Séance du 29 novembre 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Décès d'un sénateur
(p.
1
).
3.
Communication du Conseil constitutionnel
(p.
2
).
4.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
3
).
5.
Loi de finances pour 2000.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
4
).
Article 1er (p. 5 )
MM. Yves Fréville, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
Adoption de l'article.
Article additionnel avant l'article 2 (p. 6 )
Amendement n° I-117 rectifié de M. du Luart repris par la commission. - MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; le secrétaire d'Etat, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Yves Fréville, Jacques Oudin. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 2 (p. 7 )
Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jacques Oudin.
Amendements n°s I-1 de la commission, I-163 de Mme Beaudeau et I-220 de M.
Oudin. - M. le rapporteur général, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jacques
Oudin, le secrétaire d'Etat, Alain Lambert, président de la commission des
finances ; Yves Fréville. - Adoption de l'amendement n° I-1, les amendements
n°s I-163 et I-220 devenant sans objet.
Amendements n°s I-2 de la commission et I-221 de M. Oudin. - MM. le rapporteur
général, Jacques Oudin, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement n°
I-221 ; adoption de l'amendement n° I-2.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 2 (p. 8 )
Amendement n° I-226 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-222 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général,
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-167 de Mme Beaudeau. - MM. Paul Loridant, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse, Mme Marie-Claude Beaudeau, M.
le président de la commission. - Rejet.
Amendement n° I-106 de M. Ostermann. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Amendement n° I-223 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat, Michel Charasse. - Retrait.
Amendements n°s I-121 de M. Revet et I-169 de Mme Beaudeau. - M. Jean Clouet,
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat,
Michel Caldaguès. - Retrait de l'amendement n° I-121 ; rejet de l'amendement n°
I-169.
Amendement n° I-86 de M. Miquel. - MM. Bernard Angels, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-170 de M. Loridant. - MM. Paul Loridant, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat, Yann Gaillard, Michel Caldaguès. - Adoption de
l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements n°s I-72 et I-73 de M. Fréville. - MM. Yves Fréville, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Retrait des deux amendements.
Amendement n° I-224 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-225 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général.
Suspension et reprise de la séance (p. 9 )
Amendement n° I-225 rectifié de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Amendement n° I-141 rectifié de M. Miquel. - MM. Jean-Pierre Demerliat, le
rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Articles additionnels après l'article 2
ou après l'article 7 (p.
10
)
Amendements n°s I-20 de la commission, I-164 et I-165 de Mme Beaudeau. - M. le
rapporteur général, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. le secrétaire d'Etat. -
Adoption de l'amendement n° I-20 insérant un article additionnel après
l'article 7, les amendements n°s I-164 et I-165 devenant sans objet.
6.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
11
).
Suspension et reprise de la séance (p. 12 )
7.
Rappel au règlement
(p.
13
).
MM. Michel Charasse, le président.
8.
Loi de finances pour 2000.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
14
).
Articles additionnels après l'article 2 (suite) (p. 15 )
Amendement n° I-171 de M. Loridant. - MM. Paul Loridant, Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances ; Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie ; Jean Chérioux, Michel Caldaguès, Yann
Gaillard. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° I-168 de Mme Beaudeau. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendements identiques n°s I-120 de M. du Luart et I-229 de M. Gaillard. - MM.
Roland du Luart, Yann Gaillard, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. -
Retrait des deux amendements.
Amendement n° I-260 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-127 de M. du Luart et I-257 rectifié de M. Oudin. - MM. Jean
Clouet, Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel
Charasse. - Retrait de l'amendement n° I-257 rectifié ; adoption de
l'amendement n° I-127 insérant un article additionnel.
Amendement n° I-228 de M. Gaillard. - MM. Yann Gaillard, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-227 de M. Gaillard. - MM. Yann Gaillard, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-258 rectifié de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-125 rectifié de M. du Luart et I-234 rectifié de M. Oudin. -
MM. Roland du Luart, Jacques Oudin, le rapporteur général, le secrétaire
d'Etat. - Retrait des deux amendements.
Article additionnel avant l'article 2 bis (p. 16 )
Amendement n° I-3 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Yves Fréville. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 2 bis (p. 17 )
Amendement n° I-4 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire
d'Etat, Marc Massion, Alain Lambert, président de la commission des finances ;
Michel Charasse. - Adoption.
Amendement n° I-288 rectifié
bis
de M. Baylet. - MM. Yvon Collin, le
rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 2 bis (p. 18 )
Amendement n° I-231 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-232 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat, le président de la commission. - Adoption de l'amendement
insérant un article additionnel.
Article 2 ter (p. 19 )
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Amendement n° I-5 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Amendement n° I-6 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 2 ter (p. 20 )
Amendement n° I-159 rectifié de M. Joly repris par la commission. - MM. le
rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant
un article additionnel.
Amendements identiques n°s I-107 de M. Ostermann, I-122 de M. du Luart et I-147
de M. Hamel. - MM. Joseph Ostermann, Roland du Luart, Emmanuel Hamel, le
rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean Chérioux. - Adoption des
amendements insérant un article additionnel.
Article 3 (p. 21 )
Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Denis Badré.
Amendements identiques n°s I-128 de M. du Luart et I-267 de M. Delong ;
amendement n° I-270 de M. Fréville. - MM. Roland du Luart, Jacques Oudin, Yves
Fréville.
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Yves Fréville. - Retrait des
amendements n°s I-267 et I-270 ; rejet de l'amendement n° I-128.
Amendement n° I-7 de la commission. - MM. le rapporteur général, le secrétaire
d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-269 de M. Hyest. - MM. Yves Fréville, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat, Denis Badré. - Adoption.
Amendement n° I-241 de M. Darcos. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-78 de M. Hoeffel. - MM. Denis Badré, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-87 de M. Moreigne. - MM. Michel Moreigne, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-242 de M. Gournac. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-129 de M. du Luart. - MM. Jean Clouet, le rapporteur général,
le secrétaire d'Etat, Denis Badré. - Adoption.
Amendement n° I-130 rectifié
bis
de M. de Rocca Serra repris par la
commission et sous-amendement n° I-293 de M. Charasse. - MM. le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse, Yves Fréville, Michel
Dreyfus-Schmidt, Yann Gaillard. - Rejet du sous-amendement et de
l'amendement.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 3 (p. 22 )
Amendement n° I-246 de M. Oudin. - MM. Jacques Oudin, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements n°s I-176 de Mme Beaudeau, I-131, I-132 de M. du Luart, I-243 à
I-245 de M. Oudin et I-110 de M. Ostermann. - MM. Thierry Foucaud, Jean Clouet,
Jacques Oudin, Joseph Ostermann, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat,
Yves Fréville. - Rejet des amendements n°s I-176, I-131, I-243 et I-110 ;
retrait des amendements n°s I-132, I-244 et I-245.
Amendement n° I-88 de M. Angels. - MM. Jean-Pierre Demerliat, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-89 de Mme Pourtaud. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° I-90 de Mme Pourtaud. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
M. le secrétaire d'Etat.
9.
Remplacement d'un sénateur décédé
(p.
23
).
Suspension et reprise de la séance (p. 24 )
10. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 25 ).
Articles additionnels après l'article 3 (suite) (p. 26 )
Amendement n° I-177 rectifié de Mme Beaudeau. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM.
Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Christian
Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. - Retrait.
Amendement n° I-173 de Mme Beaudeau. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Amendement n° I-109 de M. Ostermann. - MM. Joseph Ostermann, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse. - Retrait.
Amendements n°s I-108 de M. Ostermann, I-79, I-81 rectifié
bis
de M.
Hérisson, I-175 de Mme Beaudeau, I-80 rectifié
bis
et I-82 rectifié de
M. Arnaud. - MM. Joseph Ostermann, Philippe Arnaud, Paul Loridant, le
rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Denis Badré, Jacques Oudin, Yann
Gaillard, Yves Fréville. - Retrait des amendements n°s I-79, I-81 rectifié
bis,
I-80 rectifié
bis
et I-82 rectifié ; adoption de
l'amendement n° I-108 insérant un article additionnel, l'amendement n° I-175
devenant sans objet.
Amendements n°s I-91 de M. Angels et I-178 de Mme Beaudeau. - M. Bernard
Angels, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le rapporteur général, le secrétaire
d'Etat. - Retrait de l'amendement n° I-91 ; rejet de l'amendement n° I-178.
Amendements n°s I-83 de M. Badré, I-172 de Mme Beaudeau et I-247 de M. Oudin. -
MM. Denis Badré, Paul Loridant, Auguste Cazalet, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements n°s I-83 et I-247 ; rejet de
l'amendement n° I-172.
Amendements n°s I-92 et I-93 de M. Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel
Dreyfus-Schmidt, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Charasse.
- Retrait des deux amendements.
Amendement n° I-271 de M. Badré. - MM. Denis Badré, le rapporteur général, le
secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Amendements n°s I-8 de la commission et I-174 de Mme Beaudeau. - M. le
rapporteur général, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. le secrétaire d'Etat, Michel
Charasse. - Adoption de l'amendement n° I-8 insérant un article additionnel,
l'amendement n° I-174 devenant sans objet.
Article 3
bis.
- Adoption (p.
27
)
Article 4 (p.
28
)
Amendement n° I-94 de M. Mauroy. - MM. Jean-Pierre Demerliat, le rapporteur
général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 4
bis.
- Adoption (p.
29
)
Article 5 (p.
30
)
Amendement n° I-61 rectifié de M. Michel Mercier et sous-amendement n° I-294 de
M. Charasse. - MM. Michel Mercier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat,
Michel Charasse, Yves Fréville. - Retrait du sous-amendement ; adoption de
l'amendement.
Amendements n°s I-9 et I-10 de la commission. - MM. le rapporteur, le
secrétaire d'Etat, Yves Fréville, Michel Mercier, Alain Lambert, président de
la commission des finances. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
11.
Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle
(p.
31
).
12.
Dépôt d'une proposition de loi organique
(p.
32
).
13.
Dépôt de propositions de loi
(p.
33
).
14.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
34
).
15.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
35
).
16.
Ordre du jour
(p.
36
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président.
J'ai le profond regret de vous faire part du décès de notre collègue Alain
Peyrefitte, sénateur de Seine-et-Marne.
M. le président du Sénat prononcera l'éloge funèbre de notre très regretté
collègue, qui a été une éminente personnalité de la Ve République, tant comme
ministre que comme parlementaire et élu local. Chacun gardera aussi le souvenir
de l'homme de lettres et de l'historien, qui a su jeter un regard d'humaniste
sur l'évolution du monde moderne.
3
COMMUNICATION
DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
En application de l'article 34 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat
a été informé que le Conseil constitutionnel a été saisi d'une requête
enregistrée le 24 novembre 1999 contre l'élection sénatoriale qui s'est
déroulée le 14 novembre 1999 dans le département de la Savoie.
Acte est donné de cette communication.
4
CANDIDATURES À
UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle
présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la limitation du
cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions
d'exercice.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
5
LOI DE FINANCES POUR 2000
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2000 (n° 88, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 89
(1999-2000).]
La discussion générale a été close au cours de la dernière séance.
Nous passons à la discussion des articles.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. _
IMPÔTS ET REVENUS AUTORISÉS
A. _
Dispositions antérieures
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ I. _ La perception des impôts, produits et revenus affectés à
l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et
organismes divers habilités à les percevoir continue d'être effectuée pendant
l'année 2000 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la
présente loi de finances.
« II. _ Sous réserve de dispositions contraires, la loi de finances s'applique
:
« 1° A l'impôt sur le revenu dû au titre de 1999 et des années suivantes ;
« 2° A l'impôt dû par les sociétés sur leurs résultats des exercices clos à
compter du 31 décembre 1999 ;
« 3° A compter du 1er janvier 2000 pour les autres dispositions fiscales. »
Sur l'article, la parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
L'article 1er reconduit naturellement l'autorisation de percevoir les impôts,
au bénéfice non seulement de l'Etat mais aussi de toute une série d'organismes
ou fonds, en particulier le Fonds de financement de la réforme des cotisations
patronales de sécurité sociale.
Il ne s'agit pas, cette année, d'une décision de pure forme puisque cinq
impôts sont concernés par ce fonds. Nous reparlerons plus tard de la taxe
générale sur les activités polluantes, la TGAP, et des droits sur les tabacs ;
deux autres ont été créés par la loi de financement de la sécurité sociale, à
savoir l'impôt de taxation des heures supplémentaires, d'une part, et la
contribution sociale sur les bénéfices, d'autre part.
C'est, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le cinquième de ces impôts que je
voudrais vous interroger. Les droits sur les boissons avaient été affectés au
Fonds de solidarité vieillesse par un article de la loi de finances pour 1994,
c'est-à-dire conformément à la procédure de l'article 18 de l'ordonnance
organique sur les lois de finances. Je souhaite tout simplement savoir si, en
votant l'article 1er, nous reconduirons bien cette affectation, qui a été
modifiée en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
Je me permets d'insister, car il y a là la source d'un éventuel recours devant
le Conseil constitutionnel, dans la mesure où ce qu'une loi de finances a fait,
seule une loi de finances pour le défaire. La loi de finances pour 1994 ayant
affecté ces recettes au Fonds de solidarité vieillesse, j'estime qu'il aurait
fallu, pour le moins, comme pour la TGAP et comme pour les droits sur les
tabacs, que ce changement d'affectation soit explicitement prévu dans le
présent projet de loi de finances.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je veux rassurer M. Fréville : la dotation qui était
autrefois inscrite au bénéfice du Fonds de solidarité vieillesse passe
maintenant au fonds d'allégement des charges de sécurité sociale. Vous avez
donc entièrement satisfaction, monsieur le sénateur.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
B. - Mesures fiscales
Article additionnel avant l'article 2
M. le président.
Par amendement n° I-117, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca
Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants
proposent d'insérer, avant l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Le Gouvernement présentera sur le bureau de chaque assemblée parlementaire,
avant le 1er octobre 2000, un rapport comprenant une présentation consolidée du
projet de loi de finances pour 2001 et du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001, et en particulier leur impact global en termes de
prélèvements obligatoires et de dépenses publiques. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Je le reprends, monsieur le
président.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-117 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le défendre.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement me paraît tout à fait utile car il met
l'accent sur une très grande insatisfaction de notre assemblée.
Nous observons que les prélèvements obligatoires sont à présents répartis
entre la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances,
chacune obéissant à ses règles propres et chacune étant discutée de manière
autonome. Or nous avons besoin d'une vue d'ensemble sur la politique des
prélèvements obligatoires et sur leur affectation.
Au demeurant, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
lors de la discussion générale, a fait preuve d'une certaine ouverture sur ce
sujet en laissant entendre que cette présentation consolidée pourrait être
livrée aux assemblées parlementaires à l'occasion du débat d'orientation
budgétaire. Ce serait déjà un premier pas.
Le dispositif de cet article additionnel, initialement déposé par le groupe
des Républicains et Indépendants, vient bien à la rencontre des préoccupations
de la commission des finances puisqu'il prescrit la présentation d'un rapport
avant le 1er octobre 2000 de telle sorte que, l'an prochain, nous soyons
éclairés, en abordant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2001 comme du projet de loi de finances pour 2001, sur l'impact de
ces deux textes en termes de prélèvements obligatoires et de leur affectation à
la dépense publique.
Il s'agit là d'une excellente initiative, que la commission des finances
reprend sans réserve à son compte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je veux indiquer à M. le rapporteur général que
l'objectif qu'il poursuit est également celui du Gouvernement : présentation
des comptes clairs et lisibles par le Parlement et, au-delà, par la presse et
l'opinion.
Le rapport présenté à l'occasion du débat d'orientation budgétaire offre déjà
une vue consolidée des comptes. Surtout, le projet de loi de finances est
assorti, comme le prévoient les articles 32 et 38 de l'ordonnance organique,
d'un rapport très complet et extrêmement clair, qui satisfait à votre objectif,
monsieur le rapporteur général : « Avoir une vision exacte de la situation
financière de la France ; analyser l'évolution réelle des impôts et des
dépenses ».
Autrement dit, l'ensemble des informations que vous demandez est contenu dans
ce rapport.
Par ailleurs, le programme pluriannuel des finances publiques à l'horizon 2002
présenté au Parlement à la fin du mois de décembre de l'an dernier met en
perspective l'évolution à moyen terme des finances de l'ensemble des
administrations publiques : Etat, sécurité sociale et collectivités locales,
ces dernières ne devant pas être oubliées, monsieur le rapporteur général,
lorsqu'il est question des prélèvements obligatoires.
En conclusion, je pense qu'il n'est peut-être pas nécessaire de multiplier les
documents de présentation. Ce qui existe est satisfaisant. Mais il faut aller
dans votre sens et faire en sorte que, chaque année, les documents soient plus
clairs, plus précis, et qu'ils répondent bien à l'objectif premier du contrôle
parlementaire que vous avez souligné à juste titre.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-117 rectifié est-il maintenu
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
Je vais donc le mettre aux voix.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Par cet amendement, il est proposé qu'il soit dorénavant procédé à une
présentation consolidée des comptes retracés dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances.
Cette année, un certain nombre de mouvements ont effectivement lieu entre les
deux textes, mouvements qui ont d'ailleurs été rejetés par la majorité
sénatoriale, laquelle a déjà singulièrement mis à mal le projet de loi sur la
réduction du temps de travail comme le projet de loi de financement de la
sécurité sociale et est aujourd'hui opposée par principe à la présente loi de
finances, ainsi qu'en témoignent, par exemple, les amendements de suppression
des articles 27
bis
et 29, qui matérialisent les transferts de recettes
fiscales au bénéfice du financement de la protection sociale.
J'avoue d'ailleurs assez mal comprendre la perplexité des membres de la
majorité sénatoriale, notamment quand ils parlent de « bonneteau fiscal ».
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ah bon ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Les mesures conjuguées de la loi de financement de la sécurité sociale et de
la loi de finances sont, à notre avis, aisément identifiables pour qui accorde
un peu de temps aux documents budgétaires.
Le produit de la taxe générale sur les activités polluantes et une part
importante de celui des droits de consommation sur les tabacs et sur les
boissons alcoolisées se voient ainsi transférés vers les recettes de la
protection sociale. Dans le même temps, on constate une disparition de la
majoration exceptionnelle de 10 % de l'impôt sur les sociétés perçue au profit
du budget de l'Etat et la création d'une contribution d'un montant plus faible
pour le financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Laborieuse démonstration !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il faut souligner qu'il y a non pas évolution globale à la hausse du
pourcentage des prélèvements obligatoires mais des changements d'affectation
des produits, ce dont d'ailleurs nous pourrions discuter.
Nous avons eu l'occasion de préciser que le choix consistant à financer des
allégements de cotisations sociales par l'affectation de droits de
consommation, donc de droits indirects, ne nous paraissait pas nécessairement
le meilleur. De même, nous ne sommes pas convaincus que l'embauche soit
essentiellement freinée par l'existence de prélèvements sociaux. Il nous semble
en particulier qu'il est plus que temps de réorienter vers un soutien au
financement de l'investissement l'action de l'Etat en direction des
entreprises.
Force est de constater que la démarche de nos collègues de la majorité
sénatoriale n'est rien de moins qu'idéologique. Rien ne prouve en effet que la
réduction des prélèvements sociaux et fiscaux soit la meilleure condition d'un
développement économique et social harmonieux.
Le fait que notre pays ait choisi de socialiser la satisfaction de besoins
relatifs à la santé, la retraite ou l'éducation implique évidemment l'existence
d'un système de prélèvements qui n'existe pas sous cette forme dans les pays où
ces besoins reçoivent le plus souvent une réponse individualisée.
Peut-être nos collègues souhaitent-ils remettre en cause l'existence de la
sécurité sociale et la réduire à ce qui existe aux Etats-Unis. Notons que les
prélèvements facultatifs - mais en fait obligatoires - que les salariés
américains doivent consentir pour financer leur santé ou leur retraite sont à
rapprocher de ceux qu'assument en France la Caisse nationale d'assurance
maladie ou la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Je ne suis pas persuadée
qu'il y ait, au bout du compte, une grande différence entre ces modes de
prélèvement. La différence, elle réside dans le fait que, en France, la
sécurité sociale organise la solidarité entre les générations ou entre les
malades et les biens-portants, alors que, aux Etats-Unis, tout le monde le
sait, des sommes considérables normalement dédiées à la protection peuvent
partir en fumée sur les marchés financiers où interviennent les fonds de
pension et les compagnies d'assurance privées.
Vous l'avez compris, mes chers collègues, nous ne voterons pas cet amendement,
initialement présenté par le groupe des Républicains et Indépendants et repris
par M. le rapporteur général.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Je voterai, moi, cet amendement car il est absolument nécessaire à la clarté
de nos débats.
J'ai bien lu le rapport économique et financier qu'évoquait M. le secrétaire
d'Etat voilà quelques minutes, et je peux vous garantir, mes chers collègues,
que vous n'y trouverez, par exemple, nulle trace du transfert des droits sur
les boissons alcoolisées du fonds de solidarité vieillesse au fonds de
financement de la sécurité sociale. Je n'ai pas non plus trouvé, dans ce
rapport, une présentation claire du produit des impôts qui sera affecté à la
sécurité sociale.
Certes, figure à la fin du fascicule sur les voies et moyens une évaluation de
ces impôts, mais chacun peut constater que cette évaluation concerne l'année
1999. Autrement dit, la présentation est faite avec un an de retard.
Par conséquent, il est absolument indispensable que ce rapport soit fourni.
Qu'il le soit sous forme d'une annexe au rapport économique et financier ou
d'un rapport séparé, cela n'a pas d'importance, mais nous devons avoir une
vision claire de tous les impôts affectés à tous les établissements publics
distincts de l'Etat pour une année donnée, c'est-à-dire, en l'occurrence,
2000.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cela relève-t-il d'une approche idéologique que de vouloir faire en sorte que
les parlementaires et les citoyens soient informés clairement des dispositions
financières qui sont prises chaque année ? En écoutant Mme Beaudeau, je me
posais cette question. La démocratie, c'est d'abord la clarté, et tous ceux qui
s'opposent à une plus grande clarté ont certainement des arrière-pensées que je
n'oserai qualifier.
Notre droit budgétaire répond à trois principes : celui de l'unité - il n'y a
qu'un budget -, celui de l'universalité - le budget doit tout comprendre - et
celui de l'annualité - le budget est établi chaque année. Tels sont les
principes de base fixés par notre Constitution ! A la suite des événements
survenus ces dernières années, nous avons fait exploser ces principes.
Bien évidemment, je voterai l'amendement n° I-117 rectifié. Mais nous pouvons
nous poser la question de savoir comment nous en sommes arrivés là. Peut-être
pourrait-on faire observer au Gouvernement que son rôle est de faire respecter
les règles constitutionnelles. Il accepte d'ailleurs maintenant une meilleure
lisibilité des textes. Il reconnaît donc qu'il ne l'avait pas fait
auparavant.
Cela signifie que les lois de financement de la sécurité sociale et les lois
de finances qu'on nous présente depuis plusieurs années, corrigées d'ailleurs
immédiatement après leur vote par les lois rectificatives puis par les
annulations de crédits, traduisent bien l'opacité étonnante de nos
décisions.
Je demande donc au Gouvernement de revenir au principe de base de notre
République, l'unité du budget : il comprend toutes les dépenses et toutes les
recettes, et il est voté chaque année par le Parlement, dans la plus grande
clarté, je l'espère.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-117 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de la loi de finances, avant l'article 2.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - I. - Les dispositions du I de l'article 197 du code général des
impôts sont ainsi modifiées :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu
qui excède 26 230 francs le taux de :
« 10,5 % pour la fraction supérieure à 26 230 francs et inférieure ou égale à
51 600 francs ;
« 24 % pour la fraction supérieure à 51 600 francs et inférieure ou égale à 90
820 francs ;
« 33 % pour la fraction supérieure à 90 820 francs et inférieure ou égale à
147 050 francs ;
« 43 % pour la fraction supérieure à 147 050 francs et inférieure ou égale à
239 270 francs ;
« 48 % pour la fraction supérieure à 239 270 francs et inférieure ou égale à
295 070 francs ;
« 54 % pour la fraction supérieure à 295 070 francs ;
« 2° Au 2, les sommes : " 11 000 francs " et " 20 270 francs " sont remplacées
respectivement par les sommes : " 11 060 francs " et " 20 370 francs " et les
sommes : " 6 100 francs " et " 5 380 francs " sont remplacées respectivement
par les sommes : " 6 130 francs " et " 5 410 francs " ;
« 3° Au 4, la somme : " 3 330 francs " est remplacée par la somme : " 3 350
francs ".
« II. - Le montant de l'abattement prévu au deuxième alinéa de l'article 196 B
du code général des impôts est fixé à 20 480 francs. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
cette intervention sur l'article 2 porte évidemment sur la question, sans cesse
posée, de la réforme de l'impôt sur le revenu.
Il est en effet remarquable de constater que cet impôt qui est, si l'on peut
dire, le plus directement perçu par nos concitoyens quant à sa réalité concrète
est, depuis de longues années - peut-être, en fait, depuis qu'il existe -
l'objet d'une controverse sans cesse renouvelée.
Dans le cadre de la réforme fiscale que le Gouvernement a engagée depuis le
printemps 1997, il semble que l'impôt sur le revenu fasse l'objet, l'an
prochain, d'attentions toutes particulières, au même titre que la fiscalité
directe.
On observera que le précédent gouvernement avait engagé une réforme de l'impôt
qui consistait, dans ses grandes lignes et compte tenu de l'équilibre général
de notre système fiscal, à faire supporter par les revenus les plus faibles une
redistribution toujours plus favorable aux revenus les plus importants.
Par conséquent, une réforme de l'impôt sur le revenu nous paraît nécessaire,
réforme qui semble acquise, selon les dernières déclarations de M. le Premier
ministre.
Pour autant, nous ne pouvons dissocier - et nos amendements de cette année
comme les propositions que nous avons formulées les années précédentes en
attestent - cette réflexion et cette réforme de l'évolution plus générale de
notre fiscalité.
On ne peut d'ailleurs oublier que la réforme de l'impôt sur le revenu a été
quelque peu engagée en 1998, dès lors que le basculement des cotisations
maladie sur la contribution sociale généralisée, la CSG, a fait de celle-ci une
sorte de socle proportionnel de l'impôt progressif.
Je ferai une première observation à ce propos.
Il est manifeste que l'assiette de la CSG et celle de l'impôt progressif sont
nettement différentes, même si cela n'apparaît pas vraiment pour les salariés.
C'est sans doute là une première piste de réflexion qu'il conviendrait
d'explorer.
Si l'on souhaite modifier l'économie générale de notre impôt progressif, il
importe de s'interroger sur l'opportunité d'apporter un certain nombre
d'exceptions à la règle fiscale qui en appauvrissent singulièrement le
rendement et qui conduisent
in fine
à ne traduire qu'imparfaitement les
notions de justice fiscale comme l'efficacité de l'impôt.
Il demeure en effet inconcevable que les revenus du capital contribuent pour
11 % au rendement de la CSG et que ce pourcentage s'établisse à 3 % dès qu'il
s'agit de l'impôt progressif, auquel ils échappent donc très largement, et ce
sans tenir compte de la qualité même des placements qui les génèrent.
Nous continuons de penser que l'égalité devant l'impôt est quelque peu mise à
mal par cette situation et que toute réforme de l'impôt sur le revenu doit
viser à mettre un terme à ces distorsions.
Par ailleurs, ainsi que nous l'avons souligné, une réforme de l'impôt sur le
revenu, outre qu'elle permet de faire cesser quelques privilèges que rien ne
justifie véritablement, doit aussi se fixer comme objectif d'offrir des marges
de réduction du poids des autres impôts.
Nous ne sommes pas opposés à un accroissement relatif du rendement de l'impôt
sur le revenu si, dans le même temps, un effort particulier est accompli pour
réduire la taxe sur la valeur ajoutée ou d'autres droits indirects.
C'est d'autant plus pertinent que la moitié des contribuables de l'impôt sur
le revenu sont aujourd'hui non imposés, dont un nombre non négligeable,
soulignons-le - plus de 1,3 million de foyers, si je ne me trompe -, l'est du
fait de l'accumulation d'avoirs fiscaux et de l'application de telle ou telle
réduction de cotisation.
Or chacun sait que, dans le même temps, la TVA n'oublie personne et frappe
donc beaucoup plus fort ceux qui n'ont que peu pour consommer et vivre.
Je formulerai une dernière remarque. Compte tenu d'un certain nombre de
pratiques en vigueur chez nos partenaires européens, devons-nous envisager de
remettre en question notre système déclaratif au profit d'un système de retenue
à la source, comme cela se pratique pour la CSG ?
En cette matière, nous inclinons à penser que le système déclaratif dont nous
disposons aujourd'hui conserve toute sa valeur, pour autant que l'on tende à le
simplifier au travers d'une réduction des niches fiscales, que nous évoquions
encore il y a quelques instants.
A l'examen de cet article, telles sont les observations que nous comptions
formuler sur un débat qui est appelé à se prolonger.
M. le président.
Sur l'article, la parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Voilà quelques années, à l'époque du gouvernement Juppé, une vaste réforme de
l'impôt sur le revenu avait été engagée. Tout le monde s'en était alors réjoui.
Peut-on, en effet, être satisfait de la situation actuelle de notre système
d'imposition sur le revenu ?
Comme l'a rappelé Mme Beaudeau, la moitié des assujettis à l'impôt sur le
revenu ne le paie pas. L'autre moitié le paie, mais la progressivité du taux
d'imposition est telle qu'elle en devient dissuasive pour des tranches de
revenus qui, finalement, ne sont pas si élevées que cela, notamment en ce qui
concerne les cadres.
Cela, ajouté à d'autres charges fiscales et sociales qui pèsent sur certaines
catégories de personnes, aboutit, dans un monde aux frontières ouvertes, où la
mobilité est de plus en plus grande, à une double conséquence : certains
viennent en France parce qu'ils n'y paient pas d'impôts, tandis que les
meilleurs d'entre nos fils partent à l'étranger parce qu'ils en paient trop.
J'aimerais qu'un jour on puisse analyser, de façon très précise, ce double
phénomène : on attire des personnes chez nous par notre générosité et on en
chasse d'autres dont nous aurions extraordinairement besoin du fait d'une trop
grande rigueur.
Comme nous le verrons dans les quelques amendements en discussion, nous allons
nous chamailler sur un demi-point ou sur trois points de barème en passant à
côté du fond du problème : l'impôt sur le revenu est mal calculé, mal basé et
il n'a pas les effets qu'on en attend. Très souvent, on accorde des réductions
d'impôt à des gens qui n'en paient pas et l'effet psychologique est tout à fait
désastreux.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, au-delà du débat qui aura
lieu, le Gouvernement serait bien inspiré de revoir la totalité de l'imposition
sur le revenu, y compris les nouvelles impositions proportionnelles qui ont été
instaurés, notamment la CSG.
Il convient, me semble-t-il, de reprendre ce chantier. Le gouvernement Juppé
avait entrepris une réforme en la matière, mais vous l'avez abandonnée.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune. Par amendement n° I-1, M. Marini, au nom de la commission des
finances, propose :
A. - De rédiger comme suit le I de cet article :
« I. - Les dispositions du I de l'article 197 du code général des impôts sont
ainsi modifiées :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu
qui excède 26 540 francs le taux de :
« 10,5 % pour la fraction supérieure à 26 540 francs et inférieure à 52 200
francs ;
« 24 % pour la fraction supérieure à 52 200 francs et inférieure ou égale à 91
870 francs ;
« 33 % pour la fraction supérieure à 91 870 francs et inférieure ou égale à
148 750 francs ;
« 43 % pour la fraction supérieure à 148 750 francs et inférieure ou égale à
242 030 francs ;
« 48 % pour la fraction supérieure à 242 030 francs et inférieure ou égale à
298 470 francs ;
« 54 % pour la fraction supérieure à 298 470 francs. »
« 2° Au 2, les sommes de "11 000 francs" et "20 270 francs" sont remplacées
respectivement par les sommes de "11 190 francs" et "20 610 francs" ;
« 3° Au 4, la somme de "3 330 francs" est remplacée par la somme de "3 390
francs". »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du A
ci-dessus, de compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi
rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification des
modalités d'actualisation du barème est compensée à due concurrence par une
majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
Par amendement n° I-118, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca
Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants,
proposent :
A. - De rédiger ainsi le 1° du I de l'article 2 :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque revenu qui
excède 32 510 francs, les taux de :
« 7,5 % pour la fraction supérieure à 32 510 francs et inférieure ou égale à
50 380 francs ;
« 21 % pour la fraction supérieure à 50 380 francs et inférieure ou égale à 88
670 francs ;
« 29 % pour la fraction supérieure à 88 670 francs et inférieure ou égale à
111 660 francs ;
« 37 % pour la fraction supérieure à 111 660 francs et inférieure ou égale à
165 760 francs ;
« 43 % pour la fraction supérieure à 165 760 francs et inférieure ou égale à
248 800 francs ;
« 48,5 % pour la fraction supérieure à 248 800 francs. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du I
ci-dessus, de compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi
rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification de
l'actualisation du barème de l'impôt sur le revenu est compensée à due
concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
Par amendement n° I-218, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët, proposent :
I. - De rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2 pour le 1° du I
de l'article 197 du code général des impôts :
« 1° L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu
qui excède 26 230 francs le taux de :
« 9,5 % pour la fraction supérieure à 26 230 francs et inférieure ou égale à
51 600 francs ;
« 23 % pour la fraction supérieure à 51 600 francs et inférieure ou égale à 90
820 francs ;
« 32 % pour la fraction supérieure à 90 820 francs et inférieure ou égale à
147 050 francs ;
« 41 % pour la fraction supérieure à 147 050 francs et inférieure ou égale à
239 270 francs ;
« 46 % pour la fraction supérieure à 239 270 francs et inférieure ou égale à
295 070 francs ;
« 52 % pour la fraction supérieure à 295 070 francs. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de
compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification du
barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques est compensée à due
concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits
visés à l'article 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-119, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca
Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants
proposent :
I. - Dans le 2° du I de l'article 2, de remplacer la somme : « 11 060 francs »
par la somme « 16 600 francs ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de
compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond du
quotient familial est compensée par la majoration, à due concurrence, des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-219, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
I. - Dans le texte présenté par l'article 2 pour modifier le 2 du I de
l'article 197 du code général des impôts, de remplacer la somme : « 11 060
francs » par la somme « 16 600 francs ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de
compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond du
quotient familial est compensée à due concurrence par un relèvement des droits
visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création
d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des
impôts. »
Par amendement n° I-163, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - Dans le texte présenté par le 3° du I de l'article 2 pour modifier le 4
de l'article 197 du code général des impôts, de remplacer la somme : « 3 350
francs » par la somme : « 4 500 francs ».
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, de
compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de l'extension de la décote sont
compensées par le relèvement, à due concurrence, du taux prévu au 6° du
paragraphe III
bis
de l'article 125 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-220, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
I. - Dans le texte présenté par l'article 2 pour modifier le 4 du I de
l'article 197 du code général des impôts, de remplacer la somme : « 3 350
francs » par la somme : « 2 280 francs ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de
compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification de la
décote visée au 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est
compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575
et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle
aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-1.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement concerne l'évolution du barème de
l'impôt sur le revenu.
Tout d'abord, je ferai allusion, monsieur le secrétaire d'Etat, à différents
rapports de parlementaires qui se sont déjà exprimés sur ce sujet.
Mon collègue de l'Assemblée nationale - votre successeur, monsieur le
secrétaire d'Etat, puisque vous avez exercé cette fonction de rapporteur
général voilà quelques années -...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... a noté que les recettes fiscales passeraient,
pour l'an 2000, de 320 milliards de francs à 332,2 milliards de francs, soit
une hausse de 13,2 milliards de francs pour l'impôt sur le revenu. A partir de
ce chiffre, il a estimé qu'une réflexion s'imposait sur l'indexation du
barème.
Mon collègue de l'Assemblée nationale a également fait remarquer que
l'indexation actuelle s'effectue sur la base de l'indice des prix hors tabac et
que l'écart traditionnel de 0,1 % entre cet indice et l'indice général des prix
aboutit, sur une période de cinq ans, à une augmentation de la charge fiscale
d'environ 1 à 2,5 milliards de francs. Il a ajouté que l'indexation du barème,
non pas sur l'évolution du revenu disponible des ménages, mais sur celle des
prix, contribue aussi à renforcer le poids intrinsèque de l'impôt sur le revenu
par rapport aux autres prélèvements.
Le Sénat avait procédé à des constatations analogues et il avait esquissé une
problématique voisine dans le rapport sur le projet de loi de finances pour
1999. Dans ce rapport, que j'avais établi au nom de la commission des finances
figurait, notamment, la remarque suivante : une simple indexation sur les prix
permettrait à l'Etat, par le jeu de la progressivité de l'impôt, de toucher les
dividendes de l'augmentation du pouvoir d'achat des Français.
En effet, telle est bien, monsieur le secrétaire d'Etat, la question que pose
aujourd'hui, dans la conjoncture économique présente, un barème fortement
progressif, comme celui qui est actuellement en vigueur en France, lorsqu'il
s'applique à des revenus gonflés par le retour de la croissance.
La commission des finances estime qu'il s'agit non pas de trouver un agrégat
représentatif de l'impôt sur le revenu, mais de tenir compte, dans la
définition du barème, de l'accroissement réel des revenus des Français. La
solution la plus simple à cet égard serait de faire référence au taux de
croissance du produit intérieur brut, donnée simple et prévisible.
L'idée directrice est donc de mettre en place un système d'indexation
garantissant un partage des fruits de la croissance entre l'Etat et les
contribuables. En pratique, il s'agirait d'ajouter à la traditionnelle
indexation sur les prix, égale cette année à 0,5 %, un élément égal à la moitié
de la croissance prévue pour 1999, soit 1,15 %.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sous une apparence
peut-être technique en ce qui concerne le jeu des clauses d'indexation, cet
amendement paraît essentiel à la commission. Il s'agit, en effet, d'éviter la
mise en oeuvre d'un système fiscal aveugle dans ses modes d'évolution. Il faut,
au contraire, s'efforcer d'adapter son rendement à l'évolution de la
conjoncture économique, de telle sorte que, au travers de la définition des
bases de l'impôt sur le revenu, l'ensemble des citoyens contribuables soient
associés à la croissance économique et qu'ils en perçoivent, eux aussi,
quelques dividendes. Ces derniers ne doivent pas profiter seulement à l'Etat.
(M. Jean Chérioux applaudit.)
M. le président.
L'amendement n° I-118 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-218 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-119 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-219 est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-163.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement que le groupe communiste républicain et citoyen a déposé sur la
question de l'application de la décote traduit, par certains égards, une
position assez constante que nous exprimons depuis plusieurs années.
Le système de la décote est, chacun le sait ici, en oeuvre depuis plusieurs
années dans le cadre d'un allégement de la contribution fiscale des revenus les
plus modestes.
Dans un premier temps concentré sur les foyers fiscaux comportant une part ou
une part et demie, ce système a ensuite été étendu aux autres foyers
fiscaux.
Dans le cadre de la réforme de l'impôt sur le revenu engagée en 1997, il
devait d'ailleurs progressivement disparaître, étant mis en corrélation avec le
mouvement que cette réforme opérait sur les taux d'imposition, singulièrement
sur les tranches les plus faibles.
L'une des critiques les plus fréquemment formulées à l'encontre de ce
dispositif, dont le coût est estimé à 5,3 milliards de francs, est qu'il
favoriserait la création d'une sorte de « trappe de pauvreté » dans laquelle
tomberait un certain nombre de contribuables.
Force est cependant de constater que cette situation n'est que l'exact reflet
de la capacité contributive de ces ménages.
On peut, certes, regretter que le système de la décote trouve trop souvent
application. Il n'en demeure pas moins que cela procède, pour l'essentiel, de
la consistance même de l'assiette des revenus imposables, en particulier de la
persistance, dans notre pays, d'une profonde inégalité des revenus.
En effet, aujourd'hui, des millions de personnes continuent de ne disposer que
de faibles revenus, qu'il s'agisse de pensions, de retraites ou encore de
revenus salariaux, du fait même d'un partage pour le moins inégal des fruits de
la croissance dans notre société.
On ne doit jamais oublier, surtout dans ce débat, que la précarité du travail
demeure une réalité pour des millions de nos concitoyens, que le niveau du SMIC
est manifestement sous-évalué au regard des besoins individuels ou familiaux
normaux de la vie courante, que le partage de la richesse créée entre salariés
et actionnaires est loin d'être favorable aux premiers.
Le système de la décote, même s'il ne constitue pas nécessairement, nous en
sommes bien conscients, la réponse la plus adaptée au problème, permet de
corriger ces inégalités devant l'impôt, et ce dans le strict respect des
principes mêmes de notre fiscalité ; il convient donc de lui rendre toute sa
portée.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-220.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement tend à mettre progressivement fin à certaines différences
fiscales entre les couples - mariés ou non - établissant une seule déclaration
d'impôt et les couples établissant deux déclarations séparées, et ce par la
poursuite de la réforme de la décote initiée par le précédent gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-163 et I-220 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-163 du groupe communiste
républicain et citoyen, dont le coût est probablement très élevé, est
intéressant en ce qu'il enrichit la réflexion ; mais il n'est pas conforme aux
orientations que la commission a retenues cette année pour l'impôt sur le
revenu.
Nous avons bien noté les déclarations du Gouvernement annonçant une remise à
plat et un débat d'ordre général sur la fiscalité des personnes : l'impôt sur
le revenu et la taxe d'habitation. Il paraît donc difficile d'entrer à présent
dans une démarche ponctuelle et de ne pas renvoyer les différentes propositions
qui sont faites à ce débat général sur l'impôt sur le revenu.
En ce qui concerne la commission des finances, à de nombreuses reprises, nous
avons fait état de notre préférence, notamment l'an dernier, lorsque nous
avons, par un vote d'article de seconde partie, rappelé notre volonté de voir
l'impôt sur le revenu diminuer dans toutes ses composantes et dans tous les
compartiments du barème. Nous avions estimé que ce signal était nécessaire et
que nos orientations devaient s'inscrire dans la continuité de la politique
décidée à cet égard, sans doute un peu tardivement de notre point de vue, par
l'ancien gouvernement.
Nous restons sur cette ligne, bien entendu.
Il est bon de rappeler que, si les orientations formulées à l'époque avaient
été mises en oeuvre, nous aurions aujourd'hui un impôt sur le revenu qui, après
plusieurs années de baisse, aurait suscité un dynamisme nouveau de la part des
acteurs de l'économie.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que la proposition du groupe communiste
républicain et citoyen doit, comme d'autres, être renvoyée au débat que nous
annonce le Gouvernement.
L'amendement n° I-220, sur le même sujet, mais d'inspiration opposée, est
également intéressant. La commission des finances, du moins sa majorité, est
évidemment plus en sympathie avec cette orientation qu'avec la précédente. Je
suggère à nos collègues de retirer cet amendement, après avoir, bien sûr,
entendu l'avis du Gouvernement, pour, le cas échéant, le transférer en seconde
partie, et, de toute manière, le reprendre - c'est ma suggestion - à l'occasion
du débat général sur l'impôt sur le revenu qui nous a été annoncé.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° I-163 et demande le
retrait de l'amendement n° I-220.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-1, I-163 et I-220
?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Avant de donner l'avis du Gouvernement sur ces
amendements, je souhaite répondre aux différents orateurs qui se sont exprimés
sur l'impôt sur le revenu.
Il est clair que les critiques sont nombreuses à l'égard de ce qu'est devenu,
au fil du temps, l'impôt sur le revenu. Il est clair également que la
complexité de l'impôt sur le revenu fait obstacle à toute appréciation juste de
sa place dans l'ensemble du paysage fiscal. Il est clair enfin - je me réfère
ici à un vieux principe que j'avais moi-même énoncé alors que j'étais
rapporteur général - qu'un bon impôt est un vieil impôt, c'est-à-dire un impôt
qui est bien établi, solidement et durablement, sur des bases claires, simples
et compréhensibles dans le reste du paysage fiscal.
(M. le président de la
commission des finances acquiesce.)
Au fil du temps, nous avons « raffiné », si je puis dire, cet impôt sur le
revenu. Tous les gouvernements, toutes les majorités ont contribué, de fait,
sans le vouloir probablement, à rendre toujours plus complexe l'impôt sur le
revenu de sorte qu'il est aujourd'hui excessivement concentré puisque, cela a
été rappelé tout à l'heure, si plus de 50 % des assujettis n'acquittent pas
d'impôt sur le revenu, 5 % des contribuables assument 50 % du montant de la
charge totale. Et que dire du sort du smicard célibataire qui est imposable à
l'impôt sur le revenu, sinon que c'est un bien mauvais signal adressé à
l'ensemble des salariés qui doivent consentir tant d'efforts pour le retour à
l'emploi ? En effet, si dès qu'il retrouve du travail, l'ancien chômeur est
immédiatement frappé par l'impôt sur le revenu, à des taux marginaux souvent
trop élevés on décourage l'initiative et la dynamique économique que nous
appelons tous unanimement de nos voeux.
Il faut donc en effet relire l'impôt sur le revenu en fonction de cet objectif
d'initiative, de dynamique économique, de soutien à la qualité de la
croissance, et je souscris à ce qui a été dit sur toutes les travées à cet
égard. La réforme de cet impôt est bien dans l'intention du Gouvernement, comme
l'ont déclaré récemment M. le Premier ministre puis M. Sautter.
Bien entendu, il ne s'agit pas de remettre en cause les fondements de l'impôt
sur le revenu, dont il faudra conserver la progressivité et la
redistributivité. Mais il faudra corriger les différentes anomalies constatées
dans le barème actuel pour le rendre plus moderne.
Nous devrons, ce faisant, accorder une attention particulière à la situation
des classes moyennes, qui n'a pas encore été évoquée, mais à laquelle chacun
pense ici. Lorsque, dans un foyer fiscal, les revenus sont moyens pour les deux
conjoints, l'impôt sur le revenu pèse de manière inacceptable.
M. Michel Charasse.
Ça s'arrête où, les « revenus moyens » ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
On ne sait pas forcément où s'arrêtent les revenus
moyens, mais on sait bien où sont les petits et les très gros revenus.
M. Michel Charasse.
Mais les moyens ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Comme l'a déclaré M. le Premier ministre il y a
quelques jours, tout cela devra s'inscrire dans une réforme globale de la
fiscalité directe. En effet, on ne peut pas penser l'impôt sur le revenu sans
penser en même temps l'imposition locale, en particulier la taxe d'habitation,
qui devrait faire l'objet d'un nouvel examen au cours de l'an 2000, lors de la
préparation du projet de loi de finances initiale pour 2001.
Il s'agit donc d'une réforme globale, à l'inverse de ce qui s'est passé au
cours des années 1995 et 1996, durant lesquelles des réformes successives, plus
annoncées d'ailleurs que réalisées, ont abouti à un alourdissement considérable
de la charge fiscale globale. Il vous faut en convenir, monsieur le rapporteur
général, mesdames, messieurs les sénateurs, plus de 120 milliards de francs
d'impôts nouveaux ont été ainsi créés. Ce que nous voulons, nous, c'est alléger
la charge globale, dans un contexte de justice sociale, monsieur Charasse, et
de maintien des grands acquis démocratiques de notre système d'imposition, pour
dynamiser l'économie sans porter atteinte aux impératifs de justice et d'équité
sociales.
Mais j'en viens à l'amendement n° I-1.
M. Marini n'ignore pas que sa proposition serait d'un coût budgétaire
important, puisqu'il s'agirait de 4,2 milliards de francs,...
M. Michel Charasse.
C'est le tabac qui paye !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Non, c'est la cagnotte qui paiera !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... et ce pour un très faible avantage individuel,
environ 270 francs en moyenne par foyer fiscal imposable.
Par ailleurs, et c'est sans doute le principal défaut à mes yeux de
l'amendement de M. Marini, il jouerait de manière indifférenciée et donc, de
fait, même si ce n'est certainement pas l'objectif prioritaire de son auteur,
en faveur des contribuables aux revenus les plus élevés.
Nous avons, pour notre part, choisi d'utiliser les marges budgétaires
disponibles pour poursuivre la réduction des inégalités qui est au coeur de la
politique fiscale du Gouvernement, notamment par l'allègement de la TVA, par la
suppression de la contribution représentative du droit de bail pour les
locataires acquittant annuellement moins de 36 000 francs de loyer et par une
multitude d'autres dispositions dont la lecture est claire : il y a plus de
justice fiscale lorsqu'il y a allégement de l'impôt.
Je suis donc hostile à l'amendement n° I-1.
Quant à l'amendement n° I-163, permettez-moi de faire un simple rappel. Le
mécanisme de la décote a été institué pour corriger, au profit des
contribuables de condition modeste, les effets du barème progressif. Son
montant est donc étroitement lié à la structure même du barème de l'impôt sur
le revenu. Il doit en conséquence évoluer de la même manière que l'ensemble des
tranches du barème afin de ne pas déséquilibrer celui-ci.
Une modification du mécanisme de la décote ne peut donc être envisagée, vous
en conviendrez avec moi, que dans le cadre d'une réforme d'ensemble de l'impôt
sur le revenu. Je viens de l'indiquer, la réflexion est en cours. Le projet de
la loi de finances pour 2001 comprendra des dispositions importantes allant
dans le sens souhaité.
C'est pourquoi, dans cette attente et prenant en compte les objectifs de
justice fiscale qui sont les vôtres, je vous demande, madame Beaudeau, de bien
vouloir retirer votre amendement.
L'amendement n° I-220, qui va dans le sens inverse de celui qui a été présenté
par le groupe communiste républicain et citoyen, est, à mon avis, marqué d'une
faute originelle en ce sens qu'il présenterait l'immense inconvénient d'imposer
1 235 000 nouveaux contribuables modestes alors que, grâce au système de la
décote, ils ne le sont pas. M. Oudin s'inspire directement de la logique de la
réforme d'ensemble annoncée, à la télévision, par l'ancien Premier ministre, M.
Juppé. Si, par cet amendement, on ne reprend qu'une partie de cette réforme, on
en déséquilibre la logique. Il serait donc sage de retirer cet amendement.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur
le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre débat s'engage dans
d'excellentes conditions. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de
M. le secrétaire d'Etat. J'approuve en grande partie ce qu'il a dit quant à sa
conception de l'impôt. S'agissant de l'impôt sur le revenu, il a eu raison
d'insister sur le fait qu'un bon impôt est souvent un impôt ancien, bien fondé,
épuré au fil des ans.
Cependant, il est un aspect que vous n'avez pas souligné, monsieur le
secrétaire d'Etat, et qui est celui qui a le plus contribué à complexifier cet
impôt : c'est le taux marginal trop élevé. Nous avons, les uns et les autres,
fréquemment dénoncé les niches fiscales. Or elles ont été souvent ouvertes
parce que, le taux marginal étant si élevé, il fallait bien instaurer des
soupapes pour trouver des solutions.
Dès lors que l'on s'engage dans un tel débat et que l'on veut avoir une vision
objective du sujet, on ne peut pas ne pas souligner cette question, qui me
paraît réelle et à laquelle il faudra trouver des réponses.
Le second aspect qui n'a pas manqué de retenir mon attention, c'est votre
évocation - et ce point revient assez souvent au banc du Gouvernement - d'une
majoration, excessive, selon vous, des impôts en 1995 et 1996. Puisque vous
êtes un Européen convaincu et que vous êtes un spécialiste des finances,
monsieur le secrétaire d'Etat, je me retourne vers vous pour vous poser la
question suivante : en 1995 et 1996, sachant que vous souhaitiez de tout coeur,
j'imagine, la qualification pour l'euro et que vous auriez été naturellement
très attaché à ce que le solde nous permette d'obtenir cette qualification,
quels impôts auriez-vous augmentés, quelles dépenses auriez-vous baissées ?
La réponse à cette question nous intéresse beaucoup. Si vous aviez eu à
diminuer des dépenses, dites lesquelles.
M. Denis Badré.
C'est une vraie question !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
En effet, nous n'y avons
peut-être pas pensé. Or nous allons vous faire des propositions. Si vous aviez
eu à majorer d'autres impôts, dites-nous lesquels.
Je crois en votre science fiscale, mais je suis sûr que vous ne nous avez pas
tout dit.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. Michel Charasse.
Eternelle question : quelles dépenses baisser ? Personne n'y répond jamais,
même à droite !
M. Jean Chérioux.
Surtout à gauche !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous entrons effectivement dans l'essentiel du débat,
et M. le président de la commission des finances a bien planté le décor de
cette discussion relative à l'impôt sur le revenu et aux choix budgétaires et
fiscaux.
Monsieur le secrétaire l'Etat, je voudrais revenir sur l'indexation du
barème.
En matière fiscale, il existe deux catégories de choix : les choix volontaires
et les choix implicites. Les choix volontaires, ce sont les mesures de
législation fiscale qui nous sont proposées dans le cadre de la vision
économique et financière d'un gouvernement. Les choix implicites, c'est le jeu
automatique des dispositions antérieures.
A l'occasion du présent projet de loi de finances, nous avons fait un effort
de recherche pour reprendre - de nombreux collègues se sont d'ailleurs joints à
cette démarche par leurs propres amendements - des seuils en valeur absolue, au
motif que, au fil du temps, ces seuils ont pris des caractères très différents
de ceux qui étaient les leurs à l'origine. Donc, nous nous sommes efforcés
d'actualiser ces seuils pour se remettre dans les conditions des décisions
d'origine, souvent anciennes et qui remontent parfois à plusieurs décennies.
En matière d'indexation du barème, faisant la même remarque que nos collègues
de l'Assemblée nationale, nous disons que la seule indexation sur les prix
entraîne des effets économiques au détriment des contribuables et que ces
effets s'agrravent d'année en année de manière insidieuse. C'est ce que
j'appelle un choix implicite.
Compte tenu de la conjoncture de croissance économique forte que nous avons la
joie de constater aujourd'hui, il est anormal de ne pas traiter les
contribuables de manière équitable. De la même manière, il est inéquitable de
ne pas associer suffisamment les collectivités territoriales à la croissance,
par une indexation insuffisante de l'évolution de la dotation globale de
fonctionnement sur le taux de croissance. C'est exactement le même
raisonnement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, même s'il ne s'agit que d'atténuations à la
marge des cotisations individuelles, ces atténuations cumulées au fil des ans
peuvent entraîner de sérieuses distorsions au terme de quelques années.
Dans votre discours redistributeur, vous affirmez que l'évolution du mode
d'indexation tel que le propose la commission aurait un effet indifférencié. En
ce qui concerne la progressivité du barème, nous estimons - c'est une
conviction forte - qu'en l'état le barème décourage les capacités d'initiative
et l'investissement. Il entraîne des distorsions qui, à terme, sont très
défavorables à l'économie française. Il est une incitation aux délocalisations
de revenus ou une incitation à moins produire pour moins percevoir afin d'être
un peu moins spolié par la machine fiscale et sociale.
Ce sont ces préoccupations que la commission des finances entend soumettre à
notre Haute Assemblée, compte tenu de notre très grande insatisfaction au
regard de l'impôt sur le revenu tel qu'il est conçu actuellement. Affirmer que
le débat interviendra mais qu'il est différé, réaliser des effets d'annonce en
ce domaine de la fiscalité des personnes, alors que vous disposez de marges de
manoeuvre fiscales inégalées jusqu'à présent - nous reviendrons sur ce point
tout au long de la discussion - c'est une manière de différer les problèmes, de
disjoindre les questions les plus délicates, non pas nécessairement vis-à-vis
du Sénat, mais, peut-être, vis-à-vis des différentes tendances de la majorité
qui soutient le Gouvernement auquel vous appartenez. En effet, s'agissant de la
politique fiscale, si les déclarations de M. Laurent Fabius me paraissent
souvent sympathiques, mais je ne me retrouve pas dans celles de Marie-Claude
Beaudeau.
M. Michel Charasse.
C'est la majorité plurielle !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Effectivement. Peut-être y a-t-il là une grande
habileté qui consiste à repousser de tels débats qui feront jaillir des
contradictions, des tensions inévitables au sein des différentes fractions qui
vous soutiennent, mais, pour ce qui nous concerne, nous sommes, par avance,
disponibles pour la tenue d'un tel débat relatif à l'impôt sur le revenu. Nous
sommes d'ores et déjà curieux de savoir où se situera le compromis que M. le
Premier ministre devra réaliser pour faire des propositions.
M. Michel Charasse.
Comme d'habitude : à mi-chemin !
(Sourires.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Notre débat a en effet une très grande importance et
il présente beaucoup d'intérêt.
L'indexation du barème est une question rémanente, dont nous avions d'ailleurs
apaisé les contraintes depuis une vingtaine d'années. Je me souviens qu'il fut
une époque où M. Giscard d'Estaing proposait d'indexer de manière
différentielle les tranches du barème, afin d'accroître la progressivité sans
que le débat public sur la fiscalité de l'impôt sur le revenu fasse apparaître
cette manoeuvre implicite aux conséquences extrêmement importantes sur la
structure de la fiscalité et sur le poids sur les classes moyennes de
l'imposition directe, tout cela étant noyé dans un débat qui affichait l'idée
que l'impôt sur le revenu était trop élevé. En vérité, il était accru au moment
de l'indexation différentielle des différentes tranches.
Aujourd'hui, et ce depuis une quinzaine d'années, l'indexation de l'ensemble
des tranches du barème est identique - elle a d'ailleurs été instituée par la
gauche - et c'est une bonne chose.
Baisser les impôts ? Il faut baisser les impôts et préserver la justice dans
l'ensemble du système fiscal. Nous procédons, en effet, d'une manière très
différente de celle qui avait été adoptée par le Premier ministre M. Juppé, qui
avait en même temps fortement accru la TVA et annoncé, sans d'ailleurs la
réaliser, la baisse de l'impôt sur le revenu.
Nous préférons notre méthode, mais, monsieur le rapporteur général, monsieur
le président de la commission des finances, nous donnons à propos de la baisse
des impôts des signaux clairs, orientés vers la dynamique de l'économie au
profit de l'emploi. Je donnerai deux exemples emblématiques, même si, pour
l'instant, ils ne sont que symboliques.
Le premier, c'est la baisse de l'imposition sur les bons de souscription de
parts de créateurs d'entreprise, réalisée en 1997 dans le cadre de la loi de
finances pour 1998, modifiée et accrue dans son intensité et dans son champ en
1998 au titre de la loi de finances pour 1999. Il s'agit d'un signal donné à
l'économie, en direction des créateurs d'entreprise et de l'investissement, de
l'innovation dans la création de valeur dans l'entreprise. Ce signal est très
fort, car, émanant d'un gouvernement de la gauche plurielle, il montre la
dynamique très importante que nous voulons imprimer à l'innovation et à la
création de la petite entreprise, de la
start up
, comme on dit parfois
dans notre économie.
Le second signal qui a « dégelé » complètement le marché immobilier, c'est la
baisse des droits de mutation à l'occasion des transactions immobilières. On
l'attendait depuis vingt ans. Cela a permis de faire passer l'imposition sur
les mutations à titre onéreux de quelque 18,2 % à 4,80 % aujourd'hui pour
l'immobilier d'entreprises. Il s'agit, là aussi, d'un déclic psychologique, qui
montre la direction que nous voulons suivre, à savoir la justice sociale, la
création d'emplois et la dynamique de croissance.
Voilà des pistes qui font partie de notre débat, qui sont fructueuses pour
orienter la réflexion que nous aurons avec la Haute Assemblée et l'Assemblée
nationale l'année prochaine sur la réforme globale de l'imposition directe et,
à travers elle, sur la baisse, pour un certain nombre de catégories sociales
bien identifiées et donc politiquement significatives, par le signal que nous
donnerons là aussi, de l'impôt sur le revenu et de l'imposition directe
locale.
Voilà une conception d'ensemble. Le Gouvernement de M. Lionel Jospin s'honore
de vouloir mettre en oeuvre des réformes fiscales après avoir développé une
large concertation, après avoir formulé une conception d'ensemble des réformes
fiscales qui reste cohérente avec les objectifs politiques de la majorité
plurielle qui le soutient.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-1.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Face à la réforme que le Gouvernement nous annonce pour l'année prochaine,
nous avons tout de même pour mission d'émettre des signaux.
Le signal qui est donné par la commission des finances est très fort. Il
consiste tout simplement à bien expliquer que si l'on n'indexe pas le barème au
moins pour partie sur la croissance, nous aurons une augmentation des
prélèvements obligatoires. Je crois que c'est ce signal que nous devons
donner.
Je voudrais souligner par ailleurs que M. le rapporteur général indexe à juste
titre le barème sur la moitié de la croissance. En effet, une partie de la
croissance est due à la croissance démographique, qui représente chaque année
de 0,5 à 0,6 point de PIB. J'aurais souhaité - mais c'est une remarque de
technicien - que l'on tienne compte de cette petite nuance. Cela étant, puisque
M. le rapporteur général indexe le barème sur la moitié de la croissance, il
tient indirectement compte de la croissance démographique. Ce qui importe pour
l'individu contribuable, c'est naturellement la croissance du revenu par tête,
et non pas la croissance globale. L'écueil que je signalais a donc été
parfaitement évité.
Cet amendement de la commission sur l'indexation est un signal fort que le
Sénat donne au Gouvernement en vue de la réforme fiscale. C'est pour cette
raison que le groupe de l'Union centriste le votera.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s I-163 et I-220 n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-2, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de supprimer le II de l'article 2.
Par amendement n° I-221, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
I. - A la fin du II de l'article 2, de remplacer la somme : « 20 480 francs »
par la somme : « 30 330 francs » ;
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de
compléter l'article 2 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond de
l'abattement accordé aux contribuables rattachant à leur foyer fiscal un enfant
majeur ou versant des pensions alimentaires à des enfants majeurs est compensée
à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux
droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-2.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec
l'amendement n° I-3, qui sera présenté tout à l'heure.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-221.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement tend à rétablir l'ancien plafond de l'abattement accordé aux
contribuables rattachant à leur foyer fiscal un enfant majeur ou versant des
pensions alimentaires à des enfants majeurs.
Cette mesure n'avait de sens qu'en contrepartie d'une baisse de l'impôt sur le
revenu et c'est l'unique raison qui avait amené l'ancien gouvernement à
procéder à cet abaissement.
Le gouvernement actuel a choisi de renoncer, pour des raisons idéologiques, à
la réforme de l'impôt sur le revenu. Il doit tirer les conséquences de ce choix
et renoncer également aux mesures de suppression ou de réduction de certains
abattements prises en contrepartie de ladite baisse de l'impôt sur le
revenu.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-221 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement est intéressant et la commission a
formulé une proposition de même nature avec son amendement n° I-3, qui vise à
insérer un article additionnel avant l'article 2
bis
afin d'apporter en
faveur des familles un certain nombre d'aménagements à l'impôt sur le revenu,
dans le cadre d'une politique familiale dont la nécessité nous semble
évidente.
Les préoccupations de M. Oudin et de nos collègues vont tout à fait dans le
même sens : l'initiative ainsi exprimée vise manifestement à réparer certaines
mesures malheureuses de la précédente loi de finances.
La commission a toutefois opéré des choix techniques légèrement différents.
Même si elle partage les orientations des auteurs de l'amendement, elle leur
suggère donc de bien vouloir retirer ce dernier, de telle sorte que la
discussion puisse de concentrer sur le dispositif plus large et plus complet -
mais de même esprit - conçu par la commission dans l'amendement n° I-3.
M. le président.
L'amendement n° I-221 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Je me rallie à l'amendement n° I-3 de la commission.
M. le président.
L'amendement n° I-221 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-2 ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Pour la clarté du débat, monsieur le président,
j'indique que cet amendement trouve sa justification dans l'amendement n° I-3,
présenté également par M. le rapporteur général, et qui tend à accorder un
abattement de 24 000 francs par personne rattachée au foyer fiscal d'un
contribuable.
Aujourd'hui, le montant de l'abattement accordé aux personnes qui rattachent à
leur foyer fiscal un enfant marié ou célibataire chargé de famille est fixé en
fonction d'un principe : l'avantage en impôt qu'il procure au contribuable ne
doit pas excéder celui dont bénéficieraient les contribuables imposés au taux
marginal le plus élevé si ce rattachement prenait la forme d'une majoration de
leur quotient familial.
Pour cette même raison, le plafond des pensions alimentaires versées aux
enfants majeurs est fixé par référence au montant de cet abattement. Dès lors
que, dans le projet de loi de finances, nous envisageons de fixer le montant du
plafond du quotient familial à 11 060 francs pour l'imposition des revenus de
1999, le montant de l'abattement doit, par définition même, être fixé pour la
même année à 11 060 francs divisés par 0,54, soit 20 480 francs.
Si le Sénat suivait son rapporteur général, cela reviendrait à défavoriser les
personnes qui rattachent à leur foyer fiscal un enfant marié ou chargé de
famille ainsi que les contribuables qui versent une pension alimentaire à un
enfant majeur par rapport aux parents qui bénéficient d'une majoration de
quotient familial lorsque le rattachement prend cette forme.
Il y aurait donc là introduction d'une injustice réelle dans la situation de
parents contribuables suivant que leur enfant est directement rattaché au foyer
fiscal ou qu'il ne l'est pas. Je crois donc que M. Marini serait bien inspiré
de retirer son amendement, dont les effets ne sont certainement pas ceux qu'il
a voulu mettre en place.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, m'autoriserez-vous une suggestion ? Pour la
clarté du débat, lorsque vous présentez un amendement qui réalise une
coordination avec un amendement ultérieur, il serait sans doute préférable de
demander la priorité de ce dernier : nous y verrions plus clair !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Dont acte, monsieur le président.
Articles additionnels après l'article 2
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-123, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca
Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants
proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu bénéficient, au
titre des revenus de 1999, d'un abattement exceptionnel de 5 % sur le montant
de l'impôt à payer.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation
à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts. »
Par amendement n° I-226, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les assujettis à l'impôt sur le revenu des personnes physiques
bénéficient d'un abattement de 5 % sur le montant de l'impôt à payer.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
L'amendement n° I-123 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-226.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement allie la simplicité à la lisibilité puisqu'il allège de 5 %
l'impôt sur le revenu pour tous les contribuables.
Le coût de cette mesure d'allégement, chiffré à 17 milliards de francs par le
Gouvernement, peut largement être pris en charge en 2000 grâce aux surplus
dégagés par la croissance. Il convient d'agir sur les prélèvements obligatoires
dès l'an prochain et de ne pas attendre 2001 !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-226 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission partage, naturellement, le souci des
auteurs de l'amendement : il est clair que, dans la période de croissance où
nous nous trouvons, il convient de se poser un certain nombre de questions
concernant la réforme de l'impôt sur le revenu, ainsi que nous venons de le
voir lors de la discussion précédente.
Il me semble toutefois que l'amendement que nous avons voté tout à l'heure en
matière d'indexation du barème en fonction de la croissance est un signal
suffisant pour manifester clairement le souci du Sénat de ne pas laisser se
développer des effets implicites par lesquels les contribuables seraient
complètement frustrés des dividendes de la croissance.
Dans ces conditions, je pense qu'il est préférable que la suggestion qui nous
est présentée soit renvoyée au débat annoncé sur la réforme globale de l'impôt
sur le revenu.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Aux calendes grecques !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Chacun l'aura compris, un avantage général - une
réduction de 5 % sur le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu -
suravantage les revenus les plus élevés, désavantage les revenus les plus
faibles et crée une injustice par rapport aux contribuables qui n'acquittent
pas de cotisation et qui ne bénéficient d'aucun avantage supplémentaire.
Je suis donc hostile à cette manière de procéder, pour les raisons que nous
avons évoquées les uns et les autres tout à l'heure.
Nous avons choisi, nous, d'utiliser les marges budgétaires pour réduire les
inégalités fiscales. Or cet amendement, par sa simplicité extrême - mais aussi,
disons-le sans polémique, par sa brutalité - aggraverait, au contraire, les
dispositions inégalitaires qui figurent encore dans le code général des
impôts.
M. Michel Charasse.
L'ennui naquit un jour de l'uniformité !
(Sourires.)
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
J'ai la faiblesse de penser que le signal contenu dans l'amendement n° I-226
était beaucoup plus fort que tous les autres.
Cela étant, entendre M. le secrétaire d'Etat nous dire que cet amendement est
injuste parce que...
M. le président.
Monsieur Oudin, retirez-vous ou non votre amendement ?
M. Jacques Oudin.
Je m'explique, monsieur le président !
M. le président.
Non ! Je ne peux vous laisser vous expliquer que si vous retirez
l'amendement.
M. Jacques Oudin.
Je vais le retirer...
Entendre M. le secrétaire d'Etat nous dire que cet amendement serait injuste
parce que ceux qui ne paient pas d'impôt ne pourraient pas bénéficier d'une
réduction sur un impôt qu'ils n'acquittent pas est un raisonnement
extraordinaire !
M. Michel Charasse.
C'est très moderne !
M. Jacques Oudin.
Au demeurant, il pourrait être avancé dans de nombreux autres cas.
Cela dit, j'espère que la réforme de l'impôt sur le revenu dont on nous parle
ne sera pas l'Arlésienne ! Mais je fais confiance à la commission des finances
et à son rapporteur et je me rallie bien volontiers à leur invitation en
retirant mon amendement, tout en pensant que l'argument selon lequel les impôts
ne doivent pas être réduits au motif que la moitié des Français n'en paient pas
mérite de figurer dans une anthologie des débats parlementaires.
M. le président.
L'amendement n° I-226 est retiré.
Par amendement n° I-222, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le quatrième alinéa du 3° de l'article 83 du code général des impôts
est complété par une phrase ainsi rédigée : "A compter de l'imposition des
revenus de 1999, cette limite est de 50 000 francs pour les voyageurs,
représentants et placiers de commerce ou d'industrie". »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement prend en compte la spécificité des VRP, dont le rôle est
particulièrement important pour le développement des petites et moyennes
entreprises et pour le commerce extérieur de la France.
Il convient de revenir, pour eux, au plafond antérieur de 50 000 francs pour
la déduction forfaitaire supplémentaire pour frais professionnels.
M. Michel Charasse.
Nous commençons à rétablir la liste !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous voyons là revenir une problématique bien connue
en matière d'impôt sur le revenu.
