Séance du 23 novembre 1999
INSCRIPTION D'UN MAJEUR EN TUTELLE
SUR UNE LISTE ÉLECTORALE
Adoption des conclusions
de deux rapports d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 63,
1999-2000) de M. Christian Bonnet, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi (n° 185, 1998-1999) de M.
Jacques Pelletier, permettant au juge des tutelles d'autoriser un majeur sous
tutelle à être inscrit sur une liste électorale, et des conclusions du rapport
(n° 67, 1999-2000) de M. Christian Bonnet, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi organique (n° 186,
1998-1999) de M. Jacques Pelletier relative à l'inéligibilité des majeurs sous
tutelle.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l'ai indiqué
précisément dans mon rapport écrit, la proposition de notre excellent collègue
M. Jacques Pelletier ne vise spécifiquement ni le premier tour ni le second
tour. Il est apparu à notre collègue qu'à l'interdiction faite au majeur en
tutelle de voter « manque une nuance eu égard à certaines situations
individuelles ».
Sans nul doute son expérience de médiateur de la République est-elle à
l'origine des présentes propositions de loi organique et ordinaire permettant,
dans certains cas, au juge des tutelles d'autoriser un majeur sous tutelle à
être inscrit sur une liste électorale sans pour autant le rendre éligible.
L'article 501 du code civil permet au juge, lors de l'ouverture d'une tutelle
ou postérieurement sur l'avis du médecin traitant, d'énumérer certains actes
que la personne en tutelle aura la capacité de faire, soit elle-même, soit avec
l'assistance du tuteur ou de la personne qui en tient lieu.
Cette possibilité de personnaliser la tutelle est fondée sur le fait que les
troubles ou les handicaps qui affectent les majeurs protégés n'exclut pas
nécessairement qu'ils puissent agir avec discernement dans certains
domaines.
Sans doute n'est-il pas inutile de préciser qu'il n'est pas fréquemment fait
application de la formule de la tutelle allégée, prévue par l'article 501 du
code civil.
Quoi qu'il en soit, la proposition de loi de notre collègue Jacques Pelletier
ne fait que reprendre la recommandation qu'il avait déjà faite en tant que
médiateur de la République, laquelle avait reçu, il n'est pas inutile de le
souligner, un avis favorable de principe du ministère de la justice.
Dans le même temps, c'est-à-dire en 1993, le Sénat avait adopté une
proposition de loi de notre collègue Claude Huriet qui s'inscrivait dans le
droit-fil de la préoccupation de la médiature.
Si notre collègue Jacques Pelletier la reprend, c'est parce qu'à l'époque
l'Assemblée nationale n'avait pas cru devoir lui réserver une suite favorable,
alors qu'il est aujourd'hui permis d'espérer qu'il en ira autrement.
La situation des personnes sous tutelle est en effet marquée aujourd'hui par
la contradiction existant entre la rigidité de l'article L. 5 du code électoral
et la souplesse de l'article 501 du code civil, qui ouvre la possibilité d'une
protection personnalisée.
La situation devient quasiment ubuesque, monsieur le ministre, à partir du
moment où l'on mêle à l'affaire le code de la santé publique et le code
rural.
L'article 326-3 du code de la santé publique emporte qu'une personne atteinte
de troubles mentaux et hospitalisée sans son consentement conserve la
possibilité d'exercer son droit de vote si elle n'est pas placée en tutelle.
Quant à l'article L. 223-19, troisième alinéa, du code rural, il prévoit
qu'une personne en tutelle peut être autorisée par le juge à recevoir - dans la
Nièvre ou ailleurs - un permis de chasse. Or chacun conviendra qu'il est moins
périlleux pour la collectivité d'autoriser une personne protégée à tenir entre
ses mains un bulletin de vote plutôt qu'un fusil !
Face à une telle situation, la proposition de notre collègue Jacques Pelletier
apparaît bienvenue, étant précisé qu'à la différence de ce qui est prévu par
l'article 501 du code civil la citoyenne ou le citoyen sous tutelle autorisé
par le juge à déposer un bulletin dans l'urne devra le faire bien évidemment
seul, sans « l'assistance du tuteur ou de la personne qui en tient lieu ».
Par ailleurs, l'inéligibilité des personnes concernées serait expressément
mentionnée, alors qu'elle résulte aujourd'hui automatiquement du fait qu'elles
ne peuvent s'inscrire sur une liste électorale.
