Séance du 23 novembre 1999
« Art. 1er. - L'Assemblée de la Polynésie française est composée de quarante-sept membres élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.
« La Polynésie française est divisée en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :
Désignation des circonscriptions et nombre de sièges :
« Iles du Vent 28
« Iles-Sous-le-Vent 8
« Iles Tuamotu et Gambier 5
« Iles Marquises 3
« Iles Australes 3
« Total 47
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
L'article unique, qui est la seule proposition que la
commission des lois soumet à la Haute Assemblée, me permet de répondre à la
fois à notre collègue M. Allouche et à M. le ministre.
Monsieur Allouche, j'ai applaudi...
M. Guy Allouche.
J'ai remarqué !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
... votre péroraison parce qu'au fond, en vous écoutant, je
me suis aperçu que nous étions d'accord.
Nous le serions même pleinement si vous ne commettiez une profonde erreur sur
votre façon d'appréhender la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
M. Jean-Jacques Hyest.
Voilà !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
En effet, vous extrapolez la décision du Conseil
constitutionnel, vous la précédez, vous la lui dictez presque, ce qui n'est pas
tout à fait l'usage ! De plus, vous pensez que le Conseil constitutionnel
appliquera précisément sa jurisprudence comme en métropole.
Je tiens à vous rappeler qu'il y a trois critères, non seulement les deux
premiers sur lesquels vous vous appuyez, mais également un troisième, qui est
précisément l'intérêt général. C'est ce critère que vous avez parfaitement
développé dans le début de votre discours, dans la mesure où vous avez montré
l'insularité, la dispersion des îles,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
... l'éloignement de ces archipels perdus au milieu d'une
immensité de mer, car le Pacifique n'a aucun rapport avec le lac de Genève ou
simplement le bassin du Luxembourg !
M. Jean-Jacques Hyest.
Même la Méditerranée !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je pense par conséquent que vous commettez une erreur
d'appréciation de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et je vais vous
dire pourquoi.
Compte tenu de ce qui a été développé, par vous comme par moi, en parfait
accord, d'ailleurs, sur la spécificité de la Polynésie française, la seule
variable d'ajustement est la modification de la répartition des sièges entre
les cinq circonscriptions naturelles telles qu'elles existent. Lors de la
dernière réunion de la commission des lois, vous aviez dit que, peut-être, cinq
circonscriptions n'étaient pas tout à fait ce qu'il fallait, vous référant à la
Nouvelle-Calédonie, mais, aujourd'hui, vous ne les avez pas remises en
cause.
L'essentiel est de ne pas marginaliser - vous l'avez vous-même soutenu avec
force - les archipels autres que ceux des îles du Vent, c'est-à-dire les
Marquises, les Tuamotu, les Gambier et les îles Australes. Il faut donc
maintenir la cohésion de l'ensemble polynésien, et, le Conseil constitutionnel
ne pourra pas ne pas prendre en compte cette cohésion de l'ensemble polynésien
en appliquant systématiquement les deux premiers critères de la jurisprudence.
Il existe une spécificité géographique - vous l'avez encore mieux dit que moi -
qui nous a véritablement surpris, nous qui ne connaissions pas, ou qui
connaissions mal, la Polynésie quand nous nous y rendîmes.
Effectivement, je suis tout à fait conscient que le Conseil constitutionnel
sera saisi automatiquement, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi
organique, et j'en suis heureux. En effet, cela lui permettra peut-être
d'appliquer sa jurisprudence en fonction des critères qu'il a lui-même définis,
en fonction, en tout cas, du troisième.
Enfin, s'agissant des écarts de représentation - je réponds en même temps à M.
le secrétaire d'Etat - je tiens à dire que la répartition proposée permet
pratiquement de revenir à l'écart maximal qui avait été accepté par le
Parlement en 1985 pour la Polynésie française, c'est-à-dire un rapport de 2,66
entre les îles du Vent et les îles Australes, qui est l'archipel ayant connu la
plus faible progression démographique.
