, Joyandet, Leclerc, Murat, Oudin et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le a quinquies de l'article 279 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les prestations de restauration. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du même code. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-79 est présenté par MM. Hérisson, Amoudry, Arnaud, Huchon, Louis Mercier et Fréville.
L'amendement n° I-135 est déposé par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le a quater de l'article 279 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« a quater) La fourniture de repas à consommer sur place. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-175, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le a quater de l'article 279 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« a quater) La fourniture de repas par les entreprises du secteur de la restauration traditionnelle et consommés sur place. »
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
Par amendement n° I-81 rectifié bis, M. Hérisson, Mme Bocandé, MM. Ballayer, Baudot, Belot, Branger, Huriet, Amoudry, Arnaud, Huchon, Louis Mercier, Moinard, Marquès, Nogrix, Lorrain, Richert, Souplet et Fréville proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 281 quinquies du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 281 quinquies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 % pour la fourniture de repas à consommer sur place. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-136, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 281 nonies du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 % en ce qui concerne la vente à consommer sur place dans le secteur de la restauration. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-80 rectifié bis, MM. Arnaud, Barraux, Bécot, Bernardet, Branger, Dériot, Hérisson, Herment, Huchon, Huriet, Lesbros, Lorrain, Malécot, Marquès, Louis Mercier, Moinard, Richert, Souplet et Fréville proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Il est inséré dans l'article 279 du code général des impôts un a sexies ainsi rédigé :
« a sexies) Les prestations effectuées par les traiteurs de réception dans la limite de 50 % de leur montant ».
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-103, MM. Leclerc et Murat proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel rédigé come suit :
« I. - Il est inséré dans l'article 279 du code général des impôts un a sexies ainsi rédigé :
« a sexies) Les prestations effectuées par les traiteurs de réception. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement du taux prévu à l'article 978 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-82 rectifié, MM. Arnaud, Barraux, Bécot, Bernardet, Branger, Dériot, Hérisson, Herment, Huchon, Huriet, Lesbros, Lorrain, Malécot, Marquès, Louis Mercier, Moinard, Richert, Souplet et Fréville proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Il est inséré dans le code général des impôts un article 281 decies ainsi rédigé :
« Art. 281 decies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 % sur les prestations effectuées par les traiteurs de réception. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° I-108.
M. Joseph Ostermann. Cet amendement concerne les prestations de la restauration.
Le secteur de la restauration, en France, est soumis à deux taux de TVA différents : l'un de 5,5 % pour la vente à emporter et la livraison de repas à domicile, l'autre à 20,6 % pour la restauration à consommer sur place.
Cette situation engendre de graves inégalités au sein de la profession et entraîne de sensibles distorsions de concurrence. En outre, le taux de 20,6 % met en difficulté un certain nombre de restaurateurs qui se voient trop lourdement taxés et ne peuvent assurer ainsi la rentabilité de leurs équipements, notamment en zone rurale où les prix pratiqués sont bien souvent en deçà de ceux qui sont pratiqués par telle ou telle autre enseigne internationale.
Enfin, la coexistence de ces deux taux provoque parfois, au sein d'une même entreprise, des difficultés de comptabilité très difficilement gérables.
C'est pourquoi le présent amendement vise à assujettir le secteur de la restauration dit « traditionnel » au même taux de TVA que le secteur de la vente à emporter, soit 5,5 %.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour présenter l'amendement n° I-79.
M. Philippe Arnaud. Cet amendement va dans le même sens que celui qui vient d'être exposé. Je tiens toutefois à ajouter que l'activité qui est visée est à forte densité de main-d'oeuvre. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous considérerez cet amendement comme eurocompatible. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° I-135 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Loridant pour présenter l'amendement n° I-175.
M. Paul Loridant. Cet amendement vise à fixer le taux particulier de TVA à hauteur de 14 % pour la fourniture de repas par les entreprises du secteur de la restauration traditionnelle et consommés sur place.
Depuis de nombreuses années, les organisations professionnelles de ce secteur d'activité manifestent avec force leur souhait de voir réduire ce taux de TVA, actuellement fixé à 20,6 %, alors que, pour les ventes à emporter, il est à taux réduit.
Il nous semble opportun de répondre à cette légitime demande émanant des professionnels.
En effet, plusieurs arguments plaident en faveur de l'adoption de cette disposition.
Il s'agit, tout d'abord, de placer notre pays en situation d'égalité de concurrence vis-à-vis de nos partenaires européens que sont l'Espagne, la Grèce, le Portugal, l'Irlande. Ces pays touristiques bénéficent déjà d'un taux réduit dans le domaine de la restauration.
Chacun reconnaîtra que l'art culinaire contribue pour beaucoup à faire de la France la principale destination touristique au monde.
Un autre argument en faveur de cet amendement est la création d'emplois. Ce secteur d'activité crée en effet, chaque année, de 10 000 à 18 000 emplois.
Si, effectivement, ces emplois ont pour caractéristique d'être peu qualifiés et souvent sous-payés, nous pouvons penser qu'un taux réduit de TVA permettra, d'une part, de lutter contre le travail « au noir », et, d'autre part, de dégager des marges supplémentaires pour les salariés de la restauration.
Enfin, cette mesure fiscale serait particulièrement avantageuse pour les consommateurs, la plupart employés, ouvriers ou cadres, qui constituent l'essentiel de la clientèle des restaurants et cafés brasseries. Il n'est pas inutile de rappeler que 50 % des repas servis ont un prix inférieur à 50 francs. A défaut de payer moins cher, le consommateur pourra alors disposer d'un menu complet et de meilleure qualité.
Outre la nécessité de faire valoir le principe de non-discrimination au sein de l'Union européenne et de favoriser un secteur porteur d'emplois, il est plus que jamais indispensable de soutenir la gastronomie française à l'heure où va s'engager, à Seattle, le cycle des négociations de l'OMC, qui devraient permettre à la France de défendre son modèle agricole et alimentaire.
Cet amendement ne peut, par conséquent, que contribuer à préserver la culture du goût, de la convivialité, fondées sur des produits agricoles sains et de qualité.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à le voter le présent amendement.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° I-81 bis.
M. Philippe Arnaud. Cet amendement tend à prévoir une TVA à un taux de 14 % pour la fourniture de repas à consommer sur place. Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à l'amendement n° I-79, par lequel nous proposons un taux de 5,5 %.
M. le président. L'amendement n° I-136 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° I-80 rectifié bis.
M. Philippe Arnaud. Nous proposons un taux de TVA de 5,5 % pour l'ensemble des denrées alimentaires dès lors qu'il y a prestations, celles-ci étant le fruit d'activités d'entreprises à forte densité de main-d'oeuvre. Ce dispositif vise à éviter le recours au travail « au noir ».
M. le président. L'amendement n° I-103 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Arnaud, pour présenter l'amendement n° I-82 rectifié.
M. Philippe Arnaud. Cet amendement vise à prévoir un taux de TVA de 14 % pour les prestations effectuées par les traiteurs. Il s'agit à nouveau d'un amendement de repli.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-108, I-79, I-175, I-81 rectifié bis , I-80 rectifié bis et I-82 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces amendements traitent d'un sujet extrêmement important.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La bouche, ça compte !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est bon de rappeler que la branche de la restauration représente 800 000 emplois dans ce pays, soit un pourcentage significatif de la population active.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si l'on recherchait des baisses ciblées de TVA pour inciter à la création d'emplois, pourquoi ne pas avoir retenu le secteur de la restauration, plutôt que celui des logement ? Si je mets en balance ces deux secteurs d'activités, c'est parce que, en matière d'emploi, l'enjeu est exactement du même ordre.
En matière de services au logement, vous nous avez indiqué que l'on escomptait de la mesure envisagée de 35 000 à 45 000 créations d'emplois.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Soixante mille !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour la restauration, aux termes des analyses, la création de 40 000 à 50 000 emplois serait tout à fait concevable.
Du point de vue du coût pour les finances publiques, et ce n'est pas surprenant, l'ordre de grandeur est à peu près identique : un peu plus pour la restauration, de l'ordre de 22 milliards de francs, me dit-on, et 20 milliards de francs pour le logement.
Il est clair qu'en matière de restauration nous sommes face à une absurdité liée à la dichotomie entre, d'une part, les services de restauration rapide à emporter et de livraison à domicile, qui sont d'ores et déjà soumis au taux de 5,5 %, et, d'autre part, les restaurants traditionnels assujettis à la TVA au taux de 20,6 % à la vérité au taux de 17,5 % car il faut exclure le service de la base imposable en raison d'un texte ancien dont il est toujours fait application. Ce taux de 20,6 % s'applique également, sous conditions, à la restauration rapide sur place.
De nombreux rapports ont été faits sur ces sujets et j'ai notamment en mémoire celui de M. Edouard Salustro, à qui M. Jean Arthuis, alors qu'il était ministre de l'économie et des finances, avait confié une mission dans ce domaine.
Ces quelques chiffres et ce rappel montrent la très grande difficulté de la problématique des baisses ciblées de TVA.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement en « mettant au pot » 20 milliards de francs a fait une baisse sur un secteur disposant, en effet, d'une capacité de créations d'emplois significative. Mais au nom de quoi faut-il considérer que les emplois à créer en matière de services au logement sont plus nobles, respectables, préférables en un mot, aux emplois susceptibles d'être créés dans la restauration ? C'est emplois contre emplois pour des branches d'activité de volume analogue, ce sont des mesures susceptibles d'avoir à peu près les mêmes effets sur la conjoncture économique et sociale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, tous les amendements présentés ont des justifications extrêmement sérieuses et la commission des finances estime ne pas pouvoir choisir entre les uns et les autres.
La commission des finances estime également, M. Badré l'a montré avec beaucoup de pertinence tout à l'heure dans son intervention sur un article que, si le secteur des services au logement a été visé par la directive européenne du 21 octobre, c'est parce que tel a été le choix du Gouvernement français dans la négociation. Si le Gouvernement avait souhaité que le choix se porte sur la restauration, je pense, sincèrement, que c'est celle-ci qui aurait figuré sur la liste et non les services au logement.
M. Denis Badré. Ou les deux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, mais les deux, cela représente 40 ou 42 milliards de francs. Or un Gouvernement, même dans une période prospère, aura quelque difficulté à distribuer ainsi des dizaines de milliards de francs. N'oublions pas que notre pays enregistre toujours un solde budgétaire négatif de 215,4 milliards de francs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut être objectif !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je crois qu'il faut être objectif, les uns et les autres.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Chacun sait que lorsqu'on crée un restaurant dans n'importe quelle commune - j'ai assisté, dans ma ville, à plusieurs créations de restaurant ces derniers temps - le minimum, pour un restaurant petit ou de taille moyenne, ce sont, dès le départ, six ou sept emplois créés. Chacun sait également que, dans cette branche, les emplois créés le sont souvent au bénéfice de personnes qui ont assez peu de formation professionnelle, assez peu de qualification, assez peu de spécialisation, et donc que ces emplois favorise l'insertion économique et sociale.
C'est en vertu de cette analyse que la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur tous les amendements qui sont présentés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je rejoindrai d'abord l'ensemble des orateurs et M. le rapporteur général qui, les uns après les autres, viennent de souligner l'importance du secteur de la restauration, auquel on peut adjoindre, dans le même raisonnement, le secteur de l'hôtellerie, dans l'économie nationale.
Ce secteur est d'autant plus important que la France est devenue au fil des ans, et particulièrement au cours de ces dernières années, le premier pays touristique du monde, accueillant 65 millions à 70 millions de touristes par an.
C'est un secteur important également parce que l'hôtellerie - par ailleurs assujettie au taux de TVA de 5,5 % - plus la restauration représentent quelque 600 000 à 700 000 emplois. Il s'agit donc d'un secteur fondamental dans la bataille pour l'emploi, vous avez raison.
Le problème de la TVA au taux réduit a souvent été débattu ici : lors de la discussion des lois de finances initiales pour 1998 et pour 1999, MM. Strauss-Kahn et Sautter ont indiqué qu'en effet le Gouvernement était conscient qu'un travail devrait être engagé en vue de faciliter, pour les entreprises du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, les recrutements de personnels, pour toutes les raisons excellentes qui viennent d'être développées par M. le rapporteur général.
Si nous avons choisi, dans un premier temps, de réduire le taux de TVA à 5,5 % pour les réparations et les travaux dans les logements, ce n'est pas parce que nous privilégions le secteur du logement au détriment de celui de la restauration, mais simplement parce qu'un certain nombre d'obstacles se sont dressés contre notre volonté de travailler également à la réduction de ce taux pour la restauration.
Je veux rappeler ici la vérité historique. Lorsque ce point est venu en débat au niveau européen - application du taux réduit de TVA aux services à forte intensité de main-d'oeuvre - la France ne s'est pas opposée, loin s'en faut, à la demande de certains Etats membres tendant à l'inscription de la restauration sur la liste que j'évoquais tout à l'heure, avant la suspension de séance, liste qui a été dressée par la Commission et par les Etats membres et qu'il a été difficile d'arracher à un certain nombre de nos partenaires.
Ainsi, nous nous sommes heurtés, en ce qui concerne l'extension du taux de 5,5 % à la restauration, à la très vive opposition de certains Etat membres - je pense à la Suède, au Danemark...
M. Jacques Oudin. Et à l'Allemagne ! M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... je pense également à l'opposition résolue de l'Allemagne - si bien que, dans le compromis que nous avons néanmoins réussi à conquérir - et vous savez combien cela a été difficile - lors du conseil ECOFIN du 8 octobre dernier, la restauration ne figure pas parmi les services éligibles à la baisse de la TVA, alors que nous étions disposés à l'y inclure.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela vous a tout de même bien arrangés !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Par conséquent, sur le plan communautaire,...
M. Emmanuel Hamel. Encore et toujours !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... l'application du taux réduit de TVA aux prestations de restauration demeure, mesdames, messieurs les sénateurs, radicalement impossible du point de vue juridique...
M. Jacques Oudin. Politiquement impossible, mais pas juridiquement !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... sans contrevenir aux dispositions générales de la directive du 19 octobre 1992 relative au rapprochement des taux de TVA, qui ne nous permet pas, depuis 1992 déjà, d'appliquer un taux de TVA autre que le taux normal à la restauration.
Seuls les Etats membres qui, au 1er janvier 1991, appliquaient déjà un taux réduit à ces prestations ont été, à titre tout à fait transitoire - nous pourrions dire précaire - autorisés à le maintenir.
M. Denis Badré. C'est vrai !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La France n'est pas dans ce cas.
Cela étant, je rappelle que nous ne sommes pas les seuls à nous trouver dans cette situation quelque peu ambiguë et en effet contradictoire avec les objectifs d'emplois qui sont les nôtres, étant donné, encore une fois, l'importance du secteur de la restauration et de l'hôtellerie dans notre magnifique pays. Huit autres Etats membres soumettent les opérations de vente à consommer sur place à des taux de TVA compris entre 15 % et 25 %.
Il n'y a donc pas d'exception française dans ce domaine. On peut le regretter et je préférerais que nous nous situions dans un autre cas de figure, bien entendu.
J'ajoute que les entreprises du secteur de la restauration bénéficieront par ailleurs pleinement de la suppression progressive sur cinq ans de la part salariale de la taxe professionnelle.
J'ajoute également qu'elles bénéficieront pleinement de la réforme des charges patronales, dont on sait qu'elles vont jouer beaucoup, si ce n'est à titre principal, dans des secteurs où, du fait des qualifications rappelées tout à l'heure par M. le rapporteur général, du fait de l'existence de salaires proches du SMIC, la réduction de la charge patronale de 21 000 francs par emploi et par an lorsqu'il y a aménagement et réduction du temps de travail ; c'est le cas du secteur de la restauration et de l'hôtellerie, qui sera probablement un des principaux bénéficiaires de la mesure.
C'est pourquoi, tout en regrettant avec vous que nous ne puissions pas aller plus loin pour des raisons communautaires, pour des raisons juridiques, pour un empêchement juridiquement dirimant,...
M. Emmanuel Hamel. Toujours des raisons communautaires !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... je demande aux différents auteurs des amendements de les retirer.
Je donnerai maintenant l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-81 rectifié bis, qui est un peu différent des autres.
Le régime de TVA applicable au secteur de la restauration est fondé sur la distinction entre les ventes de produits alimentaires, passibles du taux de 5,5 %, et les ventes à consommer sur place, passibles du taux de 20,6 %, chacun le sait.
Cette différence s'explique par le fait qu'un restaurateur ne livre pas un produit : il assure une prestation caractérisée par la pluralité des services offerts aux clients.
Cette analyse a été confirmée par la Cour de justice des Communautés européennes, qui a indiqué, dans un arrêt du 2 mai 1996, que la restauration devait être considérée comme une opération unique de prestation de services.