M. Michel Charasse.
Oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
De deux choses l'une, monsieur le secrétaire d'Etat :
ou bien on met à plat l'impôt sur le revenu et, dans le cadre d'une discussion
globale sur sa conception et son devenir, on simplifie en traitant d'une
manière uniforme...
M. Denis Badré.
Et équitable !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... toutes les professions, ou bien on tarde à
réaliser ce mouvement de baisse de l'ensemble de l'impôt sur le revenu et on
voit alors inévitablement resurgir ces discussions corporatistes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai le souvenir - récent - des échanges
vigoureux que nous avions eus au sujet d'une profession indispensable aux
démocraties et que nous connaissons bien...
M. Michel Charasse.
Les journalistes !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En effet, mon cher collègue !
M. Michel Charasse.
Nos chers journalistes !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oui, nos chers journalistes ! Mais pourquoi les VRP
nous seraient-ils moins chers que les journalistes ? C'est un sujet qui ne peut
pas ne pas resurgir, car ils sont aussi respectables les uns que les autres
!
M. Denis Badré.
Voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Que l'on veuille donc bien se diriger dès que
possible vers une vision claire de l'impôt sur le revenu, vers une baisse des
prélèvements obligatoires sur la personne, et tous ces sujets disparaîtront,
nos discussions parlementaires n'en seront plus encombrées.
Certes, je comprends bien l'initiative de notre collègue M. Oudin et du groupe
du RPR, mais je considère que ce sujet devra être réexaminé dans le cadre d'une
étude plus globale de l'impôt sur le revenu et, le cas échéant, je ne serais
pas du tout hostile à ce que cet amendement soit représenté lors de l'examen de
la deuxième partie en tant que signal positif vis-à-vis de cette profession et
en tant qu'appel à une véritable réforme au-delà d'un seul effet d'annonce.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, j'avais cru comprendre que M.
le rapporteur général demandait le retrait de l'amendement de M. Oudin.
M. le président.
M. Oudin ne s'étant pas manifesté, je dois vous consulter, monsieur le
secrétaire d'Etat !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je suis hostile à cet amendement, et je tiens à dire à
M. Oudin qu'il n'est pas absurde d'évoquer, lorsqu'une réduction linéaire de 5
% est proposée, le cas des contribuables qui ne s'acquittent pas d'une
cotisation. N'est-ce pas pour mettre en oeuvre cette problématique extrêmement
moderne que, à droite comme à gauche, certains ont proposé des systèmes d'«
imposition négative » ?
Si la justice fiscale est à l'ordre du jour - ce qui est le cas sur l'ensemble
de ces travées, j'en suis persuadé -, on doit veiller, surtout dans le cas
français où 50 % des contribuables n'acquittent pas d'impôt sur le revenu, à
prendre en compte la situation des plus défavorisés de nos concitoyens. Et,
lorsque la moitié d'entre eux ne paient pas de cotisation et que l'on veut
réformer le système de l'impôt sur le revenu, on doit se préoccuper des plus
défavorisés, des plus modestes.
Voilà la problématique. Loin d'être absurde, elle est au contraire très
moderne. De nombreux économistes ont soulevé cette question et produit une
abondante littérature sur cette problématique d'une plus grande justice à
travers une redistribution organisée autour du système de l'impôt sur le
revenu.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-222 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Je le retire, monsieur le président, en me ralliant à la suggestion de M. le
rapporteur général : je le représenterai donc dans la seconde partie du projet
de loi de finances.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre raisonnement est tout à fait valable. Il
a un seul défaut : il concerne à 50 % une population qui n'est pas assujettie à
l'impôt ! C'est malheureusement là que le bât blesse ! Si ce pourcentage ne
s'élevait qu'à 5 %, 10 %, voire 15 % et correspondait donc vraiment à des
personnes dont le niveau de revenus, selon l'échelle des revenus sociaux, est
insuffisant, on pourrait alors comprendre. Mais quand 50 % des personnes ne
paient pas l'impôt, et surtout l'impôt sur le revenu, manifestement, le système
est obsolète !
M. le président.
L'amendement n° I-222 est retiré.
Par amendement n° I-167, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 2,
d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le sixième alinéa, il est inséré dans l'article 83 du code
général des impôts un alinéa additionnel ainsi rédigé :
« ... les cotisations versées aux sociétés mutualistes. »
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 980
bis
du code général des
impôts, les mots : "n'est pas" sont remplacés par le mot : "est". »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement du groupe communiste républicain et citoyen porte sur la
question de la quotité du revenu global imposable des contribuables à l'impôt
sur le revenu.
Nous proposons en effet à la Haute Assemblée d'examiner la déductibilité
fiscale des cotisations versées par les ménages et les particuliers aux
organismes mutualistes, singulièrement dans le cadre de la couverture maladie
complémentaire.
Cet amendement est fondé sur un principe relativement simple d'incitation à la
souscription par les particuliers de cotisations de couverture complémentaire,
dont on sait aujourd'hui qu'une part importante de la population n'en bénéficie
pas faute d'avoir cotisé à une mutuelle.
En effet, cette démarche de responsabilisation a un coût important.
Les cotisations volontaires des salariés et des non-salariés aux régimes de
protection sociale complémentaire représentent en effet des sommes relativement
importantes : plusieurs dizaines de milliards de francs pour un montant global
d'un peu plus de 70 milliards de francs de prestations, dont plus de 50
milliards de francs en complémentaire maladie.
Si l'on prend en compte le taux de prélèvement de l'impôt sur le revenu sur
l'assiette imposable de cet impôt, on parvient, dans un premier temps, en tout
cas en théorie, à une charge budgétaire liée à une éventuelle défiscalisation
des cotisations de l'ordre de 5 à 7 milliards de francs, en sachant qu'une part
importante des contribuables aujourd'hui mutualisés n'est pas en situation
d'être imposable au titre de l'impôt sur le revenu.
Il s'agit là, évidemment, du coût strict des choses, du coût brut.
Mais la mesure que nous proposons comporte aussi des éléments susceptibles
d'apporter des recettes.
Premier aspect : c'est cette année que se met en place, dans des conditions
que nous jugeons d'ailleurs insuffisantes mais perfectibles, la couverture
maladie universelle.
Pour peu que je me souvienne, la mise en oeuvre de cette nouvelle forme de
prestation de solidarité est d'un coût budgétaire non négligeable, aux
alentours des 7 milliards de francs, c'est-à-dire, dans les faits, à un niveau
relativement proche de celui que nous avons évoqué plus haut quant à la faculté
de déduire du revenu imposable les cotisations versées.
Inciter au développement de la couverture complémentaire volontaire des
particuliers est un moyen de réduire l'intervention des fonds non seulement de
l'Etat mais également des collectivités territoriales dans la prise en charge
de la couverture complémentaire de nos compatriotes. Je vous rappelle en effet
que les départements et les communes contribuent financièrement à l'aide
sociale.
Cette mesure a aussi une vertu de responsabilisation des citoyens par une
démarche de cotisation réfléchie, assumée et volontaire.
Il s'agit donc aujourd'hui, pour nous, de faire en sorte que se créent les
conditions d'une meilleure couverture globale en matière de santé de la
population de notre pays et que, dans le même temps, puissent se dégager des
moyens nouveaux de financement de l'action de l'Etat.
Mais il est un autre aspect que l'on ne peut oublier : le mouvement
mutualiste, dans ses règles de fonctionnement, dans ses principes et ses
missions, est, de manière fondamentale, un lieu de débat et de décision
démocratique, et la participation de chaque mutualiste à ce processus contribue
à donner un relief particulier à ce que l'on appelle la citoyenneté.
C'est donc aussi l'un des fondements de notre proposition.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, je vous invite à
adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission des finances remercie M. Loridant et
ses collègues de lui donner l'occasion de rappeler un certain nombre de
choses.
Tout le monde aime bien le mouvement mutualiste. Mais encore faudrait-il qu'il
s'astreigne, dans notre pays, à des règles du jeu, et que, s'agissant de se
mettre en conformité avec les directives européennes, il accepte de séparer
l'activité de protection sociale de la gestion des oeuvres sociales. Encore
faudrait-il qu'il soit irréprochable ! Il y a, en ce domaine, des exemples
récents qu'il nous faudrait avoir présents à l'esprit avant d'envisager de
nouvelles exonérations fiscales.
Nous sommes tous des mutualistes, nous sommes tous des sympathisants des
organismes mutualistes. Mais, vraiment, si nous voulons voir ces derniers
assurer leur avenir et tenir toute leur place dans le système de protection
sociale, il nous faut non pas seulement leur faire des cadeaux et tenir des
propos rassurants dans les assemblées générales, mais aussi leur expliquer que,
comme toute entité de la vie économique et sociale, il leur faut peut-être
s'adapter et se réformer.
Nous ne pouvons donc vraiment pas, à mon avis, aller dans le sens de cet
amendement, en acceptant de compliquer encore plus l'impôt sur le revenu et de
prendre des mesures qui, en matière de couverture de maladie universelle, vont
introduire de nouvelles distorsions de concurrence entre les organismes
mutualistes et d'autres intervenants tels que, par exemple, les caisses de
sécurité sociale.
Bien entendu, il est souhaitable, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous nous
disiez où se situe, après le rapport Rocard, la problématique de la mise en
conformité des mutuelles par rapport aux directives communautaires.
Si nous voulons véritablement que les salariés du secteur privé ou les
salariés de la fonction publique continuent de bénéficier avec sécurité,
visibilité et prévisibilité des interventions complémentaires des mutuelles, si
nous voulons renforcer cet élément de notre pacte social, ne faut-il pas faire
en sorte que ces organismes se modernisent, acceptent la règle commune, ainsi
que la transparence qui a fait tant défaut, et, disant cela, je pense
naturellement au régime des étudiants ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, à partir de cet amendement du groupe communiste
républicain et citoyen, pouvez-vous nous rassurer quant à l'évolution du
secteur mutualiste et au respect des règles du jeu ? Lorsque ces règles seront
mieux assurées et mieux établies, peut-être sera-t-il possible de réexaminer
des amendements de ce type. Mais, à ce stade, nos collègues comprendront
aisément que l'avis de la commission des finances ne puisse qu'être
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je vais répondre avec clarté à M. le rapporteur
général : le Gouvernement prépare effectivement un projet de loi qui portera
transposition de la directive européenne concernant les assurances et les
mutuelles. Ce projet de loi sera présenté au Parlement au cours du premier
semestre de l'année 2000. Vous aurez donc satisfaction, monsieur le rapporteur
général, et je rejoins tout à fait vos appréciations sur la nécessité de
transparence et de rigueur dans la gestion des mutuelles.
J'en viens à l'amendement n° I-167. M. Loridant sait bien que la loi du 27
juillet 1999 créant la couverture maladie universelle s'inscrit dans le
programme de lutte contre les exclusions et dans celui du renforcement de la
cohésion sociale. Ce texte ouvre largement, à compter du 1er janvier 2000, la
couverture maladie de base et la couverture complémentaire gratuite, et vise
une population particulièrement vulnérable. C'est cette dernière, le plus
souvent d'ailleurs non imposable, qui doit retenir notre attention.
Or, monsieur Loridant, la mesure que vous proposez par construction ne
profiterait qu'aux personnes imposables. C'est d'ailleurs pourquoi vous
l'introduisez dans des réflexions relatives à l'impôt sur le revenu. Elle n'est
donc pas adaptée aux objectifs que la majorité plurielle et le Gouvernement
poursuivent de concert. De fait, votre proposition favoriserait les 88 % de la
population déjà couverts par une couverture complémentaire maladie. Cela
entraînerait un effet d'aubaine qui, s'il se traduirait par une économie
d'impôt relativement faible pour chaque contribuable, aurait néanmoins, en
termes de dépenses fiscales, un coût prohibitif : jusqu'à 20 milliards de
francs.
Je crois qu'il faut se garder d'hypothéquer ainsi nos marges de manoeuvres
budgétaires ; il faut réserver ces dernières à nos concitoyens les plus
démunis.
C'est pourquoi, monsieur Loridant, sachant que vous partagez les objectifs du
Gouvernement en matière de justice sociale et de sécurité sociale, je vous
demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président.
Monsieur Loridant, l'amendement n° I-167 est-il maintenu ?
M. Paul Loridant.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-167.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Comme les salariés de notre pays, les membres du groupe socialiste sont très
attachés aux mutuelles, qui sont à l'origine du mouvement ouvrier. C'est dire
avec quelle attention nous suivons les évolutions actuelles, et en particulier
la grande vigilance qui est la nôtre quant aux réformes en cours du côté de
l'Europe. Nous n'accepterons naturellement pas que soient mis en cause par
l'Europe les règles et les principes de la mutualité. De ce point de vue, il ne
faudra pas attendre notre soutien.
J'ai bien entendu les propos tenus tout à l'heure par M. le rapporteur général
quant à la nécessité d'une plus grande transparence, etc. Je suis tout à fait
d'accord. Mais la transparence est largement liée à la vigilance et à l'action
de la tutelle. Et si certaines organisations mutualistes fonctionnent mal, ou
ne sont pas transparentes, c'est parce que la tutelle, c'est-à-dire, depuis
toujours, le ministère des affaires sociales, est défaillante.
Quant au principe de non-transparence, je vous propose, monsieur le rapporteur
général, que nous fassions ensemble, un jour, la liste des organismes qui ne
sont pas transparents ! Le jour où vous parviendrez à rendre transparente, par
exemple, la gestion de la taxe piscicole par les fédérations de pêcheurs, nous
en reparlerons ! C'est en effet un impôt qui est prélevé directement par le
trésorier des fédérations, sans le contrôle de personne, et qui ne passe pas
par les perceptions ! Je vous dis qu'un de ces jours on trouvera de belles
choses là-dedans !
J'en viens maintenant au fond de l'amendement. L'ennui, dans la suggestion qui
nous est faite par nos amis du groupe communiste républicain et citoyen, c'est
que cet avantage ne profitera qu'à ceux qui paient l'impôt sur le revenu,
lesquels ont généralement les moyens de se payer une mutuelle.
Le problème se pose pour ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu, ou qui
sont sans ressources, et dont M. Loridant a parlé tout à l'heure, puisque, dans
certains cas, l'aide sociale prend en charge exceptionnellement les cotisations
mutualistes.
Par conséquent, j'aurais été beaucoup plus attiré par un amendement qui, à la
limite, aurait créé un impôt négatif.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Voilà !
M. Michel Charasse.
Cela n'étant pas le cas, je ne pourrai pas, à mon grand regret, voter
l'amendement n° I-167. En effet, ce dernier, aboutirait au fond à accorder un
avantage à des personnes qui n'en ont pas besoin, laissant de côté certains de
nos concitoyens qu'il faudrait au contraire aider pour leur permettre de
souscrire à une mutuelle, ce qui, soit dit en passant, allégerait
considérablement les charges de l'aide sociale, puisque cette dernière supporte
financièrement cette absence de mutuelle.
Je ne peux donc, je le répète, me rallier à l'amendement n° I-167.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le rapporteur général, il s'agit là d'une question de fond : nous
avions en effet déjà proposé cet amendement l'année dernière, alors même que
l'argumentation que vous avancez cette année sur le mode de fonctionnement de
certaines mutuelles n'était pas opposable.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le temps passe...
M. Paul Loridant.
Vous me connaissez : je suis de ceux qui prônent la rigueur et la
transparence. Si certaines mutuelles sont mal gérées, il faut y remédier et
éventuellement sanctionner les gestionnaires.
M. Michel Charasse.
La tutelle doit faire son travail !
M. Paul Loridant.
Comme le dit M. Charasse, la tutelle doit faire son travail.
M. Michel Charasse.
Exactement !
M. Paul Loridant.
Comme bien d'autres au sein non seulement de la gauche, mais aussi de la
majorité sénatoriale, les membres du groupe communiste républicain et citoyen
sont très attachés au mouvement mutualiste, qui correspond à une prise en
charge collective et à la prise de conscience que tout ne doit pas incomber à
l'Etat ou à la collectivité. Une démarche volontaire de cotisation est un acte
important qui responsabilise et fait jouer des valeurs collectives dans une
période où, précisément, l'individualisme triomphe.
Cet amendement a pour objet fondamental d'encourager la démarche mutualiste,
les directives européennes, qui sont très importantes dans ce domaine, ne
devant pas détruire cet important mouvement.
Cela dit, je persiste dans mon idée, mes chers collègues. Je sais en effet, en
tant que président d'un centre communal d'action sociale, que, lorsque des
familles demandent l'aide médicale, elles sont prises en charge pendant les
trois premiers mois et qu'il leur est systématiquement demandé ensuite de faire
l'effort, même si elles ont des ressources modestes, de cotiser elles-mêmes à
une mutuelle. Cette démarche suppose d'ailleurs un accompagnement.
Si cette mesure ne bénéficie pas à ceux qui ne sont pas imposables, elle vise
néanmoins à confronter le mouvement mutualiste à une époque où certains
voudraient le voir disparaître, certaines compagnies d'assurance notamment, qui
voudraient à tout prix prendre sa place.
Voilà pourquoi nous tenons à maintenir cet amendement, et nous invitons la
Haute Assemblée à l'adopter.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur M. Loridant, le cas de figure que vous
évoquez sera couvert, à partir du 1er janvier 2000, par la mise en oeuvre de la
CMU.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Jusqu'à 3 300 francs de revenus !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
En conséquence, l'exemple que vous avez évoqué de
manière très vivante dans votre intervention présente désormais un caractère
théorique : il relève du passé.
Votre amendement était certainement intéressant l'année dernière ;
aujourd'hui, il a « pris un coup de vieux », si je puis dire, puisque la loi de
juillet 1999 va bientôt entrer en application.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je souhaite réaffirmer les raisons pour lesquelles je voterai cet amendement
n° I-167 que mon groupe a présenté.
La couverture maladie universelle portera sur la partie « base sécurité
sociale » et la partie complémentaire, mais uniquement pour les personnes ne
disposant que de 3 300 à 3 500 francs. L'amendement que nous présentons, en
revanche, concerne des personnes qui payent l'impôt sur le revenu et qui
perçoivent des revenus que je qualifierai de moyens.
La plupart des demandes qui sont présentées à l'aide sociale concernent, comme
l'a dit Paul Loridant, la prise en charge de la cotisation mutuelle ; les
bureaux d'aide sociale doivent prendre en charge des sommes que nos concitoyens
ne peuvent pas assumer, des sommes considérables qui restent à leur charge
après la prise en charge de la sécurité sociale.
Cela représente des sommes énormes, et vous savez bien, monsieur le secrétaire
d'Etat, que cette demande existe dans tous nos bureaux d'aide sociale...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Ce ne sont pas des dépenses de même nature !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Tout à fait, monsieur le ministre.
Vous estimez que le coût de notre amendement serait de 20 milliards de francs.
Cela prouve que cette question doit être traitée. Qu'on le veuille ou non, en
effet, la sécurité sociale rembourse aujourd'hui de moins en moins bien et il
reste une part de plus en plus lourde à la charge des cotisants.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
L'amendement présente un
avantage et un inconvénient. L'inconvénient, c'est qu'il est totalement
inadapté à la situation ; et l'immense avantage, c'est qu'il nous aide à
comprendre comment le Gouvernement aborde la question de la transposition des
troisièmes directives de coordination dans le secteur des assurances dans le
code de la mutualité.
Les interventions que nous avons entendues, la vôtre, monsieur le secrétaire
d'Etat, celle de M. Charasse, qui s'exprime, je l'imagine, au nom du groupe
socialiste, alors qu'il semble dire « ne comptez pas sur nous », et celle des
membres du groupe communiste républicain et citoyen, qui appartiennent, en tout
cas à cet instant, à la majorité qui soutient le Gouvernement et qui me
semblent être en communion de pensée avec vous... m'incitent à vous demander ce
que vous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement a nommé M. Michel Rocard à la tête d'un groupe de travail pour
préparer cette transposition. M. Rocard vient de rendre ses travaux, que j'ai
eu l'occasion de lire, puisque j'ai eu l'honneur de travailler sur la question
des assurances pour le compte de la commission des finances. Je voudrais savoir
si ces travaux donnent satisfaction au Gouvernement, si le projet de loi que
vous nous avez annoncé s'en inspirera. Nous voulons en effet savoir comment
aborder cette question qui a été soulevée par M. le rapporteur général.
Je crois vraiment que le budget est un rendez-vous important entre le
Gouvernement et le Parlement, qui représente la nation. Il faut donc nous en
dire plus, monsieur le secrétaire d'Etat, et ne pas vous contenter de quelques
informations, au détour de tel ou tel amendement. Nous ne pouvons pas rester
dans l'ambiguïté.
Il y a ce que le Gouvernement pense et ce que pensent les partis qui le
soutiennent. La position de la majorité sénatoriale, en revanche, est très
claire sur le sujet. Pour l'instant, la lumière est donc plutôt du côté de la
majorité sénatoriale et l'ombre du côté du Gouvernement et de sa majorité.
(Sourires.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-167.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je voudrais demander à M. Loridant - parce que je vais voter, avec mon groupe,
contre son amendement - s'il ne serait pas préférable de le retirer afin de
réfléchir à une nouvelle rédaction, en concertation avec le Gouvernement, de
manière à pouvoir présenter à nouveau cet amendement à l'occasion du collectif,
par exemple. Je ne sais pas quelle sera la position finale du Gouvernement,
mais il est bien évident qu'aller au-delà de la première tranche du barème,
c'est accorder un avantage injustifié.
Par ailleurs, l'expression « cotisation versée aux sociétés mutualistes » - je
viens de m'en apercevoir à l'instant - m'incite à dire qu'il faudrait préciser
qu'il ne s'agit que des cotisations mutualistes « maladie ». En effet, des
cotisations mutualistes comportent aujourd'hui des assurances décès, des
assurances cercueil, pertes des revenus, etc. On ne peut donc pas laisser
déduire l'intégralité de la cotisation mutualiste.
Je suis toujours adhérent de la Mutuelle centrale des finances, en tant
qu'ancien fonctionnaire du ministère des finances. Je paie 1 500 à 1 600 francs
par mois parce que ma cotisation couvre l'assurance maladie, l'assurance décès,
l'assurance vie, etc. Il est bien évident que ce que vise M. Loridant, c'est
seulement la cotisation d'assurance maladie.
Il serait donc plus raisonnable, monsieur Loridant, de retirer cet amendement
afin de vous laisser aux uns et aux autres le temps de réflechir à une solution
qui viserait vraiment les cas les plus modestes, c'est-à-dire les personnes qui
sont à la limite de l'impôt sur le revenu et que l'on retrouve, effectivement,
de temps en temps, dans les bureaux d'aide sociale de nos mairies.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-167, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-106, MM. Ostermann, Braun, Cazalet, Chaumont, Oudin et
Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 154 du code
général des impôts, les mots : "de 17 000 francs" sont remplacés par les mots :
"d'une rémunération égale au plus à trente-six fois le montant mensuel du
salaire minimum interprofessionnel de croissance".
« II. - Dans le second alinéa du I du même article, le nombre : "trente-six"
est remplacé par le nombre : "soixante-douze".
« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application des I
et II ci-dessus, sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création
d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Lorsque la femme d'un artisan ou d'un commerçant occupe un emploi salarié dans
l'entreprise de son mari, son salaire est réintégré pour une grande part dans
le bénéfice de l'entreprise. Il en est ainsi pour la part de son salaire
dépassant 17 000 francs par an, sauf si l'entreprise adhère à un centre de
gestion agréé. Une partie plus ou moins importante de son salaire est donc
assimilée, fiscalement, à un bénéfice et non à un salaire.
Cette règle est absurbe sur le plan de l'assurance sociale. En effet, alors
que le salaire du conjoint supporte en totalité les cotisations d'assurance
maladie, vieillesse, etc. du régime des travailleurs non salariés une partie de
celui-ci est une nouvelle fois soumise à ces cotisations au titre du régime des
travailleurs non salariés.
Il est indispensable de mettre un terme à l'anomalie que constitue le bas
plafonnement de la déductibilité du salaire du conjoint à 17 000 francs.
Le présent amendement vise donc à relever ce plafond à trente-six fois le SMIC
pour les entreprises non adhérentes à un centre de gestion agréé et à
soixante-douze fois le SMIC pour les entreprises adhérentes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. Oudin a eu une bonne idée. Cet amendement tend en
effet à introduire une mesure d'équité s'agissant de sujets souvent douloureux
et mal pris en compte par la réglementation fiscale actuelle. La commission des
finances est donc favorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Du fait de la communauté d'intérêt existant entre les
époux mariés sous un régime non exclusif de communauté, la rémunération versée
au conjoint de l'exploitant présente le caractère d'une affectation de bénéfice
et non celui d'une charge déductible du résultat imposable. Les solutions
actuelles sont donc, par rapport aux principes généraux de déduction, d'ores et
déjà particulièrement favorables au conjoint.
Par ailleurs, l'accroissement de la déduction dans les proportions proposées
permettrait à l'exploitant d'obtenir le bénéfice de l'abattement de 20 % sur la
fraction de son revenu professionnel correspondant au salaire versé au
conjoint, ce qui irait à l'encontre de la volonté régulièrement affirmée de
subordonner un tel abattement à l'adhésion à un centre de gestion agréé.
A cet égard, l'augmentation que vous proposez de la limite de déduction
applicable lorsque l'exploitant adhère à un tel centre n'aurait aucune portée,
puisqu'elle ne concernerait que les exploitants susceptibles d'attribuer à leur
conjoint un salaire annuel excédant 240 000 francs.
Enfin, le coût de la mesure que vous préconisez est de plus de un milliard de
francs.
M. Michel Charasse.
Le tabac !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-106, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 2.
Par amendement n° I-223, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans les I et II de l'article 154
quinquies
du code général des
impôts, les mots : ", pour la fraction affectée en application du IV de
l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale au financement des régimes
obligatoires d'assurance maladie," sont supprimés.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement rend la CSG totalement déductible de l'assiette de l'impôt sur
le revenu.
La déductibilité seulement partielle qui existe actuellement n'est pas
fiscalement équitable. Une déductibilité totale permettrait de mettre fin au
sentiment d'injustice ressenti par les contribuables qui paient de l'impôt sur
de l'impôt, ce qui est totalement contraire à notre droit fiscal.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission estime que ce sujet est extrêmement
important et que cette préoccupation doit être exprimée.
Comme les auteurs de l'amendement, nous pensons qu'il n'est pas normal que la
CSG ne soit pas, comme les cotisations sociales prélevées à la source,
déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu. Nous estimons donc qu'il est
fondamentalement anormal que l'on soit amené à payer l'impôt sur un revenu que
l'on n'a pas perçu.
La situation actuelle, où les contributions sociales sont partiellement
déductibles, est exagérément complexe, mal comprise et donc non satisfaisante.
Même si l'orientation qui est ainsi tracée nous paraît être bonne, il est clair
que cet amendement soulève une question majeure de politique budgétaire et
fiscale.
L'enjeu d'une telle orientation est un enjeu majeur, puisqu'il s'agit de 15
milliards à 20 milliards de francs. Il sera donc nécessaire, à l'occasion d'un
réexamen d'ensemble de la politique des finances publiques, notamment de la
politique fiscale, et plus particulièrement de la fiscalité des personnes, de
bien poser ce problème.
Il est vrai que l'addition de l'impôt sur le revenu et d'une contribution
sociale généralisée qui n'est pas intégralement déductible pose un problème
majeur. Il est non moins vrai que l'on ne pourra pas se fonder éternellement
sur de telles pratiques.
Lorsque viendra le moment de la discussion de fond sur l'impôt sur le revenu,
il sera nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, que soient bien liés tous
les aspects.
Il y a un certain nombre d'années, beaucoup d'entre nous demandaient une
consolidation, en quelque sorte, voire une fusion entre l'impôt sur le revenu
et la CSG, c'est-à-dire un élargissement de l'impôt sur le revenu à toutes les
formes de revenus et un partage du proportionnel et du progressif. Il
conviendra, lorsque le Gouvernement nous offrira l'opportunité de participer à
un débat global sur la fiscalité des revenus, de revenir sur ce problème.
Un grand nombre de contribuables ne comprennent pas pourquoi ils reçoivent le
solde d'impôt sur le revenu et, un mois plus tard, la note de la CSG. Ils
constatent en effet à cette occasion qu'il y a non seulement une pression
fiscale globale, mais aussi un second élément qui n'est pas pris en compte dans
le premier.
Sur le fond, la commission des finances ne peut qu'adhérer au raisonnement
tenu par nos collègues. Il n'en demeure pas moins qu'à ce stade, après le débat
dans cet hémicycle, il convient de retirer cet amendement, qui n'est pas
compatible avec le solde budgétaire que l'on peut raisonnablement attendre pour
l'année 2000. Il conviendra de réexaminer ce sujet dans le cadre de la réforme
globale de l'impôt sur le revenu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je partage l'opinion de M. le rapporteur général quant
à la nécessité de retirer l'amendement n° I-223, et cela pour deux raisons.
D'abord - le rapporteur général l'a indiqué lui-même -, le coût budgétaire de
la mesure proposée est très élevé : 17 milliards de francs. Il ne s'agit donc
pas d'une petite mesure que l'on peut proposer au détour d'un simple
amendement. Il s'agit vraiment d'une réforme de fond, à laquelle, d'ailleurs,
je me déclare hostile.
En effet, cette réforme aurait un effet anti-redistributif tout à fait
manifeste, parce qu'elle bénéficierait davantage aux contribuables imposés à
des taux marginaux élevés. En effet, pour 100 francs de CSG acquittée,
l'avantage serait nul pour un salarié non imposable par construction. En
revanche, il serait de 54 francs pour les 235 000 contribuables imposés au taux
marginal supérieur de l'impôt sur le revenu.
Pour cette raison, nous nous situons très largement au-delà des limites
acceptables au regard de la justice fiscale et de la redistribution des revenus
à partir de l'imposition sur le revenu.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-223.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je ne suis pas favorable à cet amendement parce que la question posée par M.
Oudin mérite une réflexion autrement plus approfondie - et je pense qu'il est
d'accord - que celle à laquelle il nous convie aujourd'hui.
Les constituants de 1958 ont prévu que les dépenses sociales sont financées
par des cotisations. Les cotisations, ce sont les modalités de financement qui,
sauf en ce qui concerne leur création, échappent complètement - M. Oudin le
sait bien, puisqu'il est rapporteur spécial sur ce sujet - à la compétence
parlementaire, s'agissant de leur assiette, de leur taux et de leurs modalités
de recouvrement.
Au fil des ans, on a pris l'habitude de faire un mélange, dans le budget
social de la nation, entre les cotisations, qui échappent au Parlement, et
certains impôts. Il y a d'abord eu des taxes spéciales affectées : à une époque
ce furent les taxes du BAPSA, puis une partie des droits sur le tabac, enfin la
CSG.
Le problème, c'est que, de la CSG, qui est le plus important de tous les
impôts - mais ce n'est pas le seul qui soit affecté aux dépenses sociales - on
a fait un impôt, et qu'on est entré dans l'ère du mélange, c'est-à-dire dans un
système qui en fait m'apparaît, à moi, être une violation de l'esprit des
institutions et de l'article 34 de la Constitution. C'est comme cela !
On ne pouvait peut-être pas faire autrement. C'était sans doute inéluctable.
Mais il n'empêche que nous ne sommes plus dans le dispositif de la Constitution
de 1958, qui, au fond, avait établi une sorte de partage entre le Parlement,
d'une part, et les partenaires sociaux, d'autre part.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est vrai !
M. Michel Charasse.
Par conséquent, il n'est pas anormal qu'aujourd'hui on se trouve dans un
système dont M. Oudin soulève l'anomalie, qui consiste à dire : c'est un impôt,
mais qui n'est pas déductible, car c'est en fait un impôt qui est une
quasi-cotisation. Vous me rétorquerez qu'une cotisation est déductible. Sans
doute, mais il se trouve que ce n'est pas une cotisation, puisque c'est un
impôt...
Par conséquent, tout est dans tout et dans le contraire de tout ! Cela rejoint
la question posée par M. Oudin à l'occasion de l'amendement n° I-1, à propos
d'un système unique dans lequel le budget comporterait l'ensemble des dépenses
et l'ensemble des recettes.
En réalité, il nous faut réfléchir. Je pense, moi, que la sortie normale de
cette discussion, si l'on veut rester dans l'esprit des institutions de la
République et des principes selon lesquels l'impôt est voté par le Parlement,
nous contraindra, un jour ou l'autre, à aller jusqu'au bout de la logique et à
décider que, désormais, les cotisations sociales seront pleinement de la
compétence parlementaire.
Pour l'instant, je ne peux pas voter l'amendement n° I-223 de M. Oudin, et je
suis persuadé qu'il comprend pourquoi.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Je n'aurais pas pu mieux parler que M. Charasse, qui a fort bien dit les
choses.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
De manière sensée !
M. Jacques Oudin.
Il est plutôt sympathique et réconfortant de voir qu'il est, dans cet
hémicycle, des personnes qui pensent la même chose, quelles que soient les
travées sur lesquelles elles siègent.
Notre système fiscal de la personne est obsolète. Nous passons notre temps à
répéter qu'il faudra le revoir globalement ; M. le secrétaire d'Etat nous l'a
encore dit deux fois ce matin. La question naïve que l'on pourrait vous poser
est de savoir quand vous allez vous y mettre ! Un gouvernement a ouvert le
chantier, que vous vous êtes empressés d'arrêter dès votre arrivée aux affaires
! Vous auriez pu au moins poursuivre la réflexion, quitte à l'orienter vers des
options différentes.
Par conséquent, on diffère l'adoption des amendements que nous déposons parce
que nous pensons que certaines situations méritent d'être modifiées - nous
venons d'en avoir un certain nombre - et on nous demande de les retirer les uns
après les autres, en attendant une réflexion globale qui n'arrive pas. C'est
ainsi que, année après année, strate après strate, modification après
modification, nous avons abouti à un système que certains disent
anticonstitutionnel, qui est en tout cas complexe et dans lequel plus personne
ne retrouve ses petits !
M. Philippe de Gaulle.
L'impôt n'est plus proportionnel, comme le prévoyait pourtant la
Constitution...
M. Jacques Oudin.
Il faudrait vraiment que la réflexion soit menée de façon claire, nette et
globale, au moins sur l'impôt sur le revenu.
Je retire volontiers mon amendement, mais le problème n'en demeure pas moins
posé !
M. le président.
L'amendement n° I-223 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-121, MM. Revet et les membres du groupe des Républicains
et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - La deuxième phrase du deuxième alinéa du 5
a
de l'article 158 du
code général des impôts est ainsi rédigée : "Cet abattement est fixé à 31 900
francs pour l'imposition des revenus perçus à compter du 1er janvier 1999."
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation
à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts. »
Par amendement n° I-169, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions des articles 6 et 92 de la loi de finances pour 1997
(loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996) sont abrogées.
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 199
decies
B du code
général des impôts, le taux : "15 %" est remplacé par le taux : "10 %". »
La parole est à M. Clouet, pour défendre l'amendement n° I-121.
M. Jean Clouet.
L'amendement n° I-121 vise à rétablir le plafond de l'abattement de 10 % au
titre des pensions.
Etant donné qu'il a fait l'objet d'un avis défavorable en commission, nous le
retirons.
M. le président.
L'amendement n° I-121 est retiré.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-169.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'amendement n° I-169 du groupe communiste républicain et citoyen porte sur la
question de la définition de l'abattement de 10 % appliqué au montant imposable
des pensions et retraites, dont la portée avait été quelque peu limitée par la
loi de finances pour 1997, année de la réforme Juppé, soutenue à l'époque par
la majorité sénatoriale.
Arguant notamment du fait qu'une part importante du revenu des retraités
bénéficiait d'un abattement spécifique institué en vertu de l'article 157
bis
du code général des impôts, le gouvernement d'alors avait motivé la
réduction des effets de l'abattement appliqué aux pensions et retraites par le
fait que celui-ci aurait fait double emploi.
On avait également justifié cette mesure par la réduction générale de
l'imposition des diverses tranches du barème progressif, qui devait faire
retrouver aux retraités une situation proche de la situation antérieure.
Cette orientation, que nous avions combattue à l'époque, appelle aujourd'hui,
de notre part, plusieurs observations.
La première est que les pensions et les retraites qui bénéficient de
l'abattement de 10 % sont et demeurent représentatives des cotisations versées
par les salariés, notamment par les retraités, au cours de leur vie
professionnelle. Etant donné que ces revenus sont, en quelque sorte, des
revenus salariaux différés, je ne trouve pas scandaleux qu'ils bénéficient du
traitement réservé aux salaires. Le rétablissement de cet abattement au niveau
qui était le sien avant la réforme de 1997 trouve donc là, de notre point de
vue, une première justification.
La deuxième observation est que l'abattement porte sur les pensions et
retraites assimilables aux revenus salariaux, et ce dans une limite réévaluée
de 24 000 francs aujourd'hui, ce qui constitue, selon nous, un facteur
d'inégalité de traitement entre revenus. En effet, pour peu que les
contribuables retraités aient eu l'occasion de réaliser quelques placements
financiers, ces revenus bénéficient toujours des avantages liés à la mise en
oeuvre soit d'exonérations totales ou partielles, soit de prélèvements
libératoires plus nettement favorables que les taux d'imposition appliqués au
barème progressif. Cela vaut, par exemple, pour les plans d'épargne en actions,
mais également pour les primes capitalisées d'assurance vie, etc.
Cela créé trois catégories de contribuables retraités : ceux qui bénéficient
de l'abattement prévu par l'article 157
bis,
sans grande capacité
contributive ; ceux dont les revenus sont essentiellement, sinon exclusivement,
composés des pensions de retraite issues de leur régime par répartition, et qui
enregistrent donc, depuis 1997, cette réduction de la portée de l'abattement de
10 % ; enfin, ceux dont les revenus sont aussi des revenus financiers - et
parfois plus des revenus financiers que des revenus différés - et qui
continuent de tirer parti des conditions fiscales avantageuses accordées à ces
revenus.
C'est aussi parce que nous ne souhaitons pas voir cette situation perdurer que
nous demandons, cette année encore, la remise en question des articles 6 et 92
de la loi de finances pour 1997.
Enfin, troisième et dernière observation, nous ne pouvons oublier que la
réduction de cet abattement de 10 % a également un impact sur le revenu fiscal
de référence utilisé en matière de fixation des impositions locales et qu'elle
a pu conduire, dans certains cas, à une majoration des cotisations dues au
titre de la taxe d'habitation.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers
collègues, d'adopter cet amendement n° I-169.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les amendements n°s I-121 et I-169 étaient
identiques, au gage près, le gage prévu par le groupe communiste républicain et
citoyen étant, du point de vue de la majorité de la commission des finances,
hors du domaine de l'acceptable. Mais ce n'est qu'un détail par rapport à
l'ensemble !
La commission comprend l'intention des auteurs. Nous avons d'ailleurs déjà eu
connaissance de ce type d'amendement lors du débat budgétaire de l'an
dernier.
Il est clair que l'essentiel est d'arrêter la diminution du plafond. Cela a
été fait l'année dernière, au terme d'un débat qui a eu lieu dans les deux
assemblées,...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Très long débat !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... lesquelles s'étaient mobilisées assez largement,
toutes opinions confondues, et après un revirement opportun du Gouvernement,
qui a accepté la stabilisation à 20 000 francs.
Pour aller plus loin, il faudrait, monsieur le secrétaire d'Etat, reprendre ce
débat à l'occasion de l'examen global de l'impôt sur le revenu dont nous
parlons depuis le début de la matinée, car il s'agit d'un sujet dont les
implications sont lourdes, sur les plans tant financier que budgétaire, et qui,
de plus, est important du point de vue social et du point de vue de l'équité.
Il ne faudra naturellement pas oublier de bien mettre en perspective les
comparaisons entre les personnes en activité et les personnes retraitées.
En attendant qu'un tel débat ait lieu, je souhaite que le groupe communiste
républicain et citoyen accepte de retirer son amendement, à défaut de quoi,
notamment au vu du gage qui a été prévu, je ne pourrais qu'émettre, au nom de
la commission, un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je vais d'abord rappeler la genèse de la situation
actuelle.
L'abattement de 10 % sur les pensions et retraites a été profondément remanié
en 1997 par la réforme dite Juppé et, comme vient de le préciser M. le
rapporteur général, des débats nourris sur ce sujet ont eu lieu lors de
l'examen de la loi de finances de 1999, ici même et à l'Assemblée nationale.
Nous sommes parvenus à un équilibre en arrêtant la disparition de cet avantage
au profit des retraités, c'est-à-dire en mettant fin au processus de baisse du
plafond qui avait été programmé par le gouvernement Juppé.
Nous avons tenu compte de la situation des retraités les plus modestes -
d'ailleurs, de l'immense majorité des retraités - en fixant le plafond à 20 000
francs, ce qui correspond, je le rappelle, à 200 000 francs de pension par an,
soit à près de 17 000 francs par mois. Ne sont touchés par ce plafond que 5 %
des retraités ou pensionnés.
Par ailleurs, ce plafond est indexé sur la limite supérieure de la première
tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
La mesure d'équilibre à laquelle nous sommes parvenus me semble bonne. Elle
préserve la situation de la très grande majorité des retraités, en tout cas de
ceux qui ne disposent que de revenus modestes ou moyens. Il ne me semble donc
pas opportun de revenir dessus.
J'ajouterai, madame Beaudeau, que les personnes concernées ne peuvent pas
constater des majorations de taxe d'habitation parce que, compte tenu du niveau
de leurs revenus, elles ne bénéficient pas des trois dispositifs qui permettent
de faire varier la taxe d'habitation. Vous devez compléter votre information,
madame le sénateur.
Pour toutes ces raisons, je demande aux auteurs de l'amendement de bien
vouloir le retirer, sinon j'en demanderai le rejet.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1-169.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je voulais simplement saisir l'occasion pour rappeler à Mme Beaudeau, qui
vient d'évoquer une fois de plus le caractère privilégié, à ses yeux, du
prélèvement libératoire sur les revenus de certaines catégories de capitaux,
que ces revenus ne proviennent pas de capitaux tombés du ciel. Ils proviennent
de capitaux qui ont été constitués grâce à des revenus ou à des capitaux déjà
taxés, soit au titre de l'impôt sur le revenu, soit au titre des droits de
succession, soit, quelquefois, lorsqu'il y a un réinvestissement, au titre du
prélèvement libératoire. En tout cas, ils ne sont jamais vierges de fiscalité
!
Alors, que l'on cesse de nous parler du privilège que constitue le prélèvement
libératoire !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-169, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-86, M. Miquel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 2, un article
additionnel ainsi rédigé :
« La déduction de charges mentionnée à l'article 163
septdecies
du code
général des impôts est remplacée par une réduction d'impôt sur le revenu. Cette
réduction est égale à 25 % du montant des sommes effectivement versées et
mentionnées à l'article précité. Les sommes ouvrant droit à réduction d'impôt
ne peuvent excéder, au titre d'une même année, le montant de 120 000 francs.
»
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
La progressivité de notre système de prélèvement fiscal est faible, comme
chacun sait, en raison notamment du poids limité de l'impôt sur le revenu dans
celui-ci.
Des enquêtes ont montré, par ailleurs, qu'une majorité de Français ont le
sentiment non pas que l'impôt sur le revenu est trop élevé, mais que cet impôt
est mal réparti.
Ce sentiment vient de ce que perdurent encore trop souvent de multiples
régimes fiscaux dérogatoires du droit commun, qui permettent à certains
contribuables, et non les plus à plaindre, d'échapper de manière substantielle
à cet impôt.
Tout concourt donc à montrer que les réformes importantes qui ont été engagées
en 1983 visant à transformer une majeure partie des déductions sur le revenu en
réductions d'impôt, comme celles qui ont été engagées depuis trois ans en
matière de lutte contre ce que l'on a appelé « les niches fiscales », vont dans
le bon sens.
Des efforts ont été consentis en 1997 dans le secteur du financement en
capital d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles. Néanmoins, il ne nous
paraissent pas suffisants. Il semble nécessaire aujourd'hui, à propos de ce que
l'on appelle dans notre jargon les SOFICA, sociétés pour le financement de
l'industrie cinématographique et audiovisuelle, de mettre enfin en place un
dispositif cohérent du point de vue de la justice fiscale.
A cet égard, deux objectifs doivent être remplis.
D'une part, l'avantage fiscal nouveau doit être mieux proportionné aux
véritables retombées constatées dans la réalité. En effet, il apparaît qu'une
faible proportion seulement de dépenses éligibles au système de déduction du
revenu est réellement investie dans le secteur du cinéma.
D'autre part, l'avantage fiscal nouveau ne doit pas constituer un frein par
trop significatif à la progressivité de l'impôt. En effet, même si l'aspect
incitatif de l'avantage fiscal doit être conservé, il n'est pas opportun que
celui-ci permette non seulement aux bénéficiaires d'obtenir une diminution
d'impôt, mais encore à certains d'entre eux de changer de tranche
d'imposition.
C'est pourquoi, tout en gardant la même limite maximale de dépenses éligibles
en vigueur - soit 120 000 francs par an -, nous proposons de faire en sorte que
le montant de l'avantage en impôt ne dépasse pas la somme de 30 000 francs,
alors qu'aujourd'hui il peut atteindre 64 800 francs.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission est extrêmement surprise par cet
amendement, ainsi d'ailleurs que par l'argumentaire utilisé pour sa
présentation.
En effet, à entendre notre collègue Bernard Angels, la progressivité du barème
de l'impôt sur le revenu serait faible. Or j'ai cru comprendre, monsieur le
secrétaire d'Etat, qu'il était question de réformer l'impôt sur le revenu en
raison notamment du caractère inadéquat du barême. Dès lors, il va falloir
qu'on nous explique, peut-être à l'issue d'une utile concertation entre le
Gouvernement et le principal groupe qui le soutient, dans quelle direction est
censée s'engager cette réforme de l'impôt sur le revenu.
M. Angels souhaiterait un durcissement : plus de prélèvements et une
progressivité plus forte.
(M. Angels fait un signe de dénégation.)
C'est
ce que j'ai cru comprendre !
M. le secrétaire d'Etat, quant à lui, souhaiterait s'engager dans une voie
plus propice au développement des activités économiques.
Au demeurant, je le répète, M. le président de l'Assemblée nationale s'est
exprimé de manière, à mon sens, tout à fait constructive en la matière.
J'avoue être également très surpris en ce qui concerne les SOFICA.
En ce moment même, toutes sortes de personnes fort estimables manifestent un
peu partout pour défendre l'exception culturelle française, afin que, et je
cite, les « affreux Américains » ne nous envahissent pas !
La production cinématographique n'est-elle pas un vecteur important de la
francophonie et de nos valeurs culturelles ? Quel est le signal qui peut être
donné, au moment même des négociations de Seattle, par la réduction d'un
avantage maximal de 64 000 francs à 32 000 francs ? Est-ce à la mesure du sujet
que nous avons à traiter, à savoir la définition de dispositions incitatives au
maintien et au développement d'une production cinématographique française ?
Certes, le régime des SOFICA n'est pas la panacée. Il n'est pas
extraordinaire. Il ne coûte même pas très cher à l'Etat. On peut d'ailleurs se
demander s'il y a suffisamment de projets de financement d'entreprises de
production à se « mettre sous la dent ». Mais est-il réellement opportun de
proposer une mesure risquant de leur être préjudiciable.
Affirmer que les contribuables qui versent ne sont pas à plaindre est
effectivement exact puisqu'il faut bien qu'ils disposent de revenus suffisants
pour être intéressés par des déductions fiscales ! Mon cher collègue, il est
clair que l'on ne peut pas « tondre un oeuf ». Ce n'est pas nouveau, mais c'est
un vieux principe qu'il vaut mieux garder en tête.
Au lieu de s'arrêter sur la situation de fortune de ces contribuables ne
faut-il pas mieux considérer l'intérêt des entreprises, l'intérêt de l'économie
? Il vaut mieux plaindre les entreprises faibles plutôt que de passer son temps
à regretter que des contribuables aisés soient incités à investir leurs
capitaux là où l'on en a besoin, même si c'est de manière assez symbolique.
Enfin, si la procédure est utilisée de manière abusive, chacun sait que toutes
sortes de procédures de contrôle fiscal peuvent être mises en jeu ; je ne ferai
pas l'injure à l'excellent rapporteur spécial des crédits des services
financiers, Bernard Angels, de penser qu'il ignore ces procédures et les moyens
susceptibles d'être mis en jeu par l'administration fiscale.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission est défavorable à cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je tiens tout d'abord à rassurer M. le rapporteur
général : il n'existe aucun problème d'harmonisation entre la majorité
plurielle, le groupe socialiste en particulier, et le Gouvernement.
M. Jean Chérioux.
Bonne nouvelle !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Nous partageons la même pensée et souscrivons au
principe qui a présidé au dépôt de cet amendement, à savoir la transformation
progressive, loi de finances après loi de finances, des déductions du revenu
global en réductions d'impôts. De ce point de vue, l'amendement paraît donc
tout à fait intéressant.
Au demeurant, M. le rapporteur général a excellemment rappelé, à l'instant,
que le problème posé par les SOFICA viendrait plutôt du fait que les
dispositifs existants tournent quelque peu au ralenti par rapport à la
production cinématographique française puisqu'ils aboutissent à une dépense
fiscale d'environ 100 millions de francs.
Ainsi, nous devons essayer de rapprocher ces deux objectifs : soutenir la
production française - et je crois que c'est d'actualité au moment où s'ouvrent
les débats de l'Organisation mondiale du commerce pour plusieurs années alors
que nous aurons à défendre une certaine conception de la culture française et
une conception européenne de la présence de notre culture dans le monde - mais
aussi faire toute leur place aux propositions du type de celles de M. Angels.
Toutefois, monsieur le sénateur, vous le comprendrez, je préférerais que cela
ait lieu dans le cadre de la réforme globale de l'impôt sur le revenu qui doit
intervenir.
J'en profite pour rassurer M. Oudin à ce propos. A la suite de ce qu'avaient
indiqué M. le Premier ministre et M. le ministre de l'économie et des finances,
j'ai bien dit que ce serait au cours de l'année 2000 que sera présentée,
probablement à travers le projet de loi de finances pour 2001, une réforme de
l'imposition sur le revenu.
Je crois donc, monsieur Angels, que, prenant en compte la volonté du
Gouvernement de retenir le principe fiscal que vous venez d'invoquer, vous
pourriez retirer votre amendement.
M. le président.
Monsieur Angels, maintenez-vous votre amendement ?
M. Bernard Angels.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les réformes d'assiette doivent être terminées
avant que n'intervienne la réforme du barème. J'espère qu'un large débat aura
lieu l'an prochain sur ce point car il faut à tout prix répondre au besoin de
justice fiscale.
En attendant, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-86 est retiré.
Par amendement n° I-170, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres
du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après
l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Deux frères, deux soeurs ou un frère et une soeur qui résident ensemble
font l'objet, pour les revenus fixés au premier alinéa de l'article 196 A
bis
du code général des impôts, d'une imposition commune à compter de
l'année qui suit leur déclaration de résidence commune à la mairie de leur
domicile.
« II. - Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat du I ci-dessus sont
compensées par un relèvement des droits figurant à l'article 575 A du code
général des impôts. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
En adoptant la proposition de loi sur le pacte civil de solidarité, le PACS,
le Parlement a choisi de prendre en compte dans la loi, en particulier sur le
plan fiscal, les évolutions des modes de vie et les boulversements
socio-économiques.
La désertification de nos campagnes, qui figure au nombre de ces évolutions,
conduit bien souvent des frères et soeurs à vivre sous le même toit et à
partager de ce fait les charges d'un ménage. Cette situation, même si elle se
rencontre plutôt en milieu rural, peut aussi parfois être observée en milieu
urbain.
Aussi nous paraît-il logique de faire figurer dans la loi de finances que les
frères et soeurs qui vivent sous le même toit peuvent bénéficier d'une
déclaration fiscale commune.
Une telle disposition avait été présentée lors de la discussion de la
proposition de loi sur le PACS et adoptée en première lecture par l'Assemblée
nationale, mais elle n'avait finalement pas été retenue. Nous proposons de la
rétablir dans la loi de finances.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement traite du problème bien connu des
fratries, problème d'autant mieux connu que nous l'avons rencontré, notamment,
tout au long de la discussion, agrémentée de multiples navettes, sur cette
chose que l'on appelle le PACS.
Lors de cette discussion, il n'aurait évidemment pas été possible de donner un
avis favorable sur une telle disposition dans la mesure où les deux commissions
saisies dans notre assemblée, à savoir la commission des lois et la commission
des finances, avaient retenu une autre logique, mettant en avant une forme plus
générale de solidarité.
Aujourd'hui, nous pouvons regarder cette proposition d'un oeil différent. Elle
nous a semblé aller dans le sens de l'équité fiscale avec la reconnaissance de
la solidarité entre frères et soeurs habitant ensemble. Ayant en outre constaté
que le gage, tout à fait classique, était parfaitement acceptable, je crois
pouvoir dire que cet amendement, qui est complémentaire de celui que présente
la commission en matière de droits de mutation par décès, peut recueillir un
avis favorable.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
La situation des collatéraux proches qui ont
communauté de vie pose un vrai problème, et M. Loridant l'a remarquablement
exposé il y a un instant.
C'est précisément parce que le Gouvernement reconnaît qu'il y a là une
question qui se pose concrètement dans la vie de nombreux frères et soeurs
vivant ensemble que Mme le garde des sceaux avait proposé, lors du débat sur le
pacte civil de solidarité, de créer un groupe de travail chargé d'étudier ce
sujet. Ce groupe de travail devrait rendre ses conclusions assez rapidement. En
tout cas, elles seront certainement disponibles lorsque nous aborderons la
réforme globale de l'impôt sur le revenu.
Je me propose donc de reprendre au moins l'esprit de la proposition de M.
Loridant lorsque nous évoquerons l'imposition sur le revenu dans le cadre de
l'examen du projet de loi de finances pour 2001.
En attendant, je demande à M. Loridant de bien vouloir retirer son
amendement.
M. Jean Chérioux.
Quelle promesse !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-170.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Depuis le début de cette matinée, et cela va sûrement continuer pendant deux
jours, c'est vraiment : demain, on rasera gratis ! On ne cesse de nous faire
miroiter une merveilleuse réforme de l'impôt sur le revenu qui interviendrait
en l'an 2000, et en attendant, il ne faudrait rien faire : ni alourdir, comme
nos collègues socialistes ou communistes le proposent, ni alléger, comme la
majorité sénatoriale le propose.
On se demande vraiment s'il faut continuer à signer un chèque en blanc au
Gouvernement ! Parce qu'il y en a beaucoup, des questions qui sont susceptibles
d'être renvoyées à cette réforme de l'impôt sur le revenu, entre les SOFICA,
les pensions, la CSG, les niches fiscales, etc. !
Il me semble que, lorsqu'il est possible de prendre des mesures utiles,
éventuellement modestes mais qui apportent certain allégement aux contribuables
ou qui introduisent un peu de logique dans le système, nous devons saisir
l'occasion.
Je félicite donc M. Loridant de ne pas retirer son amendement, que je
m'apprête à voter.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
J'irai dans le même sens que mon ami Yann Gaillard. D'ailleurs, si d'aventure
M. Loridant, cédant aux affectueuses sollicitations du Gouvernement, avait
retiré son amendement, je n'aurais pas manqué de le reprendre.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Sur des sujets aussi importants et complexes que
l'impôt sur le revenu, comme d'ailleurs sur les autres que nous aurons à
aborder dans la discussion du projet de loi de finances pour 2000, il n'est pas
du tout inutile, aux yeux du Gouvernement, que des sénateurs des différents
groupes présentent des amendements, même si ceux-ci sont finalement retirés ou
repoussés.
Le Sénat manifeste un certain nombre de préoccupations et fait passer au
Gouvernement des idées de réforme, des invitations à approfondir l'étude de
certains dossiers : ce sont autant de signaux adressés au Gouvernement pour
qu'il intègre les suggestions qui sont ainsi faites dans sa propre réflexion
et, le moment venu, propose les réformes qu'il juge adéquates en fonction de sa
majorité et de ses objectifs politiques, bien entendu.
Ne considérez donc pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que, lorsque le
Gouvernement demande le retrait d'un amendement, les idées qui le
sous-tendaient sont pour autant abandonnées. Elles doivent mûrir, il faut les
étudier, et elles seront, d'une manière ou d'une autre, à des degrés divers,
insérées dans une réflexion globale. Le Gouvernement remercie d'ailleurs la
représentation nationale de contribuer ainsi à nourrir cette réflexion.
Les parlementaires participent à l'édification de notre pensée. Une fois que
celle-ci sera mûre, après toutes les consultations et la concertation
nécessaires, le Gouvernement pourra vous inviter à légiférer de manière globale
et efficace dans le sens qu'au moins un certain nombre d'entre vous auront
souhaité.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-170, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 2.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Tous deux sont présentés par MM. Fréville et Badré, Mme Bocandé et les membres
du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° I-72 vise à insérer, après l'article 2, un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - Le 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est complété par
le membre de phrase suivant : "; pour un couple marié soumis à imposition
commune, le montant de l'impôt est diminué, dans la limite de son montant, de
la différence entre 5 020 francs et son montant ;".
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par
la réduction de l'exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers
prévue au
b
du 1 de l'article 265
bis
du code des douanes. »
L'amendement n° I-73 tend à insérer, après l'article 2, un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - Le 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est complété par
le membre de phrase suivant : "; pour un couple marié soumis à imposition
commune, le montant de l'impôt est diminué, dans la limite de son montant, de
la différence entre 6 700 francs et son montant ;".
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par
la réduction de l'exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers
prévue au
b
du 1 de l'article 265
bis
du code des douanes. »
La parole est à M. Fréville, pour présenter ces deux amendements.
M. Yves Fréville.
Ces deux amendements concernent une question que nous avons déjà évoquée,
celle de la décote, mais sous son aspect familial et conjugal. Puisque le
Gouvernement nous incite à lui envoyer des signaux à propos de la réforme de
l'impôt sur le revenu, mon groupe souhaite lui en adresser un s'agissant du
traitement réservé à la famille en cette matière.
Au fond, nous avons, à cet égard, le choix entre deux solutions : ou nous
considérons que c'est la famille en tant que foyer fiscal qui doit être
imposée, ou nous souhaitons au contraire que l'impôt sur le revenu soit calculé
individu par individu. Pour notre part, nous sommes très attachés à la première
solution, ce qui nous amène à défendre le quotient conjugal et le quotient
familial.
Si, au cours des années récentes, des progrès ont été accomplis dans le sens
de la « familialisation » de l'impôt sur le revenu, il reste au moins un « os
», si je puis m'exprimer ainsi, celui de la décote. Je prendrai un exemple pour
me faire comprendre.
Supposez deux célibataires qui, après décote, paient aujourd'hui, l'un et
l'autre, 650 francs d'impôt sur le revenu, soit 1 300 francs à eux deux. Si ces
deux célibataires se marient, quel cadeau le système fiscal déposera dans la
corbeille ? Au lieu de payer globalement 1 300 francs, ils paieront 4 000
francs, soit une augmentation de 2 700 francs !
En effet, le système de la décote n'est pas « conjugalisé », ce terme barbare
signifiant tout simplement que l'on ne tient pas compte du nombre de parts qui
existent dans le foyer.
L'amendement n° I-73 vise, par conséquent, à restaurer l'équité fiscale en
permettant au couple marié - ou « assimilé » - de payer la même chose que
lorsqu'il n'était pas encore constitué. Telle est l'idée, et elle est toute
simple !
M. Denis Badré.
Et très bonne !
M. Yves Fréville.
Toutefois, j'ai bien conscience du coût d'une telle réforme. C'est pourquoi
j'ai également déposé un amendement de repli, l'amendement n° I-72, qui prévoit
simplement de franchir une première étape de cette réforme.
M. Denis Badré.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-72 et I-73 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le problème a été remarquablement exposé par Yves
Fréville, et je ne saurais mieux dire que lui.
Il est clair que la réforme de l'impôt sur le revenu doit prendre en
considération les impératifs et les priorités d'une politique familiale.
Nous sommes nombreux à souhaiter que, dans le recalibrage de certaines
mesures, il soit tenu compte du mariage, de la stabilité du couple et des
conditions d'épanouissement des enfants. Ce point revêt une très grande
importance dans l'engagement politique d'un certain nombre d'entre nous et,
lorsque ce débat général concernant l'impôt sur le revenu viendra devant notre
assemblée, il faudra bien entendu mettre fortement l'accent sur cette
priorité.
Cependant, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises depuis le début de
cette matinée - voilà encore quelques instants, Yann Gaillard faisait fort
justement allusion à la frustration qui pouvait être ressentie au sein de notre
assemblée -, le projet de loi de finances tel qu'il nous est présenté - avec
des prévisions de recettes et de dépenses d'un certain montant, avec un solde
dont la commission des finances juge la réduction insuffisante, avec un
endettement public dont le recul nous paraît insuffisamment rapide - nous ne
sommes malheureusement pas en mesure de répondre comme il conviendrait à
l'ensemble des besoins financiers qui résulteraient d'une approche nouvelle de
l'impôt sur le revenu.
Le Gouvernement a estimé - c'est son choix ! - que les marges financières
disponibles pour réduire les impôts devaient être concentrées sur une seule
mesure : la baisse de la TVA ciblée sur les dépenses relatives au logement. Il
a fait ce choix,...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Pour cette année !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... qui est excellent pour les professionnels dont il
s'agit, mais qui coûte 20 milliards de francs. Il y a certes là de quoi
satisfaire - et c'est certainement légitime - une catégorie sociale et
professionnelle, mais ces 20 milliards de francs ne peuvent pas être utilisés
par ailleurs.
Bien entendu, nous le verrons, d'autres professionnels viennent demander la
même chose et se mettent dans la file d'attente : ceux de la restauration, du
chocolat, de la margarine... et j'en passe. Bref, c'est tout un florilège de
professions qui, de manière tout à fait justifiée, souhaitent bénéficier du
même taux réduit !
Or les 20 milliards de francs qui pouvaient être consacrés à la baisse des
prélèvements obligatoires ont été concentrés sur une mesure opportune, mais
ciblée, électoraliste, qui ne prépare pas l'avenir, alors qu'il aurait fallu
clairement consacrer ces 20 milliards de francs à la réforme de l'impôt sur le
revenu, de manière à faire de l'année 2000 l'an I de la réforme de l'impôt sur
le revenu. C'est la responsabilité du Gouvernement d'y avoir renoncé.
Sur le fond, je ne peux qu'adhérer à l'argumentaire qui a été présenté par
Yves Fréville, mais je me dois, en ma qualité de rapporteur général, de faire
remarquer que le coût du doublement du plafond de la décote pour les couples
soumis à imposition commune se traduirait pas une moins-value fiscale de 3 650
millions de francs.
En outre, il s'agirait bien de l'ensemble des couples soumis à imposition
commune et non pas seulement des couples mariés, comme Yves Fréville l'a
lui-même précisé.
Il me semble donc qu'à l'issue d'un débat nécessaire sur ce sujet il serait
opportun, du moins dans le cadre de l'examen de la première partie du projet de
loi de finances, de retirer ces amendements.
Je ne serais pas du tout hostile à ce qu'ils soient représentés au titre de la
deuxième partie. En effet, s'il s'agit simplement d'un signal sans incidence
sur le solde de la loi de finances pour l'an 2000, nous pourrions tout à fait
retenir ces dispositions dans le cadre de la deuxième partie du projet de loi
de finances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Tout d'abord les 20 milliards de francs de réduction
de taxe sur la valeur ajoutée ont pour seule motivation non pas celle que vous
avez évoquée, monsieur le rapporteur général, mais l'emploi. La bataille pour
l'emploi est, en effet, prioritaire, et les réductions fiscales doivent être
lues à travers le prisme de cet objectif central du Gouvernement, qui,
d'ailleurs, est atteint, si j'en juge par le nombre d'emplois salariés créés
depuis deux ans et demi.
Par conséquent, c'est bien l'emploi qui motive notre politique.
C'est aussi l'équité fiscale. Je ne reprendrai pas le débat sur la place de la
TVA dans notre appréciation de la justice fiscale, mais nous pourrions
certainement enrichir un jour notre réflexion à ce propos.
J'en viens aux amendements proprement dits. Je souhaite attirer votre
attention, monsieur Fréville, sur le fait que l'exemple que vous citez concerne
le cas spécifique de personnes vivant en concubinage.
(M. Fréville fait un
signe de dénégation.)
Or il est réducteur de limiter la problèmatique du
sujet que vous abordez à ce seul aspect de la question. En effet, la décote a
été instituée pour les célibataires de condition modeste lorsque le barème
progressif les faisait pâtir de l'existence du quotient familial.
La lecture de vos amendements donne à penser qu'il conviendrait d'engager une
réflexion sur le quotient familial.
Par ailleurs, le bénéfice de la décote a été étendu, en 1987, à l'ensemble des
contribuables. Sa « conjugalisation », si vous me permettez ce néologisme, ne
se justifie pas dès lors que son objet n'est pas d'instituer un seuil
d'exonération directement proportionnel aux revenus des familles. Je vous
indique - j'ai peine à le faire, car je vais être critiqué de nouveau par M.
Oudin - que le Gouvernement reviendra sur cette question en 2000, lors de la
préparation du projet de loi de finances pour 2001.
En outre, le gage que vous proposez, monsieur le sénateur, à savoir une
réduction de l'exonération sur la taxe intérieure sur les produits pétroliers,
affecterait de manière négative certains transporteurs aériens, notamment le
principal d'entre eux, la société Air France. Il est donc incompatible avec les
dispositions du traité portant organisation de l'aviation civile
internationale.
Mais la question du gage n'étant pas primordiale et le dispositif de
l'amendement étant l'essentiel, je demande au Sénat de rejeter ces
amendements.
M. le président.
Monsieur Fréville, les amendements n°s I-72 et I-73 sont-ils maintenus ?
M. Yves Fréville.
Je retire ces amendements, monsieur le président, mais j'ai bien l'intention
de les déposer à nouveau au titre de la deuxième partie du projet de loi de
finances, comme le suggérait excellemment M. le rapporteur général. Je
formulerai cependant deux remarques.
Tout d'abord, il ne s'agit nullement d'une question de concubinage, monsieur
le secrétaire d'Etat. J'envisage tout simplement le cas de deux célibataires
qui se marient. Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais telle est bien la
réalité : chacun payait 650 francs, ils payaient donc 1 300 francs à deux,
s'ils se marient, leur impôt s'élèvera à 4 000 francs.
Ma deuxième remarque a trait aux objectifs poursuivis par le Gouvernement dans
cette loi de finances. J'ai bien compris qu'un effort était entrepris en
matière de TVA sur le logement. Mais mes amendements visent plus précisément
les salariés modestes, car ce sont eux qui en seront les principaux
bénéficiaires.
Si j'ai déposé ces amendements, c'est parce que l'impôt sur le revenu souffre
de taux marginaux excessifs en ce qui concerne les hauts revenus - je n'en
parle pas dans ces amendements - mais aussi les bas revenus. A de nombreuses
reprises, le Gouvernement, à la suite des études du Conseil d'analyse
économique, nous a dit qu'il fallait faciliter l'entrée sur le marché du
travail des exclus. Eh bien ! ces amendements avaient notamment pour objet,
monsieur le secrétaire d'Etat, de réduire la barrière fiscale que rencontrent
ceux qui entrent sur le marché du travail.
M. le président.
Les amendements n°s I-72 et I-73 sont retirés.
Par amendement n° I-224, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 199
quater
C du code
général des impôts, le taux : "30 %" est remplacé par le taux : "50 %".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Certains pourraient penser que cet amendement est peut-être un peu
démagogique.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oh ! ce n'est pas votre habitude !
M. Jacques Oudin.
Il tend en effet à appliquer la même réduction d'impôt au titre des
cotisations syndicales qu'à celui des cotisations d'adhésion à un parti
politique.
S'agit-il d'un intérêt majeur que je porte aux syndicats ou bien du souhait
que, au travers de ce débat, on apporte une plus grande clarté sur les
modalités de financement de nos organisations syndicales, comme on a tendu à le
faire pour les organisations et les partis politiques ?
Il est intéressant qu'un syndicat puisse être financé par des cotisations. Dès
lors, il n'est pas inéquitable d'accorder aux organisations syndicales les
mêmes réductions d'impôt qu'aux organisations et mouvements politiques. Mais,
une fois que l'on aura octroyé ces avantages, il est évident qu'il faudra
encadrer la totalité du financement de façon aussi stricte que pour les
mouvements politiques. Nous y voilà ! Chacun a en tête des exemples de mise à
disposition de fonctionnaires dans des syndicats, payés par des administrations
diverses, ou d'autres pratiques que l'on condamne pour les mouvements
politiques. Il n'y a pas de raison de les tolérer pour les organisations
syndicales.
Tel est l'objet véritable de cet amendement. Il paraît généreux de prime
abord, mais en fait il vise à atteindre, à terme, une plus grande clarté, donc
une plus grande sévérité dans les comptes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un intéressant sujet qui est ainsi introduit
dans notre débat et qui nécessite, assurément, l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
On ne peut que se féliciter de la sollicitude avec
laquelle M. Oudin considère l'activité syndicale. Cela rejoint une
préoccupation qui m'est personnelle...
M. Jacques Oudin.
Préoccupation très honorable !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... et qui est également celle de l'opposition
sénatoriale.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est normal !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Plus sérieusement, je vais répondre à son
argumentation.
Il existe une différence de nature entre les dons aux associations et aux
groupements politiques et les cotisations aux organisations syndicales : ces
dernières sont destinées à défendre directement les intérêts des mandants de
ces syndicats. De la sorte, une cotisation syndicale relève d'une logique non
pas de don, mais d'engagement personnel pour défendre un intérêt direct. C'est
le sens même que l'on accorde, en France, à la constitution et à l'organisation
des syndicats.
Par ailleurs, les syndicats modulent souvent le niveau des cotisations en
fonction du niveau de revenus de l'adhérent. Ce principe, qui d'ailleurs
reflète les rôles démocratique et social des syndicats, est la meilleure
réponse à la problématique. Je demande donc au Sénat de rejeter cet
amendement.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Après avoir entendu les explications du Gouvernement,
je puis indiquer quelle est la position de la commission.
Le sujet est tout à fait estimable et l'alignement proposé constituerait un
facteur de simplification. Cela étant dit, sans doute est-il préférable de
reprendre ce sujet, avec un certain nombre d'autres, dans le cadre de la
réforme d'ensemble.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Par souci de cohérence !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Effectivement !
