Séance du 23 novembre 1999
INTERDICTION DES CANDIDATURES
MULTIPLES AUX ÉLECTIONS CANTONALES
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 62,
1999-2000) de M. Christian Bonnet, fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur :
- la proposition de loi (n° 465, 1997-1998) de M. Bernard Joly visant à
généraliser l'interdiction des candidatures multiples aux élections ;
- la proposition de loi (n° 482, 1997-1998) de MM. Philippe Marini, Louis
Althapé, Jean Bernard, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Calmejane,
Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Charles Ceccaldi-Raynaud, Gérard César,
Désiré Debavalaere, Daniel Eckenspieller, Bernard Fournier, Alain Gérard,
François Gerbaud, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Bernard
Hugo, Roger Husson, Edmond Lauret, Guy Lemaire, Maurice Lombard, Paul Masson,
Jacques de Menou, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Victor
Reux, Roger Rigaudière, Jean-Pierre Schosteck, Martial Taugourdeau et Alain
Vasselle portant diverses dispositions relatives aux élections municipales
cantonales et législatives ;
- la proposition de loi (n° 493, 1997-1998) de M. Michel Dreyfus-Schmidt et
des membres du groupe socialiste et apparentés tendant à interdire les
candidatures multiples aux élections cantonales ;
- la proposition de loi (n° 494, 1997-1998) de M. Michel Dreyfus-Schmidt et
des membres du groupe socialiste et apparentés relative à l'élection des
députés et à l'élection des conseillers généraux ;
- la proposition de loi (n° 548, 1997-1998) de MM. Georges Gruillot, Jean
Bizet, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Gérard César,
Désiré Debavalaere, Jacques Delong, Christian Demuynck, Charles Descours,
Michel Doublet, Bernard Fournier, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François
Gerbaud, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Bernard Hugo, Jean-Paul Hugot, Roger
Husson, André Jourdain, Jean-François Le Grand, Pierre Martin, Paul Masson,
Jacques de Menou, Mme Nelly Olin, MM. Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Roger
Rigaudière, Jean-Pierre Schosteck et Martial Taugourdeau relative aux
conditions d'éligibilité des candidats aux élections cantonales et aux
déclarations de candidatures au deuxième tour des élections cantonales et
législatives.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les propositions de loi
dont nous sommes saisis témoignent toutes de l'ingéniosité de leurs auteurs
pour offrir des solutions de nature à corriger ce qu'ils estiment être soit des
lacunes, soit des défectuosités du code électoral.
Toutes ont trait aux conditions de présentation des différents scrutins.
Hormis celle de M. Pelletier, que j'évoquerai tout à l'heure et qui est
applicable à l'un et à l'autre tour, trois concernent le premier tour et trois
le second.
J'aborderai d'abord les trois propositions qui ont trait au premier tour.
Notre excellent collègue Bernard Joly a, le premier, - rendons à César ce qui
appartient à César ! - levé le lièvre de la fâcheuse possibilité laissée à des
candidats aux élections cantonales de se présenter dans plusieurs cantons. Il
a, le 11 juin 1998, déposé une proposition tendant à mettre fin à de telles
pratiques.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le 2 juin 1998, et non le 11 juin !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Le 2 juin, en effet.
Il ne s'en est d'ailleurs pas tenu là puisqu'il a, d'un même mouvement,
proposé d'étendre non seulement aux cantonales mais également aux municipales,
dans les communes de moins de 3 500 habitants, l'interdiction des candidatures
multiples.
Il a en même temps souhaité instituer des peines d'amende en cas d'infraction
à cette interdiction.
Il ambitionne enfin de rendre inéligibles les membres non renouvelables d'une
assemblée lors d'un renouvellement partiel ou d'une élection partielle de cette
assemblée.
Une autre proposition, ciblée, elle, sur le seul scrutin départemental, émane
de M. Dreyfus-Schmidt et des membres de son groupe.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Proposition en date du 11 juin 1998 !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
En effet !