Ainsi, les traiteurs de réceptions, qui livrent des produits et dépêchent du personnel pour apprêter les repas, pour les servir ou pour effectuer des prestations d'entretien ou de nettoyage, réalisent bien des opérations de vente à consommer sur place, qui doivent être soumises au taux normal de TVA de 20,6 %.
En revanche, les livraisons à domicile de produits ou de plats préparés qui ne s'accompagnent d'aucune mise à disposition de personnel sont soumises au taux applicable aux produits physiques eux-mêmes, soit, en règle générale, le taux réduit de 5,5 %.
Je pense vous avoir donné ainsi tous apaisements.
J'invite donc les auteurs de l'amendement n° I-80 rectifié bis, qui ont été, je l'espère, rassurés et confortés dans le bien-fondé de leur demande, à retirer leur amendement, et je me prononce contre tous les autres amendements qui ont été défendus, excellemment au demeurant. Mais je n'y peux rien, c'est la règle communautaire.
M. Emmanuel Hamel. Libérez-vous-en ! (Sourires.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Nous devons la respecter !
M. Emmanuel Hamel. Ce n'est pas drôle !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas facile de faire l'Europe ! Vous feriez mieux de nous aider, monsieur Hamel !
M. le président. Je vais mettre aux voix ces différents amendements.
M. Denis Badré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, pour encourager un secteur aussi largement porteur d'emplois à un moment où nous livrons bataille précisément en faveur de l'emploi. Cela a été dit et répété sur tous les bancs de cette assemblée, et même repris par M. le secrétaire d'Etat.
J'insisterai sur un second argument qui milite en faveur de la réduction du taux de TVA applicable au secteur de la restauration.
Comme le rappelait à l'instant M. le secrétaire d'Etat, la question est de savoir où s'arrête le produit vendu et où commence le service rendu, sachant que, selon les formes de restauration, on a un peu plus de produits et un peu moins de services, ou un peu plus de services et un peu moins de produits.
Entre la restauration traditionnelle, la restauration collective, la restauration rapide et les plats livrés à domicile par des traiteurs, il existe aujourd'hui de vraies distorsions de concurrence, de vraies difficultés liées à la délimitation des différentes formes de restauration et de vraies erreurs à corriger. Il se pose de vrais problèmes auxquels il faut trouver de vraies solutions. C'est une raison de plus pour rechercher effectivement une solution à l'ensemble de la question posée.
A terme, la seule solution serait d'aligner l'ensemble de ces formes de restauration sur le taux réduit de 5,5 % ; cela me paraît tout à fait évident. Mais il est clair que, sur le plan budgétaire, on ne peut pas faire un très gros effort à la fois sur le bâtiment et sur la restauration. C'est pourquoi, comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, la solution consisterait à demander, car nous en avons le droit, un second taux réduit de 14 % pour la restauration traditionnelle. Le coût budgétaire de l'opération serait ainsi ramené à 9 milliards de francs, ce qui est déjà plus supportable !
Encore aurait-il fallu, puisque l'annexe H interdit de passer au taux réduit pour la restauration, saisir l'opportunité de la directive sur les services à haute intensité de main-d'oeuvre. Vous n'y êtes pas parvenu. Nous nous sommes battus seuls et à vos côtés, depuis le mois de juin. Nous l'avons dit et répété au ministre chaque fois que nous l'avons auditionné en commission des finances. Je le lui ai moi-même rappelé chaque fois qu'il m'a été donné de le rencontrer lorsque je préparais mon rapport.
Malgré tout, la France s'est laissé enfermer, vous vous êtes laissé enfermer dans la définition d'une liste permettant d'appuyer la directive alors que nous préconisions la définition de critères. Ce dernier système, beaucoup plus souple, nous aurait permis d'élargir l'expérimentation. Cela n'a pas été possible. Je le regrette. A partir du moment où le principe de la liste a été retenu, vous n'avez pas pu y faire inscrire la restauration. Je le regrette également.
Les amendements qui nous sont présentés ne sont donc pas eurocompatibles, parce que nous n'avons pas pu faire en sorte qu'ils le deviennent à l'occasion de la directive dont il a été question cet été.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans la mesure où j'ai travaillé sur un rapport relatif à l'eurocompatibilité, il m'est impossible de voter l'un quelconque de ces amendements ; je me déjugerais. Je ne les voterai donc pas, tout en considérant que le problème reste entier et qu'il doit être traité.
Je vous demande donc à nouveau, monsieur le secrétaire d'Etat, comme je vous l'ai dit dans mon intervention liminaire, de tout faire pour trouver une nouvelle occasion, une nouvelle opportunité de rouvrir le dossier et de le traiter, éventuellement par étape, en passant par un taux intermédiaire de 14 %, qui permettrait de réduire le coût de l'opération et rendrait un peu moins intolérables les difficultés que rencontre l'ensemble du secteur.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Nous assistons à un débat de haute tenue et de grande qualité sur la philosopie qui doit animer notre action en matière de TVA.
C'est vrai, des principes sont à définir, des orientations politiques sont à déterminer. Monsieur le secrétaire d'Etat, quand vous nous avez dit que, juridiquement, on ne le pouvait pas, je vous ai répondu que c'est parce que, politiquement, vous n'avez pas pu. L'historique de cette affaire est quand même intéressant.
Vous nous avez donné trois arguments.
D'abord, le taux de TVA pour l'hôtellerie est à 5,5 %, celui de la restauration à emporter est de 5,5 %. Dans ces conditions, pourquoi la restauration traditionnelle serait-elle au taux majoré ? C'est illogique et incompréhensible.
Ensuite, la France est, nous avez-vous dit, la première destination touristique mondiale. La première !
Enfin, la France est également une des grandes destinations gastronomiques du monde.
Forts de ces trois arguments, nous n'avons pourtant pas été capables d'infléchir la position de nos partenaires et de les convaincre que la restauration était capitale pour nous. Vous auriez pu évoquer, à la limite, le compromis de Luxembourg !. Si la restauration n'est pas un fleuron de la France...
Vous avez choisi le secteur du bâtiment. J'ai entendu les excellents propos de notre rapporteur général. Il est vrai qu'il y avait un choix à faire. Nous ne partageons pas complètement celui que vous avez fait. N'ayant pas eu l'honneur de rédiger le rapport que M. Badré a réalisé sur l'eurocompatibilité, je voterai les amendements, et je le ferai en pleine conscience. Pourquoi ?
Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez expliqué d'une manière parfaitement limpide et claire qu'en abaissant le taux de la TVA dans le domaine du bâtiment vous aviez pour objectif de créer des emplois et de développer le chiffre d'affaires de ce secteur d'activité. Je ne suis pas certain que vous perdiez 20 milliards de francs en matière de recouvrement de la TVA dans le bâtiment. En effet, le chiffre d'affaires de ce secteur d'activité augmentant, les recettes de TVA vont elles-mêmes augmenter.
Pour la restauration, ce serait la même chose, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On mangera plus ? (Sourires.)
M. Jacques Oudin. Combien de familles ne vont pas au restaurant parce que c'est trop cher ? Abaisser le taux de TVA permettrait d'accroître le chiffre d'affaires, de développer des emplois et donc d'augmenter les recettes fiscales de l'Etat. Je vous le dis, monsieur le secrétaire d'Etat, le choix que vous avez opéré est un choix incomplet !
Je ne mésestime pas les avantages liés à une baisse du taux de TVA dans le bâtiment. Mais je considère que nous n'avons fait qu'une partie du chemin et que, pour la France, renoncer à la restauration, c'est tout de même, à terme, un mauvais calcul !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. J'ai présenté très brièvement tout à l'heure ces amendements, étant bien entendu que chacun en avait pris connaissance et en avait bien compris le sens. A l'occasion de ce débat, un certain nombre de problèmes de fond ont été évoqués, parmi lesquels celui de la qualification du principal et de l'accessoire.
En vertu d'un principe fondamental que personne n'a remis en cause, l'accessoire suit le principal. En matière de TVA, c'est donc bien le produit accessoire qui subit le taux de TVA du produit principal. En l'occurrence, pour un produit alimentaire, c'est le taux réduit à 5,5 % qui s'applique si le produit alimentaire est accompagné d'un service. Si le service de main-d'oeuvre étant lui-même soumis à un taux de TVA à 20,6 %, on considère que c'est le produit alimentaire qui devient l'accessoire par rapport au service.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en matière de restauration, qu'elle soit sur place ou à domicile, où est le principal ? N'est-ce pas le produit élaboré de restauration, le produit alimentaire, par rapport au service, à la main-d'oeuvre qui vient l'accompagner ? Lorsque les traiteurs à domicile apportent le produit alimentaire, les plats préparés, c'est cela qui importe. Le service de main-d'oeuvre n'est que l'accessoire permettant de consommer les produits alimentaires, qui sont le principal.
Je ne vous mets pas en cause, monsieur le secrétaire d'Etat, ni vous ni d'ailleurs aucun membre du Gouvernement. Mais sans doute y a-t-il eu, au fil des années, des dérives dans l'interprétation administrative, sinon je ne saurais m'expliquer cette confusion entre le principal et l'accessoire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il serait bon que vous nous disiez quel est d'après vous, dans ce domaine, le principal et quel est l'accessoire ? De cette réponse, nous pourrons en conclure quel taux de TVA doit suivre l'autre.
Par ailleurs, je crois avoir noté un large consensus entre nous, quelles que soient les travées, et vous-même afin de tout mettre en oeuvre pour régler ce problème, qui affecte effectivement des activités à forte densité de main-d'oeuvre, essentielles pour notre économie. Si le fait que ces amendements soient maintenus et votés au Sénat - même s'ils ne sont pas repris ensuite à l'Assemblée nationale - vous aidait, monsieur le secrétaire d'Etat, à convaincre nos partenaires, nous ferions une bonne oeuvre. C'est la raison pour laquelle je maintiens mes amendements.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. La discussion est un peu compliquée dans la mesure où il nous est difficile de soutenir que le choix du bâtiment est mauvais ! A partir du moment où l'on ne peut pas baisser la TVA dans les secteurs à la fois du bâtiment et de la restauration, le choix est de la responsabilité du Gouvernement, ce qu'il a fait. Ce n'est pas à nous de dire qu'il aurait mieux valu choisir la restauration et laisser tomber le bâtiment. Deux arguments plaidaient toutefois en faveur de la restauration.
Le premier est celui de l'emploi, bien sûr. Nous le savons tous, les emplois qui ont été créés aux Etat-Unis, des emplois non qualifiés surtout, l'ont été dans les secteurs de la restauration et de l'hôtellerie ! Toutes les études des économies le montrent. Cependant, il est vrai que le bâtiment, lui aussi, est intéressant sous l'angle de l'emploi.
Le second argument qui aurait pu faire pencher la balance vers la restauration, c'est la complexité incroyable du système que nous découvrons dans cette discussion - la restauration au restaurant, la restauration sur place, la restauration à emporter, les traiteurs qui livrent des plats tout préparés... - complexité qui rappelle la querelle des pâtissiers et des rôtisseurs au temps des corporations sous l'Ancien Régime !
Les choses sont ainsi : nous ne pouvons pas tout faire ; je ne sais même pas si nous pourrons voter ces amendements. Peut-être seront-ils retirés ? Certains le seront sans doute. Quoi qu'il en soit, monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous demandons tous de nous promettre solennellement que le Gouvernement, à l'occasion de la prochaine étape, mettra la priorité sur la restauration, car je conçois mal les arguments politiques particuliers qui ont fait obstacle au choix de ce secteur !
Vous avez donc choisi le bâtiment. Vous ne pouviez certes pas tout faire. Alors battez-vous, l'année prochaine, pour la restauration et promettez-nous non seulement de tout faire, mais aussi de réussir !
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Notre collègue Jacques Oudin a posé le problème de la TVA dans toute son ampleur. Personnellement, je pense qu'il existe un trop grand écart entre le taux de 5,5 % et celui de 20,6 %.
M. Michel Charasse. A qui la faute ?
M. Yves Fréville. L'écart est de un à quatre, et cette différence si importante engendre des distorsions très difficilement corrigibles.
M. Michel Charasse. Vive Juppé !
M. Yves Fréville. Personnellement j'estime que cet écart n'est pas véritablement justifié.
On avance très souvent le caractère redistributif de la TVA. Certains estiment qu'un taux de TVA faible pour les produits de première nécessité induit automatiquement une redistribution en faveur de nos concitoyens ayant les revenus les plus faibles. Toutes les analyses économiques montrent que ce n'est pas vrai. D'ailleurs, lorsqu'on a étudié les effets de la baisse de la TVA à 5,5 % sur les dépenses de logement, on s'est aperçu que cette mesure n'avait pas nécessairement un caractère redistributif. La seule façon de résoudre le problème - mais cela relève d'une responsabilité générale et collective - consistera à réduire l'écart, ce qui rendra alors les distorsions supportables.
Nous allons peut-être traiter le problème de la restauration - et je m'en réjouirai - mais, en ce cas, nous verrons apparaître immédiatement deux ou trois autres professions qui montreront qu'elles ont tout autant besoin d'une main-d'oeuvre intensive que la restauration et le logement et qui demanderont à leur tour à bénéficier d'une telle mesure. Nous ne pourrons pas garder un système comprenant des écarts de taux aussi forts.
Par conséquent, je ne pense pas que la voie à suivre soit d'essayer de ramener le taux de TVA applicable à toutes les professions à main-d'oeuvre intensive au niveau le plus bas.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien ! M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le débat de qualité qui vient de s'instaurer mérite que des réponses soient apportées aux questions posées.
Nous sommes d'accord les uns et les autres sur le fait que la restauration est un secteur porteur pour la France. Expression de la culture française, c'est une fierté nationale. Le Gouvernement est donc disposé à tout faire pour sa défense. Puisqu'il faut que je prenne des engagements en jurant sur le Gault-Millau ou sur le guide Michelin, je vais le faire : nous prenons l'engagement de continuer à travailler dans le bons sens à cet égard.
Nous ne nous sommes pas laissé enfermer, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure - le mot est d'ailleurs excessif - dans le choix d'une liste plutôt que dans celui de critères.
Nous avons amené nos partenaires à considérer comme nécessaire d'examiner ce que nous pouvions faire entre Européens pour favoriser l'emploi. Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est déjà une victoire que d'avoir obtenu de nos quatorze partenaires de l'Union européenne la possibilité, pendant une période trop courte certes, mais c'est un premier pas, de réduire les taux de TVA pour favoriser l'emploi !
Nous en étions loin avant le traité d'Amsterdam, qui a été un moment fort de prise en considération de la problématique de l'emploi dans la politique éconmique et, aujourd'hui, dans la politique fiscale.
Nous pouvons donc considérer, les uns et les autres, en tant que Français au sein de cette Union européenne qui nous tient tous à coeur,...
M. Emmanuel Hamel. Ah non !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... que nous avons fait franchir des pas décisifs ; et c'est la France qui a amené le débat, et c'est la France qui a remporté une victoire au cours de la réunion du Conseil ECOFIN du mois d'octobre.
Les faits sont là : la construction européenne se fait à quinze, elle ne se fait pas en fonction des seules inflexions politiques et des seuls désirs politiques de la France ; nous avons nécessairement besoin de conclure des compromis. Ils ne sont pas satisfaisants à 100 %, certes, mais ils ne sont d'ailleurs pas plus satisfaisants pour nos partenaires, et je pense en particulier à ceux que j'ai cités tout à l'heure, qui étaient résolument opposés et qui ont failli nous conduire au blocage lorsque la France a exigé, par une action patiente et résolue, dont les mérites reviennent à Dominique Strauss-Kahn et à Christian Sautter, de faire parvenir l'Europe à un niveau de conscience supérieur de mobilisation en faveur de l'emploi.
J'ai maintenant quelques réponses plus précises à apporter.
Monsieur Arnaud, dès l'instant qu'il y a prestation de services, il ne s'agit plus d'une vente de denrées alimentaires et donc, en fonction des règles européennes, il n'est pas possible d'appliquer le taux de 5,5 %.
Aux termes d'un arrêt de la Cour de justice - M. Hamel m'excusera de citer cet arrêt qui fleure bon l'étranger -...
M. Emmanuel Hamel. C'est la démission de la France !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... l'arrêt Faaborg-Gelting Linien gegen Finanzamt Flensburg du 2 mai 1996 - voilà un bel arrêt ! - la restauration doit être considérée comme une opération unique de prestations de services.
M. Emmanuel Hamel. Nous sommes devenus des esclaves !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur Hamel, je pensais que vous aviez suffisamment d'humour...
M. Emmanuel Hamel. Nous avons perdu notre liberté !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... pour accepter que je cite un arrêt de la Cour de justice.
M. Emmanuel Hamel. Ce n'est pas supportable ! (M. Hamel se lève.)
M. le président. Monsieur Hamel, restez parmi nous !
M. Emmanuel Hamel. Non !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur, permettez que nous citions un arrêt de la Cour de justice sans que cela emporte votre ire !
M. le président. Monsieur Hamel,...
M. Jean Chérioux. Restez avec nous ! (M. Hamel quitte l'hémicycle.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. A M. Oudin, je dirai que l'hôtellerie figure bien sur la liste de l'annexe H de la directive, que la vente à emporter est assimilée à une vente de denrées alimentaires et figure à ce titre sur l'annexe H de la même directive, mais ce n'est pas le cas pour la vente à consommer sur place.
Tout cela est du pur droit communautaire et nous ne pouvons pas nous évader de ces règles même si nous souhaitons les faire bouger petit à petit dans le sens qu'ont souhaité unanimement les sénateurs.
Le Gouvernement prend en compte les objectifs ; il continuera à se battre, mais nous sommes dans une Union européenne à quinze, dont la France est certes un élément moteur et décisif, mais au sein de laquelle elle est obligée de tisser des compromis. Nous essayons de faire en sorte que ces compromis soient de plus en plus favorables à nos activités économiques. Nous voulons qu'un jour cette activité centrale du paysage économique français soit respectée à la hauteur des espoirs qu'elle porte en elle en matière d'emplois, à la hauteur de l'image qu'elle donne de la France, image qu'elle est mesure de porter non seulement au sein de l'hexagone, mais dans toute l'Europe et dans le monde entier. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-108.
M. Joseph Ostermann. Je demande la parole pour l'explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Je ne reviens plus sur le vecteur d'emplois que sont l'hôtellerie et la restauration pour ne pas relancer le débat. Je dirai seulement que je suis étonné de ce qu'a dit M. le secrétaire d'Etat sur la position de l'Allemagne. Vivant en zone frontalière, j'ai pu me rendre compte que les Allemands font nettement plus pour leur gastronomie, pour leur restauration, pour leur hôtellerie que les Français. Je voulais l'affirmer ici.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On y mange moins bien !