C'est pourquoi la commission souhaite le retrait de cet amendement.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Je le retire, monsieur le président.
Certes, j'attendais que M. le secrétaire d'Etat nous apporte cet éclairage,
mais je souhaitais aussi qu'il nous donne d'autres éléments d'information sur
le financement des organisations syndicales. Il n'en a rien été !
Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un syndicat ne vit que par la
contribution de ses adhérents, qui défendent, par là même, leurs intérêts. Quel
est le pourcentage des cotisations des adhérents dans le budget global des
organisations syndicales ? Voilà un chiffre que j'aimerais bien connaître. Je
vous adresserai une question écrite à ce sujet ; j'espère avoir la réponse un
jour au
Journal officiel !
M. le président.
L'amendement n° I-224 est retiré.
Par amendement n° I-225, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le troisième alinéa du 1° de l'article 199
sexdecies
du code
général des impôts est complété par les mots : "et pour les contribuables
employant à leur domicile une ou plusieurs personnes pour assurer la garde d'au
moins un enfant à charge de moins de trois ans, lorsque chaque membre du couple
ou la personne seule exerce une activité professionnelle minimale".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement est favorable aux parents qui travaillent et qui ont du mal à
faire garder leurs enfants en bas âge face à la relative pénurie des places de
crèche.
Le plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile a été
réduit de moitié par le Gouvernement et cela pose un grave problème à nombre de
familles.
Cet amendement tend donc à revenir au plafond initial de 90 000 francs qui
existait voilà trois ans pour l'emploi des salariés à domicile, mais pour la
seule garde des enfants, j'y insiste. En effet, autrefois, le plafond
concernait tout emploi à domicile.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission soutient l'intention des auteurs de cet
amendement, car la mesure proposée lui paraît opportune. Toutefois, elle
souhaiterait que le montant du plafond soit ramené à 60 000 francs, ce qui,
d'une part, permettrait d'aller dans le sens souhaité, et, d'autre part, serait
supportable sur le plan budgétaire.
M. le président.
Monsieur Oudin, souhaitez-vous répondre au voeu de la commission ?
M. Jacques Oudin.
Oui, monsieur le président, et je modifie mon amendement dans le sens proposé
par la commission.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, pour permettre à nos collègues
de rectifier leur amendement, je demande un brève suspension de séance.
M. le président.
Nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à douze heures
vingt.)
M. le président.
La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement n° I-225 rectifié, présenté par MM. Oudin,
Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët, et tendant à
insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le troisième alinéa du 1° de l'article 199
sexdecies
du code
général des impôts est complété par le membre de phrase : "et à 60 000 francs
pour les contribuables employant à leur domicile une ou plusieurs personnes
pour assurer la garde d'au moins un enfant à charge de moins de trois ans,
lorsque chaque membre du couple ou la personne seule exerce une activité
professionnelle minimale".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-225 rectifié ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Favorable, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
L'avis du Gouvernement est exactement inverse. Je
demande au Sénat de rejeter cet amendement.
L'abaissement à 45 000 francs du plafond de dépenses qui ouvrent droit à la
réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, abaissement auquel
nous avions procédé il y a deux ans, est une mesure d'équité qui a permis au
dispositif de conserver un caractère incitatif en termes d'emploi, ce qui était
l'objectif premier, tout en évitant que ne se constitue un avantage excessif
pour les personnes les plus aisées.
Gardons le sens de la mesure en incitant à l'emploi sans créer un avantage
contraire à la justice fiscale, que nous souhaitons promouvoir.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-225 rectifié.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
M. le secrétaire d'Etat n'a peut-être pas tout à fait entendu les précisions
que j'ai apportées. Il s'agit non pas de revenir sur la mesure générale
d'abaissement qui a été prise, mais de réajuster le plafond uniquement pour les
emplois concernant la garde de jeunes enfants.
Une telle modification aura-t-elle des conséquences pour l'emploi ? A
l'évidence, oui, monsieur le secrétaire d'Etat : les jeunes femmes qui auront
plus de facilités pour faire garder leurs enfants retourneront sur le marché du
travail, avec l'expérience qui est la leur.
Il ne s'agit pas d'une mesure générale, je l'avais précisé, mais je crois que,
malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez fait part de la
réponse de vos services, qui concernait une élévation générale du plafond. Or
tel n'est pas l'objet de mon amendement.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le
sénateur ?
M. Jacques Oudin.
Je vous en prie, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je conçois que cette objection relative à l'emploi
fasse tomber une partie de mon raisonnement. Il n'en demeure pas moins que la
mesure profitera essentiellement aux contribuables les plus aisés.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est le vieux principe suivant lequel on ne tond pas
un oeuf !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
C'est pour cette raison que j'ai demandé le rejet de
cet amendement.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Oudin.
M. Jacques Oudin.
Voyez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis persuadé que les
contribuables les plus aisés, eux, trouveront des places dans les crèches. Je
n'y peux rien, telle est la réalité des choses. Ce sont les autres qui devront
recourir à des aides à domicile, faire appel à la voisine ou à quelqu'un du
village ou du quartier. Pardonnez-moi, mais je crois que, un peu par
dogmatisme, vous mettez à côté de la plaque !
Je maintiens bien entendu mon amendement.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-225 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 2.
Par amendement n° I-141 rectifié, M. Miquel, Mme Bergé-Lavigne, MM. Angels,
Charasse, Demerliat, Haut, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe
socialiste proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi
rédigé :
« L'avantage maximal en impôt résultant de l'application des dispositions des
articles 199
undecies
, 199
terdecies
A et 199
terdecies
-0
A du code général des impôts ne peut excéder la somme de :
« 104 545 francs en ce qui concerne les investissements réalisés outre-mer
;
« 10 989 francs en ce qui concerne les souscriptions effectuées dans le cadre
du rachat d'une entreprise par ses salariés ;
« 9 251 francs en ce qui concerne les souscriptions en numéraire au capital de
sociétés non cotées ;
« 22 263 francs en ce qui concerne les souscriptions de parts de fonds communs
de placement dans l'innovation. »
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Cet amendement a pour objet de recentrer le dispositif existant au titre des
réductions d'impôt.
Chacun ici se souvient que, depuis plusieurs années déjà, nous défendons
l'idée selon laquelle il conviendrait de limiter de manière globale l'ensemble
des réductions d'impôt dont peut bénéficier un contribuable, et ce pour des
raisons évidentes de justice fiscale.
S'il peut être tout à fait utile de proposer des avantages fiscaux pour
inciter les contribuables à investir dans tel ou tel secteur d'activité ou dans
tel ou tel domaine, cette démarche ne doit pas aboutir à permettre à certains
contribuables de s'exonérer de manière par trop substantielle de l'impôt.
Sinon, on aboutirait à un vrai paradoxe. Les contribuables qui n'ont pas les
moyens d'effectuer les dépenses éligibles à ces dispositifs d'allégement
d'impôt seraient les seuls à s'acquitter, en fait, de leur impôt en fonction du
barème voulu et voté par le législateur, alors que, dans le même temps, ce
barème ne serait que théorique pour ceux qui peuvent ainsi y échapper.
En somme, avec ces multiples dispositifs, c'est le principe d'une
progressivité inverse qui s'appliquerait.
Nous avons pris connaissance avec intérêt du rapport déposé à notre demande
devant le Parlement, en application de l'article 87 de la loi de finances pour
1999. Ses conclusions sont très intéressantes ; elles font apparaître quelques
points importants.
D'abord, les réductions d'impôt représentent dans leur ensemble un phénomène
de masse et sont réparties de manière équilibrée sur l'ensemble des
contribuables.
Ensuite, le montant moyen effectif total de la réduction d'impôt est
finalement moins élevé que ce que l'on pouvait imaginer.
Enfin, pour les tranches les plus élevées, le montant moyen de la réduction
d'impôt ne représente qu'un faible pourcentage de la cotisation d'impôt due.
Partant, il nous semble aujourd'hui peu pertinent de plafonner ces dispositifs
de manière globale comme nous le souhaiterions.
En revanche, il est intéressant de constater que ces informations s'inscrivent
par rapport à des moyennes. Or, si les résultats enregistrés en moyennes
paraissent tout à fait satisfaisants, on peut considérer que ces moyennes,
fictives, théoriques en quelque sorte, constituent des limites à ne pas
dépasser.
Quel a été notre raisonnement ? Nous avons choisi trois dispositifs parce
qu'ils étaient de portée non négligeable et de nature économique : la loi Pons,
le rachat d'une entreprise par ses salariés et les souscriptions dans des
sociétés non cotées ainsi que dans l'innovation. Pour chacun de ces
dispositifs, nous avons retenu le montant moyen constaté le plus élevé quelle
que soit la tranche considérée, en lui donnant en quelque sorte une vocation de
limite maximale à ne pas dépasser.
Prenons l'exemple le plus caractéristique, celui de l'outre-mer. Aujourd'hui,
des contribuables de toutes les tranches investissent dans la loi Pons.
Evidemment, pour les revenus modestes et moyens, le montant de réduction
d'impôt est moins élevé que pour les revenus élevés : 3 435 francs et 9 132
francs pour les premiers, et 104 545 francs pour la dernière tranche. Nous
disons simplement d'accord pour cette limite, même si elle nous paraît déjà
fort élevée, mais nous ajoutons que cette limite ne doit pas être dépassée.
Aujourd'hui, il est évident que certains contribuables - puisque ce chiffre
est une moyenne - retirent des avantages bien plus importants que la somme
moyenne de 104 545 francs : cela nous paraît anormal et doit être corrigé. Mes
chers collègues, c'est ce que nous vous proposons de faire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait défavorable, monsieur le président. Il est
vraiment absurde, en ce qui concerne l'outre-mer, de tout miser sur les
mécanismes d'assistance, sur le RMI comme sur les prestations passives, et de
refuser, dans le même temps, l'incitation à investir dans les entreprises.
Mais qui, sinon, va investir ? Est-ce le smicard ? Est-ce celui qui n'a pas
d'épargne ? Certainement pas ! C'est celui qui est en mesure de distraire de
son revenu ou de son capital une part significative, qu'il apporte à une
nouvelle entreprise pour lui permettre de boucler son plan de financement ou à
une entreprise existante pour améliorer les conditions de son développement.
Alors, j'avoue ne pas comprendre nos collègues socialistes, qui raisonnent
toujours en termes de plafond avec à l'esprit une préoccupation unique, celle
d'un égalitarisme complètement désuet, mais qui se satisfont de la situation
sociale pourtant lamentable de nos départements et territoires d'outre-mer,
compte tenu, notamment, de l'augmentation du nombre de chômeurs que l'on y
enregistre.
Enfin, chers collègues du groupe socialiste, avez-vous vu ce qui s'est passé
lorsque le Premier ministre s'est rendu aux Antilles récemment ? Avez-vous lu
les journaux ? Avez-vous regardé la télévision ? La situation sociale de ces
départements français vous semble-t-elle supportable ?
Est-ce en continuant à modifier la politique d'investissement, est-ce en
continuant à modifier la politique fiscale et la politique d'emploi des deniers
publics, en y intégrant toujours plus de mesures d'assistance et en suscitant
toujours moins d'esprit d'entreprise, que l'on parviendra à améliorer les
conditions de l'équilibre social et de l'harmonie sociale dans ces départements
?
C'est un vrai sujet de fond. Changer la logique du mécanisme de soutien à
certains investissements nécessaires au développement économique de notre pays,
notamment outre-mer, est absolument contre-productif. Limiter, comme le prévoit
votre amendement, l'avantage en impôt au montant moyen de réduction d'impôt
constaté pour chaque mécanisme aboutirait à réduire la masse des
investissements et méconnaîtrait la finalité même des mécanismes considérés.
Je ne suis pas surpris de constater que cet amendement est cosigné par
l'ensemble des membres de votre groupe qui siègent à la commission des
finances, à l'exception de l'un d'entre eux : notre collègue et ami M. Roger
Lise, président du conseil général de la Martinique. CQFD !
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le sujet abordé par cet amendement est fondamental,
puisqu'il touche à la philosophie de la fiscalité, à l'efficacité économique et
sociale de celle-ci, au rôle que jouent les différentes réductions d'impôt et,
par voie de conséquence, à la raison d'être de ces dernières.
J'ai indiqué, au début de notre débat, que la réforme et l'amendement de notre
système d'impôt sur le revenu devaient s'ordonner autour de trois principes
forts : simplicité, lisibilité et conciliation entre efficacité économique et
justice fiscale. Ce sont ces trois objectifs que cherche à atteindre
l'amendement défendu voilà un instant par M. Demerliat.
Toutefois, au-delà de la lutte contre les « niches fiscales », dans laquelle
vous vous inscrivez, de la légitimité de la réflexion qui est celle du groupe
socialiste, il est nécessaire de l'insérer, là encore, dans une vision
d'ensemble cohérente. Cela vaut pour l'exemple choisi dans la situation de
l'outre-mer comme pour les autres situations évoquées.
Aussi me paraît-il préférable d'attendre que l'on ait mis en perspective
l'ensemble de la réforme à laquelle le Gouvernement procédera l'année prochaine
avant de s'attaquer à tel ou tel aspect particulier de ces niches fiscales et
de cette réforme. C'est pourquoi il est souhaitable que le groupe socialiste
retire cet amendement et que l'on revienne sur cette question lors d'un
prochain débat.
M. le président.
Monsieur Demerliat, l'amendement n° I-141 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Demerliat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté votre souhait de combattre ces
niches fiscales lors de l'examen de la réforme de l'impôt sur le revenu. Aussi,
je retire bien volontiers cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-141 rectifié est retiré.
ARTICLES ADDITIONNELS APRÈS L'ARTICLE 2
OU APRÈS L'ARTICLE 7
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-20, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin du 2 de l'article 200 A du code général des impôts, le taux :
"16 % est remplacé par le taux : 15 %".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I
ci-dessus est compensée par le relèvement à due concurrence des droits prévus
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-164, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 2 de l'article 220 A du code général des impôts est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« A compter de l'imposition des revenus, au titre de 1999, les gains nets
obtenus dans les conditions prévues aux articles 92 B à 92 F du code général
des impôts sont imposés à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables
aux traitements et aux salaires. »
« II. - Le taux prévu à l'article 278 du code général des impôts est réduit à
due concurrence. »
Par amendement n° I-165, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyer proposent d'insérer, après l'article
2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 3 de l'article 200 A du code général des impôts est rétabli dans la
rédaction suivante :
« 3. Ce taux forfaitaire est porté à 20 % pour les gains nets réalisés sur les
opérations à court terme. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-20.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'aligner le taux proportionnel
d'imposition des plus-values de cession, qui s'élève actuellement à 16 %, sur
le taux de prélèvement libératoire sur les produits des placements à revenu
fixe, qui est de 15 %.
Cette modification est certes peu importante mais elle est significative. Le
dispositif actuel se caractérise par la coexistence de plusieurs taux
d'imposition selon les différentes catégories de produits d'épargne. Le
dispositif proposé vise donc à simplifier ce paysage. Les différences actuelles
en matière de taux d'imposition des plus-values de cession, d'une part, et des
produits de placement à revenu fixe, d'autre part, présentent deux
inconvénients. D'abord, elles nuisent à la lisibilité de la fiscalité relative
à l'épargne. Ensuite, elles peuvent traduire des distorsions de comportement,
lorsque les titres concernés sont des obligations, en raison du caractère très
proche du point de vue économique des notions de revenus et de plus-values.
Aussi, il peut être avantageux d'acheter des obligations avant le détachement
du coupon, d'encaisser ce dernier imposé au taux de 15 % puis de revendre les
obligations. Cette cession sera assimilée à une perte qui pourra être imputée
sur des produits de même nature, eux-mêmes imposés à 16 %, la différence de
taux permettant de diminuer l'imposition sur les plus-values.
Je ne sais si ce raisonnement est susceptible de s'appliquer à un grand nombre
de cas mais l'arithmétique démontre qu'un tel comportement est possible.
Au demeurant, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne faisons que reprendre une
suggestion du conseil des impôts figurant dans son dix-septième rapport au
Président de la République, publié en 1999, et concernant la fiscalité des
revenus de l'épargne.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter les amendement n°s I-164 et
I-165.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'amendement n° I-164, que j'avais annoncé lors de la discussion générale, est
particulièrement chargé de sens et concerne l'essence même de notre système
fiscal.
Nous proposons en effet, concurremment, deux mesures fortes dans le cadre de
cet amendement.
La première porte sur la question de la prise en compte des revenus financiers
dans le cadre de l'application du barème de l'impôt sur le revenu.
La seconde concerne le problème du taux normal de la taxe sur la valeur
ajoutée et la nécessité de réduire ce taux qui a été majoré depuis quatre
ans.
La première question porte sur le régime des plus-values de cession d'actifs
de revenus mobiliers, aujourd'hui soumis à un prélèvement libératoire de 16 %,
prélèvement largement inférieur, chacun le sait, au taux marginal d'imposition
au titre de l'impôt sur le revenu, à savoir 54 %, comme au taux marginal moyen
que l'on a pu observer, qui se situe aux alentours de 40 %.
Dans les faits, on a d'ailleurs un peu l'impression que, même si les
plus-values réalisées sur les cessions de titres mobiliers ne bénéficient pas
des mêmes conditions de traitement que les plus-values de nature immobilière,
la prime à la durée de détention des titres est matérialisée par le niveau pour
le moins réduit du prélèvement libératoire.
Selon l'évaluation des voies et moyens, le coût de ce dispositif est
relativement important, puisqu'il est estimé aujourd'hui à 20 milliards de
francs, et la bonne santé du marché boursier au cours des dernières années a
très sensiblement majorté ce coût, d'environ 30 % en deux ans.
On observera, d'ailleurs, que ces 20 milliards de francs de dépense fiscale,
qu'il convient de majorer de l'ensemble des dispositions annexes dont le coût
n'est pas chiffré avec précision, par exemple des reports d'imposition,
constituent, à eux seuls, plus de six points de rendement de l'impôt sur le
revenu et représentent une dépense une fois et demie plus élevée que celle qui
résulte de l'abattement de 10 % sur les pensions et retraites ou deux fois plus
élevée que celle que représente l'exonération des prestations familiales.
La progression constante du niveau de la valorisation boursière est,
évidemment, le fait générateur essentiel de cette croissance rapide de la
défense fisale.
Quand, dans une France qui connaît encore un taux de chômage de 11 % et où
plusieurs millions de nos compatriotes vivent dans la précarité, le CAC 40
affiche insolemment des records quotidiens à 5 200 points et tend à atteindre,
au cours de l'an 2000, le seuil des 7 000 points, il n'est guère surprenant de
constater le coût de plus en plus élevé des avantages fiscaux dérogatoires au
droit commum consentis aux revenus des capitaux.
Outre que cela nous interpelle sur la capacité de la bourse à traduire le
mouvement de l'économie réelle, cela traduit aussi une profonde inégalité de
traitement des contribuables, qui profite seulement à ceux qui ont fait de la
valorisation des fonds propres des entreprises, avec, je le signale au passage,
toutes ses conséquences en termes d'organisation du travail, leur source
essentielle de revenu.
C'est pourquoi cet amendement vise à remédier à cette situation.
Il est, nous l'avons vu, assorti d'une proposition de réduction du taux normal
de la TVA.
Cette démarche de notre groupe est relativement ancienne et remonte à l'époque
où le taux normal de la TVA a été majoré, au nom de l'emploi.
Nous estimons que le potentiel de croisance de l'économie est bridé par
l'existence d'un taux normal de TVA trop élevé et que la réduction de celui-ci,
au-delà de dispositifs ciblés sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir,
est une des priorités que le Gouvernement doit afficher dans toute démarche de
réforme de notre fiscalité.
Compte tenu des dispositions qui sont désormais prises pour le financement
d'un certain volume de la dépense publique pour l'emploi, force est de
constater que le financement de cette dépense publique par le biais du
relèvement du taux de la TVA n'a plus beaucoup de sens.
Au-delà, il importe, selon nous, de porter une attention particulière à la
question des droits indirects, au regard de données assez fondamentales.
Ces droits, et singulièrement la TVA, sont régressifs dans leur application et
frappent donc plus lourdement nos concitoyens qui disposent des revenus les
plus modestes, qui ont une capacité d'épargne plus faible.
Ils sont donc en contradiction avec le principe même de notre fiscalité, selon
lequel « chacun contribue à la charge publique à proportion de ses facultés »,
et doivent être clairement réformés.
Ils doivent l'être, ainsi que le prévoit notre amendement, en regard d'un
renforcement de l'efficacité de nos impôts directs.
Pour que notre fiscalité trouve un nouvel équilibe et « marche sur ses deux
jambes », nous vous demandons donc, mes chers collègues, d'adopter ce
dispositif.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-164 et I-165 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-164 étant à l'opposé des
orientations de la commission des finances, celle-ci ne peut qu'émettre un avis
défavorable.
Toutefois, je voudrais inciter notre collègue Mme Marie-Claude Beaudeau à la
réflexion.
Elle déplore que le CAC 40 soit élevé. Mais, en cas de crise financière,...
M. Emmanuel Hamel.
Ça va venir ! Ça craquera !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... si l'indice était brutalement divisé par deux, il
en résulterait inévitablement des dommages pour les entreprises. En effet, plus
les titres sont bas, plus l'appétit des prédateurs grandit, plus il y a
d'offres publiques d'achat, plus il y a de prises de contrôle, plus il y a de
restructurations et plus il y a de pertes d'emplois !
M. Emmanuel Hamel.
Nous vivons dans un monde de prédateurs !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Est-ce ce que vous souhaitez, madame Beaudeau ?
Il faut voir les choses comme elles sont dans le monde où nous vivons. Le mur
de Berlin est tombé voilà dix ans ! Nous constatons tous qu'il n'y a pas
d'autre système que l'économie de marché,...
M. Emmanuel Hamel.
Laquelle ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... que l'autarcie n'existe pas. Il faut donc éviter
d'employer des expressions qui ne sont plus de notre temps. Nous devons, les
uns et les autres, essayer de travailler avec les rouages qui existent.
Les anathèmes ne devraient pas avoir cours. Certes, il s'agit de bons propos
de tribune - aujourd'hui, on ne parle plus de propos de préau puisqu'il n'y en
a plus - de propos pour se faire bien voir par certains de nos concitoyens qui
n'ont pas nécessairement la formation économique qui devrait leur être
transmise. Il serait sans doute préférable que nous les aidions à obtenir cette
formation, que nous sachions leur parler de manière responsable, pour qu'ils
comprennent les rouages de l'économie moderne et qu'ils puissent réagir par
rapport aux dysfonctionnements de celle-ci.
Tout ce qui les conforte dans des discours du passé purement démagogiques est
mauvais. C'est de ce point de vue que je me place pour transmettre l'avis
défavorable de la commission.
MM. Michel Caldaguès et Jean-Pierre Schosteck.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je rappellerai d'abord un principe, qui va de soi, et
je rejoins Mme Beaudeau dans l'esprit qui a sous-tendu son intervention. Depuis
juin 1997, le Gouvernement s'efforce de rééquilibrer la charge de l'imposition
sur les revenus du travail et celle qui concerne les revenus du capital dans le
sens de la justice fiscale ; cela apparaît en filigrane dans l'intervention de
Mme Beaudeau.
Plus directement, il n'y a pas, monsieur le rapporteur général, de logique
absolue - dison le mot - à instaurer un alignement des taux tel que vous le
proposez. Pendant de longues années, et jusqu'au 1er janvier 1990, le taux du
prélèvement libératoire sur les intérêts d'obligations a été fixé à 25 %, alors
que le taux d'imposition des plus-values l'était à 16 %. Et il existe encore,
actuellement des prélèvements libératoires au taux de 35 % pour les produits de
bons de caisse, de bons du Trésor et pour les produits assimilés émis entre
1990 et le 31 décembre 1994.
Je ne m'engagerai pas dans le procès du financement de l'économie par le
marché boursier : le rôle principal de la Bourse est de financer l'économie, de
financer les investissements, et donc de financer l'emploi. Au-delà des aspects
spéculatifs circonstanciels qui peuvent apparaître, le fondement de notre
financement de l'économie est bien là, et je préfère qu'il soit assuré par de
l'épargne française plutôt que de voir les valeurs soumises à la dispersion et
au gré des fonds de pension étrangers.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Créons nos propres fonds de pension !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Plus nous rendrons le site français attractif pour le
financement de nos investissements, mieux cela vaudra pour notre économie
nationale et pour notre indépendance nationale, j'en suis convaincu !
M. Emmanuel Hamel.
Oui, monsieur le secrétaire d'Etat : veillez à la défendre, notamment à
Bruxelles ! Il faut que la France reste la France !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Cependant, comme le marché boursier se porte bien, je
pense qu'il n'est pas nécessaire de donner actuellement un signal politique qui
serait mal perçu par certains épargnants, par certaines couches de la
population, par certains contribuables. Il faut laisser « reposer la pâte ».
Au demeurant, je suis sensible à un argument que vous n'avez pas développé
explicitement, monsieur le rapporteur général, et qui suppose qu'il y ait
égalité de traitement fiscal entre les valeurs à revenu fixe et les valeurs à
revenu variable. Vieux débat, débat intéressant, débat juste !
La prise de risque doit sans doute être encouragée, mais vous auriez pu tout
aussi bien, puisque vous souhaitez cette égalité, proposer une évolution dans
l'autre sens et aligner le taux de 15 % sur celui de 16 % au lieu de faire
l'inverse.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je suis pour la baisse !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Vous êtes pour la baisse ? Je suis, en l'état actuel
des choses, pour la stabilité du système, car le financement par la Bourse,
encore une fois, fonctionne bien : l'investissement français se porte bien
aujourd'hui.
Parce qu'il ne vise pas un principe fondamental de philosophie fiscale, je
vous invite donc à retirer l'amendement n° I-20 et, si vous n'accédiez pas à ma
demande, je demanderais au Sénat de bien vouloir le rejeter.
Concernant les amendements n°s I-164 et I-165 de Mme Beaudeau, je répète que
le Gouvernement est favorable au principe du rééquilibrage du prélèvement
fiscal entre les revenus du travail et les revenus du capital. Je le redis ici
- mais le Sénat en est convaincu - le Gouvernement a déjà montré, par les
nombreuses mesures fiscales qu'il a soumises au Parlement, quelle était sa
disposition d'esprit en la matière.
Je veux ajouter que la taxation à un taux proportionnel des plus-values sur
valeurs mobilières permet de prendre en compte de manière forfaitaire
l'augmentation nominale de la plus-value. Passer à une taxation selon un barème
progressif de l'impôt sur le revenu conduirait nécessairement à instaurer un
mécanisme de correction de l'augmentation nominale de la plus-value, comme
c'est le cas pour les plus-values immobilières. Or il n'est pas certain que
cette correction de l'assiette des plus-values sur valeurs mobilières permette
une contribution plus forte des contribuables réalisant de telles
plus-values.
C'est pourquoi je vous demande, madame Beaudeau, de retirer l'amendement n°
I-164, et j'utiliserai le même type d'argumentation concernant l'amendement n°
I-165, d'autant qu'en termes de faisabilité ce dernier serait très difficile à
mettre en oeuvre car il entraînerait une augmentation des obligations
déclaratives des contribuables ainsi que de celles qui sont mises à la charge
des établissements financiers, sans compter que la gestion du délai de
détention des titres de leurs clients par lesdits établissements leur poserait
un réel problème.
Enfin, vous poussez la bouchon jusqu'à proposer la rétroactivité au 1er
janvier 1999, alors que, vous le savez, les systèmes informatiques des
établissements financiers sont actuellement mobilisés par les adaptations
nécessaires au passage à l'an 2000.
Il faut d'ailleurs ajouter - et cette remarque intéressera le Sénat - que,
dans des pays comme l'Allemagne ou la Belgique, où il existe un système de
taxation des plus-values réalisées à court terme - je signale d'ailleurs au
passage que le droit fiscal français ignore la notion de « plus-value à court
terme » -, il est de notoriété publique que les difficultés de gestion et de
contrôle rendent inefficace ce système de taxation, en particulier en
Allemagne. Voyez les difficultés auxquelles nous sommes confrontées lorsque
nous cherchons à rapprocher les fiscalités à l'échelon européen ! Nous butons
toujours sur l'efficacité d'un contrôle des revenus de ce type.
Encore une fois, il faut donc, à mon avis, laisser « reposer la pâte » et
maintenir le système en l'état, et dans le cas de l'amendement Marini et dans
le cas des amendements Beaudeau.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-20, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 7, et les amendements n°s I-164 et I-165
n'ont plus d'objet.
Je vous propose, mes chers collègues, de renvoyer la suite de la discussion à
quinze heures.
6
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la
limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs
conditions d'exercice.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires :
MM. Jacques Larché, Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Daniel Hoeffel, Paul Girod, Guy Allouche et Michel Duffour.
Suppléants :
MM. Guy Cabanel, Luc Dejoie, Mme Dinah Derycke, MM.
Jean-Jacques Hyest, Lucien Lanier, Jean-Claude Peyronnet et Henri de
Richemont.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures.)
M. le président. La séance est reprise.
7
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, la semaine dernière, quatre magistrats du siège se sont
publiquement élevés auprès du Président de la République contre l'exercice
normal des droits du Parlement en matière de contrôle des services publics,
justice incluse, ce qui constitue, au moins pour ce qui concerne le Sénat, une
double faute.
C'est, d'une part, une faute disciplinaire au regard de l'article 10 de
l'ordonnance de 1958, qui interdit aux magistrats « toute manifestation
d'hostilité au principe ou à la forme du Gouvernement de la République » et «
toute démonstration de nature politique ».
C'est, d'autre part, une faute pénale au regard de l'article 31 de la loi de
1881 puisque les sénateurs membres de la commission d'enquête du Sénat sur la
Corse ont été accusés de violation de la séparation des pouvoirs - il faut dire
que les juges sont des spécialistes en la matière ! - donc d'avoir commis la
forfaiture prévue par la loi des 16 et 24 août 1790. Cela constitue une
diffamation à l'égard de « un ou plusieurs membres de l'une ou de l'autre
chambre ».
Aujourd'hui, monsieur le président, l'escalade se poursuit avec les
déclarations du président de l'Union syndicale des magistrats, M. Valéry
Turcey, dans le journal
Les Echos
de ce matin.
Je citerai deux extraits de ces déclarations.
A une question sur le Congrès de Versailles du 24 janvier, M. Turcey répond :
« Un échec serait très grave. Quoi que l'on pense des réformes sur la justice,
ces projets constituent une tentative raisonnée et logique de rationalisation
des rapports entre la classe politique et la justice...
M. Philippe Marini.
Pression !
M. Michel Charasse.
... « C'est prendre le risque de voir ces relations, aujourd'hui tendues,
tourner à la crise ouverte sans solution prévisible. »
M. Philippe Marini.
C'est inadmissible !
M. Michel Caldaguès.
Insensé !
M. Michel Charasse.
Un peu plus loin, M. Turcey poursuit : « Les sénateurs exercent une forme de
chantage. Leur véritable intention est de mettre les juges dans la situation de
ne plus pouvoir les poursuivre. »
M. Philippe Marini.
C'est inadmissible !
M. Michel Charasse.
La première des deux citations - « ça ira mal si vous votez mal » - est un
délit prévu et réprimé par le deuxième alinéa de l'article 433-3 du code pénal,
dont je vous rappelle qu'il prévoit une peine de dix ans d'emprisonnement et de
un million de francs d'amende pour toute personne qui fera pression sur un élu
pour qu'il exerce son mandat électif dans un sens ou dans un autre. Je tiens le
texte à la disposition de ceux de nos collègues qui s'y intéressent !
La seconde citation, qui insulte le Sénat directement, est non seulement une
nouvelle violation de l'article 10 de l'ordonnance organique sur le statut des
magistrats - prise de position politique sur un débat en cours, contestation de
la forme parlementaire du régime - mais aussi, là encore, une diffamation au
sens du même article 31 de la loi de 1881 à l'égard, cette fois-ci, de tous les
membres de notre assemblée, sans même parler du mandat impératif, interdit par
l'article 27 de la Constitution.
Monsieur le président, nous ne pouvons pas, notre assemblée ne peut pas
laisser passer ces actes délictueux, ces attaques, ces mises en cause des
institutions de la République et de la République elle-même sans réagir.
Même si chacun d'entre nous se sent outragé d'être ainsi traité par des agents
publics qui sont tenus au devoir de réserve et qui doivent plus que d'autres
respecter les lois de la République, puisqu'ils ont la charge de les faire
appliquer, la question dépasse de très loin nos personnes : c'est le régime
parlementaire et démocratique français, c'est la souveraineté nationale qui
sont ainsi mis en cause et menacés ; c'est la mise au pas des assemblées !
Monsieur le président, le président et le bureau du Sénat ne peuvent laisser
se dérouler sans réagir le processus dans lequel ceux que l'on aurait appelés,
en 1789, des « factieux » et des « scélérats » veulent enfermer le Parlement de
la République.
Nous sommes face à une tentative de rétablissement des parlements de l'Ancien
Régime,...
M. Michel Caldaguès.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
... de la dictature des juges, tant dénoncée dans les cahiers de doléances,
une tentative d'établissement du gouvernement des juges fondée sur
l'antiparlementarisme. Il y a dans ces démarches et dans ces déclarations des
relents de vichysme, qui a d'abord supprimé les chambres - ah, les juges sous
Vichy ! - démarches qui appellent les républicains au sursaut avant qu'il ne
soit trop tard.
Je vous demande donc, monsieur le président, non seulement de transmettre ma
protestation au président du Sénat, mais aussi de demander à ce dernier de
réunir en urgence notre bureau pour protéger la liberté d'expression,
d'appréciation et de vote des parlementaires, spécialement des sénateurs, et
pour refuser ce que l'on tente de faire aujourd'hui : placer nos délibérations
et nos votes sous la tutelle de quelques juges égarés qui veulent s'emparer du
pouvoir.
M. Philippe Marini.
Très bien !
M. Michel Charasse.
Je souhaite donc que notre bureau saisisse M. le Président de la République et
Mme le garde des sceaux de ces faits afin que le Conseil supérieur de la
magistrature statue rapidement au disciplinaire. Voilà peu, un responsable
syndical de la magistrature a été révoqué pour avoir tenu des propos racistes.
La même sanction doit s'appliquer aujourd'hui à l'égard de ceux qui s'en
prennent à la République.
Je souhaite, en outre, que notre bureau dépose les plaintes en diffamation qui
s'imposent, ainsi que sur la base de l'article 433-3 du code pénal.
Faute d'agir, monsieur le président, mes chers collègues, que se passera-t-il
demain pour ceux qui n'obéiront pas à M. Turcey le 24 janvier prochain à
Versailles ? Je n'oublie pas ce que me disait le dernier survivant des
Quatre-vingts, mon compatriote du Cantal Maurice Montel, quelques mois avant sa
mort : « Parmi les Quatre-vingts, la majorité avait été menacée personnellement
et physiquement par Laval et ses sbires avant le vote. Beaucoup ont ensuite
payé cher leur résistance du 10 juillet 1940. »
De grâce, ne revenons pas à cette époque barbare et démontrons que cette
assemblée n'est pas à ce point ignorante de ses devoirs et de l'histoire
qu'elle en vienne à renier la République ! Comme l'a dit Clemenceau : « Le
Sénat conservateur, oui, mais conservateur de la République ! »
(Très bien ! et applaudissements sur certaines travées socialistes, ainsi que
sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants. - M. Loridant applaudit également.)
M. Emmanuel Hamel.
Déclaration historique !
M. le président.
Mon cher collègue, je vous donne acte de ce rappel au règlement.
Les termes que vous avez employés et les applaudissements qu'ils ont suscités
sur toutes les travées font apparaître que la situation est suffisamment grave
pour que, dès cet après-midi, je saisisse par voie de télégramme M. le
président du Sénat - il est en effet actuellement à l'étranger - de vos propos.
Je pense qu'il saura faire diligence pour donner toutes les suites qui
s'imposent.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. Michel Charasse.
Merci !
8
LOI DE FINANCES POUR 2000
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (n° 88,
1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 89 (1999-2000).]
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen de
l'amendement n° I-171.
Articles additionnels après l'article 2
(suite)
M. le président.
Par amendement n° I-171, M. Loridant, Mme Beaudeau, MM. Foucaud, Bécart, Mmes
Bidard-Reydet, Borvo, MM. Bret, Duffour, Fischer, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc,
MM. Ralite, Renar et Mme Terrade proposent d'insérer, après l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A l'article 231
bis
F du code général des impôts, après les mots
: ", par le salarié bénéficiaire", sont insérés les mots : "ou par l'employé
des différentes catégories de personnel des collectivités publiques".
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à due
concurrence par un relèvement des droits figurant à l'article 575 A du code
général des impôts. »
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Cet amendement tend à clarifier le régime des titres-restaurant en élargissant
le champ des bénéficiaires aux agents de la fonction publique.
En effet, l'ordonnance n° 67-830 du 27 septembre 1967 réglementant les
titres-restaurant et son décret d'application n° 67-1165 du 22 décembre 1967
s'adressent aux salariés sans préciser si les fonctionnaires peuvent prétendre
à cette mesure.
Aucun texte postérieur n'a abordé ce point. Néanmoins, depuis l'ordonnance de
1967, les personnels de la fonction publique d'Etat ou de la fonction publique
locale ont progressivement bénéficié du titre-restaurant ; tout au moins tel
ministère ou telle collectivité a-t-il accordé le bénéfice du ticket-restaurant
à ses salariés. En outre, le Conseil d'Etat, à la suite d'une démarche
contentieuse, a officialisé, par une décision en date du 21 octobre 1999,
l'existence des titres-restaurant dans la fonction publique.
Néanmoins, depuis lors, certains ont tendance à considérer qu'il convient de
limiter la valeur de la participation de l'Etat ou des collectivités dans les
titres-restaurant. Il en découle une très grande hétérogénéité de situations
entre les différentes collectivités locales, source de nombreux contentieux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, d'après les informations que j'ai pu
recueillir, la participation de l'employeur, d'une collectivité à l'autre ou
d'un ministère à l'autre, peut varier de 5,86 francs à plus de 20 francs. Dans
ce cas, j'estime, que le principe d'égalité n'a pas été respecté.
Il est donc question de mettre fin à cette situation en confirmant dans la loi
le principe d'un accès des fonctionnaires aux titres-restaurant de telle sorte
que les modalités qui en résulteront soient valables pour toutes les
administrations.
Tel est l'objet de cet amendement, qui se justifie par la nécessité de définir
une position claire et d'éviter que les décisions contentieuses n'aboutissent à
des incohérences sur l'ensemble du territoire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, comme l'ont
relevé nos collègues, les dispositions en vigueur semblent ne pas être
appliquées partout de la même façon, et des contentieux peuvent exister quant à
l'applicabilité du régime du ticket-restaurant à certains agents de la fonction
publique, notamment territoriale. Il a pu se produire, me semble-t-il, que des
chambres régionales des comptes n'examinent pas ce sujet de la même manière
d'une région à une autre.
Je comprends donc l'inspiration de cet amendement, qui vise à étendre les
dispositions issues de l'ordonnance de 1967 à l'ensemble des agents de la
fonction publique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est nécessaire que vous nous précisiez la
position du Gouvernement sur ce sujet, car l'interprétation jurisprudentielle
est, dans certains cas, aléatoire. Les conséquences fiscales peuvent ne pas
être complètement bien gérées, et des risques peuvent subsister pour les
collectivités ou pour les agents concernés.
Il est donc nécessaire, me semble-t-il, que, en réponse aux préoccupations
exprimées, vous puissiez nous donner l'avis du Gouvernement et nous dire si, de
votre point de vue, cet article additionnel est absolument indispensable ou si
la confirmation par le Gouvernement de la doctrine administrative vous paraît
être de nature suffisante.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, vous proposez, afin d'assurer l'accès au
titre-restaurant aux fonctionnaires des trois fonctions publiques - Etat,
collectivités locales et hôpitaux - que cet avantage, lorsqu'il est accordé à
des fonctionnaires, bénéficie, dans les mêmes conditions que lorsqu'il est
accordé à des salariés, de l'exonération de taxe sur les salaires prévue par
l'article 231
bis
F du code général des impôts. Vous voulez croire que
l'octroi d'un allégement d'impôt à raison de cet avantage emportera
implicitement la consécration juridique de l'extension aux agents de l'Etat,
des collectivités locales et des services hospitaliers, du bénéfice du
titre-restaurant.
M. Christian Sautter a demandé qu'il soit procédé à un état des lieux précis
des diversités de situation que vous avez évoquées. Les résultats seront
communiqués à la représentation nationale l'année prochaine.
Sur le plan juridique, c'est-à-dire au regard de l'ordonnance du 27 septembre
1967 à laquelle M. le rapporteur général faisait référence, le titre-restaurant
a été institué - à dessein, je le souligne - pour les seuls salariés du secteur
privé, pour lesquels il constitue d'ailleurs un acquis social indubitable. Ce
titre-restaurant est donc dépourvu de toute base juridique légale dans la
fonction publique d'Etat, territoriale et hospitalière.
En effet, et c'est ce qui le différencie des entreprises privées, l'Etat
conduit, en faveur de ses agents, une politique spécifique d'action sociale en
étroite collaboration avec les représentants des personnels, notamment au sein
du comité interministériel de l'action sociale. L'objectif principal de cette
action est d'apporter aux agents, en fonction de leur situation propre, et tout
particulièrement aux plus modestes d'entre eux, un ensemble d'aides financières
et en nature : prestation - service, crèche, chèques-vacances, restauration,
etc.
S'agissant de la restauration proprement dite, l'effort consenti par l'Etat
vise à procurer à ces agents non pas un complément de rémunération mais une
aide destinée en priorité à garantir à tous, dans des conditions financièrement
raisonnables, l'accès à un repas complet et équilibré.
A cet effet, ont été mises en place progressivement sur l'ensemble du
territoire et à proximité immédiate des lieux de travail des infrastructures de
restauration collective adaptées aux attentes des usagers. Des investissements,
d'ailleurs significatifs, ont été réalisés à cette fin et continuent en ce
moment même à l'être, et notre pays peut s'honorer, malgré les imperfections
qui demeurent ici ou là, de l'outil qu'il met ainsi à la disposition de ses
fonctionnaires, et en particulier des plus modestes d'entre eux. Compte tenu de
l'importance de cet effort en faveur de la restauration collective, le
Gouvernement n'est pas favorable à l'extension de l'usage du titre-restaurant
aux agents de l'Etat.
D'un point de vue strictement budgétaire, une telle mesure, qui mettrait
inévitablement en péril la plupart des petits centres qui n'atteignent une
masse de fréquentation que
via
une coopération interadministrative, par
ailleurs encouragée, induirait, en outre, une charge supplémentaire que l'on
peut estimer à 5,6 milliards de francs pour la seule fonction publique de
l'Etat, hors ministère de la défense. Cette charge est comparable à une
augmentation de 0,85 % du point de la fonction publique.
Sous le bénéfice de ces précisions, je vous prie, monsieur le sénateur, de
bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les explications
claires que vous venez de nous donner montrent toute l'étendue de ce problème.
Il est clair que l'on ne peut pas cumuler deux avantages.
Les salariés du secteur public bénéficient d'oeuvres sociales et de services
collectifs de l'Etat ; ils devraient pouvoir choisir entre ce régime et celui
de droit commun des salariés du secteur privé, que le groupe communiste
républicain et citoyen souhaite rendre accessible à tout le monde, quel que
soit son statut.
Compte tenu des aspects complexes et peut-être un peu contradictoires de ce
problème, compte tenu également du bien-fondé de la préoccupation qui a été
exprimée, je ne puis, pour ma part, après vous avoir entendu, monsieur le
secrétaire d'Etat, qu'émettre un avis de sagesse.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-171.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vos explications ne m'ont pas échappé. Vous
avez évoqué les prestations dont bénéficient les agents de la fonction publique
de l'Etat ; il en est de même pour ceux de la fonction publique territoriale.
Il va de soi que l'on ne peut bénéficier à la fois d'un service de restauration
collective et de tickets-restaurant.
Mais le problème ne se pose plus tout à fait dans ces termes. La réalité,
c'est que, y compris dans l'administration d'Etat, les tarifs de prise en
charge des tickets-restaurant par l'employeur varient d'un département
ministériel à l'autre et que les distorsions sont encore aggravées dans les
collectivités territoriales puisque, à côté des régions, départements ou
communes qui ont mis en place des services de restauration collective pour leur
personnel, d'autres distribuent des tickets-restaurant dont la prise en charge
par l'employeur est différente d'une collectivité à l'autre.
Le problème demeure donc en dépit des précisions que vous avez apportées et il
est urgent que l'administration apporte des réponses définitives et clarifie
aux yeux des magistrats des chambres régionales des comptes ou des juges
administratifs - à ma connaissance, les deux instances ont été saisies - la
ligne de conduite à tenir pour les collectivités publiques.
L'amendement que j'ai déposé vise à obliger l'Etat à réagir. C'est pourquoi je
souhaite que le Sénat l'adopte, en attendant la solution - à laquelle je ne
doute pas un seul instant que l'on arrivera - qui répondra au principe
d'égalité.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Si je l'ai bien entendu, M. le secrétaire d'Etat vient de dire que le
ticket-restaurant n'avait aucune base juridique dans la fonction publique, en
limitant son propos à la fonction publique d'Etat. Mais ce qui m'inquiète,
c'est la situation dans laquelle vont se trouver la fonction publique
territoriale et la fonction publique hospitalière, où existent aussi des
restaurations collectives et un système de tickets-restaurant.
Après la déclaration de M. le secrétaire d'Etat, les collectivités locales qui
utilisent le système des tickets-restaurant vont se trouver dans une situation
juridique fort embarrassante : les chambres régionales des comptes
constesteront systématiquement le bien-fondé juridique des décisions prises par
les collectivités territoriales en matière de tickets-restaurant et les
considéreront comme irrégulières, avec toutes les conséquences qui en
découleront.
Je souhaite donc que le Gouvernement règle rapidement cette affaire et, pour
le pousser à prendre ses responsabilités, je voterai l'amendement n° I-171.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
la parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Il me paraît également indispensable de mettre de l'ordre dans cette affaire.
Il serait important d'obtenir du Gouvernement des assurances autres que
aimablement verbales, car la restauration collective émanant des services de
l'Etat pose bien d'autres problèmes : par exemple, dans un certain nombre de
ces établissements, on entre comme dans un moulin, ce qui ne fait guère plaisir
aux professionnels de la restauration, qui s'en plaignent souvent.
Nous nous demandons à quelles règles tout cela obéit. Le Gouvernement doit
nous faire bénéficier d'une plus grande transparence en la matière.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Tout d'abord, il s'agit non pas, monsieur Caldaguès,
de restauration collective, mais, par définition, d'une restauration
individuelle dont une partie de la charge est couverte par le système du
ticket-restaurant financé par l'employeur.
En outre, j'ai indiqué tout à l'heure qu'il existait une très grande diversité
de situations - M. Loridant lui-même l'avait admis dans son intervention
liminaire - ce qui appelle une mise en ordre. Dans telle collectivité ou tel
hôpital, la solution retenue est tout à fait différente de celle qui a été
adoptée dans tel autre établissement du même type. Il faut donc tout mettre à
plat, partant d'une bonne connaissance, aussi universelle que possible, des
différents systèmes d'aide dans les trois fonctions publiques de l'Etat, des
collectivités territoriales et des hôpitaux, et trouver ensuite les moyens de
rationaliser le système, afin de donner des fondements juridiques et
réglementaires incontestables à l'ensemble des différentes solutions positives
adoptées de manière pragmatique par les collectivités ou établissements
auxquels nous avons affaire.
Je propose donc que nous prenions acte de vos inquiétudes, messieurs Caldaguès
et Chérioux, afin que, quand l'étude demandée par M. Sautter aura été remise,
nous puissions faire le point et rediscuter de ce problème avec vous. A la
prochaine occasion, en toute connaissance des faits, nous pourrons alors mettre
au point des propositions qui permettront de clarifier la situation et
d'apaiser les inquiétudes.
M. Jean Chérioux.
Les chambres régionales des comptes n'attendront pas !
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Il y a un point que je n'ai pas compris dans la réponse de M. le secrétaire
d'Etat : il semble que, dans son esprit, le système du ticket-restaurant soit
exclu lorsqu'une restauration collective est assurée. Pourquoi ne pas concevoir
un système où l'intéressé aurait le choix ?
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Yann Gaillard.
Il est évident que l'on ne peut pas bénéficier à la fois d'une carte d'accès
dans le restaurant de tel ministère et de tickets-restaurant. Pourquoi ne pas
demander aux agents de la fonction publique s'ils préfèrent disposer de
tickets-restaurant ou déjeuner à la cantine du ministère ? Cette concurrence
contribuerait probablement à améliorer l'ordinaire des cantines, que j'ai
fréquentées pendant bien des années !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-171, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 2.
Par amendement n° I-168, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 2,
d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions de l'article 7 de la loi de finances pour 1997 (loi n°
96-1181 du 30 décembre 1996) sont abrogées.
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, le
taux prévu au 2 de l'article 200 A du code général des impôts est relevé à due
concurrence. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Depuis 1997, nous avons déposé un amendement identique lors de l'examen de
chaque projet de budget. Il tend à rétablir le traitement fiscal particulier
des allocations versées dans le secteur privé pour les congés de maternité et à
les assortir dans les faits d'une exonération d'imposition.
La dépense fiscale correspondant à cette mesure était relativement faible.
Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1997, au cours de
laquelle la suppression de cette exonération était mise en balance avec
d'ailleurs d'autres mesures discutables pour financer la réduction des taux
d'imposition, nous avions souligné le caractère pour le moins critiquable de ce
qui est devenu l'article 7 de la loi de finances.
Je noterai par ailleurs que les dispositions concernées avaient fait l'objet
d'un rejet par l'ensemble des composantes qui constituent la majorité
parlementaire de l'Assemblée nationale aujourd'hui et la minorité de gauche de
la Haute Assemblée. Cela avait d'ailleurs été matérialisé par la voie d'un
scrutin public demandé par le Gouvernement.
La mesure demeurerait en application pour les femmes salariées du secteur
privé, le statut de la fonction publique ayant de longue date, lui, résolu le
problème du maintien du traitement des femmes fonctionnaires en congé de
maternité.
Nous pouvons d'ailleurs craindre qu'un examen plus attentif de la situation ne
nous prouve, ce que nous craignions déjà à l'époque, à savoir que la
suppression de l'exonération mette en cause la simple application du droit et
incite les femmes concernées à ne pas en bénéficier.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à
adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaiterait connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je vois que nous commençons bien cet après-midi : sur
les deux amendements qui ont été appelés en discussion depuis la reprise de la
séance, le rapporteur général a souhaité connaître d'abord l'avis du
Gouvernement. Sans doute est-ce pour s'aligner sur celui-ci, en toute
démocratie.
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
C'est pour soutenir la majorité plurielle !
(Nouveaux sourires.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur
l'imposition des indemnités perçues par les femmes en congé de maternité qui
résulte de la loi de finances de 1997, et qui a donc été adoptée en 1996.
En effet, ces indemnités se substituent au salaire des bénéficiaires pendant
leurs congés de maternité. L'imposition d'une somme qui a incontestablement le
caractère d'un revenu est une disposition légitime. C'est d'ailleurs la
situation qui prévaut depuis toujours dans le secteur public. Je ne souhaite
pas que l'on introduise une différenciation nouvelle entre le secteur public et
le secteur privé à cet égard.
Je demande donc le retrait, et, à défaut, le rejet, de l'amendement n°
I-168.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les explications qui viennent d'être données
rejoignent le point de vue que j'allais exprimer. Mais j'avais besoin de les
entendre avant de suggérer un vote à notre Haute Assemblée.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-168, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° I-120, est présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet,
Lachenaud, de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants.
Le second, n° I-229, est présenté par MM. Gaillard, Oudin, Braun, Cazalet,
Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le 5° de l'article 8 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 5° Des associés d'une exploitation agricole à responsabilité limitée. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement
des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. du Luart, pour présenter l'amendement n° I-120.
M. Roland du Luart.
Nous souhaitons ne pas attendre la réforme annoncée de la fiscalité agricole
pour adopter certaines mesures permettant de favoriser la pérennité des
exploitations agricoles et leur transmission.
Deux des problèmes qui se posent aujourd'hui dans les exploitations agricoles
sont le renforcement des fonds propres et la clarification de la législation
fiscale concernant, d'une part, ce que l'agriculteur ou ses partenaires
apportent eux-mêmes à l'exploitation et, d'autre part, les résultats de
l'entreprise.
En l'état actuel de la réglementation, les entreprises agricoles à
responsabilité limitée constituées d'un seul associé ou des membres d'une même
famille relèvent de l'impôt sur le revenu. En revanche, lorsque l'exploitation
agricole à responsabilité limitée, l'EARL, est composée de plusieurs associés
non parents, elle est assujettie de plein droit à l'impôt sur les sociétés.
Cet amendement vise donc, pour clarifier les choses, à assujettir toutes les
EARL, quelle que soit leur composition, à l'impôt sur le revenu. Ce dispositif
paraît de nature à orienter des capitaux vers les EARL, puisque ces entreprises
pourraient ainsi disposer de fonds propres plus importants et donc faire face
aux aléas, notamment climatiques, sans devoir souscrire des emprunts parfois
coûteux auprès des organismes bancaires ou solliciter l'Etat en cas de
calamités agricoles.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard, pour présenter l'amendement n° I-229.
M. Yann Gaillard.
Monsieur le président, je n'ai rien à ajouter à l'excellente démonstration de
notre collègue M. du Luart.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-120 et I-229 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous abordons ici une série d'amendements visant à
moderniser la fiscalité agricole. La commission des finances n'a pas eu le
temps d'entreprendre les investigations, les études nécessaires sur tous les
points techniques qu'ils soulèvent.
Quoi qu'il en soit, elle a émis un avis favorable sur les amendements n°s
I-120 et I-229.
Il semble en effet raisonnable d'accepter la transparence fiscale - puisqu'en
définitive c'est de cela qu'il s'agit - des entreprises agricoles à
responsabilité limitée et de permettre la remontée dans les revenus personnels
des associés des bénéfices ou des pertes issus de l'exploitation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Il faut d'abord rappeler la règle : les sociétés dont
les membres n'ont qu'une responsabilité limitée relèvent, en règle générale, de
l'imposition sur les sociétés. Toutefois, il est vrai que l'article 8-5° du
code général des impôts prévoit une dérogation à ce principe pour les EARL dont
les membres sont unis par le mariage ou par des liens de parenté en ligne
directe ou collatérale jusqu'au deuxième degré. De même, les EARL constituées
entre un exploitant et un jeune qui s'installe continuent de relever de l'impôt
sur le revenu.
Ces dérogations ont deux motivations : favoriser l'installation des jeunes et
favoriser l'exploitation familiale, en particulier la petite exploitation
familiale.
Je crois qu'il n'est pas souhaitable d'aller au-delà du droit positif fiscal
existant car l'assujettissement de tous les associés de l'EARL au régime fiscal
applicable à l'impôt sur le revenu mettrait en cause la cohérence des régimes
fiscaux applicables aux différentes formes sociétaires d'exploitation qui
existent en agriculture - vous l'avez dit - mais aussi dans d'autres activités
industrielles, commerciales, artisanales, non commerciales ou autres.
Cette question sera d'ailleurs abordée, je le crois, dans le rapport sur la
fiscalité agricole de Mme Béatrice Marre, député.
Dans l'attente des conclusions de ce rapport, je demande à MM. du Luart et
Gaillard de bien vouloir retirer leurs amendements.
M. le président.
Monsieur du Luart, l'amendement n° I-120 est-il maintenu ?
M. Roland du Luart.
Si, véritablement, le Gouvernement entend donner des suites au rapport de Mme
Marre dans les semaines qui viennent, je veux bien retirer mon amendement, à la
condition toutefois qu'il prenne l'engagement formel que ce problème sera réglé
en l'an 2000.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je puis assurer M. du Luart que le rapport de Mme
Marre doit être rédigé pour le mois d'avril 2000 et que le Gouvernement en
tirera des conséquences, naturellement.
M. Roland du Luart.
Pas le 1er avril, j'espère !
(Rires.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Non ! Disons le 2 avril !
M. Roland du Luart.
Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-120 est retiré.
Monsieur Gaillard, l'amendement n° I-229 est-il maintenu ?
M. Yann Gaillard.
Je le retire également.
M. le président.
L'amendement n° I-229 est retiré.
Par amendement n° I-260, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa du III de l'article 72 B est ainsi rédigé :
« Lorsqu'un exploitant agricole individuel fait apport de son exploitation à
une société ou un groupement dans les conditions définies à l'article 151
octies,
le bénéfice correspondant à l'apport des stocks peut être
rattaché aux résultats de cette société ou de ce groupement selon les modalités
prévues au
d
du 3 de l'article 210 A. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Je me demande si cet amendement subira le même sort que les précédents, si
cette question retiendra l'attention de Mme Marre !
Afin de rendre opérationnel le dispositif de l'article 151
octies
tout
en simplifiant le traitement comptable de ces opérations en le rendant cohérent
avec les principes juridiques, il est proposé d'apporter les stocks des
exploitants agricoles en valeur vénale, afin de dégager les profits qui en
découlent et de les taxer comme un élément du résultat de la société.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La suggestion de M. Oudin est également intéressante,
mais elle nécessiterait une analyse plus détaillée dans le cadre plus général
qui a été évoqué. En l'occurrence, il faudrait s'interroger sur les
spécificités de la comptabilité des sociétés agricoles par rapport aux autres
sociétés et se demander si un tel mécanisme est justifié par les particularités
économiques de la branche agricole.
Sur tous ces sujets, en toute franchise, je ne puis que dire à nos collègues
que la commission n'a pas été en mesure d'entreprendre une analyse assez
détaillée.
Mais peut-être la réflexion du Gouvernement a-t-elle progressé plus que la
nôtre. Aussi sommes-nous intéressés par son avis.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Ce sujet est fort délicat.
Le dispositif actuel, qui prévoit l'apport des stocks pour leur valeur
comptable, soulève des difficultés dans la mise en oeuvre d'une réparation
équitable du capital de la société bénéficiaire des apports dès lors que
l'apporteur souhaite être rémunéré d'après la valeur réelle des apports et non
d'après leur valeur comptable. Vaste sujet !
De l'avis même de la chancellerie, cette difficulté n'est pas réelle car le
capital peut être réparti entre les différents apporteurs selon un rapport
d'échange indépendant de la valeur des apports. Une prime d'apport peut
d'ailleurs être créée pour équilibrer ces derniers.
Enfin, même si le problème relevé existait - mais la chancellerie estime qu'il
n'est pas réel - la mesure proposée serait inéquitable dès lors que cette
difficulté est susceptible de se poser non seulement pour le secteur agricole,
mais également pour toutes les activités qui impliquent une conservation
durable des stocks. On a parfois parlé de stocks « à rotation lente »
s'agissant des stocks agricoles, et la question pourrait se poser, par exemple,
pour ce que l'on pourrait considérer comme des stocks en matière
immobilière.
Cette question fait par ailleurs l'objet du rapport de Mme Béatrice Marre, et
pour les mêmes raisons que celles que j'ai évoquées en donnant l'avis du
Gouvernement sur les amendements n°s I-120 et I-229, je souhaite que le Sénat
veuille bien prendre en considération que le problème est posé, que nous y
travaillons, que nous aurons à y revenir à partir du mois d'avril prochain.
Je demande donc aux auteurs de l'amendement de bien vouloir le retirer, de
faire confiance au travail d'approfondissement de leur collègue député et du
Gouvernement, qui prendra ce travail en compte.
M. le président.
Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaiterait, étant donné la technicité
et la complexité du sujet, que l'amendement puisse être retiré.
M. le président.
L'amendement n° I-260 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Je fais tout à fait confiance aux capacités de Mme Marre. Je fais plus
confiance encore aux capacités de notre commission des finances en matière de
fiscalité agricole. Je vais cependant retirer l'amendement.
Cela fait des années que nous débattons dans cette enceinte de certains
problèmes techniques de fiscalité agricole. Maintenant que l'Europe est une
entité totalement ouverte et intégrée, au moins dans ce domaine-là, il serait
souhaitable non seulement que les règles comptables françaises soient
améliorées, mais qu'elles soient harmonisées avec celles de nos partenaires.
M. Roland du Luart.
Tout à fait !
M. Jacques Oudin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, n'oubliez pas que nous sommes en Europe et que
la comptabilité, lorsqu'elle est appliquée avec une certaine finesse, permet de
fausser parfois la concurrence !
M. le président.
L'amendement n° I-260 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements pouvant faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-127, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca
Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants
proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Il est rétabli un article 72
bis
au code général des impôts
ainsi rédigé :
« Art. 72
bis
. - En cas de transmission ou de rachat des droits d'un
associé, personne physique, dans une société mentionnée à l'article 8, qui
exerce une activité relevant du champ d'application de l'article 63 et qui est
soumise à un régime réel d'imposition, l'impôt sur le revenu peut être établi
au nom de cet associé pour sa quote-part dans les résultats, déterminés dans
les conditions prévues aux articles 72 à 75, réalisés depuis la fin de la
dernière période d'imposition jusqu'à la date de cet événement. Cette mesure
s'applique sur demande conjointe de l'associé dont les titres sont transmis ou
rachetés ou de ses ayants cause et du bénéficiaire de la transmission ou, en
cas de rachat, des associés présents dans la société à la date du rachat.
« Le bénéficiaire de la transmission des titres est alors imposable à raison
de la quote-part correspondant à ses droits dans le bénéfice réalisé par la
société au cours de l'exercice, diminué de la part du résultat imposé dans les
conditions prévues par le premier alinéa. En cas de rachat des titres par la
société, les associés présents dans la société à la clôture de l'exercice sont
imposables à raison du résultat réalisé par la société au cours de l'exercice,
sous déduction de la part du résultat imposé dans les conditions prévues au
premier alinéa, au nom de l'associé dont les titres ont été rachetés.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-257 rectifié, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouet proposent d'insérer, après l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 72 du code général des impôts, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - En cas de transmission ou de rachat des droits d'un associé,
personne physique, dans une société mentionnée à l'article 8, qui exerce une
activité relevant du champ d'application de l'article 63 et qui est soumise à
un régime réel d'imposition, l'impôt sur le revenu peut être établi au nom de
cet associé pour sa quote-part dans les résultats, déterminés dans les
conditions prévues aux articles 72 à 75, réalisés depuis la fin de la dernière
période d'imposition jusqu'à la date de cet événement. Cette mesure s'applique
sur demande conjointe de l'associé dont les titres sont transmis ou rachetés ou
de ses ayants cause et du bénéficiaire de la transmission ou, en cas de rachat,
des associés présents dans la société à la date du rachat.
« Le bénéficiaire de la transmission des titres est alors imposable à raison
de la quote-part correspondant à ses droits dans le bénéfice réalisé par la
société au cours de l'exercice, diminué de la part du résultat imposé dans les
conditions prévues au premier alinéa. En cas de rachat des titres par la
société, les associés présents dans la société à la clôture de l'exercice sont
imposables à raison du résultat réalisé par la société au cours de l'exercice,
sous déduction de la part du résultat imposé dans les conditions prévues au
premier alinéa, au nom de l'associé dont les titres ont été rachetés.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les
obligations déclaratives des contribuables.
« Ces dispositions s'appliquent aux transmissions et rachats de parts
intervenues à compter du 1er janvier 1999. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Clouet, pour défendre l'amendement n° I-127.
M. Jean Clouet.
Dans les sociétés civiles agricoles relevant du régime de l'article 8 du code
général des impôts - ce sont des sociétés de personnes - l'intégralité du
résultat est acquise aux seuls associés présents à la clôture de l'exercice.
Par conséquent, l'associé qui a cédé ses parts sociales en cours d'exercice n'a
aucun droit au résultat, pour la période au titre de laquelle il était
associé.
C'est pourquoi il est demandé, dans un souci d'équité, que soit transposé au
régime agricole le dispositif prévu par l'article 93 B pour les sociétés de
personnes exerçant une activité professionnelle non commerciale. Ainsi, les
associés ayant cédé leurs parts en cours d'exercice toucheraient une
rémunération proportionnelle à la durée de leur participation.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-257 rectifié.
M. Jacques Oudin.
Nous demandons que soit transposée, en matière agricole, la possibilité de
déterminer un résultat fiscal intermédiaire en cas de transmission, à titre
onéreux ou à titre gratuit, des droits d'un associé. L'associé dont les titres
sont transmis ou rachetés est redevable de l'impôt afférent à la part du
résultat correspondant à ces droits, déterminée à la date de cet événement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Quelles que soient les qualités que l'on prête, sans
doute à juste titre, à Mme Marre...
M. Michel Charasse.
De grandes qualités !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... pour éclaircir la fiscalité agricole, qui en a
sans doute besoin,...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Certes !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... point n'est besoin, sur ce sujet, d'attendre son
rapport. Il s'agit en effet d'une mesure de bon sens, visant à permettre
l'établissement d'un résultat fiscal intermédiaire de manière à clarifier
certaines situations patrimoniales.
Bien que les deux amendements se placent dans la même logique, la commission
vous recommande, mes chers collègues, d'adopter l'amendement n° I-127, qui est
un peu moins rétroactif que l'amendement n° I-257.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Les deux amendements mettent en lumière une difficulté
dont le Gouvernement est bien conscient et des situations réelles qui peuvent,
c'est vrai, porter préjudice à certains des associés des sociétés de
personnes.
Toutefois - je suis désolé de l'indiquer au rapporteur général et aux auteurs
des deux amendements - nous préférons attendre la mise à plat de l'ensemble de
ces problèmes pour prendre une décision, qui aura le mérite de s'insérer dans
une vision globale et, par conséquent, dans une démarche parfaitement
cohérente. C'est pourquoi je demande le retrait des amendements ou, à défaut,
leur rejet.
M. le président.
Monsieur Oudin, acceptez-vous de retirer l'amendement n° I-257 rectifié ?
M. Jacques Oudin.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-257 rectifié est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-127.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je vais suivre le Gouvernement dans cette affaire, car il faut effectivement,
je crois, attendre le rapport de Mme Marre.
Une chose devrait toutefois rassurer le secrétaire d'Etat, c'est que
l'amendement n° I-127 se conclut par les mots : « Un décret fixe les modalités
d'application du présent article. » Par conséquent, tant que le décret n'est
pas pris, l'article ne s'appliquera pas, et l'amendement n'a donc pas tellement
d'importance !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-127, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 2.
Par amendement n° I-228, MM. Gaillard, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont,
Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article 72 D du code général des impôts est
complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2000, le taux est porté
à 35 % dans la limite de 175 000 francs. »
« II. - Les cinquième et sixième alinéas de l'article 72 D du code général des
impôts sont supprimés.
« III. - L'éventuelle perte des recettes pour le budget de l'Etat résultant
des I et II ci-dessus est compensée par le relèvement à due concurrence des
droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Cet amendement, comme d'ailleurs celui qui va suivre, a trait au
fonctionnement de la déduction pour investissement au profit des exploitations
agricoles. Codifiée à l'article 72 D du code général des impôts, son efficacité
est limitée par un certain nombre de dispositions, notamment le plafonnement et
l'obligation de réintégrer la déduction au même rythme que l'amortissement des
investissements, ce qui la prive d'une grande partie de son intérêt.
L'amendement n° I-228 a pour objet de faire « sauter » ces dispositions pour
donner à la déduction pour investissement en matière agricole sa pleine
efficacité.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement est intéressant.
Il met notamment l'accent sur la limite de la déduction pour investissement,
fixée, si je ne me trompe, depuis la loi de finances initiale pour 1997, à 52
500 francs.
Il souligne, entre autres, la nécessité de revenir périodiquement aux seuils
en valeur absolue qu'on n'a pas de raison de sacraliser et sur lesquels il faut
s'interroger de temps à autre.
Cela dit, d'autres sujets pourraient être évoqués à l'occasion de cette
proposition d'élargissement de la déduction pour investissement. Je pense aux
débats sur les formes d'agriculture, sur les structures des exploitations, sur
le point de savoir qui bénéficiera le plus ou qui bénéficiera le moins de ce
type de dispositions, etc.
Tout cela sera examiné, de même que la conformité du dispositif au règlement
communautaire, d'ici au printemps prochain, époque à laquelle le rapport
annoncé sortira, et à l'occasion des travaux que notre commission des finances
serait en mesure d'approfondir.
Dans l'immédiat, la commission est favorable au retrait de cet amendement,
étant entendu qu'elle souhaite incorporer les éléments qui le fondent dans un
travail d'approfondissement qu'il nous appartient de conduire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Pour les mêmes raisons, même avis !
M. le président.
Monsieur Gaillard, retirez-vous votre amendement ?
M. Yann Gaillard.
Oui, monsieur le président, et je prie sainte Béatrice de nous éclairer.
(Sourires.)
M. le président.
Dans cette ambiance laïque et républicaine, vous me permettrez de considérer
que vos derniers propos ne figureront au procès-verbal qu'à titre allusif !
L'amendement n° I-228 est retiré.
Par amendement n° I-227, MM. Gaillard, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont,
Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le I de l'article 72 D du code général des impôts est complété,
in
fine
, par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, le bénéfice résultant de cette intégration fait l'objet d'une
imposition séparée au taux fixé au deuxième alinéa du a
bis
de l'article
219 du CGI (ou au 1 du point 1 de l'article 39
quindecies
du CGI) à
concurrence des sommes inscrites à une réserve spéciale d'autofinancement au
passif du bilan.
« La dotation à la réserve spéciale d'autofinancement ne peut résulter que
d'un prélèvement sur le bénéfice comptable de l'exercice, ou sur les capitaux
propres de l'entreprise.
« Tout prélèvement sur la réserve spéciale d'autofinancement entraîne la
réintégration des sommes correspondantes dans les bénéfices courants de
l'exercice en cours. Il donne droit à un crédit d'impôt égal à l'impôt
initialement payé.