Elle vise à étendre aux élections cantonales l'interdiction de candidatures
multiples.
Concernant également le premier tour, une troisième proposition, qui date de
juillet 1998, est le fruit des réflexions de M. Georges Gruillot et de
plusieurs de ses collègues. Outre l'objet précédemment évoqué, elle vise à
exiger d'un candidat aux élections cantonales qu'il soit domicilié ou inscrit
au rôle des contributions directes dans le canton où il se présente.
Pour ce qui est des propositions relatives au second tour, nous y retrouverons
deux des protagonistes déjà nommés, MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Georges
Gruillot, mais aussi M. Philippe Marini.
M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres de son groupe souhaitent que soit
instituée, s'agissant des élections tant législatives que cantonales, la
limitation à un seul tour lorsque le candidat arrivé en seconde position se
retire et que le troisième ne remplit pas les conditions de seuil voulues pour
participer au second.
M. Georges Gruillot, qui n'est pas à court d'idées, estime, quant à lui, que,
pour les élections cantonales, seuls pourraient se maintenir les deux candidats
arrivés en tête après retrait éventuel d'un candidat plus favorisé, avec
suppression du seuil de 10 % des inscrits, et que, pour les élections
législatives, la même règle serait adoptée, avec maintien toutefois du seuil de
12,5 % des inscrits.
M. Philippe Marini, enfin, porte à 15 % des inscrits le seuil de recevabilité
des candidatures au second tour pour les législatives, les cantonales et les
municipales, avec la possibilité, pour le candidat arrivé en troisième
position, de se maintenir si l'un des deux premiers se retire. Il émet aussi le
voeu que soit portée de 5 % des suffrages exprimés à 10 % des inscrits la
possibilité pour une liste de fusionner avec d'autres.
J'ai la certitude que vous m'avez tous suivi sans peine dans ce dédale.
(Sourires.)
Les trois premiers textes ont un caractère relativement technique. En
revanche, les trois autres relèvent d'une ambition plus vaste et ils
aboutiraient, s'ils étaient retenus, à ébranler, sur des points majeurs,
l'architecture même du code électoral. Aussi vous inviterai-je à les aborder de
manière différente.
Interdire aux cantonales, comme elles le sont aux législatives, les
candidatures multiples me semble, comme à nos excellents collègues Bernard
Joly, Michel Dreyfus-Schmidt et Georges Gruillot, de nature à combler une
lacune du code électoral. Je vous proposerai donc l'adoption de cette mesure,
d'autant que, si elles ne sont pas nombreuses, ces candidatures sont en
augmentation depuis l'ouverture à un financement public des élections dans les
cantons de plus de 9 000 habitants.
Pour illustrer ce propos, sachez qu'en 1998, sur 3 850 cantons renouvelables,
on a pu constater vingt-neuf fois deux candidatures, huit fois de trois à cinq
candidatures, six fois douze candidatures et une fois vingt-huit
candidatures.
Pour autant, je ne suis partisan ni d'exiger une domiciliation au canton, car
le conseiller général est l'élu d'un département, ni d'étendre cette mesure aux
communes de moins de 3 500 habitants, ne serait-ce que parce que les
candidatures n'y sont pas enregistrées, ni de rendre inéligibles les membres
non renouvelables d'une assemblée lors d'une élection partielle, ni d'étendre
aux cantonales les peines d'amende prévues aux articles L. 169 à L. 171 du code
électoral pour les législatives.
L'approche pour les textes relatifs aux conditions d'organisation du second
tour sera différente. Il est vrai qu'à la différence de celles qui concernent
le premier tour, et tout en posant quelques problèmes non négligeables, elle
aboutirait, au détour des propositions n'ayant fait l'objet d'aucune réflexion
des formations politiques ni d'aucune concertation avec le Gouvernement, dans
une matière où la sensibilité est toujours très vive, et à l'approche d'une
succession d'échéances électorales importantes, à modifier assez sensiblement
l'architecture du code électoral.