M. Joseph Ostermann. Mais non, ce n'est pas mauvais !
En tout cas, le Parlement s'honorerait aujourd'hui en votant l'amendement n° I-108, qui apporterait un soutien au Gouvernement. C'est la raison pour laquelle je le maintiens.
MM. Philippe Marini, rapporteur général, et Alain Lambert, président de la commission. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Das ist eine gute Entscheidung !
M. le président. Monsieur Arnaud, maintenez-vous vos amendements ?
M. Philippe Arnaud. Compte tenu des explications de M. le secrétaire d'Etat, de sa volonté manifeste de faire aboutir cette affaire, mais également après avoir entendu les explications de Denis Badré et de la commission, je retire mes amendements, convaincu que les choses avanceront.
M. le président. Les amendements n°s I-79, I-81 rectifié bis , I-80 rectifié bis et I-82 rectifié sont retirés.
Madame Beaudeau, l'amendement n° I-175 est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-108, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3, et l'amendement n° I-175 n'a plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-91, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le b decies de l'article 279 du code général des impôts est rédigé comme suit :
« b decies) Les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité, de gaz combustible et d'énergie calorifique, distribuées par réseau public. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une hausse des tarifs prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
Par amendement n° I-178, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le b decies de l'article 279 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« b decies) Les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité, de gaz combustible et d'énergie calorifique, distribués par réseaux publics. »
« II. - La perte de recettes, résultant de l'abaissement du taux de TVA sur les abonnements aux réseaux de chaleur, est compensée par le relèvement à due concurrence du taux du prélèvement libératoire prévu au 2 de l'article 200 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Angels, pour défendre l'amendement n° I-91.
M. Bernard Angels. La loi de finances de 1999 a soumis au taux réduit de la TVA les abonnements relatifs aux distributions d'énergie et de gaz, mais elle n'avait pas étendu cette réduction aux réseaux de chaleur. Cela entraîne un traitement différencié des sources d'énergie qui nous semble inopportun.
De plus, comme de nombreuses communes sont équipées d'un réseau de chauffage urbain, leur appliquer également la baisse de TVA permettra de réduire la facture de chauffage pour environ 2,5 millions de personnes souvent modestes qui sont concernées par ce mode de chauffage.
C'est le cas, par exemple, en région parisienne, de grands quartiers d'immeubles de Sarcelles, Bagnolet, Massy, Antony.
Pour ces deux raisons, il serait logique et utile de passer au taux réduit l'ensemble des abonnements relatifs aux livraisons d'énergie distribuée par le réseau public.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-178.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Notre amendement vise à baisser le taux de TVA sur les abonnements aux réseaux de chaleur.
La géothermie, notamment, est victime d'une discrimination inacceptable par rapport aux réseaux alimentés par l'électricité ou par le gaz. Cette injustice est d'autant plus inacceptable que la géothermie est la seule énergie propre à ne pas produire de gaz carbonique, générateur pour 70 % à 80 % de l'effet de serre.
La France s'est engagée, à Kyoto, à réduire la production de gaz carbonique de 10 % d'ici à 2010. Or, actuellement, la progression est de 5 %.
Réduire la TVA à 5,5 %, c'est donc appliquer les engagements internationaux pris par la France.
Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous serez sensible à cette proposition ! La refuser, ce serait précipiter les trente-neuf sites qui subsistent sur les soixante-dix que nous comptions il n'y a pas si longtemps à la fermeture, rendant nécessaire une reconversion des chaudières au fioul ou au gaz, donc de nouveaux investissements et de nouvelles pollutions.
Ce refus serait d'autant plus incompréhensible qu'elle n'engagerait pas des crédits importants : cette réduction permettrait une économie de 600 000 francs par site, soit au total 23 millions de francs, ce qui assurerait la justice fiscale tout en recourant à l'énergie propre.
L'eau chaude est une énergie du futur qui n'est pas encore performante ni même maîtrisée. Toutefois, il ne faut pas la condamner. Permettez-lui donc de pouvoir se perfectionner, pour devenir demain une source performante.
Il serait particulièrement inacceptable que les faveurs accordées aux cogénérateurs, qui seront désormais les concurrents directs d'EDF, ne se répercutent pas sur les clients domestiques dont les foyers sont reliés au réseau public alimenté par la cogénération ou la géothermie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission partage le souci de développer les réseaux de chaleur pour des raisons tant sociales qu'environnementales évidentes. Mais il est clair que cette proposition ne peut connaître d'effets pratiques à l'heure actuelle, compte tenu du droit communautaire en vigueur.
Nous soutenons la demande formulée et nous encourageons le Gouvernement à faire évoluer la législation communautaire sur ce point, mais l'avis de la commission ne peut être favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est très sensible à l'objectif visé par l'amendement qui vient d'être défendu par M. Angels mais, contrairement aux fournitures de gaz et d'électricité, la distribution d'énergie calorifique par les réseaux de chaleur ne figure pas aujourd'hui - en disant cela, je m'engage à faire évoluer les choses - parmi les opérations que les Etats membres peuvent soumettre au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée.
Par une lettre adressée par M. Strauss-Kahn à la Commission le 7 septembre 1998, le Gouvernement a demandé d'intégrer la fourniture d'énergie calorifique dans la liste communautaire des opérations éligibles au taux réduit. Par conséquent, l'affaire est en suspens ; nous ferons pression pour aller dans ce sens.
En attendant, le groupe socialiste a raison d'insister sur cette anomalie de notre droit fiscal. Mais, pour l'instant, je pense qu'il serait sage que ces amendements soient retirés.
M. le président. Monsieur Angels, maintenez-vous votre amendement ?
M. Bernard Angels. Je le retire, comptant sur la détermination du Gouvernement à régler le problème.
M. le président. L'amendement n° I-91 est retiré.
Madame Beaudeau, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je suis obligée de le maintenir, monsieur le président, car, si l'on attend trop longtemps, il ne restera plus aucun des trente-neuf sites dont j'ai parlé.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-178, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-83, MM. Badré, Jean Faure, Herment, Arnaud, Hérisson et les membres du groupe de l'Union centriste proposent, après l'article 3, d'insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« i. Le droit d'utilisation d'installations sportives. »
« II. - La perte pour les recettes de l'Etat est compensée à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-172, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 3, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... - le droit d'utilisation des installations sportives. »
« II. - Le taux de prélèvement libératoire prévu au 6 de l'article 200 A du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
Par amendement n° I-247, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann, Trégouët, Murat proposent, après l'article 3, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le b decies de l'article 279 du code général des impôts, le c est rétabli dans la rédaction suivante :
« c) Le droit d'utilisation d'installations sportives. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-83.
M. Denis Badré. Cet amendement eurocompatible vise à soumettre au taux réduit de la TVA le droit d'utilisation des installations sportives. Cette mesure, au coût limité, présente un intérêt évident, qui a d'ailleurs été reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, par votre collègue Mme le ministre de la jeunesse et des sports.
M. le président. La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° I-172.
M. Paul Loridant. Il s'agit, par le présent amendement, d'appliquer le taux réduit de TVA au droit d'utilisation des installations sportives. En effet, à l'instar d'autres pratiques culturelles ou de loisirs, le sport devrait bénéficier d'un traitement fiscal identique.
Cette mesure aurait pour principal avantage de favoriser le développement d'un secteur qui contribue à resserrer le tissu social, fortement créateur d'emplois et favorable à l'aménagement du territoire.
A cet égard, le présent amendement permettrait de compenser en partie les pertes attendues avec le nouveau régime fiscal qui sera appliqué à partir du 1er janvier 2000 au secteur associatif, dont les ressources d'exploitation seront soumises au taux de TVA normal de 20,6 %.
Ensuite, la réduction de la fiscalité indirecte aurait pour conséquence induite un élargissement de l'assiette, donc de nouvelles recettes. En effet, nul doute que des tarifs réduits d'accès aux installations sportives susciteraient un regain d'intérêt pour la pratique sportive, notamment auprès des jeunes.
Enfin, les efforts accomplis par les localités et les municipalités pour attirer et populariser le sport et pour s'assurer une utilisation suffisante des équipements, dont les coûts sont souvent élevés, seraient confortés par cette mesure qui s'inscrit dans le cadre de la réglementation européenne en matière de TVA.
C'est pourquoi j'invite la Haute Assemblée à adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Cazalet, pour défendre l'amendement n° I-247.
M. Auguste Cazalet. Cet amendement a également pour ambition de favoriser l'accès des jeunes aux installations sportives et à la pratique du sport, qui est un puissant facteur d'intégration, en appliquant le taux réduit de TVA au droit d'utilisation des équipements sportifs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° I-83, I-172, I-247 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces amendements ont été excellemment présentés. Il est clair que ces mesures sont conformes au droit communautaire puisque l'annexe H vise des prestations de ce type. Il est non moins clair qu'elles représenteraient un coût de l'ordre de 500 millions de francs.
Dans l'exposé des motifs de l'un des amendements, le coût budgétaire de cette mesure est qualifié de « limité ». Mais l'unité est quand même assez substantielle.
Je rappelle, enfin, que toutes les installations sportives à gestion associative, c'est-à-dire une large majorité d'entre elles, ou gérées directement par les collectivités territoriales sont hors du champ d'application de la TVA.
Par conséquent, la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je rappellerai tout d'abord le droit fiscal en vigueur. Lorsque les activités sportives sont soumises à la TVA, elles le sont au taux normal. Ce sont toutes les activités à but lucratif, qu'il s'agisse de clubs de remise en forme, de clubs de golf, de clubs de tennis, etc.
Je rappellerai également, à la suite de l'excellente intervention de M. le rapporteur général, que le droit communautaire autorise, mais n'impose pas, l'application du taux réduit de TVA au droit d'utilisation d'installations sportives. En revanche, le droit communautaire fait obligation d'appliquer le taux normal de TVA aux prestations annexes, telles que la location de matériels ou les leçons d'enseignement sportif.
La mesure proposée tend à soumettre au taux réduit de TVA le droit d'utilisation d'installations sportives. A ce stade du débat, il importe de rappeler le traitement fiscal général dont bénéficient les associations.
En vertu de l'article 261.7.1°, paragraphe b , du code général des impôts, les associations ne sont pas soumises aux impôts commerciaux lorsqu'elles remplissent certaines conditions, pour être bref, lorsqu'elles sont désintéressées et qu'elles ne sont pas à but lucratif. Les critères d'appréciation du caractère lucratif ont d'ailleurs été précisés et assouplis - c'est ce qui nous intéresse ce soir -, par une instruction du 15 septembre 1998.
Par ailleurs, en application du même article, paragraphe a, du code général des impôts, les associations qui ne rempliraient pas toutes les conditions fixées par cette instruction sont susceptibles d'être exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée pour les services à caractère sportif qu'elles rendent à leurs membres.
Par conséquent, le droit en vigueur est déjà favorable à ces associations. L'instruction dont j'ai fait mention à l'instant est suffisamment libérale dans son texte et dans son esprit pour que nous ayons la sagesse d'en rester au droit positif existant.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, vous avez sollicité mon avis avant de vous prononcer. Compte tenu des apaisements que je viens d'apporter et des informations que je vous livre sur la situation fiscale des associations sportives, qui ne sont pas défavorisées, bien au contraire, je demande aux auteurs des amendements d'avoir la sagesse de les retirer. Dans le cas contraire, je demanderais au Sénat de les repousser.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur les amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un appel à la sagesse et la commission souhaite, précisément, s'en remettre à la sagesse du Sénat pour les amendements n° I-83 et I-247.
En revanche, elle émet un avis défavorable sur l'amendement n° I-172 en raison du caractère anti-démocratique et inacceptable du gage proposé !
M. le président. Monsieur Bradé, l'amendement n° I-83 est-il maintenu ?
M. Denis Badré. Je suis sensible aux arguments du secrétaire d'Etat : j'essaye donc d'être sage et je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-83 est retiré.
Madame Beaudeau, l'amendement n° I-172 est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-172, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Cazalet, l'amendement n° I-247 est-il maintenu ?
M. Auguste Cazalet. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-247 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés et qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-92 a pour objet d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le f de l'article 279 du code général des impôts est rédigé comme suit :
« f) L'ensemble des frais et honoraires exposés en justice ; ».
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
L'amendement n° I-93 tend à insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le f de l'article 279 du code général des impôts, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« f bis) L'ensemble des frais et honoraires des affaires relevant du droit de la famille. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter ces deux amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ces amendements sont récurrents puisque nous avons eu l'honneur de les présenter au Sénat en 1995, 1996, 1998...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Quelle constance !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y en a deux. L'un suit toujours l'autre ; il en est « l'accessoire », si je puis dire, puisqu'il s'agit d'un amendement de repli. Le premier amendement tend à appliquer le taux de TVA de 5,5 % à l'ensemble des frais et honoraires auxquels peuvent être soumis les justiciables ; le second vise à appliquer ce taux de 5,5 % à l'ensemble des frais et honoraires des affaires relevant du seul droit de la famille.
Je rappellerai, une fois de plus, que la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 instaurait la gratuité des actes de justice devant les juridications civiles et administratives. C'était l'aboutissement de très longs efforts.
Afin d'éviter un malentendu qui s'était instauré l'an dernier entre nous et M. le secrétaire d'Etat au budget, je dirai de nouveau qu'il ne s'agit nullement d'amendements « corporatistes », sous prétexte que j'ai eu l'honneur d'appartenir au barreau pendant quarante-quatre ans. Ces mesures ont simplement pour objet de défendre l'intérêt des justiciables.
Evidemment, les avocats peuvent avoir un intérêt au paiement de la TVA sur les frais et honoraires exposés en justice, puisqu'ils peuvent déduire celle-ci de leurs investissements et qu'ils ne paient pas la taxe sur les salaires.
En revanche, pour les justiciables, l'imposition à 20,6 % des honoraires et des frais de justice représente des sommes importantes. C'est différent en matière d'aide judiciaire où le taux de TVA s'élève à 5,5 %. Il s'agit de personnes qui gagnent au maximum la somme astronomique de 7 402 francs par mois ! Au-delà, le taux de 20,6 % est appliqué. On est bien loin de la gratuité de la justice !
Nous avions eu un espoir en 1995, lors du dépôt de nos premiers amendements, puisque M. le rapporteur général, qui se trouvait être, comme chacun le sait, M. Alain Lambert, aujourd'hui président de la commission des finances du Sénat, avait répondu ceci : « Il a semblé à la commission que la présente proposition de loi ne devait pas servir à modifier les règles qui s'appliquent en la matière autres que celles qui sont relatives au taux de la TVA. La commission s'est fixée ce principe et elle y reste fidèle. » - je remarque qu'aujourd'hui elle l'est moins - « A lui seul, il justifie le rejet de ces amendements. Néanmoins, elle n'a pas trouvé ces amendements indignes d'intérêt. Il lui semble que les dispositions qu'ils contiennent méritent d'être retenues. Aussi pourraient-elles être proposées au Sénat à l'occasion de l'examen du collectif ou, mieux encore, de la prochaine loi de finance. »
Ces propos remontent à 1995 ! Nous n'avons pas eu plus de succès en 1996 ni, je le répète, ensuite. Or, depuis, Mme le garde des sceaux a fait de nombreuses déclarations.
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet !
M. Michel Mercier. Intempestives !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par exemple, lors de la rentrée solennelle du barreau de Paris, répondant aux multiples interrogations exprimées par le bâtonnier sur l'avenir de la profession, Mme Guigou a rappelé les réformes qu'elle s'apprétait à mener. A propos de la TVA, notamment, elle s'est engagée à présenter des « propositions pour que certains contentieux touchant les justiciables les plus défavorisés puissent bénéficier d'une taxe réduite » dans le cadre de l'abaissement envisagé pour le budget de 1999.
Le 25 avril 1998, devant le Conseil national des barreaux, Mme la garde des sceaux déclarait ceci : « En matière de TVA, je vous rappelle mon engagement à faire, dans le cadre du budget de 1999, des propositions visant à faire bénéficier certains contentieux d'une taxation réduite. »
Nous attendions donc des propositions. On va me rétorquer, je le sais, que c'est « euro incompatible ». C'est d'autant plus regrettable qu'un certain nombre de pays de la communauté en sont restés au taux de TVA de 5,5 % pour l'ensemble des frais de justice et des honoraires.
M. Michel Charasse. Au taux réduit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et certains, comme nos voisins belges, ne font supporter aucune TVA aux honoraires et aux frais de justice. Puisque l'on veut construire l'Europe, il faudrait au moins que la même règle s'impose à tous !
On parle des produits de consommation courante. Je suis en désaccord avec notre collègue M. Fréville, et je le lui ai dit, dans la mesure où il ne s'agit pas de redistribution de revenus. Il importe de faire en sorte que les personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu, donc qui ont peu de moyens financiers, puissent au moins se nourrir en ne payant pas plus cher qu'ils ne le valent les produits de consommation courante. L'homme ne vit pas seulement de pain, il vit aussi de justice ! Il est normal que les justiciables soient traités de la même manière !