Cette brève analyse achevée, une observation s'impose : à force d'accumuler
les textes dans un code et dans un autre sans s'assurer d'un minimum de
coordination, l'inflation législative donne naissance à des situations
aberrantes, comme celle à laquelle il vous est proposé, grâce à notre collègue
Jacques Pelletier, de mettre un terme aujourd'hui.
La proposition de loi ordinaire se doit, en la matière, d'être assortie d'une
proposition de loi organique. Celle-ci vise à inscrire dans l'article L.O. 130
du code électoral l'inéligibilité du majeur en tutelle pour l'élection des
parlementaires nationaux et européens.
Elle vise tout autant - dût-on en sourire, mais il est bon de prendre toutes
les précautions - l'inéligibilité de ces majeurs en tutelle pour l'élection du
Président de la République.
Il va de soi que votre rapporteur vous propose d'adopter les deux articles
consacrant cette inéligibilité sans y apporter quelque modification que ce
soit.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, l'article L. 2 du code électoral prévoit que
seuls sont électeurs les citoyens français jouissant de leurs droits civils et
politiques et n'étant dans aucun des cas d'incapacité prévus par la loi.
Le principe de l'incapacité des majeurs sous tutelle en matière de droit de
vote et d'éligibilité est sous-tendu par un triple objectif : protéger ces
personnes contre toute forme d'influence, garantir un vote personnel et secret,
n'élire que des personnes physiquement et psychologiquement capables d'assumer
leur mandat. Il s'agit, en réalité, de s'assurer de la sincérité du scrutin,
tant dans son déroulement que dans ses conséquences.
Ainsi, l'article L. 5 du code électoral interdit l'inscription sur les listes
électorales des majeurs en tutelle.
Le régime général qui s'applique au majeur sous tutelle connaît cependant des
assouplissements. Un majeur sous tutelle est une personne qui a besoin d'être
représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, selon
l'article 492 du code civil. Il ne peut donc agir seul ni exprimer par lui-même
sa volonté.
Pour autant, l'article 501 du même code prévoit un dispositif de tutelle
allégée : sur avis du médecin traitant et avec l'appui constant du ministère
public à chaque étape de la procédure, le juge peut, à tout moment, énumérer
certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire elle-même,
seule ou assistée.
La présente proposition de loi prévoit d'assouplir les dispositions du code
électoral applicables à ces personnes sous tutelle et relatives aux règles de
droit civil de la tutelle.
Elle s'inscrit dans une réflexion déjà ancienne, suggérée dès 1994 par le
sénateur Pelletier, alors médiateur de la République. Votée par le Sénat et
rejetée par l'Assemblée nationale compte tenu de l'incertitude pesant sur la
possibilité pour un majeur sous tutelle d'exercer en toute connaissance de
cause ses droits de citoyen, cette proposition de loi est de nouveau à l'ordre
du jour.
Aujourd'hui fondées sur l'article 501 du code civil pour ce qui concerne le
droit de vote - lequel prévoit une loi ordinaire et une loi organique destinées
à garantir le régime des inéligibilités qui s'impose aux majeurs sous tutelle
pour l'ensemble des scrutins locaux et nationaux, et mentionne expressément
l'inéligibilité de tous les majeurs sous tutelle - ces dispositions
apparaissent désormais complètes et cohérentes.
De fait, autoriser le juge des tutelles à permettre à celles des personnes non
dépourvues de discernement de voter revient à lui conférer un pouvoir
d'appréciation très large quant à leurs facultés corporelles ou mentales et
leurs capacités de discernement. En encadrant strictement cette faculté du juge
des tutelles par un
corpus
juridique précis, la proposition de loi
permet de concilier les droits civiques de l'individu et la singularité du
droit électoral.
Le Gouvernement, soucieux d'accompagner les évolutions visant à assouplir
autant que faire se peut le caractère absolu de certains dispositifs légaux,
notamment afin de favoriser l'expression de la citoyenneté, n'a pas
d'opposition de principe à cette proposition, à une remarque près : une
décision de tutelle allégée autorisant une personne à s'inscrire sur les listes
électorales ne doit en aucun cas contrevenir au principe selon lequel le vote
est personnel et secret. C'est pourquoi le juge des tutelles ne doit pouvoir
autoriser l'exercice du droit de vote qu'aux majeurs ayant la capacité, par
eux-même et seuls, d'exercer leur droit de vote, à l'exclusion de l'assistance
d'une tierce personne.