J'ajouterai que la pluralité des formules contenues dans les propositions en
cause rend délicate la possibilité de se prononcer en toute clarté sur un
ensemble cohérent.
De surcroît, si chacune de ces formules a sa vertu propre, chacune suscite
aussi quelques interrogations.
La proposition de M. Dreyfus-Schmidt d'éviter un second tour aux législatives
comme aux cantonales paraît, de prime abord, séduisante.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le premier mouvement est le bon !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Mais est-il vraiment nécessaire de légiférer à la marge
puisque le cas visé par notre collègue n'a intéressé que 32 cantons sur 3 856
renouvelables en 1998, 1 513 cantons ayant fait l'objet d'un second tour ?
De surcroît, les conditions suivantes devraient être réunies : un seul
candidat a satisfait à la condition du seuil, celui qui est arrivé en deuxième
position ne se maintient pas et le troisième n'est pas autorisé à se maintenir
par le code électoral.
Autrement dit, le résultat des élections dépendrait moins du vote des
électeurs que de la décision d'un candidat, sans préjudice du fait qu'il
faudrait attendre le mercredi suivant le premier tour à zéro heure une au moins
- pour les élections législatives, cela nous conduirait vraisemblablement à une
heure sensiblement plus avancée de la nuit - pour prononcer l'élection, et tous
les marchandages deviendraient alors possibles.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pas du tout !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
A titre d'exemple, un candidat pourrait se maintenir, mais ne
pas faire campagne et ne pas remettre de bulletin de vote à son nom le jour du
second tour. Pour utiliser un qualificatif dont on use beaucoup aujourd'hui, il
y aurait, en quelque sorte, un candidat « fictif ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est déjà le cas !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
La proposition de M. Gruillot est, elle, extrêmement
ambitieuse ; elle vise essentiellement à appliquer aux élections législatives
et cantonales la formule de l'élection présidentielle : seuls pourraient se
maintenir les deux candidats arrivés en tête, éventuellement après le retrait
de candidats plus favorisés.
Il y aurait, toutefois, une petite complication, à savoir que le seuil exigé
pour les cantonales - 10 % des inscrits - serait supprimé, mais celui des
législatives - 12,5 % des inscrits - serait maintenu.
Certes, on écarterait toute triangulaire, mais il s'agirait là d'une réforme
fondamentale, qui plus est, fondée sur une expérience limitée à six scrutins
présidentiels, ce qui rend délicate toute appréciation sur ce que pourraient
être les conséquences d'une telle transposition.
Tout aussi fondamentale serait l'innovation proposée par M. Marini : elle tend
à harmoniser, en les portant à 15 % des électeurs inscrits, les seuils, tant
pour les législatives que pour les cantonales et les municipales, et à relever
de 5 % des suffrages exprimés à 10 % des inscrits le minimum requis pour une
fusion des listes dans les communes de plus de 3 500 habitants.
On observera que, sur ce point, la tendance actuelle ne va pas dans ce sens,
même s'il est permis de le déplorer. En effet, pour les élections régionales
récentes, quand le Gouvernement souhaitait 10 % des suffrages exprimés pour le
maintien de la liste, finalement, l'Assemblée nationale a fait prévaloir 5 %,
et, quand le Gouvernement souhaitait 5 % des suffrages exprimés pour une fusion
de listes en vue du second tour, l'Assemblée nationale a fait prévaloir 3 %.
En conclusion, votre rapporteur vous propose un dispositif simple, clair et
qui comble une lacune évidente du code électoral : l'extension de
l'interdiction des candidatures multiples aux cantonales, comme le proposent
MM. Joly, Dreyfus-Schmidt et Gruillot.