Nous avons tenu à insister une fois de plus auprès du Gouvernement, afin d'avoir notre carte de priorité dans la file d'attente.
Je suis sûr que la commission ne manquera pas d'appuyer cette demande pour qu'enfin l'on revienne à une justice gratuite.
M. Michel Charasse. Brillante plaidoirie !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-92 et I-93 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient en effet de faire figurer dans la file d'attente, avec une mention toute spéciale, les besoins manifestes que vous avez cités et que vous avez excellemment présentés, monsieur Dreyfus-Schmidt. Mais, de la même manière que les années précédentes, et pour les mêmes raisons, que je ne vais pas de nouveau détailler, je me dois de formuler un avis défavorable au nom de la commission des finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. M. Michel Dreyfus-Schmidt a instruit lui-même à charge et à décharge son amendement, avec le brio et la précision qu'on lui connaît.
S'agissant des justiciables les plus défavorisés, Mme le garde des sceaux a obtenu satisfaction, puisque sont soumises au taux réduit de la TVA les prestations pour lesquelles les avocats sont indemnisés totalement ou partiellement par l'Etat dans le cadre de l'aide juridictionnelle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non, non ! Cela existait depuis le début, en tout cas bien avant qu'elle soit garde des sceaux !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Elle avait donc déjà satisfaction lorsqu'elle s'est exprimée ainsi.
Les autres prestations des avocats relèvent du taux normal. Les frais facturés par l'administration judiciaire de l'Etat sont, en principe, hors du champ d'application de la TVA.
A charge et à décharge, disais-je. En effet, monsieur le sénateur, nous ne pouvons pas, en vertu du droit communautaire, appliquer un taux réduit de TVA à l'ensemble des frais de justice ; c'est regrettable. Vous avez cité l'exception belge. La Belgique devra se mettre en conformité avec le droit communautaire, quoi qu'il lui en coûte au regard de sa tradition et des usages qui prévalent dans ce pays.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, j'ai bien écouté votre démonstration et, sur le fond, j'y souscris évidemment. D'ailleurs, qui ne souscrirait pas à cette noble ambition de rendre la justice plus accessible, notamment aux plus défavorisés, par un abaissement de la TVA ? Qui pourrait ne pas partager cet élan de générosité qui est le vôtre, ce souci de justice qui est le nôtre ?
Je dois néanmoins rappeler que les prestations pour lesquelles les avocats sont indemnisés totalement ou partiellement par l'Etat, dans le cadre de l'aide juridictionnelle, ont concerné plus de 700 000 dossiers l'an dernier.
Mais j'ai bien noté que vous plaidiez en la circonstance non pas pour les avocats mais pour les justiciables.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je retiens donc que, sur le bureau, la pile des dossiers en attente qui devront être enfin traités comprendra aussi ce dossier-là.
Au bénéfice de cette attention particulière et de la convergence de notre approche, la vôtre personnellement, monsieur Dreyfus-Schmidt, et celle du groupe socialiste, et la nôtre, au Gouvernement, je vous demande de bien vouloir retirer ces amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-92.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Comme M. Dreyfus-Schmidt, j'interviendrai en même temps sur l'amendement n° I-93. Mais je souhaite surtout m'adresser au Gouvernement.
Je comprends très bien la position des uns et des autres.
M. Dreyfus-Schmidt fait preuve d'une belle constance et d'une belle persévérance dans ce domaine. C'est vrai qu'il y a sans doute quelque chose de préoccupant et d'anormal.
La position de M. le rapporteur général n'est pas anormale, celle de M. le secrétaire d'Etat non plus.
Il y a tout de même un point qui fait problème : dans son intervention, M. Dreyfus-Schmidt nous a signalé que certains pays - la Belgique - n'appliquaient pas de TVA sur les honoraires et que d'autres appliquaient des taux différents.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Je ne voudrais pas qu'en Europe il y ait deux poids et deux mesures, et que la France soit constamment acculée à des risques de procès - un jour sur la viande, le lendemain, ou la veille sur les oiseaux migrateurs... - mais que, en matière de TVA, chacun fasse ce qu'il veut. En somme, on applique ou on n'applique pas, et voilà !
Monsieur le secrétaire d'Etat, une chose est la file d'attente dont M. Dreyfus-Schmidt et M. le rapporteur général parlaient il y a un instant ; une autre chose est la situation actuelle. A défaut d'obtenir tout de suite que les avocats soient en bonne place dans la file d'attente, est-ce que le Gouvernement ne pourrait pas faire une démarche auprès de la Commission pour que les mêmes règles soient appliquées partout ? Il n'y a pas de raison pour qu'un certain nombre d'Etats passent leur temps à lancer des procédures contre la France - je pense en particulier à l'affaire des oiseaux migrateurs... éventuellement à celle de la viande... - pour nous contraindre à nous aligner sur le droit européen, au risque, sinon, d'une saisine de la Cour de justice des Communautés européennes, et que, dans un domaine fiscal aussi important et qui préoccupe tous les Etats - je veux parler des listes en matière de TVA - chacun se débrouille comme il peut. Cela ne peut pas marcher ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat.
Par conséquent, je souhaite qu'une démarche très ferme soit effectuée par la France dans ce domaine et, pour ce motif-là, que M. Dreyfus-Schmidt retire ses amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je note que Michel Charasse veut maintenant que je retire mes amendements. Je m'apprêtais à le faire, lorsque j'ai vu qu'il voulait m'apporter son aide, et c'est pourquoi je ne les ai pas retirés immédiatement.
Je dois dire que c'est habituel car déjà, le 25 novembre 1998, ici même, M. Michel Charasse avait tenu à m'apporter son appui. Aujourd'hui, il est intervenu sur un autre sujet.
Je voudrais lui répondre qu'au départ personne n'obligeait la France à fixer un taux de 18,60 %, que personne n'a obligé la France à appliquer un taux de 20,60 % ! C'est pour cette raison qu'il y a des différences.
Alors, c'est vrai, dans la construction de l'Europe, en particulier dans des matières aussi fondamentales et communes que la justice, il serait bon qu'il y ait une uniformisation de manière que les justiciables français ne soient pas pénalisés par rapport aux justiciables d'outre-Rhin ou d'outre-Manche.
Sur l'aide juridictionnelle, je vous précise, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'aide juridictionnelle totale est allouée jusqu'à un plafond de ressources mensuelles de 4 940 francs, auxquels s'ajouent quelque 562 francs par enfant, et l'aide juridictionnelle partielle jusqu'à un plafond de ressources mensuelles de 7 402 francs. Cela signifie que quelqu'un qui gagne par exemple à peine plus de 7 000 francs par mois ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle. Il devra donc, par exemple s'il divorce, non seulement régler la totalité des honoraires de son avocat, mais en outre acquitter une TVA de 20,60 %. C'est évidemment tout à fait anormal
M. Michel Charasse. On ne parle pas des PACSés, qui n'auront pas d'enfants !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pourquoi j'insisterai jusqu'à ce que j'obtienne gain de cause et, comme je suis sûr que vous commencez à être fatigués, les uns et les autres, de m'entendre sur ce sujet, je sais que vous ferez l'impossible pour m'y aider. (Sourires.)
Je retire donc mes amendements, comme je l'ai laissé entendre dès le début. J'ai remarqué que la commission a émis un avis défavorable au motif qu'ils sont euro-incompatibles, mais que, sur le fond, elle est favorable. Donc, à nous tous, nous devrions finir par y arriver !
M. le président. Les amendements n°s I-92 et I-93 sont retirés.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous invite d'ores et déjà à préparer vos amendements pour 2001 ! (Sourires.)
Par amendement n° I-271, M. Badré propose d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au h de l'article 279 du code général des impôts, après les mots : "Les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets", sont insérés les mots : "avec apport volontaire par les usagers, et dans le cas des déchets".
« II. - La perte de recettes résultant du I pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Je ne voudrais pas qu'une sorte de pensée unique ou de paresse intellectuelle amène à considérer que collecte sélective signifie obligatoirement et exclusivement tri collectif obligatoire à domicile.
L'apport volontaire, en certains points de nos communes, de déchets triés au préalable est également sélectif et permet tout autant la valorisation. Son efficacité peut même être supérieure. Dans la forme obligatoire à domicile, en effet, les erreurs ou les refus se paient très cher, par le rejet de camions entiers.
L'apport volontaire est également plus respectueux de l'environnement, puisqu'il limite les circuits de ramassage, souvent bruyants et polluants.
Le coût de l'apport volontaire est moindre, puisqu'il évite la multiplication des poubelles, laquelle reste toujours coûteuse, qu'elle soit supportée par les habitants ou par la collectivité.
L'apport volontaire présente un autre avantage : il amène nos concitoyens à faire spontanément le choix de l'environnement plutôt qu'à y être contraints, ce qui sert toujours mieux la cause de l'environnement à laquelle vous me savez, mes chers collègues, très attaché.
Il faut surtout - nous sommes au Sénat - que la liberté de choix de nos communes soit préservée et qu'elles puissent retenir chacune la formule la plus efficace, la moins coûteuse et qui leur convienne le mieux. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, nous savons qu'il y a pratiquement autant de situations que de communes.
Mon amendement tend donc à ce que la fiscalité ne défavorise pas l'apport volontaire par rapport au tri sélectif obligatoire à domicile.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une excellente suggestion, qui vient à point nommé. Elle a donc suscité l'avis favorable de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est un amendement intéressant pour l'environnement.
Je dois rappeler à M. Badré que l'article 31 de la loi de finances pour 1999 prévoit déjà l'application du taux réduit de la TVA aux prestations de collecte et de tri sélectif des déchets ménagers et assimilés ainsi qu'aux prestations de traitement de ces déchets lorsqu'elles portent sur des matériaux ayant fait l'objet d'un contrat conclu entre une commune ou un établissement public de coopération intercommunale et un organisme ou une entreprise agréés au titre de la loi de juillet 1975.
Le taux réduit s'applique quel que soit le mode de collecte, que celle-ci soit réalisée en porte-à-porte ou par apport volontaire.
L'instruction du 20 mai 1999 prévoit, dans sa section II : « Opérations concernées » que sont soumises au taux réduit de la TVA, « les prestations de collecte et de tri sélectif des déchets ménagers et assimilés. Cette collecte sélective peut être réalisée soit en porte à porte, soit en apport volontaire ». Il s'agit de l'apport volontaire par les citoyens qui déposent les déchets dans les conteneurs disposés à cet effet sur la voie publique.
M. Denis Badré. Tout à fait. C'est de cela qu'il s'agit.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cette collecte est généralement opposée à la collecte traditionnelle, qui est une collecte de l'ensemble des déchets ménagers en mélange. Le tri sélectif a, par ailleurs, l'intérêt de séparer les déchets et ainsi de faciliter leur transport et leur élimination.
Par conséquent, monsieur le sénateur, je crois que vous avez satisfaction, en particulier depuis le 20 mai 1999, le dispositif que vous proposez ayant été spécifiquement mentionné dans cette instruction.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-271.
M. Denis Badré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Oui, monsieur le président. J'ai bien entendu ce que vient de dire M. le secrétaire d'Etat. Alors que se développe actuellement un débat dans le pays sur le fait de savoir si effectivement les formules de tri sélectif obligatoire à domicile ne plafonnent pas dans leur efficacité et alors que l'on essaie de montrer que l'apport volontaire peut avoir les vertus pédagogiques que je soulignais tout à l'heure, les dispositions de l'instruction gagneraient à être énoncées clairement et explicitement dans la loi, même si, sur le fond, elles prouvent que M. le secrétaire d'Etat, qui les a citées, est bien d'accord avec moi.
Cette démarche s'impose aujourd'hui, raison pour laquelle je maintiens mon amendement si effectivement les formules de tri sélectif obligatoire à domicile ne plafonnent pas dans leur efficacité et alors que l'on essaie de montrer que l'apport volontaire peut avoir les vertus pédagogiques que je soulignais tout à l'heure, les dispositions de l'instruction gagneraient à être énoncées clairement et explicitement dans la loi, même si, sur le fond, elles prouvent que M. le secrétaire d'Etat, qui les a citées, est bien d'accord avec moi.
Cette démarche s'impose aujourd'hui, raison pour laquelle je maintiens mon amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-271, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-8, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Les prestations obligatoires de services funéraires. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du paragraphe I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-174, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les prestations de services funéraires. »
« II. - Les dispositions du dernier alinéa de l'article 978 du code général des impôts sont abrogées. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-8.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Par souci d'équité sociale, la commission propose cet amendement qui vise à réduire le taux de la TVA portant sur les prestations liées aux services extérieurs des pompes funèbres.
Cette mesure va manifestement dans l'intérêt des familles. La dépense relative aux prestations de services dont il s'agit qui intervient à un moment particulièrement éprouvant de l'existence, est en effet très lourde, et ce d'autant plus que le revenu des personnes est plus modeste.
Les services funéraires peuvent, en outre, être considérés comme des biens de première nécessité, car ils sont hélas ! indispensables et obligatoires.
Il s'agit d'une mesure manifeste de justice sociale dont le coût est estimé à 700 millions de francs. Parmi les quelques mesures auxquelles la commission des finances tient figure celle-ci, qui nous semble pouvoir être admise cette année compte tenu de la situation générale de l'économie et de l'état des rentrées fiscales.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau pour défendre l'amendement n° I-174.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La fin du monopole reconnu aux pompes funèbres se justifiait, selon ses promoteurs, essentiellement par la baisse du prix des prestations de services funéraires qui en était attendue. Or, force est de le constater, bon nombre de familles modestes connaissent toujours de réelles difficultés pour financer les frais encore trop élevés des obsèques d'un proche.
Ces coûts, chacun le comprend bien, sont le plus souvent imprévisibles et il apparaît difficile pour les petits budgets de consacrer des sommes à une dépense supplémentaire, qui, évidemment, ne sera jamais anticipée.
Le Gouvernement s'est à plusieurs reprises montré sensible à cette question, sans toutefois annoncer encore de décision concrète, telle que la réduction à 5,5 % du taux de la TVA sur les services funéraires. Ce soir, je pense qu'il le fera.
Actuellement, je le rappelle, le transport de corps effectué par les prestataires agréés est d'ores et déjà soumis au taux réduit de TVA. Il est donc, somme toute, assez logique et cohérent d'étendre progressivement cette disposition à l'ensemble des prestations funéraires.
Le coût de cette mesure, qui n'atteindrait pas un milliard de francs, ne paraît pas, en outre, exorbitant. Il pourrait être compensé par les recettes supplémentaires que procurerait le recours par les familles du défunt, à des services peut-être plus onéreux, mais à la mesure de l'hommage qu'elles souhaitent rendre au disparu.
Si cette période est le plus souvent vécue comme une épreuve douloureuse par les familles, il est néanmoins légitime qu'elles cherchent à organiser des obsèques d'une grande dignité, dans le respect de la mémoire du disparu, en dépit de moyens financiers apparemment limités. Notre amendement vise à assurer l'expression réelle de cette aspiration légitime.
Il placerait enfin la France en conformité avec la réglementation européenne en matière de TVA, puisqu'une directive de 1977 autorise l'application d'un taux réduit lorsqu'il s'agit de services par les entreprises de pompes funèbres et de crémation.
J'espère donc que cette proposition du groupe communiste républicain et citoyen ne restera pas une fois de plus un voeu pieux et recueillera l'approbation du Sénat. Je crois qu'un vote unanime grandirait notre Haute Assemblée. Le Gouvernement s'honorerait s'il voulait bien l'accepter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-174 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est défavorable, car le gage ne me paraît pas acceptable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n° I-8 et I-174 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ces deux amendements ne sont dépourvus ni d'une certaine logique, ni d'une certaine générosité.
Une chose m'étonne toutefois, monsieur le rapporteur général. Après avoir, au nom de la commission des finances, critiqué tout à l'heure cette sorte de file d'attente et cette somme d'objets fiscaux successivement susceptibles de bénéficier du taux réduit de la TVA, après vous être étonné de voir cette liste s'allonger strate après strate, voilà que vous participez à votre tour à ce mouvement funeste. (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la dernière étape !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Certes !
Malgré le désir de vous faire plaisir et de succomber à la générosité qui a inspiré ces deux amendements, je suis au regret de dire que nous avons naturellement été obligés de choisir. Il a fallu déterminer des priorités et se placer dans la perspective de l'emploi. Contraints de choisir, avec les 20 milliards de francs d'allégements de TVA, ceux que nous allions privilégier dans un premier temps, nous avons dû écarter une somme de petites mesures de ce type effectivement tout aussi légitimes les unes que les autres dans une perspective de générosité fiscale au service d'une cause sociale.
Je demande le rejet de ces deux amendements parce que nous avons opéré des choix dictés par une priorité qui s'appelle l'emploi.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Quel coeur de pierre ! (Sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-8.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Ce soir, on mange au restaurant, on trie ses ordures, on perd la vue, on a froid, on plaide, on meurt... Qu'est-ce qui manque ? (Sourires.)
M. le président. Vous avez oublié le chocolat, monsieur Charasse !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Et la margarine !
M. Philippe Marini. rapporteur général. On participe à l'issue fatale !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-8, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3, et l'amendement n° I-174 n'a plus d'objet.