« Toutefois, les dispositions de l'alinéa qui précède ne sont pas applicables
lorsque les sommes prélevées sur la réserve spéciale se rapportent à des
dotations faites depuis plus de cinq ans, tout prélèvement étant
obligatoirement imputé sur les dotations des exercices antérieurs les plus
récents. »
« II. - Dans le dernier alinéa du II de l'article 1003-12 du code rural, après
les mots : "plus-values et moins-values professionnelles à long terme" sont
insérés les mots : "des sommes imposées au taux fixé au deuxième alinéa du a
bis
de l'article 219.1 du code général des impôts (ou au 1 du point 1 de
l'article 39
quindecies
du CGI) en application de l'antépénultième
alinéa du 1 de l'article 72 D du code général des impôts".
« III. - L'éventuelle perte des recettes pour le budget de l'Etat résultant
des I et II ci-dessus est compensée par le relèvement à due concurrence des
droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Cet amendement subira probablement le même sort que le précédent, mais il
importe que notre assemblée pose des questions au moment où ce sujet va,
paraît-il, faire l'objet d'une étude intégrale.
Il s'agit toujours du fonctionnement de la déduction pour investissement, mais
plus précisément, cette fois, des procédures de réintégration.
L'idée fondamentale - qui devrait, je crois, être une idée force du rapport de
Mme Marre et des propositions du Gouvernement - c'est que, en matière
agricole, il faut véritablement, du point de vue fiscal, distinguer le bénéfice
réinvesti dans l'entreprise du bénéfice prélevé pour rémunérer le travail de
l'exploitant.
Actuellement, quand elle n'est pas affectée, dans un délai de cinq ans, à
l'acquisition d'une immobilisation amortissable ou à l'augmentation de la
valeur du stock, la déduction pour investissement doit être réintégrée dans les
résultats du cinquième exercice suivant, ce qui est tout à fait normal.
Il est proposé de maintenir cette réintégration, mais de soumettre les sommes
réintégrées à une imposition proportionnelle de 19 %, à concurrence des sommes
inscrites à une réserve spéciale d'autofinancement figurant au passif du bilan.
La dotation à cette réserve se ferait par prélèvement sur le bénéfice comptable
de l'exercice ou sur les capitaux propres.
Le dispositif proposé, qui est d'une neutralité totale en cas de prélèvement
de réserves pour les besoins personnels de l'exploitant, prévoit la
réintégration des sommes ainsi prélevées dans le bénéfice passif de l'impôt sur
le revenu au taux progressif.
La réserve jouerait un rôle d'amortisseur - une réserve pour risques en
quelque sorte. Elle pourrait donc soit être utilisée par l'exploitant, soit
être réintégrée si ce dernier ne l'a pas utilisée pour les besoins de son
exploitation. Je crois que cette idée est importante.
Vous me répondrez probablement, monsieur le rapporteur général, monsieur le
secrétaire d'Etat, qu'il faut étudier cette proposition plus avant. J'en suis
tout à fait d'accord, mais je tenais à poser le problème, surtout pour que l'on
ait bien présent à l'esprit cette distinction fondamentale entre ce qui touche
à la marche de l'exploitation et la rémunération personnelle de
l'exploitant.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement vise à créer un étage supplémentaire
de la déduction pour investissement. Si celle-ci n'était pas utilisée dans les
cinq ans, au lieu d'être réintégrée au bénéfice imposable pour être taxée, elle
abonderait, selon la proposition qui vient d'être faite, une réserve
d'autofinancement en vue d'une utilisation ultérieure.
L'amendement est intéressant, mais il faut préciser l'approche et définir en
particulier les conditions d'utilisation et les conditions de durée à appliquer
aux sommes recueillies dans la réserve d'autofinancement, ce qui nécessite un
travail complémentaire. Les auteurs de l'amendement veulent apporter plus de
souplesse à la gestion fiscale des exploitations agricoles, objectif qui me
paraît être parfaitement respectable et qu'il convient de soutenir. Néanmoins,
comme Yann Gaillard s'y attendait, je vais suggérer que l'on approfondisse un
peu le sujet.
Au demeurant, ce que sainte Béatrice est capable de faire à l'Assemblée
nationale, peut-être saint Yann pourrait-il y contribuer au Sénat !
(Sourires.)
M. le président.
Quel aréopage de saints !
(Nouveaux sourires.)
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je m'en tiendrai à la laïcité de l'Etat pour répondre,
sur le fond, à M. Gaillard.
L'objectif - vous en serez d'accord avec moi - c'est d'aider les agriculteurs
à investir, à être compétitifs et à se moderniser. La voie fiscale est une
opportunité parmi les meilleures voies possibles. Il convient par ailleurs,
comme toujours en matière de fiscalité agricole, d'avoir l'oeil fixé sur la
simplicité et la lisibilité des dispositifs. Dans ce dernier domaine, nous
n'avons pas toujours péché par un excès de simplicité ! Les raffinements que
nous avons introduits depuis les lois de finances de 1984 - M. Blin, qui était
rapporteur général à l'époque, s'en souvient bien - se sont accumulés et ont
transformé notre système fiscal agricole en un maquis très souvent
inextricable, je le dis objectivement.
L'amendement est intéressant par la volonté qui le sous-tend d'encourager la
compétitivité et la modernisation de notre agriculture. Toutefois, il ne fixe
ni condition d'investissement - M. Marini parlait à l'instant de conditions en
général - ni délai de réintégration. Il donne à certaines entreprises
agricoles, sans contrepartie particulière en termes économiques ou d'emploi, un
avantage qui est de leur permettre de différer indéfiniment une fraction de
l'imposition des bénéfices de l'exploitation, avantage d'autant plus important
que le droit marginal d'imposition sera élevé.
La mise en oeuvre d'un tel mécanisme, qui constituerait une possibilité
d'option supplémentaire au sein de la fiscalité agricole - laquelle en comporte
déjà pas moins de vingt-cinq, ce qui est beaucoup ! - et qui devrait être
notifiée à Bruxelles, serait d'une grande complexité. De plus, je le dis
sincèrement, elle ne ferait qu'accroître, sans utilité objective, l'opacité de
cette fiscalité.
Enfin, votre proposition n'ayant rien de spécifique au secteur agricole, les
arguments qui la fondent seraient très rapidement étendus et revendiqués par
l'ensemble des entreprises individuelles, créant une incohérence globale de
démarche dans notre système fiscal.
Par conséquent, ayant attiré l'attention sur la situation et les conditions de
modernisation de l'investissement dans le domaine agricole, M. Gaillard serait
bien avisé de retirer l'amendement n° I-227. Nous avons compris ce qui le
motivait. Nous ferons en sorte, dans l'évolution future de la fiscalité
agricole, que cet objectif soit retenu le plus efficacement possible.
M. le président.
Monsieur Gaillard, acceptez-vous de retirer l'amendement n° I-227 ?
M. Yann Gaillard.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-227 est retiré.
Par amendement n° I-258 rectifié, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Gaillard, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article
2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 73 du code général des impôts est complété par un III ainsi
rédigé :
« III. - Par dérogation aux dispositions du I ci-dessus, et à titre
transitoire, les exploitants agricoles pourront clôturer en 1999 un excercice
d'une durée différente de douze mois, à la condition que ce changement de date
de clôture ait pour objet de faire coïncider leur exercice avec les dates de la
campagne viticole.
« Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus
sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
La campagne viticole se déroulera non plus du 1er septembre au 31 août, mais
du 1er août au 31 juillet.
Cette modification entraîne des conséquences fâcheuses pour les viticulteurs
qui souhaitent faire coïncider leur exercice fiscal et la campagne de
production.
Afin de remédier à ce dysfonctionnement, il est proposé de permettre aux
exploitants viticulteurs soumis au régime réel des bénéfices agricoles de
clore, à titre exceptionnel, un exercice différent de douze mois.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il convient de savoir que les dates de la campagne
viticole ont été modifiées, semble-t-il, par un règlement communautaire dans le
cadre de la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole. Il en
résulte que la campagne viticole commencera en 2000, soit un mois plus tôt que
les années précédentes.
Cette modification empêchera les viticulteurs de faire coïncider leur exercice
fiscal et leur campagne de production, car l'article 73 du code général des
impôts fixe la durée des exercices fiscaux à douze mois, sans possibilité de
dérogation. Il serait donc utile de retenir la proposition de nos collègues,
qui reprend des préoccupations justifiées des milieux professionnels. Il me
semble que, sans attendre le réexamen d'ensemble de la fiscalité agricole, nous
pourrions voter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je crois qu'il est prématuré de se prononcer sur
l'opportunité de modifier l'article 73 du code général des impôts alors que le
règlement auquel vient de faire allusion M. le rapporteur général, qui modifie
les dates de la campagne viticole, ne fixe aucune date pour la souscription par
les viticulteurs d'une déclaration des stocks. Cette dernière devrait figurer
dans un règlement d'application qui interviendra dans le courant de l'année
2000.
Juridiquement, tant que la Communauté ne s'est pas prononcée, rien ne s'oppose
à ce que les viticulteurs continuent, comme ils le font actuellement, à
souscrire une déclaration des stocks au 31 août, sans préjudice ni de la date
d'achèvement de la campagne viticole européenne ni de celle de la clôture de
son exercice comptable.
Au demeurant, il faut bien distinguer entre deux réalités techniques
différentes car la déclaration des stocks souscrite en fin de campagne viticole
ne recouvre pas l'inventaire des stocks établi à l'appui de la déclaration des
bénéfices agricoles.
Enfin, l'amendement autorise les exploitants à clore un exercice d'une durée
largement inférieure à un an, ce qui pourrait conduire bon nombre de
viticulteurs à demander le retour au régime du forfait de manière totalement
artificielle. Ce sujet sera également évoqué dans le rapport sur la fiscalité
agricole que déposera dans quelques semaines Mme Marre.
J'ajoute à l'intention de M. Oudin que près de 80 % des agriculteurs ont
librement choisi d'avoir un exercice décalé par rapport à la campagne viticole.
La dérogation demandée ne correspond pas à une nécessité d'intérêt général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. le secrétaire d'Etat vient de nous livrer une
analyse fouillée dont je déduis que l'amendement n° I-258 rectifié n'est pas
strictement nécessaire. Tant que les textes communautaires ne sont pas encore
applicables, les viticulteurs peuvent jouer d'une certaine souplesse sur la
longueur de l'exercice fiscal.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Exactement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Compte tenu de ces informations, dont la commission
n'avait pas connaissance, il me semble préférable que l'amendement soit retiré
et que cette question soit étudiée à l'occasion de l'examen de l'ensemble de la
fiscalité agricole.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
En écoutant l'excellente explication de M. le secrétaire d'Etat, je me suis
dit : c'est vrai, pouquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! Vous
aviez même du mal, monsieur le secrétaire d'Etat, à cerner la totalité de
l'exposé que vous étiez en train de faire.
Pourquoi une fiscalité doit-elle forcément être complexe et incompréhensible ?
A cause de fonctionnaires trop intelligents, ou de parlementaires
insuffisamment vigilants ? Je ne sais.
Tout cela est matière à fraude et à falsification : plus c'est compliqué, plus
on trouve de failles.
En tout cas, on se demande comment notre fiscalité agricole a pu en arriver à
un tel état de complexité et d'inapplicabilité sans que nous réagissions. Je
trouve cela étonnant, je tenais à le dire à la Haute Assemblée.
Cela dit, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-258 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-125 rectifié MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de
Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des républicains et
indépendants proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - Au premier alinéa de l'article 73 B du code général des impôts, les
mots : "entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1999" sont remplacés par
les mots : "entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001".
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-234 rectifié, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Gaillard, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article
2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 73 B du code général des impôts,
les mots : "entre le 1er janvier 1993 et le 31 décembre 1999" sont remplacés
par les mots : "entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2002".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
La parole est à M. du Luart, pour défendre l'amendement n° I-125 rectifié.
M. Roland du Luart.
Cet amendement vise à reconduire pour une durée d'un an le régime de réduction
de 50 % du bénéfice des jeunes agriculteurs applicable durant leurs soixante
premiers mois d'activité.
Cet abattement, qui est le pendant en matière agricole de l'exonération des
bénéfices des entreprises nouvelles qui existe en matière industrielle et
commerciale est un élément important de la politique d'installation en
agriculture. A ce titre, il doit être reconduit, au moins pour un an, dans
l'attente de la publication du rapport parlementaire sur la fiscalité
agricole.
La justification même de cet amendement se trouve dans la nécessité d'attendre
les conclusions de Mme Marre. Vous ne pourrez donc pas m'opposer le dépôt du
rapport de Mme Marre, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-234 rectifié.
M. Jacques Oudin.
Il a le même objet que l'amendement précédent.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-125 rectifié et
I-234 rectifié ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Lorsque nos collègues ont déposé ces amendements, ils
ne pouvaient pas savoir que l'Assemblée nationale voterait, lors de l'examen de
la deuxième partie de la loi de finances, un amendement introduisant un article
additionnel qui produirait les mêmes effets que leur dispositif. Cet
amendement, devenu l'article 63
bis
de la loi de finances, que nous
examinerons en seconde partie, me semble leur donner satisfaction.
En effet, il est nécessaire de proroger au moins d'une année le régime
existant sauf à engendrer une discontinuité qui se retournerait contre les
intérêts légitimes de nombreux jeunes agriculteurs.
Les amendements me semblent donc pouvoir être retirés pous l'instant, quitte a
être présentés de nouveau lors de l'examen de l'article 63
bis.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission,
d'autant que la disposition reconduite en attendant le rapport publié en 2000
par l'Assemblée nationale émanait de Mme Marre. Cette disposition tendait déjà
à modifier dans un sens plus favorable aux agriculteurs le droit fiscal les
concernant.
M. le président.
L'amendement n° I-125 rectifié est-il maintenu ?
M. Roland du Luart.
Les explications de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d'Etat
montrent que les choses vont dans le bon sens et que les deux assemblées ont eu
raison. Les agriculteurs auront donc satisfaction, ce qui est l'essentiel. Le
dispositif proposé figurant à l'article 63
bis,
je retire mon
amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-125 rectifié est retiré.
Monsieur Oudin, votre amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-234 rectifié est retiré.
Article additionnel avant l'article 2
bis
M. le président.
Par amendement n° I-3, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer,
avant l'article 2
bis
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le début du premier alinéa du 3 de l'article 6 du code général des
impôts est ainsi rédigé : "Toute personne majeure âgée de moins de vingt et un
ans, ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu'elle poursuit ses études ou est
demandeur d'emploi, ainsi que, quel que soit son âge,"...
(Le reste sans
changement.) »
« II. - L'article 196 B du code général des impôts est ainsi rédigé :
«
Art. 196 B. -
Le contribuable qui accepte le rattachement des
personnes désignées au 3 de l'article 6 bénéficie d'un abattement de 24 000
francs sur son revenu global net par personne ainsi prise en charge.
« III. - Le deuxième alinéa du 2 du I de l'article 197 du code général des
impôts est ainsi rédigé :
« Toutefois, la réduction d'impôt correspondant à la part accordée au titre du
premier enfant est portée à 16 380 francs sauf pour les contribuables
célibataires, divorcés ou soumis à l'imposition distincte prévue au 4 de
l'article 6, qui répondent aux conditions fixées au II de l'article 194 pour
lesquels la réduction d'impôt est de 20 610 francs. »
« IV. - Dans la première phrase du 2°
ter
du II de l'article 156 du
code général des impôts, les mots : "soixante-quinze ans" sont remplacés par
les mots : "soixante ans".
« V. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions des
paragraphes I à IV est compensée à due concurrence par une majoration des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, vous me faisiez remarquer, à
juste titre, ce matin que nous avions voté la conséquence avant la cause ; la
cause est ici. En d'autres termes, cet amendement portant article additionnel
avant l'article 2
bis
tend à déterminer une modification que nous avons
déjà votée ce matin.
Il a pour objet de prévoir divers aménagements ponctuels favorables à la
famille et aux solidarités privées, à savoir : rétablissement à 16 380 francs
du plafond de l'avantage fiscal résultant d'une demi-part de quotient familial
pour les familles n'ayant qu'un enfant à charge ; possibilité de rattachement
au foyer fiscal des enfants à la recherche d'un emploi ; élévation à 22 000
francs du montant fixé par le code général des impôts pour l'abattement dont
bénéficient les enfants rattachés ; enfin, abaissement à soixante ans de l'âge
minimal à partir duquel la personne recueillie ouvre droit à la déduction
prévue au code général des impôts.
Nous avons pris l'initiative de présenter ces dispositions, qui ont été, pour
une large part d'entre elles votées par le Sénat, à l'occasion du récent débat
sur le pacte civil de solidarité.
La commission des finances estimait qu'il était nécessaire en particulier de
mieux traiter les familles comprenant des enfants de plus de vingt ans à la
recherche d'un emploi et domiciliés chez leurs parents.
Nous sommes conscients qu'un tel régime d'abattement serait plus favorable que
le mécanisme de quotient familial plafonné à 11 000 francs, mais nous estimons
qu'il faut hiérarchiser les avantages. Ce dispositif a vocation à s'appliquer à
des jeunes adultes qui entraînent, le plus souvent, des charges élevées pour
les familles.
En outre, l'extension du système de l'abattement simplifierait les
déclarations des contribuables qui, sur la base de 2 000 francs par mois,
pourraient procéder à une telle réduction sans avoir à fournir des
justificatifs, toujours fastidieux à rassembler, ce qui faciliterait, du même
coup, la tâche des services fiscaux.
La commission estime qu'il faut encourager le développement des solidarités
privées. C'est la raison pour laquelle elle souhaite favoriser l'accueil à
domicile des personnes âgées en abaissant de soixante-quinze à soixante ans
l'âge à partir duquel les personnes recueillies au foyer ouvrent droit à la
déduction de 17 680 francs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous attachons beaucoup d'importance à cette
mesure, qui peut concerner nombre de foyers fiscaux.
Nous savons qu'elle a un coût significatif, probablement de l'ordre de 1
milliard de francs, mais elle nous semble nécessaire dans le cadre des
orientations à donner à la réforme de l'impôt sur le revenu.
Tout à l'heure, j'ai parlé de la hiérarchisation des avantages fiscaux. Yves
Fréville, lui, a formulé un certain nombre de réflexions concernant les couples
en parlant de le « conjugalisation » de la décote.
Dans la fiscalité sur la personne, il faut retrouver des valeurs. Il faut que
la conception de l'impôt sur le revenu reflète une vision claire de la société,
de son devenir et, de même que nous sommes attachés au mariage et au statut
fiscal qui doit lui correspondre, de même nous estimons, s'agissant des jeunes
à la recherche d'un emploi et à la charge de leurs parents, qu'il est bon que
la fiscalité tienne compte des besoins objectifs qu'une telle situation peut
induire.
Tel est l'esprit dans lequel la commission des finances a préparé cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Cet amendement présente quatre propositions
différentes ; il vise : en premier lieu, - et c'est le point sur lequel vous
avez le plus insisté, monsieur le rapporteur général - à étendre aux enfants
chômeurs âgés de moins de vingt-six ans la possibilité du rattachement au foyer
fiscal de leurs parents ; en deuxième lieu, à substituer au quotient familial
l'application d'un abattement de 24 000 francs pour tout enfant majeur rattaché
au foyer fiscal d'un contribuable ; en troisième lieu, à porter de 11 060
francs à 16 380 francs le plafond du quotient familial pour le premier enfant à
charge ; en quatrième et dernier lieu, à abaisser de soixante-quinze ans à
soixante ans l'âge à partir duquel une personne hébergée sous le toit d'un
contribuable ouvre pour celui-ci le droit à déduction des frais d'accueil de
son revenu imposable.
Je vais donner une réponse précise à chacun de ces quatre points.
Premier point : les enfants majeurs qui ne poursuivent pas d'études sont
imposables à l'impôt sur le revenu sous leur propre responsabilité dès lors
qu'ils ont plus de vingt et un ans. Toutefois, s'ils sont en situation de
besoin, les parents peuvent déduire de leur revenu imposable, dans la limite de
20 480 francs pour l'imposition des revenus de 1999, les sommes qu'ils leur
versent à titre de pension alimentaire.
Monsieur le rapporteur général, cette solution est beaucoup plus favorable que
celle du rattachement de l'enfant au foyer fiscal de ses parents pour les
personnes qui ne disposent que de revenus modestes.
Je prendrai un exemple chiffré. A l'heure actuelle, un couple marié déclarant
140 000 francs de salaires et versant annuellement 20 000 francs de pension
alimentaire à un enfant chômeur de plus de vingt et un ans verse 2 602 francs
au titre de l'impôt sur le revenu. Si l'amendement était adopté, son imposition
serait portée à 3 699 francs, soit une augmentation de plus de 40 %.
C'est bien entendu à dessein que je n'ai pas pris l'exemple d'un couple
percevant des revenus salariaux élevés. Ce qu'il faut essentiellement retenir,
monsieur le rapporteur général, c'est que votre suggestion ne paraît guère
favorable aux plus modestes.
J'en viens au deuxième point : le rattachement des enfants mariés ou
célibataires chargés de famille âgés de moins de vingt et un ans, ou de moins
de vingt-cinq ans s'ils poursuivent des études, prend la forme d'un abattement
qui est aujourd'hui de 20 480 francs par personne rattachée pour l'imposition
des revenus de 1999, de telle sorte que l'avantage maximal en impôt n'excède
pas, pour les contribuables imposés au taux marginal le plus élevé, celui qui
résulte du quotient familial, soit 11 060 francs.
Votre proposition tendant à accorder un abattement de 24 000 francs pour tout
enfant majeur rattaché au foyer d'un contribuable aurait pour effet d'accorder
un avantage en impôt plus important aux personnes qui rattachent un enfant
majeur qu'à ceux qui ont la charge d'un enfant mineur. En effet, aux termes de
cette proposition, l'avantage maximal en impôt - calculé en fonction du taux
marginal le plus élevé, soit 54 % - s'élèverait à 12 960 francs, alors que
celui qui résulte du plafond du quotient familial, qui s'appliquait en tout
état de cause aux enfants mineurs, est limité pour 1999 au plafond de 11 060
francs. Il y a là, me semble-t-il, un problème de conception, à moins que vous
ne cherchiez à avantager les enfants majeurs par rapport aux enfants
mineurs.
Sur le troisième point, le plafond du quotient familial a été fixé l'an
dernier à 11 000 francs. Cette mesure, décidée après concertation avec les
associations familiales, est la contrepartie du rétablissement de
l'universalité des allocations familiales. Elle permet d'introduire une
progressivité de l'effort de solidarité en fonction du revenu et de préserver
la situation de toutes les familles disposant de revenus modestes.
Ainsi, s'agissant des couples mariés avec un enfant, seules les familles
percevant plus de 36 485 francs de revenu déclaré par mois, sont concernées par
le plafonnement du quotient familial.
Par ailleurs, la situation des foyers monoparentaux a été préservée par le
Gouvernement puisque le plafond de la majoration du quotient familial afférent
au premier enfant à charge de ces contribuables n'est pas modifié.
J'ajoute que votre proposition aurait pour effet de compliquer, s'il en était
besoin, le mécanisme du quotient familial, qui comporte déjà quatre plafonds
différents.
En outre, votre amendement avantagerait de façon anormale les personnes qui
vivent en union libre et qui ont à leur charge un enfant chacun par rapport aux
couples soumis à une imposition commune.
Sur le dernier point, enfin, la déduction prévue au 2°
ter
du II de
l'article 156 du code général des impôts vise à encourager les contribuables à
accueillir à leur domicile des personnes âgées et démunies de ressources en
l'absence d'obligation alimentaire entre ces personnes. De plus, les avantages
en nature consentis par les foyers d'accueil constituent des libéralités et, à
ce titre, ne sont pas imposables pour leurs bénéficiaires ; cela a d'ailleurs
été confirmé par la Cour de cassation.
Compte tenu de son caractère extrêmement favorable, cette mesure doit
conserver son champ d'application strictement limité aux personnes les plus
âgées ne disposant pas de moyens financiers importants.
Pour ces différentes raisons - et je pense avoir opposé sur chacune de vos
propositions, des objections dirimantes - je vous demande, monsieur le
rapporteur général, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. Michel Moreigne.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je ne suis pas convaincu, monsieur le secrétaire
d'Etat, par l'ensemble de cette démonstration.
M. Michel Moreigne.
Elle est pourtant mathématique !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Non, pas tant que cela !
Sur l'intérêt respectif du système de l'abattement et du système de la pension
alimentaire, il faut se souvenir que ce dernier est plus difficile à gérer pour
les contribuables. En effet, il leur impose de fournir des justificatifs aux
services fiscaux. Le choix de l'abattement correspond donc surtout à un souci
de simplicité.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
C'est important ! Et cela va aussi dans le sens de la
transparence !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Bien sûr ! Mais peut-être existe-t-il des situations
où le contribuable serait susceptible de choisir l'une ou l'autre voie.
Je voudrais me réserver la possibilité, d'ici à la seconde lecture,
d'améliorer éventuellement la rédaction de l'amendement sur ce point.
S'agissant de la hiérarchisation des avantages, il est vrai qu'un jeune adulte
à la recherche d'un emploi coûte plus cher à ses parents qu'un enfant d'âge
scolaire : je crois que chacun peut en faire l'expérience. Je ne vois aucun
inconvénient, bien au contraire, à ce que, en ce domaine, les avantages soient
ajustés à la réalité des coûts, dans un état donné de la société.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous l'avez montré par votre intervention
très détaillée, il s'agit de sujets complexes. La commission maintient son
amendement en se réservant de l'améliorer sur des points techniques, soit en
vue d'un accord en commission mixte paritaire - il n'est pas interdit d'espérer
! - soit en vue d'une nouvelle lecture.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-3.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
J'approuve l'amendement de la commission, et le raisonnement de M. le
rapporteur général sur ce que, en langage technique, on appelle l'« échelle
d'Oxford », c'est-à-dire le fait qu'un enfant majeur coûte plus cher qu'un
enfant mineur, me paraît tout à fait pertinent.
Mais je veux surtout réagir à un propos de M. le secrétaire d'Etat concernant
la fiscalité d'un couple en union libre ayant des enfants. Je crois me souvenir
que, du fait du vote d'un amendement de M. de Courson, amendement dont j'étais
d'ailleurs cosignataire, il n'y plus à cet égard de différence selon que le
couple vit en union libre ou se trouve dans une autre situation. Je n'ai pas du
tout compris, sur ce point, le raisonnement de M. le secrétaire d'Etat et je ne
voudrais pas que cette interprétation fît en quelque sorte jurisprudence.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, avant l'article 2
bis
.
Article 2
bis
M. le président.
« Art. 2
bis.
_ I. _ Il est inséré, dans le code général des impôts,
un article 80
duodecies
ainsi rédigé :
«
Art. 80
duodecies
. _ 1. Sous réserve de l'exonération prévue
au 22° de l'article 81, constitue une rémunération imposable toute indemnité
versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception des
indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan social au sens
des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du code du travail, des indemnités
mentionnées à l'article L. 122-14-4 du même code ainsi que de la fraction des
indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant
prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel et
interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.
« La fraction des indemnités de licenciement exonérée en application du
premier alinéa ne peut être inférieure ni à 50 % de leur montant ni à deux fois
le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de
l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite
de la moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la
fortune fixé à l'article 885 U.
« 2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à
l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux,
dirigeants et personnes visés à l'article 80
ter.
Toutefois, en cas de
cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des
indemnités qui excède les montants définis au deuxième alinéa du 1 est
imposable. »
« II. _ A la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 122-14-13 du
code du travail, les mots : "fiscal et" sont supprimés. »
Par amendement n° I-4, M. Marini, au nom de la commission, propose :
A. - A la fin du second alinéa du 1 du texte présenté par le I de cet article
pour l'article 80
duodecies
du code général des impôts, de supprimer les
mots : « , dans la limite de la moitié de la première tranche du tarif de
l'impôt de solidarité sur la fortune fixé à l'article 885 U ».
B. - De compléter ce même article par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - Les dispositions du I et du II s'appliquent pour les indemnités
versées à compter du 21 octobre 1999. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous abordons, avec cet amendement, un sujet qui a
été très médiatisé lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale. Il s'agit
du statut fiscal des indemnités de licenciement, qui détermine lui-même le
traitement de ces indemnités au regard des charges sociales.
Adopté, vous le savez, dans le feu de l'actualité et alors que les esprits
étaient échauffés par le débat sur les stock-options...
M. Emmanuel Hamel.
Parlez français !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... les options de souscription ou d'achat d'actions,
mon cher collègue,...
M. Jacques Oudin.
C'est mieux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais c'est un peu plus long ! Pardonnez-moi d'être
parfois paresseux !
(Sourires.)
M. Emmanuel Hamel.
Mais c'est français !
M. le président.
Monsieur Hamel, laissez s'exprimer M. le rapporteur général ou demandez-lui
l'autorisation de l'interrompre.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Bref, l'article 2
bis
a été inséré dans le
projet de loi de finances à la suite de l'adoption, dans un contexte dont
chacun se souvient, d'un amendement présenté par le député François Hollande et
visant à déterminer les seuils à partir desquels les indemnités de licenciement
ou de cessation de mandat social doivent être fiscalisées.
Je rappellerai simplement qu'il s'agissait d'un amendement en quelque sorte
transactionnel puisqu'il a permis le retrait d'un amendement du président de la
commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Bonrepaux, lequel
amendement était susceptible de faire dispararaître
de facto
l'essentiel
de ces options de souscription ou d'achat d'actions.
Certains membres de la commission des finances ont d'abord été tentés de
supprimer purement et simplement une disposition
ad hominem
rédigée dans
l'urgence. Toutefois, la commission a examiné le problème sur le fond. Si elle
a estimé que cet article avait du « mauvais », elle a également constaté qu'il
avait du « bon » et, selon une pratique qui lui est habituelle, elle a voulu
éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain.
En effet, le dispositif de l'article 2
bis
présente l'avantage de fixer
dans la loi le régime fiscal des indemnités de rupture de contrat. Ce régime
fiscal était jusqu'à présent laissé à l'appréciation de l'administration, sous
le contrôle du juge de l'impôt. Ainsi, cette disposition permet d'éviter les
désagréments liés aux fluctuations de la doctrine et elle est susceptible
d'améliorer la sécurité juridique des citoyens contribuables.
En particulier, l'article 2
bis
valide législativement la pratique
actuelle de l'administration, qui considère, sur le fondement de la
jurisprudence des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel
et du Conseil d'Etat, qu'à concurrence de leur fraction conventionnelle ou, à
défaut, de leur fraction légale, les indemnités ne doivent pas être soumises à
l'impôt sur le revenu. Une jurisprudence de même inspiration a été fixée par la
Cour de cassation s'agissant des charges sociales correspondantes.
L'article 2
bis
va même plus loin puisqu'il prévoit que les indemnités
doivent demeurer exonérées à concurrence soit de l'équivalent de deux années de
revenu brut, soit de la moitié de leur montant. Ces seuils d'exonération sont
supérieurs à ce que le Conseil d'Etat a accordé jusqu'ici.
De surcroît, le caractère proportionnel des seuils retenus permet de maintenit
un lien entre le montant fiscalisable des indemnités et la situation
personnelle de chaque salarié ou mandataire.
Toutefois, l'article 2
bis
présente, ainsi que je l'ai déjà laissé
entendre, un défaut majeur. Il dispose en effet que toutes les indemnités qui
excèdent un montant en valeur absolue, fixé à 2,35 millions de francs, doivent
être fiscalisées, même si leur montant est inférieur aux seuils proportionnels
que je viens de mentionner. En d'autres termes, au-delà de 2,35 millions de
francs, il y a présomption selon laquelle les sommes distribuées sont purement
et simplement représentatives de perte de rémunération et ont donc, par
extension, le caractère de rémunération fiscalisable, devant par ailleurs
supporter, en tant que telle, les charges sociales correspondantes.
La commission des finances a estimé que la fixation d'un seuil d'imposition en
valeur absolue, quel qu'en soit le montant, portait gravement atteinte au
principe selon lequel des indemnités qui ont le caractère de dommages et
intérêts ne sauraient être soumises à l'impôt sur le revenu.
Selon les jurisprudences en vigueur, tant administrative que judiciaire, il y
a, dans les indemnités de licenciement, une part représentative de perte de
rémunération et une part visant à réparer un préjudice global. Or la réparation
d'un préjudice global a bien la nature de dommages et intérêts et ces derniers
ne sauraient être fiscalisés.
Si l'on admettait, comme le proposent les députés, qu'au-delà de ce seuil de
2,35 millions de francs toute somme versée en réparation d'un préjudice est
imposable, il faudrait alors, mes chers collègues, soumettre à l'impôt sur le
revenu, par exemple, les indemnités réparatrices versées aux accidentés de la
route ou à un pianiste ayant perdu l'usage de ses mains. On conçoit bien qu'une
telle conséquence ne puisse être admise et qu'elle soit contraire aux principes
généraux du droit.
A la limite, si l'on allait dans le sens que suggèrent les députés, il
faudrait examiner la situation fiscale personnelle d'une personne à qui un
tribunal civil octroierait des dommages et intérêts parce qu'elle aurait été
victime d'une violation contractuelle ou d'un dol.
Pour en revenir aux indemnités de licenciement, il convient de préciser que le
départ de son plein gré d'un mandataire social doit s'apparenter à une
cessation forcée de ses fonctions, dès lors qu'il s'agit de la résultante d'une
restructuration d'entreprise. Prenons l'exemple d'un président-directeur
général remercié à la suite d'une offre publique d'achat hostile sur son
entreprise : manifestement, son départ résulte non pas d'un choix, mais bien
d'une cessation forcée de ses fonctions.
On vient de remarquer que, du fait de l'accélération des restructurations
d'entreprises, de telles situations se renouvellaient fréquemment. Il ne
saurait être question de créer des obstacles fiscaux artificiels et générateurs
d'inéquités en fonction d'une situation individuelle sans doute choquante,
celle du président d'Elf Aquitaine. Si je ne m'abuse, celui-ci ne devrait pas
forcément être touché par la mesure telle qu'elle a été calibrée à l'Assemblée
nationale.
Pour toutes ces raisons, la commission propose, par l'amendement n° I-4, la
suppression du seuil de 2,35 millions de francs. Par suite, les indemnités
versées aux dirigeants ou mandataires sociaux d'une entreprise seront soumises
au même régime fiscal que celles qui sont octroyées aux salariés : elles seront
imposées au-delà de deux années de salaire brut ou à concurrence de la moitié
de la somme perçue.
En outre, cet amendement prévoit de supprimer la rétroactivité fiscale, qui
nous semble inadmissible, c'est-à-dire l'application de la mesure dès le 1er
janvier 1999. Il nous paraît bien suffisant que ce dispositif prenne effet à sa
date d'annonce, c'est-à-dire à la date de la présentation de l'amendement en
séance publique à l'Assemblée nationale, le 21 octobre 1999.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je rappellerai tout d'abord le principe : les
contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu le sont à raison de l'ensemble
des revenus qu'ils perçoivent, quelle que soit la nature de ceux-ci.
A ce principe général du droit, le Gouvernement a entendu apporter une
atténuation par l'article 2
bis
- il est issu, d'ailleurs, d'un
amendement parlementaire adopté avec l'avis très favorable du Gouvernement -
qui clarifie le régime fiscal des indemnités de rupture du contrat de travail
ou de rupture du mandat social perçues, en effet, vous venez de le rappeler,
monsieur le rapporteur général, à compter du 1er janvier 1999.
Le principe général étant posé, par exception, peuvent être exonérées les
indemnités de licenciement pour leur montant légal ou conventionnel et, le cas
échéant, si les indemnités sont supérieures à ce montant, dans la limite
globale la plus élevée, de 50 % de leur montant ou de deux fois la rémunération
annuelle brute du bénéficiaire. Le montant exonéré ne peut toutefois excéder la
moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune,
soit 2,35 millions de francs pour les indemnités perçues au cours de l'année
1999.
Les indemnités allouées aux mandataires sociaux à l'occasion de la cessation
forcée de leurs fonctions sont exonérées dans les mêmes limites que celles qui
ont été indiquées ci-dessus.
La mesure que vous proposez, monsieur le rapporteur général, tend à aller plus
loin que l'article 2
bis
: vous voulez garantir aux contribuables de
bonne foi, c'est-à-dire la majorité de nos concitoyens, nous en sommes
certains, la sécurité juridique à laquelle ils peuvent légitimement prétendre.
L'imprévisibilité actuelle du régime définitif au regard de l'impôt sur le
revenu des indemnités perçues, qui repose sur l'appréciation subjective d'une
situation de fait, est effectivement la cause d'une grande insécurité
juridique, à la fois pour les contribuables et pour les services fiscaux, et la
source de nombreux contentieux, très complexes, qui ne cessent d'encombrer les
tribunaux.
Vous proposez, par ailleurs, de mettre fin à certains abus qui sont facilités
par l'incertitude actuelle de la norme juridique. C'est ainsi que des
indemnités d'un montant très élevé - vous avez fait référence à un cas
particulier qui le confirme - versées, notamment, à des cadres dirigeants ou à
des mandataires sociaux d'entreprise, en application soit du contrat de
travail, soit du mandat social - c'est ce qu'on appelle, veuillez m'excuser,
monsieur Hamel, les
golden parachutes
-...
M. Emmanuel Hamel.
Dites-le en français : les parachutes dorés !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... soit d'une transaction, peuvent échapper à
l'impôt, parce que les services fiscaux ne disposent pas d'informations de
recoupement.
Or votre amendement, qui permettra que des indemnités d'un montant supérieur à
2,35 millions de francs continuent d'être exonérées de l'impôt sur le revenu au
titre de dommages et intérêts, va à l'encontre, c'est une évidence, de ces deux
objectifs.
S'agissant de la date d'entrée en vigueur du dispositif, c'est à la suite
d'une demande expresse de l'Assemblée nationale qu'il a été décidé d'appliquer
ces nouvelles règles à l'ensemble des indemnités reçues au cours de l'année
1999. Votre amendement, plus restrictif, limiterait la recette fiscale de
l'Etat en la matière.
Le Gouvernement n'a pas souhaité - il ne le souhaite toujours pas - s'opposer
au voeu de sa majorité, celle qui le soutient à l'Assemblée nationale. Pour
toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement.
J'interviendrai dans quelques instants sur un dispositif proche du vôtre,
monsieur le rapporteur général, mais qui ne présente pas les mêmes
inconvénients aux yeux du Gouvernement : il s'agit de l'amendement n° I-288
rectifié présenté par M. Baylet.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-4.
M. Marc Massion.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion.
Cet article 2
bis,
introduit à l'Assemblée nationale, permet d'apporter
une clarification au régime fiscal des indemnités de rupture de contrat de
travail ou de mandat social.
Actuellement, le régime fiscal des indemnités de rupture du contrat de travail
versées aux salariés est fixé essentiellement par la jurisprudence et la
doctrine administrative. Il en est de même pour les indemnités versées aux
dirigeants en cas de rupture du contrat social. Ces indemnités constituent un
complément de rémunération imposable, à moins qu'elles n'aient pour objet de
réparer un préjudice exceptionnel autre que la perte de salaires.
Le dispositif proposé par cet article reprend les principes doctrinaux et
jurisprudentiels et permet ainsi d'énoncer clairement que les indemnités
correspondant aux conventions collectives ou les indemnités de départ ou de
licenciement sont exonérées de l'impôt sur le revenu.
Le second apport de cet article résulte dans le traitement des indemnités de
licenciement ou des indemnités versées à des dirigeants lors de la cessation
forcée de leurs fonctions lorsque celles-ci dépassent l'indemnité
conventionnelle ou légale. Ce surplus serait alors exonéré jusqu'à concurrence
au maximum de 50 % du montant de l'indemnité ou de 50 % de la limite de la
première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune, soit 2 350
000 francs.
Ce plafond n'est pas accepté par M. le rapporteur général. On se trouve
pourtant loin des situations habituelles. Les sommes accordées sont même, dans
certains cas, vertigineuses et font alors clairement partie de dispositifs
confinant à l'abus. Il n'y a aucune raison qu'au-delà de ce montant déjà très
élevé de 2 350 000 francs il y ait une exonération de l'impôt sur le revenu.
D'autant que, dans ces cas précis, la personne concernée est rarement en
difficulté pour retrouver un emploi. Comment expliquer à un salarié modeste qui
paie l'impôt sur le revenu sur son salaire que M. X, qui quitte une entreprise
pour un autre poste dans une autre entreprise, ne paiera rien sur les millions
qu'il touche en indemnité de départ ?
Il nous faut donc corriger ces excès en ne prévoyant pas d'exonération de
l'impôt sur le revenu au-delà de ce montant de 2 350 000 francs. J'ajoute que
le fait de déclarer ces sommes permettra également l'introduction d'un peu de
transparence dans ces indemnités.
C'est donc avec détermination que le groupe socialiste votera contre cet
amendement.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je dois dire que, depuis ce
matin, M. le secrétaire d'Etat nous donne l'occasion d'avoir un débat
serein...
M. Michel Charasse.
Et de qualité !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... sur la fiscalité et sur son
rôle dans notre société. Afin de ne pas alourdir la discussion, j'ai attendu
que l'occasion se présente pour apporter une contribution supplémentaire aux
grands principes qu'il a édictés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est un principe auquel je crois profondément
et que vous n'avez pas évoqué : l'impôt est un instrument de rendement et,
chaque fois que l'on veut lui faire jouer un autre rôle, on risque de commettre
des imprudences, des excès, et de causer des dommages auxquels on n'a pas
songé.
Ce matin, vous avez donné l'impression - je serai bref, car nous sommes
maintenant loin du sujet - que, finalement, l'impôt pouvait, sous une forme ou
sous une autre, j'allais dire convoquer la croissance. Je suis beaucoup plus
réservé que vous ! Je vous souhaite, je souhaite à la France que la croissance
se poursuive le plus longtemps possible. Toutefois, si, brusquement, elle
devenait plus fragile, vous iriez bien vite en chercher les raisons à
l'extérieur ; vous ne diriez pas que c'est à cause des mesures géniales que
vous nous proposez qu'elle n'est plus au rendez-vous !
Par ailleurs, l'impôt n'a pas pour objet de donner des leçons de morale ! Il
s'agit là d'un exemple où, sous la tyrannie des médias, on légifère à partir de
cas particuliers dont on ne connaît pas l'ampleur. Personnellement, je ne
connais pas l'ampleur des cas particuliers auxquels on a fait allusion. J'ai du
reste le sentiment que, quels que soient les efforts accomplis par le
Gouvernement, par l'Assemblée nationale et par le Sénat, de toute manière,
cette mesure représentera un coût pour l'entreprise, mais pas pour les
personnes concernées par ce type de situation.
(M. le rapporteur général fait un signe d'approbation.)
Nous pouvons donc prendre toutes les mesures que nous voudrons : de toute
façon, les leçons de morale de ce genre n'auront aucun effet !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Et les actionnaires ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
En effet, mais cela peut être
des Français modestes, qui ont épargné,...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Tout à fait !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... et je ne crois pas qu'ils
méritent d'être sanctionnés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous poursuivez dans une voie que tous vos
prédécesseurs ont emprunté à tort, me semble-t-il : vous voulez, comme chaque
fois, légiférer à partir de cas particuliers.
Tout à l'heure, parlant des contribuables de bonne foi, vous avez ajouté qu'il
s'agissait de la majorité de nos concitoyens. Mais nous ne traitons dans la loi
que de ceux-là. Ceux qui ne sont pas de bonne foi sont, je l'espère,
sanctionnés, et il existe dans notre législation des règles et des sanctions
précises - hélas, on ne les utilise pas assez souvent - notamment l'abus de
droit. Au reste, nous avons à plusieurs reprises évoqué cette question.
Il s'agit pour vous de mettre fin à certains abus grâce à des recoupements
auxquels l'administration pourrait procéder. Or les moyens qui sont mis à la
disposition de l'administration française pour procéder à ces contrôles sont
tout de même d'un bon niveau et, sauf à vouloir vraiment que la totalité des
informations concernant les personnes dans ce pays soit portée à la
connaissance de l'administration fiscale, sauf à le vouloir vraiment, nous ne
pouvons pas en faire davantage.
Un aspect du débat qui vient de s'instaurer m'a frappé - d'ailleurs M. le
rapporteur général l'a souligné. Il me paraît, en effet, capital que nous nous
en tenions à un principe d'égalité entre les victimes de préjudices, quels
qu'ils soient.
Ne tombons pas dans la démagogie, en tout cas pas dans cette maison. Il ne
faut pas que ce soit le journal télévisé de vingt heures ni les journaux du
soir ou du matin qui nous dictent notre ordre du jour ou notre ligne de
conduite. Faisons en conscience ce que nous croyons devoir faire pour le bien
du pays. Or je ne crois pas, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il soit juste de
commencer à discriminer les catégories de préjudices et à élaborer des régimes
fiscaux séparés selon une typologie des dommages que pourraient subir certaines
victimes. Ce n'est pas réalisable.
Ce que l'on peut reprocher à ce dispositif, issu d'une initiative
parlementaire mais soutenu, et peut-être sollicité par le Gouvernement, c'est
précisément de nous faire entrer dans la considération de cas si particuliers
que nous encombrons inutilement notre dispositif normatif. Vous avez appelé ce
matin à la lisibilité et à la simplicité, monsieur le secrétaire d'Etat, or
nous n'y contribuons pas.
Personnellement, j'invite instamment le Sénat à suivre la voie que nous
propose M. le rapporteur général, car c'est celle de la sagesse et de la
sérénité, celle qui nous garantit contre les pressions de toute nature que nous
subissons les uns et les autres, une voie sur laquelle nous sommes appelés à
élaborer une législation fiscale juste et équitable et qui offre à l'Etat un
rendement suffisant pour qu'il puisse mener son action - vous n'êtes pas mal
servi à cet égard pour l'instant, monsieur le secrétaire d'Etat ! - une voie
libre de dispositions qui, à terme, engendreraient inégalités et
inefficacité.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je voudrais répondre brièvement à M. le président de
la commission des finances.
Que l'on ne se méprenne pas : nous voulons non seulement assurer la rigueur et
la justice du système fiscal, notamment en ce qui concerne l'emploi des
indemnités de rupture du contrat de travail ou du mandat social, mais aussi,
comme je crois l'avoir déjà dit ce matin au début de notre débat, manifester le
souci constant du Gouvernement de dynamiser l'économie, de favoriser la
création d'activités et d'entreprises et d'induire par l'innovation, à un
rythme beaucoup plus soutenu que celui que notre économie a connu jusqu'à
présent, de la croissance pour la mettre au service de l'emploi.
Je suis donc personnellement très sensible aux idées qui sous-tendent
l'amendement de M. Marini ainsi que celui de M. Baylet : quoi de plus
intelligent, en effet, que de prévoir, sous certaines conditions - et là est,
en vérité, le débat - le réemploi des indemnités de licenciement ou de rupture
du mandat social au profit de la création d'entreprise, au profit de la
création de richesses, au profit de la création de valeurs, donc au profit de
l'emploi ? Le Gouvernement s'inscrit totalement dans cette orientation. Toutes
les dispositions législatives qu'il a proposées jusqu'à présent, au Sénat comme
à l'Assemblée nationale, vont dans ce sens.
Cependant, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la
commission, la question se pose de savoir où l'on place le curseur pour ce qui
est des conditions que l'on doit imposer afin que cette disposition soit à la
fois suffisamment dynamique, économiquement efficace et socialement juste.
C'est là que le Gouvernement se sépare de la majorité du Sénat : nous ne sommes
pas d'accord sur cette limite.
Certes, nous convergeons sur l'objectif de dynamisation économique, de prise
de risques, de création d'entreprises, bref sur tout ce qui fait la chair et le
sang d'une croissance vive et forte de l'économie française, mais nous ne
pouvons pas vous rejoindre sur les limites sociales que vous voulez, au fond,
faire disparaître, ce qui, de notre point de vue, serait source d'injustices et
aboutirait à rompre l'équilibre du système de sorte que la bonne idée de départ
ne pourrait être poursuivie jusqu'à son terme dans un contexte de justice tout
à la fois sociale et fiscale. C'est tout ce qui nous sépare !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je pourrais m'en tenir aux explications, excellentes, de mon ami Marc Massion
et de M. le secrétaire d'Etat, mais je voudrais faire deux observations
complémentaires pour justifier mon vote hostile à l'amendement qui nous est
présenté, malgré le talent du rapporteur général et du président de la
commission des finances.
Je pense que la suppression du plafond global, que prévoit l'amendement de M.
Marini, est contraire à la fois au principe d'égalité et à l'article XIII de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comment, comment ?
M. Michel Charasse.
La suppression de ce plafond est contraire au principe d'égalité puisque, pour
la première fois dans notre droit, on prévoit en matière fiscale, mais pas dans
les autres matières, la compensation intégrale du préjudice. Or, cela n'existe
nulle part ailleurs.
(M. le rapporteur général s'étonne.)
Monsieur le
rapporteur général, lorsque la justice a fixé des barèmes pour le
pretium
doloris,
elle a fixé des barèmes de façon totalement arbitraire. Certains
peuvent estimer qu'ils sont très bas, mais il n'y a jamais véritable réparation
du préjudice. Tous ceux qui ont eu à affronter, à un moment ou à un autre, la
justice savent bien que, quel que soit l'effort qui est fait, le préjudice
n'est jamais réparé. Or là, on veut qu'il soit réparé totalement. C'est la
première rupture du principe d'égalité.
La seconde rupture, monsieur le rapporteur général, est liée à l'article XIII
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, article qui
prévoit que la contribution commune « doit être également répartie entre tous
les citoyens, en raison de leurs facultés ».
J'ai le sentiment qu'en supprimant tout plafond
(M. le rapporteur général
s'exclame),
ou plutôt tout plafond global, - il en reste un, et c'est ce à
quoi vous devez penser à l'instant - vous allez au-delà. Selon moi, compte tenu
de la jurisprudence, toujours sévère, du Conseil constitutionnel en ce qui
concerne l'application des principes, notamment de la déclaration de 1789, en
matière fiscale, cette disposition, si elle devait prospérer, n'aurait aucune
chance de passer rue Montpensier.
Donc, j'appelle votre attention sur ces deux points : pourquoi faudrait-il que
le préjudice soit intégralement réparé uniquement en matière fiscale, et pas
ailleurs ? Pourquoi faudrait-il que l'expression « en raison de leurs facultés
» ne s'applique pas aux indemnités de licenciement ?
J'attends qu'on me donne la réponse.
En tout cas, je ne voterai pas cet amendement n° I-4.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Plusieurs points de l'intervention de M. Charasse
nécessitent réponse.
Autant j'était presque fasciné au début de la séance, mon cher collègue, par
votre rappel au règlement - je souscris, vous le savez, tout à la fois à son
style et à son contenu -...
M. Michel Charasse.
Merci, mais le sujet n'est pas le même !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... autant je suis perplexe et je m'interroge sur les
propos que vous venez de tenir, et ce pour un certain nombre de raisons.
D'abord, nous ne proposons par l'indemnisation sans limite. Nous prévoyons
même une double limite,...
M. Michel Charasse.
Oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... à savoir soit deux fois le montant de la
rémunération annuelle brute perçue par le salarié, soit 50 % de l'indemnité de
licenciement, le plus élevé de ces deux termes étant retenu. Il y a bien deux
limites qui sont à apprécier non pas
ne varietur,
mais en fonction de la
réalité du préjudice subi. Car ne croyez pas, mes chers collègues, que ces
sommes soient fixées de manière arbitraire. S'il y a indemnité, c'est bien
parce qu'il y a préjudice,...
M. Michel Charasse.
Oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et s'il y a indemnité élevée, c'est bien parce
qu'il y a un préjudice élevé !
Le reproche que je fais personnellement au dispositif du Gouvernement et de
l'Assemblée nationale, c'est qu'il pénalise d'autant plus que le préjudice est
lourd, puisque, selon ce dispositif, on serait d'autant plus pénalisé
fiscalement que l'indemnité serait plus élevée. Or comment voulez-vous qu'une
indemnité soit fixée à un niveau élevé si le préjudice n'est pas lui-même d'une
très grande gravité ?
Puisque vous invoquez le gouvernement des juges, ou plutôt, en d'autres
termes, le pouvoir considérable qu'il appartient au Conseil constitutionnel
d'exercer, je voudrais, me situant sur ce terrain, demander, à la suite de M.
le président de la commission des finances, ce qui justifie que, par rapport à
d'autes bénéficiaires d'indemnités réparatrices, ceux-là soient moins bien
traités ? Au nom de quoi considérera-t-on que le fait d'avoir été privé de son
emploi ou de sa réputation professionnelle soit moins grave que le fait d'avoir
été victime d'un préjudice d'une autre nature corrigé par des dommages et
intérêts ou par une indemnité assurantielle ?
N'y a-t-il pas, dans notre droit, un principe d'égalité des personnes se
trouvant objectivement dans la même situation ?
Si l'on évoque ces sujets avec le souci de trouver une solution juste...
M. Michel Charasse.
Le sida, c'est 2 millions de francs ! Et c'est plus grave que ce qui vient
d'arriver à tel ou tel P-DG !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... c'est bien parce que, dans notre droit, et c'est
un principe général, les dommages et intérêts ne sont pas assimilables à des
revenus.
Vous nous parlez de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et
de la contribution commune qui doit être répartie à proportion des facultés.
Vous ne sauriez ignorer - je ne vous ferai pas cette injure - que les
indemnités dont il s'agit sont, en tout état de cause, intégralement
fiscalisées au titre de la fiscalité du patrimoine. Sauf à ce que cet argent
disparaisse instantanément, ce qui est difficile, il se retrouvera dans la
déclaration patrimoniale de fin d'année et sera imposé selon le barème de
l'impôt de solidarité sur la fortune. Il est donc faux de prétendre que ces
sommes sont exemptes d'imposition.
M. Michel Charasse.
Pas à un tarif très élevé !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais des dommages et intérêts, qui sont des créances
réparatrices d'un préjudice, sont des éléments constitutifs d'un patrimoine et
non d'un revenu.
Sur ce sujet, la Haute Assemblée est maintenant éclairée comme elle doit
l'être. Différentes pistes peuvent être explorées. Nous y reviendrons. Mais,
véritablement, l'amendement de la commission, qui vise à supprimer le seuil de
2,35 millions de francs, se situe, je le crois sincèrement et je le dis avec
conviction, dans le cadre de nos principes généraux du droit.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-288 rectifié
bis,
MM. Baylet, Collin et Bimbenet
proposent de compléter le texte présenté par le I de l'article 2
bis
pour l'article 80
duodecies
du code général des impôts par un alinéa
ainsi rédigé :
« 3. Toutefois, la fraction des indemnités versées à l'occasion de la rupture
du contrat de travail ou à l'occasion de la cessation forcée des fonctions des
mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80
ter
qui excède les montants définis au deuxième alinéa du I est exonérée à
hauteur du montant investi, dans les six mois qui suivent la rupture du contrat
de travail ou la cessation forcée des fonctions, dans la souscription en
numéraire au capital d'une société dont les titres, à la date de la
souscription, ne sont pas admis à la négociation sur un marché réglementé. La
société bénéficiaire de l'apport doit satisfaire aux conditions mentionnées au
3 de l'article 92 B
decies.
Les souscriptions donnant lieu à
l'exonération prévue au présent alinéa n'ouvrent pas droit aux déductions
prévues au 2°
quater
de l'article 83, aux articles 83
bis,
83
ter
et 163
septdecies
ou aux réductions d'impôt prévues aux
articles 199
undecies,
199
terdecies
-O A et 199
terdecies
A. »
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, répondant à M. le rapporteur général sur
l'amendement précédent, vous avez fait référence par avance à cet
amendement-ci. J'ai cru comprendre, à cette occasion, que vous n'y étiez pas
hostile.
De quoi s'agit-il ?
Cet amendement vise à exonérer d'impôt les indemnités versées aux salariés en
cas de rupture de leur contrat de travail ou aux mandataires et dirigeants
d'entreprises en cas de cessation forcée de leurs fonctions, dès lors que ces
indemnités sont investies dans des sociétés non cotées de moins de quinze ans,
dans les six mois qui suivent le licenciement ou le départ forcé.
Cette exonération ne serait pas cumulable avec la possibilité de déduire les
intérêts des emprunts contractés en vue d'acquérir les titres ou avec la
réduction d'impôt résultant de la loi « Madelin ».
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cette analyse étant fort pertinente, la commission a
émis un avis favorable sur la suggestion de nos collègues. Cela permettrait
d'encourager des placements dans de jeunes sociétés innovantes, ce qui serait
favorable au dynamisme de l'économie et à la création d'entreprises.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
M. Collin vient de défendre l'amendement que M. Baylet
et lui-même ont cosigné, montrant par là même, si besoin était, l'apport
décisif aux travaux de la majorité plurielle du Mouvement des radicaux du
gauche sur un point essentiel.
Nous débattons en effet d'une disposition très dynamique, qui va plaire à
l'opinion publique puisqu'il s'agit à la fois de la prise en compte de la
situation personnelle des salariés mais aussi des mandataires sociaux
lorsqu'ils sont privés de leur emploi. Vous y ajoutez des conditions. Il faut
une cessation forcée de leurs fonctions. Vous introduisez l'idée d'une
mobilisation des sommes indemnitaires allouées aux salariés ou aux mandataires
sociaux pour que celles-ci soient réemployées dans les six mois afin, et c'est
un bon objectif, de financer ce que l'on appelle des
start up
- je prie
M. Hamel de me pardonner ! - c'est-à-dire les jeunes entreprises innovantes en
création.
Le Gouvernement comprend cette démarche. Vous maintenez par ailleurs - et
cette différence avec l'amendement défendu par M. le rapporteur général est de
taille car elle est un signal d'orientation politique claire - la limite
maximale de 2,35 millions de francs par référence à la moitié de la première
tranche de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Tout en étant personnellement favorable à une disposition de ce type, qui
constitue un véritable signal politique par rapport à la nécessité d'une plus
grande implication de nombre de nos salariés et des mandataires sociaux dans la
création d'entreprises et la prise de risque, je souhaite que l'on étudie bien
la rédaction d'une telle disposition, que l'on prenne en compte la volonté
politique qu'elle exprime et que l'on puisse, peut-être, s'en remettre au
dialogue fructueux qui va avoir lieu entre l'Assemblée nationale et le Sénat à
l'occasion de la commission mixte paritaire,...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
... dont le succès est annoncé
!
(Sourires.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... dont le succès ne fait pas de doute.
(Nouveaux sourires.)
M. Jean Chérioux.
Dialogue restreint !
M. Michel Charasse.
Il faut croire au bicamérisme !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Ainsi, au vu de ce que pourra apporter la majorité
plurielle à l'Assemblée nationale, l'apport de la majorité plurielle au Sénat,
qui est ici pour l'instant minoritaire, pourra être pleinement valorisé.
Je propose donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer,
étant entendu que le message est compris par le Gouvernement, qu'il sera porté
avec fidélité et dynamisme dans le débat que le Gouvernement entretient avec sa
majorité plurielle de manière à étudier des conditions de rédaction concrètes
et précises qui permettront, je l'espère personnellement, de donner
satisfaction à MM. Collin et Baylet.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-288 rectifié
bis,
accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2
bis,
modifié.
(L'article 2
bis
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
bis
M. le président.
Par amendement n° I-231, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2
bis,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa du
e
du 1° du I de l'article 31 du code
général des impôts, le taux : "14 %" est remplacé par le taux : "25 %".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement est favorable aux propriétaires bailleurs dont les revenus
tirés d'une location sont les plus taxés. La charge fiscale est lourde par
rapport aux risques pris par le propriétaire bailleur. Il convient donc
d'augmenter le taux de l'abattement auquel le propriétaire a droit au titre des
frais de gestion, qui est insuffisant au regard des frais réels.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous abordons le domaine des revenus fonciers.
Cet amendement a pour objet de relever de 14 % à 25 % la déduction forfaitaire
sur les revenus fonciers. Le cas échéant, il serait utile de reprendre cette
disposition lors de l'examen de la deuxième partie du présent projet de loi de
finances, car il faut réexaminer l'ensemble du dispositif de la fiscalité
immobilière.
Il convient de rappeler que le régime de la déduction forfaitaire sur les
revenus fonciers a connu de nombreuses modifications au cours des dernières
années, la plus récente ayant été le relèvement à 14 % obtenu grâce au Sénat
et, si mes souvenirs sont exacts, sur la proposition de M. Alain Lambert, alors
rapporteur général.
L'amendement proposé part d'une bonne analyse. Toutefois, des considérations
de solde budgétaire nous conduisent à souhaiter que ce point soit réexaminé au
titre de la deuxième partie, car le coût est substantiel et ne peut sans doute
pas être pris en compte par redéploiement au sein des éléments de recettes et
de dépenses qui concourent au solde de l'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
J'aurais certainement développé avec moins de talent
ce que vient de présenter excellemment M. le rapporteur général. Je me range à
son avis. Le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement et, si tel n'est
pas le cas, son rejet.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-231 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Je suis très sensible aux arguments présentés par M. le rapporteur général. Je
retire donc cet amendement, que je représenterai lors de l'examen de la
deuxième partie du projet de loi de finances.
M. le président.
L'amendement n° I-231 est retiré.
Par amendement n° I-232, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 2
bis,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le paragraphe II de l'article 199
terdecies
OA du code général
des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les versements réalisés à compter du 1er janvier 2000, les limites
mentionnées au premier alinéa sont portées respectivement à 75 000 francs et à
150 000 francs. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement a pour objet d'inciter à l'investissement dans les petites et
moyennes entreprises en doublant les plafonds de la réduction d'impôt au titre
des souscriptions au capital de ces entreprises. Le doublement de ces plafonds,
qui seraient portés à 75 000 francs et à 150 000 francs, est très important non
pas en valeur absolue mais pour les entreprises concernées.
Cette réduction d'impôt est portée à un niveau identique à celle qui est
consentie pour les souscriptions aux parts de fonds communs de placement dans
l'innovation, les FCPI.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement est excellent. Il rejoint les travaux
que nous avons menés ensemble au sein de la commission des finances au cours de
ces derniers mois, et notamment l'une des propositions qui avait été faite
lorsque nous examinions le projet de loi sur l'innovation et la recherche. La
commission émet bien sûr un avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Là encore, nous sommes devant une disposition dont
l'objectif est juste : favoriser l'épargne en direction des petites et moyennes
entreprises.
Depuis la loi de finances pour 1998, le Gouvernement a pris des dispositions
très importantes dans ce domaine. Je rappelle ici : la création des bons de
souscription de parts de créateur d'entreprise, que l'on pourrait qualifier de
stock-options pour les créateurs d'entreprise ; le report d'imposition des
plus-values en cas de remploi dans une société nouvelle ; la création des
contrats d'assurance-vie investis en actions, dont 5 % doivent être investis
dans des entreprises non cotées, les contrats « DSK ». Cet effort a été
poursuivi : la réduction d'impôt pour investissement dans les PME a été
prorogée, le dispositif de déduction des pertes en cas de liquidation de la
société a été amélioré.
L'amendement n° I-232 vise à relever les plafonds concernant ces différentes
dispositions. Cela serait d'une effcacité médiocre au regard de l'objectif que
l'on cherche à atteindre car, aujourd'hui, seule une minorité de contribuables,
environ 18 % des souscripteurs, font état de versements égaux ou supérieurs aux
plafonds actuels de 37 500 francs et de 75 000 francs.
C'est donc, pour l'essentiel, un effet d'aubaine en faveur de quelques
bénéficiaires seulement qui résulterait de votre proposition. Elle ne
susciterait pas vraiment de nouvelles souscriptions.
Le dispositif actuel d'encouragement à l'investissement dans les fonds propres
des petites et moyennes entreprises est à la fois incitatif et équitable. Il
doit connaître un régime de croisière suffisamment stable pour faire ses
preuves encore mieux qu'il ne les a faites jusqu'à présent.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
J'écoute avec beaucoup
d'attention M. le secrétaire d'Etat. Chaque mot est pesé et ses propos sont
importants. Or, depuis ce matin, il a choisi d'illustrer par divers exemples
les moyens que le Gouvernement met en oeuvre pour soutenir la croissance. Vous
avez ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, cité la baisse des droits de
mutation comme un exemple de soutien à l'activité économique. C'était en effet
une bonne politique. Cependant, je n'ai pas trouvé dans la réponse que vous
avez donnée à M. Oudin tout à l'heure le même signal s'agissant de la déduction
forfaitaire qu'il vous suggérait, alors que cette mesure allait dans la même
direction.
Puis, sur ce nouvel amendement - après avoir fait preuve d'un lyrisme que j'ai
admiré voilà un instant lorsque, à propos de l'amendement de notre collègue
Yvon Collin, vous avez dit à quel point la chair et le sang de l'initiative
économique vous préoccupaient - vous n'avez trouvé ni chair ni sang dans ce que
M. Oudin vous propose.
Finalement, je ne vois, à travers vos positions sur les propositions qui vous
sont faites dans ces deux derniers amendements, aucun écho de ce que vous avez
annoncé tout à l'heure comme étant la grande politique du Gouvernement. Je
voulais le faire remarquer avant de vous demander si, en « deuxième lecture »
de l'amendement, si je puis dire, vous ne devriez pas modifier votre point de
vue. Pour être franc, dans votre avis sur cet amendement, je n'ai pas vraiment
senti si vous étiez franchement défavorable ou si vous souhaitiez simplement
vous en tenir à une forme de sagesse quasi sénatoriale... en espérant que cette
formulation ne soit pas déshonorante à vos yeux.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
J'aurai pu m'en remettre à la sagesse du Sénat quant
au fond de cette disposition. Mais je suis résolu à demander son rejet en
raison de son coût. La dépense fiscale est trop importante...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Et la cagnotte ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... pour que je puisse me laisser aller à accepter, au
nom du Gouvernement, ces dispositions. En effet, les unes après les autres,
elles chargent, comme le faisait remarquer
in petto
tout à l'heure M.
Charasse, certains impôts à l'excès pour gager les différentes mesures
d'allégement par ailleurs préconisées par le Sénat, ou, comme c'est le cas avec
le présent amendement, elles ont un coût prohibitif par rapport à l'effet
économique positif attendu.
Aussi, je réitère ma demande de rejet par le Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-232.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Je pensais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous écouteriez la voix de la
raison, à savoir M. le président de la commission des finances.
Vous avez avancé le dernier argument qu'invoque un ministre des finances en
disant : cela va coûter trop cher. Or, cet argument est irrecevable car la
disposition proposée vise à dynamiser les petites et moyennes entreprises en
leur permettant d'avoir plus de fonds propres et des actionnaires plus actifs
en la matière. Il s'agit de leur permettre de croître davantage. Et
lorsqu'elles se développent elles paient des impôts à l'Etat. En renonçant à
prendre une mesure de dynamisation des entreprises et de l'économie, vous vous
privez de rentrées fiscales ultérieures. Ce n'est pas un bon raisonnement !
Bien entendu, vous allez dire : prouvez-nous que cette mesure, qui va coûter
cher dans un premier temps, procurera par la suite des rentrées fiscales. J'ai
fait un jour une analyse dans mon propre secteur. Nous avions voté des
dégrèvements d'impôt en faveur d'entreprises qui s'installaient. Quelques
conseillers m'ont alors objecté que cela coûterait cher. Or, il a été facile de
leur montrer que nous allions récupérer notre mise en trois ans et que tout le
reste représenterait du gain.
Par conséquent, s'il y a un investissement intéressant à faire, monsieur le
secrétaire d'Etat, c'est bien de prendre des mesures comme celles-ci.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-232, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 2
bis.
Article 2
ter
M. le président.
« Art. 2
ter
. _ I. _ L'article 200 du code général des impôts est ainsi
modifié :
« 1° Le 1 est abrogé ;
« 2° Le 2 devient le 1 et est ainsi modifié :
«
a)
Les mots : "la réduction d'impôt visée au 1" sont remplacés par
les mots : "une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % de leur montant"
;
«
b)
Le taux : "1,75 %" est remplacé par le taux : "6 % " ;
«
c)
Après les mots : "versements effectués", sont insérés les mots :
"par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B" ;
«
d)
Après les mots : "au profit", sont insérés les mots : "de
fondations ou associations reconnues d'utilité publique," ;
«
e)
Après les mots : "et à des dons", sont insérés les mots : "aux
associations cultuelles et de bienfaisance qui sont autorisées à recevoir des
dons et legs, aux établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle
et" ;
« 3° Le 2
bis
devient le 3 et son dernier alinéa est supprimé ;
« 4° Le 3 devient le 2 et est ainsi modifié :
«
a)
Le premier alinéa est supprimé ;
«
b)
Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les fondations et associations reconnues d'utilité publique peuvent, lorsque
leurs statuts ont été approuvés à ce titre par décret en Conseil d'Etat,
recevoir des versements pour le compte d'oeuvres ou d'organismes mentionnés au
1. » ;
« 5° Dans la dernière phrase du premier alinéa du 4, les mots : "des limites
mentionnées aux 2 et 3" sont remplacés par les mots : "de la limite mentionnée
au 1" ;
« 6° Au premier alinéa du 5, la référence : ", 2
bis
" est supprimée »
;
« 7° Au deuxième alinéa du 5, la référence : "2
bis
" est remplacée par
la référence : "3" ;
« 8° Le 6 et le 7 sont abrogés.
« II. _ Au I de l'article L. 84 A du livre des procédures fiscales, la
référence : "2
bis
" est remplacée par la référence : "3". »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'article 2
ter
porte sur le régime des dons tel qu'il est aujourd'hui
défini par notre législation fiscale.
Une observation initiale de la situation atteste du relatif attachement de nos
compatriotes au soutien qu'ils peuvent apporter à l'action des organismes
d'intérêt général ou d'utilité publique qui oeuvrent dans notre pays dans
l'ensemble des domaines de la vie économique et sociale.
L'importance de cette action est particulièrement ressentie, on le sait bien,
notamment dans les domaines de la recherche médicale, de la lutte contre
l'exclusion sociale, de l'aide au développement du tiers monde ou encore de la
protection de l'enfance.
Cet article, qui vise à simplifier le régime des dons, a été adopté par
l'Assemblée nationale et a le mérite de clarifier une situation qui s'était
particulièrement compliquée ces dernières années, notamment lors de la
discussion d'une proposition de loi sénatoriale relative à cette question.
Pour autant, si nous nous accordons tous à reconnaître la place toute
particulière des oeuvres d'intérêt général ou d'utilité publique dans la vie du
pays, il nous semble utile, à ce stade du débat, de revenir sur la question du
devenir du milieu associatif, milieu qui est évidemment directement concerné
par les dispositions de l'article 2
ter
et, par voie de conséquence, de
l'article 200 du code général des impôts.