Je me dois d'ajouter que, saisie par MM. Mercier et Trégouët d'un
sous-amendement à un amendement sur lequel elle avait émis un avis défavorable,
la commission vient de décider de reprendre ce sous-amendement à son compte,
car elle est parfaitement consciente qu'il s'agit d'un problème qui appelle une
solution. Nous pourrons certainement évoquer de nouveau cette question lorsque
l'article 2 viendra en discussion.
En revanche, la commission ne se sent pas en mesure de se hasarder à retenir,
s'agissant du second tour, une proposition plutôt qu'une autre, car elles
soulèvent toutes une question fondamentale qui nécessite une réflexion au sein
des formations politiques et une concertation avec le Gouvernement
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, la commission des lois a examiné cinq
propositions de loi en matière électorale portant sur la présentation des
candidatures à différents scrutins.
Je souhaite vous indiquer d'emblée que le Gouvernement a apprécié le sérieux
du travail de la commission des lois et est disposé à se rallier à la position
exprimée par M. Christian Bonnet.
Les propositions de loi de MM. Dreyfus-Schmidt et Joly tendent, toutes les
deux, à mettre fin à la possibilité de présenter des candidatures multiples aux
élections cantonales.
Le code électoral interdit aujourd'hui les candidatures multiples à toutes les
élections, sauf aux élections cantonales et aux élections municipales dans les
communes de moins de 3 500 habitants. Dans les petites communes, il n'y a pas
d'interdiction possible, puisqu'il n'y a pas d'acte de candidature formel et
obligatoire. Il reste donc le cas des élections cantonales.
Il faut bien dire que, jusqu'à ces dernières années, ces différences de
traitement entre scrutins pour les dépôts de candidature n'ont pas posé de
véritable problème. Comme la simple symétrie des dispositions du code électoral
entre les différents scrutins ne justifie pas, à elle seule, de légiférer, le
Gouvernement n'aurait pas été favorable à une évolution de la législation en la
matière si des éléments nouveaux n'étaient pas intervenus dans la période
récente.
Le premier de ces éléments est le financement public des campagnes
électorales. Depuis 1990, les candidats aux élections cantonales dans les
cantons de 9 000 habitants et plus peuvent recevoir des dons, déductibles des
revenus des donateurs, et doivent rendre un compte de campagne. Depuis la loi
du 19 janvier 1995, les dépenses électorales de ces mêmes candidats font
l'objet d'un remboursement forfaitaire par l'Etat égal à 50 % du plafond prévu
par la loi.
Par ailleurs, la même loi de 1995 a supprimé l'obligation de déposer un
cautionnement lors du dépôt des candidatures aux différents scrutins, y compris
aux élections cantonales.
Cette évolution législative va dans le sens d'une grande facilité accordée aux
candidats et justifie, pour maintenir le sérieux des candidatures, l'adoption
de mesures complémentaires interdisant les candidatures multiples.
C'est d'autant plus vrai que l'on a assisté, lors des dernières élections
cantonales, à des initiatives individuelles dont le développement pourrait
avoir des conséquences fâcheuses : on a ainsi constaté des dépôts de
candidatures simultanées d'une seule personne dans tous les cantons
renouvelables d'un même département ou même des dépôts de candidature de la
même personne dans deux départements. Au total, quarante-trois personnes se
sont présentées dans plusieurs cantons en 1998 et ces candidatures ont concerné
deux cent vingt et un cantons.
Le trouble reste limité, mais les nouvelles règles de financement pourraient
encourager le développement de tels comportements, qui sont de nature à générer
la confusion.
La démocratie n'est pas la loterie : il ne suffit pas de jouer un grand nombre
de fois pour augmenter ses chances. Mais le fait que certains candidats
adoptent ce comportement est de nature à brouiller les enjeux de l'élection et
à troubler les électeurs.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à l'interdiction des
candidatures multiples aux élections cantonales comme aux autres élections.