Article 3 bis



M. le président.
« Art. 3 bis . - Il est inséré, après le troisième alinéa du 3 de l'article 287 du code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« S'il estime que la taxe due à raison des opérations réalisées au cours d'un trimestre, après imputation de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux biens constituant des immobilisations, est inférieure d'au moins 10 % au montant de l'acompte correspondant, calculé selon les modalités prévues au deuxième alinéa, le redevable peut diminuer à due concurrence le montant de cet acompte, en remettant au comptable chargé du recouvrement, au plus tard à la date d'exigibilité de l'acompte, une déclaration datée et signée. Si ces opérations ont été réalisées au cours d'une période inférieure à trois mois, la modulation n'est admise que si la taxe réellement due est inférieure d'au moins 10 % à l'acompte réduit au prorata du temps. » - (Adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un i ainsi rédigé :
« i) Jusqu'au 31 décembre 2002, les prestations de services fournies par des entreprises agréées en application du II de l'article L. 129-1 du code du travail. »
Par amendement n° I-94, M. Mauroy et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par cet article pour le i de l'article 279 du code général des impôts par une phrase ainsi rédigée : « Les services d'aide à domicile agréés qualité au titre de l'article L. 129-1 du code du travail, gérés par les centres communaux d'action sociale, demeurent exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée. »
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Il s'agit d'un amendement de précision, présenté par M. Mauroy. Il pose le problème de l'avenir des centres communaux d'action sociale, les CCAS, dans le nouveau système de TVA issu de l'article 4, qui prévoit de porter à 5,5 % le taux de TVA sur les services à la personne fournis par les entreprises agréées.
Cette baisse de TVA traduit notre volonté de réduire cet impôt sur certains services. Il s'agit là de la deuxième possibilité ouverte par Bruxelles. Le régime des entreprises va donc se rapprocher de celui des associations à but non lucratif, qui bénéficient d'une exonération de la TVA. Le secteur de l'aide à domicile devrait se développer, ce qui est très bien, mais dans un contexte de concurrence nouvelle. Cette évolution ne manquera pas d'entraîner des conséquences pour le secteur associatif et pour les CCAS, ce qui suscite quelques craintes quant à la situation de ces dernières ! En dépit du caractère de gestion désintéressée de ces services, on peut en effet redouter une assimiliation inadaptée.
Il apparaît donc essentiel que soit expressément indiqué dans la loi que les services d'aide à domicile gérés par les CCAS sont exonérés de la TVA, au même titre que les associations agréées à but non lucratif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette précision paraît à la fois utile et conforme à l'esprit de l'article 4. La commission est donc favorable à l'amendement n° I-94.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Les centres communaux et intercommunaux d'action sociale sont placés hors du champ d'application de la TVA pour les services d'aide à domicile visés à l'article L. 121-1 du code du travail. Vous proposez de faire également bénéficier d'une exonération de TVA les centres communaux d'action sociale qui disposent d'un agrément qualité.
Je suis bien entendu sensible à cette proposition. Mais, aux termes de l'article 256 B du code général des impôts, les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la TVA pour l'activité de leurs services sociaux.
Dans ces conditions, les établissements publics communaux administratifs ou intercommunaux administratifs qui disposent d'un agrément qualité sont placés hors du champ d'application de la TVA au titre de leurs services d'aide à domicile visés par l'article L. 121-1 du code du travail.
M. Mauroy et le groupe socialiste ont cependant raison de me demander de rappeler ce principe dans l'instruction administrative qui commentera l'ensemble du dispositif.
L'amendement était donc nécessaire. Il apparaîtra ainsi au Journal officiel que le champ d'application de la mesure sera précisé par l'instruction qui est en cours de rédaction. Ainsi, M. Mauroy et le groupe socialiste ont-ils satisfaction (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. le président. Monsieur Demerliat, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-94 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté).

Article 4 bis



M. le président.
« Art. 4 bis . _ Le d bis du 1° du 5 de l'article 261 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« d bis. Toutes les cessions effectuées par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural au titre de l'article L. 141-1 du code rural, dont la destination répond aux dispositions dudit article et qui sont assorties d'un engagement de l'acquéreur pris pour lui et ses ayants cause de conserver cette destination pendant un délai de dix ans à compter du transfert de propriété.
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent qu'aux cessions de biens acquis postérieurement à la date de publication de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social ; ». - (Adopté.)