Ainsi, la précision apportée en ce sens par votre commission des lois à la
modification de l'article L. 5 du code électoral est d'une importance majeure
et le Gouvernement souscrit à cette rédaction.
On doit toutefois noter qu'un groupe de travail interministériel chargé de
proposer une réforme globale du régime des majeurs sous tutelle a été constitué
sur l'initiative du ministère de la justice, en juillet dernier. La question du
droit de vote de ces personnes fait naturellement partie des domaines de
réflexion de ce groupe, qui devrait rendre son rapport final en février
2000.
Le Gouvernement considère qu'il pourrait être utile d'attendre la publication
de ce rapport pour inscrire cette proposition de loi dans un ensemble de portée
plus générale, mais il est d'accord sur les principes énoncés dans les
conclusions de votre commission des lois et s'en remet à la sagesse du Sénat
sur la question du calendrier.
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'ont
dit M. le rapporteur et M. le ministre, c'est dans le cadre de mes fonctions de
médiateur de la République que mon attention avait été appelée sur la situation
des majeurs en tutelle qui ne sont pas admis à exercer leur droit de vote.
En effet, à une personne âgée mise sous tutelle à sa demande qui m'avait saisi
de ce qu'elle considérait comme un dysfonctionnement de l'administration,
j'avais été contraint de répondre qu'en l'espèce les pouvoirs publics ne
faisaient qu'appliquer des dispositions législatives claires, dans le strict
respect de la jurisprudence.
Le code électoral prévoit en effet une interdiction générale d'inscription sur
une liste électorale à l'encontre de tous les majeurs en tutelle, qu'ils soient
incapables physiques dotés de toutes leurs facultés intellectuelles ou
incapables mentaux. Or les causes de mise sous tutelle sont très diverses et,
je l'ai dit, le majeur peut demander lui-même à être protégé.
En outre, le régime de la tutelle est susceptible de s'appliquer à des
personnes très différentes et concerne aussi bien un jeune handicapé physique
qu'une personne âgée, en passant par des malades atteints par des psychoses
limitées.
L'article 501 du code civil qui en résulte permet ainsi au juge, lors de
l'ouverture de la tutelle ou par un jugement postérieur pris sur avis du
médecin traitant, d'énumérer les actes que la personne en tutelle aura la
possibilité d'accomplir seule ou avec l'assistance de son tuteur.
Cet article du code civil ne précisant toutefois pas les types d'actes pour
lesquels une dérogation est possible, la jurisprudence a eu à s'interroger sur
l'éventualité d'une interaction entre l'interdiction générale posée en droit
public par le code électoral et la possibilité d'adaptation au principe de
réalité ouverte au juge en matière civile.
Or, dans une décision du 9 novembre 1982, la première chambre civile de la
Cour de cassation a finalement exclu toute possibilité de combinaison entre ces
deux dispositions législatives, ce qui fait qu'aujourd'hui il n'existe aucune
manière pour les majeurs en tutelle d'éviter la radiation des listes
électorales, même si leur médecin traitant et leur juge des tutelles y sont
favorables.
Cette rigueur de la loi m'avait paru tout à fait excessive, le majeur protégé
dont les capacités de raison ne sont pas atteintes pouvant légitimement
ressentir sa radiation des listes électorales comme une mesure vexatoire.
Aussi, si je n'ai pas été en mesure de trouver dans l'immédiat une solution
satisfaisante aux difficultés de ma correspondante, il m'a semblé opportun de
faire usage du pouvoir reconnu au médiateur de la République de formuler des
propositions de réforme, ce qui fut fait en 1994.
Considérant, en effet, que l'équité commande d'individualiser des mesures de
protection au sein de la tutelle et de ne pas recourir à des régimes par trop
rigides s'appliquant uniformément à des citoyens capables de remplir leur
devoir civique, je souhaitais, dans ma proposition de réforme, permettre au
juge des tutelles d'autoriser un majeur en tutelle à être inscrit sur une liste
électorale.
Après avoir rencontré, à l'époque, un accueil pour le moins frileux de la part
de la Chancellerie et du ministère de l'intérieur, j'ai relancé cette
proposition en 1996 et en 1997. A l'occasion de réunions interministérielles,
il est alors apparu que le Gouvernement était désormais ouvert à cette
disposition, pour autant qu'il soit bien précisé que, si le majeur en tutelle
peut être électeur, il ne pourra, en revanche, en aucun cas être éligible.