Au point de vue technique, le dispositif proposé par la commission des lois me
paraît très satisfaisant. Les candidatures multiples seront, comme pour les
autres élections, détectées lors de l'enregistrement des candidatures à la
préfecture. Les préfets refuseront l'enregistrement de la candidature d'une
personne qui s'est déjà présentée dans un autre canton. Les traitements
informatiques des candidatures permettront d'informer les préfets en cas de
dépôt d'une même candidature dans plusieurs départements, comme cela est d'ores
et déjà le cas pour les élections législatives.
C'est donc, en définitive, une amélioration qui est apportée au code électoral
par le texte en discussion.
S'agissant de l'article 2, qui évoque une difficulté réelle à l'occasion de
certaines fusions de cantons, je m'exprimerai tout à l'heure, lors de
l'examen des articles.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai
tout d'abord quelques mots sur la procédure.
Lorsqu'un sénateur dépose une proposition de loi grâce à la « niche
parlementaire » créée par la réforme constitutionnelle, il peut espérer que le
Sénat sera appelé à se prononcer sur ce texte, même, d'ailleurs, s'il
appartient à la minorité. Le bureau du Sénat a, en effet, considéré qu'il était
normal que, de temps à autre, une proposition de loi présentée par des
sénateurs minoritaires puisse venir en discussion dans le cadre de cette «
niche » parlementaire », comme nous l'appelons.
En vérité, la commission des lois nous fait aujourd'hui, qu'on me passe le
mauvais jeu de mots, une « niche », car le Sénat va se prononcer non pas sur
les propositions de loi que nous sommes plusieurs à avoir présentées, mais sur
les conclusions de la commission des lois.
M. le président.
C'est le règlement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Effectivement ! Je souligne, précisément, cette anomalie du règlement : le
Sénat se trouve ainsi privé de la possibilité de se prononcer sur les
propositions de loi qui ont été retenues pour figurer à l'ordre du jour. Il est
vrai que cela fait bien longtemps ; certains disent qu'elles viennent en
discussion un peu tard et qu'il va y avoir beaucoup d'élections. Je précise
que, lorsque l'on a parlé de la proposition de loi du 2 juin, celle de Bernard
Joly, et de la proposition du 11 juin, celle du groupe socialiste - dont je
suis le premier signataire - on a omis de dire qu'il s'agissait du mois de juin
1998 !
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Et juillet 1998 pour M. Gruillot. C'est comme la grippe, une
véritable contagion !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Bien sûr, car c'était immédiatement après des élections cantonales qui avaient
attiré notre attention ; je vais y revenir dans un instant.
Reste que, en l'état actuel des choses, je me sens frustré, car je n'ai même
pas à essayer de convaincre le Sénat du bien-fondé de l'une des deux
propositions de loi dont je suis le premier signataire, puisque le Sénat, en
tout état de cause, n'aura pas à se prononcer sur elles.
Monsieur le président, je pense qu'une modification du règlement serait à cet
égard la bienvenue car, autrement, il y a un déséquilibre par rapport à la
situation qui prévaut à l'Assemblée nationale.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, il vous est toujours possible de déposer une
proposition de résolution en ce sens, créant une chapelle dans la niche !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, je vous remercie, mais vous le voyez, j'ai déjà
tellement de mal à obtenir qu'une de mes propositions vienne en discussion que
je préférerais que ce soit le bureau qui se saisisse de cette question. C'est
d'ailleurs pourquoi j'attire particulièrement votre attention, monsieur le
président, sur cette anomalie.
Je me contenterai donc d'explications sur les deux propositions de loi n°s 493
et 494.
En ce qui concerne la première, effectivement, lors des élections cantonales,
notamment en Haute-Saône, on a vu un même candidat se présenter à la fois à
Belfort-Nord et à Lure-Nord. J'ai trouvé cela anormal et cela m'a amené à
déposer une proposition de loi toute simple prévoyant, puisque, en général, les
candidatures multiples sont interdites, de les interdire en la matière.
M. le rapporteur nous disait que les cas de ce genre étaient peu nombreux,
mais, nous venons de le voir, il y en a de plus en plus et, de toute façon, n'y
aurait-il qu'un cas que cela demeurerait choquant.