Une récente instruction fiscale a constitué une première approche du problème.
Force est cependant de reconnaître que son interprétation suscite des
commentaires, les directions départementales des impôts n'ayant pas toujours la
même analyse des critères définis par cette instruction fiscale.
Ce présent projet de loi de finances apporte un certain nombre de précisions :
relèvement du seuil d'exonération de la taxe sur les salaires, mise en oeuvre
d'une franchise de taxe sur la valeur ajoutée pour les activités de nature
commerciale accessoire...
Pour autant, de nombreuses questions demeurent en suspens, notamment celle de
la sécurisation de l'intervention des associations au titre de la délégation de
service public, qui est parfois remise en cause dans le cadre d'une
interprétation discutable des règles d'attribution des marchés publics.
Il demeure à l'esprit de tous que le monde associatif constitue une réalité
relativement complexe et que toutes les associations ne sont pas logées à la
même enseigne.
Cependant, il importe, alors même que ce gouvernement fait du développement de
la vie associative l'une des priorités de son action, et ce à un an - ou peu
s'en faut - du centenaire de la loi de 1901, que des solutions acceptables
soient définies.
C'est à la lumière de son expérience que, par exemple, la Fédération française
des maisons des jeunes et de la culture apporte au débat une esquisse de
proposition de loi relative à l'évolution en cours, dans le droit-fil des
principes de la loi de 1901, principes de laïcité, de démocratie vivante et de
transparence dans les choix de gestion et l'activité même des structures
associatives.
Pour notre part, nous refusons d'instrumentaliser les associations pour en
faire coûte que coûte des auxiliaires de la cohésion sociale. Nous pensons
qu'il convient, dans le cadre de la réflexion qui s'engage aujourd'hui sur leur
place, leur rôle et leur devenir, de donner un écho particulier à leurs
préoccupations.
Si nous apprécions de façon positive certaines des dispositions qui sont
prises dans le cadre de cette loi de finances, nous ne pensons pas qu'il faille
faire l'économie de cette réflexion. La question du traitement fiscal n'est,
bien entendu, qu'un des éléments du dossier.
Telles sont les quelques observations que nous souhaitions faire à l'occasion
de l'examen de cet article.
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-5, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de rédiger comme suit le 2° du I de l'article 2
ter
:
« 2° Le 2 devient le 1, et est ainsi rédigé :
« 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % de leur
montant les sommes prises dans la limite de 6 % du revenu imposable qui
correspondent à des dons et versements effectués par les contribuables
domiciliés en France au sens de l'article 4 B, au profit :
«
a)
De fondations ou associations reconnues d'utilité publique ;
«
b)
D'oeuvres ou organismes d'intérêt général ayant un caractère
philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif,
familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique,
à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la
langue et des connaissances scientifiques françaises ;
«
c)
Des établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement
artistique, publics ou privés, à but non lucratif, agréés par le ministre
chargé du budget, ainsi que par le ministre chargé de l'enseignement supérieur,
ou par le ministre chargé de la culture ;
«
d)
D'organismes visés au 4 de l'article 238
bis
;
«
e)
D'associations cultuelles et de bienfaisance qui sont autorisées à
recevoir des dons et legs, ainsi que des établissements publics des cultes
reconnus d'Alsace-Moselle. »
Par amendement n° I-160, MM. Joly, Othily, de Montesquiou et Bimbenet
proposent :
I. - De rédiger ainsi le
e
du 2° du I de l'article 2
ter
:
« Après les mots : "d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général", la fin du 2
est supprimée. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de
compléter ces articles par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension à tous les
organismes d'intérêt général de la réduction d'impôt visée à l'article 200 du
code général des impôts est compensée par la majoration, à due concurrence, des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-268 M. Grignon et les membres de l'Union centriste
proposent :
I. - De compléter
in fine
le 2° du I de ce même article par un alinéa
ainsi rédigé :
« Il est complété par une seconde phrase ainsi rédigée : "Le taux de réduction
d'impôt est porté à 100 % pour les dons faits à des organisations humanitaires
participant à la lutte contre toutes les formes d'exploitation de l'individu".
»
II. - En conséquence, après le I de l'article 2
ter,
d'insérer un
paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du relèvement à 100 % du taux
de la réduction d'impôt mentionnée à l'article 200 du code général des impôts
pour les dons faits à certaines organisations humanitaires sont compensées à
due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-5.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement est, pour l'essentiel,
rédactionnel.
M. le président.
L'amendement n° I-160 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-268 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-5 ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Favorable !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-6, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose de rédiger comme suit le 4° du I de l'article 2
ter
:
« 4° Le 3 devient le 2 et son premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les fondations et associations reconnues d'utilité publique peuvent, lorsque
leurs statuts ont été approuvés à ce titre par décret en Conseil d'Etat,
recevoir des versements pour le compte d'oeuvres ou d'organismes mentionnés au
1. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui fait
suite à l'amendement n° I-5.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2
ter,
modifié.
(L'article 2
ter
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
ter
M. le président.
Par amendement n° I-159, MM. Joly, de Montesquiou, Othily et Bimbenet
proposent d'insérer, après l'article 2
ter,
un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Après le deuxième alinéa du 2° de l'article 199
septies
du code
général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Primes afférentes à des contrats d'assurance visant à constituer un
complément de retraite par capitalisation sous forme de capital ou de rente
viagère. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées à due
concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je le reprends.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-159 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le défendre.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je reprends cet amendement qui est tout à fait
opportun car il vise à élargir la réduction d'impôt prévue à l'article 199
septies
du code général des impôts en matière de primes afférentes à des
contrats d'assurance destinés à constituer un complément de retraite par
capitalisation sous forme de capital ou de rente viagère.
Il répond aux préoccupations que nous avons exprimées ici voilà quelques
semaines en matière de fonds d'épargne retraite.
Je crois que nous avons là un dispositif raisonnable, même si ses modalités
pratiques mériteraient sans doute d'être affinées.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-159 rectifié ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
La réduction d'impôt pour assurance vie a été
supprimée par les lois de finances pour 1996 et 1997 pour le cas de figure
évoqué. Je suppose qu'à l'époque vous étiez, monsieur le rapporteur général,
d'accord avec la suppression de cette disposition que vous proposez de rétablir
aujourd'hui !
Chacun sait que la souscription des contrats d'assurance vie d'une durée au
moins égale à huit ans bénéficie déjà d'un régime d'imposition très favorable,
qui se décompose en trois volets : premièrement, l'exonération de l'impôt sur
le revenu des produits capitalisés ; deuxièmement, en cas de sortie sous forme
de capital, l'exonération des sommes récupérées ; enfin, troisièmement, en cas
de sortie sous forme de rente viagère, seule une fraction de la rente
représentative des intérêts, qui est déterminée en fonction de l'âge du
crédit-rentier au moment de l'entrée en jouissance de la rente, est soumise à
l'impôt.
Ces trois dispositions nous semblent suffisantes.
Je demande le rejet de l'amendement n° I-159 modifié parce qu'il n'est pas
nécessaire de prévoir un avantage fiscal supplémentaire au moment de la
souscription du contrat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-159 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 2
ter.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° I-107 est présenté par MM. Ostermann, Braun, Cazalet,
Chaumont, Oudin et Trégouët.
L'amendement n° I-122 est déposé par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud,
de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants.
L'amendement n° I-147 est présenté par M. Hamel.
Tous trois tendent à insérer, après l'article 2
ter,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 200
ter
du code général des impôts, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art.
... - Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des
revenus des différentes catégories, les dépenses engagées par les contribuables
en vue d'améliorer leur formation professionnelle au sens du livre IX du code
du travail ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 20 % du montant des
sommes versées, retenues dans la limite de 5 000 francs par foyer fiscal. »
« II. - La perte de recettes résultant du I pour le budget de l'Etat est
compensée à due concurrence par une taxe additionnelle sur les droits visés aux
articles 575 et 575 A du CGI. »
La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° I-107.
M. Joseph Ostermann.
Le présent amendement vise à prévoir une réduction d'impôt pour encourager la
formation professionnelle prise en charge par les particuliers.
Des négociations significatives ont eu lieu dans le cadre de la mise en place
des 35 heures, en vue notamment de favoriser des projets de formation
personnels des salariés, en dehors du temps de travail.
Ces projets de formation ne seront pas systématiquement financés par
l'entreprise, en particulier lorsqu'ils répondront à des besoins personnels.
C'est la raison pour laquelle il est proposé de mettre en place une réduction
d'impôt qui permettra d'encourager l'effort de formation personnel.
Un sondage réalisé par l'IFOP au mois de septembre dernier vient de confirmer
cette aspiration des salariés. Il fait ainsi apparaître que près de quatre
salariés sur dix se montrent disposés à participer financièrement à des
formations suivies en dehors du temps de travail.
En outre, parmi les mesures d'incitation proposées, 63 % placent la réduction
d'impôt en première position, loin devant la création d'un livret d'épargne
formation (21 %) ou la création d'un prêt à taux réduit (10 %).
Il convient enfin de souligner que cette réduction d'impôt compléterait le
crédit d'impôt formation existant pour les entreprises.
M. le président.
La parole est à M. du Luart, pour défendre l'amendement n° I-122.
M. Roland du Luart.
Mon amendement va exactement dans le même sens que celui de M. Ostermann. Il
est donc inutile que je l'explicite davantage.
M. le président.
La parole est à M. Hamel, pour présenter l'amendement n° I-147.
M. Emmanuel Hamel.
Cet amendement vise le même objet que les deux amendements précédents.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je me refuse à croire que vous ne serez pas
favorable à ces amendements. En effet, les fonctions importantes que vous avez
assumées tant dans le secteur du textile que dans celui de l'industrie
hôtelière vous ont permis de comprendre que, parallèlement à l'effort accompli
par les entreprises pour la formation professionnelle, dont il faut se réjouir
et espérer qu'il viendra à s'intensifier, l'évolution du monde fait naître un
besoin personnel de formation en dehors de celle qui est proposée par
l'entreprise.
Mme Aubry a cité à l'Assemblée nationale ce sondage de l'IFOP évoqué par l'un
de nos collègues qui montre que 40 % des salariés souhaitent pouvoir,
parallèlement à la formation professionnelle proposée par l'entreprise,
entreprendre par eux-mêmes un complément de cette formation professionnelle.
Imaginez que vous travaillez dans une entreprise qui risque d'être absorbée
par un groupe étranger. Vous parlez mal l'anglais, ce que vous ne voulez pas
avouer à votre employeur. Dans l'hypothèse de l'absorption de votre entreprise
par un groupe étranger, vous éprouvez, pour conserver votre emploi, le besoin
de suivre une formation dans une langue étrangère, anglaise, allemande ou
autre.
Glissez-vous dans la peau d'un homme de quarante ans. Lorsque vous êtes sorti
d'une grande école vingt ans auparavant, on ne vivait pas encore à l'ère de
l'informatique ; il n'en était pas question. N'osant pas avouer votre
insuffisance dans le domaine des nouvelles technologies, vous souhaiteriez
recourir à titre personnel à un organisme de formation professionnelle qui vous
permettrait de pallier les insuffisances que vous n'avez pas à avouer à
l'entreprise.
Il est donc indispensable de compléter la formation professionnelle assurée
par l'entreprise par une possibilité de formation professionnelle personnelle,
permettant au salarié d'avoir individuellement recours à des organismes qui lui
dispenseront une formation.
Il est naturel d'encourager, par une légère incitation fiscale, ce désir
qu'éprouvent déjà plus de 40 % des salariés, comme le montrent de récents
sondages. En effet, compte tenu des ressources du Trésor et de l'importance des
moyens des finances publiques, que représente une incitation à ce mouvement par
ce simple avantage fiscal d'une réduction d'impôt de 20 % du total des dépenses
de formation assumées par le salarié, dans la limite de 5 000 francs ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis certain que nos amendements
correspondent à votre attente.
M. Roland du Luart.
Beau plaidoyer !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-107, I-122 et I-147
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission adhère tout à fait au raisonnement
exposé en dernier lieu par M. Hamel. Toutefois, faute de disposer d'éléments de
chiffrage, elle s'interroge sur les hypothèses qu'ont pu établir les services
de l'Etat à ce sujet.
Elle souhaite donc entendre le Gouvernement avant de se prononcer sur ces
trois amendements.
M. le président.
Quel est, dans ces conditions, l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Comment ne pas être sensible à l'admirable plaidoyer
de M. Hamel ! De nombreux salariés vivent concrètement dans leur itinéraire
professionnel les exemples qu'il a évoqués. Nous allons naturellement dans le
sens qu'il préconise.
La formation, si l'on vous suit, monsieur Hamel, est une priorité nationale.
La question se pose donc de savoir comment reprendre, en lui donnant les
prolongements qu'elle mérite, la remarquable loi de 1971 inspirée par M.
Delors, alors conseiller du Premier ministre de l'époque, M. Chaban-Delmas. Ce
texte a rendu d'immenses services à l'économie de notre pays et à notre
société.
C'est pourquoi M. le Premier ministre a chargé Mme Nicole Péry, secrétaire
d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, de mener une
réflexion d'ensemble sur le système de formation professionnelle continue afin
de l'adapter aux réalités d'aujourd'hui, compte tenu notamment de l'aménagement
et de la réduction du temps de travail, ainsi qu'aux conditions de la
compétitivité de l'économie française, car c'est bien, en fin de compte - et
peut-être même d'abord - de cela qu'il s'agit.
Après avoir pleinement approuvé les propos de M. Hamel et des auteurs de ces
trois amendements, je diverge cependant, monsieur le rapporteur général, sur
les solutions que les uns et les autres souhaitent apporter à cet ardent
problème, parce que, comme chacun de nous ici, je sais qu'en optant pour le
régime des frais réels les salariés peuvent naturellement inclure les frais de
formation dans leurs charges.
Pourquoi ajouter une strate de complexité au droit positif fiscal existant,
une strate qui serait superfétatoire puisque l'ensemble des frais occasionnés
par la formation peuvent être inclus dans les frais réels à la charge du
contribuable dans les déclarations fiscales ?
Je demande donc aux auteurs de ces trois amendements de les retirer, car ils
sont déjà satisfaits. Quoi qu'il en soit, il était bon que le Sénat manifeste -
le Gouvernement y est très réceptif - l'impératif absolu de la formation
professionnelle devant l'opinion publique à travers le
Journal officiel
de nos débats.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez répondu à ma
question en n'en parlant point : je vous demandais ce qu'une telle mesure
coûterait et, si je vous comprends bien, vous considérez qu'elle ne coûtera
rien du tout puisqu'un dispositif est déjà prévu, même s'il faut fournir des
justifications.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela ne coûtera donc pas plus cher avec le système
envisagé par nos amis, MM. Ostermann, du Luart et Hamel, mais ce sera plus
simple. Ce sera un signal, ce sera moins de paperasserie, ce sera mieux pour le
contribuable.
Il me semble donc qu'il faut adopter ces amendements...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le
rapporteur général ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vous en prie !
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat, avec l'autorisation de M. le
rapporteur général.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur général :
j'aurais dû en effet vous dire que je ne disposais pas des éléments chiffrés
dans les dossiers qui sont en ma possession à cette heure au Sénat ; mais je
m'engage à vous fournir les éléments de coût, en termes de dépenses fiscales
éventuelles, si les amendements étaient adoptés. Je le ferai dès que possible,
c'est-à-dire dans les deux jours qui viennent.
M. Emmanuel Hamel.
N'oubliez pas les rentrées fiscales induites, monsieur le secrétaire d'Etat
!
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Après avoir entendu les explications du Gouvernement,
je confirme l'avis favorable de la commission des finances.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-107, I-122 et
I-147.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, j'ai été très heureux d'entendre tout ce qui a été dit
par les auteurs de ces amendements, qui ont pris une excellente initiative.
Je constate toutefois que l'on a surtout insisté sur l'aspect économique de la
mesure proposée - et je le comprends fort bien - alors qu'il me paraît utile
d'insister sur ses aspects humains et sociaux. Si des salariés veulent
compléter leur formation, s'adapter en s'impliquant personnellement et en
organisant eux-mêmes leur formation, il me paraît nécessaire de les aider.
Cela me rappelle un peu - excusez-moi cette image d'Epinal, monsieur le
secrétaire d'Etat, vous qui avez des attaches dans cette région -...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
A Saint-Dié, pas à Epinal !
M. Jean Chérioux.
... les cours du soir qui étaient organisés sous la IIIe République : combien
de ceux qui ont alors réussi dans la vie étaient de simples élèves de l'école
publique qui ont complété leur formation eux-mêmes, en prenant sur leur temps
de loisir ?
En l'occurrence, nous pouvons faire le parallèle et, indiscutablement, je
crois que nous devons voter ces amendements, ne serait-ce que pour marquer
notre souci de leur donner un caractère tout à fait exemplaire.
M. Emmanuel Hamel.
Vous plaidez comme Philippe Séguin, mon cher collègue !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-107, I-122 et I-147,
acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 2
ter.
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - I. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article
279-0
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 279-0
bis
. - 1. Jusqu'au 31 décembre 2002, la taxe sur la
valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de
transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage
d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part
correspondant à la fourniture des équipements définis à l'article 200
quater
ou à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers.
« 2. Cette disposition n'est pas applicable :
«
a)
Aux travaux qui concourent à la production ou à la livraison
d'immeubles au sens du 7° de l'article 257 ;
«
b)
Aux travaux visés au 7°
bis
de l'article 257 portant sur
des logements sociaux à usage locatif ;
«
c)
Aux travaux de nettoyage ainsi qu'aux travaux d'aménagement et
d'entretien des espaces verts.
« 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au
propriétaire ou le cas échéant au syndicat de copropriétaires, au locataire, à
l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste
que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de
deux ans. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de
sa comptabilité. »
« II. - Au 7°
bis
de l'article 257 du code général des impôts, les
a, b
et
c
sont ainsi rédigés :
«
a)
De travaux d'amélioration mentionnés à l'article R. 323-3 du code
de la construction et de l'habitation qui bénéficient de la subvention prévue
aux articles R. 323-1 à R. 323-12 dudit code, et qui sont réalisés à compter du
1er janvier 1998 ;
«
b)
De travaux d'amélioration, de transformation ou d'aménagement,
notamment lorsqu'ils bénéficient d'un prêt mentionné à l'article R. 331-1 du
code de la construction et de l'habitation, et qui sont réalisés à compter du
1er janvier 1998 ;
«
c)
De travaux d'entretien, autres que l'entretien des espaces verts
et les travaux de nettoyage, pour lesquels le fait générateur est intervenu à
compter du 15 septembre 1999 et qui sont réalisés avant le 31 décembre 2002.
»
« III. - Le
d
du 1 de l'article 269 du code général des impôts est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, par dérogation au premier alinéa, le fait générateur de la taxe
intervient au dernier jour de chaque trimestre civil pour les livraisons à
soi-même de travaux d'entretien mentionnés au
c
du 7°
bis
de
l'article 257 effectués au cours de ce trimestre. »
« IV. - L'article 279
ter
du code général des impôts est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne s'appliquent plus aux travaux pour lesquels la facture
est émise à compter du 15 septembre 1999. »
« V. - Les dispositions du I s'appliquent aux opérations pour lesquelles une
facture a été émise à compter du 15 septembre 1999.
« VI. - 1. Dans le premier alinéa du 1 du I de l'article 199
sexies
D
du code général des impôts, l'année : "2001" est remplacée par les mots :
"1999, pour lesquelles une facture, autre qu'une facture d'acompte, a été émise
avant le 15 septembre 1999,".
« 2. L'article 200
ter
du code général des impôts est ainsi modifié
:
«
a)
Après le quatrième alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi
rédigé :
« Pour les dépenses payées à compter du 15 septembre 1999, le pourcentage
mentionné au quatrième alinéa est ramené à 5 %. Toutefois, le taux de 20 %
reste applicable aux dépenses correspondant à des factures, autres que des
factures d'acompte, émises jusqu'au 14 septembre 1999 et payées entre cette
date et le 31 décembre 1999. » ;
«
b)
Il est inséré un III ainsi rédigé :
« III. -
Les équipements qui ont bénéficié du crédit d'impôt prévu à
l'article 200
quater
sont exclus du bénéfice des dispositions des I et
II. »
« 3. Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 200
quater
ainsi rédigé :
«
Art. 200
quater
. - l. Les dépenses payées entre le 15
septembre 1999 et le 31 décembre 2002 pour l'acquisition de gros équipements
fournis dans le cadre de travaux d'installation ou de remplacement du système
de chauffage, des ascenseurs ou de l'installation sanitaire ouvrent droit à un
crédit d'impôt sur le revenu lorsque ces travaux sont afférents à la résidence
principale du contribuable située en France et sont éligibles au taux réduit de
la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 279-0
bis.
« Un arrêté du ministre chargé du budget fixe la liste des équipements ouvrant
droit au crédit d'impôt.
« 2. Pour une même résidence, le montant des dépenses ouvrant droit au crédit
d'impôt ne peut excéder au cours de la période définie au premier alinéa du 1
la somme de 20 000 francs pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et
de 40 000 francs pour un couple marié soumis à imposition commune. Cette somme
est majorée de 2 000 francs par personne à charge au sens des articles 196 à
196 B. Cette majoration est fixée à 2 500 francs pour le second enfant et à 3
000 francs par enfant à partir du troisième.
« Le crédit d'impôt est égal à 15 % du montant des équipements figurant sur la
facture de l'entreprise ayant réalisé les travaux.
« Il est accordé sur présentation des factures, autres que les factures
d'acompte, des entreprises ayant réalisé les travaux et comportant, outre les
mentions prévues à l'article 289, l'adresse de réalisation des travaux, leur
nature ainsi que la désignation et le montant des équipements.
« Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre de
l'année au cours de laquelle les dépenses ont été payées, après imputation des
réductions d'impôt mentionnées aux articles 199
quater
B à 200, de
l'avoir fiscal, des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non
libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué.
« 3. Lorsque le bénéficiaire du crédit d'impôt est remboursé dans un délai de
cinq ans de tout ou partie du montant des dépenses qui ont ouvert droit à cet
avantage, il fait l'objet, au titre de l'année de remboursement, d'une reprise
égale à 15 % de la somme remboursée, dans la limite du crédit d'impôt
obtenu.
« Toutefois, la reprise d'impôt n'est pas pratiquée lorsque le remboursement
fait suite à un sinistre survenu après que les dépenses ont été payées. »
« VII. - 1. Au
h
du II de l'article 1733 du code général des impôts,
les mots : "au crédit d'impôt prévu à l'article 200
ter
" sont remplacés
par les mots : "aux crédits d'impôt prévus aux articles 200
ter
et 200
quater
".
« 2. A l'article 1740
quater
du code général des impôts, les mots : "et
200
ter
" sont remplacés par les mots : ", 200
ter
et 200
quater"
. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet
article 3 constitue, à l'examen, la mesure la plus significative de ce projet
de loi de finances.
J'observerai d'abord que, dans son économie générale, le présent article n'a
pas éveillé parmi les membres de la majorité sénatoriale de préoccupation
particulière, alors même que vous nous aviez gratifiés, mes chers collègues,
voilà quelques années - c'était à l'été 1995, pour être précise - d'une
majoration du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée.
Je crois qu'il faut savoir gré au Gouvernement d'avoir mené une démarche
tenace et pugnace pour obtenir de la Commission européenne et de nos
partenaires européens la possibilité de nous proposer cette réduction du taux
normal de la taxe sur la valeur ajoutée sur les travaux dans les logements.
Pour autant, on doit se poser la question de savoir si toute démarche de
réforme fiscale en matière de droits indirects doit nécessairement passer par
l'avis de la Commission européenne, qui deviendrait, en quelque sorte, une
sorte de « commission de censure », à l'instar de celle qui existait jadis en
matière de création cinématographique et qui nous priva, dans le cadre de ses
décisions, de quelques oeuvres majeures.
Voilà qui nous ramène au débat, désormais assez récurrent, sur l'harmonisation
fiscale dans le cadre de la construction européenne, harmonisation fiscale qui
tend assez souvent à nier les principes d'indépendance des différents pays
membres de l'Union et qui pose le problème du dumping fiscal auquel se livrent
certains Etats.
Nous aurons d'ailleurs cette année un débat sur cette question, avec l'article
24
quinquies
et les effets qui devraient en découler.
Pour autant, pour en revenir à l'article 3, nous pouvons nous féliciter de la
situation nouvelle ainsi créée.
Il sera bien temps, l'an prochain par exemple, de faire le point sur la portée
réelle de la mesure préconisée, mais nous pouvons d'ores et déjà indiquer sur
quels points nous serons, en ce qui nous concerne, attentifs.
Tout d'abord, la baisse du taux de la taxe sur la valeur ajoutée va-t-elle
conduire à une relance de l'activité générale du secteur concerné et l'effet
base va-t-il, dans les faits, contrebalancer l'effet taux ? En clair, la mesure
va-t-elle effectivement permettre au secteur du bâtiment, et singulièrement aux
activités de second oeuvre, de contribuer à la poursuite de la croissance
économique ?
Ensuite, devons-nous attendre de la mesure une relance de la création
d'emplois dans le secteur, alors même que la plupart des entreprises concernées
sont de petite taille et sont donc très étroitement dépendantes de la demande
réelle ?
Peut-on mesurer les effets concrets de ces créations d'emplois en tenant
compte, notamment, du coût relativement élevé du chômage pour les comptes
publics de manière générale ?
Nous rappellerons que l'on estime généralement qu'un travailleur privé
d'emploi pèse pour 120 000 francs annuels en moins-value de recettes sur les
comptes de l'Etat ou des organismes sociaux et que, par exemple, 20 000 ou 30
000 créations d'emplois procureraient plus de 3 milliards de francs de recettes
nouvelles à ce titre, réduisant d'autant le coût fiscal brut de la mesure
préconisée.
Enfin, cette disposition, au-delà de sa pertinence, ne peut et ne doit pas
nous faire oublier la nécessité de mener concurremment une politique volontaire
de réduction du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée.
Ce taux majoré de 20,6 % est, de notre point de vue, une forme de survivance
d'un passé certes récent, mais néanmoins passé, et il importe, alors même que
notre pays a retrouvé le chemin de la croissance économique et satisfait
largement les critères concernant l'état de ses comptes publics, de remettre en
question cette situation dont font les frais, en dernière instance, nos
concitoyens dès lors qu'ils sont consommateurs et contribuables, et notre
économie, qui continue à souffrir d'un déficit de croissance lié à l'existence
d'un tel taux.
Tel doit être notre objectif, objectif auquel les règles de l'harmonisation
fiscale européenne ne s'opposent d'ailleurs pas, notre taux normal étant
supérieur tant aux préconisations en la matière qu'au taux moyen observé dans
les autres pays de l'Union.
Nous avons précédemment indiqué, dans la discussion de l'article 2, que la
réduction de notre fiscalité indirecte demeurait à l'ordre du jour au même
titre que l'amélioration de notre système de prélèvements directs. Il convenait
de le rappeler ici.
Nous voterons en l'état l'article 3 - nous préférerions d'ailleurs qu'il n'y
soit pas apporté de modification - mais nous gardons en vue cette perspective
de la nécessaire modération du taux normal.
M. le président.
Sur l'article, la parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il
y a un an, le débat que nous avions eu sur la TVA ne nous avait pas satisfaits.
En effet, il ne nous avait pas toujours permis de savoir ce que Bruxelles
permettait, ni, lorsque Bruxelles ne permettait pas, si le Gouvernement était
disposé à engager une demande de révision des règles communautaires.
Il est donc apparu utile d'établir une sorte d'état de l'eurocompatibilité,
afin que nul ne puisse imputer à l'Europe des choix qui relèveraient simplement
d'arbitrages franco-français.
Le rapport que la commission des finances m'a confié sur ce sujet pour
préparer notre débat -
Peut-on baisser la TVA ?
- n'a été contesté,
semble-t-il, par personne.
(L'orateur brandit le rapport.)
Il nous offre
donc un guide qui rappelle la liste des produits et services pouvant
aujourd'hui bénéficier d'un taux réduit de TVA dans les pays de l'Union qui en
ont fait la demande. Il analyse aussi les difficultés d'interprétation qui
apparaissent à la lecture de l'annexe H et il décrit la doctrine actuelle de
votre administration, monsieur le secrétaire d'Etat, à leur sujet. Enfin, il
rappelle que, même si la Commission est désormais consciente, grâce notamment à
nos travaux, des inconvénients d'une adoption prématurée d'un régime commun de
TVA, elle continue à être réservée face à toute demande de révision de cette
annexe, au motif que celle-ci reste précisément attachée à un régime qu'elle
veut considérer comme transitoire.
Pour modifier cette situation, la Commission a donc jusqu'ici toujours
privilégié le recours à l'article 28 de la directive, qui permet l'instauration
de mesures transitoires. C'est ainsi cette voie qui fut utilisée il y a deux
ans pour l'horticulture et c'est aussi par ce canal qu'a été lancée cette année
une expérimentation - j'insiste sur ce mot - permettant de faire passer au taux
réduit des services à forte intensité de main-d'oeuvre.
Cette expérimentation devrait s'étaler sur trois ans pour apprécier
concrètement l'effet de telles mesures : leur coût, leur impact en emplois ou
la réduction de l'économie souterraine. Au terme de ce délai, il serait proposé
une révision de l'annexe H, que la Commission accepterait alors.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous avions demandé de faire prévaloir à
Bruxelles l'idée selon laquelle la directive régissant cette expérimentation
devrait s'appuyer sur des critères permettant qu'elle soit la plus large
possible pour qu'elle soit la plus intéressante possible. Or c'est finalement
une liste limitative de services qui a été retenue, et vous n'avez pu obtenir
que la restauration figure dans cette liste.
Je regrette ces deux décisions : le fait qu'une liste ait été retenue et non
pas des critères, et l'absence de la restauration au sein de cette liste.
S'agissant de ce second point, il est très regrettable que vous n'ayez pas
saisi l'occasion qui vous était offerte. En effet, des problèmes évidents se
posent compte tenu des différents traitements qui sont apportés à la
restauration traditionnelle, à la restauration collective, à la restauration
rapide et à la livraison de plats cuisinés par les traiteurs. Ces distorsions
de situation sont d'autant moins supportables et explicables que l'écart entre
taux normal et taux réduit, maximal en France puisqu'il dépasse quinze points,
rend plus aigus les problèmes.
En ne faisant pas figurer la restauration dans la liste des services pouvant
bénéficier de l'expérimentation, vous avez choisi d'ignorer la réalité du
problème et vous avez découragé un secteur pourtant riche en emplois, essentiel
pour l'économie et pour le bien-être du pays. Il sera difficile, maintenant, de
revenir sur l'exclusion de la restauration de cette liste.
En demandant et en obtenant l'inscription de la restauration sur cette liste,
vous auriez, au contraire, rendu considération et espoir à toute une
profession, sans - j'y insiste, monsieur le secrétaire d'Etat - être pour
autant obligé d'aligner immédiatement l'ensemble des formes de restauration sur
le taux minimal de TVA de 5,5 %, ce pour quoi vous nous disiez ne pas disposer
des moyens budgétaires nécessaires. En effet, dans un premier temps, vous
auriez pu simplement ramener le taux de TVA frappant la restauration
traditionnelle à un second taux réduit, fixé par exemple à 14 %. Une demande de
second taux est parfaitement présentable et recevable ! Le coût de la mesure
aurait alors été beaucoup plus supportable, et les difficultés réelles
rencontrées dans ce secteur seraient, elles aussi, devenues moins
insupportables.
Aujourd'hui, nombre de nos collègues ont déposé des amendements tendant à
réduire le taux de TVA pesant sur la restauration traditionnelle ou seront
tentés de le faire, et ils ont raison de dénoncer une situation qui est
effectivement anormale.
Vous allez leur répondre que leurs amendements ne sont pas compatibles avec la
réglementation européenne et, vous aussi, vous aurez raison en disant cela.
Leurs amendements ne sont effectivement pas recevables aujourd'hui, mais ce
n'est pas la faute de Bruxelles. Au conseil ECOFIN du 8 octobre dernier, ce fut
votre choix.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne pouvais évidemment pas signer
d'amendement non « eurocompatible », et je ne l'ai donc pas fait. Je vous
demande cependant de tout mettre en oeuvre, aujourd'hui, pour que cette
situation soit modifiée sur le fond. L'Europe, c'est non pas Bruxelles, mais
d'abord nous ! Vous avez laissé passer une occasion sur laquelle nous avions
pourtant vivement attiré votre attention tout au long de l'été dernier, et ce
encore quelques jours avant le 8 octobre dernier. Il vous appartient maintenant
de provoquer dès que possible une réouverture du dossier. Ce sera, bien
entendu, plus difficile ; mais il est bien de votre responsabilité de le faire
afin que la France puisse faire évoluer la situation dans ce secteur.
La responsabilité de l'Europe, c'est d'abord la responsabilité de chaque
capitale de l'Union européenne.
Plus généralement, nous approuvons évidemment le principe des dispositions
proposées pour ce qui concerne les services à domicile et les travaux dans le
secteur du bâtiment, tout en regrettant, dans ce dernier cas, la complexité du
dispositif.
Je ne citerai qu'un seul exemple tout à fait particulier mais très illustratif
à cet égard : les congrégations religieuses se feraient répondre aujourd'hui
par vos services que les monastères ne peuvent pas être considérés comme des
locaux d'habitation !
(Sourires.)
J'espère, monsieur le secrétaire
d'Etat, que vous ferez très vite rectifier ce qui résulte, à l'évidence, d'une
méconnaissance des monastères !
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en vous présentant ces
quelques réflexions générales, j'avais pour seule ambition de clarifier notre
débat et, si possible, de l'éclairer.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste.)
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-128, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud,
de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants, et l'amendement n° I-267, déposé par MM. Delong, Oudin, Braun,
Cazalet, Chaumont, Gaillard, Joyandet, Ostermann, Trégouët, Lassourd, Leclerc,
Braye, Murat, Le Grand, sont identiques.
Tous deux tendent :
I. - Dans le 1 du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article 279-0
bis
du code général des impôts, après les mots : « à usage d'habitation
», à insérer les mots : « ou professionnel ».
II. - En conséquence, dans le dernier alinéa du 3 du texte proposé par le I de
l'article 3 pour l'article 279-0
bis
du code général des impôts, après
les mots : « d'habitation », à insérer les mots : « ou professionnel ».
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, à
compléter l'article 3 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension du bénéfice
du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée visé à l'article 279-0
bis
aux travaux d'amélioration des locaux à usage professionnel, est
compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-270, MM. Fréville, Amoudry, Branger et Baudot proposent
:
I. - Dans le 1 du texte présenté par l'article 3 pour l'article 279-0
bis
du code général des impôts, après les mots : « à usage d'habitation
», d'insérer les mots : « et professionnels ».
II. - En conséquence, d'insérer après le I de l'article 3 un paragraphe ainsi
rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension de
l'avantage fiscal prévu au I du présent article aux locaux professionnels est
compensée par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. du Luart, pour défendre l'amendement n° I-128.
M. Roland du Luart.
Cet amendement vise à étendre aux locaux à usage professionnel l'application
du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée décidée le 15 septembre dernier
pour les logements ayant plus de deux ans.
Une telle extension n'entre théoriquement pas dans le champ de la nouvelle
directive européenne. Nous tenons néanmoins à attirer l'attention du
Gouvernement sur la spécificité des professions libérales. C'est ce qui motive
le dépôt de cet amendement.
Je souhaite insister sur deux points.
Tout d'abord, les professionnels libéraux dont les activités ne sont pas
assujetties au régime de la TVA et qui, de ce fait, n'ont pas la possibilité,
comme d'autres professionnels, de la récupérer, doivent pouvoir bénéficier de
la baisse de la TVA sur les travaux immobiliers concernant leurs locaux
professionnels.
Par ailleurs, ces locaux professionnels étant souvent situés dans des
immeubles d'habitation, il s'ensuit une situation complexe, en particulier
lorsque des travaux sont engagés dans les parties communes. Il serait donc plus
simple d'harmoniser le dispositif.
Une telle extension favoriserait bien évidemment la création d'emplois, compte
tenu de la forte intensité de main-d'oeuvre du secteur du bâtiment.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-267.
M. Jacques Oudin.
Afin que ne soient pas oubliés les professionnels libéraux, cet amendement
vise à étendre aux locaux à usage professionnel l'application du taux réduit de
la TVA.
Ces professionnels dont les activités ne sont pas assujetties au régime de la
TVA, et qui ne peuvent donc récupérer cette dernière doivent pouvoir bénéficier
de la TVA pour les travaux immobiliers concernant leurs locaux
professionnels.
M. le président.
La parole est à M. Fréville, pour défendre l'amendement n° I-270.
M. Yves Fréville.
Notre collègue Roland du Luart a parfaitement dessiné les contours de ces
amendements qui ont le même objectif : assimiler les locaux professionnels aux
locaux d'habitation pour l'application du taux réduit de la TVA.
Une telle mesure présenterait à nos yeux quatre avantages, qui ont d'ailleurs
été partiellement exposés.
Tout d'abord, en matière d'emploi, il n'y a aucune différence entre la
réfection d'un logement privé et celle d'un local professionnel. Par
conséquent, la disposition proposée permettrait d'atteindre parfaitement
l'objectif essentiel du Gouvernement, à savoir la création d'emplois.
Par ailleurs, notre amendement vise uniquement des professionnels qui ne sont
pas assujettis à la TVA et qui ne bénéficient donc d'aucun autre système de
récupération possible.
En outre, il tend à introduire une simplification dans le droit fiscal. Le
centre de Rennes, dont je suis originaire, a été détruit en 1720 par un
incendie et se compose aujourd'hui de 10 000 logements en copropriété.
L'imbrication des locaux professionnels et des locaux d'habitation y est telle
qu'une application stricte du texte qui nous est proposé engendrerait une
complexité des récupérations de charges contraire à l'objectif de
simplification que poursuit le Gouvernement.
Enfin, certaines professions libérales ne bénéficient pas - nous reviendrons
sur ce point - de la réduction consentie au titre de la part « salaires » sur
la taxe professionnelle. Or, il ne faut à mon avis pas systématiquement refuser
des avantages fiscaux à ces professions.
M. Roland du Luart.
Très bien !
(M. Guy Allouche remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-128, I-267 et I-270
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La directive du Conseil de l'Union européenne du 22
octobre 1999 permet l'application de la TVA à taux réduit pour une série de
services à haute intensité de main-d'oeuvre, dont la rénovation et la
réparation de logements privés. Ce ne sont donc pas des locaux
professionnels.
J'ai cru comprendre - mais il importe que le Gouvernement nous le précise -
que, dès lors qu'un logement était d'usage mixte, il fallait prendre en compte
la majorité de la surface : si cette dernière est destinée à l'exercice
professionnel, c'est le taux normal qui s'applique ; si elle est destinée à
l'usage d'habitation, c'est alors le taux réduit qui s'applique.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Exactement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Sous réserve d'une confirmation de M. le secrétaire
d'Etat, la question des professions libérales devrait à mon avis pouvoir être
traitée. En effet, de nombreux membres des professions libérales utilisent une
partie de leur appartement pour leurs besoins professionnels et une autre
partie - en général, la majorité de la surface - pour les besoins d'habitation
familiale.
La commission des finances souhaiterait donc entendre M. le secrétaire d'Etat
avant de se prononcer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-128, I-267 et I-270
?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, ces trois amendements
convergent pour étendre l'application du taux réduit de TVA aux travaux portant
sur les locaux professionnels. Je ferai d'abord une réponse de principe, puis
une réponse plus affinée à l'intention des divers intervenants.
En vérité, la mesure proposée aurait peu d'impact sur une situation qui répond
déjà assez largement à vos interrogations, messieurs les sénateurs.
Les entreprises soumises à la TVA peuvent déduire, dans des conditions de
droit commun, la taxe facturée. Il n'y a pas de problème. Une baisse du taux de
la taxe serait donc sans effet dans cette hypothèse puisque, par définition,
elle est déductible.
Les entreprises non soumises à la TVA, notamment certaines professions
libérales, pourront déduire de leurs bénéfices le montant toutes taxes
comprises des travaux, ce qui annule l'effet de la TVA. Mais surtout,
l'application du taux réduit de la TVA aux travaux autres que la construction
ou la reconstruction portant sur des locaux à usage d'habitation achevés depuis
plus de deux ans s'inscrit dans le cadre - plusieurs sénateurs l'ont
excellemment indiqué - de la directive européenne du 22 octobre 1999, qui
autorise les Etat membres à appliquer à titre expérimental et pendant une durée
limitée, jusqu'au 31 décembre 2002 - je dois le souligner, car cela est
rarement évoqué - un taux réduit de TVA sur les services à forte intensité de
main-d'oeuvre.
C'est là que survient dans la discussion une difficulté à laquelle nous avons
été confrontés et que j'évoquerai avec franchise devant vous : nos partenaires
de l'Unon européenne et nous-mêmes avons dû établir une liste des services
susceptibles de bénéficier de cette mesure. Cette liste a été difficile à
élaborer, et il a été impossible d'y inclure à la fois, par exemple, la
restauration, évoquée par certains d'entre vous, et les travaux dans les
logements.
Il a d'abord été difficile de convaincre nos partenaires de prendre une mesure
de baisse du taux de la TVA. Et nous ne les avons amenés à cette concession sur
les positions françaises - c'était déjà, à mon sens, remarquable - qu'en
acceptant une liste très limitative.
Il s'agit donc bien d'un compromis politique entre des Etats membres qui
n'avaient ni la même vision de la baisse de la TVA ni la même volonté que nous
d'aller assez loin dans ce domaine pour favoriser l'activité économique.
Nous avons littéralement arraché une mesure favorable aux logements et aux
travaux relatifs aux logements.
Pourquoi l'avons-nous fait ? Comme l'indique le rapport qui vous est soumis,
parce que la conséquence d'une telle mesure en terme d'emploi dans notre pays
est tout à fait significative : selon la direction de la prévision, 33 000
emplois nets nouveaux à durée indéterminée dans quelques années ; selon la
Fédération française du bâtiment, 60 000 emplois ; selon la Confédération de
l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, 45 000 emplois ; enfin,
selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, 36 400 emplois.
Il ressort clairement de toutes les études que cette mesure joue un rôle
positif et dynamique pour l'emploi. D'ailleurs, personne ne songe ici à le
contester, même si l'on peut remarquer au passage que les évolutions
économétriques varient quand même de quelques dizaines de milliers d'emplois
créés, ce qui ne laisse pas d'être inquiétant pour la science dont M. le
rapporteur général et moi-même sommes des tenants : nous sommes économistes, et
nous devons être modestes dans l'évaluation des conséquences sur l'emploi des
mesures que nous prenons...
J'apporterai maintenant plusieurs précisions.
Monsieur le rapporteur général, en réponse à votre question, je vous confirme
que la mesure s'applique au prorata de la part des immeubles consacrés au
logement. C'est bien clair.
Une instruction du 15 septembre 1999 précise que, dans les locaux mixtes,
c'est-à-dire qui sont consacrés à la fois à l'habitation et à l'exercice d'une
activité professionnelle, la TVA de 5,5 % est de règle lorsque la surface
consacrée à l'habitation est supérieure à 50 % de la surface totale du local.
Je précise également à l'intention de M. Badré que les monastères sont bien des
locaux d'habitation et qu'ils seront donc désormais traités comme tels.
Compte tenu de toutes ces précisions, de la satisfaction globale qui a été
exprimée à l'égard des autres baisses de la TVA et de la perspective de ce que
nous allons entreprendre ensemble grâce à cette baisse d'impôt en faveur de
l'emploi, je demande aux auteurs des amendements n°s I-128, I-267 et I-270 de
bien vouloir les retirer, faute de quoi je demanderai au Sénat de voter
contre.
M. le président.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur ces trois amendements
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'ai été heureux d'entendre les réponses de M. le
secrétaire d'Etat qui me semblent fort claires et qui amènent la commission des
finances à souhaiter également le retrait de ces trois amendements.
J'aimerais cependant obtenir une précision de la part de M. le secrétaire
d'Etat, après la réponse qu'il a apportée aux propos de M. Badré concernant les
monastères et dont je me réjouis : pourriez-vous nous confirmer, monsieur le
secrétaire d'Etat, que les internats des établissements d'enseignement seront
traités de la même manière que les monastères ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je confirme naturellement, afin que cela figure au
Journal officiel,
que tout ce qui est destiné à l'habitation est un
local d'habitation : les internats, comme les monastères - qui sont d'ailleurs
des formes d'internat
(Sourires)
- doivent donc être inclus dans le
concept de local d'habitation, monsieur le rapporteur général.
M. le président.
Monsieur Clouet, l'amendement n° I-128 est-il maintenu ?
M. Jean Clouet.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-267 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-267 est retiré.
M. le président.
Monsieur Fréville, l'amendement n° I-270 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville.
Monsieur le président, compte tenu des précisions très intéressantes apportées
par M. le secrétaire d'Etat, je le retire.
J'ajoute simplement qu'il faut retenir non seulement les internats, mais
également les maisons de retraite à statut privé et les foyers-logements.
Mais nous reprendrons sans doute tout à l'heure la discussion sur les parties
communes, car le problème n'est pas encore résolu.
M. le président.
L'amendement n° I-270 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-128, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-7, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose :
I. - Dans le premier alinéa (1) du texte présenté par le I de l'article 3 pour
l'article 279-0
bis
du code général des impôts, après les mots : « des
locaux à usage d'habitation », d'insérer les mots : « ou des parties communes
d'immeubles comportant, à concurrence de la moitié au moins de leur superficie
totale, des locaux affectés à un usage d'habitation, » ;
II. - De compléter la première phrase du sixième alinéa (3) du texte proposé
par le I de l'article 3 pour l'article 279-0
bis
du code général des
impôts par les mots : « ou à des parties communes d'immeubles comportant, à
concurrence de la moitié au moins de leur superficie totale, des locaux
affectés à un usage d'habitation ».
III. - Pour compenser les pertes de recettes résultant des dispositions du I
et du II ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel
ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension du
dispositif de TVA à taux réduit aux travaux d'amélioration, de transformation,
d'aménagement et d'entretien portant sur les parties communes d'immeubles
comportant, à concurrence de la moitié au moins de leur superficie totale, des
locaux affectés à un usage d'habitation, est compensée à due concurrence par la
majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement vise à simplifier l'application de ce
nouveau régime aux immeubles collectifs en copropriété.
En effet, l'instruction du 14 septembre dernier, prise par anticipation avant
l'adoption de la loi de finances pour 2000, comporte une section relative aux
parties communes des immeubles collectifs. Les travaux sur lesdites parties
communes peuvent bénéficier du taux réduit de TVA seulement à proportion des
locaux affectés à l'habitation, selon le principe qui a été rappelé tout à
l'heure par M. le secrétaire d'Etat.
Or, les règlements de copropriété ne permettent pas aux syndics de copropriété
de connaître exactement l'usage de chaque logement dans l'immeuble. Il faudra
donc que chaque propriétaire de lot indique au syndic, par une déclaration
spécifique, l'usage réel, professionnel ou d'habitation, qu'il fait de son
lot.
Cela crée des difficultés.
En premier lieu, les copropriétaires, dans le régime légal actuellement en
vigueur, n'ont pas l'obligation de donner cette information. En second lieu, la
loi du 10 juillet 1965, en son article 10 en particulier, fixe des règles
spécifiques de participation des copropriétaires aux charges de l'immeuble qui
ne se concilient pas avec les critères retenus pour l'application du taux
réduit de TVA.
En conséquence, notre amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, a pour objet
de spécifier que, s'agissant de l'application du taux réduit de TVA aux travaux
réalisés dans les parties communes des immeubles collectifs, le taux réduit
s'appliquera aux travaux réalisés dans les immeubles affectés, au moins pour
moitié, à un usage d'habitation.
Nous recommandons de transposer au niveau de l'ensemble de l'immeuble la règle
que vous nous avez confirmée pour chaque logement privatif. En effet, lorsqu'un
local est pour plus de la moitié de sa surface affecté à usage d'habitation, il
est considéré comme affecté en totalité à un usage d'habitation, cela dans un
but de simplification.
Aux termes de cette règle, pour les copropriétés, on analyserait la situation
de chaque lot : si la majorité de la superficie du lot est consacrée à
l'habitation, on retiendra la totalité des tantièmes affectés au lot. On
procéderait ainsi lot par lot pour définir une répartition des tantièmes entre
locaux à usage d'habitation et locaux professionnels : s'il y a un tantième de
plus pour les premiers par rapport aux seconds, on considérera que la totalité
des travaux sur les parties communes de l'immeuble doit être assujettie au taux
réduit de TVA à 5,5 %.
Telle est la mesure de simplification que propose la commission des
finances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement considère que l'amendement de M.
Mariani est satisfait.
Je remercie d'ailleurs M. le rapporteur général de m'avoir posé ces questions
qui vont me permettre de bien préciser l'application des dispositions dont je
rappelle qu'elles sont en vigueur depuis le 15 septembre 1999 pour le taux
réduit de TVA à 5,5 %.
Tout d'abord, s'agissant des travaux réalisés sur les parties communes,
l'instruction ministérielle du 14 septembre dernier, qui a commenté cette
disposition, précise que le taux réduit s'applique à hauteur de la quote-part
des parties communes afférentes à des locaux à usage d'habitation.
Une concertation a été engagée avec les représentants des syndics et des
administrateurs de biens. Il a été décidé, à la suite de cette concertation,
que le taux réduit s'appliquera à l'ensemble des travaux portant sur les
parties communes, dès lors qu'au moins 50 % des tantièmes généraux de la
copropriété sont affectés à l'usage d'habitation. Cette avancée répond à votre
demande, monsieur le rapporteur général.
Par ailleurs, je souligne que la directive communautaire adoptée le 22 octobre
dernier et servant de fondement à la baisse de taux vise les travaux de
rénovation et de réparation des seuls logements privés.
Enfin, il est vrai qu'il subsiste une difficulté pour les immeubles où moins
de 50 % des locaux seraient à usage d'habitation. Dans cette situation, une
lecture stricte du texte de votre amendement pourrait conduire à considérer que
les travaux effectués sur les parties communes de ces immeubles devraient être
en totalité soumis au taux normal de la TVA. Je ne pense évidemment pas que ce
soit votre intention ; ce n'est pas non plus celle du Gouvernement.
Je vous propose donc de prendre acte des précisions que je vous apporte et qui
seront développées dans une instruction dont M. Sautter a indiqué le 23
novembre qu'elle serait publiée très prochainement. Il a été décidé « de
retenir une règle qui permet d'appliquer sans difficulté la baisse de TVA sur
les travaux réalisés dans les parties communes, par exemple les travaux de
ravalement ou les travaux de réfection d'usage d'escalier des immeubles situés
en copropriété. Dès lors que l'immeuble comprend plus de 50 % de locaux à usage
d'habitation, les travaux réalisés dans les parties communes relèveront en
totalité du taux réduit de 5,5 % de TVA. Cette règle est d'application
immédiate. Des règles pratiques ont été définies en concertation avec les
professionnels pour les immeubles qui comprennent moins de 50 % de locaux
d'habitation et pour les travaux d'urgence ».
Vous m'avez interrogé sur d'autres difficultés relatives aux copropriétés. Une
commission constituée en 1987 auprès du garde des sceaux a été chargée
d'étudier tous les problèmes de la copropriété. Le Gouvernement a saisi cette
commission de la compatibilité de cette disposition avec la loi de 1965. Elle a
conclu que l'application du taux réduit aux parties communes des copropriétés
relatives aux locaux occupés comme logements ne posait aucun problème par
rapport à la loi de 1965.
Munis de cette dernière précision et des autres que je viens d'énoncer, je
crois que vous avez satisfaction et que l'ensemble des personnes qui
accompliront des travaux de transformation, d'aménagement et d'entretien dans
les locaux d'habitation disposeront ainsi d'un cadre juridique clair qui leur
permettra de les engager rapidement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-7 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'ai cru comprendre que le dispositif permettant de
clarifier le statut fiscal des travaux touchant les parties communes des
copropriétés sera intégré dans une instruction rectifiée, venant donc compléter
celle du 14 septembre dernier.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Compte tenu des assurances données par M. le
secrétaire d'Etat, je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-7 est retiré.
Par amendement n° I-269, MM. Hyest, Fréville et Branger proposent :
I. - Dans le 1 du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article 279-0
bis
du code général des impôts, après les mots : « depuis plus de deux
ans, » d'insérer les mots : « et sur les prestations d'études ou de maîtrise
d'oeuvre fournies directement aux consommateurs finaux correspondant à ces
travaux » ;
II. - En conséquence, après le I de l'article 3, d'insérer un paragraphe
additionnel ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour le budget de l'Etat de l'extension
de l'avantage fiscal prévu au I du présent article aux prestations d'études ou
de maîtrise d'oeuvre fournies directement aux consommateurs finaux des travaux
est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Il s'agit d'inclure les prestations d'études et de maîtrise d'oeuvre fournies
directement aux consommateurs finaux dans l'assiette des travaux qui
bénéficient du taux réduit de TVA.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je suis assez perplexe... Effectivement, s'agissant
de travaux d'une certaine ampleur, en principe la présence du maître d'oeuvre
ou de l'architecte sur le chantier est indispensable pour les mener à bien. Je
serais donc heureux d'entendre l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Là aussi, il convient d'être précis. La mesure,
expérimentale jusqu'en 2002, je le rappelle, qui a été autorisée par la
directive vise les travaux eux-mêmes et non pas les prestations telles que
celles des architectes, qui se situent en amont des travaux. L'application du
taux réduit de TVA aux honoraires des architectes ou des maîtres d'oeuvre
serait dès lors contraire au droit communautaire.
Par ailleurs, il n'y a aucune distortion de concurrence au détriment des
architectes car leurs prestations et leur savoir-faire ne sont pas concurrencés
par le service que peut rendre directement l'entrepreneur.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je suis un peu surpris car les prestations des
architectes ne se situent pas seulement en amont des travaux. Un architecte
doit en principe être sur le chantier, lui ou ses délégués, pour vérifier que
tout va bien et pour coordonner les corps de métiers.
Au demeurant, qu'en est-il des prestations intervenant dans le cours des
travaux, par exemple celles d'un architecte d'intérieur ou d'un décorateur ? Il
s'agit non plus de l'amont, mais du chantier lui-même. Comment traitez-vous les
prestations du décorateur, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Nous entendons favoriser les travaux à forte intensité
de main-d'oeuvre. Ces deux critères ne peuvent manifestement pas s'appliquer
aux professions d'architecte ou de maître d'oeuvre, qu'elles interviennent en
amont des travaux ou pendant ceux-ci. Leur rôle se distingue des travaux
eux-mêmes.
M. le président.
Quel est finalement l'avis de la commission, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je ne suis pas très convaincu par l'argumentation de
M. le secrétaire d'Etat. La commission, qui avait examiné rapidement, il est
vrai, cet amendement, qui figurait parmi les deux cent cinquante qui avaient
été déposés, avait émis un avis défavorable. Je dois le dire pour la clarté de
nos débats.
Cela dit, compte tenu des explications de M. Fréville et de M. le secrétaire
d'Etat, à titre personnel, sans que cela change les orientations arrêtées en
commission, j'aurais plutôt tendance à m'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-269.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville.
Notre discussion montre que cet amendement a un certain bien-fondé et que
l'accessoire doit suivre le principal. Au moment où nous parlons toujours de
problèmes de sécurité, quand on doit procéder à un ravalement sur un immeuble
du xviiie siècle, il est essentiel que les architectes des monuments
historiques soient présents.
Outre cette préoccupation de la sécurité qui nous anime, notre souci est de
simplifier notre régime fiscal. Or, là, nous risquons fort de le compliquer
encore.
Monsieur le rapporteur général, nous souhaitions, s'agissant des travaux sur
les parties communes, simplifier leur régime en prévoyant un taux différent
selon les locaux, à usage professionnel ou à usage d'habitation. Mais les
syndics nous ont dit la difficulté qu'ils auraient à gérer deux taux de TVA.
Or, je m'aperçois que maintenant, par le biais de ces prestations d'études et
de maîtrise d'ouvrage, nous allons recréer les difficultés techniques
d'application que nous pensions avoir éliminées avec les simplifications que M.
le secrétaire d'Etat a fait valoir.
Cet argument de simplification me conduit à maintenir cet amendement.
M. Denis Badré.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré.
Mes chers collègues, vous avez pu constater que je n'ai pas cosigné cet
amendement, pourtant présenté par des membres de mon groupe, et ce pour rester
fidèle au principe que j'ai rappelé voilà quelques instants dans mon
intervention liminaire : en tant que rapporteur de la commission des finances
sur l'eurocompatibilité, il m'était assez difficile de signer des amendements
que j'aurais jugés non eurocompatibles.
Cela étant dit, les arguments que notre collègue M. Yves Fréville vient de
présenter m'ébranlent. Je pense, et je suppose que M. le secrétaire d'Etat est
d'accord avec moi, que l'annexe H exclut ce type de passage au taux réduit dans
le cas retenu par l'amendement. En revanche, dans le cadre de la directive, on
est vraiment aux limites. Comme cette mesure ne coûterait pas trop cher, et
puisqu'elle améliorerait la clarté de l'ensemble du dispositif, je voterai
l'amendement I-269.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-269, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-241, MM. Darcos, Oudin, Braun, Cazelet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann, Tregouët et Lassourd proposent :
I. - De compléter
in fine
le 1 du texte présenté par le I de l'article
3 pour l'article 279-0
bis
du code général des impôts par les mots : «
n'ayant pas qualité d'immeubles par destination, ainsi que sur les travaux de
fabrication, d'installation, d'amélioration de transformation et d'aménagement
relatifs à des équipements ayant qualité d'immeubles par destination, et
concernant des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans
».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de
compléter l'article 3 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension du bénéfice
de la taxe sur la valeur ajoutée à taux réduit visée à l'article 279-0
bis
du code général des impôts à certains travaux d'amélioration des immeubles
est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Le taux réduit de TVA n'est pas applicable à la fourniture d'équipements
mobiliers, dans le cadre de travaux d'amélioration, de transformation et
d'aménagement de locaux.
L'instruction fiscale du 14 septembre dernier exclut « les opérations de
réparation et d'installation de meubles meublants divers... les meubles faits
sur mesure, les éléments de cuisine ou de salle de bains ou les éléments de
bibliothèque ».
Interrogé à l'Assemblée nationale sur cette situation, le secrétaire d'Etat au
budget a précisé que l'article « permettrait l'application du taux réduit à la
pose et aux biens meubles des équipements de cuisine ou de salle de bains qui
s'encastrent ou s'incorporent au bâti et qui ne restent pas à l'état d'éléments
dont le désassemblage ne serait pas possible sans détériorer le bâti ou le
meuble ».
Cette précision orale mériterait de figurer dans la loi dès lors qu'elle
apparaît en contradiction avec l'instruction.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est utile d'apporter des précisions sur ce
point.
Je soutiens la préoccupation exprimée par les auteurs de l'amendement,
notamment pour ce qui est de l'installation des bibliothèques. Si l'on veut
défendre notre culture, il faut que les particuliers installent le plus grand
nombre possible de bibliothèques. Ils y seraient encouragés par la baisse de la
TVA.
Avant d'émettre son avis, la commission souhaite toutefois connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je ne peux ici que me référer aux propos que M.
Sautter a prononcés devant l'Assemblée nationale le 21 octobre dernier et que
M. Oudin vient, très aimablement, de répéter. Je ne les reprends donc pas ; ils
figureront cependant au
Journal officiel
, par la voix de M. Oudin.
M. Emmanuel Hamel.
Et quelle voix !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, j'apprécie votre louable souci
d'exhaustivité, mais je constate que l'ensemble des précisions relatives à
l'application d'une loi ne peuvent, par définition, être insérées dans la loi
elle-même. Il faut laisser à l'instruction, dont j'ai annoncé qu'elle
paraîtrait dans les prochains jours, le soin de dresser la liste exhaustive des
cas dans lesquels le taux de TVA s'appliquera.
Il nous faut éviter de nous engager dans une complexité qui rendrait le texte
illisible à mesure que la casuistique préciserait les cas dans lesquels on peut
envisager d'appliquer le taux réduit. Restons-en là, puisque M. Sautter a
précisé oralement devant l'Assemblée nationale les traits principaux de
l'instruction d'application qui paraîtra prochainement.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.
M. le président.
Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je n'ai pas entendu de réponse quant au fond.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Mais si !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
S'agissant des immeubles par destination, il faudrait
savoir quelle est l'idée qui préside à la solution dégagée, même s'il est
évidemment préférable que le détail figure dans l'instruction et non dans la
loi.
Cet amendement est essentiellement un amendement de questionnement, et je n'ai
pas entendu la réponse à la question.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je vais citer les propos de M. Sautter, qui me
paraissent les plus clairs et les plus importants en l'occurrence : le taux
réduit de TVA est applicable à « la fourniture ou la pose conjointe
d'équipements qui s'encastrent ou s'incorporent au bâti et qui ne restent pas à
l'état d'éléments dont le désassemblage ne serait pas possible sans détériorer
le bâti ou le meuble ».
M. le président.
Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces précisions devant être inscrites dans
l'instruction, nous avons satisfaction. Dans ces conditions, je crois qu'il
faut retirer l'amendement.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-241 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Il est évident, M. le rapporteur général l'a fort bien dit, qu'il s'agissait
d'un amendement de questionnement. M. Christian Sautter avait déjà donné des
précisions devant l'Assemblée nationale, mais il était important qu'elles
soient renouvelées. M. le secrétaire d'Etat vient de le faire. J'en prends acte
et je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-241 est retiré.
Par amendement n° I-78, MM. Hoeffel, Badré et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent :
I. - De compléter le 1 du texte présenté par le I de l'article 3 pour
l'article 279-0
bis
du code général des impôts par la phrase suivante :
« Bénéficient du même régime, sous les mêmes conditions, les locaux affectés
exclusivement à des activités non assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée
et appartenant à des organismes à but non lucratif. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de
compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant de l'extension du taux réduit de la
taxe sur la valeur ajoutée aux locaux appartenant à des organismes à but non
lucratif est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Cet amendement vise à faire bénéficier du taux réduit les locaux appartenant à
des organismes à but non lucratif, à condition qu'ils soient affectés
exclusivement à des activités non assujetties à la TVA.
Cette mesure contribuerait à soutenir le monde associatif. Par ses effets
pratiques - la rénovation et l'amélioration des locaux des associations - elle
présente un intérêt général évident.
Mon collègue M. Hoeffel est évidemment attaché au fait qu'elle concernerait en
particulier les organismes culturels en Alsace-Moselle, ce que je me plais à
rappeler.
J'ajoute que cette mesure ne me semble pas hors du champ de la directive,
c'est pourquoi je l'ai cosignée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini.
rapporteur général.
Si j'ai bien compris la directive, celle-ci
s'applique à la rénovation et à la réparation de logements privés. Si les
locaux associatifs dont il s'agit comportent des habitations, ils doivent se
voir appliquer le taux réduit, comme l'a dit M. le secrétaire d'Etat tout à
l'heure. Mais si les locaux en question ne sont pas d'habitation, je crois
qu'ils sont à l'extérieur du champ d'application de la mesure.
Mais peut-être faudrait-il que M. le secrétaire d'Etat nous le confirme.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Il arrive en effet que des associations aient des
locaux utilisés à des fins d'hébergement. Ce sont des centres d'accueil, des
centres de vacances, des associations diverses... si utiles d'ailleurs au
mouvement associatif, au mouvement social et à la jeunesse. A partir du moment
où ces associations ne se livrent pas à une activité d'hébergement commerciale,
donc taxable, elles peuvent bénéficier du taux réduit de la TVA.
Cette précision figure d'ores et déjà dans le
Bulletin officiel
des
impôts 3 C-5-99 du 15 septembre 1999, qui a commenté les dispositions de
l'article 3 du projet de loi de finances. Nous sommes déjà garantis par une
instruction supplémentaire. Le millefeuille administratif est suffisamment
épais pour que nous soyons rassurés !
(Sourires.)
Regarde l'instruction
fiscale et va rassuré !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Monsieur Badré, l'amendement est-il maintenu ?
M. Denis Badré.
Le « millefeuille administratif » et, plus encore, les propos de M. le
secrétaire d'Etat m'ayant rassuré, je retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-78 est retiré.
Par amendement n° I-87, MM. Moreigne et Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM.
Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Sergent et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du 3 du
texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article 279-0
bis
du code
général des impôts, après les mots : « facturés au propriétaire » d'insérer les
mots : « personnes physiques ou morales, y compris les collectivités locales et
leurs groupements ».
La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne.
La baisse de la TVA sur les travaux d'amélioration, de transformation,
d'aménagement et d'entretien de l'habitation est sans conteste la mesure
principale de réduction des impôts des ménages. Elle s'inscrit dans la volonté
du Gouvernement de réduire la TVA, impôt injuste s'il en est, et de conforter
la reprise du secteur artisanal.
En outre, elle permettra de réduire le travail clandestin et créera de
nouveaux emplois, comme vous l'avez déjà précisé, monsieur le secrétaire
d'Etat.
La mesure est déjà un succès : le secteur artisanal et celui du bâtiment
connaissent une forte activité, au point que, semble-t-il, il serait difficile
de trouver du personnel.
Comme toute mesure à succès, elle suscite quelques incompréhensions. Ces
dernières portent sur la définition des travaux concernés - le débat que nous
venons de vivre le confirme. L'instruction fiscale est là pour les dissiper,
vous venez de le dire, monsieur le secrétaire d'Etat. Peut-être devra-t-elle
être complétée.
Mais ces quelques interrogations sur l'application d'une mesure ne doivent pas
cacher son effet extrêmement positif.
Cet amendement vise à clarifier l'application de la mesure. La baisse de la
TVA concerne toutes les personnes, physiques ou morales, qui font faire des
travaux. Dans le dossier explicatif fourni par le Gouvernement, les
propriétaires nommés sont les ménages et les bailleurs sociaux ainsi que les
sociétés d'économie mixte. Les collectivités locales et leurs groupements ne
sont pas citées. Vous comprendrez qu'au Sénat il faille les citer nommément
afin que tous les élus locaux disposant d'un parc de logements soient
rassurés.
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
L'article 3 du projet de loi de finances dont nous
débattons précise d'ores et déjà que le taux réduit de TVA est applicable aux
travaux facturés au propriétaire ou à l'occupant du local à usage d'habitation,
quelle que soit la qualité du preneur, qu'il s'agisse d'une personne physique
ou d'une personne morale. Il est donc clair que les collectivités locales et
leurs groupements sont bien inclus dans le champ d'application de l'article
3.
C'est une fois de plus l'instruction administrative du 15 septembre 1999 qui a
commenté la portée de la mesure et précisé que le taux réduit était applicable
à tous les preneurs, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les personnes
physiques et les personnes morales. Je confirme donc - vous avez eu raison de
poser la question - que les collectivités locales, auxquelles le Sénat, comme
le Gouvernement, est très attaché, entrent bien dans le champ d'application de
la mesure.
Tant l'interprétation officielle par l'instruction que mes propos doivent vous
donner satisfaction, monsieur Moreigne.
M. le président.
Monsieur Moreigne, l'amendement n° I-87 est-il maintenu ?
M. Michel Moreigne.
Compte tenu des explications de M. le secrétaire d'Etat, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° I-87 est retiré.
Par amendement n° I-242, MM. Gournac, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann, Tregouët et Lassourd, proposent :
A. - Après le premier alinéa (1) du VI de l'article 3, insérer deux alinéa
ainsi rédigés :
« Après la première phase du premier alinéa du 1 du I de l'article 199
sexies
du code général des impôts, insérer une phrase ainsi rédigée :
« Les dépenses, relatives aux travaux d'enlèvement des flocages ou des
calorifugeages contenant de l'amiante, payées durant l'année 1999, ouvrent
droit à la même réduction d'impôt sur le revenu. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension de la réduction
d'impôt prévue à l'article 199
sexies
D du code général des impôts aux
dépenses relatives aux travaux d'enlèvement des flocages ou des calorifugeages
contenant de l'amiante est compensée par la majoration, à due concurrence, des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Les décrets de 1996 relatifs à la protection de la population contre les
risques sanitaires liés à une exposition à l'amiante dans les immeubles bâtis
rendent obligatoires les travaux d'enlèvement des flocages ou des
calorifugeages contenant de l'amiante avant la fin de l'année 1999.
Les travaux sont particulièrement onéreux et il convient d'aider les
propriétaires des logements concernés.
A cette fin, cet amendement tend à appliquer à ces dépenses une réduction
d'impôt de 20 % dans un plafond de 20 000 francs pour un célibataire et de 40
000 francs pour un couple marié. Ces sommes sont majorées au titre des
personnes à charge et du nombre d'enfants.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cette préoccupation nous semble tout à fait fondée.
La commission souhaite toutefois entendre l'avis du Gouvernement en ce qui
concerne l'éligibilité au taux réduit de TVA des travaux de désamiantage.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Les auteurs de l'amendement ont déjà la satisfaction
de constater que ces travaux de désamiantage sont éligibles à la baisse d'impôt
pour gros travaux.
Par ailleurs, la réduction d'impôt a cessé de s'appliquer aux dépenses
facturées à compter du 15 septembre 1999. Cette disposition a été remplacée par
la baisse de quinze points du taux de la TVA applicable aux travaux immobiliers
portant sur les locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans et
prévue à l'article 3 de ce projet de loi de finances.
Les travaux d'enlèvement, de fixation ou d'encoffrement des matériaux
contenant de l'amiante sont concernés par cette mesure.
J'ajoute que la baisse de la TVA sur les travaux se substitue de manière
avantageuse à la réduction d'impôt qui jouait jusqu'au 15 septembre dernier :
elle est d'effet immédiat - la réduction d'impôt pour les dépenses de gros
travaux intervenait avec un décalage - elle s'applique à l'ensemble des
logements et pas simplement à la résidence principale - le détail n'échappe à
personne - elle n'est soumise à aucun plafond et elle est plus juste, car elle
s'applique à tous les ménages, qu'ils soient imposables ou non.