Article 5



M. le président.
« Art. 5. _ I. _ Le code général des impôts est ainsi modifié :
« A. _ 1° L'article 1594 D est ainsi rédigé :
« Art. 1594 D . _ Sauf dispositions particulières, le taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement prévu à l'article 683 est fixé à 3,60 %.
« Il peut être modifié par les conseils généraux sans que ces modifications puissent avoir pour effet de le réduire à moins de 1 % ou de le relever au-delà de 3,60 %. » ;
« 2° Au deuxième alinéa de l'article 1594 E, les mots : "et au troisième alinéa du I de l'article 1594 DA, les taux en vigueur sont reconduits" sont remplacés par les mots : ", le taux en vigueur est reconduit" ;
« 3° L'article 683 bis est ainsi modifié :
« a) Au premier alinéa, le taux : "2,60 %" est remplacé par le taux : "2 %" ;
« b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
« 4° Au I bis de l'article 809 et au III de l'article 810, le taux : "2,60 %" est remplacé par le taux : "2 %";
« 5° Au deuxième alinéa de l'article 1043 A, les mots : "aux taux prévus par les articles 1594 D, 1594 DA ou 1594 F quater " sont remplacés par les mots : "au taux prévu à l'article 1594 D";
« 6° Les articles 1594 DA et 1594 F quater sont abrogés.
« B. _ 1° Dans le tarif figurant à l'article 719, le taux : "6 %" est remplacé par le taux : "3,80 %" et le taux : "9 %" est remplacé par le taux : "2,40 %";
« 2° Au premier alinéa de l'article 722 bis, le taux : "6 %" est remplacé par le taux : "3,80 %";
« 3° Au I bis de l'article 809, les mots : "aux taux de 2 % ou 8,60 % prévus par le" sont remplacés par les mots : "au tarif prévu par le premier alinéa du";
« 4° Le III de l'article 810 est ainsi modifié :
« a) Au premier alinéa, le mot : "taux" est remplacé par le mot : "tarif" et les mots : "à 8,60 %" sont remplacés par les mots : ", selon le tarif prévu à l'article 719,";
« b) Au quatrième alinéa, les mots : "de 2 % ou de 8,60 %" sont remplacés par les mots : "prévu au premier alinéa".
« II. _ Les dispositions du A du I s'appliquent à compter du 15 septembre 1999.
« Par dérogation à l'alinéa précédent, les dispositions de l'article 1594 DA du code général des impôts demeurent applicables jusqu'au 31 mai 2000 en tant qu'elles concernent des immeubles situés dans les départements dans lesquels le taux prévu au I du même article et exigible au 1er juin 1999 est inférieur à 3,60 %.
« Les dispositions du B du I s'appliquent aux actes passés et aux conventions conclues à compter du 15 septembre 1999. »
Par amendement n° I-61 rectifié, MM. Michel Mercier, Badré et les membres du groupe de l'Union centriste proposent :
A. - De compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La compensation, au titre de 2000, de la perte de produit fiscal résultant pour les départements des dispositions du présent article et de l'article 39 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) est déterminée, dans les conditions prévues par le deuxième et le troisième alinéas de l'article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales, en prenant en compte le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement résultant, en 2000, des dispositions du premier alinéa de l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la revalorisation de la compensation de la baisse des droits de mutation versée aux départements est compensée par un relèvement à due concurrence des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Depuis de nombreuses années, les gouvernements ont tendance à diminuer dans les ressources des collectivités locales la part des impôts locaux, qui sont écrêtés ou qui voient leur assiette ou leur taux abaissés. Les gouvernements ont également tendance à remplacer cette part par des allocations compensatoires. Cette tendance s'accentue de plus en plus.
L'an dernier, deux exemples l'ont illustrée : les droits de mutation perçus par les régions et la part salaire de la taxe professionnelle perçue par l'ensemble des collectivités locales ont été affectés par cette évolution.
Non contente d'aller dans le même sens, la loi de finances pour 2000 accentue cette tendance puisque les droits de mutations désormais perçus par les départements sont également touchés par le plafonnement des taux.
Il est à noter que ce plafonnement de taux n'influence guère le marché, puisque la diminution de 25 % des droits de mutation décidée par le gouvernement précédent n'avait nullement relancé le marché, qui s'accommode fort bien des taux actuels.
Ce choix du Gouvernement se justifie essentiellement par l'inadaptation des impôts locaux au monde dans lequel nous vivons. Sur ce point, nous pouvons probablement suivre le Gouvernement.
Mais nous sommes confrontés au problème de l'actualisation de l'allocation de compensation. Dans le projet de loi de finances initial pour 2000, le Gouvernement avait prévu un système d'indexation identique pour l'allocation de compensation de la part salaire de la taxe professionnelle et pour l'allocation de compensation de l'effet limite du taux des droits de mutation.
Or, lors de la discussion de la loi de finances à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est rendu aux arguments avancés par nos collègues députés, qui lui ont fait remarquer que l'on ne pouvait pas prendre comme mesure de l'indexation le taux d'évolution de la DGF après les opérations internes propres à la DGF, qu'il s'agisse d'opérations de régulation ou de recalage, mais qu'il convenait de prendre comme index de variation de l'allocation de compensation la DGF avant que ces deux opérations soient réalisées.
Je suis sûr que le Gouvernement souhaite que ces deux allocations de compensation soient soumises au même régime et qu'il n'y ait pas un système d'indexation pour la part salaire de la taxe professionnelle et un autre pour la compensation des droits de mutation.
L'amendement que je vous présente ce soir vise en fait à réparer un oubli. Je suis sûr, en effet que, devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait la volonté de traiter de la même façon les deux allocations de compensation, comme il l'avait fait dans le projet de loi de finances initial.
Cet amendement n° I-61 rectifié vise donc simplement à aligner les conditions d'indexation de la compensation de la baisse du taux des droits de mutation sur les règles relatives à la taxe professionnelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est très favorable à cet amendement, qui a été présenté de manière extrêmement complète, didactique et convaincante.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je crains, monsieur le président, monsieur le sénateur, que, sous couvert de parallélisme avec la réforme de la taxe professionnelle, nous ne remettions en cause les principes généraux de la décentralisation.
Les lois de décentralisation de 1983 ont en effet fixé le principe de la compensation intégrale des charges transférées par l'attribution de ressources équivalentes aux dépenses effectuées à la date du tansfert. Cette compensation évolue ensuite chaque année comme la dotation globale de fonctionnement.
La compensation de la réforme de la taxe professionnelle est sans rapport avec la compensation des modifications apportées à la fiscalité transférée. Etrangers l'un à l'autre, les deux sujets ne sauraient être valablement comparés.
Si le Gouvernement a accepté l'amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui fixe une indexation pour 2000 de la compensation relative à la réforme de la taxe professionnelle à 2,05 % au lieu de 0,821 % prévu par l'article 44 de la loi de finances pour 1999, c'est parce que la question de l'indexation de cette compensation a rapidement constitué une préoccupation importante pour un certain nombre, je dirai même pour un grand nombre d'élus locaux.
Mais je souhaite que nous restions sur une compensation qui évolue comme la DGF en ce qui concerne les droits de mutation à titre onéreux et que nous ne débordions pas, sans logique véritable, je le dis très sérieusement, sur une autre compensation qui n'a rien à voir avec l'objet de celle qui était prévue lorsque, par les lois de 1983, nous avons mis en oeuvre la décentralisation et les compensations afférentes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Permettez-moi simplement un très bref complément : nous constatons que l'indexation de la compensation de la baisse des droits de mutation est très défavorable par rapport à l'évolution des bases, comme l'a démontré notre collègue Michel Mercier. De plus, pour l'année 2000, cela conduirait à une évolution inférieure aux prévisions d'inflation.
Nous voyons bien que l'ancienne ressource affectée aux départements, qui était dynamique, est remplacée par une ressource dont le montant diminue en francs constants ! Est-ce acceptable, monsieur le secrétaire d'Etat ? Est-ce conforme aux principes de la décentralisation ?
Je crois que l'amendement qui est proposé rectifie la situation dans le sens de l'équité.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-61 rectifié.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le secrétaire d'Etat, on ne peut pas, aujourd'hui, compenser une recette fiscale qui évolue dans les conditions que l'on sait par une allocation qui évolue de 0,8 % seulement ! Par ailleurs, l'ensemble de la fiscalité des droits de mutation n'est pas une fiscalité transférée : une part appartenait déjà aux collectivités locales avant les lois de décentralisation et la règle de droit que vous avez rappelée ne peut donc pas s'appliquer.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, tout en comprenant bien la position du Gouvernement, je voudrais dire amicalement à M. le secrétaire d'Etat - et, à travers lui - au Gouvernement tout entier que la suppression progressive d'un certain nombre de ressources fiscales et leur remplacement par des compensations forfaitaires versées par l'Etat, donc par des dotations, finira par être un jour mise en cause par le Conseil constitutionnel, et ce pour une raison très simple : le principe de libre administration des collectivités locales affirmé par l'article 72 de la Constitution suppose que cette liberté puisse s'exercer ; or elle ne peut s'exercer qu'à la condition que les collectivités puissent elles-mêmes fixer les taux de leurs ressources, que ce soit en totalité ou en partie, car il peut y avoir aussi des droits affectés.
Le système qui consiste à remplacer progressivement les ressources fiscales par des compensations est tel qu'un jour ou l'autre on sera dans une situation où les compensations représenteront plus de la moitié de ce qu'étaient les ressources fiscales, et là se posera le problème constitutionnel.
Pour ce qui est de l'amendement de M. Mercier, au fond, le problème ne se pose pas tellement pour l'année 2000...
M. Michel Mercier. Dès 1999 !
M. Michel Charasse. Non ! Compte tenu du décalage entre le versement et le moment où les conseils généraux perçoivent les droits de mutation, le problème se posera, en réalité, en 2001. Et je ne peux pas dire à l'avance qui aura alors raison, du rapporteur général et de M. Mercier, d'une part, ou du secrétaire d'Etat, d'autre part. Tout cela dépend de l'évolution du marché immobilier et de beaucoup d'autres éléments.
Lorsque M. le rapporteur général écrit, dans son rapport, à propos de l'article 5, qu'il s'agit d'une ressource très évolutive, il a raison depuis que le marché de l'immobilier a repris et marche bien ! Mais tout le monde sait - et M. Mercier mieux que d'autres, puisqu'il préside un conseil général très important - qu'il suffit que le marché immobilier dégringole pour que immédiatement, les ressources des conseils généraux s'en ressentent !
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut faire très attention, parce que les ressources des conseils généraux sont fragiles et que les charges qu'ils assurent, à des titres très nombreux, sont très lourdes : nous aidons les emplois-jeunes, nous devons faire face aux services des sapeurs-pompiers, qui sont extrêmement pesants, etc. Tout cela fait que nous ne pouvons pas ne pas être vigilants à l'égard de l'évolution de nos ressources !
C'est pourquoi, monsieur le président, je propose de sous-amender l'amendement de M. Mercier. Je pense, en effet, que c'est dans un an qu'il faudra se retrouver pour voir ce qu'il en est ; pour le moment, je suis enclin à faire confiance au Gouvernement - M. Mercier me trouvera peut-être très optimiste ! - en ce qui concerne la compensation de l'année 2000.
M. le président. Monsieur Charasse, pardonnez-moi, mais il n'est plus possible de déposer d'amendement ou de sous-amendement au moment des explications de vote !
M. Michel Charasse. Mais j'étais en train de m'exprimer contre l'amendement de M. Mercier ! (Rires.)
M. le président. Monsieur Charasse,...
M. Michel Charasse. Je vous ai demandé la parole pour m'exprimer contre !
M. le président. ... vous êtes le troisième à prendre la parole, après M. le rapporteur général et M. Mercier. Vous ne pouvez pas vous exprimer contre, car, dans ce cas, vous auriez parlé le premier !
M. Michel Charasse. J'avais levé la main ! Mais vous avez d'abord donné la parole à M. Mercier, monsieur le président...
M. le président. Je n'imaginais pas que M. Mercier allait s'exprimer contre l'amendement qu'il présentait !
M. Michel Charasse. Mais il voulait peut-être le retirer ! (Sourires.) Ne m'obligez pas à me quereller avec mon collègue Michel Mercier pour une préséance que je n'ai pas recherchée !
M. le président. Allons ! Exceptionnellement, monsieur Charasse, je vous autorise à déposer un sous-amendement !
M. Michel Charasse. Je vous remercie de cette immense bienveillance, monsieur le président, qui est la contrepartie de ma maladresse.
Je propose donc de sous-amender l'amendement n° I-61 rectifié, en remplaçant les mots : « au titre de 2000 » par les mots : « au titre de 2001 et des années suivantes », puis en rédigeant comme suit la fin du texte présenté par l'amendement n° I-61 pour compléter l'article 5 : « en prenant en compte... un taux d'évolution qui sera fixé par la loi de finances pour 2001. »
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° I-294, présenté par M. Charasse, et tendant :
A) Dans le texte proposé par l'amendement n° I-61 pour compléter l'article 5, à remplacer les mots : « au titre de 2000 » par les mots : « au titre de 2001 et des années suivantes » ;
B) Après les mots : « en prenant en compte », à rédiger comme suit la fin du texte proposé par l'amendement n° I-61 pour compléter l'article 5 : « un taux d'évolution qui sera fixé par la loi de finances pour 2001. »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ? M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sous-amendement transforme un amendement de première partie en un amendement de seconde partie, puisque, ainsi modifié, celui-ci n'aura plus d'incidence sur le solde de la loi de finances de 2000.
Je considère que l'amendement Michel Mercier « pur », si j'ose dire, offre une garantie plus tangible et plus solide dès l'année 2000 aux collectivités territoriales.
M. Michel Charasse. Mais il ne survivra peut-être pas à l'Assemblée nationale !
M. Michel Mercier. C'est sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne sais pas ! J'espère que, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, la configuration politique sera différente, même si je n'ai aucune certitude en ce domaine...
Quoi qu'il en soit, autant présenter des propositions claires et il me paraît préférable d'en rester à la version de notre collègue Michel Mercier, d'autant plus que la critique que nous émettons à l'encontre de la compensation c'est que, dans une période de redémarrage du marché immobilier, elle conduit les collectivités territoriales qui étaient bénéficiaires des droits de mutation à ne profiter en rien de ce redémarrage du marché immobilier. Par le jeu des dates et compte tenu de la conjoncture, la pénalisation est d'autant plus forte que l'on a un marché immobilier porteur et qu'il y a beaucoup plus de transactions. Quand l'année 2000 sera terminée, tout cela sera donc perdu pour les départements.
Il me semble donc préférable d'en rester à la proposition initiale de M. Mercier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° I-294 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je tiens à apporter deux précisions aux différents orateurs qui se sont exprimés.
D'abord, en ce qui concerne les droits de mutation à titre onéreux, il y a en effet - et il faut que vous le preniez en compte, mesdames, messieurs les sénateurs - un effet volume, M. le rapporteur général vient de l'évoquer : les collectivités locales vont bénéficier de la croissance économique, et donc de l'effet d'entraînement de cette dernière sur les mutations à titre onéreux. Les collectivités locales vont également bénéficier de l'abaissement des droits de mutation à titre onéreux qui résulte de la politique du Gouvernement, ce qui est important dans un marché qui est vraiment en croissance, témoignant ainsi de la confiance des Français dans l'avenir, grâce à la politique du Gouvernement.
Par ailleurs, M. Charasse a été évoqué tout à l'heure le très important article 72 de la Constitution. Je veux le rassurer : si je ne me trompe, le Conseil constitutionnel a eu à décider de la conformité à la Constitution de la loi du 2 mars 1982. Or, s'il a censuré un certain nombre de dispositions de ce texte, il n'a pas considéré que l'article 72 de la Constitution était violé, notamment par le système d'indexation de la compensation. Il a donc explicitement admis que le principe de l'indexation retenu par le Gouvernement ainsi que la compensation du transfert de charges étaient conformes à la Constitution, donc conformes à l'article 72 aux termes duquel les collectivités locales s'administrent librement.
M. Michel Charasse. Sous réserve de l'approbation de la commision d'évaluation des charges !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Michel Charasse. Or, chaque fois que cette dernière a donné un avis défavorable, le Parlement a procédé aux ajustements nécessaires.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout à fait, mais abonder dans votre sens revient à critiquer au fond le moyen que vous aviez soulevé voilà quelques minutes.
M. Michel Charasse. Les charges ne sont pas comprises !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'article 72 est bien respecté lorsque le Gouvernement prétend maintenir et le principe de la compensation des transferts tel qu'il résulte de la loi du 2 mars 1982 et le principe de son indexation tel qu'il résulte de la pratique constante de tous les gouvernements. Or cette indexation a toujours été, jusqu'à présent, alignée sur l'évolution de la dotation générale de fonctionnement.
Dans ces conditions, votre sous-amendement, monsieur Charasse, m'inspire la même hostilité qu'à M. le rapporteur général, car vous avez l'intention de ne pas limiter la surindexation à 2000 et d'en faire un principe général à partir de 2001, ce qui désorganiserait le système de transfert et le mécanisme de l'indexation.
Je pense, comme M. le rapporteur général, qu'il faut en rester au principe de l'indexation sur la DGF, principe clair et simple qui a été approuvé par le Conseil constitutionnel.
Je demande donc au Sénat de repousser et l'amendement et le sous-amendement. M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° I-294.
M. Michel Mercier. Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je suis hostile à ce sous-amendement car il ne permet pas de résoudre le problème qui se posera aux collectivités locales dès 2000.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais, en toute sérénité, vous poser la question suivante : pouvez-vous nous indiquer quelles sont les conséquences de cette mesure pour chacun des cent départements français, en termes de pertes de recettes ?
En 2000, les départements percevront des recettes très sensiblement inférieures à celles qui leur ont été versées en 1999 !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Avec l'effet volume, ce sera supérieur !
M. Michel Mercier Non, monsieur le secrétaire d'Etat ! Le gouvernement précédent a déjà procédé ainsi et cela n'a pas marché. Vous ne pouvez pas réduire un droit de 25 %, nous dire que l'on compense 25 % par 0,8 % et que l'on percevra plus que l'année précédente ! Les départements vont donc subir des diminutions de recettes.
Je vous pose alors une question précise, monsieur le secrétaire d'Etat : si les départements ont des recettes inférieures, le Gouvernement s'engage-t-il à compenser la perte au moins à due concurrence des recettes de 1999 ?
Si vous me dites oui, l'affaire est presque réglée ; si vous me dites non, je crois qu'il est de notre devoir de défendre au moins le niveau de 1999 pour les recettes des collectivités locales alors que leurs dépenses vont augmenter, qu'il s'agisse de la CNRACL, des traitements des agents locaux, etc. Ainsi, le département que je représente ici verra ses recettes diminuer de plusieurs dizaines de millions de francs.
Je souhaite avoir une réponse claire sur ce point !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'a pas à compenser des recettes pour les collectivités locales (M. Michel Mercier s'exclame) , recettes dont j'affirme qu'elles seront supérieures, par l'effet volume que j'ai mentionné dans ma dernière intervention.
Avec le dispositif d'indexation proposé par le Gouvernement, les collectivités locales auront plus en l'an 2000 que ce dont elles bénéficiaient en 1999.
M. Michel Mercier. Mais non !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Elles pourraient avoir, avec une indexation à 2,05 %, encore plus. Mais, de toute manière, elles auront plus en l'an 2000 qu'en 1999.
Je propose d'en rester là, car les départements concernés bénéficieront de recettes supplémentaires. Certes, vous souhaiteriez que ces recettes soient encore plus élevées. (M. Michel Mercier fait un signe de dénégation.) Pour ma part, je propose d'en rester à une augmentation qui me paraît raisonnable et suffisamment confortable pour les départements.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° I-294.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. J'avoue que je ne comprends pas toutes les subtilités du débat sur ce problème des droits de mutation. Je ferai deux remarques : l'une sur la base de compensation, l'autre sur le taux d'indexation.
Pour le Gouvernement, la base de compensation est l'année 1998. Si je comprends bien, la difficulté au regard de la base de l'année 1999 tient au fait que le Gouvernement prend en compte la baisse des droits de mutation qui intervient à la date à laquelle le projet de loi de finances a été rendu public, c'est-à-dire aux alentours du 15 septembre.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est la deuxième ! Il y en a déjà eu une l'année dernière !
M. Yves Fréville. Je parle de celle de cette année !
Comme il y a une baisse des droits de mutation pour les mois d'octobre, de novembre et de décembre, le montant des droits encaissés en 1999 sera inférieur à celui de l'année 1998, mais tout simplement parce que la baisse intervient au 15 septembre. Le raisonnement du Gouvernement me paraît donc quelque peu biaisé. Telle est ma première remarque.
Ma seconde remarque a trait au taux d'indexation.
Le raisonnement de M. Michel Mercier est parfaitement cohérent avec ce qui a été fait, s'agissant de la taxe professionnelle. En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de dire que, lors du débat sur la taxe professionnelle, le Gouvernement a avancé comme argument que, en donnant une garantie d'indexation sur la dotation globale de fonctionnement, on avantageait les collectivités locales. On ne peut avoir deux raisonnements différents pour la taxe professionnelle et pour les droits de mutation, qui sont deux recettes des collectivités locales.
Je conclurai en soulevant la question de la compatibilité de l'amendement n° I-61 rectifié avec l'amendement n° I-9 de la commission, que nous n'avons pas encore examiné et qui vise à changer complètement le système d'indexation par rapport à celui qui est prévu par le Gouvernement. En effet, cet amendement de la commission tend à prévoir que la compensation va varier avec les fluctuations, alors que l'amendement n° I-61 rectifié prévoit une indexation en fonction de la base 1998, ce qui est différent de la position du Gouvernement.