J'avais pensé que la même idée était venue à notre collègue M. Joly pour la
même raison. En fait, un autre candidat s'était présenté dans deux cantons de
la Haute-Saône.
M. Christian Bonnet,
rapporteur.
Deux fois deux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Donc, notre attention avait été attirée par les mêmes élections.
Mes chers collègues, nous l'avons échappé belle. Il était temps qu'un vote
intervienne. On ne voit pas pourquoi, en effet, tel leader de tel ou tel
mouvement n'irait pas déposer sa candidature dans tous les coins de France !
Il faut rappeler tout de même que, si les candidatures multiples ont été
interdites aux législatives dès le siècle dernier, c'était contre le général
Boulanger, qui, précisément, usait de cette possibilité pour les législatives.
On l'a donc échappé belle !
Quoi qu'il en soit, il n'est jamais trop tard pour bien faire et je suis
heureux de constater que la commission et le Gouvernement sont d'accord sur ce
point.
Permettez-moi également deux mots d'explication sur la seconde proposition de
loi, qui ne sera pas soumise au vote du Sénat, mais qui résultait, elle aussi,
d'une observation de bon sens. Lorsqu'on lit dans la presse les comptes rendus
d'élection pour constater que M. Untel est élu avec 100 % des voix et
d'ailleurs, généralement, avec un nombre de suffrages très maigre par rapport à
celui des électeurs inscrits, on se dit que c'est ridicule. Et c'est ridicule,
d'une part, parce que cela coûte cher, - outre les frais de campagne, on
mobilise beaucoup de monde, non seulement les élus pour les bureaux de vote,
mais aussi les personnels pour organiser ces bureaux de vote, et tout cela pour
rien, puisque l'on est sûr que le seul candidat sera élu - d'autre part, parce
que ceux qui tiennent à faire leur devoir électoral doivent se déplacer et
peuvent en être gênés.
Bref, la solution la plus simple n'était pas, à mon avis, de changer les
règles ni de dire que le troisième pourrait se présenter si le deuxième ne se
présentait pas ou de modifier les taux, non, il s'agissait simplement de
considérer que, dès lors qu'il n'y a plus qu'un seul candidat, il n'y a pas de
raison de ne pas le déclarer élu d'autant que, bien souvent, il le sera
finalement avec plus de voix au premier tour qu'il n'en aurait obtenu au
second...
Que m'oppose-t-on à cela ? Je regrette de ne pas avoir eu l'occasion d'en
discuter plus longtemps avec vous, monsieur le rapporteur, mais vous me
répondez que cela n'empêcherait pas, dans certains cas, le candidat arrivé en
seconde position de déposer sa candidature, mais sans faire campagne. Ce serait
vraiment marginal. Rien n'empêche, aujourd'hui, que cela se produise !
Or, dans les trente-deux cas concernant les cantonales de 1998 et dans les
douze cas concernant les législatives de 1997 que vous citez dans votre
rapport, y en a-t-il un seul comme celui-là ? Je ne crois pas. Or c'était
d'ores et déjà possible.
Vous avez parlé de manoeuvre. Je ne vois pas de quelle manoeuvre il s'agit. Si
quelqu'un veut déposer sa candidature et ne pas la soutenir, tant pis ! Il sera
candidat tout de même, et il y aura peut-être des électeurs pour voter pour
lui. Mais les cas les plus fréquents, ceux qui sont choquants, ce sont ceux où
il n'y a plus qu'un seul candidat pour faire campagne !
La solution que nous proposions nous paraissait aussi simple que l'oeuf de
Colomb. La commission ne l'a pas considérée, le Sénat ne peut pas en délibérer
aujourd'hui, mais, faites-moi confiance, il aura à le faire !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président. « Art. 1er. - Après le troisième alinéa de l'article L. 210-1 du code électoral, il est inséré deux nouveaux alinéas ainsi rédigés :