Ces remarques me permettent de souligner à nouveau devant le Sénat le
caractère fiscalement et socialement justes des mesures de réduction d'impôt
que nous proposons. Non seulement elles sont beaucoup plus lisibles, mais les
personnes les plus modestes en profiteront. La réduction de TVA s'appliquera en
effet dès le premier francs alors que les réductions d'impôt antérieure ne
jouaient qu'à partir d'un certain seuil, pour les contribuables assujettis à
l'impôt sur le revenu.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, quel est maintenant l'avis de la commission
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les explications de M. le secrétaire d'Etat sont très
claires, très précises, et je pense que l'instruction comportera tous les
détails utiles pour qu'il n'y ait pas d'incertitude sur le champ d'application
de la mesure. Par conséquent, l'amendement de nos collègues me semble
satisfait.
M. Michel Charasse.
Les travaux de désamiantage effectués par les collectivités locales ne sont
pas éligibles !
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Le raisonnement
in abstracto
n'a pas de faille. Mais encore faut-il que
les professionnels appliquent la totalité de la réduction de la TVA, ce qui
n'est pas forcément le cas ! Il est vrai que, selon M. le secrétaire d'Etat, 92
% des professionnels ont montré leur sérieux en appliquant totalement la
réduction de la TVA.
Cette petite mise au point à laquelle je tenais étant faite et les
explications de M. le secrétaire d'Etat étant effectivement sérieuses, je
retire l'amendement n° I-242.
M. Michel Charasse.
Le désamiantage et la mise aux normes effectués par les collectivités locales
ne sont pas inclus dans les travaux soumis au taux réduit !
M. le président.
L'amendement n° I-242 est retiré.
Par amendement n° I-129, MM. de Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca
Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants
proposent :
I. - Dans le second alinéa du
a
du 2 du VI de l'article 3, après les
mots : « 15 septembre 1999, », d'insérer les mots : « jusqu'au 31 décembre 2002
» ;
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de
compléter l'article 3 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application jusqu'au
31 décembre 2002 du crédit d'impôt visé à l'article 200
ter
du code
général des impôts est compensée par la majoration, à due concurrence, des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet.
Il s'agit d'un amendement de coordination et de parallélisme des formes.
La baisse du taux de TVA ne durant en principe que jusqu'au 31 décembre 2002,
il est normal qu'il en soit de même pour la réduction du crédit d'impôt décidée
par le Gouvernement en contrepartie.
Cet amendement vise donc à aligner l'ensemble des aspects du dispositif sur la
date butoir du 31 décembre 2002.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le Gouvernement a maintenu un crédit d'impôt de 5 %
pour les dépenses d'entretien dans l'habitation principale, afin de ne pas
léser les contribuables qui pouvaient jusqu'à présent obtenir un crédit d'impôt
de 20 % du montant des travaux sous certaines limites. Dès lors que le taux de
TVA permet un gain fiscal de 15 %, pour maintenir la situation antérieure, il
fallait que le taux de 5 % concernant le crédit d'impôt fût maintenu.
Le Gouvernement, semble-t-il, n'a pas souhaité modifier le terme du dispositif
du crédit d'impôt, qui devrait s'arrêter au 31 décembre 2000. L'amendement
présenté par M. Jean Clouet vise à le prolonger jusqu'au 31 décembre 2002, afin
qu'il corresponde à l'achèvement de l'expérimentation de la TVA à taux réduit.
Il convient en effet de rappeler que toutes nos discussions se déroulent dans
le contexte d'une expérimentation qui est censée ne durer que jusqu'au 31
décembre 2002, même si l'on imagine bien qu'il ne sera pas très facile, le
moment venu, de revenir sur ce que l'on considérera inévitablement comme un
avantage acquis.
Après avoir examiné l'amendement n° I-129, la commission des finances s'en
remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
La question soulevée par l'amendement n° I-129 n'ayant
pas d'incidence sur l'équilibre budgétaire en 2000, cette proposition pourra
être examinée lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2001.
Je demande donc le retrait de l'amendement ; dans le cas contraire, j'en
demanderai le rejet.
M. le président.
Monsieur Clouet, maintenez-vous l'amendement n° I-129 ?
M. Jean Clouet.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je vais donc le mettre aux voix.
M. Denis Badré.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Je voterai cet amendement.
Je voudrais toutefois préciser que, l'expérimentation s'étendant jusqu'au 31
décembre 2002, c'est à cette date que l'on tirera les enseignements de
l'expérimentation. S'ils sont positifs, je pense que la Commission consolidera
ce dispositif dans l'annexe H. C'est la logique du système ; il faut la
rappeler clairement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-129, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-130 rectifié, MM. de Rocca Serra, Natali, d'Ornano et
Dominati proposent :
I. - De compléter
in fine
l'article 3 par un paragraphe ainsi rédigé
:
« ... - Le 2° du 1 du I de l'article 297 du code général des impôts est
complété,
in fine,
par un alinéa ainsi rédigé :
« Les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien
visés au 1 de l'article 279-0
bis
du code général des impôts. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, de
compléter l'article 3 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la perception en Corse
de la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 2 % pour les travaux visés à
l'article 279-0
bis
du code général des impôts est compensée par la
majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
L'amendement est-il soutenu ?...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je le reprends, monsieur le président.
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° I-130 rectifié
bis.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le défendre.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement concerne les spécificités du régime
fiscal en Corse.
M. Michel Charasse.
Quelle horreur !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il serait quand même dommage qu'il n'en soit pas
question dans notre hémicycle cette année, mes chers collègues !
M. Michel Charasse.
Il faut le faire repousser !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est en vertu de considérations d'équité que nos
collègues signataires ont présenté cet amendement qui tend à appliquer en Corse
un taux de TVA de 2,1 % sur les travaux d'amélioration, de transformation,
d'aménagement et d'entretien portant sur les logements, au lieu du taux de 5,5
% prévu par le projet de loi de finances initiale pour ce qui est des autres
départements français.
Cette mesure se déduit du taux préexistant en Corse pour cette catégorie de
travaux. Ce taux étant de 8 %, si l'on veut que l'avantage lié à la baisse
ciblée de TVA soit du même ordre en Corse qu'ailleurs, il faut retenir un taux
plus faible, que nos collègues situent, à juste raison, à 2,1 %.
Il convient de rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'est le
Gouvernement lui-même qui avait présenté un amendement en ce sens à l'Assemblée
nationale. Il se trouve que votre majorité...
M. Michel Charasse.
Dans sa sagesse, elle ne l'a pas adopté !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... à l'Assemblée nationale ne l'a pas voté.
M. Michel Charasse.
Elle a bien fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je me permets, en la circonstance, soutenant nos
collègues sénateurs corses, de venir en quelque sorte au secours de cette
initiative du Gouvernement, qui me semblait être particulièrement opportune.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est pour « Chez Francis » ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je ne vois pas le rapport !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
En effet, l'Assemblée nationale n'avait pas suivi le
Gouvernement en première lecture,...
M. Michel Charasse.
Elle a bien fait !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... parce qu'elle a estimé qu'il y avait
incompatibilité entre cette disposition et le droit communautaire de la TVA.
Par conséquent, je n'entends pas aujourd'hui, au nom du Gouvernement, revenir
sur une appréciation politique, celle de la majorité plurielle qui soutient le
Gouvernement - ce dont je la remercie - et je pense que les choses doivent
rester en l'état. Je propose donc le rejet de l'amendement n° I-130 rectifié
bis
, que vient de défendre M. le rapporteur général.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-130 rectifié
bis.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, je ne suis pas certain que ce soit vraiment le moment
de faire ce genre de geste à l'égard de la Corse, alors que la discussion porte
actuellement, à travers le rapport de la commission Barilari, sur l'ensemble du
dispositif applicable en Corse, que l'on devrait avoir les résultats de cette
commission dans peu de temps et que, monsieur le rapporteur général, vous aurez
sans doute à vous exprimer, lors de l'examen du collectif budgétaire, sur un
amendement quelque peu scélérat qui vise à revenir partiellement sur l'affaire
des droits de succession. Par conséquent, je crois que ce n'est pas le moment
de s'engager dans un tel processus !
J'ajoute, monsieur le président, que le Gouvernement a raison aujourd'hui de
ne pas insister pour la reprise d'une disposition dont il était l'auteur, parce
que le taux accordé à la Corse en matière de TVA est un taux fragile au regard
de la réglementation européenne et que, pour l'instant, l'Europe ne le tolère -
je ne dis pas l'accepte - que dans la mesure où il n'est pas étendu. Si
vraiment je voulais être méchant, je dirais que le plus mauvais service à
rendre à la Corse est de voter cet amendement et donc que je vais le voter !
Mais je n'irai pas jusque-là.
En tout cas, pour ces diverses raisons, je suis contre cet amendement.
Mais je souhaite le sous-amender...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ah ?
M. Michel Charasse.
... dans l'hypothèse où il serait néanmoins maintenu.
Je propose de compléter
in fine
le paragraphe II par les mots : «
perçus en Corse ». Comme cela, ils autogageront leurs propres dépenses
immobilières... dans le feu de joie qu'on imagine !
(Rires.)
M. le président.
Je suis saisi d'un sous-amendement n° I-293, présenté par M. Charasse et
tendant à compléter
in fine
le II du texte proposé par l'amendement n°
I-130 rectifié
bis
pour compléter l'article 3 par les mots : « perçus en
Corse. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini
rapporteur général.
La commission n'a bien entendu pas pu se réunir pour
examiner ce sous-amendement. Cela étant, je ne pense pas qu'il puisse être
accepté. En effet, mes chers collèges, nous avons, vis-à-vis des questions
fiscales concernant la Corse, à nous déterminer de manière réaliste.
L'année dernière, sous l'influence notamment de notre collègue Michel
Charasse, nous avons voté un dispositif mettant fin de façon abrupte à une
tradition fiscale bicentenaire, qui était celle des arrêtés Miot. Il se trouve
- et l'on est bien obligé de le constater - que ce dispositif couperet n'est
pas applicable
(M. Michel Charasse s'exclame),
et qu'il sera nécessaire,
d'une manière ou d'une autre, de prévoir des atténuations ou des formules de
transition.
Un autre sujet est évoqué aujourd'hui, celui du taux de TVA. Croyez-vous
véritablement qu'il soit utile et opportun, dans le contexte actuel, auquel je
me permets moi aussi de faire allusion, d'avoir des attitudes qui nient
complètement les spécificités économiques et sociales de ces deux départements
français ?
Enfin, le centralisme dans ce qu'il a d'excessif doit-il conduire à nier
toutes les différences et toutes les situations spécifiques que nous sommes
susceptibles de rencontrer ?
Le sous-amendement n° I-293 de M. Charasse doit être considéré comme l'une des
expressions de son humour bien connu. Bien qu'appréciant ce sens de l'humour,
je ne puis émettre un avis favorable sur ce sous-amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° I-293 ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le brio, le talent et la qualité de l'intervention de
M. Charasse, ainsi que sa connaissance extrêmement approfondie de la fiscalité,
me permettent de demander au Sénat de se référer à sa propre sagesse en ce qui
concerne l'acceptation ou non du sous-amendement n° I-293.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° I-293.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je voterai naturellement mon sous-amendement
(Sourires)
en faisant
observer amicalement à M. le rapporteur général que la Corse bénéficie d'un
tarif spécial pour les tabacs. Par conséquent, si l'on augmente légèrement le
tarif du tabac en Corse, on n'ébranlera pas les colonnes du temple ! Ils payent
déjà moins cher. Ils sont les seuls, en France, à être dispensés de la lutte
contre le tabagisme grâce à un tarif spécial, ce qui est tout de même un peu
fort !
Monsieur le rapporteur général, s'agissant des arrêtés Miot, dont nous aurons
l'occasion de reparler, il conviendra certainement d'adopter une période
transitoire pour les délais de déclaration, car on ne retrouve pas facilement
des patrimoines qui se sont égarés avec le temps. Mais vous savez très bien que
la demande ne portera pas sur les délais ! Elle portera sur les bases
d'imposition, et il n'y a aucune raison qu'un bien qui vaut 100 soit taxé à un
tarif donné à Paris et à un taux réduit en Corse ! Or c'est pourtant cela qu'on
va vous demander !
S'il ne s'agissait que d'instaurer une période transitoire, s'il ne s'agissait
que d'une question de délais, je serais le premier à y être favorable, afin
qu'on passe d'une situation de vide juridique à une situation nouvelle.
Dans la mesure où il faut faire un effort en matière de tabagisme - et c'est
un fumeur qui vous parle ! - que les Corses le fassent aussi ! Il n'y a pas de
raison qu'ils paient moins cher que les autres pour s'intoxiquer.
(Sourires.)
Je maintiens donc mon sous-amendement.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Je ne suis pas un spécialiste des questions corses et je peux me tromper dans
ce que je vais énoncer ; je serai peut-être alors corrigé.
Lorsque nous avons discuté de la fiscalité corse, notamment des arrêtés Miot,
je crois me souvenir que les parlementaires corses exigeaient d'obtenir
préalablement l'avis de l'assemblée de Corse.
M. Michel Charasse.
Oui !
M. Yves Fréville.
C'était, certes, dans le cadre d'une augmentation de la fiscalité. Mais je
pense que cela doit jouer dans les deux sens et qu'en vertu du parallélisme des
formes on doit aussi demander préalablement cet avis en cas de diminution de la
fiscalité.
M. Michel Charasse.
Très bien !
M. le président.
Monsieur Fréville, nous aurions pu demander l'avis des signataires s'ils
avaient été présents dans l'hémicycle !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le dépôt du sous-amendement est une précaution pour le cas où l'amendement
serait voté, mais on peut penser que ce ne sera pas le cas.
Je voudrais surtout dire à M. le rapporteur général, qui a cru devoir
reprendre l'amendement n° I-130 rectifié que, devant les observations qui sont
faites, il devrait le retirer.
M. Michel Charasse.
Oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je me souviens qu'en 1967 - j'étais jeune député - l'un des textes dont nous
avions été saisis portait sur des mesures tendant à compenser les inconvénients
de l'insularité en Corse.
M. Michel Charasse.
Le rapport Neuwirth !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Depuis, on en a vu beaucoup d'autres !
En tout cas, la proposition qui nous est faite de réduire à 2,1 %, au lieu de
5 %, le taux de TVA pour des personnes qui étaient auparavant assujetties à un
taux de 8 % me fait penser à la revendication de ceux qui, ne travaillant que
trente heures par semaine, estiment anormal que leur horaire hebdomadaire ne
soit pas ramené à vingt-cinq heures dès lors que le Parlement a voté la loi sur
les 35 heures ! C'est exactement le même raisonnement !
M. Michel Charasse.
Voilà !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En fait, c'est donner un avantage nouveau. Or cet avantage nouveau, il n'y a
vraiment aucune raison de le donner.
J'avoue, monsieur le rapporteur général, que vous nous rendriez service si,
toute réflexion faite, vous retiriez cet amendement, de manière que nous
n'ayons pas à décider si nous votons ou non le sous-amendement astucieux de
notre ami Michel Charasse...
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Je suis quelque peu gêné par la discussion qui vient d'avoir lieu depuis un
quart d'heure, compte tenu notamment de la situation en Corse.
Pour ce qui est de l'amendement, je ne l'ai pas voté en commission des
finances. Il me rappelle un peu la course des syndicats de police et de
gendarmerie : quant un avantage est octroyé à l'un des corps, l'autre veut
immédiatement l'obtenir, et
vice versa.
Dans le cas qui nous occupe, je ne pense pas qu'il faille maintenir la
différence de taux. On n'ôte rien à la Corse en diminuant le taux sur le
continent. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
S'agissant du sous-amendement, je dirai à notre collègue M. Charasse, dont
j'admire l'esprit et la compétence, qu'il est souvent mieux inspiré. Je vois
mal comment, par quel mécanisme juridique, on pourrait confiner un gage et le
limiter à la majoration des droits perçus en Corse.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est peut-être pas constitutionnel !
M. Yann Gaillard.
En fait, il s'ensuivrait une telle augmentation qu'elle constituerait un
encouragement à la contrebande, qui n'est déjà, j'imagine, que trop fréquente
dans ces magnifiques départements.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-293, repoussé par la commission et
pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-130 rectifié
bis,
repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président.
Par amendement n° I-246, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann, Trégouët, Lassourd, Braye proposent, après l'article 3,
d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278
septies
du code général des impôts, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 %
sur les matières premières, les fournitures et les éléments d'équipement
nécessaires à la réalisation de travaux d'amélioration, de transformation,
d'aménagement et d'entretien portant sur les locaux à usage d'habitation,
achevés depuis plus de deux ans. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement a pour objet d'harmoniser l'application du taux réduit de la
TVA aux travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien
portant sur des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans,
que ces travaux soient effectués par des professionnels ou par des particuliers
qui habitent ou possèdent lesdits locaux. Il s'agit, en fait, d'aider ceux qui
effectuent ces travaux eux-mêmes, bref, d'encourager le bricolage.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Avant de se prononcer, la commission souhaite
entendre le Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, les personnes qui recourent au
travail clandestin acquièrent directement leurs produits. En leur permettant
d'acheter les biens au taux réduit de la TVA, nous allons encourager le travail
dissimulé. Alors que l'objectif du Sénat et du Gouvernement est d'encourager le
secteur du bâtiment et de développer l'emploi dans ce secteur, l'amendement
aboutirait au contraire à pénaliser les entreprises du bâtiment, qu'elles
soient artisanales ou industrielles.
Pour cette raison, il serait vraiment plus que sage que les auteurs de
l'amendement veuillent bien le retirer.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je crois surtout qu'il est difficile de déterminer à
l'avance l'usage d'une fourniture, d'un élément d'équipement. Sur la base de
quoi, de quelle déclaration peut-on certifier que cet élément d'équipement sera
affecté à des travaux dans un local d'habitation ou dans un autre local ?
Même si l'on comprend les intentions des auteurs de l'amendement et les
préoccupations des professionnels, il est difficile de mettre au point le
dispositif envisagé. Sans me montrer aussi sévère que le Gouvernement, j'estime
donc préférable que cet amendement soit retiré.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Compte tenu des explications et des informations qui viennent d'être
communiquées à la Haute Assemblée, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° I-246 est retiré.
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-176, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 2° de l'article 278
bis
du code général des impôts est ainsi
rédigé :
« 2° Produits destinés à l'alimentation humaine à l'exception du caviar. »
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, le
taux prévu au 6° du paragraphe II
bis
de l'article 125 est relevé à due
concurrence. »
Par amendement n° I-131, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca
Serra, Torre, Trucy, Jean Boyer et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - Le
b
du 2° de l'article 278
bis
du code général des
impôts est abrogé.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est
compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575
et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-243, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Trégouët, de Broissia proposent d'insérer, après l'article 3, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
b
du 2° de l'article 278
bis
du code général des
impôts est ainsi rédigé :
«
b)
De tous produits composés contenant du chocolat ou du cacao.
Toutefois, les chocolats présentés en tablettes ou en bâtons, les fèves de
cacao et le beurre de cacao sont admis au taux réduit. La liste de ces produits
est définie par décret. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
Par amendement n° I-110, MM. Ostermann, Braun, Cazalet, Chaumont, de Broissia,
Oudin et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 3, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - La seconde phrase du
b
du 2° de l'article 278
bis
du code
général des impôts est complétée par les mots : "quel que soit leur mode de
présentation".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I est
compensée à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-132, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de
Rocca-Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - Le
c
du 2° de l'article 278
bis
du code général des
impôts est abrogé.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575
et 575 A du code général des impôts. »
Les deux derniers amendements sont présentés par MM. Oudin, Cazalet, Chaumont,
Delong, Ostermann, Trégouët, Blanc, Descours, Giraud, Leclerc et
Taugourdeau.
L'amendement n° I-244 vise à insérer, après l'article 3, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
c
du 2° de l'article 278
bis
du code général des
impôts et abrogé.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
L'amendement n° I-245 tend à insérer, après l'article 3, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
c
du 2° de l'article 278
bis
du code général des
impôts est abrogé à compter du 1er juillet 2000.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
La parole est à M. Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-176.
M. Thierry Foucaud.
Tout le monde connaît les arguments que nous développons maintenant depuis
plusieurs années sur ce sujet.
Cet amendement vise à appliquer au chocolat et aux produits de confiserie le
taux de la TVA applicable à l'essentiel des autres produits alimentaires.
M. le président.
La parole est à M. Clouet, pour présenter l'amendement n° I-131.
M. Jean Clouet.
Cet amendement tend à régler deux problèmes liés au chocolat : celui du
contentieux fiscal et celui de la TVA sur le chocolat d'une manière
générale.
Ce produit est taxé soit au taux normal, soit au taux réduit selon les cas.
Ainsi, ce dernier s'applique au chocolat de ménage, au chocolat de ménage au
lait, aux fèves de cacao et au beurre de cacao, y compris au chocolat noir.
Il semble plus logique que tous les chocolats soient soumis au taux réduit,
parce qu'ils constituent tous des produits d'alimentation courante. La sixième
directive européenne et l'annexe H ne s'y opposent pas. En outre, la France
souffre d'une distorsion de concurrence par rapport à ses voisins européens,
qui, pour la plupart, taxent le chocolat à 7 %.
Le deuxième problème est celui du contentieux fiscal qui concernera bientôt
l'ensemble du chocolat noir.
Cette situation fiscale risque de mettre en péril nombre d'entreprises dans un
secteur qui représente tout de même entre 12 000 et 13 000 emplois. Si
l'administration fiscale persistait dans ses intentions de généraliser la
taxation à 20,6 % du chocolat noir, cela pourait représenter une masse
d'environ 500 millions de francs pour les industriels concernés. Il est temps
de mettre fin à une situation inextricable et incompréhensible qui risque de
pousser les industriels à concevoir leurs produits en fonction du taux de
taxation et non au regard de leurs qualités gustatives.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-243.
M. Jacques Oudin.
Avec cet amendement, nous rejoignons la longue cohorte des amateurs de
chocolat !
M. le président.
La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° I-110.
M. Joseph Ostermann.
Je me sens solidaire des consommateurs de chocolat et, bien entendu, je
souscris aux propos de M. Clouet.
M. le président.
La parole est à M. Clouet, pour défendre l'amendement n° I-132.
M. Jean Clouet.
Cet amendement concerne la margarine.
Il tend à proposer une réduction du taux de la TVA répondant à une double
préoccupation, médicale et économique.
Il est anormal d'appliquer le taux normal à la margarine alors que la plupart
des autres produits alimentaires bénéficient d'un taux réduit.
Par ailleurs, la production de margarine intéresse le secteur agricole puisque
100 000 hectares produisent, en France, du colza et du tournesol, souvent en
petites et moyennes exploitations. Or le secteur des oléagineux a quelque peu
souffert de la réforme de la PAC et du compromis de Berlin sur l'Agenda
2000.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre les amendements n°s I-244 et I-245.
M. Jacques Oudin.
La margarine, c'est moins bon que le chocolat,...
M. Michel Mercier.
C'est vrai !
M. Jacques Oudin.
... mais c'est tout de même nécessaire à l'équilibre alimentaire. Vous savez
bien, mes chers collègues, que la margarine est recommandée dans tous les
régimes alimentaires, notamment en cas de risque cardio-vasculaire ; nous
sommes certains à le savoir tout particulièrement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le chocolat aussi !
M. Jacques Oudin.
C'est la raison pour laquelle je défends la margarine à taux réduit !
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, que pensez-vous du chocolat et de la margarine
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'en pense le plus grand bien, monsieur le
président.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je voudrais dire à M. le secrétaire d'Etat que ces
amendements sont révélateurs, même s'ils sont traditionnels et récurrents,
parce qu'ils nous montrent les limites de la politique de baisse ciblée de la
TVA menée par le Gouvernement.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est bien la question de fond.
M. Jacques Oudin.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Toute action sur la TVA porte sur des sommes
considérables. Il faut donc choisir des cibles, choisir des secteurs. Et quand
on en choisit un, on exclut les autres ! Est-ce cela l'équité fiscale ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous avez augmenté la TVA de deux points !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Est-ce cela la justice fiscale ? Je pose très
sérieusement la question.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est mieux que d'augmenter la TVA pour tous !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cher collègue, cette augmentation pour tout le monde,
le Gouvernement est très satisfait d'en bénéficier dans ses caisses, et il ne
nous a jamais proposé d'engager le mouvement inverse. Je suppose qu'en ce
domaine son indignation n'a d'égale que sa satisfaction, selon une vieille
formule de la vie parlementaire que vous connaissez bien.
Revenons, je vous prie, à la question des baisses ciblées de TVA.
En ce qui concerne le logement, c'est très bien. Bravo pour les professions
concernées ! Nous avons bien travaillé tout à l'heure pour définir le champ
d'application de la mesure, et vous nous avez répondu de façon précise,
monsieur le secrétaire d'Etat. Votre instruction permettra aux professionnels
de travailler en bénéficiant de cette réduction. Tant mieux pour eux.
Mais nous avons utilisé 20 milliards de francs !
Si l'on veut étendre le dispositif à d'autres services à haute intensité de
main-d'oeuvre - tout à l'heure, on parlera de la restauration -, il en coûtera
encore 20 milliards de francs. Et que dire si l'on voulait répondre aux
préoccupations parfaitement justifiées des fabricants de chocolat ?
Vous avez reçu comme moi des échantillons de chocolat...
(Exclamations sur diverses travées.)
Oh, c'était de tout petits
échantillons.
(Rires.)
Il n'y avait rien de coupable à les recevoir et à les
accepter.
Il y avait, d'un côté, le chocolat à 20,6 % et, de l'autre, le chocolat à 5,5
%, et rien ne les distinguait, mes chers collègues !
M. le président.
Lequel était le meilleur, monsieur le rapporteur général ?
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ils se valent, monsieur le président.
Si l'on voulait aller dans le sens des préoccupations de nos collègues et des
milieux professionnels concernés, il faudrait « mettre au pot » 3,5 milliards
de francs pour le chocolat et près de 500 millions de francs pour la margarine,
produit dont la consommation est pourtant relativement limitée.
Je poserai simplement une question au Gouvernement : quelles mesures
allons-nous prendre, à l'avenir, pour ces professions ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez créé un appel d'air, une file
d'attente. Alors, on se met dans la file d'attente ! Que font les fédérations
professionnelles ? Eh bien ! elles paient des « lobbyistes »...
(M. Emmanuel Hamel s'exclame.)
Pardonnez-moi, mon cher collègue : elles
paient des « agents d'influence » pour aller voir Pierre, Paul ou Jacques, afin
de bien se situer dans la file d'attente !
Tels sont les effets pervers, me semble-t-il, que vous avez créés avec la
politique de baisse ciblée de la TVA.
En ce qui concerne le chocolat, notre Haute Assemblée a voté, l'année
dernière, un amendement de principe dans la deuxième partie de la loi de
finances. Si certains de nos collègues le souhaitent, nous pourrions faire de
même, à condition de retirer cette disposition de la première partie en raison
de l'enjeu financier. Nous réitérerions ainsi notre attachement à ces produits,
qui sont souvent des produits du terroir.
Pour ce qui est de l'amendement n° I-176 présenté par le groupe communiste
républicain et citoyen, il s'agit d'une mesure traditionnelle très coûteuse,
qui ne peut que susciter un avis défavorable.
En ce qui concerne les amendements n°s I-132, I-244 et I-245 relatifs à la
margarine, j'émettrai le même avis défavorable que pour les amendements sur le
chocolat.
M. Michel Charasse.
Le chocolat de norme française, et non pas le chocolat européen trafiqué !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Qui est plein de graisse !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
M. le rapporteur général a une dialectique brillante,
remarquable, mais je suis au regret de lui dire, avec beaucoup de respect,
qu'il caricature la position du Gouvernement.
En parlant, comme il vient de le faire, des baisses ciblées de TVA, il oublie
un facteur essentiel, qui a dicté au Gouvernement sa position au sein des
instances européennes pour réclamer les baisses qu'il a proposées au Parlement
sur les logements, il oublie le point crucial qui oriente toute la politique
budgétaire et toute la politique fiscale : l'emploi !
La résonance, en termes d'emploi, d'une mesure sur les barres de chocolat noir
ou de chocolat au lait n'a strictement rien à voir avec les 60 000 emplois que
peut générer la baisse à 5,5 % de la TVA sur le logement que nous avons
proposée.
M. Michel Moreigne.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Il ne faut pas confondre l'une et l'autre des mesures,
certes avec beaucoup d'élégance dans le raisonnement, mais aussi avec une
erreur fondamentale, car il ne s'agit, en aucune manière, de la même dynamique
fiscale : la mesure sur le chocolat a une incidence quasi nulle sur l'emploi,
alors que la disposition sur le logement permettra, nous l'espérons tous - nous
le savons même ! - de créer plusieurs dizaines de milliers d'emploi en quelques
années.
D'ailleurs, monsieur le rapporteur général, votre précédesseur, M. Lambert,
aujourd'hui président de la commission des finances, et vous-même aviez
préconisé, lors de la discussion de la loi de finances de 1998 - je me réfère
au tome II de votre propre rapport - qu'« une réflexion s'engage avec nos
partenaires européens sur l'application du taux réduit de TVA au secteur de la
rénovation du logement. » Tiens, tiens ! En effet, poursuiviez-vous, « une
telle mesure aurait un fort contenu en emplois et serait plus adaptée à la
nature actuelle des besoins des économies européennes, dont le parc de
logements a basculé d'une phase de reconstruction dans une phase de rénovation
et de renouvellement. »
Par conséquent, dans vos rapports sur les projets de loi de finances de 1998
et de 1999, et vous le rappelez dans le rapport sur le projet de loi de
finances pour 2000, vous étiez en parfait accord - vous l'avez écrit et annoncé
devant la commission des finances - avec l'orientation des baisses de TVA que
nous vous avons proposées. En effet, à l'époque, vous reconnaissiez déjà - et
vous devriez le faire encore aujourd'hui devant le Sénat - que cette mesure est
dynamique et qu'elle n'est en rien assimilable aux quelques mesures, certes
intéressantes, mais dont la portée est tout à fait marginale, que l'on nous
propose par les amendements n°s I-176, I-131, I-243 et I-110, dont je demande
le rejet.
Le Gouvernement ne rougit pas du tout de procéder à une diminution des
rentrées fiscales de 20 milliards de francs par la baisse à 5,5 % du taux de la
TVA sur les travaux de rénovation des logements ! Par cette baisse, qui va
toucher tout le monde, il sait qu'il travaille dans le bon sens, au profit des
plus modestes,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
A voir !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... au profit du secteur du bâtiment et des travaux
publics, qui est un grand secteur économique français ; il a toutes les raisons
de penser que sa contribution à l'emploi peut encore être favorisée.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-176.
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Je souhaite formuler deux remarques.
Tout d'abord, le secteur de la chocolaterie, mais aussi de la confiserie, est
l'un de ceux qui concourent largement à la renommée de notre tradition
culinaire, et ce bien au-delà de nos frontières. Mais ce n'est pas ma
principale observation.
Mon observation essentielle est celle-ci : ce secteur, qui est à forte
composante artisanale, est particulièrement menacé à la fois par la
déréglementation et par l'uniformisation des produits que souhaite mettre en
oeuvre la Commission européenne. Prenons garde de ne pas tomber dans les
arguments de M. le rapporteur général, qui montrent la limite de ses
propositions sur le « dépenser moins » !
L'emploi est le principal moteur de la croissance. Il faut donc aller dans ce
sens. A n'en pas douter, la réduction de TVA qui vous est proposée dans cet
amendement aurait pour effet de conforter une activité en proie au doute. Il
s'agit d'un secteur important pour l'emploi dans notre pays et dont la
production est, bien sûr, appréciée des consommateurs, lesquels verraient les
prix à l'achat diminuer si cet amendement était adopté.
Sans un soutien plus marqué des pouvoirs publics en faveur de ce marché de la
gourmandise, qui concerne un produit de qualité particulièrement apprécié, je
le répète, de nos compatriotes, on peut craindre une accélération des
opérations de rachat, notamment des entreprises familiales et artisanales
françaises, qui sont reconnues mondialement, par des groupes multinationaux ;
je ne citerai pas d'exemple, mais ceux-ci ont pour objectif premier non pas
tant la qualité que le rendement.
Par conséquent, pour un produit essentiel comme le chocolat, particulièrement
dans une période de fêtes, il serait heureux que le Gouvernement fasse preuve
de générosité en acceptant notre amendement, que sous-tend aussi un
raisonnement économique et politique.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. Joseph Ostermann.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Il s'agit là d'apporter une précision de taille, à savoir que l'administration
fiscale tente d'imposer pour le chocolat noir, jusqu'ici taxé à 5,5 %, le taux
de 20,6 %.
Nous connaissons un certain nombre de contrôles fiscaux qui visent à taxer à
20,6 % du chocolat qui doit être taxé à 5,5 % et qui imposent aussi
systématiquement aux entreprises de constituer des provisions. Je souhaiterais
savoir quelles sont les instructions que le Gouvernement donnera à
l'administration fiscale dans ce domaine.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Lorsque c'est du noir, il n'y a pas de TVA !
(Rires.)
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Monsieur le président, à titre personnel, je ne voterai aucun de ces
amendements. En effet, notre système fiscal souffre déjà de l'existence de
plusieurs taux de TVA qui vont à l'encontre de l'objectif de suppression des
distorsions de concurrence.
On aurait tout intérêt, comme cela avait été fait à une certaine époque,
lorsqu'on a supprimé le taux majoré de TVA, à rapprocher les deux taux restants
de TVA. Il serait beaucoup plus opportun de baisser le taux général, quitte à
relever le taux réduit. Ainsi, tous ces problèmes récurrents liés à la
restauration et à la question de savoir si le chocolat ou la margarine sont des
produits de première nécessité perdraient sans aucun doute leur importance.
D'autant que je ne suis pas certain que ces baisses du taux de TVA - M. le
rapporteur général le disait implicitement tout à l'heure - soient très
efficaces, même s'agissant des dispositions relatives au logement que nous
avons votées tout à l'heure.
Nous n'avons aucune assurance que les prix pratiqués diminueront à due
concurrence. Lorsque le taux de TVA a été majoré de deux points, voilà quelques
années, les prix n'ont pas augmenté dans la même proportion.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Heureusement !
M. Yves Fréville.
Effectivement, mais cela montre très bien les limites d'une procédure
d'incitation dans ce domaine !
Pour le logement, nous pouvions prendre une telle mesure, parce qu'il s'agit,
au fond, d'un investissement pour les ménages, lesquels ne bénéficient d'aucune
déduction de TVA, alors que, pour les investissements locaux, les collectivités
locales se font rembourser la TVA au travers du fonds de compensation pour la
TVA.
En résumé, je ne crois pas tellement à l'efficacité d'une législation
complexe, ni à la portée de ces mesures incitatives. C'est la raison pour
laquelle je préfère les impôts neutres. Par conséquent, je ne voterai pas ces
amendements spécifiques qui dérogent à la règle générale.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, souhaitez-vous répondre à la légitime curiosité
de M. Ostermann à propos du chocolat noir ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je reste défavorable à l'amendement n° I-110.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-176, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-131, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-243, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-110, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements concernant la margarine.
M. Emmanuel Hamel.
C'est moins nocif pour la santé que le chocolat !
(Sourires.)
M. Jean Clouet.
Je retire l'amendement n° I-132, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-132 est retiré.
Monsieur Oudin, les amendements n°s I-244 et I-245 sont-ils maintenus ?
M. Jacques Oudin.
Je les retire également, monsieur le président.
M. le président.
Les amendements n°s I-244 et I-245 sont retirés.
M. Emmanuel Hamel.
Vive le beurre !
(Rires.)
M. Jacques Chaumont.
Et l'argent du beurre !
(Nouveaux sourires. )
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-88, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat,
Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 3, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 3°
bis
de l'article 278
bis
du code général des impôts
est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
«
d)
Part de la prestation d'exploitation de chauffage représentative
du combustible bois, quand le combustible est un des trois mentionnés aux
a,
b, c
du 3°
bis
du présent article ;
«
e)
Terme de la facture d'un réseau de distribution d'énergie
calorifique représentatif du combustible bois quand le combustible est un des
trois mentionnés aux
a, b, c
du 3°
bis
du présent article. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par un relèvement
des tarifs mentionnés à l'article 885 U du code général des impôts. »
Par amendement n° I-133, M. Ambroise Dupont et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 3, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le
c
du 3°
bis
de l'article 278
bis
du code
général des impôts, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Quand le combustible est l'un des trois mentionnés aux alinéas
a
,
b
et
c
ci-dessus, le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée
s'applique :
« - à la part de la prestation d'exploitation de chauffage représentative du
combustible bois ;
« - au terme de la facture d'un réseau de distribution d'énergie calorifique
représentatif au combustible bois. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont
compensées par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-215, MM. Braye et Delong proposent d'insérer, après
l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le
c
du 3°
bis
de l'article 278
bis
du code
général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... bois et déchets de bois de chauffage des installations collectives. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à due
concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
La parole est à M. Demerliat, pour défendre l'amendement n° I-88.
M. Jean-Pierre Demerliat.
La loi de finances pour 1997 a permis l'application du taux réduit de TVA sur
les bois de chauffage. Toutefois, en l'état actuel de la législation, ce taux
réduit ne s'applique que pour l'utilisation domestique directe lorsque des
réseaux de chaleur utilisent ce combustible.
Cet amendement vise donc à étendre l'application du taux réduit de TVA au bois
de chauffage à usage domestique, même lorsqu'ils sont utilisés par des réseaux
de chaleur. Cela s'explique pour plusieurs raisons.
Premièrement, il s'agit ainsi de permettre une réelle application du taux
réduit sur le bois de chauffage destiné aux particuliers. L'appréciation qui
est faite actuellement est très restrictive, voire trop restrictive.
En effet, est considéré comme usage domestique le bois utilisé pour le
chauffage de locaux à usage d'habitation ou de locaux affectés à un usage
collectif autre que professionnel, commercial ou industriel.
La notion de locaux à usage d'habitation comprend les maisons individuelles et
les immeubles collectifs d'habitation. Pourtant, dans ces immeubles collectifs,
lorsque la prestation de chauffage est réalisée par un exploitant de chaleur
qui utilise du bois, le taux est de 20,6 %. Or, monsieur le secrétaire d'Etat,
il est difficile de chauffer au bois des immeubles collectifs sans passer par
un réseau de chaleur. Il serait donc normal que l'application du taux réduit de
TVA sur le bois les concerne. Sinon, la baisse de TVA serait largement sans
effet sur ces immeubles et sur leurs occupants, qui sont souvent des foyers
modestes.
D'ailleurs, pour la taxe intérieure sur le gaz naturel, la doctrine
administrative a admis que, pour éviter les distorsions de traitement entre les
utilisateurs directs du gaz naturel et ceux qui sont alimentés par un réseau de
chaleur, les entreprises exploitantes seraient considérées comme des
intermédiaires pour l'application de l'exonération de cette taxe. Alors,
pourquoi ne pas faire, en la matière, la même appréciation ?
De plus, cette proposition répond à un objectif de soutien du développement de
la filière bois-énergie, ce qui réduirait nos importations d'énergie fossile et
créerait des emplois en zones rurales.
M. Michel Moreigne.
Très bien !
M. Jean-Pierre Demerliat.
Enfin, la contrainte communautaire n'apparaît pas s'exercer en la matière,
puisqu'il s'agit simplement de résoudre le cas des intermédiaires que sont les
réseaux de chaleur urbains. La Commission européenne incite d'ailleurs les
Etats membres à utiliser l'outil fiscal pour favoriser les énergies
renouvelables.
M. le président.
L'amendement n° I-133 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-215 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-88 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission des finances a, dans le passé, déjà
soutenu cette demande et encouragé le Gouvernement à faire évoluer la
législation communautaire sur ce point. Il semble nécessaire de poursuivre en
ce sens car, à l'heure actuelle, selon les dispositions en vigueur en droit
communautaire, seul le bois de chauffage affecté à un usage domestique peut
bénéficier du taux réduit de la TVA.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous pose la question : est-il prévu de
reprendre les démarches auprès de l'Union européenne pour aller dans le sens
souhaité par un certain nombre de nos collègues ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Par cet amendement, M. Demerliat et les membres du
groupe socialiste soulèvent un véritable problème et y apportent une véritable
solution. Sur le fond, le Gouvernement soutient en effet cette proposition.
Malheureusement, les dispositions prises par l'Union européenne...
M. Emmanuel Hamel.
Encore !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... ainsi que l'interprétation par la Commission du
droit communautaire font que nous ne pouvons pas ajouter à la liste des
prestations susceptibles de relever du taux réduit de la TVA le bois de
chauffage à usage domestique, ce que nous regrettons.
M. Emmanuel Hamel.
Libérons-nous de Bruxelles !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Par lettre du 7 septembre 1998, nous avions demandé à
la Commission d'intégrer la fourniture d'énergie calorifique dans la liste
communautaire des opérations éligibles au taux réduit. La Commission nous a
répondu par la négative le 7 octobre 1998, en nous indiquant que le droit
communautaire ne permettait pas actuellement - voilà peut-être une ouverture
pour le futur ! - d'appliquer le taux réduit de la TVA à ces prestations.
Le Gouvernement ne renonce pas à persévérer dans ce sens, et je profite de
l'occasion qui m'est donnée par la discussion de votre amendement, monsieur
Demerliat, pour le dire avec clarté.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Touchons du bois !
(Sourires.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Nous souhaitons poursuivre dans cette direction pour
favoriser l'utilisation du bois de chauffage à usage domestique ; il s'agit
pour nous de donner un encouragement fiscal à cette utilisation écologique
d'énergie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La Corse attend !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Nous avons obtenu, grâce au soutien de la
représentation nationale - et je remercie à cet égard le Sénat - la baisse de
la TVA sur les travaux d'entretien de logements. Nous continuerons d'intervenir
auprès de la Commission pour élargir la liste des produits et services
susceptibles de bénéficier de cette baisse de la TVA.
L'expérience montre d'ailleurs que, lorsque le Parlement et le Gouvernement
agissent de concert auprès de la Commission et auprès des autres gouvernements
européens, ils peuvent aboutir.
Je puis vous assurer tout à fait solennellement, et avec confiance, que nous
nous battrons pour que le droit communautaire évolue dans le sens souhaité par
les auteurs de l'amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Dans l'immédiat, puisque, là aussi, le signal
politique a été donné avec clarté et détermination - et j'en remercie le groupe
socialiste - je demande aux auteurs de l'amendement de bien vouloir retirer ce
texte, qui, à l'instant où nous en débattons, n'est pas compatible avec le
droit communautaire.
M. Emmanuel Hamel.
Libérons-nous du droit communautaire !
M. Denis Badré.
Le droit communautaire, c'est nous qui le votons !
M. le président.
Monsieur Demerliat, votre amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Demerliat.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-88 est retiré.
Par amendement n° I-89, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le 6° de l'article 278
bis
du code général des impôts est ainsi
rédigé :
« 6° Les livres et supports de contenu interactif, à caractère éducatif et
culturel, y compris leur location. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence
par une hausse des tarifs prévus à l'article 885 U du code général des impôts.
»
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce débat est tout à fait intéressant.
Tout à l'heure, lorsque M. le rapporteur général prétendait démontrer les
inconvénients des présentes baisses, je me suis permis de lui faire remarquer
qu'il valait tout de même mieux diminuer la TVA que l'augmenter, comme cela
avait été fait sur un plan général, quand on l'avait porté de 18,60 % à 20,60 %
! Ce à quoi il m'a répondu : « Vous avez été bien contents, vous et le
Gouvernement, de trouver cet argent ! »
Il y a là une contradiction, puisque, précisément, nous commençons à diminuer
cette TVA. Vous ne pouvez pas à la fois dire que nous sommes bien contents de
l'augmentation de la TVA et nous reprocher de la baisser lorsque nous obtenons
en effet qu'elle diminue.
M. Louis Mercier.
Enlevez deux points partout, pour être crédible !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous savez combien coûte un point de TVA ?
M. Denis Badré.
Quarante milliards !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On a choisi aujourd'hui une autre méthode, c'est vrai.
L'impôt indirect, on le sait bien, est l'art de plumer l'oie sans la faire
crier. Cependant, quand on va trop loin, elle finit tout de même par protester,
et c'est tant mieux car c'est alors que l'on peut dénoncer la manoeuvre !
Même si la baisse de la TVA coûte beaucoup, il faut tendre à diminuer autant
qu'il est possible cet impôt indirect qui est parfaitement injuste, car il pèse
beaucoup plus sur les petits que sur les gros.
Cela dit, il est des amendements récurrents, qui présentent cet avantage,
comme nous en faisait tout à l'heure le reproche M. le rapporteur général, de
créer des files d'attente - on les appelait des « queues » pendant ma jeunesse
! En ce cas, il faut prévoir des priorités, et l'examen auquel nous procédons
tous ensemble doit nous permettre de prévoir quelles doivent être les priorités
dans la file d'attente.
Mme Pourtaud et le groupe socialiste estiment nécessaire, c'est l'objet du
présent amendement, d'appliquer, comme pour les livres, le taux réduit de la
TVA aux cédéroms et autres supports interactifs de l'avenir, comme les DVD ou
les CDI, à caractère éducatif et culturel.
Face à la révolution mondiale des nouvelles technologies, le cédérom doit
être, au même titre que les sites français, l'un des vecteurs de la
francophonie.
La France dispose d'importants atouts en termes de recherche et d'innovation,
mais notre marché est encore trop étroit pour qu'elle puisse les faire valoir.
Le récent rapport de Jean-François Abramatic sur le développement technique de
l'internet, aux termes de la mission qui lui a été confiée par le secrétaire
d'Etat à l'industrie d'alors, M. Christian Pierret, ici présent, nous confirme
le retard de la France en matière de nouvelles technologies. Notre pays est à
la traîne par rapport aux Etats-Unis et aux pays européens les plus dynamiques,
du côté tant des entreprises que du public : on dénombre actuellement entre
deux millions et demi et quatre millions d'internautes en France contre, par
exemple, plus de dix millions en Allemagne. Les sites français représentent à
peine 6 % des sites européens, selon ce même rapport.
En baissant la TVA sur les cédéroms, c'est donc le soutien à l'industrie
française des contenus multimédias que nous proposons. La baisse de la TVA
permettrait une relance générale de la consommation, pour un secteur qui, par
ailleurs, a un fort potentiel de créations d'emplois.
J'ajoute que ce marché ne se porte pas si bien qu'il y paraît avec la
multiplication du copiage sur les supports numériques vierges, accessibles à
bas prix, entre 5 francs et 10 francs. Le Gouvernement réfléchit actuellement à
des solutions comme la redevance pour copie privée, assise sur la taxation du
support vierge. Il n'en demeure pas moins qu'une baisse des prix induite par
celle de la TVA réduirait certainement l'intérêt de la contrefaçon.
Il s'agit également, par cet amendement, de démocratiser l'accès aux nouvelles
technologies. En effet, dans le cadre du programme d'action gouvernemental pour
la société de l'information, ou PAGSI, le Gouvernement a largement engagé une
politique volontariste pour équiper massivement les établissements scolaires en
matériels informatiques.
M. Michel Mercier.
Ce n'est pas vrai ! Pas un sou !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais si, monsieur Mercier !
Dans la poursuite de cette politique, il serait cohérent de faciliter l'achat
de supports multimédias par les enseignants et par les élèves.
Contre cette baisse de TVA, on nous propose, depuis 1996, la directive
européenne de 1992 qui fixe, dans l'annexe H, la liste des produits pouvant
bénéficier d'un taux réduit de la TVA. L'année dernière, M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget, affirmait dans cet hémicycle que « le Gouvernement
français est très actif » sur cette question, et il poursuivait : « Nous
n'allons pas nous satisfaire des réponses défavorables de la Commission
européenne ».
M. Emmanuel Hamel.
Encore elle !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Voilà donc une priorité déjà reconnue, comme il convenait de le rappeler.
Il faut bien constater en effet que la plupart des oeuvres de l'esprit
béneficient du taux réduit, qu'il s'agisse du livre, du cinéma ou de la presse.
Le cédérom, au même titre que le disque, subit ainsi ce que j'appellerais une «
discrimination fiscale ». Celui-ci est considéré uniquement comme un support et
non comme un contenu culturel. Or sa valeur ajoutée est principalement de
nature corporelle, car le coût du support interactif n'excède pas 4 francs,
alors que le prix de vente moyen d'un cédérom était de 240 francs en 1998 ! Il
est clair que la plus-value principale d'un cédérom est constituée par les
droits d'auteurs, qui figurent d'ailleurs dans l'annexe H. Dans cette logique,
il serait donc possible, sans modifier celle-ci, de lui appliquer le taux
réduit de la TVA.
J'ajoute qu'un récent rapport de la Commission européenne propose d'appliquer
le taux réduit aux produits et services ayant une valeur ajoutée à forte
intensité d'emplois.
C'est précisément le cas pour les logiciels de loisirs. Les emplois induits
par cette industrie sont actuellement de l'ordre de 50 000, en France, dans
l'ensemble de la filière.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'aujourd'hui la directive européenne
de 1992 ne peut plus nous être opposée et nous vous demandons, en conséquence,
de bien vouloir voter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce plaidoyer enflammé est très intéressant, mais la
commission, après avoir examiné les textes applicables et la législation
communautaire en vigueur, ne peut partager l'appréciation de M. Michel
Dreyfus-Schmidt. Il y a encore une certaine distance à parcourir pour modifier
le droit communautaire en vigueur et faire en sorte qu'une telle mesure soit
compatible avec lui.
Pour le reste, M. Dreyfus-Schmidt a repris un certain nombre de considérations
habituelles sur le caractère injuste de la TVA par rapport à des impôts
progressifs. Il en déduisait, à l'inverse, que les mesures de baisse ciblée
allaient avantager plutôt les « petits » que les « gros ».
Mes chers collègues, prenez donc la mesure phare de baisse ciblée de la TVA
sur le logement, qu'encore une fois j'approuve et que j'ai votée : il faudra
bien que vous le reconnaissiez, plus on a d'argent, plus on a de résidences, et
plus on a de résidences, plus on fait de travaux, et plus on fait de travaux,
plus on bénéficie de la baisse du taux de 20,6 % à 5,5 %. Il ne faut pas
nécessairement s'en plaindre, mais il ne faut pas non plus, monsieur
Dreyfus-Schmidt, essayer de faire passer des vessies pour des lanternes. Car
cette mesure que nous avons votée, qui est bonne, je le répète, et dont nous
nous réjouissons pour les professionnels du logement, notamment, ne va pas,
contrairement à ce que vous dites, avantager les « petits » par rapport aux «
gros ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je n'ai jamais dit cela !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
A vous de gérer vos contradictions au sein de votre
majorité plurielle, au sein de vos groupes ! Mais ne dites pas, de grâce, le
contraire de la vérité.
Sur l'amendement n° I-89, pour les raisons de compatibilité qui ont été
évoquées, la commission émet donc un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, nous avons bien entendu
votre plaidoyer criant de vérité et fort d'une logique économique imparable,
mais, malheureusement, l'application du taux réduit de la TVA aux cédéroms et
aux supports de contenu interactif serait contraire aux engagements
communautaires de la France, car ils ne figurent pas sur la liste des produits
que les Etats membres peuvent soumettre aux taux réduit de la TVA, quelle que
soit l'information qu'ils permettent de transmettre et quel que soit leur
contenu.
Il faudrait donc au préalable modifier les termes de la directive européenne.
C'est ce que le Gouvernement, dans une lettre du 8 juillet 1998, a proposé.
Nous avons notamment évoqué les cédéroms et les CD interactifs à caractère
éducatif et culturel. On mesure d'ailleurs le soutien qu'une telle mesure
apporterait à la création française et à la diffusion de la pensée
française.
Mais, dans sa réponse du 31 juillet 1998, la Commission européenne a rappelé
que la législation en vigueur en matière de TVA ne permettait pas d'appliquer
un taux réduit à ce type de produits.
Nous essaierons donc, dans le futur, de convaincre la Commission des effets
positifs d'une telle mesure. En toute hypothèse, quand bien même la Commission
accepterait de prendre en considération cette demande, je rappelle que la
modification de la directive communautaire requerrait toujours l'unanimité des
Etats membres. Bien entendu, si l'occasion se présentait - et lorsqu'elle se
présentera, restons optimistes ! - le Gouvernement suivra M. Dreyfus-Schmidt
dans sa proposition qui, je le répète, est nécessaire.
Pour les rédacteurs de l'amendement, les droits d'auteur constituent
l'essentiel de la valeur ajoutée des cédéroms, ce qui pourrait légitimer le
taux réduit de TVA dès lors que les cessions de droit d'auteur font partie des
opérations pour lesquelles le droit communautaire autorise l'application d'un
tel taux.
Or, les ventes de cédéroms ne peuvent pas être assimilées à des cessions de
droit, car la loi relative à la propriété littéraire et artistique définit les
droits d'auteur comme les droits patrimoniaux reconnus aux auteurs d'oeuvres de
l'esprit sur leurs propres oeuvres. Il s'agit des droits d'exploitation, du
droit de représentation et du droit de reproduction.
La vente au consommateur final d'un support sur lequel figure une oeuvre de
l'esprit constitue la livraison d'un bien meuble corporel et non une cession de
droits d'auteur dès lors que la cession du bien a pour seul objet l'audition à
titre privé de l'oeuvre sans que l'acheteur du bien dispose du droit
d'exploiter l'oeuvre, notamment à des fins commerciales.
Je donne cette précision pour que les auteurs de l'amendement disposent de
toutes les données juridiques nécessaires. Une certaine lecture de l'amendement
pourrait, en effet, laisser penser que la directive communautaire ne s'oppose
pas à un abaissement du taux de la TVA à 5,5 %.
En vérité, puisqu'il s'agit de support physique et non pas d'oeuvre de
l'esprit, nous ne sommes pas dans un cas de figure « droits d'auteur » mais
dans un cas de figure « produit physique ».
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-89.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'idée que défend en vérité Mme Pourtaud est que, dans un cédérom, l'aspect
intellectuel l'emporte tout de même largement sur l'aspect matériel.
Cela étant dit, nous sommes d'accord avec le Gouvernement pour penser que le
problème est de déterminer une priorité dans l'ordre de la discussion.
Prenant acte de vos déclarations, monsieur le secrétaire d'Etat, nous retirons
l'amendement en l'état actuel des choses.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Merci !
M. le président.
L'amendement n° I-89 est retiré.
Par amendement n° I-90, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - L'article 278
bis
du code général des impôts est complété par un
nouvel alinéa ainsi rédigé :
« 7° Les supports de musique enregistrée, y compris leur location. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence
par une hausse des tarifs prévus à l'article 885 U du code général des impôts.
»
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le rapporteur général, vous m'accusez de vouloir vous faire prendre
des vessies pour des lanternes. Or c'est vous qui décrivez une vessie que, pour
ma part, je n'ai pas décrite.
M. Michel Mercier.
Ce qui vous manque, c'est la lanterne !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai dit que l'impôt indirect est en règle générale injuste parce qu'il tombe
de la même manière sur tout le monde... sauf peut-être s'agissant du caviar,
qui restera cher et que peu de gens modestes seront en mesure de s'acheter.
M. Thierry Foucaud.
Ce sera la même chose pour le chocolat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le choix du Gouvernement que vous avez suivi tendait, vous le savez bien, à
créer des emplois, ce qui est la priorité des priorités. Cette mesure bénéficie
tout de même aux petits, aux gens du bâtiment, à ceux qui étaient au chômage et
qui ont ainsi trouvé un emploi.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais ce sont les « gros » qui les paient !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La discussion pourrait se prolonger, mais sachez que je n'ai pas aimé vous
entendre me dire que je voulais vous faire prendre des vessies pour des
lanternes. Vous m'avez fait dire ce que je n'avais pas dit pour pouvoir mieux
me contredire !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oh ! C'était dit gentiment !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'en viens à l'amendement n° I-90.
Il prévoit d'appliquer le taux réduit de TVA aux supports de musique
enregistrée, autrement dit aux disques.
Il est vrai qu'il est récurrent, car le groupe socialiste, en particulier Mme
Pourtaud, l'avait déjà présenté l'an dernier. Mais la réponse de M. le
secrétaire d'Etat au budget, à l'époque, a laissé entrevoir une petite fenêtre
d'espoir.
En effet, il avait fait part d'une remarque de la Commission européenne qui,
tout en refusant pour l'instant le taux réduit, considérait que « l'application
d'un taux différent au livre et au disque est susceptible de créer des
distorsions de concurrence ». Vous nous direz tout à l'heure, monsieur le
secrétaire d'Etat, où en est la Commission de ses réflexions.
Il est certain qu'une baisse de la TVA sur le disque permettrait de considérer
enfin celui-ci comme un bien culturel à part entière. Il faut bien constater
qu'à la différence d'autres « oeuvres de l'esprit » comme le livre, le cinéma
ou les spectacles, le disque ne bénéficie toujours pas d'un taux réduit.
La raison est bien connue, ce qui ne signifie pas pour autant qu'elle soit
justifiée : le disque n'est pas répertorié dans la fameuse annexe H, qui dresse
à l'échelle européenne la liste exhaustive des biens soumis au taux réduit.
Si je me permets d'insister encore une fois cette année sur ce point, c'est
pour deux raisons essentielles : une telle mesure me paraît d'abord cohérente
par rapport à l'objectif de démocratisation de la culture ; elle est aussi
nécessaire pour l'industrie du disque, aujourd'hui menacée par le développement
de la technologie numérique.
La démocratisation de l'accès à la culture est la préoccupation majeure du
ministère de la culture. Il me semble que, dans la filière musicale, une baisse
de la TVA de 20,6 % à 5,5 % sur le disque pourrait être l'une des mesures
fortes favorisant l'accès de tous nos concitoyens à la musique.
Il est clair que le maintien d'un coût élevé du disque en raison de taxes
excessives est un frein naturel à la consommation. Une baisse de la TVA
permettrait de faire passer son prix de vente en dessous du seuil psychologique
de 100 francs, contre 130 francs actuellement. En 1998, la moyenne d'albums
achetés par an et par foyer en France n'est que de 5,5 %, soit l'un des
chiffres les plus faibles d'Europe. Ce phénomène semble persister cette année,
malgré une offre de plus en plus riche et diversifiée. Rappelons que le passage
du taux de 33,33 % à 18,6 % en 1988 a permis le développement du répertoire
francophone, avec une progression de 35 % l'année suivante.
Par ailleurs, une telle mesure semble d'autant plus nécessaire que nous sommes
entrés dans l'ère numérique. Cette technologie peut être une chance pour
l'industrie musicale grâce au commerce électronique. Elle est aussi une source
légitime d'inquiétude pour les artistes, auteurs ou interprètes avec le
développement de la copie privée et du piratage. Au premier semestre de cette
année, les
single,
version moderne des anciens 45 tours sur lesquels
n'est gravée qu'une seule chanson, ont accusé une chute brutale de 8 % à 11,5 %
des ventes, provoquant pour l'industrie musicale une perte chiffrée à 64
milliards de francs dans le monde.
Grâce au fichier de compression MP 3, il est assez simple de télécharger une
oeuvre musicale sur Internet. D'après une étude réalisée par le Syndicat
national de l'édition phonographique, pendant le seul mois de mai 1999, 390 000
personnes auraient effectué une recherche sur Internet via cette norme et 80 %
d'entre elles auraient téléchargé au moins un titre.
Quant aux CD enregistrables, ils circulent facilement dans les cercles d'amis
et sont même, paraît-il, vendus sous le manteau dans les lycées. Le marché
français des CD vierges audio pour l'année 1998 est en hausse d'au moins 300 %.
En 1999, 90 millions de CDR, ces compacts disques vierges enregistrables - on
pourrait d'ailleurs parler de disques compacts - devraient être vendus. Il est
certain que le coût élevé du disque du fait de la TVA encourage les pratiques
de piratage.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, Mme Pourtaud et le groupe
socialiste vous présentent cet amendement.
M. Emmanuel Hamel.
Une fois de plus, libérons-nous du carcan de Bruxelles ! Y en a marre !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement, qui n'est pas plus recevable que le
précédent, reçoit un avis défavorable de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement partage l'avis de M. le rapporteur
général.
M. Marc Massion.
Quel honneur !
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Dreyfus-Schmidt ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La réponse du Gouvernement est un peu brève.
Dans la mesure où M. le secrétaire d'Etat avait bien voulu nous assurer tout à
l'heure qu'il partageait notre souci quant aux cédéroms, j'aimerais savoir s'il
estime normal que, à la différence des supports concurrents, les disques soient
exclus du taux réduit de TVA. Sa réponse nous éclairerait sur la place réservée
dans la file d'attente !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Vous voyez bien qu'il y a une file d'attente !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
M. Dreyfus-Schmidt m'excusera d'avoir été si
lapidaire, mais j'avais cru développer, en réponse à l'excellent exposé dont il
nous a gratifiés en défendant son premier amendement, la logique
gouvernementale.
J'avais cru lui démontrer que le Gouvernement agissait auprès de la Commission
de Bruxelles en lui demandant avec insistance et constance...
M. Emmanuel Hamel.
Libérez-vous d'elle !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... d'inclure ces produits dans la logique d'une
baisse de TVA.
Puisqu'elle n'est pas encore acquise, il nous faut remettre l'ouvrage sur le
métier. Soyez assuré que nous le ferons avec constance, monsieur
Dreyfus-Schmidt.
Sous cette réserve, je préférerais que vous retiriez votre amendement n° I-90,
car j'ai expliqué tout à l'heure pourquoi il me paraissait important que le
Sénat indique ses priorités. Vous avez parlé de priorités dans votre première
intervention, c'est juste, et le Gouvernement les reçoit avec beaucoup de
faveur. Il interviendra en temps utile avec une grande détermination à
l'échelon européen pour que nous ayons, vous et nous, satisfaction.
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, maintenez-vous votre amendement n° I-90 ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il suffisait, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous m'indiquiez que la
position que vous avez adoptée pour le cédérom était également valable pour le
disque pour qu'à l'instar de ce que nous avons fait pour les cédéroms nous
retirions notre amendement relatif aux supports de musique enregistrée.
M. Emmanuel Hamel.
Et Bruxelles l'emporte !
M. le président.
L'amendement n° I-90 est retiré.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Tout à l'heure, à l'occasion de la discussion des
amendements n°s I-107, I-122 et I-147, je m'étais engagé à préciser, dans un
délai de quarante-huit heures, le coût de ces amendements relatifs à la
formation des salariés.
Je suis en mesure de communiquer dès maintenant au Sénat le coût de ces trois
amendements estimé par le service de législation fiscale : il se situe entre
510 millions et 550 millions de francs, en termes de dépense fiscale, au sens
que peut prendre ce mot pour les personnes averties que vous êtes.
M. Emmanuel Hamel.
C'est peu, compte tenu de nos ressources budgétaires !
9
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR DÉCÉDÉ
M. le président.
Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le
ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en
application de l'article L.O. 319 du code électoral M. Paul Dubrule est appelé
à remplacer, en qualité de sénateur de Seine-et-Marne, Alain Peyrefitte, décédé
le 27 novembre 1999.
Mes chers collègues, nous reprendrons nos travaux à vingt et une heures
quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et
une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
10
LOI DE FINANCES POUR 2000
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté
par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus
à l'amendement n° I-177 rectifié.
Articles additionnels après l'article 3
(suite)
M. le président.
Par amendement n° I-177 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après
l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278
quater
du code général des impôts est complété par
les mots : "à l'exception de celles effectuées par les établissements publics
de santé".
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, le
taux prévu à la dernière ligne du tarif fixé à l'article 885 U du code général
des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement a pour objet d'exonérer totalement de TVA les achats de
médicaments effectués par les établissements publics de santé.
Nos hôpitaux rencontrent de graves difficultés et, au cours des débats que
nous avons eus lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité
sociale, plusieurs d'entre nous ont insisté sur l'insuffisance de la dotation
budgétaire allouée aux hôpitaux depuis des années. Puisque leurs recettes leur
sont comptées, faisons en sorte que leurs dépenses soient réduites au minimum !
Il faut que les hôpitaux puissent continuer d'assurer dans les meilleures
conditions possibles les soins et les traitements dus aux malades.
Enfin, je précise que cette disposition aurait un coût budgétaire limité, dans
la mesure où la plupart des médicaments bénéficient déjà d'un taux de TVA de
2,10 %.
Par conséquent, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet
amendement, qui est favorable à nos hôpitaux sans remettre fondamentalement en
cause la politique du Gouvernement en matière de santé.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Tout en comprenant les intentions
des auteurs de l'amendement, la commission des finances considère que son
dispositif n'est pas extrêmement clair. En effet, les collectivités publiques -
donc les établissements publics hospitaliers - qui acquièrent des médicaments
agréés sont d'ores et déjà soumises au taux de TVA super réduit de 2,10 %. Je
me demande donc si la rédaction de l'amendement ne fragilise pas cette
position.
Pour des raisons essentiellement techniques, la commission a émis un avis
défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Le Gouvernement partage l'avis qui vient
d'être formulé par M. le rapporteur général. J'ai peur que, loin de réduire -
ce qui est l'objectif de Mme Beaudeau - le taux de TVA pour les médicaments, la
rédaction actuelle de l'amendement n'accroisse en réalité ce taux de 2,10 % à
5,5 %. Or, c'est sans doute l'inverse que vous souhaitez, madame Beaudeau !
Dans ces conditions, je pense qu'il serait sage de vous laisser le temps de
rédiger autrement votre amendement et - en attendant, je vous demande de le
retirer -, afin de pouvoir, lors d'une lecture ultérieure, revenir à ce
dispositif si vous le souhaitez.
M. le président.
Madame Beaudeau, maintenez-vous l'amendement n° I-177 rectifié ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Chacun aura bien compris que l'objet de cet amendement était effectivement de
réduire le taux de TVA sur les médicaments afin d'arriver à un taux zéro.
Toutefois, effectivement, la façon dont nous l'avons présenté, en nous référant
à l'article 278
quater
du code général des impôts au lieu de viser
l'article 280
octies
dudit code, pose sans doute un problème.
J'accepte donc la proposition de M. le secrétaire d'Etat et je retire notre
amendement jusqu'à ce que nous ayons trouvé un autre dispositif.
M. le président.
L'amendement n° I-177 rectifié est retiré.
Par amendement n° I-173, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 278
quater
du code général des impôts est complété par
un alinéa ainsi rédigé :
« La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % en ce qui concerne
les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intra-communautaire, de
vente, de livraison, de courtage ou de façon portant sur les prothèses
auditives, les verres correcteurs de la vue, les montures, le matériel autre
d'amélioration de l'audition et de la vision, prescrit médicalement.
« La liste des biens éligibles est fixée par décret. »
« II. - Les droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts sont relevés à due concurrence. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement a pour objet d'abaisser à 5,5 % le taux de la TVA appliquée aux
prothèses auditives et aux verres correcteurs. Son adoption aurait pour
avantage de réduire sensiblement le prix de produits aujourd'hui faiblement
remboursés, tant par la sécurité sociale que par les régimes
complémentaires.
Malgré les requêtes qui ont été exprimées par les associations concernées
auprès des organismes sociaux pour assurer une prise en charge plus importante
de ces produits, pourtant essentiels à la vie quotidienne de millions de
Français, aucune initiative n'a été prise à ce jour.
Aussi, l'Etat, qui a la responsabilité de garantir l'accès à la santé de tous
les citoyens, doit-il montrer l'exemple en facilitant l'acquisition de lunettes
ou de prothèses auditives.
En outre, ce geste serait de nature à éviter des dépenses futures provoquées
par le report, voire le renoncement à se munir de tels produits dans
l'immédiat, entraînant une aggravation du handicap et le recours, à terme, à
des prothèses plus coûteuses.
Dans un souci de justice et d'égalité de tous les assurés sociaux, nous vous
demandons de voter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement vise un certain nombre de dispositifs
et d'appareillages médicaux. Or, d'ores et déjà, les appareils auditifs sont
assujettis au taux réduit de 5,5 % pour une très large majorité d'entre eux.
Il serait possible, selon le droit communautaire, d'aller plus loin et de
soumettre au taux réduit les verres correcteurs, les montures et l'ensemble des
matériels d'amélioration de l'audition et de la vision.
Dans ces conditions, il me semble utile d'entendre l'avis du Gouvernement sur
ce sujet.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Comme je l'ai expliqué cet après-midi, nous avons
consacré les marges que nous souhaitions affecter à la réduction de TVA à
l'abaissement du taux applicable aux travaux réalisés dans les logements.
L'application du taux réduit de la TVA aux lunettes correctrices serait, en
effet, une bonne idée. Nous ne pourrons toutefois pas accéder cette année à une
nouvelle baisse de TVA, dont le coût serait de 1,5 milliard de francs. Ce
serait difficilement envisageable au regard des mesures fiscales que j'ai
défendues cet après-midi et de l'effort de réduction du déficit budgétaire
entrepris par ailleurs par le Gouvernement.
Quoi qu'il en soit, nous retenons cette idée comme étant un projet tout à fait
justifié et mobilisateur, puisque aussi bien - M. le rapporteur général vient
de l'exprimer avec une grande clarté - le travail a déja été fait sur les
prothèses auditives, notamment depuis la parution de l'instruction
administrative du 22 juin 1999 : l'ensemble de ces prothèses, lorsqu'elles
bénéficient du marquage « Communauté européenne », relèvent du taux réduit de
5,5 %.
M. Foucaud ayant manifesté l'opinion du groupe communiste républicain et
citoyen et ayant été rassuré sur la volonté du Gouvernement d'étudier cette
mesure le moment venu, il serait bon qu'il retire maintenant son amendement.
M. le président.
Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Notre collègue a compris qu'il lui fallait prendre
place dans la file d'attente concernant l'ensemble des produits, dispositifs et
prestations de services auxquels il souhaite appliquer le taux réduit !
Compte tenu de ce qu'a indiqué M. le secrétaire d'Etat, la commission s'en
remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Monsieur Foucaud, l'amendement est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud.
J'avais cru comprendre l'année dernière que nous étions déjà dans la file
d'attente qu'a évoquée M. le secrétaire d'Etat. Mais l'attente se fait un peu
longue !
Au regard des explications données ce soir sur la TVA, je crois qu'il faut
rappeler deux chiffres : le présent projet de budget fait apparaître 18
milliards de francs pour les baisses de TVA et 21 milliards de francs pour la
baisse du déficit. Pourquoi ne pas prendre un peu sur le déficit pour
satisfaire un certain nombre de revendications sociales légitimes ?
Tel est l'objet de cet amendement, que nous maintenons donc.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-173, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est cela la sagesse !