J'aimerais donc avoir une explication sur ce point, car la position de M. le rapporteur général sur l'amendement n° I-9 me semble conditionner la suite de nos travaux.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne souhaite pas faire perdre son temps au Sénat.
M. le rapporteur général a fait une observation tout à l'heure sur mon sous-amendement, considérant que l'adoption de ce dernier ferait de l'amendement n° I-61 rectifié, ainsi modifié, un amendement de seconde partie. S'il en allait vraiment ainsi, je retirerai mon sous-amendement, ne voulant pas mélanger les choses dans la discussion. Cela ne pèse pas sur l'exercice, effectivement !
Par conséquent, considérez-vous que le sous-amendement n° I-294 est recevable ou pas ? S'il est irrecevable, n'en parlons plus !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, l'amendement de M. Michel Mercier deviendrait un amendement de seconde partie s'il était sous-amendé comme le propose M. Michel Charasse. Mais j'ai émis un avis défavorable sur ce sous-amendement ; il convient donc d'attendre de connaître le sort de ce sous-amendement et, par voie de conséquence, sans doute, de l'amendement.
Je répondrai à M. Yves Fréville qu'il y a non pas contradiction, mais complémentarité entre l'amendement n° I-61 rectifié de M. Michel Mercier et l'amendement n° I-9 rectifié de la commission, que je n'ai pas encore présenté : d'un côté, M. Michel Mercier s'intéresse à l'indexation, c'est-à-dire au taux, et d'un autre côté, la commission s'intéresse à la base, c'est-à-dire à l'assiette. Mais les deux amendements, s'ils sont adoptés, devront être lus ensemble.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Si mon sous-amendement est adopté, l'amendement de M. Michel Mercier risque de devenir un amendement de seconde partie, et il faudra donc le repousser.
Si mon sous-amendement n'est pas adopté, l'amendement de M. Michel Mercier reste un amendement de première partie.
Ne voulant pas polluer plus longtemps ce débat, je retire le sous-amendement n° I-294.
M. le président. Le sous-amendement n° I-294 est retiré.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je regrette le retrait du sous-amendement n° I-294. En effet, son maintien m'aurait permis de faire justice de l'amendement n° I-61 rectifié, qui aurait relevé de la seconde partie.
Je veux souligner la contradiction entre les positions de M. Michel Mercier et de M. le rapporteur général. Si l'on parle d'indexation, on ne parle plus de bases réelles ; si l'on parle de bases réelles, on ne parle plus d'indexation. On ne peut pas réclamer à la fois des bases réelles et une indexation. Le mot « réelles » est contradictoire avec le fait d'indexer.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-61 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-9, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De compléter l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Après le deuxième alinéa de l'article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des attributions de dotation de décentralisation et des diminutions des ajustements prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1614-4, visés au deuxième alinéa du présent article, sont calculés chaque année en tenant compte des bases de l'avant-dernier exercice. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, de compléter in fine l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la prise en compte de l'évolution des bases dans le calcul de la baisse des droits de mutation est compensée par un relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si vous m'y autorisez, monsieur le président, j'aimerais, pour la clarté des débats, exposer également l'amendement n° I-10.
M. le président. J'appelle donc également en discussion l'amendement n° I-10, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et tendant :
A. - A compléter l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Avant le dernier alinéa de l'article L. 1614-5 du code généal des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les attributions de dotation de décentralisation résultant, pour les départements ou les régions, de la modification, postérieurement à la date de transfert des impôts et du fait de l'Etat, de l'assiette ou des taux de ces impôts, ne sont pas prises en compte dans le montant de la dotation générale de décentralisation pour l'application du I de l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998). »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du A ci-dessus, à compléter in fine l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant, pour l'Etat, de l'absence de prise en compte de la compensation des pertes de produit fiscal dans le montant de la dotation générale de décentralisation retenu pour le calcul de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, est compensée par un relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre ces deux amendements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-61 rectifié que le Sénat vient d'adopter permet de revaloriser l'indexation de la compensation de la baisse des droits de mutation.
Mais cela ne suffit pas. Il faut aller plus loin de deux manières : d'une part, en modifiant le mode de calcul de la compensation et, d'autre part, en évitant que la baisse des droits de mutation ne pèse sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
L'amendement n° I-9 répond au premier souci. Le Gouvernement considère que la compensation de la baisse des droits de mutation perçus par les départements sera intégrale. Or, cette compensation sera calculée à partir des bases de l'année 1998, privant ainsi les départements des effets de la reprise du marché de l'immobilier. La compensation ne sera donc « intégrale » que la première année, et le décalage avec l'évolution des bases augmentera au cours des années suivantes. Les écarts se creuseront.
Dès lors, les ressources des collectivités locales seront progressivement déconnectées de l'évolution de l'activité économique sur leur territoire. On tournera le dos encore un peu plus au principe de l'autonomie fiscale des collectivités.
L'amendement n° I-9 vise donc à prendre en compte l'évolution des bases dans le calcul de la compensation en évaluant cette dernière pour chaque année selon les bases constatées à l'avant-dernier exercice. C'est une règle proche de celle qui prévaut en matière d'assiette de la taxe professionnelle. On ne voit pas pourquoi on n'utiliserait pas le même raisonnement en ce qui concerne une autre variable économique.
J'en viens à l'amendement n° I-10. La compensation de la baisse des droits de mutation perçus par les départements s'effectue par des attributions de dotation générale de décentralisation, la DGD. Le premier amendement déposé à l'article 5 vise, comme je l'ai indiqué, à préserver les ressources des départements en tenant compte de l'évaluation des bases dans le calcul de la compensation. Or, plus la compensation est importante, plus la DGD augmente et, par voie de conséquence, plus elle pèse sur la variable d'ajustement au titre du contrat de croissance qu'est la fameuse dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP.
C'est pourquoi l'amendement n° I-10 prévoit que les attributions de DGD ne seront pas prises en compte dans le calcul de l'enveloppe normée, afin d'éviter que la revalorisation de la compensation ne réduise mécaniquement la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
En d'autres termes, il faut neutraliser la variable d'ajustement si l'on veut éviter de se voir reprendre d'un côté ce que l'on aura gagné de l'autre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-9 et I-10 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je rappelle d'abord que les lois de décentralisation ont fixé le principe de la compensation intégrale des charges transférées et qu'elles effectuent ce calcul à la date du transfert. Ensuite, la compensation évolue parallèlement à la DGF.
L'article 1614-5 du code général des collectivités territoriales transpose ce principe général de compensation aux pertes de ressources fiscales liées à la modification de l'assiette ou du taux, par l'Etat, de la fiscalité transférée.
En cas de baisse des taux, comme pour les droits de mutation à titre onéreux, la compensation est arrêtée en appliquant le différentiel de taux aux bases constatées à la fin de l'exercice précédent. La compensation est ensuite intégrée dans la DGD, et elle évolue comme cette dernière.
L'amendement n° I-9, qui conduirait à déterminer chaque année le montant de la compensation des pertes de ressources fiscales à partir des bases de la fiscalité de l'avant-dernier exercice, remet en cause les principes généraux de la décentralisation que je viens de rappeler ; c'est d'ailleurs le fondement de votre argumentation.
Il pourrait, par ailleurs, avoir des conséquences défavorables aux collectivités en cas de réduction, pour des raisons conjoncturelles, de l'assiette de l'impôt transféré. Comme il s'agit de la taxe professionnelle, on voit quelle est la sensibilité pour les collectivités locales de cet impôt.
On substituerait donc à une ressource connue à l'évolution prévisible, comme je viens de le démontrer, une ressource totalement liée à la conjoncture. De mon point de vue, ce ne serait pas sain pour les collectivités locales et cela introduirait un élément de risque pour les ressources des collectivités locales. C'est pourquoi je suis hostile à l'amendement n° I-9.
M. Michel Mercier. Vous êtes hostile au risque !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Non, je suis favorable au risque, mais pas à celui-là ! Et je suis favorable à un risque maîtrisé. (M. Michel Mercier s'exclame.) Or, ce risque n'est pas maîtrisé à cause de l'évolution conjoncturelle qui peut être défavorable. Aujourd'hui, grâce à la politique économique du Gouvernement, en particulier (M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général s'exclament), les perspectives sont favorables pour les collectivités locales.
M. Michel Mercier. Il n'y a que nous qui y croyons ! Même pas vous !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Merci de m'approuver, monsieur le sénateur.
L'amendement n° I-10, présenté par M. Marini, m'oblige à faire une réponse très technique.
Vous souhaitez que les abondements de dotation générale de décentralisation liés aux modifications apportées à la fiscalité transférée ne soient pas pris en compte dans le calcul de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivites locales.
M. Michel Mercier. ll a raison !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. De fait, ces abondements qui sont faits hors enveloppe pour l'année considérée sont neutres sur l'évolution de la DCTP de l'année suivante, la base servant au calcul du montant de l'enveloppe normée de l'année suivante étant rehaussée à due concurrence de ce montant.
Prenons un exemple très concret de la baisse des droits de mutation à titre onéreux sur les immeubles d'habitation prévue dans le projet de loi de finances pour 2000. Cette baisse conduit à majorer la dotation générale de décentralisation de 4,6 milliards de francs environ en 2000. Ce montant n'a pas été pris en compte dans le calcul de l'enveloppe normée pour 2000, qui a été calculée à périmètre constant. En revanche, au moment du calcul de l'enveloppe normée 2001, ce montant sera intégré dans la base de l'enveloppe normée 2000 servant donc au calcul de l'enveloppe 2001 en fonction de l'indexation définie dans le loi de finances initiale pour 1999.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est très simple !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. En effet, c'est assez simple !
La base de calcul de l'enveloppe globale ayant été majorée à due concurrence, le gonflement de la dotation générale de décentralisation lié aux modifications apportées à la fiscalité transférée ne perturbe en rien le calcul de l'enveloppe normée de l'année suivante.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je viens de le dire, pour 1999, 2000 et 2001, la DCTP - puisque j'imagine que c'est le sujet de notre débat - ne souffre donc pas de la majoration de la DGD. J'ai même le sentiment, en ayant écouté tout à l'heure l'explication que vous donniez du dispositif que vous souhaitiez voir adopter, que vous aviez satisfaction par le dispositif que je viens de décrire, du moins je l'espère !
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur général, votre amendement me paraît sans objet.
J'ajoute qu'il s'agit là de modifications définitives de la dotation générale de décentralisation, et non pas de mouvements exceptionnels et temporaires. Il est dès lors logique, parce qu'ils sont définitifs, qu'ils soient intégrés dans le calcul de droit commun.
Je pense donc qu'il serait opportun que vous retiriez votre amendement, qui est satisfait par le dispositif que je viens d'éclairer, à l'évidence (Sourires)...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Lumineux !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Merci, monsieur Lambert !
... et qui s'appliquera, par conséquent, aux droits de mutation à titre onéreux dont l'évolution est prévue dans le projet de loi de finances pour 2000.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, maintenez-vous vos amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sujet est naturellement complexe, comme tout ce système de reversement de dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, et il faut bien reconnaître que cette complexité est en soi une limite à l'autonomie locale.
La volonté de la commission des finances, en proposant l'amendement n° I-9, est de bien connecter l'évolution des bases, donc l'évolution de l'économie locale, et le produit perçu par les collectivités territoriales.
Vous nous dites qu'il y a un risque, monsieur le secrétaire d'Etat. Certes, mais dans la vie, n'y a-t-il pas toujours des risques ? Lorsqu'un département est bien géré, il peut avoir sur la conjoncture du marché immobilier local probablement tout autant d'influence qu'au niveau national la politique du Gouvernement sur la conjoncture économique nationale.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. On fait nôtre votre argument, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis sûr, pour prendre un exemple au hasard, que, sous la direction éclairée de son président Michel Mercier, le conseil général du Rhône est en mesure d'influer sur la conjoncture locale par les opérations directes ou partenariales qu'il entreprend avec les collectivités territoriales, et qui seront loin d'être neutres pour la tenue du marché immobilier de ce département.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il provoque la croissance !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, mais il y joue son rôle, ne le nions pas.
S'il n'y avait plus cette connexion entre l'évolution économique locale et les ressources des collectivités, nous serions complètement déresponsabilisés. Or, ce que nous voulons en matière de gestion des collectivités territoriales, c'est la responsabilité.
Peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous techniquement raison...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'ai dit la même chose que vous !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... mais j'avoue qu'à cette heure relativement avancée la complexité technique du dispositif est telle que je préférerais que l'amendement n° I-10 soit adopté par le Sénat car, au pire, cet amendement ne ferait aucun mal.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il est superfétatoire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne pourrait, si on vous suit, qu'être superfétatoire.
Peut-être pouvons-nous d'ailleurs vérifier ce point technique entre le moment du vote et la réunion de la commission mixte paritaire ou la nouvelle lecture du projet de loi de finances.
Mais je crois que, dans l'immédiat, compte tenu du peu de temps dont nous disposons, sachant que nous sommes d'accord sur l'esprit de cette disposition - c'est ainsi que j'ai compris les propos de M. le secrétaire d'Etat - il faut maintenir l'amendement n° I-10, comme l'amendement n° I-9.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'obstination sympathique de M. le rapporteur général ne me gêne pas : puisque j'ai dit que son amendement était satisfait, peu me chaut qu'il fût voté.
Nous vérifierons ensuite ensemble, monsieur le rapporteur général, si vous le voulez bien, avec vos services et les miens, dans quelle mesure en effet nous avons tenu ce soir sur cette matière limpide et claire les mêmes propos, ou en tout cas des propos convergents...
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-9.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Mon coeur balance : je suis assez sensible au raisonnement de M. le secrétaire d'Etat, mais je crois que M. le rapporteur général a tout à fait raison sur le plan des principes. En effet, il est souhaitable que, dans nombre de domaines en matière de fiscalité, les compensations versées par l'Etat aux collectivités locales - en particulier pour la taxe professionnelle - s'appuient sur l'évolution des bases.
Sur le plan économique, les droits de mutation relèvent d'une autre espèce, car ce sont des droits très volatiles. Chaque fois que l'on a essayé de faire des prévisions d'évolution des droits de mutation à long terme, tout le monde, sur le plan économétrique, s'est fourvoyé.
Dans un département que je connais bien, les droits de mutation ont évolué de façon extraordinairement sensibles : 200 millions de francs il y a quelques années, 330 millions de francs en 1998 !
En prenant connaissance des propositions du Gouvernement, j'ai eu tendance à considérer qu'il s'agissait pour la première fois d'une indexation sur une base relativement avantageuse pour les collectivités locales.
A court terme - en 2000 ou en 2001 - il est fort probable que nous serons encore dans une situation où le marché immobilier sera porteur et nous y perdrons peut-être effectivement avec le système d'indexation proposé par le Gouvernement. Je suis parfaitement d'accord avec les propos tenus tout à l'heure par M. le rapporteur général et M. Michel Mercier à ce sujet.
En revanche, à long terme, les droits de mutation peuvent évoluer de façon très brutale ; il peut y avoir des chutes très fortes, de 20 %, 30 %, voire 60 %, comme au cours de la période 1993-1994. En outre, certains départements n'ont pas la chance de compter sur leur territoire une très grande agglomération, où le marché foncier est très porteur.
C'est pourquoi j'ai dit que mon coeur balance. J'estime finalement que le système dans lequel la moitié - c'est une façon de parler - des droits de mutation - sachant que ceux-ci ne sont pas totalement supprimés - continue à évoluer en fonction des bases et l'autre moitié évolue de façon relativement régulière en fonction de la DGF sur une base initiale qui est favorable, n'était pas nécessairement un mauvais système.
Je m'interroge donc. J'aurais préféré un système qui ne fût pas figé et qui puisse être révisé dans deux ou trois ans.
En attendant, je suis prêt à voter l'amendement de M. le rapporteur général. Toutefois, on ne peut pas, me semble-t-il, au regard de l'expérience acquise au cours des années 1991 à 1995, négliger la volatilité des droits de mutation.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je prie mes collègues de bien vouloir m'excuser de reprendre la parole, mais il s'agit là d'un sujet très important pour les départements.
L'amendement n° I-10 est, me semble t-il, satisfait par l'explication technique lumineuse de M. le secrétaire d'Etat, et plus encore par le fait que, en 2001, ce sera la fin du contrat de croissance et de solidarité. Il conviendra alors de battre à nouveau les cartes. Quelque chose me dit que ce qu'on décidera en 2001 pour 2002 sera peut-être favorable aux collectivités territoriales...
M. Alain Lambert, président de la commission. C'est de la météorologie !
M. Michel Mercier. C'est un aspect que connaît bien notre collègue M. Charasse. C'est même un spécialiste...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le calendrier électoral !
M. Michel Mercier. ... car il sait qu'après 2001 vient 2002. (Sourires.)
J'en viens à l'amendement n° I-9.
Dans les grands départements urbains qui ont à gérer de multiples difficultés sociales, et qui devront notamment financer les contrats de ville que le Gouvernement va leur proposer dans quelques mois, les droits de mutation constituent une ressource essentielle.
Dans mon département, les droits de mutation représentent plus de la moitié de la taxe professionnelle, soit bien plus que ce que représente la taxe d'habitation ou la taxe foncière. Loin d'être une recette de poche, c'est une ressource essentielle. Certes, cette ressource évolue en fonction de la conjoncture, mais c'est normal. Dans notre département, au plus bas, nous avons encaissé un peu moins de 300 millions de francs, l'an dernier, un peu plus de 700 millions de francs et, cette année, près de 800 millions de francs.
Je voudrais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous m'expliquiez comment, en prenant la base 1998 pour l'an 2000, mon département percevra autant qu'en 1999 !
Je le regrette, mais M. le secrétaire d'Etat, malgré sa grande courtoisie et son aménité, ne m'a pas convaincu : je suis sûr que nous percevrons moins en 2000 qu'en 1999. Nous devrons donc faire plus d'actions avec l'Etat.
Je préfère m'en tenir à la réalité, et je voterai donc les amendements de la commission des finances.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vais donner un exemple national de l'évolution de l'enveloppe normée pour 2000 ; il suffira ensuite à M. Mercier de transposer cette évolution dans le département du Rhône.
M. Michel Mercier. Chaque département est spécifique.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Certes, mais cet exemple montre bien l'évolution réelle au niveau national.
Si nous prenons la base 1989 réévaluée, 164 531 millions de francs, indexation de la base 1999 réévaluée, 1,475 %, c'est-à-dire 0,9 % de prix, 25 % du PIB, soit 25 % de 0,3 % - c'est d'ailleurs le minimum - enveloppe normée pour 2000 : 166 958 millions de francs, c'est-à-dire 164 531 millions de francs, base 1999 réévaluée, majorée de 1,475 %.
Monsieur Mercier, le département du Rhône connaîtra une évolution du même type.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est l'ensemble du pacte de croissance, pas la croissance par département !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est significatif de l'évolution que vous allez connaître.
M. Michel Mercier. On verra.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il n'est donc ni pertinent ni intellectuellement adapté de prétendre que les collectivités locales sont maltraitées par les systèmes d'indexation que nous souhaitons mettre en oeuvre. Je viens de prouver le contraire !
M. Michel Mercier. Non !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'Etat, vos chiffres vont un peu à l'inverse de ce que vous voulez nous démontrer.
Vous semblez nous dire qu'au fond cette enveloppe normée a crû de manière considérable. Elle a crû d'une façon qui n'est pas du tout proportionnelle à l'évolution de l'économie française, et donc vous n'avez pas fait profiter les collectivités locales des fruits de la croissance. C'est ce que vous nous avez démontré. Voilà ce qui prouve qu'il faut surtout suivre l'avis de la commission !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Selon les calculs que je viens d'indiquer et quelques autres approches complémentaires, les collectivités locales auront 3,8 milliards de francs de plus que si l'on avait respecté strictement le pacte de stabilité. CQFD ! Les collectivités locales sont donc très bien traitées par le Gouvernement s'agissant de l'évolution des ressources qui leur sont affectées.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quid du côté des charges ? Et l'accord salarial ?
M. Michel Charasse. On n'est pas en Corse !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-9, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