Cela a compliqué le problème, car les dispositions relatives à l'inégibilité
relèvent, pour partie, de la loi ordinaire et, pour partie, de la loi
organique.
Dès lors, le vecteur législatif permettant d'adopter facilement les
modifications nécessaires du code électoral ne pouvait facilement être
trouvé.
Vous vous souvenez sans doute, mes chers collègues, que, à la recherche d'une
solution, j'avais déposé, en octobre 1998, avec Paul Girod, Bernard Joly et
André Boyer, une série d'amendements sur les projets de loi ordinaire et
organique relatifs à la limitation du cumul des mandats électoraux et des
fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Il me semblait en effet que ces deux textes, qui modifiaient le code
électoral, étaient les supports tout trouvés pour faire prospérer ma
proposition de réforme.
Or, rapportant la position de la commission des lois sur ces projets de loi,
M. le président Larché avait expliqué que l'attitude globale et générale de la
commission, qui souhaitait se consacrer uniquement aux dispositions ayant trait
à la question principale soulevée par les projets de loi, à savoir le cumul des
mandats, lui interdisait d'être favorable à ces amendements.
Insistant toutefois sur la raison formelle qui justifiait cette position, M.
Larché avait très aimablement invité les auteurs des amendements à élaborer des
propositions de loi sur le thème évoqué, s'engageant à ce que la commission les
rapporte dans les meilleurs délais et demande leur inscription à l'ordre du
jour de nos travaux.
Me rangeant à ce sage conseil, j'ai donc déposé ces textes le 2 février
dernier, et je veux remercier le président de la commission, son rapporteur,
tout comme mes collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social
européen, d'avoir oeuvré pour que ces propositions arrivent aujourd'hui en
séance publique.
Je forme d'ailleurs le voeu que l'Assemblée nationale, le cas échéant « aidée
» par le Gouvernement, adopte rapidement ces textes, de manière à ce qu'ils
puissent être mis en oeuvre dès l'an prochain pour les élections
municipales.
S'agissant de l'Assemblée nationale, je crois utile de rappeler en quelques
mots le funeste destin qu'a connu la proposition de loi tendant à autoriser un
majeur en tutelle à être inscrit sur une liste électorale et à voter si le juge
l'y autorise, proposition que, sur l'initiative de notre ami Claude Huriet, le
Sénat avait adoptée le 16 juin 1994.
En effet, le 28 septembre suivant, conformément aux conclusions de son
rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait adopté la
question préalable, rejetant ainsi l'ensemble de la proposition de loi, sans
discussion.
Deux considérations avaient présidé à cette décision, considérations que je
crois d'ores et déjà utile de contester.
Il avait d'abord paru improbable aux députés, compte tenu des conditions
cumulatives nécessaires au placement sous tutelle, qu'un majeur placé sous ce
régime puisse être à même d'exercer en toute connaissance de cause ses droits
de citoyen.
Or, il doit être observé que l'article 501 du code civil permet précisément
d'individualiser le régime applicable à chaque majeur placé en tutelle.
Il autorise en effet le juge, à l'ouverture de la tutelle ou par un jugement
postérieur, à énumérer, sur l'avis du médecin traitant, certains actes que le
majeur aura la capacité de faire soit seul, soit avec l'assistance de son
tuteur ou de la personne qui en tient lieu.
Ainsi, le législateur a déjà admis qu'un majeur sous tutelle puisse
administrer ses biens ou en disposer, se marier, divorcer, conclure un contrat
de travail, percevoir un salaire, etc.
J'ai même relevé qu'un article du code rural dispose que le visa du permis de
chasser n'est pas accordé aux majeurs en tutelle, à moins qu'ils ne soient
autorisés à chasser par le juge des tutelles. Qu'un majeur sous tutelle puisse
avoir un permis de chasse mais non une carte d'électeur me paraît choquant.
(Sourires.)
Les députés avaient par ailleurs considéré que les spécificités du droit
électoral interdiraient par principe tout pouvoir d'appréciation au juge en
matière de capacité d'être électeur ou d'éligibilité, seule la loi définissant
elle-même les critères objectifs - conditions d'âge, nationalité, résidence,
incapacités, causes d'inéligibilité - encadrant ou limitant l'universalité du
suffrage. Ce second argument n'est pas plus recevable que le premier, et ce
pour deux raisons.