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
On n'a rien vu !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances après l'article 3. Par amendement n° I-109, MM. Ostermann,
Braun, Cazalet, Chaumont, Gaillard, Oudin et Trégouët proposent d'insérer,
après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278
sexies
du code général des impôts, il est
inséré un article ainsi rédigé :
«
Art. ... -
La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 %
sur les opérations individualisées de construction, reconstruction,
réhabilitation totale ou extension de casernements de gendarmerie réalisées par
les collectivités locales et déclarées prioritaires et urgentes par le ministre
de la défense mais ne faisant pas l'objet d'une subvention de la part de
l'Etat.
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée par le
relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts ainsi que par la création d'une taxe additionnelle aux
droits visés à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Cet amendement, qui concerne la construction de casernements de gendarmerie,
avait déjà été présenté l'année dernière.
Je me permettrai de rappeler rapidement l'évolution en matière de construction
de casernements de gendarmerie : cette construction bénéficiait, avant 1994,
d'une subvention de l'Etat et de la récupération de la TVA ; en 1995, elle
bénéficiait d'une subvention de l'Etat mais plus de la récupération de TVA ;
aujourd'hui, elle ne bénéficie plus ni de la récupération de la TVA ni d'une
subvention de l'Etat, puisque les contraintes budgétaires imposées au
département de la défense ne permettent plus ou permettent peu d'intervenir en
faveur de la construction de gendarmeries. Par conséquent, une collectivité
locale devant réaliser un casernement de gendarmerie doit être subventionnée
par le département. Il s'agit quand même là d'une situation un peu particulière
dans la mesure où la sécurité est une mission régalienne de l'Etat.
Par conséquent, l'amendement n° I-109 vise à prévoir une TVA à 5,5 % sur ces
opérations.
M. Jacques Chaumont.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il apparaît légitime d'atténuer les efforts
financiers réalisés en la matière par de nombreuses collectivités
territoriales, et la mesure proposée est tout à fait correcte du point de vue
du droit communautaire. Je rappelle que, l'an dernier, lors du débat
budgétaire, nous avions adopté un amendement identique après avoir obtenu du
Gouvernement une réponse qui n'était pas, à mon sens, d'une extrême clarté.
La commission des finances a donc émis un avis favorable sur cet amendement n°
I-109.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement ne rejoint pas M. le rapporteur
général et les auteurs de l'amendement dans leur élan. En effet, les travaux de
construction ou ceux qui sont assimilables à une construction pour des
gendarmeries sont exclus du champ d'application du taux réduit autorisé par la
directive adoptée le 22 octobre 1999. Dès lors, l'application du taux réduit
aux travaux visés par l'amendement est contraire au droit communautaire.
Je demande donc aux auteurs de l'amendement n° I-109 de bien vouloir retirer
ce dernier.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-109.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Sur le fond, l'amendement n° I-109 est sympathique et recouvre une réalité.
Seulement, comme l'a dit M. le secrétaire d'Etat - c'est d'ailleurs bien ce que
je craignais personnellement, ainsi que je l'indiquais en aparté à mes amis -
la directive communautaire interdit ce genre d'opération puisqu'elle n'est pas
applicable à ce type de travaux immobiliers. On a fait une dérogation récente
pour les grosses réparations ou les réparations dans les appartements, mais pas
à cet égard.
En réalité, je souhaiterais que M. le secrétaire d'Etat veuille bien nous
répondre sur un point précis afin d'éclairer les choses, étant entendu que je
ne pourrai bien sûr pas voter l'amendement n° I-109, dont l'adoption nous
ferait condamner à Bruxelles.
La question se pose aujourd'hui de façon très simple. Les constructions de
gendarmeries ne sont plus éligibles au fonds de compensation de la TVA. On
procède quelquefois - mais pas tout le temps - avec une subvention de l'Etat et
un loyer versé par la gendarmerie. Si l'administration des domaines, qui évalue
les loyers de l'Etat, voulait bien désormais, au moins s'agissant des
gendarmeries, donner les instructions nécessaires pour que le loyer soit
calculé de manière à couvrir tous les ans l'annuité de remboursement de
l'emprunt, le problème serait alors réglé et l'amendement de M. Ostermann ne se
justifierait plus.
Par conséquent, je souhaiterais, pour ne pas donner le signe que le Sénat est
divisé sur cet amendement, qui recouvre un vrai problème, que M. Ostermann le
retire et que dans le même temps, M. le secrétaire d'Etat s'engage à nous
apporter une réponse sur ce point particulier de calcul du loyer. Bien entendu,
il ne le peut certainement pas ce soir.
Vous me direz, bien sûr, qu'une commune n'est jamais obligée de construire une
gendarmerie, puisqu'il ne s'agit pas d'une compétence communale. Mais nous
savons très bien comment les choses se passent : l'obligation, à défaut d'être
juridique, est morale ; la gendarmerie engage des démarches, met en avant la
nécessité de procéder à des réparations au sein de la caserne, etc.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes un élu local et vous connaissez bien
ces questions : je vous demande donc d'engager des réflexions sur ce sujet
pendant la navette afin de pouvoir nous affirmer clairement que les loyers
seront désormais calculés de manière à couvrir les annuités d'emprunt. Et le
problème sera ainsi réglé.
En attendant, je serais heureux que M. Ostermann accepte de retirer son
amendement. Je ne voudrais pas, en effet, que l'on donne le sentiment que le
Sénat, ou plutôt le Parlement, en adoptant cet amendement, qui serait retiré ou
rejeté au cours de la navette pour des raisons de directive européenne, n'a pas
une vision claire de ce genre de difficulté.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini
rapporteur général.
S'agissant de la conformité au droit communautaire,
j'ai une petite bible qui est le rapport fait au nom de la commission des
finances par notre collègue Denis Badré.
(Très bien ! sur les travées du
RPR, du groupe des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
Je me réfère à la fameuse annexe H, qui comporte une rubrique n° 9 ainsi
libellée : « La livraison, construction, rénovation, transformation de
logements fournis dans le cadre de la politique sociale ».
M. Michel Charasse.
Il s'agit de logements !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Puis, à la page 40 dudit rapport, où est rappellée la
discussion intervenue dans le cadre du projet de loi de finances pour 1999, le
rapporteur s'exprime ainsi : « On pourrait donc en conclure implicitement
qu'une telle mesure est eurocompatible, mais que son application effective se
heurte à la réglementation actuellement en vigueur en France. Ainsi, seul le
logement social peut bénéficier d'un taux réduit, mais l'appréciation du champ
des logements sociaux relève de la souveraineté des Etats ».
Rendons à l'Europe ce qui lui appartient, conservons sur le plan national ce
qui est de notre propre domaine, le domaine du législateur national. Il est
tout à fait possible de considérer que les constructions de casernes de
gendarmerie entrent dans le cadre de la politique sociale. Au demeurant, les
logements de gendarmes sont bien des logements sociaux.
M. Michel Charasse.
Pour la partie logement, mais pas pour la partie casernement !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Alors, au moins pour la partie logement !
M. Michel Charasse.
Il vaudrait mieux que les loyers couvrent les annuités d'emprunts !
L'amendement de M. Ostermann ne règle pas le problème !
M. Auguste Cazalet.
Il a raison !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, je maintiens que la
directive du 22 octobre 1999 ne permet pas une pareille baisse du taux de la
TVA pour les constructions de gendarmerie.
Par ailleurs, j'informe le Sénat que la Commission, dans un rapport qu'elle a
adressée à l'ensemble des Etats membres en novembre 1997, a stigmatisé l'abus
auquel procédaient certains Etats membres dans la notion extensive qu'ils
avaient du logement social. Nous ne pouvons donc pas considérer qu'il s'agit,
dans le cas d'espèce, de logements sociaux au sens classique du terme. La
directive du 22 octobre 1999 s'applique par conséquent pleinement.
Mais je suis très sensible, comme toujours, à la sagesse exprimée par M.
Charasse qui, à l'instant, vient de mettre le doigt sur une difficulté. Je
tiens d'ailleurs à confirmer qu'une collectivité locale ou territoriale -
commune ou département - construisant une gendarmerie pour le compte de l'Etat
ne bénéficie pas du FCTVA,
Par conséquent, monsieur Charasse, je crois légitime et sage de procéder aux
investigations nécessaires sur le point de savoir si le loyer auquel les
gendarmeries sont louées par les collectivités territoriales qui en ont assuré
la maîtrise d'ouvrage et la construction ne peut pas couvrir le montant exact
des frais engagés par ces collectivités terrirotiales pour cette construction.
Je vous donnerai une réponse le moment venu.
Sous le bénéfice de cette avancée obtenue par les sénateurs et après avoir
répondu, je crois, avec grande précision et extrême rigueur, en allant dans
votre sens, je vous demande, monsieur Ostermann, de bien vouloir retirer
l'amendement n° I-109.
M. le président.
Monsieur Ostermann, l'amendement n° I-109 est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann.
Il faut répondre à la préoccupation soulevée dans cet amendement.
J'accepte de retirer cet amendement aujourd'hui. Mais soyez assuré, monsieur
le secrétaire d'Etat, qu'il réapparaîtra si nous n'obtenons pas de réponse
satisfaisante.
M. le président.
L'amendement n° I-109 est retiré.
Je suis saisi de neuf amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-108, MM. Ostermann, Braun, Cazalet, Chaumont, de Broissia,
Joyandet, Leclerc, Murat, Oudin et Trégouët proposent d'insérer, après
l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le
a quinquies
de l'article 279 du code général des
impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... Les prestations de restauration. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du même code. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-79 est présenté par MM. Hérisson, Amoudry, Arnaud, Huchon,
Louis Mercier et Fréville.
L'amendement n° I-135 est déposé par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud,
de Rocca Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le
a quater
de l'article 279 du code général des impôts est
rétabli dans la rédaction suivante :
«
a quater)
La fourniture de repas à consommer sur place. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-175, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
a quater
de l'article 279 du code général des impôts est
rétabli dans la rédaction suivante :
«
a quater)
La fourniture de repas par les entreprises du secteur de la
restauration traditionnelle et consommés sur place. »
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, le
taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due
concurrence. »
Par amendement n° I-81 rectifié
bis,
M. Hérisson, Mme Bocandé, MM.
Ballayer, Baudot, Belot, Branger, Huriet, Amoudry, Arnaud, Huchon, Louis
Mercier, Moinard, Marquès, Nogrix, Lorrain, Richert, Souplet et Fréville
proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - L'article 281
quinquies
du code général des impôts est rétabli
dans la rédaction suivante :
«
Art. 281
quinquies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au
taux de 14 % pour la fourniture de repas à consommer sur place. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement
des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-136, MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, de Rocca
Serra, Torre, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants
proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Après l'article 281
nonies
du code général des impôts, il est
inséré un article ainsi rédigé :
«
Art. ...
- La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 14 %
en ce qui concerne la vente à consommer sur place dans le secteur de la
restauration. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par
l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
Par amendement n° I-80 rectifié
bis,
MM. Arnaud, Barraux, Bécot,
Bernardet, Branger, Dériot, Hérisson, Herment, Huchon, Huriet, Lesbros,
Lorrain, Malécot, Marquès, Louis Mercier, Moinard, Richert, Souplet et Fréville
proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel rédigé comme
suit :
« I. - Il est inséré dans l'article 279 du code général des impôts un
a
sexies
ainsi rédigé :
«
a sexies)
Les prestations effectuées par les traiteurs de réception
dans la limite de 50 % de leur montant ».
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement
des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-103, MM. Leclerc et Murat proposent d'insérer, après
l'article 3, un article additionnel rédigé come suit :
« I. - Il est inséré dans l'article 279 du code général des impôts un
a
sexies
ainsi rédigé :
«
a sexies)
Les prestations effectuées par les traiteurs de réception.
»
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement
du taux prévu à l'article 978 du code général des impôts. »
Par amendement n° I-82 rectifié, MM. Arnaud, Barraux, Bécot, Bernardet,
Branger, Dériot, Hérisson, Herment, Huchon, Huriet, Lesbros, Lorrain, Malécot,
Marquès, Louis Mercier, Moinard, Richert, Souplet et Fréville proposent
d'insérer, après l'article 3, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - Il est inséré dans le code général des impôts un article 281
decies
ainsi rédigé :
«
Art. 281
decies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux
de 14 % sur les prestations effectuées par les traiteurs de réception. »
« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement
des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° I-108.
M. Joseph Ostermann.
Cet amendement concerne les prestations de la restauration.
Le secteur de la restauration, en France, est soumis à deux taux de TVA
différents : l'un de 5,5 % pour la vente à emporter et la livraison de repas à
domicile, l'autre à 20,6 % pour la restauration à consommer sur place.
Cette situation engendre de graves inégalités au sein de la profession et
entraîne de sensibles distorsions de concurrence. En outre, le taux de 20,6 %
met en difficulté un certain nombre de restaurateurs qui se voient trop
lourdement taxés et ne peuvent assurer ainsi la rentabilité de leurs
équipements, notamment en zone rurale où les prix pratiqués sont bien souvent
en deçà de ceux qui sont pratiqués par telle ou telle autre enseigne
internationale.
Enfin, la coexistence de ces deux taux provoque parfois, au sein d'une même
entreprise, des difficultés de comptabilité très difficilement gérables.
C'est pourquoi le présent amendement vise à assujettir le secteur de la
restauration dit « traditionnel » au même taux de TVA que le secteur de la
vente à emporter, soit 5,5 %.
M. le président.
La parole est à M. Arnaud, pour présenter l'amendement n° I-79.
M. Philippe Arnaud.
Cet amendement va dans le même sens que celui qui vient d'être exposé. Je
tiens toutefois à ajouter que l'activité qui est visée est à forte densité de
main-d'oeuvre. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous considérerez
cet amendement comme eurocompatible.
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° I-135 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Loridant pour présenter l'amendement n° I-175.
M. Paul Loridant.
Cet amendement vise à fixer le taux particulier de TVA à hauteur de 14 % pour
la fourniture de repas par les entreprises du secteur de la restauration
traditionnelle et consommés sur place.
Depuis de nombreuses années, les organisations professionnelles de ce secteur
d'activité manifestent avec force leur souhait de voir réduire ce taux de TVA,
actuellement fixé à 20,6 %, alors que, pour les ventes à emporter, il est à
taux réduit.
Il nous semble opportun de répondre à cette légitime demande émanant des
professionnels.
En effet, plusieurs arguments plaident en faveur de l'adoption de cette
disposition.
Il s'agit, tout d'abord, de placer notre pays en situation d'égalité de
concurrence vis-à-vis de nos partenaires européens que sont l'Espagne, la
Grèce, le Portugal, l'Irlande. Ces pays touristiques bénéficent déjà d'un taux
réduit dans le domaine de la restauration.
Chacun reconnaîtra que l'art culinaire contribue pour beaucoup à faire de la
France la principale destination touristique au monde.
Un autre argument en faveur de cet amendement est la création d'emplois. Ce
secteur d'activité crée en effet, chaque année, de 10 000 à 18 000 emplois.
Si, effectivement, ces emplois ont pour caractéristique d'être peu qualifiés
et souvent sous-payés, nous pouvons penser qu'un taux réduit de TVA permettra,
d'une part, de lutter contre le travail « au noir », et, d'autre part, de
dégager des marges supplémentaires pour les salariés de la restauration.
Enfin, cette mesure fiscale serait particulièrement avantageuse pour les
consommateurs, la plupart employés, ouvriers ou cadres, qui constituent
l'essentiel de la clientèle des restaurants et cafés brasseries. Il n'est pas
inutile de rappeler que 50 % des repas servis ont un prix inférieur à 50
francs. A défaut de payer moins cher, le consommateur pourra alors disposer
d'un menu complet et de meilleure qualité.
Outre la nécessité de faire valoir le principe de non-discrimination au sein
de l'Union européenne et de favoriser un secteur porteur d'emplois, il est plus
que jamais indispensable de soutenir la gastronomie française à l'heure où va
s'engager, à Seattle, le cycle des négociations de l'OMC, qui devraient
permettre à la France de défendre son modèle agricole et alimentaire.
Cet amendement ne peut, par conséquent, que contribuer à préserver la culture
du goût, de la convivialité, fondées sur des produits agricoles sains et de
qualité.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à le voter
le présent amendement.
M. le président.
La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° I-81
bis.
M. Philippe Arnaud.
Cet amendement tend à prévoir une TVA à un taux de 14 % pour la fourniture de
repas à consommer sur place. Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à
l'amendement n° I-79, par lequel nous proposons un taux de 5,5 %.
M. le président.
L'amendement n° I-136 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° I-80 rectifié
bis.
M. Philippe Arnaud.
Nous proposons un taux de TVA de 5,5 % pour l'ensemble des denrées
alimentaires dès lors qu'il y a prestations, celles-ci étant le fruit
d'activités d'entreprises à forte densité de main-d'oeuvre. Ce dispositif vise
à éviter le recours au travail « au noir ».
M. le président.
L'amendement n° I-103 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Arnaud, pour présenter l'amendement n° I-82 rectifié.
M. Philippe Arnaud.
Cet amendement vise à prévoir un taux de TVA de 14 % pour les prestations
effectuées par les traiteurs. Il s'agit à nouveau d'un amendement de repli.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-108, I-79, I-175,
I-81 rectifié
bis
, I-80 rectifié
bis
et I-82 rectifié ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces amendements traitent d'un sujet extrêmement
important.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La bouche, ça compte !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est bon de rappeler que la branche de la
restauration représente 800 000 emplois dans ce pays, soit un pourcentage
significatif de la population active.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si l'on recherchait des baisses ciblées de TVA
pour inciter à la création d'emplois, pourquoi ne pas avoir retenu le secteur
de la restauration, plutôt que celui des logement ? Si je mets en balance ces
deux secteurs d'activités, c'est parce que, en matière d'emploi, l'enjeu est
exactement du même ordre.
En matière de services au logement, vous nous avez indiqué que l'on escomptait
de la mesure envisagée de 35 000 à 45 000 créations d'emplois.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Soixante mille !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour la restauration, aux termes des analyses, la
création de 40 000 à 50 000 emplois serait tout à fait concevable.
Du point de vue du coût pour les finances publiques, et ce n'est pas
surprenant, l'ordre de grandeur est à peu près identique : un peu plus pour la
restauration, de l'ordre de 22 milliards de francs, me dit-on, et 20 milliards
de francs pour le logement.
Il est clair qu'en matière de restauration nous sommes face à une absurdité
liée à la dichotomie entre, d'une part, les services de restauration rapide à
emporter et de livraison à domicile, qui sont d'ores et déjà soumis au taux de
5,5 %, et, d'autre part, les restaurants traditionnels assujettis à la TVA au
taux de 20,6 % à la vérité au taux de 17,5 % car il faut exclure le service de
la base imposable en raison d'un texte ancien dont il est toujours fait
application. Ce taux de 20,6 % s'applique également, sous conditions, à la
restauration rapide sur place.
De nombreux rapports ont été faits sur ces sujets et j'ai notamment en mémoire
celui de M. Edouard Salustro, à qui M. Jean Arthuis, alors qu'il était ministre
de l'économie et des finances, avait confié une mission dans ce domaine.
Ces quelques chiffres et ce rappel montrent la très grande difficulté de la
problématique des baisses ciblées de TVA.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement en « mettant au pot » 20
milliards de francs a fait une baisse sur un secteur disposant, en effet, d'une
capacité de créations d'emplois significative. Mais au nom de quoi faut-il
considérer que les emplois à créer en matière de services au logement sont plus
nobles, respectables, préférables en un mot, aux emplois susceptibles d'être
créés dans la restauration ? C'est emplois contre emplois pour des branches
d'activité de volume analogue, ce sont des mesures susceptibles d'avoir à peu
près les mêmes effets sur la conjoncture économique et sociale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, tous les amendements présentés ont des
justifications extrêmement sérieuses et la commission des finances estime ne
pas pouvoir choisir entre les uns et les autres.
La commission des finances estime également, M. Badré l'a montré avec beaucoup
de pertinence tout à l'heure dans son intervention sur un article que, si le
secteur des services au logement a été visé par la directive européenne du 21
octobre, c'est parce que tel a été le choix du Gouvernement français dans la
négociation. Si le Gouvernement avait souhaité que le choix se porte sur la
restauration, je pense, sincèrement, que c'est celle-ci qui aurait figuré sur
la liste et non les services au logement.
M. Denis Badré.
Ou les deux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oui, mais les deux, cela représente 40 ou 42
milliards de francs. Or un Gouvernement, même dans une période prospère, aura
quelque difficulté à distribuer ainsi des dizaines de milliards de francs.
N'oublions pas que notre pays enregistre toujours un solde budgétaire négatif
de 215,4 milliards de francs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il faut être objectif !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je crois qu'il faut être objectif, les uns et les
autres.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Chacun sait que lorsqu'on crée un restaurant dans
n'importe quelle commune - j'ai assisté, dans ma ville, à plusieurs créations
de restaurant ces derniers temps - le minimum, pour un restaurant petit ou de
taille moyenne, ce sont, dès le départ, six ou sept emplois créés. Chacun sait
également que, dans cette branche, les emplois créés le sont souvent au
bénéfice de personnes qui ont assez peu de formation professionnelle, assez peu
de qualification, assez peu de spécialisation, et donc que ces emplois favorise
l'insertion économique et sociale.
C'est en vertu de cette analyse que la commission s'en remet à la sagesse du
Sénat sur tous les amendements qui sont présentés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je rejoindrai d'abord l'ensemble des orateurs et M. le
rapporteur général qui, les uns après les autres, viennent de souligner
l'importance du secteur de la restauration, auquel on peut adjoindre, dans le
même raisonnement, le secteur de l'hôtellerie, dans l'économie nationale.
Ce secteur est d'autant plus important que la France est devenue au fil des
ans, et particulièrement au cours de ces dernières années, le premier pays
touristique du monde, accueillant 65 millions à 70 millions de touristes par
an.
C'est un secteur important également parce que l'hôtellerie - par ailleurs
assujettie au taux de TVA de 5,5 % - plus la restauration représentent quelque
600 000 à 700 000 emplois. Il s'agit donc d'un secteur fondamental dans la
bataille pour l'emploi, vous avez raison.
Le problème de la TVA au taux réduit a souvent été débattu ici : lors de la
discussion des lois de finances initiales pour 1998 et pour 1999, MM.
Strauss-Kahn et Sautter ont indiqué qu'en effet le Gouvernement était conscient
qu'un travail devrait être engagé en vue de faciliter, pour les entreprises du
secteur de l'hôtellerie et de la restauration, les recrutements de personnels,
pour toutes les raisons excellentes qui viennent d'être développées par M. le
rapporteur général.
Si nous avons choisi, dans un premier temps, de réduire le taux de TVA à 5,5 %
pour les réparations et les travaux dans les logements, ce n'est pas parce que
nous privilégions le secteur du logement au détriment de celui de la
restauration, mais simplement parce qu'un certain nombre d'obstacles se sont
dressés contre notre volonté de travailler également à la réduction de ce taux
pour la restauration.
Je veux rappeler ici la vérité historique. Lorsque ce point est venu en débat
au niveau européen - application du taux réduit de TVA aux services à forte
intensité de main-d'oeuvre - la France ne s'est pas opposée, loin s'en faut, à
la demande de certains Etats membres tendant à l'inscription de la restauration
sur la liste que j'évoquais tout à l'heure, avant la suspension de séance,
liste qui a été dressée par la Commission et par les Etats membres et qu'il a
été difficile d'arracher à un certain nombre de nos partenaires.
Ainsi, nous nous sommes heurtés, en ce qui concerne l'extension du taux de 5,5
% à la restauration, à la très vive opposition de certains Etat membres - je
pense à la Suède, au Danemark...
M. Jacques Oudin.
Et à l'Allemagne !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... je pense également à l'opposition résolue de
l'Allemagne - si bien que, dans le compromis que nous avons néanmoins réussi à
conquérir - et vous savez combien cela a été difficile - lors du conseil ECOFIN
du 8 octobre dernier, la restauration ne figure pas parmi les services
éligibles à la baisse de la TVA, alors que nous étions disposés à l'y
inclure.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela vous a tout de même bien arrangés !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Par conséquent, sur le plan communautaire,...
M. Emmanuel Hamel.
Encore et toujours !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... l'application du taux réduit de TVA aux
prestations de restauration demeure, mesdames, messieurs les sénateurs,
radicalement impossible du point de vue juridique...
M. Jacques Oudin.
Politiquement impossible, mais pas juridiquement !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... sans contrevenir aux dispositions générales de la
directive du 19 octobre 1992 relative au rapprochement des taux de TVA, qui ne
nous permet pas, depuis 1992 déjà, d'appliquer un taux de TVA autre que le taux
normal à la restauration.
Seuls les Etats membres qui, au 1er janvier 1991, appliquaient déjà un taux
réduit à ces prestations ont été, à titre tout à fait transitoire - nous
pourrions dire précaire - autorisés à le maintenir.
M. Denis Badré.
C'est vrai !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
La France n'est pas dans ce cas.
Cela étant, je rappelle que nous ne sommes pas les seuls à nous trouver dans
cette situation quelque peu ambiguë et en effet contradictoire avec les
objectifs d'emplois qui sont les nôtres, étant donné, encore une fois,
l'importance du secteur de la restauration et de l'hôtellerie dans notre
magnifique pays. Huit autres Etats membres soumettent les opérations de vente à
consommer sur place à des taux de TVA compris entre 15 % et 25 %.
Il n'y a donc pas d'exception française dans ce domaine. On peut le regretter
et je préférerais que nous nous situions dans un autre cas de figure, bien
entendu.
J'ajoute que les entreprises du secteur de la restauration bénéficieront par
ailleurs pleinement de la suppression progressive sur cinq ans de la part
salariale de la taxe professionnelle.
J'ajoute également qu'elles bénéficieront pleinement de la réforme des charges
patronales, dont on sait qu'elles vont jouer beaucoup, si ce n'est à titre
principal, dans des secteurs où, du fait des qualifications rappelées tout à
l'heure par M. le rapporteur général, du fait de l'existence de salaires
proches du SMIC, la réduction de la charge patronale de 21 000 francs par
emploi et par an lorsqu'il y a aménagement et réduction du temps de travail ;
c'est le cas du secteur de la restauration et de l'hôtellerie, qui sera
probablement un des principaux bénéficiaires de la mesure.
C'est pourquoi, tout en regrettant avec vous que nous ne puissions pas aller
plus loin pour des raisons communautaires, pour des raisons juridiques, pour un
empêchement juridiquement dirimant,...
M. Emmanuel Hamel.
Toujours des raisons communautaires !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... je demande aux différents auteurs des amendements
de les retirer.
Je donnerai maintenant l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-81
rectifié
bis,
qui est un peu différent des autres.
Le régime de TVA applicable au secteur de la restauration est fondé sur la
distinction entre les ventes de produits alimentaires, passibles du taux de 5,5
%, et les ventes à consommer sur place, passibles du taux de 20,6 %, chacun le
sait.
Cette différence s'explique par le fait qu'un restaurateur ne livre pas un
produit : il assure une prestation caractérisée par la pluralité des services
offerts aux clients.
Cette analyse a été confirmée par la Cour de justice des Communautés
européennes, qui a indiqué, dans un arrêt du 2 mai 1996, que la restauration
devait être considérée comme une opération unique de prestation de services.
Ainsi, les traiteurs de réceptions, qui livrent des produits et dépêchent du
personnel pour apprêter les repas, pour les servir ou pour effectuer des
prestations d'entretien ou de nettoyage, réalisent bien des opérations de vente
à consommer sur place, qui doivent être soumises au taux normal de TVA de 20,6
%.
En revanche, les livraisons à domicile de produits ou de plats préparés qui ne
s'accompagnent d'aucune mise à disposition de personnel sont soumises au taux
applicable aux produits physiques eux-mêmes, soit, en règle générale, le taux
réduit de 5,5 %.
Je pense vous avoir donné ainsi tous apaisements.
J'invite donc les auteurs de l'amendement n° I-80 rectifié
bis,
qui ont
été, je l'espère, rassurés et confortés dans le bien-fondé de leur demande, à
retirer leur amendement, et je me prononce contre tous les autres amendements
qui ont été défendus, excellemment au demeurant. Mais je n'y peux rien, c'est
la règle communautaire.
M. Emmanuel Hamel.
Libérez-vous-en !
(Sourires.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Nous devons la respecter !
M. Emmanuel Hamel.
Ce n'est pas drôle !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas facile de faire l'Europe ! Vous feriez mieux de nous aider,
monsieur Hamel !
M. le président.
Je vais mettre aux voix ces différents amendements.
M. Denis Badré.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, pour encourager un secteur aussi
largement porteur d'emplois à un moment où nous livrons bataille précisément en
faveur de l'emploi. Cela a été dit et répété sur tous les bancs de cette
assemblée, et même repris par M. le secrétaire d'Etat.
J'insisterai sur un second argument qui milite en faveur de la réduction du
taux de TVA applicable au secteur de la restauration.
Comme le rappelait à l'instant M. le secrétaire d'Etat, la question est de
savoir où s'arrête le produit vendu et où commence le service rendu, sachant
que, selon les formes de restauration, on a un peu plus de produits et un peu
moins de services, ou un peu plus de services et un peu moins de produits.
Entre la restauration traditionnelle, la restauration collective, la
restauration rapide et les plats livrés à domicile par des traiteurs, il existe
aujourd'hui de vraies distorsions de concurrence, de vraies difficultés liées à
la délimitation des différentes formes de restauration et de vraies erreurs à
corriger. Il se pose de vrais problèmes auxquels il faut trouver de vraies
solutions. C'est une raison de plus pour rechercher effectivement une solution
à l'ensemble de la question posée.
A terme, la seule solution serait d'aligner l'ensemble de ces formes de
restauration sur le taux réduit de 5,5 % ; cela me paraît tout à fait évident.
Mais il est clair que, sur le plan budgétaire, on ne peut pas faire un très
gros effort à la fois sur le bâtiment et sur la restauration. C'est pourquoi,
comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, la solution consisterait à
demander, car nous en avons le droit, un second taux réduit de 14 % pour la
restauration traditionnelle. Le coût budgétaire de l'opération serait ainsi
ramené à 9 milliards de francs, ce qui est déjà plus supportable !
Encore aurait-il fallu, puisque l'annexe H interdit de passer au taux réduit
pour la restauration, saisir l'opportunité de la directive sur les services à
haute intensité de main-d'oeuvre. Vous n'y êtes pas parvenu. Nous nous sommes
battus seuls et à vos côtés, depuis le mois de juin. Nous l'avons dit et répété
au ministre chaque fois que nous l'avons auditionné en commission des finances.
Je le lui ai moi-même rappelé chaque fois qu'il m'a été donné de le rencontrer
lorsque je préparais mon rapport.
Malgré tout, la France s'est laissé enfermer, vous vous êtes laissé enfermer
dans la définition d'une liste permettant d'appuyer la directive alors que nous
préconisions la définition de critères. Ce dernier système, beaucoup plus
souple, nous aurait permis d'élargir l'expérimentation. Cela n'a pas été
possible. Je le regrette. A partir du moment où le principe de la liste a été
retenu, vous n'avez pas pu y faire inscrire la restauration. Je le regrette
également.
Les amendements qui nous sont présentés ne sont donc pas eurocompatibles,
parce que nous n'avons pas pu faire en sorte qu'ils le deviennent à l'occasion
de la directive dont il a été question cet été.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans la mesure où j'ai travaillé sur un rapport
relatif à l'eurocompatibilité, il m'est impossible de voter l'un quelconque de
ces amendements ; je me déjugerais. Je ne les voterai donc pas, tout en
considérant que le problème reste entier et qu'il doit être traité.
Je vous demande donc à nouveau, monsieur le secrétaire d'Etat, comme je vous
l'ai dit dans mon intervention liminaire, de tout faire pour trouver une
nouvelle occasion, une nouvelle opportunité de rouvrir le dossier et de le
traiter, éventuellement par étape, en passant par un taux intermédiaire de 14
%, qui permettrait de réduire le coût de l'opération et rendrait un peu moins
intolérables les difficultés que rencontre l'ensemble du secteur.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Nous assistons à un débat de haute tenue et de grande qualité sur la
philosopie qui doit animer notre action en matière de TVA.
C'est vrai, des principes sont à définir, des orientations politiques sont à
déterminer. Monsieur le secrétaire d'Etat, quand vous nous avez dit que,
juridiquement, on ne le pouvait pas, je vous ai répondu que c'est parce que,
politiquement, vous n'avez pas pu. L'historique de cette affaire est quand même
intéressant.
Vous nous avez donné trois arguments.
D'abord, le taux de TVA pour l'hôtellerie est à 5,5 %, celui de la
restauration à emporter est de 5,5 %. Dans ces conditions, pourquoi la
restauration traditionnelle serait-elle au taux majoré ? C'est illogique et
incompréhensible.
Ensuite, la France est, nous avez-vous dit, la première destination
touristique mondiale. La première !
Enfin, la France est également une des grandes destinations gastronomiques du
monde.
Forts de ces trois arguments, nous n'avons pourtant pas été capables
d'infléchir la position de nos partenaires et de les convaincre que la
restauration était capitale pour nous. Vous auriez pu évoquer, à la limite, le
compromis de Luxembourg !. Si la restauration n'est pas un fleuron de la
France...
Vous avez choisi le secteur du bâtiment. J'ai entendu les excellents propos
de notre rapporteur général. Il est vrai qu'il y avait un choix à faire. Nous
ne partageons pas complètement celui que vous avez fait. N'ayant pas eu
l'honneur de rédiger le rapport que M. Badré a réalisé sur l'eurocompatibilité,
je voterai les amendements, et je le ferai en pleine conscience. Pourquoi ?
Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez expliqué d'une
manière parfaitement limpide et claire qu'en abaissant le taux de la TVA dans
le domaine du bâtiment vous aviez pour objectif de créer des emplois et de
développer le chiffre d'affaires de ce secteur d'activité. Je ne suis pas
certain que vous perdiez 20 milliards de francs en matière de recouvrement de
la TVA dans le bâtiment. En effet, le chiffre d'affaires de ce secteur
d'activité augmentant, les recettes de TVA vont elles-mêmes augmenter.
Pour la restauration, ce serait la même chose, monsieur le secrétaire d'Etat
!
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On mangera plus ?
(Sourires.)
M. Jacques Oudin.
Combien de familles ne vont pas au restaurant parce que c'est trop cher ?
Abaisser le taux de TVA permettrait d'accroître le chiffre d'affaires, de
développer des emplois et donc d'augmenter les recettes fiscales de l'Etat. Je
vous le dis, monsieur le secrétaire d'Etat, le choix que vous avez opéré est un
choix incomplet !
Je ne mésestime pas les avantages liés à une baisse du taux de TVA dans le
bâtiment. Mais je considère que nous n'avons fait qu'une partie du chemin et
que, pour la France, renoncer à la restauration, c'est tout de même, à terme,
un mauvais calcul !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Philippe Arnaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
J'ai présenté très brièvement tout à l'heure ces amendements, étant bien
entendu que chacun en avait pris connaissance et en avait bien compris le sens.
A l'occasion de ce débat, un certain nombre de problèmes de fond ont été
évoqués, parmi lesquels celui de la qualification du principal et de
l'accessoire.
En vertu d'un principe fondamental que personne n'a remis en cause,
l'accessoire suit le principal. En matière de TVA, c'est donc bien le produit
accessoire qui subit le taux de TVA du produit principal. En l'occurrence, pour
un produit alimentaire, c'est le taux réduit à 5,5 % qui s'applique si le
produit alimentaire est accompagné d'un service. Si le service de main-d'oeuvre
étant lui-même soumis à un taux de TVA à 20,6 %, on considère que c'est le
produit alimentaire qui devient l'accessoire par rapport au service.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en matière de
restauration, qu'elle soit sur place ou à domicile, où est le principal ?
N'est-ce pas le produit élaboré de restauration, le produit alimentaire, par
rapport au service, à la main-d'oeuvre qui vient l'accompagner ? Lorsque les
traiteurs à domicile apportent le produit alimentaire, les plats préparés,
c'est cela qui importe. Le service de main-d'oeuvre n'est que l'accessoire
permettant de consommer les produits alimentaires, qui sont le principal.
Je ne vous mets pas en cause, monsieur le secrétaire d'Etat, ni vous ni
d'ailleurs aucun membre du Gouvernement. Mais sans doute y a-t-il eu, au fil
des années, des dérives dans l'interprétation administrative, sinon je ne
saurais m'expliquer cette confusion entre le principal et l'accessoire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il serait bon que vous nous disiez quel est
d'après vous, dans ce domaine, le principal et quel est l'accessoire ? De cette
réponse, nous pourrons en conclure quel taux de TVA doit suivre l'autre.
Par ailleurs, je crois avoir noté un large consensus entre nous, quelles que
soient les travées, et vous-même afin de tout mettre en oeuvre pour régler ce
problème, qui affecte effectivement des activités à forte densité de
main-d'oeuvre, essentielles pour notre économie. Si le fait que ces amendements
soient maintenus et votés au Sénat - même s'ils ne sont pas repris ensuite à
l'Assemblée nationale - vous aidait, monsieur le secrétaire d'Etat, à
convaincre nos partenaires, nous ferions une bonne oeuvre. C'est la raison pour
laquelle je maintiens mes amendements.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
La discussion est un peu compliquée dans la mesure où il nous est difficile de
soutenir que le choix du bâtiment est mauvais ! A partir du moment où l'on ne
peut pas baisser la TVA dans les secteurs à la fois du bâtiment et de la
restauration, le choix est de la responsabilité du Gouvernement, ce qu'il a
fait. Ce n'est pas à nous de dire qu'il aurait mieux valu choisir la
restauration et laisser tomber le bâtiment. Deux arguments plaidaient toutefois
en faveur de la restauration.
Le premier est celui de l'emploi, bien sûr. Nous le savons tous, les emplois
qui ont été créés aux Etat-Unis, des emplois non qualifiés surtout, l'ont été
dans les secteurs de la restauration et de l'hôtellerie ! Toutes les études des
économies le montrent. Cependant, il est vrai que le bâtiment, lui aussi, est
intéressant sous l'angle de l'emploi.
Le second argument qui aurait pu faire pencher la balance vers la
restauration, c'est la complexité incroyable du système que nous découvrons
dans cette discussion - la restauration au restaurant, la restauration sur
place, la restauration à emporter, les traiteurs qui livrent des plats tout
préparés... - complexité qui rappelle la querelle des pâtissiers et des
rôtisseurs au temps des corporations sous l'Ancien Régime !
Les choses sont ainsi : nous ne pouvons pas tout faire ; je ne sais même pas
si nous pourrons voter ces amendements. Peut-être seront-ils retirés ? Certains
le seront sans doute. Quoi qu'il en soit, monsieur le secrétaire d'Etat, nous
vous demandons tous de nous promettre solennellement que le Gouvernement, à
l'occasion de la prochaine étape, mettra la priorité sur la restauration, car
je conçois mal les arguments politiques particuliers qui ont fait obstacle au
choix de ce secteur !
Vous avez donc choisi le bâtiment. Vous ne pouviez certes pas tout faire.
Alors battez-vous, l'année prochaine, pour la restauration et promettez-nous
non seulement de tout faire, mais aussi de réussir !
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Notre collègue Jacques Oudin a posé le problème de la TVA dans toute son
ampleur. Personnellement, je pense qu'il existe un trop grand écart entre le
taux de 5,5 % et celui de 20,6 %.
M. Michel Charasse.
A qui la faute ?
M. Yves Fréville.
L'écart est de un à quatre, et cette différence si importante engendre des
distorsions très difficilement corrigibles.
M. Michel Charasse.
Vive Juppé !
M. Yves Fréville.
Personnellement j'estime que cet écart n'est pas véritablement justifié.
On avance très souvent le caractère redistributif de la TVA. Certains estiment
qu'un taux de TVA faible pour les produits de première nécessité induit
automatiquement une redistribution en faveur de nos concitoyens ayant les
revenus les plus faibles. Toutes les analyses économiques montrent que ce n'est
pas vrai. D'ailleurs, lorsqu'on a étudié les effets de la baisse de la TVA à
5,5 % sur les dépenses de logement, on s'est aperçu que cette mesure n'avait
pas nécessairement un caractère redistributif. La seule façon de résoudre le
problème - mais cela relève d'une responsabilité générale et collective -
consistera à réduire l'écart, ce qui rendra alors les distorsions
supportables.
Nous allons peut-être traiter le problème de la restauration - et je m'en
réjouirai - mais, en ce cas, nous verrons apparaître immédiatement deux ou
trois autres professions qui montreront qu'elles ont tout autant besoin d'une
main-d'oeuvre intensive que la restauration et le logement et qui demanderont à
leur tour à bénéficier d'une telle mesure. Nous ne pourrons pas garder un
système comprenant des écarts de taux aussi forts.
Par conséquent, je ne pense pas que la voie à suivre soit d'essayer de ramener
le taux de TVA applicable à toutes les professions à main-d'oeuvre intensive au
niveau le plus bas.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le débat de qualité qui vient de s'instaurer mérite
que des réponses soient apportées aux questions posées.
Nous sommes d'accord les uns et les autres sur le fait que la restauration est
un secteur porteur pour la France. Expression de la culture française, c'est
une fierté nationale. Le Gouvernement est donc disposé à tout faire pour sa
défense. Puisqu'il faut que je prenne des engagements en jurant sur le
Gault-Millau ou sur le guide Michelin, je vais le faire : nous prenons
l'engagement de continuer à travailler dans le bons sens à cet égard.
Nous ne nous sommes pas laissé enfermer, comme je l'ai entendu dire tout à
l'heure - le mot est d'ailleurs excessif - dans le choix d'une liste plutôt que
dans celui de critères.
Nous avons amené nos partenaires à considérer comme nécessaire d'examiner ce
que nous pouvions faire entre Européens pour favoriser l'emploi. Mesdames,
messieurs les sénateurs, c'est déjà une victoire que d'avoir obtenu de nos
quatorze partenaires de l'Union européenne la possibilité, pendant une période
trop courte certes, mais c'est un premier pas, de réduire les taux de TVA pour
favoriser l'emploi !
Nous en étions loin avant le traité d'Amsterdam, qui a été un moment fort de
prise en considération de la problématique de l'emploi dans la politique
éconmique et, aujourd'hui, dans la politique fiscale.
Nous pouvons donc considérer, les uns et les autres, en tant que Français au
sein de cette Union européenne qui nous tient tous à coeur,...
M. Emmanuel Hamel.
Ah non !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... que nous avons fait franchir des pas décisifs ; et
c'est la France qui a amené le débat, et c'est la France qui a remporté une
victoire au cours de la réunion du Conseil ECOFIN du mois d'octobre.
Les faits sont là : la construction européenne se fait à quinze, elle ne se
fait pas en fonction des seules inflexions politiques et des seuls désirs
politiques de la France ; nous avons nécessairement besoin de conclure des
compromis. Ils ne sont pas satisfaisants à 100 %, certes, mais ils ne sont
d'ailleurs pas plus satisfaisants pour nos partenaires, et je pense en
particulier à ceux que j'ai cités tout à l'heure, qui étaient résolument
opposés et qui ont failli nous conduire au blocage lorsque la France a exigé,
par une action patiente et résolue, dont les mérites reviennent à Dominique
Strauss-Kahn et à Christian Sautter, de faire parvenir l'Europe à un niveau de
conscience supérieur de mobilisation en faveur de l'emploi.
J'ai maintenant quelques réponses plus précises à apporter.
Monsieur Arnaud, dès l'instant qu'il y a prestation de services, il ne s'agit
plus d'une vente de denrées alimentaires et donc, en fonction des règles
européennes, il n'est pas possible d'appliquer le taux de 5,5 %.
Aux termes d'un arrêt de la Cour de justice - M. Hamel m'excusera de citer cet
arrêt qui fleure bon l'étranger -...
M. Emmanuel Hamel.
C'est la démission de la France !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... l'arrêt Faaborg-Gelting Linien
gegen
Finanzamt Flensburg du 2 mai 1996 - voilà un bel arrêt ! - la restauration
doit être considérée comme une opération unique de prestations de services.
M. Emmanuel Hamel.
Nous sommes devenus des esclaves !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Hamel, je pensais que vous aviez suffisamment
d'humour...
M. Emmanuel Hamel.
Nous avons perdu notre liberté !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... pour accepter que je cite un arrêt de la Cour de
justice.
M. Emmanuel Hamel.
Ce n'est pas supportable !
(M. Hamel se lève.)
M. le président.
Monsieur Hamel, restez parmi nous !
M. Emmanuel Hamel.
Non !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur, permettez que nous citions un arrêt de la
Cour de justice sans que cela emporte votre ire !
M. le président.
Monsieur Hamel,...
M. Jean Chérioux.
Restez avec nous !
(M. Hamel quitte l'hémicycle.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
A M. Oudin, je dirai que l'hôtellerie figure bien sur
la liste de l'annexe H de la directive, que la vente à emporter est assimilée à
une vente de denrées alimentaires et figure à ce titre sur l'annexe H de la
même directive, mais ce n'est pas le cas pour la vente à consommer sur
place.
Tout cela est du pur droit communautaire et nous ne pouvons pas nous évader de
ces règles même si nous souhaitons les faire bouger petit à petit dans le sens
qu'ont souhaité unanimement les sénateurs.
Le Gouvernement prend en compte les objectifs ; il continuera à se battre,
mais nous sommes dans une Union européenne à quinze, dont la France est certes
un élément moteur et décisif, mais au sein de laquelle elle est obligée de
tisser des compromis. Nous essayons de faire en sorte que ces compromis soient
de plus en plus favorables à nos activités économiques. Nous voulons qu'un jour
cette activité centrale du paysage économique français soit respectée à la
hauteur des espoirs qu'elle porte en elle en matière d'emplois, à la hauteur de
l'image qu'elle donne de la France, image qu'elle est mesure de porter non
seulement au sein de l'hexagone, mais dans toute l'Europe et dans le monde
entier.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-108.
M. Joseph Ostermann.
Je demande la parole pour l'explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Je ne reviens plus sur le vecteur d'emplois que sont l'hôtellerie et la
restauration pour ne pas relancer le débat. Je dirai seulement que je suis
étonné de ce qu'a dit M. le secrétaire d'Etat sur la position de l'Allemagne.
Vivant en zone frontalière, j'ai pu me rendre compte que les Allemands font
nettement plus pour leur gastronomie, pour leur restauration, pour leur
hôtellerie que les Français. Je voulais l'affirmer ici.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On y mange moins bien !
M. Joseph Ostermann.
Mais non, ce n'est pas mauvais !
En tout cas, le Parlement s'honorerait aujourd'hui en votant l'amendement n°
I-108, qui apporterait un soutien au Gouvernement. C'est la raison pour
laquelle je le maintiens.
MM. Philippe Marini,
rapporteur général,
et Alain Lambert,
président de la commission.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Das ist eine gute Entscheidung !
M. le président.
Monsieur Arnaud, maintenez-vous vos amendements ?
M. Philippe Arnaud.
Compte tenu des explications de M. le secrétaire d'Etat, de sa volonté
manifeste de faire aboutir cette affaire, mais également après avoir entendu
les explications de Denis Badré et de la commission, je retire mes amendements,
convaincu que les choses avanceront.
M. le président.
Les amendements n°s I-79, I-81 rectifié
bis
, I-80 rectifié
bis
et I-82 rectifié sont retirés.
Madame Beaudeau, l'amendement n° I-175 est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-108, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 3, et l'amendement n° I-175 n'a plus
d'objet.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-91, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat,
Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 3, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
b decies
de l'article 279 du code général des impôts est
rédigé comme suit :
«
b decies)
Les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité, de
gaz combustible et d'énergie calorifique, distribuées par réseau public. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence
par une hausse des tarifs prévus à l'article 885 U du code général des impôts.
»
Par amendement n° I-178, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
b decies
de l'article 279 du code général des impôts est
ainsi rédigé :
«
b decies)
Les abonnements relatifs aux livraisons d'électricité, de
gaz combustible et d'énergie calorifique, distribués par réseaux publics. »
« II. - La perte de recettes, résultant de l'abaissement du taux de TVA sur
les abonnements aux réseaux de chaleur, est compensée par le relèvement à due
concurrence du taux du prélèvement libératoire prévu au 2 de l'article 200 A du
code général des impôts. »
La parole est à M. Angels, pour défendre l'amendement n° I-91.
M. Bernard Angels.
La loi de finances de 1999 a soumis au taux réduit de la TVA les abonnements
relatifs aux distributions d'énergie et de gaz, mais elle n'avait pas étendu
cette réduction aux réseaux de chaleur. Cela entraîne un traitement différencié
des sources d'énergie qui nous semble inopportun.
De plus, comme de nombreuses communes sont équipées d'un réseau de chauffage
urbain, leur appliquer également la baisse de TVA permettra de réduire la
facture de chauffage pour environ 2,5 millions de personnes souvent modestes
qui sont concernées par ce mode de chauffage.
C'est le cas, par exemple, en région parisienne, de grands quartiers
d'immeubles de Sarcelles, Bagnolet, Massy, Antony.
Pour ces deux raisons, il serait logique et utile de passer au taux réduit
l'ensemble des abonnements relatifs aux livraisons d'énergie distribuée par le
réseau public.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-178.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Notre amendement vise à baisser le taux de TVA sur les abonnements aux réseaux
de chaleur.
La géothermie, notamment, est victime d'une discrimination inacceptable par
rapport aux réseaux alimentés par l'électricité ou par le gaz. Cette injustice
est d'autant plus inacceptable que la géothermie est la seule énergie propre à
ne pas produire de gaz carbonique, générateur pour 70 % à 80 % de l'effet de
serre.
La France s'est engagée, à Kyoto, à réduire la production de gaz carbonique de
10 % d'ici à 2010. Or, actuellement, la progression est de 5 %.
Réduire la TVA à 5,5 %, c'est donc appliquer les engagements internationaux
pris par la France.
Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous serez sensible à cette
proposition ! La refuser, ce serait précipiter les trente-neuf sites qui
subsistent sur les soixante-dix que nous comptions il n'y a pas si longtemps à
la fermeture, rendant nécessaire une reconversion des chaudières au fioul ou au
gaz, donc de nouveaux investissements et de nouvelles pollutions.
Ce refus serait d'autant plus incompréhensible qu'elle n'engagerait pas des
crédits importants : cette réduction permettrait une économie de 600 000 francs
par site, soit au total 23 millions de francs, ce qui assurerait la justice
fiscale tout en recourant à l'énergie propre.
L'eau chaude est une énergie du futur qui n'est pas encore performante ni même
maîtrisée. Toutefois, il ne faut pas la condamner. Permettez-lui donc de
pouvoir se perfectionner, pour devenir demain une source performante.
Il serait particulièrement inacceptable que les faveurs accordées aux
cogénérateurs, qui seront désormais les concurrents directs d'EDF, ne se
répercutent pas sur les clients domestiques dont les foyers sont reliés au
réseau public alimenté par la cogénération ou la géothermie.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission partage le souci de développer les
réseaux de chaleur pour des raisons tant sociales qu'environnementales
évidentes. Mais il est clair que cette proposition ne peut connaître d'effets
pratiques à l'heure actuelle, compte tenu du droit communautaire en vigueur.
Nous soutenons la demande formulée et nous encourageons le Gouvernement à
faire évoluer la législation communautaire sur ce point, mais l'avis de la
commission ne peut être favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est très sensible à l'objectif visé
par l'amendement qui vient d'être défendu par M. Angels mais, contrairement aux
fournitures de gaz et d'électricité, la distribution d'énergie calorifique par
les réseaux de chaleur ne figure pas aujourd'hui - en disant cela, je m'engage
à faire évoluer les choses - parmi les opérations que les Etats membres peuvent
soumettre au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée.
Par une lettre adressée par M. Strauss-Kahn à la Commission le 7 septembre
1998, le Gouvernement a demandé d'intégrer la fourniture d'énergie calorifique
dans la liste communautaire des opérations éligibles au taux réduit. Par
conséquent, l'affaire est en suspens ; nous ferons pression pour aller dans ce
sens.
En attendant, le groupe socialiste a raison d'insister sur cette anomalie de
notre droit fiscal. Mais, pour l'instant, je pense qu'il serait sage que ces
amendements soient retirés.
M. le président.
Monsieur Angels, maintenez-vous votre amendement ?
M. Bernard Angels.
Je le retire, comptant sur la détermination du Gouvernement à régler le
problème.
M. le président.
L'amendement n° I-91 est retiré.
Madame Beaudeau, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je suis obligée de le maintenir, monsieur le président, car, si l'on attend
trop longtemps, il ne restera plus aucun des trente-neuf sites dont j'ai
parlé.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-178, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-83, MM. Badré, Jean Faure, Herment, Arnaud, Hérisson et
les membres du groupe de l'Union centriste proposent, après l'article 3,
d'insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« i. Le droit d'utilisation d'installations sportives. »
« II. - La perte pour les recettes de l'Etat est compensée à due concurrence
par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Par amendement n° I-172, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 3,
d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« ... - le droit d'utilisation des installations sportives. »
« II. - Le taux de prélèvement libératoire prévu au 6 de l'article 200 A du
code général des impôts est relevé à due concurrence. »
Par amendement n° I-247, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Joyandet, Ostermann, Trégouët, Murat proposent, après l'article 3, d'insérer un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le
b decies
de l'article 279 du code général des impôts,
le
c
est rétabli dans la rédaction suivante :
«
c)
Le droit d'utilisation d'installations sportives. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une
taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts.
»
La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-83.
M. Denis Badré.
Cet amendement eurocompatible vise à soumettre au taux réduit de la TVA le
droit d'utilisation des installations sportives. Cette mesure, au coût limité,
présente un intérêt évident, qui a d'ailleurs été reconnu, monsieur le
secrétaire d'Etat, par votre collègue Mme le ministre de la jeunesse et des
sports.
M. le président.
La parole est à M. Loridant, pour défendre l'amendement n° I-172.
M. Paul Loridant.
Il s'agit, par le présent amendement, d'appliquer le taux réduit de TVA au
droit d'utilisation des installations sportives. En effet, à l'instar d'autres
pratiques culturelles ou de loisirs, le sport devrait bénéficier d'un
traitement fiscal identique.
Cette mesure aurait pour principal avantage de favoriser le développement d'un
secteur qui contribue à resserrer le tissu social, fortement créateur d'emplois
et favorable à l'aménagement du territoire.
A cet égard, le présent amendement permettrait de compenser en partie les
pertes attendues avec le nouveau régime fiscal qui sera appliqué à partir du
1er janvier 2000 au secteur associatif, dont les ressources d'exploitation
seront soumises au taux de TVA normal de 20,6 %.
Ensuite, la réduction de la fiscalité indirecte aurait pour conséquence
induite un élargissement de l'assiette, donc de nouvelles recettes. En effet,
nul doute que des tarifs réduits d'accès aux installations sportives
susciteraient un regain d'intérêt pour la pratique sportive, notamment auprès
des jeunes.
Enfin, les efforts accomplis par les localités et les municipalités pour
attirer et populariser le sport et pour s'assurer une utilisation suffisante
des équipements, dont les coûts sont souvent élevés, seraient confortés par
cette mesure qui s'inscrit dans le cadre de la réglementation européenne en
matière de TVA.
C'est pourquoi j'invite la Haute Assemblée à adopter cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Cazalet, pour défendre l'amendement n° I-247.
M. Auguste Cazalet.
Cet amendement a également pour ambition de favoriser l'accès des jeunes aux
installations sportives et à la pratique du sport, qui est un puissant facteur
d'intégration, en appliquant le taux réduit de TVA au droit d'utilisation des
équipements sportifs.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° I-83, I-172, I-247
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces amendements ont été excellemment présentés. Il
est clair que ces mesures sont conformes au droit communautaire puisque
l'annexe H vise des prestations de ce type. Il est non moins clair qu'elles
représenteraient un coût de l'ordre de 500 millions de francs.
Dans l'exposé des motifs de l'un des amendements, le coût budgétaire de cette
mesure est qualifié de « limité ». Mais l'unité est quand même assez
substantielle.
Je rappelle, enfin, que toutes les installations sportives à gestion
associative, c'est-à-dire une large majorité d'entre elles, ou gérées
directement par les collectivités territoriales sont hors du champ
d'application de la TVA.
Par conséquent, la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement avant
de se prononcer.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je rappellerai tout d'abord le droit fiscal en
vigueur. Lorsque les activités sportives sont soumises à la TVA, elles le sont
au taux normal. Ce sont toutes les activités à but lucratif, qu'il s'agisse de
clubs de remise en forme, de clubs de golf, de clubs de tennis, etc.
Je rappellerai également, à la suite de l'excellente intervention de M. le
rapporteur général, que le droit communautaire autorise, mais n'impose pas,
l'application du taux réduit de TVA au droit d'utilisation d'installations
sportives. En revanche, le droit communautaire fait obligation d'appliquer le
taux normal de TVA aux prestations annexes, telles que la location de matériels
ou les leçons d'enseignement sportif.
La mesure proposée tend à soumettre au taux réduit de TVA le droit
d'utilisation d'installations sportives. A ce stade du débat, il importe de
rappeler le traitement fiscal général dont bénéficient les associations.
En vertu de l'article 261.7.1°, paragraphe
b
, du code général des
impôts, les associations ne sont pas soumises aux impôts commerciaux
lorsqu'elles remplissent certaines conditions, pour être bref, lorsqu'elles
sont désintéressées et qu'elles ne sont pas à but lucratif. Les critères
d'appréciation du caractère lucratif ont d'ailleurs été précisés et assouplis -
c'est ce qui nous intéresse ce soir -, par une instruction du 15 septembre
1998.
Par ailleurs, en application du même article, paragraphe
a,
du code
général des impôts, les associations qui ne rempliraient pas toutes les
conditions fixées par cette instruction sont susceptibles d'être exonérées de
la taxe sur la valeur ajoutée pour les services à caractère sportif qu'elles
rendent à leurs membres.
Par conséquent, le droit en vigueur est déjà favorable à ces associations.
L'instruction dont j'ai fait mention à l'instant est suffisamment libérale dans
son texte et dans son esprit pour que nous ayons la sagesse d'en rester au
droit positif existant.
M. Michel Charasse.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur général, vous avez sollicité
mon avis avant de vous prononcer. Compte tenu des apaisements que je viens
d'apporter et des informations que je vous livre sur la situation fiscale des
associations sportives, qui ne sont pas défavorisées, bien au contraire, je
demande aux auteurs des amendements d'avoir la sagesse de les retirer. Dans le
cas contraire, je demanderais au Sénat de les repousser.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission sur les amendements ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est un appel à la sagesse et la commission
souhaite, précisément, s'en remettre à la sagesse du Sénat pour les amendements
n° I-83 et I-247.
En revanche, elle émet un avis défavorable sur l'amendement n° I-172 en raison
du caractère anti-démocratique et inacceptable du gage proposé !
M. le président.
Monsieur Bradé, l'amendement n° I-83 est-il maintenu ?
M. Denis Badré.
Je suis sensible aux arguments du secrétaire d'Etat : j'essaye donc d'être
sage et je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-83 est retiré.
Madame Beaudeau, l'amendement n° I-172 est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-172, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Monsieur Cazalet, l'amendement n° I-247 est-il maintenu ?
M. Auguste Cazalet.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-247 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Dreyfus-Schmidt et les
membres du groupe socialiste et apparentés et qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
L'amendement n° I-92 a pour objet d'insérer, après l'article 3, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le
f
de l'article 279 du code général des impôts est rédigé
comme suit :
«
f)
L'ensemble des frais et honoraires exposés en justice ; ».
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions
précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits
prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
L'amendement n° I-93 tend à insérer, après l'article 3, un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - Après le
f
de l'article 279 du code général des impôts, il est
inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
«
f bis)
L'ensemble des frais et honoraires des affaires relevant du
droit de la famille. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions
précédentes sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits
prévus à l'article 885 U du code général des impôts. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter ces deux amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ces amendements sont récurrents puisque nous avons eu l'honneur de les
présenter au Sénat en 1995, 1996, 1998...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Quelle constance !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il y en a deux. L'un suit toujours l'autre ; il en est « l'accessoire », si je
puis dire, puisqu'il s'agit d'un amendement de repli. Le premier amendement
tend à appliquer le taux de TVA de 5,5 % à l'ensemble des frais et honoraires
auxquels peuvent être soumis les justiciables ; le second vise à appliquer ce
taux de 5,5 % à l'ensemble des frais et honoraires des affaires relevant du
seul droit de la famille.
Je rappellerai, une fois de plus, que la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977
instaurait la gratuité des actes de justice devant les juridications civiles et
administratives. C'était l'aboutissement de très longs efforts.
Afin d'éviter un malentendu qui s'était instauré l'an dernier entre nous et M.
le secrétaire d'Etat au budget, je dirai de nouveau qu'il ne s'agit nullement
d'amendements « corporatistes », sous prétexte que j'ai eu l'honneur
d'appartenir au barreau pendant quarante-quatre ans. Ces mesures ont simplement
pour objet de défendre l'intérêt des justiciables.
Evidemment, les avocats peuvent avoir un intérêt au paiement de la TVA sur les
frais et honoraires exposés en justice, puisqu'ils peuvent déduire celle-ci de
leurs investissements et qu'ils ne paient pas la taxe sur les salaires.
En revanche, pour les justiciables, l'imposition à 20,6 % des honoraires et
des frais de justice représente des sommes importantes. C'est différent en
matière d'aide judiciaire où le taux de TVA s'élève à 5,5 %. Il s'agit de
personnes qui gagnent au maximum la somme astronomique de 7 402 francs par mois
! Au-delà, le taux de 20,6 % est appliqué. On est bien loin de la gratuité de
la justice !
Nous avions eu un espoir en 1995, lors du dépôt de nos premiers amendements,
puisque M. le rapporteur général, qui se trouvait être, comme chacun le sait,
M. Alain Lambert, aujourd'hui président de la commission des finances du Sénat,
avait répondu ceci : « Il a semblé à la commission que la présente proposition
de loi ne devait pas servir à modifier les règles qui s'appliquent en la
matière autres que celles qui sont relatives au taux de la TVA. La commission
s'est fixée ce principe et elle y reste fidèle. » - je remarque qu'aujourd'hui
elle l'est moins - « A lui seul, il justifie le rejet de ces amendements.
Néanmoins, elle n'a pas trouvé ces amendements indignes d'intérêt. Il lui
semble que les dispositions qu'ils contiennent méritent d'être retenues. Aussi
pourraient-elles être proposées au Sénat à l'occasion de l'examen du collectif
ou, mieux encore, de la prochaine loi de finance. »
Ces propos remontent à 1995 ! Nous n'avons pas eu plus de succès en 1996 ni,
je le répète, ensuite. Or, depuis, Mme le garde des sceaux a fait de nombreuses
déclarations.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En effet !
M. Michel Mercier.
Intempestives !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Par exemple, lors de la rentrée solennelle du barreau de Paris, répondant aux
multiples interrogations exprimées par le bâtonnier sur l'avenir de la
profession, Mme Guigou a rappelé les réformes qu'elle s'apprétait à mener. A
propos de la TVA, notamment, elle s'est engagée à présenter des « propositions
pour que certains contentieux touchant les justiciables les plus défavorisés
puissent bénéficier d'une taxe réduite » dans le cadre de l'abaissement
envisagé pour le budget de 1999.
Le 25 avril 1998, devant le Conseil national des barreaux, Mme la garde des
sceaux déclarait ceci : « En matière de TVA, je vous rappelle mon engagement à
faire, dans le cadre du budget de 1999, des propositions visant à faire
bénéficier certains contentieux d'une taxation réduite. »
Nous attendions donc des propositions. On va me rétorquer, je le sais, que
c'est « euro incompatible ». C'est d'autant plus regrettable qu'un certain
nombre de pays de la communauté en sont restés au taux de TVA de 5,5 % pour
l'ensemble des frais de justice et des honoraires.
M. Michel Charasse.
Au taux réduit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et certains, comme nos voisins belges, ne font supporter aucune TVA aux
honoraires et aux frais de justice. Puisque l'on veut construire l'Europe, il
faudrait au moins que la même règle s'impose à tous !
On parle des produits de consommation courante. Je suis en désaccord avec
notre collègue M. Fréville, et je le lui ai dit, dans la mesure où il ne s'agit
pas de redistribution de revenus. Il importe de faire en sorte que les
personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu, donc qui ont peu de
moyens financiers, puissent au moins se nourrir en ne payant pas plus cher
qu'ils ne le valent les produits de consommation courante. L'homme ne vit pas
seulement de pain, il vit aussi de justice ! Il est normal que les justiciables
soient traités de la même manière !
Nous avons tenu à insister une fois de plus auprès du Gouvernement, afin
d'avoir notre carte de priorité dans la file d'attente.
Je suis sûr que la commission ne manquera pas d'appuyer cette demande pour
qu'enfin l'on revienne à une justice gratuite.
M. Michel Charasse.
Brillante plaidoirie !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-92 et I-93 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il convient en effet de faire figurer dans la file
d'attente, avec une mention toute spéciale, les besoins manifestes que vous
avez cités et que vous avez excellemment présentés, monsieur Dreyfus-Schmidt.
Mais, de la même manière que les années précédentes, et pour les mêmes raisons,
que je ne vais pas de nouveau détailler, je me dois de formuler un avis
défavorable au nom de la commission des finances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a instruit lui-même à charge
et à décharge son amendement, avec le brio et la précision qu'on lui
connaît.
S'agissant des justiciables les plus défavorisés, Mme le garde des sceaux a
obtenu satisfaction, puisque sont soumises au taux réduit de la TVA les
prestations pour lesquelles les avocats sont indemnisés totalement ou
partiellement par l'Etat dans le cadre de l'aide juridictionnelle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non, non ! Cela existait depuis le début, en tout cas bien avant qu'elle soit
garde des sceaux !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Elle avait donc déjà satisfaction lorsqu'elle s'est
exprimée ainsi.
Les autres prestations des avocats relèvent du taux normal. Les frais facturés
par l'administration judiciaire de l'Etat sont, en principe, hors du champ
d'application de la TVA.
A charge et à décharge, disais-je. En effet, monsieur le sénateur, nous ne
pouvons pas, en vertu du droit communautaire, appliquer un taux réduit de TVA à
l'ensemble des frais de justice ; c'est regrettable. Vous avez cité l'exception
belge. La Belgique devra se mettre en conformité avec le droit communautaire,
quoi qu'il lui en coûte au regard de sa tradition et des usages qui prévalent
dans ce pays.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, j'ai bien écouté votre démonstration et, sur le
fond, j'y souscris évidemment. D'ailleurs, qui ne souscrirait pas à cette noble
ambition de rendre la justice plus accessible, notamment aux plus défavorisés,
par un abaissement de la TVA ? Qui pourrait ne pas partager cet élan de
générosité qui est le vôtre, ce souci de justice qui est le nôtre ?
Je dois néanmoins rappeler que les prestations pour lesquelles les avocats
sont indemnisés totalement ou partiellement par l'Etat, dans le cadre de l'aide
juridictionnelle, ont concerné plus de 700 000 dossiers l'an dernier.
Mais j'ai bien noté que vous plaidiez en la circonstance non pas pour les
avocats mais pour les justiciables.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Bien sûr !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je retiens donc que, sur le bureau, la pile des
dossiers en attente qui devront être enfin traités comprendra aussi ce
dossier-là.
Au bénéfice de cette attention particulière et de la convergence de notre
approche, la vôtre personnellement, monsieur Dreyfus-Schmidt, et celle du
groupe socialiste, et la nôtre, au Gouvernement, je vous demande de bien
vouloir retirer ces amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-92.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Comme M. Dreyfus-Schmidt, j'interviendrai en même temps sur l'amendement n°
I-93. Mais je souhaite surtout m'adresser au Gouvernement.
Je comprends très bien la position des uns et des autres.
M. Dreyfus-Schmidt fait preuve d'une belle constance et d'une belle
persévérance dans ce domaine. C'est vrai qu'il y a sans doute quelque chose de
préoccupant et d'anormal.
La position de M. le rapporteur général n'est pas anormale, celle de M. le
secrétaire d'Etat non plus.
Il y a tout de même un point qui fait problème : dans son intervention, M.
Dreyfus-Schmidt nous a signalé que certains pays - la Belgique - n'appliquaient
pas de TVA sur les honoraires et que d'autres appliquaient des taux
différents.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
Je ne voudrais pas qu'en Europe il y ait deux poids et deux mesures, et que la
France soit constamment acculée à des risques de procès - un jour sur la
viande, le lendemain, ou la veille sur les oiseaux migrateurs... - mais que, en
matière de TVA, chacun fasse ce qu'il veut. En somme, on applique ou on
n'applique pas, et voilà !
Monsieur le secrétaire d'Etat, une chose est la file d'attente dont M.
Dreyfus-Schmidt et M. le rapporteur général parlaient il y a un instant ; une
autre chose est la situation actuelle. A défaut d'obtenir tout de suite que les
avocats soient en bonne place dans la file d'attente, est-ce que le
Gouvernement ne pourrait pas faire une démarche auprès de la Commission pour
que les mêmes règles soient appliquées partout ? Il n'y a pas de raison pour
qu'un certain nombre d'Etats passent leur temps à lancer des procédures contre
la France - je pense en particulier à l'affaire des oiseaux migrateurs...
éventuellement à celle de la viande... - pour nous contraindre à nous aligner
sur le droit européen, au risque, sinon, d'une saisine de la Cour de justice
des Communautés européennes, et que, dans un domaine fiscal aussi important et
qui préoccupe tous les Etats - je veux parler des listes en matière de TVA -
chacun se débrouille comme il peut. Cela ne peut pas marcher ainsi, monsieur le
secrétaire d'Etat.
Par conséquent, je souhaite qu'une démarche très ferme soit effectuée par la
France dans ce domaine et, pour ce motif-là, que M. Dreyfus-Schmidt retire ses
amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je note que Michel Charasse veut maintenant que je retire mes amendements. Je
m'apprêtais à le faire, lorsque j'ai vu qu'il voulait m'apporter son aide, et
c'est pourquoi je ne les ai pas retirés immédiatement.
Je dois dire que c'est habituel car déjà, le 25 novembre 1998, ici même, M.
Michel Charasse avait tenu à m'apporter son appui. Aujourd'hui, il est
intervenu sur un autre sujet.