11

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE

M. le président. J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi constitutionnelle visant à rendre incompatible la fonction de membre du Gouvernement avec l'exercice de tout mandat électoral.
La proposition de loi constitutionnelle sera imprimée sous le n° 98, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI ORGANIQUE

M. le président. J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi organique visant à instaurer un système de remplaçants provisoires en cas de vacance de siège d'un député ou d'un sénateur, ainsi qu'une parité hommes-femmes entre les candidats et leurs remplaçants.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 99, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et de l'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

13

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi visant à instaurer un système de remplaçants provisoires en cas de vacance de siège d'un conseiller régional, d'un conseiller général ou d'un maire, ainsi qu'une parité hommes-femmes entre les candidats et leurs remplaçants.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 100, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Pierre Laffitte et Guy Cabanel une proposition de loi visant à permettre l'inscription des naissances auprès de l'officier de l'état civil du lieu de résidence des parents.
La propositon de loi sera imprimée sous le n° 101, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et de l'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. Louis Souvet, Louis Althapé, Jean Bernard, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Robert Calméjane, Auguste Cazalet, Jacques Chaumont, Xavier Darcos, Désiré Debavelaere, Christian Demuynck, Charles Descours, Michel Doublet, Hilaire Flandre, Patrice Gélard, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Roger Husson, André Jourdain, Lucien Lanier, Gérard Larcher, Jacques Larché, Patrick Lassourd, Edmond Lauret, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Guy Lemaire, Jean-François Le Grand, Philippe Marini, Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Victor Reux, Henri de Richemont, Jean-Jacques Robert, Martial Taugourdeau, Jacques Valade et Serge Vinçon une proposition de loi visant à garantir un prix de vente correspondant au prix du marché lors des ventes effectuées dans le cadre des saisies immobilières.
La propositon de loi sera imprimée sous le n° 103, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

14

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à la mise en oeuvre d'actions dans le cadre d'une stratégie de pré-adhésion pour Chypre et Malte.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1347 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à la modification du règlement (CE) n° 2622/97 du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires pour certains produits de la pêche, originaires de Ceuta.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1348 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Initiative de la République de Finlande en vue de l'adoption d'un règlement du Conseil déterminant les obligations réciproques des Etats membres en matière de réadmission de ressortissants de pays tiers.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1349 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil autorisant le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (procédure de l'article 27).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1350 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil adoptant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Lettonie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1351 et distribué.

15

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. André Dulait, André Boyer et André Rouvière un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à la suite d'une mission effectuée en Moldavie, du 4 au 8 octobre 1999.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 102 et distribué.

16

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 30 novembre 1999, à neuf heures quarante-cinq, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 1999-2000). (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.)
Première partie (suite). - Conditions générales de l'équilibre financier :
Articles additionnels après l'article 5 à 36 et état A.
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de finances n'est plus recevable.

Vote de l'ensemble de la première partie
du projet de loi de finances pour 2000

En application de l'article 59, premier alinéa, du règlement, il sera procédé à un scrutin public ordinaire lors du vote de la première partie du projet de loi de finances pour 2000.

Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits

budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2000

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2000 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 1er décembre 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 1er décembre 1999, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 30 novembre 1999, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





DÉCÈS D'UN SÉNATEUR

M. le président du Sénat a le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les sénateurs qu'il a été avisé du décès de M. Alain Peyrefitte, sénateur de Seine-et-Marne, survenu le 27 novembre 1999.

REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR

Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article L.O. 319 du code électoral M. Paul Dubrule est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de Seine-et-Marne, M. Alain Peyrefitte, décédé le 27 novembre 1999.

MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE
(88 membres au lieu de 89)


Supprimer le nom de M. Alain Peyrefitte.

SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(8 au lieu de 7)


Ajouter le nom de M. Paul Dubrule.

REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATION
ÉLECTORALES COMMUNICATION FAITE
PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

En application de l'article 34 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat a été informé que le Conseil constitutionnel avait été saisi, le 24 novembre 1999, d'une requête tendant à l'annulation de l'élection sénatoriale qui s'est déroulée le 14 novembre 1999 dans le département de la Savoie.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Prestation compensatoire en cas de divorce

666. - 26 novembre 1999. - M. Jean-Marc Pastor attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les dispositions régissant la prestation compensatoire en cas de divorce. Cette prestation, instituée par la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 sur le divorce, due par l'un des époux à l'autre, plus démuni, pour préserver son niveau de vie, a des conséquences bien souvent dramatiques sur celui que l'on appelle le débirentier. Lors du divorce, la prestation compensatoire est calculée en fonction notamment des revenus du conjoint qui va la verser. Or au fil du temps le débirentier peut perdre son emploi ou connaître une baisse importante de revenus. La prestation compensatoire, elle, en raison de son caractère indemnitaire, n'est jamais modifiée. De plus, cette prestation est transmissible, c'est-à-dire que lors du décès du débirentier sa nouvelle épouse ou ses enfants doivent continuer à verser la prestation à l'ex-conjoint de leur parent défunt. Dans un rapport, commandé par Mme le garde des sceaux et rendu public le 14 septembre 1999, il est préconisé de réformer cette prestation, en suggérant notamment le versement en capital, au moment du divorce, plutôt que le versement sous forme de rente. La prise en compte par la voie législative de ses propositions, assez satisfaisantes, est très attendue. C'est pourquoi il souhaite savoir dans quelle mesure et dans quel délai les conclusions de ce rapport pourront être reprises par un projet de loi.

Réforme de la Caisse des dépôts et consignations

667. - 29 novembre 1999. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'atention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le projet de la Caisse des dépôts et consignations de créer un établissement de crédit privé regroupant en fait l'ensemble des activités financières concurrentielles de la Caisse que celles-ci soient filialisées ou non. Elle lui demande de lui préciser les objectifs, l'origine et le montant du capital, les moyens en personnels de cette société privée qui ne pourront que provenir de la CDC, donc des fonds et des personnels de la République. Elle lui demande de lui préciser si un tel projet ne menace pas l'avenir de l'établissement public qu'est la CDC, de ses missions d'utilité publique, sociale et de ses emplois. Elle lui demande également si ce projet CDC Finance ne s'oppose par aux engagements du Premier ministre de ne pas poursuivre le mouvement de démantèlement du secteur public économique et financier dont la Caisse des dépôts demeure un des derniers représentants et qui par son efficacité conserve la confiance des élus locaux. Elle lui demande si une loi n'est pas devenue nécessaire instituant une véritable séparation entre activités d'intérêt général et activités financières concurrentielles, aussurant une transparence et un contrôle démocratique de la CDC par les citoyens et le Parlement et conservant les personnels de la CDC et leur statut.

Régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs

668. - 29 novembre 1999. - M. Hubert Haenel rappelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement l'intérêt de la démarche novatrice, communément appelée expérimentation de la régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs, qui a été mise en oeuvre dans sept régions. Cette réforme, qui a pour but un meilleur service public et une approche plus fine de l'aménagement du territoire, a déjà eu plusieurs effets bénéfiques conséquents. Elle a permis de démontrer que la décentralisation pouvait être expérimentée et négociée pour s'adapter aux réalités géographiques, historiques, économiques des territoires. Elle a contribué à mettre fin à la politique du tout-TGV (train à grande vitesse). M. le ministre a indiqué, le 14 octobre, sa volonté de déposer, dans les plus brefs délais, un projet de loi pour la généralisation rapide de la régionalisation. Depuis lors, de nombreux échanges ont eu lieu qui ont créé un climat d'incertitude. L'annonce prématurée et incomplète d'un changement éventuel de cap avec une accélération du calendrier législatif a entraîné des interprétations souvent erronées et contradictoires des intentions de l'Etat, des conseils régionaux et de la Société nationale des chemins de fer (SNCF), qui ont eu pour effet de brouiller la perception que peuvent avoir les uns et les autres des objectifs poursuivis, des délais impartis et des voies et moyens pour y parvenir. M. Hubert Haenel, à l'origine de cette réforme, lui demande de bien vouloir rappeler, comme il l'a fait à plusieurs reprises, son profond attachement à la réforme et à la démarche retenue pour la mettre en oeuvre, afin d'éviter à tout prix que les atermoiements actuels ne conduisent à une démobilisation de l'ensemble des partenaires. Il lui demande de recadrer rapidement l'ensemble du dispositif conduisant à sortir de l'expérimentation pour entrer au plus vite dans la généralisation, tout en tenant compte du temps nécessaire pour mener à bien la phase législative et du délai qu'impliqueront la confrontation, le rapprochement et l'ajustement des points de vue et interrogations des uns et des autres par rapport à la transparence, à la lisibilité et à la certification des comptes trains express régional (TER), opposables aux régions, cette situation pouvant nécessiter d'utiliser temporairement des comptes provisoires ; il insiste enfin sur la garantie que l'Etat et la Société nationale des chemins de fer (SNCF) devront donner aux régions pour ne pas unilatéralement rompre ou remettre en cause les engagements financiers pris à l'égard de celles-ci et la nécessité de dresser un bilan périodique de la réforme pour permettre les ajustements appropriés.