Tout d'abord, il convient de rappeler qu'avant 1968 la restriction au droit de
vote des personnes sous tutelle était décidée par le juge : il existait donc,
précisément, une interdiction judiciaire laissée à l'entière appréciation du
juge qui, si elle a été remplacée par une interdiction absolue, n'en altère pas
moins la théorie du rapporteur de l'Assemblée nationale quant à la « tradition
de principe » du droit électoral en la matière.
De plus, et surtout, l'article 6 du code électoral interdit l'inscription sur
la liste électorale, pendant le délai fixé par le jugement, de ceux auxquels
les tribunaux ont interdit le droit de vote et d'élection, par application des
lois qui autorisent cette interdiction ; on constate ainsi qu'il existe bien
une personnalisation de l'interdiction du droit de vote laissée à l'entière
appréciation du juge.
Au reste, je ne vois pas quelles raisons d'ordre public ou d'opportunité
pourraient s'opposer à la mesure préconisée par les deux propositions de loi
que nous examinons ce soir. L'inscription sur la liste électorale ne sera pas
un droit du majeur en tutelle ; elle résultera d'une décision de l'autorité
judiciaire prise après avis de l'autorité médicale.
Au-delà de cet encadrement très strict, le juge ne prendra pas une décision à
caractère pérenne et il pourra, naturellement, en tant que de besoin, la
rapporter.
Enfin, la loi exclura complètement que le majeur en tutelle puisse être
candidat à l'une quelconque des différentes élections politiques auxquelles il
pourrait voter.
Il me semble ainsi que toutes les précautions sont prises pour que
l'assouplissement que je préconise ne soit pas susceptible d'aboutir à des
excès ou à des situations absurdes qui affecteraient le caractère solennel du
vote.
Au contraire, tout comme hier, je vois aujourd'hui plusieurs avantages, sur le
plan des principes, à la disparition du régime d'interdiction absolue.
D'abord, pour le corps électoral lui-même, car il ne me paraît pas bon qu'il
puisse être amputé d'une de ses parties, aussi minime soit-elle, si elle
dispose des facultés de discernement indispensables au vote sincère et
serein.
Ensuite, pour ceux de nos concitoyens qui vivent, à juste titre, leur mise
sous tutelle comme une sanction civique ; ils n'en comprennent pas les
motivations.
Il me semble donc indispensable de supprimer cette sanction déguisée, qui
heurte le bon sens, va à l'encontre du principe de dignité des citoyens et
concerne des personnes dont, précisément, la fragilité impose que la solidarité
nationale leur accorde une attention particulière.
J'ajoute, pour finir, que, au-delà des principes, c'est aussi et surtout la
situation des individus qui m'importe, dans la réalité de leur vie
quotidienne.
A ce titre, je suis convaincu que, pour tous ceux des majeurs en tutelle qui
pourront, je l'espère, prochainement, se voir autorisés par le juge des
tutelles à être inscrits sur une liste électorale, la décision que nous allons
prendre aujourd'hui va être forte en symbole. En leur permettant de participer
aux élections qui ponctuent la vie politique nationale, elle les convaincra que
leur mise sous tutelle ne les exclut pas de notre collectivité, que les
représentants de la nation leur accordent autant d'importance qu'aux autres
citoyens et que leur voix pourra encore être entendue.
Je pense qu'ainsi c'est un formidable signe d'espoir que nous leur adresserons
et que leur handicap, leurs difficultés physiques, leur âge seront, peut-être,
un peu moins lourds à porter.
Dans cette perspective, c'est avec beaucoup de plaisir qu'avec le groupe du
RDSE je voterai les conclusions de la commission des lois sur ces deux
propositions de loi, qui permettent de donner satisfaction à la proposition que
j'avais élaborée, il y a cinq ans, en tant que Médiateur de la République.
Monsieur le ministre, je vous invite, avec votre collègue garde des sceaux,
ministre de la justice, à inciter les députés à se saisir rapidement de ces
propositions.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
INSCRIPTION D'UN MAJEUR EN TUTELLE
SUR UNE LISTE ÉLECTORALE
M. le président. Nous passons à la discussion des articles des conclusions du rapport sur la proposition de loi permettant au juge des tutelles d'autoriser un majeur sous tutelle à être inscrit sur une liste électorale.