Je voudrais lui répondre qu'au départ personne n'obligeait la France à fixer
un taux de 18,60 %, que personne n'a obligé la France à appliquer un taux de
20,60 % ! C'est pour cette raison qu'il y a des différences.
Alors, c'est vrai, dans la construction de l'Europe, en particulier dans des
matières aussi fondamentales et communes que la justice, il serait bon qu'il y
ait une uniformisation de manière que les justiciables français ne soient pas
pénalisés par rapport aux justiciables d'outre-Rhin ou d'outre-Manche.
Sur l'aide juridictionnelle, je vous précise, monsieur le secrétaire d'Etat,
que l'aide juridictionnelle totale est allouée jusqu'à un plafond de ressources
mensuelles de 4 940 francs, auxquels s'ajouent quelque 562 francs par enfant,
et l'aide juridictionnelle partielle jusqu'à un plafond de ressources
mensuelles de 7 402 francs. Cela signifie que quelqu'un qui gagne par exemple à
peine plus de 7 000 francs par mois ne bénéficie pas de l'aide
juridictionnelle. Il devra donc, par exemple s'il divorce, non seulement régler
la totalité des honoraires de son avocat, mais en outre acquitter une TVA de
20,60 %. C'est évidemment tout à fait anormal
M. Michel Charasse.
On ne parle pas des PACSés, qui n'auront pas d'enfants !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est pourquoi j'insisterai jusqu'à ce que j'obtienne gain de cause et, comme
je suis sûr que vous commencez à être fatigués, les uns et les autres, de
m'entendre sur ce sujet, je sais que vous ferez l'impossible pour m'y aider.
(Sourires.)
Je retire donc mes amendements, comme je l'ai laissé entendre dès le
début. J'ai remarqué que la commission a émis un avis défavorable au motif
qu'ils sont euro-incompatibles, mais que, sur le fond, elle est favorable.
Donc, à nous tous, nous devrions finir par y arriver !
M. le président.
Les amendements n°s I-92 et I-93 sont retirés.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous invite d'ores et déjà à préparer vos
amendements pour 2001 !
(Sourires.)
Par amendement n° I-271, M. Badré propose d'insérer, après l'article 3,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au
h
de l'article 279 du code général des impôts, après les mots
: "Les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets", sont
insérés les mots : "avec apport volontaire par les usagers, et dans le cas des
déchets".
« II. - La perte de recettes résultant du I pour le budget de l'Etat est
compensée à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Je ne voudrais pas qu'une sorte de pensée unique ou de paresse intellectuelle
amène à considérer que collecte sélective signifie obligatoirement et
exclusivement tri collectif obligatoire à domicile.
L'apport volontaire, en certains points de nos communes, de déchets triés au
préalable est également sélectif et permet tout autant la valorisation. Son
efficacité peut même être supérieure. Dans la forme obligatoire à domicile, en
effet, les erreurs ou les refus se paient très cher, par le rejet de camions
entiers.
L'apport volontaire est également plus respectueux de l'environnement,
puisqu'il limite les circuits de ramassage, souvent bruyants et polluants.
Le coût de l'apport volontaire est moindre, puisqu'il évite la multiplication
des poubelles, laquelle reste toujours coûteuse, qu'elle soit supportée par les
habitants ou par la collectivité.
L'apport volontaire présente un autre avantage : il amène nos concitoyens à
faire spontanément le choix de l'environnement plutôt qu'à y être contraints,
ce qui sert toujours mieux la cause de l'environnement à laquelle vous me
savez, mes chers collègues, très attaché.
Il faut surtout - nous sommes au Sénat - que la liberté de choix de nos
communes soit préservée et qu'elles puissent retenir chacune la formule la plus
efficace, la moins coûteuse et qui leur convienne le mieux. Dans ce domaine
comme dans bien d'autres, nous savons qu'il y a pratiquement autant de
situations que de communes.
Mon amendement tend donc à ce que la fiscalité ne défavorise pas l'apport
volontaire par rapport au tri sélectif obligatoire à domicile.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est une excellente suggestion, qui vient à point
nommé. Elle a donc suscité l'avis favorable de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
C'est un amendement intéressant pour
l'environnement.
Je dois rappeler à M. Badré que l'article 31 de la loi de finances pour 1999
prévoit déjà l'application du taux réduit de la TVA aux prestations de collecte
et de tri sélectif des déchets ménagers et assimilés ainsi qu'aux prestations
de traitement de ces déchets lorsqu'elles portent sur des matériaux ayant fait
l'objet d'un contrat conclu entre une commune ou un établissement public de
coopération intercommunale et un organisme ou une entreprise agréés au titre de
la loi de juillet 1975.
Le taux réduit s'applique quel que soit le mode de collecte, que celle-ci soit
réalisée en porte-à-porte ou par apport volontaire.
L'instruction du 20 mai 1999 prévoit, dans sa section II : « Opérations
concernées » que sont soumises au taux réduit de la TVA, « les prestations de
collecte et de tri sélectif des déchets ménagers et assimilés. Cette collecte
sélective peut être réalisée soit en porte à porte, soit en apport volontaire
». Il s'agit de l'apport volontaire par les citoyens qui déposent les déchets
dans les conteneurs disposés à cet effet sur la voie publique.
M. Denis Badré.
Tout à fait. C'est de cela qu'il s'agit.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Cette collecte est généralement opposée à la collecte
traditionnelle, qui est une collecte de l'ensemble des déchets ménagers en
mélange. Le tri sélectif a, par ailleurs, l'intérêt de séparer les déchets et
ainsi de faciliter leur transport et leur élimination.
Par conséquent, monsieur le sénateur, je crois que vous avez satisfaction, en
particulier depuis le 20 mai 1999, le dispositif que vous proposez ayant été
spécifiquement mentionné dans cette instruction.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-271.
M. Denis Badré.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Oui, monsieur le président. J'ai bien entendu ce que vient de dire M. le
secrétaire d'Etat. Alors que se développe actuellement un débat dans le pays
sur le fait de savoir si effectivement les formules de tri sélectif obligatoire
à domicile ne plafonnent pas dans leur efficacité et alors que l'on essaie de
montrer que l'apport volontaire peut avoir les vertus pédagogiques que je
soulignais tout à l'heure, les dispositions de l'instruction gagneraient à être
énoncées clairement et explicitement dans la loi, même si, sur le fond, elles
prouvent que M. le secrétaire d'Etat, qui les a citées, est bien d'accord avec
moi.
Cette démarche s'impose aujourd'hui, raison pour laquelle je maintiens mon
amendement si effectivement les formules de tri sélectif obligatoire à domicile
ne plafonnent pas dans leur efficacité et alors que l'on essaie de montrer que
l'apport volontaire peut avoir les vertus pédagogiques que je soulignais tout à
l'heure, les dispositions de l'instruction gagneraient à être énoncées
clairement et explicitement dans la loi, même si, sur le fond, elles prouvent
que M. le secrétaire d'Etat, qui les a citées, est bien d'accord avec moi.
Cette démarche s'impose aujourd'hui, raison pour laquelle je maintiens mon
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-271, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 3.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-8, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« ... ° Les prestations obligatoires de services funéraires. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du
paragraphe I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une hausse des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-174, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« ... Les prestations de services funéraires. »
« II. - Les dispositions du dernier alinéa de l'article 978 du code général
des impôts sont abrogées. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-8.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Par souci d'équité sociale, la commission propose cet
amendement qui vise à réduire le taux de la TVA portant sur les prestations
liées aux services extérieurs des pompes funèbres.
Cette mesure va manifestement dans l'intérêt des familles. La dépense relative
aux prestations de services dont il s'agit qui intervient à un moment
particulièrement éprouvant de l'existence, est en effet très lourde, et ce
d'autant plus que le revenu des personnes est plus modeste.
Les services funéraires peuvent, en outre, être considérés comme des biens de
première nécessité, car ils sont hélas ! indispensables et obligatoires.
Il s'agit d'une mesure manifeste de justice sociale dont le coût est estimé à
700 millions de francs. Parmi les quelques mesures auxquelles la commission des
finances tient figure celle-ci, qui nous semble pouvoir être admise cette année
compte tenu de la situation générale de l'économie et de l'état des rentrées
fiscales.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau pour défendre l'amendement n° I-174.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
La fin du monopole reconnu aux pompes funèbres se justifiait, selon ses
promoteurs, essentiellement par la baisse du prix des prestations de services
funéraires qui en était attendue. Or, force est de le constater, bon nombre de
familles modestes connaissent toujours de réelles difficultés pour financer les
frais encore trop élevés des obsèques d'un proche.
Ces coûts, chacun le comprend bien, sont le plus souvent imprévisibles et il
apparaît difficile pour les petits budgets de consacrer des sommes à une
dépense supplémentaire, qui, évidemment, ne sera jamais anticipée.
Le Gouvernement s'est à plusieurs reprises montré sensible à cette question,
sans toutefois annoncer encore de décision concrète, telle que la réduction à
5,5 % du taux de la TVA sur les services funéraires. Ce soir, je pense qu'il le
fera.
Actuellement, je le rappelle, le transport de corps effectué par les
prestataires agréés est d'ores et déjà soumis au taux réduit de TVA. Il est
donc, somme toute, assez logique et cohérent d'étendre progressivement cette
disposition à l'ensemble des prestations funéraires.
Le coût de cette mesure, qui n'atteindrait pas un milliard de francs, ne
paraît pas, en outre, exorbitant. Il pourrait être compensé par les recettes
supplémentaires que procurerait le recours par les familles du défunt, à des
services peut-être plus onéreux, mais à la mesure de l'hommage qu'elles
souhaitent rendre au disparu.
Si cette période est le plus souvent vécue comme une épreuve douloureuse par
les familles, il est néanmoins légitime qu'elles cherchent à organiser des
obsèques d'une grande dignité, dans le respect de la mémoire du disparu, en
dépit de moyens financiers apparemment limités. Notre amendement vise à assurer
l'expression réelle de cette aspiration légitime.
Il placerait enfin la France en conformité avec la réglementation européenne
en matière de TVA, puisqu'une directive de 1977 autorise l'application d'un
taux réduit lorsqu'il s'agit de services par les entreprises de pompes funèbres
et de crémation.
J'espère donc que cette proposition du groupe communiste républicain et
citoyen ne restera pas une fois de plus un voeu pieux et recueillera
l'approbation du Sénat. Je crois qu'un vote unanime grandirait notre Haute
Assemblée. Le Gouvernement s'honorerait s'il voulait bien l'accepter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-174 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est défavorable, car le gage ne me paraît pas
acceptable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n° I-8 et I-174 ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Ces deux amendements ne sont dépourvus ni d'une
certaine logique, ni d'une certaine générosité.
Une chose m'étonne toutefois, monsieur le rapporteur général. Après avoir, au
nom de la commission des finances, critiqué tout à l'heure cette sorte de file
d'attente et cette somme d'objets fiscaux successivement susceptibles de
bénéficier du taux réduit de la TVA, après vous être étonné de voir cette liste
s'allonger strate après strate, voilà que vous participez à votre tour à ce
mouvement funeste.
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est la dernière étape !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Certes !
Malgré le désir de vous faire plaisir et de succomber à la générosité qui a
inspiré ces deux amendements, je suis au regret de dire que nous avons
naturellement été obligés de choisir. Il a fallu déterminer des priorités et se
placer dans la perspective de l'emploi. Contraints de choisir, avec les 20
milliards de francs d'allégements de TVA, ceux que nous allions privilégier
dans un premier temps, nous avons dû écarter une somme de petites mesures de ce
type effectivement tout aussi légitimes les unes que les autres dans une
perspective de générosité fiscale au service d'une cause sociale.
Je demande le rejet de ces deux amendements parce que nous avons opéré des
choix dictés par une priorité qui s'appelle l'emploi.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Quel coeur de pierre !
(Sourires.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-8.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Ce soir, on mange au restaurant, on trie ses ordures, on perd la vue, on a
froid, on plaide, on meurt... Qu'est-ce qui manque ?
(Sourires.)
M. le président.
Vous avez oublié le chocolat, monsieur Charasse !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Et la margarine !
M. Philippe Marini.
rapporteur général.
On participe à l'issue fatale !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 3, et l'amendement n° I-174 n'a plus
d'objet.
Article 3
bis
M. le président.
« Art. 3
bis
. - Il est inséré, après le troisième alinéa du 3 de
l'article 287 du code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« S'il estime que la taxe due à raison des opérations réalisées au cours d'un
trimestre, après imputation de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux biens
constituant des immobilisations, est inférieure d'au moins 10 % au montant de
l'acompte correspondant, calculé selon les modalités prévues au deuxième
alinéa, le redevable peut diminuer à due concurrence le montant de cet acompte,
en remettant au comptable chargé du recouvrement, au plus tard à la date
d'exigibilité de l'acompte, une déclaration datée et signée. Si ces opérations
ont été réalisées au cours d'une période inférieure à trois mois, la modulation
n'est admise que si la taxe réellement due est inférieure d'au moins 10 % à
l'acompte réduit au prorata du temps. » -
(Adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un
i
ainsi rédigé :
«
i)
Jusqu'au 31 décembre 2002, les prestations de services fournies
par des entreprises agréées en application du II de l'article L. 129-1 du code
du travail. »
Par amendement n° I-94, M. Mauroy et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de compléter le texte présenté par cet article pour le
i
de l'article 279 du code général des impôts par une phrase ainsi
rédigée : « Les services d'aide à domicile agréés qualité au titre de l'article
L. 129-1 du code du travail, gérés par les centres communaux d'action sociale,
demeurent exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée. »
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Il s'agit d'un amendement de précision, présenté par M. Mauroy. Il pose le
problème de l'avenir des centres communaux d'action sociale, les CCAS, dans le
nouveau système de TVA issu de l'article 4, qui prévoit de porter à 5,5 % le
taux de TVA sur les services à la personne fournis par les entreprises
agréées.
Cette baisse de TVA traduit notre volonté de réduire cet impôt sur certains
services. Il s'agit là de la deuxième possibilité ouverte par Bruxelles. Le
régime des entreprises va donc se rapprocher de celui des associations à but
non lucratif, qui bénéficient d'une exonération de la TVA. Le secteur de l'aide
à domicile devrait se développer, ce qui est très bien, mais dans un contexte
de concurrence nouvelle. Cette évolution ne manquera pas d'entraîner des
conséquences pour le secteur associatif et pour les CCAS, ce qui suscite
quelques craintes quant à la situation de ces dernières ! En dépit du caractère
de gestion désintéressée de ces services, on peut en effet redouter une
assimiliation inadaptée.
Il apparaît donc essentiel que soit expressément indiqué dans la loi que les
services d'aide à domicile gérés par les CCAS sont exonérés de la TVA, au même
titre que les associations agréées à but non lucratif.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cette précision paraît à la fois utile et conforme à
l'esprit de l'article 4. La commission est donc favorable à l'amendement n°
I-94.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Les centres communaux et intercommunaux d'action
sociale sont placés hors du champ d'application de la TVA pour les services
d'aide à domicile visés à l'article L. 121-1 du code du travail. Vous proposez
de faire également bénéficier d'une exonération de TVA les centres communaux
d'action sociale qui disposent d'un agrément qualité.
Je suis bien entendu sensible à cette proposition. Mais, aux termes de
l'article 256 B du code général des impôts, les personnes morales de droit
public ne sont pas assujetties à la TVA pour l'activité de leurs services
sociaux.
Dans ces conditions, les établissements publics communaux administratifs ou
intercommunaux administratifs qui disposent d'un agrément qualité sont placés
hors du champ d'application de la TVA au titre de leurs services d'aide à
domicile visés par l'article L. 121-1 du code du travail.
M. Mauroy et le groupe socialiste ont cependant raison de me demander de
rappeler ce principe dans l'instruction administrative qui commentera
l'ensemble du dispositif.
L'amendement était donc nécessaire. Il apparaîtra ainsi au
Journal officiel
que le champ d'application de la mesure sera précisé par l'instruction qui
est en cours de rédaction. Ainsi, M. Mauroy et le groupe socialiste ont-ils
satisfaction
(Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. le président.
Monsieur Demerliat, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je le retire.
M. le président.
L'amendement n° I-94 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté).
Article 4
bis
M. le président.
« Art. 4
bis
. _ Le d
bis
du 1° du 5 de l'article 261 du code
général des impôts est ainsi rédigé :
« d
bis.
Toutes les cessions effectuées par les sociétés d'aménagement
foncier et d'établissement rural au titre de l'article L. 141-1 du code rural,
dont la destination répond aux dispositions dudit article et qui sont assorties
d'un engagement de l'acquéreur pris pour lui et ses ayants cause de conserver
cette destination pendant un délai de dix ans à compter du transfert de
propriété.
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent qu'aux cessions de
biens acquis postérieurement à la date de publication de la loi n° 90-85 du 23
janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à
l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et
social ; ». -
(Adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. _ I. _ Le code général des impôts est ainsi modifié :
« A. _ 1° L'article 1594 D est ainsi rédigé :
«
Art. 1594 D
. _ Sauf dispositions particulières, le taux de la taxe
de publicité foncière ou du droit d'enregistrement prévu à l'article 683 est
fixé à 3,60 %.
« Il peut être modifié par les conseils généraux sans que ces modifications
puissent avoir pour effet de le réduire à moins de 1 % ou de le relever au-delà
de 3,60 %. » ;
« 2° Au deuxième alinéa de l'article 1594 E, les mots : "et au troisième
alinéa du I de l'article 1594 DA, les taux en vigueur sont reconduits" sont
remplacés par les mots : ", le taux en vigueur est reconduit" ;
« 3° L'article 683
bis
est ainsi modifié :
«
a)
Au premier alinéa, le taux : "2,60 %" est remplacé par le taux :
"2 %" ;
«
b)
Le deuxième alinéa est supprimé ;
« 4° Au I
bis
de l'article 809 et au III de l'article 810, le taux :
"2,60 %" est remplacé par le taux : "2 %";
« 5° Au deuxième alinéa de l'article 1043 A, les mots : "aux taux prévus par
les articles 1594 D, 1594 DA ou 1594 F
quater
" sont remplacés par les
mots : "au taux prévu à l'article 1594 D";
« 6° Les articles 1594 DA et 1594 F
quater
sont abrogés.
« B. _ 1° Dans le tarif figurant à l'article 719, le taux : "6 %" est remplacé
par le taux : "3,80 %" et le taux : "9 %" est remplacé par le taux : "2,40
%";
« 2° Au premier alinéa de l'article 722
bis,
le taux : "6 %" est
remplacé par le taux : "3,80 %";
« 3° Au I
bis
de l'article 809, les mots : "aux taux de 2 % ou 8,60 %
prévus par le" sont remplacés par les mots : "au tarif prévu par le premier
alinéa du";
« 4° Le III de l'article 810 est ainsi modifié :
«
a)
Au premier alinéa, le mot : "taux" est remplacé par le mot :
"tarif" et les mots : "à 8,60 %" sont remplacés par les mots : ", selon le
tarif prévu à l'article 719,";
«
b)
Au quatrième alinéa, les mots : "de 2 % ou de 8,60 %" sont
remplacés par les mots : "prévu au premier alinéa".
« II. _ Les dispositions du A du I s'appliquent à compter du 15 septembre
1999.
« Par dérogation à l'alinéa précédent, les dispositions de l'article 1594 DA
du code général des impôts demeurent applicables jusqu'au 31 mai 2000 en tant
qu'elles concernent des immeubles situés dans les départements dans lesquels le
taux prévu au I du même article et exigible au 1er juin 1999 est inférieur à
3,60 %.
« Les dispositions du B du I s'appliquent aux actes passés et aux conventions
conclues à compter du 15 septembre 1999. »
Par amendement n° I-61 rectifié, MM. Michel Mercier, Badré et les membres du
groupe de l'Union centriste proposent :
A. - De compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La compensation, au titre de 2000, de la perte de produit fiscal
résultant pour les départements des dispositions du présent article et de
l'article 39 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998)
est déterminée, dans les conditions prévues par le deuxième et le troisième
alinéas de l'article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales,
en prenant en compte le taux d'évolution de la dotation globale de
fonctionnement résultant, en 2000, des dispositions du premier alinéa de
l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des
dispositions du A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi
rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la revalorisation de la
compensation de la baisse des droits de mutation versée aux départements est
compensée par un relèvement à due concurrence des droits mentionnés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Depuis de nombreuses années, les gouvernements ont tendance à diminuer dans
les ressources des collectivités locales la part des impôts locaux, qui sont
écrêtés ou qui voient leur assiette ou leur taux abaissés. Les gouvernements
ont également tendance à remplacer cette part par des allocations
compensatoires. Cette tendance s'accentue de plus en plus.
L'an dernier, deux exemples l'ont illustrée : les droits de mutation perçus
par les régions et la part salaire de la taxe professionnelle perçue par
l'ensemble des collectivités locales ont été affectés par cette évolution.
Non contente d'aller dans le même sens, la loi de finances pour 2000 accentue
cette tendance puisque les droits de mutations désormais perçus par les
départements sont également touchés par le plafonnement des taux.
Il est à noter que ce plafonnement de taux n'influence guère le marché,
puisque la diminution de 25 % des droits de mutation décidée par le
gouvernement précédent n'avait nullement relancé le marché, qui s'accommode
fort bien des taux actuels.
Ce choix du Gouvernement se justifie essentiellement par l'inadaptation des
impôts locaux au monde dans lequel nous vivons. Sur ce point, nous pouvons
probablement suivre le Gouvernement.
Mais nous sommes confrontés au problème de l'actualisation de l'allocation de
compensation. Dans le projet de loi de finances initial pour 2000, le
Gouvernement avait prévu un système d'indexation identique pour l'allocation de
compensation de la part salaire de la taxe professionnelle et pour l'allocation
de compensation de l'effet limite du taux des droits de mutation.
Or, lors de la discussion de la loi de finances à l'Assemblée nationale, le
Gouvernement s'est rendu aux arguments avancés par nos collègues députés, qui
lui ont fait remarquer que l'on ne pouvait pas prendre comme mesure de
l'indexation le taux d'évolution de la DGF après les opérations internes
propres à la DGF, qu'il s'agisse d'opérations de régulation ou de recalage,
mais qu'il convenait de prendre comme index de variation de l'allocation de
compensation la DGF avant que ces deux opérations soient réalisées.
Je suis sûr que le Gouvernement souhaite que ces deux allocations de
compensation soient soumises au même régime et qu'il n'y ait pas un système
d'indexation pour la part salaire de la taxe professionnelle et un autre pour
la compensation des droits de mutation.
L'amendement que je vous présente ce soir vise en fait à réparer un oubli. Je
suis sûr, en effet que, devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait la
volonté de traiter de la même façon les deux allocations de compensation, comme
il l'avait fait dans le projet de loi de finances initial.
Cet amendement n° I-61 rectifié vise donc simplement à aligner les conditions
d'indexation de la compensation de la baisse du taux des droits de mutation sur
les règles relatives à la taxe professionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission est très favorable à cet amendement,
qui a été présenté de manière extrêmement complète, didactique et
convaincante.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je crains, monsieur le président, monsieur le
sénateur, que, sous couvert de parallélisme avec la réforme de la taxe
professionnelle, nous ne remettions en cause les principes généraux de la
décentralisation.
Les lois de décentralisation de 1983 ont en effet fixé le principe de la
compensation intégrale des charges transférées par l'attribution de ressources
équivalentes aux dépenses effectuées à la date du tansfert. Cette compensation
évolue ensuite chaque année comme la dotation globale de fonctionnement.
La compensation de la réforme de la taxe professionnelle est sans rapport avec
la compensation des modifications apportées à la fiscalité transférée.
Etrangers l'un à l'autre, les deux sujets ne sauraient être valablement
comparés.
Si le Gouvernement a accepté l'amendement de la commission des finances de
l'Assemblée nationale, qui fixe une indexation pour 2000 de la compensation
relative à la réforme de la taxe professionnelle à 2,05 % au lieu de 0,821 %
prévu par l'article 44 de la loi de finances pour 1999, c'est parce que la
question de l'indexation de cette compensation a rapidement constitué une
préoccupation importante pour un certain nombre, je dirai même pour un grand
nombre d'élus locaux.
Mais je souhaite que nous restions sur une compensation qui évolue comme la
DGF en ce qui concerne les droits de mutation à titre onéreux et que nous ne
débordions pas, sans logique véritable, je le dis très sérieusement, sur une
autre compensation qui n'a rien à voir avec l'objet de celle qui était prévue
lorsque, par les lois de 1983, nous avons mis en oeuvre la décentralisation et
les compensations afférentes.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Permettez-moi simplement un très bref complément :
nous constatons que l'indexation de la compensation de la baisse des droits de
mutation est très défavorable par rapport à l'évolution des bases, comme l'a
démontré notre collègue Michel Mercier. De plus, pour l'année 2000, cela
conduirait à une évolution inférieure aux prévisions d'inflation.
Nous voyons bien que l'ancienne ressource affectée aux départements, qui était
dynamique, est remplacée par une ressource dont le montant diminue en francs
constants ! Est-ce acceptable, monsieur le secrétaire d'Etat ? Est-ce conforme
aux principes de la décentralisation ?
Je crois que l'amendement qui est proposé rectifie la situation dans le sens
de l'équité.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-61 rectifié.
M. Michel Mercier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, on ne peut pas, aujourd'hui, compenser une
recette fiscale qui évolue dans les conditions que l'on sait par une allocation
qui évolue de 0,8 % seulement ! Par ailleurs, l'ensemble de la fiscalité des
droits de mutation n'est pas une fiscalité transférée : une part appartenait
déjà aux collectivités locales avant les lois de décentralisation et la règle
de droit que vous avez rappelée ne peut donc pas s'appliquer.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, tout en comprenant bien la position du Gouvernement, je
voudrais dire amicalement à M. le secrétaire d'Etat - et, à travers lui - au
Gouvernement tout entier que la suppression progressive d'un certain nombre de
ressources fiscales et leur remplacement par des compensations forfaitaires
versées par l'Etat, donc par des dotations, finira par être un jour mise en
cause par le Conseil constitutionnel, et ce pour une raison très simple : le
principe de libre administration des collectivités locales affirmé par
l'article 72 de la Constitution suppose que cette liberté puisse s'exercer ; or
elle ne peut s'exercer qu'à la condition que les collectivités puissent
elles-mêmes fixer les taux de leurs ressources, que ce soit en totalité ou en
partie, car il peut y avoir aussi des droits affectés.
Le système qui consiste à remplacer progressivement les ressources fiscales
par des compensations est tel qu'un jour ou l'autre on sera dans une situation
où les compensations représenteront plus de la moitié de ce qu'étaient les
ressources fiscales, et là se posera le problème constitutionnel.
Pour ce qui est de l'amendement de M. Mercier, au fond, le problème ne se pose
pas tellement pour l'année 2000...
M. Michel Mercier.
Dès 1999 !
M. Michel Charasse.
Non ! Compte tenu du décalage entre le versement et le moment où les conseils
généraux perçoivent les droits de mutation, le problème se posera, en réalité,
en 2001. Et je ne peux pas dire à l'avance qui aura alors raison, du rapporteur
général et de M. Mercier, d'une part, ou du secrétaire d'Etat, d'autre part.
Tout cela dépend de l'évolution du marché immobilier et de beaucoup d'autres
éléments.
Lorsque M. le rapporteur général écrit, dans son rapport, à propos de
l'article 5, qu'il s'agit d'une ressource très évolutive, il a raison depuis
que le marché de l'immobilier a repris et marche bien ! Mais tout le monde sait
- et M. Mercier mieux que d'autres, puisqu'il préside un conseil général très
important - qu'il suffit que le marché immobilier dégringole pour que
immédiatement, les ressources des conseils généraux s'en ressentent !
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut faire très
attention, parce que les ressources des conseils généraux sont fragiles et que
les charges qu'ils assurent, à des titres très nombreux, sont très lourdes :
nous aidons les emplois-jeunes, nous devons faire face aux services des
sapeurs-pompiers, qui sont extrêmement pesants, etc. Tout cela fait que nous ne
pouvons pas ne pas être vigilants à l'égard de l'évolution de nos ressources
!
C'est pourquoi, monsieur le président, je propose de sous-amender l'amendement
de M. Mercier. Je pense, en effet, que c'est dans un an qu'il faudra se
retrouver pour voir ce qu'il en est ; pour le moment, je suis enclin à faire
confiance au Gouvernement - M. Mercier me trouvera peut-être très optimiste ! -
en ce qui concerne la compensation de l'année 2000.
M. le président.
Monsieur Charasse, pardonnez-moi, mais il n'est plus possible de déposer
d'amendement ou de sous-amendement au moment des explications de vote !
M. Michel Charasse.
Mais j'étais en train de m'exprimer contre l'amendement de M. Mercier !
(Rires.)
M. le président.
Monsieur Charasse,...
M. Michel Charasse.
Je vous ai demandé la parole pour m'exprimer contre !
M. le président.
... vous êtes le troisième à prendre la parole, après M. le rapporteur général
et M. Mercier. Vous ne pouvez pas vous exprimer contre, car, dans ce cas, vous
auriez parlé le premier !
M. Michel Charasse.
J'avais levé la main ! Mais vous avez d'abord donné la parole à M. Mercier,
monsieur le président...
M. le président.
Je n'imaginais pas que M. Mercier allait s'exprimer contre l'amendement qu'il
présentait !
M. Michel Charasse.
Mais il voulait peut-être le retirer !
(Sourires.)
Ne m'obligez pas à
me quereller avec mon collègue Michel Mercier pour une préséance que je n'ai
pas recherchée !
M. le président.
Allons ! Exceptionnellement, monsieur Charasse, je vous autorise à déposer un
sous-amendement !
M. Michel Charasse.
Je vous remercie de cette immense bienveillance, monsieur le président, qui
est la contrepartie de ma maladresse.
Je propose donc de sous-amender l'amendement n° I-61 rectifié, en remplaçant
les mots : « au titre de 2000 » par les mots : « au titre de 2001 et des
années suivantes », puis en rédigeant comme suit la fin du texte présenté par
l'amendement n° I-61 pour compléter l'article 5 : « en prenant en compte... un
taux d'évolution qui sera fixé par la loi de finances pour 2001. »
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° I-294, présenté par M. Charasse, et
tendant :
A) Dans le texte proposé par l'amendement n° I-61 pour compléter l'article 5,
à remplacer les mots : « au titre de 2000 » par les mots : « au titre de 2001
et des années suivantes » ;
B) Après les mots : « en prenant en compte », à rédiger comme suit la fin du
texte proposé par l'amendement n° I-61 pour compléter l'article 5 : « un taux
d'évolution qui sera fixé par la loi de finances pour 2001. »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce sous-amendement transforme un amendement de
première partie en un amendement de seconde partie, puisque, ainsi modifié,
celui-ci n'aura plus d'incidence sur le solde de la loi de finances de 2000.
Je considère que l'amendement Michel Mercier « pur », si j'ose dire, offre une
garantie plus tangible et plus solide dès l'année 2000 aux collectivités
territoriales.
M. Michel Charasse.
Mais il ne survivra peut-être pas à l'Assemblée nationale !
M. Michel Mercier.
C'est sûr !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je ne sais pas ! J'espère que, lors de la discussion
du projet de loi de finances pour 2001, la configuration politique sera
différente, même si je n'ai aucune certitude en ce domaine...
Quoi qu'il en soit, autant présenter des propositions claires et il me paraît
préférable d'en rester à la version de notre collègue Michel Mercier, d'autant
plus que la critique que nous émettons à l'encontre de la compensation c'est
que, dans une période de redémarrage du marché immobilier, elle conduit les
collectivités territoriales qui étaient bénéficiaires des droits de mutation à
ne profiter en rien de ce redémarrage du marché immobilier. Par le jeu des
dates et compte tenu de la conjoncture, la pénalisation est d'autant plus forte
que l'on a un marché immobilier porteur et qu'il y a beaucoup plus de
transactions. Quand l'année 2000 sera terminée, tout cela sera donc perdu pour
les départements.
Il me semble donc préférable d'en rester à la proposition initiale de M.
Mercier.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° I-294 ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je tiens à apporter deux précisions aux différents
orateurs qui se sont exprimés.
D'abord, en ce qui concerne les droits de mutation à titre onéreux, il y a en
effet - et il faut que vous le preniez en compte, mesdames, messieurs les
sénateurs - un effet volume, M. le rapporteur général vient de l'évoquer : les
collectivités locales vont bénéficier de la croissance économique, et donc de
l'effet d'entraînement de cette dernière sur les mutations à titre onéreux. Les
collectivités locales vont également bénéficier de l'abaissement des droits de
mutation à titre onéreux qui résulte de la politique du Gouvernement, ce qui
est important dans un marché qui est vraiment en croissance, témoignant ainsi
de la confiance des Français dans l'avenir, grâce à la politique du
Gouvernement.
Par ailleurs, M. Charasse a été évoqué tout à l'heure le très important
article 72 de la Constitution. Je veux le rassurer : si je ne me trompe, le
Conseil constitutionnel a eu à décider de la conformité à la Constitution de la
loi du 2 mars 1982. Or, s'il a censuré un certain nombre de dispositions de ce
texte, il n'a pas considéré que l'article 72 de la Constitution était violé,
notamment par le système d'indexation de la compensation. Il a donc
explicitement admis que le principe de l'indexation retenu par le Gouvernement
ainsi que la compensation du transfert de charges étaient conformes à la
Constitution, donc conformes à l'article 72 aux termes duquel les collectivités
locales s'administrent librement.
M. Michel Charasse.
Sous réserve de l'approbation de la commision d'évaluation des charges !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. Michel Charasse.
Or, chaque fois que cette dernière a donné un avis défavorable, le Parlement a
procédé aux ajustements nécessaires.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Tout à fait, mais abonder dans votre sens revient à
critiquer au fond le moyen que vous aviez soulevé voilà quelques minutes.
M. Michel Charasse.
Les charges ne sont pas comprises !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
L'article 72 est bien respecté lorsque le Gouvernement
prétend maintenir et le principe de la compensation des transferts tel qu'il
résulte de la loi du 2 mars 1982 et le principe de son indexation tel qu'il
résulte de la pratique constante de tous les gouvernements. Or cette indexation
a toujours été, jusqu'à présent, alignée sur l'évolution de la dotation
générale de fonctionnement.
Dans ces conditions, votre sous-amendement, monsieur Charasse, m'inspire la
même hostilité qu'à M. le rapporteur général, car vous avez l'intention de ne
pas limiter la surindexation à 2000 et d'en faire un principe général à partir
de 2001, ce qui désorganiserait le système de transfert et le mécanisme de
l'indexation.
Je pense, comme M. le rapporteur général, qu'il faut en rester au principe de
l'indexation sur la DGF, principe clair et simple qui a été approuvé par le
Conseil constitutionnel.
Je demande donc au Sénat de repousser et l'amendement et le sous-amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° I-294.
M. Michel Mercier.
Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Je suis hostile à ce sous-amendement car il ne permet pas de résoudre le
problème qui se posera aux collectivités locales dès 2000.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais, en toute sérénité, vous poser la
question suivante : pouvez-vous nous indiquer quelles sont les conséquences de
cette mesure pour chacun des cent départements français, en termes de pertes de
recettes ?
En 2000, les départements percevront des recettes très sensiblement
inférieures à celles qui leur ont été versées en 1999 !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Avec l'effet volume, ce sera supérieur !
M. Michel Mercier
Non, monsieur le secrétaire d'Etat ! Le gouvernement précédent a déjà procédé
ainsi et cela n'a pas marché. Vous ne pouvez pas réduire un droit de 25 %, nous
dire que l'on compense 25 % par 0,8 % et que l'on percevra plus que l'année
précédente ! Les départements vont donc subir des diminutions de recettes.
Je vous pose alors une question précise, monsieur le secrétaire d'Etat : si
les départements ont des recettes inférieures, le Gouvernement s'engage-t-il à
compenser la perte au moins à due concurrence des recettes de 1999 ?
Si vous me dites oui, l'affaire est presque réglée ; si vous me dites non, je
crois qu'il est de notre devoir de défendre au moins le niveau de 1999 pour les
recettes des collectivités locales alors que leurs dépenses vont augmenter,
qu'il s'agisse de la CNRACL, des traitements des agents locaux, etc. Ainsi, le
département que je représente ici verra ses recettes diminuer de plusieurs
dizaines de millions de francs.
Je souhaite avoir une réponse claire sur ce point !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement n'a pas à compenser des recettes pour
les collectivités locales
(M. Michel Mercier s'exclame)
, recettes dont
j'affirme qu'elles seront supérieures, par l'effet volume que j'ai mentionné
dans ma dernière intervention.
Avec le dispositif d'indexation proposé par le Gouvernement, les collectivités
locales auront plus en l'an 2000 que ce dont elles bénéficiaient en 1999.
M. Michel Mercier.
Mais non !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Elles pourraient avoir, avec une indexation à 2,05 %,
encore plus. Mais, de toute manière, elles auront plus en l'an 2000 qu'en
1999.
Je propose d'en rester là, car les départements concernés bénéficieront de
recettes supplémentaires. Certes, vous souhaiteriez que ces recettes soient
encore plus élevées.
(M. Michel Mercier fait un signe de dénégation.)
Pour ma part, je propose d'en rester à une augmentation qui me paraît
raisonnable et suffisamment confortable pour les départements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° I-294.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville.
J'avoue que je ne comprends pas toutes les subtilités du débat sur ce problème
des droits de mutation. Je ferai deux remarques : l'une sur la base de
compensation, l'autre sur le taux d'indexation.
Pour le Gouvernement, la base de compensation est l'année 1998. Si je
comprends bien, la difficulté au regard de la base de l'année 1999 tient au
fait que le Gouvernement prend en compte la baisse des droits de mutation qui
intervient à la date à laquelle le projet de loi de finances a été rendu
public, c'est-à-dire aux alentours du 15 septembre.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
C'est la deuxième ! Il y en a déjà eu une l'année
dernière !
M. Yves Fréville.
Je parle de celle de cette année !
Comme il y a une baisse des droits de mutation pour les mois d'octobre, de
novembre et de décembre, le montant des droits encaissés en 1999 sera inférieur
à celui de l'année 1998, mais tout simplement parce que la baisse intervient au
15 septembre. Le raisonnement du Gouvernement me paraît donc quelque peu
biaisé. Telle est ma première remarque.
Ma seconde remarque a trait au taux d'indexation.
Le raisonnement de M. Michel Mercier est parfaitement cohérent avec ce qui a
été fait, s'agissant de la taxe professionnelle. En effet, monsieur le
secrétaire d'Etat, permettez-moi de dire que, lors du débat sur la taxe
professionnelle, le Gouvernement a avancé comme argument que, en donnant une
garantie d'indexation sur la dotation globale de fonctionnement, on avantageait
les collectivités locales. On ne peut avoir deux raisonnements différents pour
la taxe professionnelle et pour les droits de mutation, qui sont deux recettes
des collectivités locales.
Je conclurai en soulevant la question de la compatibilité de l'amendement n°
I-61 rectifié avec l'amendement n° I-9 de la commission, que nous n'avons pas
encore examiné et qui vise à changer complètement le système d'indexation par
rapport à celui qui est prévu par le Gouvernement. En effet, cet amendement de
la commission tend à prévoir que la compensation va varier avec les
fluctuations, alors que l'amendement n° I-61 rectifié prévoit une indexation en
fonction de la base 1998, ce qui est différent de la position du
Gouvernement.
J'aimerais donc avoir une explication sur ce point, car la position de M. le
rapporteur général sur l'amendement n° I-9 me semble conditionner la suite de
nos travaux.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je ne souhaite pas faire perdre son temps au Sénat.
M. le rapporteur général a fait une observation tout à l'heure sur mon
sous-amendement, considérant que l'adoption de ce dernier ferait de
l'amendement n° I-61 rectifié, ainsi modifié, un amendement de seconde partie.
S'il en allait vraiment ainsi, je retirerai mon sous-amendement, ne voulant pas
mélanger les choses dans la discussion. Cela ne pèse pas sur l'exercice,
effectivement !
Par conséquent, considérez-vous que le sous-amendement n° I-294 est recevable
ou pas ? S'il est irrecevable, n'en parlons plus !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En effet, l'amendement de M. Michel Mercier
deviendrait un amendement de seconde partie s'il était sous-amendé comme le
propose M. Michel Charasse. Mais j'ai émis un avis défavorable sur ce
sous-amendement ; il convient donc d'attendre de connaître le sort de ce
sous-amendement et, par voie de conséquence, sans doute, de l'amendement.
Je répondrai à M. Yves Fréville qu'il y a non pas contradiction, mais
complémentarité entre l'amendement n° I-61 rectifié de M. Michel Mercier et
l'amendement n° I-9 rectifié de la commission, que je n'ai pas encore présenté
: d'un côté, M. Michel Mercier s'intéresse à l'indexation, c'est-à-dire au
taux, et d'un autre côté, la commission s'intéresse à la base, c'est-à-dire à
l'assiette. Mais les deux amendements, s'ils sont adoptés, devront être lus
ensemble.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Si mon sous-amendement est adopté, l'amendement de M. Michel Mercier risque de
devenir un amendement de seconde partie, et il faudra donc le repousser.
Si mon sous-amendement n'est pas adopté, l'amendement de M. Michel Mercier
reste un amendement de première partie.
Ne voulant pas polluer plus longtemps ce débat, je retire le sous-amendement
n° I-294.
M. le président.
Le sous-amendement n° I-294 est retiré.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je regrette le retrait du sous-amendement n° I-294. En
effet, son maintien m'aurait permis de faire justice de l'amendement n° I-61
rectifié, qui aurait relevé de la seconde partie.
Je veux souligner la contradiction entre les positions de M. Michel Mercier et
de M. le rapporteur général. Si l'on parle d'indexation, on ne parle plus de
bases réelles ; si l'on parle de bases réelles, on ne parle plus d'indexation.
On ne peut pas réclamer à la fois des bases réelles et une indexation. Le mot «
réelles » est contradictoire avec le fait d'indexer.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-61 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-9, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose :
A. - De compléter l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Après le deuxième alinéa de l'article L. 1614-5 du code général des
collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des attributions de dotation de décentralisation et des
diminutions des ajustements prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1614-4,
visés au deuxième alinéa du présent article, sont calculés chaque année en
tenant compte des bases de l'avant-dernier exercice. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des
dispositions du A ci-dessus, de compléter
in fine
l'article 5 par un
paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la prise en compte de
l'évolution des bases dans le calcul de la baisse des droits de mutation est
compensée par un relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575
et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si vous m'y autorisez, monsieur le président,
j'aimerais, pour la clarté des débats, exposer également l'amendement n°
I-10.
M. le président.
J'appelle donc également en discussion l'amendement n° I-10, présenté par M.
Marini, au nom de la commission des finances, et tendant :
A. - A compléter l'article 5 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Avant le dernier alinéa de l'article L. 1614-5 du code généal des
collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les attributions de dotation de décentralisation résultant, pour les
départements ou les régions, de la modification, postérieurement à la date de
transfert des impôts et du fait de l'Etat, de l'assiette ou des taux de ces
impôts, ne sont pas prises en compte dans le montant de la dotation générale de
décentralisation pour l'application du I de l'article 57 de la loi de finances
pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998). »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des
dispositions du A ci-dessus, à compléter
in fine
l'article 5 par un
paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant, pour l'Etat, de l'absence de prise en
compte de la compensation des pertes de produit fiscal dans le montant de la
dotation générale de décentralisation retenu pour le calcul de l'enveloppe
normée des concours de l'Etat aux collectivités locales, est compensée par un
relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre ces deux
amendements.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement n° I-61 rectifié que le Sénat vient
d'adopter permet de revaloriser l'indexation de la compensation de la baisse
des droits de mutation.
Mais cela ne suffit pas. Il faut aller plus loin de deux manières : d'une
part, en modifiant le mode de calcul de la compensation et, d'autre part, en
évitant que la baisse des droits de mutation ne pèse sur la dotation de
compensation de la taxe professionnelle.
L'amendement n° I-9 répond au premier souci. Le Gouvernement considère que la
compensation de la baisse des droits de mutation perçus par les départements
sera intégrale. Or, cette compensation sera calculée à partir des bases de
l'année 1998, privant ainsi les départements des effets de la reprise du marché
de l'immobilier. La compensation ne sera donc « intégrale » que la première
année, et le décalage avec l'évolution des bases augmentera au cours des années
suivantes. Les écarts se creuseront.
Dès lors, les ressources des collectivités locales seront progressivement
déconnectées de l'évolution de l'activité économique sur leur territoire. On
tournera le dos encore un peu plus au principe de l'autonomie fiscale des
collectivités.
L'amendement n° I-9 vise donc à prendre en compte l'évolution des bases dans
le calcul de la compensation en évaluant cette dernière pour chaque année selon
les bases constatées à l'avant-dernier exercice. C'est une règle proche de
celle qui prévaut en matière d'assiette de la taxe professionnelle. On ne voit
pas pourquoi on n'utiliserait pas le même raisonnement en ce qui concerne une
autre variable économique.
J'en viens à l'amendement n° I-10. La compensation de la baisse des droits de
mutation perçus par les départements s'effectue par des attributions de
dotation générale de décentralisation, la DGD. Le premier amendement déposé à
l'article 5 vise, comme je l'ai indiqué, à préserver les ressources des
départements en tenant compte de l'évaluation des bases dans le calcul de la
compensation. Or, plus la compensation est importante, plus la DGD augmente et,
par voie de conséquence, plus elle pèse sur la variable d'ajustement au titre
du contrat de croissance qu'est la fameuse dotation de compensation de la taxe
professionnelle, la DCTP.
C'est pourquoi l'amendement n° I-10 prévoit que les attributions de DGD ne
seront pas prises en compte dans le calcul de l'enveloppe normée, afin d'éviter
que la revalorisation de la compensation ne réduise mécaniquement la dotation
de compensation de la taxe professionnelle.
En d'autres termes, il faut neutraliser la variable d'ajustement si l'on veut
éviter de se voir reprendre d'un côté ce que l'on aura gagné de l'autre.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-9 et I-10 ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je rappelle d'abord que les lois de décentralisation
ont fixé le principe de la compensation intégrale des charges transférées et
qu'elles effectuent ce calcul à la date du transfert. Ensuite, la compensation
évolue parallèlement à la DGF.
L'article 1614-5 du code général des collectivités territoriales transpose ce
principe général de compensation aux pertes de ressources fiscales liées à la
modification de l'assiette ou du taux, par l'Etat, de la fiscalité
transférée.
En cas de baisse des taux, comme pour les droits de mutation à titre onéreux,
la compensation est arrêtée en appliquant le différentiel de taux aux bases
constatées à la fin de l'exercice précédent. La compensation est ensuite
intégrée dans la DGD, et elle évolue comme cette dernière.
L'amendement n° I-9, qui conduirait à déterminer chaque année le montant de la
compensation des pertes de ressources fiscales à partir des bases de la
fiscalité de l'avant-dernier exercice, remet en cause les principes généraux de
la décentralisation que je viens de rappeler ; c'est d'ailleurs le fondement de
votre argumentation.
Il pourrait, par ailleurs, avoir des conséquences défavorables aux
collectivités en cas de réduction, pour des raisons conjoncturelles, de
l'assiette de l'impôt transféré. Comme il s'agit de la taxe professionnelle, on
voit quelle est la sensibilité pour les collectivités locales de cet impôt.
On substituerait donc à une ressource connue à l'évolution prévisible, comme
je viens de le démontrer, une ressource totalement liée à la conjoncture. De
mon point de vue, ce ne serait pas sain pour les collectivités locales et cela
introduirait un élément de risque pour les ressources des collectivités
locales. C'est pourquoi je suis hostile à l'amendement n° I-9.
M. Michel Mercier.
Vous êtes hostile au risque !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Non, je suis favorable au risque, mais pas à celui-là
! Et je suis favorable à un risque maîtrisé.
(M. Michel Mercier
s'exclame.)
Or, ce risque n'est pas maîtrisé à cause de l'évolution conjoncturelle qui
peut être défavorable. Aujourd'hui, grâce à la politique économique du
Gouvernement, en particulier
(M. le président de la commission des finances
et M. le rapporteur général s'exclament),
les perspectives sont favorables
pour les collectivités locales.
M. Michel Mercier.
Il n'y a que nous qui y croyons ! Même pas vous !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Merci de m'approuver, monsieur le sénateur.
L'amendement n° I-10, présenté par M. Marini, m'oblige à faire une réponse
très technique.
Vous souhaitez que les abondements de dotation générale de décentralisation
liés aux modifications apportées à la fiscalité transférée ne soient pas pris
en compte dans le calcul de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux
collectivites locales.
M. Michel Mercier.
ll a raison !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
De fait, ces abondements qui sont faits hors enveloppe
pour l'année considérée sont neutres sur l'évolution de la DCTP de l'année
suivante, la base servant au calcul du montant de l'enveloppe normée de l'année
suivante étant rehaussée à due concurrence de ce montant.
Prenons un exemple très concret de la baisse des droits de mutation à titre
onéreux sur les immeubles d'habitation prévue dans le projet de loi de finances
pour 2000. Cette baisse conduit à majorer la dotation générale de
décentralisation de 4,6 milliards de francs environ en 2000. Ce montant n'a pas
été pris en compte dans le calcul de l'enveloppe normée pour 2000, qui a été
calculée à périmètre constant. En revanche, au moment du calcul de l'enveloppe
normée 2001, ce montant sera intégré dans la base de l'enveloppe normée 2000
servant donc au calcul de l'enveloppe 2001 en fonction de l'indexation définie
dans le loi de finances initiale pour 1999.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est très simple !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
En effet, c'est assez simple !
La base de calcul de l'enveloppe globale ayant été majorée à due concurrence,
le gonflement de la dotation générale de décentralisation lié aux modifications
apportées à la fiscalité transférée ne perturbe en rien le calcul de
l'enveloppe normée de l'année suivante.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oui !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je viens de le dire, pour 1999, 2000 et 2001, la DCTP
- puisque j'imagine que c'est le sujet de notre débat - ne souffre donc pas de
la majoration de la DGD. J'ai même le sentiment, en ayant écouté tout à l'heure
l'explication que vous donniez du dispositif que vous souhaitiez voir adopter,
que vous aviez satisfaction par le dispositif que je viens de décrire, du moins
je l'espère !
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur général, votre amendement me
paraît sans objet.
J'ajoute qu'il s'agit là de modifications définitives de la dotation générale
de décentralisation, et non pas de mouvements exceptionnels et temporaires. Il
est dès lors logique, parce qu'ils sont définitifs, qu'ils soient intégrés dans
le calcul de droit commun.
Je pense donc qu'il serait opportun que vous retiriez votre amendement, qui
est satisfait par le dispositif que je viens d'éclairer, à l'évidence
(Sourires)...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Lumineux !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Merci, monsieur Lambert !
... et qui s'appliquera, par conséquent, aux droits de mutation à titre
onéreux dont l'évolution est prévue dans le projet de loi de finances pour
2000.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, maintenez-vous vos amendements ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce sujet est naturellement complexe, comme tout ce
système de reversement de dotations de l'Etat aux collectivités territoriales,
et il faut bien reconnaître que cette complexité est en soi une limite à
l'autonomie locale.
La volonté de la commission des finances, en proposant l'amendement n° I-9,
est de bien connecter l'évolution des bases, donc l'évolution de l'économie
locale, et le produit perçu par les collectivités territoriales.
Vous nous dites qu'il y a un risque, monsieur le secrétaire d'Etat. Certes,
mais dans la vie, n'y a-t-il pas toujours des risques ? Lorsqu'un département
est bien géré, il peut avoir sur la conjoncture du marché immobilier local
probablement tout autant d'influence qu'au niveau national la politique du
Gouvernement sur la conjoncture économique nationale.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
On fait nôtre votre argument,
monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je suis sûr, pour prendre un exemple au hasard, que,
sous la direction éclairée de son président Michel Mercier, le conseil général
du Rhône est en mesure d'influer sur la conjoncture locale par les opérations
directes ou partenariales qu'il entreprend avec les collectivités
territoriales, et qui seront loin d'être neutres pour la tenue du marché
immobilier de ce département.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il provoque la croissance !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Non, mais il y joue son rôle, ne le nions pas.
S'il n'y avait plus cette connexion entre l'évolution économique locale et les
ressources des collectivités, nous serions complètement déresponsabilisés. Or,
ce que nous voulons en matière de gestion des collectivités territoriales,
c'est la responsabilité.
Peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous techniquement raison...
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
J'ai dit la même chose que vous !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... mais j'avoue qu'à cette heure relativement
avancée la complexité technique du dispositif est telle que je préférerais que
l'amendement n° I-10 soit adopté par le Sénat car, au pire, cet amendement ne
ferait aucun mal.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Il est superfétatoire !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il ne pourrait, si on vous suit, qu'être
superfétatoire.
Peut-être pouvons-nous d'ailleurs vérifier ce point technique entre le moment
du vote et la réunion de la commission mixte paritaire ou la nouvelle lecture
du projet de loi de finances.
Mais je crois que, dans l'immédiat, compte tenu du peu de temps dont nous
disposons, sachant que nous sommes d'accord sur l'esprit de cette disposition -
c'est ainsi que j'ai compris les propos de M. le secrétaire d'Etat - il faut
maintenir l'amendement n° I-10, comme l'amendement n° I-9.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
L'obstination sympathique de M. le rapporteur général
ne me gêne pas : puisque j'ai dit que son amendement était satisfait, peu me
chaut qu'il fût voté.
Nous vérifierons ensuite ensemble, monsieur le rapporteur général, si vous le
voulez bien, avec vos services et les miens, dans quelle mesure en effet nous
avons tenu ce soir sur cette matière limpide et claire les mêmes propos, ou en
tout cas des propos convergents...
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-9.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Mon coeur balance : je suis assez sensible au raisonnement de M. le secrétaire
d'Etat, mais je crois que M. le rapporteur général a tout à fait raison sur le
plan des principes. En effet, il est souhaitable que, dans nombre de domaines
en matière de fiscalité, les compensations versées par l'Etat aux collectivités
locales - en particulier pour la taxe professionnelle - s'appuient sur
l'évolution des bases.
Sur le plan économique, les droits de mutation relèvent d'une autre espèce,
car ce sont des droits très volatiles. Chaque fois que l'on a essayé de faire
des prévisions d'évolution des droits de mutation à long terme, tout le monde,
sur le plan économétrique, s'est fourvoyé.
Dans un département que je connais bien, les droits de mutation ont évolué de
façon extraordinairement sensibles : 200 millions de francs il y a quelques
années, 330 millions de francs en 1998 !
En prenant connaissance des propositions du Gouvernement, j'ai eu tendance à
considérer qu'il s'agissait pour la première fois d'une indexation sur une base
relativement avantageuse pour les collectivités locales.
A court terme - en 2000 ou en 2001 - il est fort probable que nous serons
encore dans une situation où le marché immobilier sera porteur et nous y
perdrons peut-être effectivement avec le système d'indexation proposé par le
Gouvernement. Je suis parfaitement d'accord avec les propos tenus tout à
l'heure par M. le rapporteur général et M. Michel Mercier à ce sujet.
En revanche, à long terme, les droits de mutation peuvent évoluer de façon
très brutale ; il peut y avoir des chutes très fortes, de 20 %, 30 %, voire 60
%, comme au cours de la période 1993-1994. En outre, certains départements
n'ont pas la chance de compter sur leur territoire une très grande
agglomération, où le marché foncier est très porteur.
C'est pourquoi j'ai dit que mon coeur balance. J'estime finalement que le
système dans lequel la moitié - c'est une façon de parler - des droits de
mutation - sachant que ceux-ci ne sont pas totalement supprimés - continue à
évoluer en fonction des bases et l'autre moitié évolue de façon relativement
régulière en fonction de la DGF sur une base initiale qui est favorable,
n'était pas nécessairement un mauvais système.
Je m'interroge donc. J'aurais préféré un système qui ne fût pas figé et qui
puisse être révisé dans deux ou trois ans.
En attendant, je suis prêt à voter l'amendement de M. le rapporteur général.
Toutefois, on ne peut pas, me semble-t-il, au regard de l'expérience acquise au
cours des années 1991 à 1995, négliger la volatilité des droits de mutation.
M. Michel Mercier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Je prie mes collègues de bien vouloir m'excuser de reprendre la parole, mais
il s'agit là d'un sujet très important pour les départements.
L'amendement n° I-10 est, me semble t-il, satisfait par l'explication
technique lumineuse de M. le secrétaire d'Etat, et plus encore par le fait que,
en 2001, ce sera la fin du contrat de croissance et de solidarité. Il
conviendra alors de battre à nouveau les cartes. Quelque chose me dit que ce
qu'on décidera en 2001 pour 2002 sera peut-être favorable aux collectivités
territoriales...
M. Alain Lambert,
président de la commission.
C'est de la météorologie !
M. Michel Mercier.
C'est un aspect que connaît bien notre collègue M. Charasse. C'est même un
spécialiste...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est le calendrier électoral !
M. Michel Mercier.
... car il sait qu'après 2001 vient 2002.
(Sourires.)
J'en viens à l'amendement n° I-9.
Dans les grands départements urbains qui ont à gérer de multiples difficultés
sociales, et qui devront notamment financer les contrats de ville que le
Gouvernement va leur proposer dans quelques mois, les droits de mutation
constituent une ressource essentielle.
Dans mon département, les droits de mutation représentent plus de la moitié de
la taxe professionnelle, soit bien plus que ce que représente la taxe
d'habitation ou la taxe foncière. Loin d'être une recette de poche, c'est une
ressource essentielle. Certes, cette ressource évolue en fonction de la
conjoncture, mais c'est normal. Dans notre département, au plus bas, nous avons
encaissé un peu moins de 300 millions de francs, l'an dernier, un peu plus de
700 millions de francs et, cette année, près de 800 millions de francs.
Je voudrais bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous m'expliquiez
comment, en prenant la base 1998 pour l'an 2000, mon département percevra
autant qu'en 1999 !
Je le regrette, mais M. le secrétaire d'Etat, malgré sa grande courtoisie et
son aménité, ne m'a pas convaincu : je suis sûr que nous percevrons moins en
2000 qu'en 1999. Nous devrons donc faire plus d'actions avec l'Etat.
Je préfère m'en tenir à la réalité, et je voterai donc les amendements de la
commission des finances.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je vais donner un exemple national de l'évolution de
l'enveloppe normée pour 2000 ; il suffira ensuite à M. Mercier de transposer
cette évolution dans le département du Rhône.
M. Michel Mercier.
Chaque département est spécifique.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Certes, mais cet exemple montre bien l'évolution
réelle au niveau national.
Si nous prenons la base 1989 réévaluée, 164 531 millions de francs, indexation
de la base 1999 réévaluée, 1,475 %, c'est-à-dire 0,9 % de prix, 25 % du PIB,
soit 25 % de 0,3 % - c'est d'ailleurs le minimum - enveloppe normée pour 2000 :
166 958 millions de francs, c'est-à-dire 164 531 millions de francs, base 1999
réévaluée, majorée de 1,475 %.
Monsieur Mercier, le département du Rhône connaîtra une évolution du même
type.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est l'ensemble du pacte de croissance, pas la
croissance par département !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
C'est significatif de l'évolution que vous allez
connaître.
M. Michel Mercier.
On verra.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Il n'est donc ni pertinent ni intellectuellement
adapté de prétendre que les collectivités locales sont maltraitées par les
systèmes d'indexation que nous souhaitons mettre en oeuvre. Je viens de prouver
le contraire !
M. Michel Mercier.
Non !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur le secrétaire d'Etat,
vos chiffres vont un peu à l'inverse de ce que vous voulez nous démontrer.
Vous semblez nous dire qu'au fond cette enveloppe normée a crû de manière
considérable. Elle a crû d'une façon qui n'est pas du tout proportionnelle à
l'évolution de l'économie française, et donc vous n'avez pas fait profiter les
collectivités locales des fruits de la croissance. C'est ce que vous nous avez
démontré. Voilà ce qui prouve qu'il faut surtout suivre l'avis de la commission
!
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Selon les calculs que je viens d'indiquer et quelques
autres approches complémentaires, les collectivités locales auront 3,8
milliards de francs de plus que si l'on avait respecté strictement le pacte de
stabilité. CQFD ! Les collectivités locales sont donc très bien traitées par le
Gouvernement s'agissant de l'évolution des ressources qui leur sont
affectées.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Quid du côté des charges ? Et l'accord salarial ?
M. Michel Charasse.
On n'est pas en Corse !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
11
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE
M. le président.
J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi constitutionnelle visant
à rendre incompatible la fonction de membre du Gouvernement avec l'exercice de
tout mandat électoral.
La proposition de loi constitutionnelle sera imprimée sous le n° 98,
distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
12
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi organique visant à
instaurer un système de remplaçants provisoires en cas de vacance de siège d'un
député ou d'un sénateur, ainsi qu'une parité hommes-femmes entre les candidats
et leurs remplaçants.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 99, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et de l'administration générale, sous réserve
de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
13
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi visant à instaurer un
système de remplaçants provisoires en cas de vacance de siège d'un conseiller
régional, d'un conseiller général ou d'un maire, ainsi qu'une parité
hommes-femmes entre les candidats et leurs remplaçants.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 100, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
J'ai reçu de MM. Pierre Laffitte et Guy Cabanel une proposition de loi visant
à permettre l'inscription des naissances auprès de l'officier de l'état civil
du lieu de résidence des parents.
La propositon de loi sera imprimée sous le n° 101, distribuée et renvoyée à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et de l'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu de MM. Louis Souvet, Louis Althapé, Jean Bernard, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Robert Calméjane, Auguste Cazalet, Jacques
Chaumont, Xavier Darcos, Désiré Debavelaere, Christian Demuynck, Charles
Descours, Michel Doublet, Hilaire Flandre, Patrice Gélard, Alain Gérard,
François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Daniel Goulet, Adrien
Gouteyron, Roger Husson, André Jourdain, Lucien Lanier, Gérard Larcher, Jacques
Larché, Patrick Lassourd, Edmond Lauret, Dominique Leclerc, Jacques Legendre,
Guy Lemaire, Jean-François Le Grand, Philippe Marini, Pierre Martin, Jean-Luc
Miraux, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann,
Jacques Oudin, Victor Reux, Henri de Richemont, Jean-Jacques Robert, Martial
Taugourdeau, Jacques Valade et Serge Vinçon une proposition de loi visant à
garantir un prix de vente correspondant au prix du marché lors des ventes
effectuées dans le cadre des saisies immobilières.
La propositon de loi sera imprimée sous le n° 103, distribuée et renvoyée à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
14
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à la mise en oeuvre d'actions
dans le cadre d'une stratégie de pré-adhésion pour Chypre et Malte.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1347 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à la modification du règlement
(CE) n° 2622/97 du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents
tarifaires communautaires pour certains produits de la pêche, originaires de
Ceuta.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1348 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Initiative de la République de Finlande en vue de l'adoption d'un règlement
du Conseil déterminant les obligations réciproques des Etats membres en matière
de réadmission de ressortissants de pays tiers.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1349 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil autorisant le Royaume de Danemark et le
Royaume de Suède à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 17 de la
sixième directive 77/388/CEE en matière d'harmonisation des législations des
Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (procédure de
l'article 27).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1350 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil adoptant des mesures autonomes et
transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles
transformés originaires de Lettonie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1351 et distribué.
15
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de MM. André Dulait, André Boyer et André Rouvière un rapport
d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées à la suite d'une mission effectuée en Moldavie, du
4 au 8 octobre 1999.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 102 et distribué.
16
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 30 novembre 1999, à neuf heures quarante-cinq, à quinze heures
et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 88 et 89, 1999-2000). (M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.)
Première partie
(suite). -
Conditions générales de l'équilibre
financier :
Articles additionnels après l'article 5 à 36 et état A.
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de
finances n'est plus recevable.
Vote de l'ensemble de la première partie
du projet de loi de finances pour 2000
En application de l'article 59, premier alinéa, du règlement, il sera procédé
à un scrutin public ordinaire lors du vote de la première partie du projet de
loi de finances pour 2000.
Délai limite pour les inscriptions de parole
dans les discussions précédant l'examen des crédits
de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant
l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu
pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits
budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2000
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires
et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2000 est fixé à la
veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000 :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 1er décembre 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 1er décembre 1999, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 30 novembre 1999, à zéro heure
trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président du Sénat a le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les sénateurs qu'il a été avisé du décès de M. Alain Peyrefitte, sénateur de Seine-et-Marne, survenu le 27 novembre 1999.
REMPLACEMENT D'UN SÉNATEUR
Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article L.O. 319 du code électoral M. Paul Dubrule est appelé à remplacer, en qualité de sénateur de Seine-et-Marne, M. Alain Peyrefitte, décédé le 27 novembre 1999.
MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE
(88 membres au lieu de 89)
Supprimer le nom de M. Alain Peyrefitte.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(8 au lieu de 7)
Ajouter le nom de M. Paul Dubrule.
REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATION
ÉLECTORALES COMMUNICATION FAITE
PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
En application de l'article 34 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le président du Sénat
a été informé que le Conseil constitutionnel avait été saisi, le 24 novembre
1999, d'une requête tendant à l'annulation de l'élection sénatoriale qui s'est
déroulée le 14 novembre 1999 dans le département de la Savoie.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Prestation compensatoire en cas de divorce
666.
- 26 novembre 1999. -
M. Jean-Marc Pastor
attire l'attention de
Mme le garde des sceaux, ministre de la justice,
sur les dispositions régissant la prestation compensatoire en cas de divorce.
Cette prestation, instituée par la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 sur le
divorce, due par l'un des époux à l'autre, plus démuni, pour préserver son
niveau de vie, a des conséquences bien souvent dramatiques sur celui que l'on
appelle le débirentier. Lors du divorce, la prestation compensatoire est
calculée en fonction notamment des revenus du conjoint qui va la verser. Or au
fil du temps le débirentier peut perdre son emploi ou connaître une baisse
importante de revenus. La prestation compensatoire, elle, en raison de son
caractère indemnitaire, n'est jamais modifiée. De plus, cette prestation est
transmissible, c'est-à-dire que lors du décès du débirentier sa nouvelle épouse
ou ses enfants doivent continuer à verser la prestation à l'ex-conjoint de leur
parent défunt. Dans un rapport, commandé par Mme le garde des sceaux et rendu
public le 14 septembre 1999, il est préconisé de réformer cette prestation, en
suggérant notamment le versement en capital, au moment du divorce, plutôt que
le versement sous forme de rente. La prise en compte par la voie législative de
ses propositions, assez satisfaisantes, est très attendue. C'est pourquoi il
souhaite savoir dans quelle mesure et dans quel délai les conclusions de ce
rapport pourront être reprises par un projet de loi.
Réforme de la Caisse des dépôts et consignations
667.
- 29 novembre 1999. -
Mme Marie-Claude Beaudeau
attire l'atention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur le projet de la Caisse des dépôts et consignations de créer un
établissement de crédit privé regroupant en fait l'ensemble des activités
financières concurrentielles de la Caisse que celles-ci soient filialisées ou
non. Elle lui demande de lui préciser les objectifs, l'origine et le montant du
capital, les moyens en personnels de cette société privée qui ne pourront que
provenir de la CDC, donc des fonds et des personnels de la République. Elle lui
demande de lui préciser si un tel projet ne menace pas l'avenir de
l'établissement public qu'est la CDC, de ses missions d'utilité publique,
sociale et de ses emplois. Elle lui demande également si ce projet CDC Finance
ne s'oppose par aux engagements du Premier ministre de ne pas poursuivre le
mouvement de démantèlement du secteur public économique et financier dont la
Caisse des dépôts demeure un des derniers représentants et qui par son
efficacité conserve la confiance des élus locaux. Elle lui demande si une loi
n'est pas devenue nécessaire instituant une véritable séparation entre
activités d'intérêt général et activités financières concurrentielles,
aussurant une transparence et un contrôle démocratique de la CDC par les
citoyens et le Parlement et conservant les personnels de la CDC et leur
statut.
Régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs
668. - 29 novembre 1999. - M. Hubert Haenel rappelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement l'intérêt de la démarche novatrice, communément appelée expérimentation de la régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs, qui a été mise en oeuvre dans sept régions. Cette réforme, qui a pour but un meilleur service public et une approche plus fine de l'aménagement du territoire, a déjà eu plusieurs effets bénéfiques conséquents. Elle a permis de démontrer que la décentralisation pouvait être expérimentée et négociée pour s'adapter aux réalités géographiques, historiques, économiques des territoires. Elle a contribué à mettre fin à la politique du tout-TGV (train à grande vitesse). M. le ministre a indiqué, le 14 octobre, sa volonté de déposer, dans les plus brefs délais, un projet de loi pour la généralisation rapide de la régionalisation. Depuis lors, de nombreux échanges ont eu lieu qui ont créé un climat d'incertitude. L'annonce prématurée et incomplète d'un changement éventuel de cap avec une accélération du calendrier législatif a entraîné des interprétations souvent erronées et contradictoires des intentions de l'Etat, des conseils régionaux et de la Société nationale des chemins de fer (SNCF), qui ont eu pour effet de brouiller la perception que peuvent avoir les uns et les autres des objectifs poursuivis, des délais impartis et des voies et moyens pour y parvenir. M. Hubert Haenel, à l'origine de cette réforme, lui demande de bien vouloir rappeler, comme il l'a fait à plusieurs reprises, son profond attachement à la réforme et à la démarche retenue pour la mettre en oeuvre, afin d'éviter à tout prix que les atermoiements actuels ne conduisent à une démobilisation de l'ensemble des partenaires. Il lui demande de recadrer rapidement l'ensemble du dispositif conduisant à sortir de l'expérimentation pour entrer au plus vite dans la généralisation, tout en tenant compte du temps nécessaire pour mener à bien la phase législative et du délai qu'impliqueront la confrontation, le rapprochement et l'ajustement des points de vue et interrogations des uns et des autres par rapport à la transparence, à la lisibilité et à la certification des comptes trains express régional (TER), opposables aux régions, cette situation pouvant nécessiter d'utiliser temporairement des comptes provisoires ; il insiste enfin sur la garantie que l'Etat et la Société nationale des chemins de fer (SNCF) devront donner aux régions pour ne pas unilatéralement rompre ou remettre en cause les engagements financiers pris à l'égard de celles-ci et la nécessité de dresser un bilan périodique de la réforme pour permettre les ajustements appropriés.