Cette répartition permet également de réduire à moins de 2 l'écart de
représentation entre, d'une part, les îles du Vent et les îles Sous le Vent et,
d'autre part, les îles du Vent et les îles Tuamotu et Gambier. Or la décision
du Conseil constitutionnel concernant la Nouvelle-Calédonie a censuré un
découpage consacrant un écart de représentation supérieur à 2 entre la région
de Nouméa et chacune des trois autres régions. Nous respectons donc
parfaitement les normes implicitement définies dans cette décision du Conseil
constitutionnel.
Enfin, le Conseil constitutionnel en la matière n'exerce qu'un contrôle de
l'erreur manifeste d'appréciation et n'a jamais fixé de critères arithmétiques.
Laissons-lui donc le soin de définir - il est mieux à même que nous de le faire
- la jurisprudence qui doit être suivie.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez déclaré que la solution du
problème qui est, pour moi, urgent peut attendre l'examen du nouveau statut.
Mais je crains que l'adoption définitive de ce dernier ne risque d'intervenir
trop tard compte tenu de la prochaine échéance électorale fixée à mai 2001.
C'est la raison pour laquelle vous avez été soutenu par notre éminent collègue
M. Allouche, mais je demande instamment au Gouvernement, au nom de la
commission des lois, d'inscrire la proposition de loi organique à l'ordre du
jour de l'Assemblée nationale. Vous avez eu tort, monsieur Allouche, de dire
qu'en tout état de cause l'Assemblée nationale ne prendra pas en compte
l'urgence de cette affaire. Ce n'est pas à vous de dicter à l'Assemblée
nationale ce qu'elle doit faire ou de brandir une majorité absolue qui ne
répondra peut-être pas à votre voeu.
L'intérêt général veut que cette affaire soit traitée le plus rapidement
possible et que l'on n'attende pas, pour en constater les résultats, qu'il soit
trop tard pour les élections de 2001.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi.
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Les remarques de notre excellent rapporteur m'amènent à apporter les
précisions suivantes.
Tout d'abord, je n'ai pas dit qu'il fallait toucher aux archipels autres que
les îles du Vent. J'ai même précisé qu'avec ma proposition ces archipels
continueraient à être bien représentés puisque, au regard de leur population,
leur représentation irait au-delà des critères du juge constitutionnel. De
même, monsieur le rapporteur, je n'ai jamais dit, en commission, qu'il fallait
revenir sur les cinq circonscriptions ; elles existent, on les maintient.
Je suis sénateur et j'essaie de tenir simplement ma place : je n'ai aucune
injonction à adresser au Conseil constitutionnel ni à nos collègues députés.
Je ne sais pas ce que ceux-ci décideront mais puisque c'est aujourd'hui le
ministre des relations avec le Parlement qui est au banc du Gouvernement, en
remplacement de M. Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, je suis tenté de
lui demander de faire en sorte que cette proposition de loi soit très
rapidement inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Il y a en effet
des délais à respecter, et je souhaite que nos compatriotes polynésiens soient
très vite fixés sur la façon dont ils doivent préparer les prochaines élections
territoriales, afin qu'ils puissent prendre leurs dispositions. N'oublions pas
que, le 24 janvier prochain, nous allons presque unanimement, du moins je
l'espère, engager la Polynésie dans un processus nouveau.
C'est parce que je souhaite que les choses aillent vite et que nos collègues
députés ne s'arrêtent pas trop sur les critères, que je demande la prise en
compte de ma suggestion. Si nos collègues députés refusaient, nous reviendrions
à la case départ et nous prendrions du retard.
La logique arithmétique voudrait que l'on aille jusqu'à quarante-deux sièges,
mais ce n'est pas ce que je propose. Ce que je propose, c'est qu'on s'en tienne
à un nombre acceptable par tous, à savoir trente-six sièges.
Je le répète, en l'occurrence, le souci du groupe socialiste du Sénat est de
voir tout cela aboutir rapidement, de façon que nos compatriotes polynésiens,
notamment Gaston Flosse, avec l'ensemble de l'équipe qui l'entoure sur place,
disposent enfin d'un texte pour préparer les prochaines échéances. Cependant,
je crains que l'Assemblée nationale ne refuse de nous suivre dans notre
proposition.
J'ai cru comprendre que M. le rapporteur n'était pas prêt à accéder au souhait
que j'avais formulé. Toutefois, dans la mesure où le groupe socialiste ne
saurait s'opposer à cette réactualisation du nombre de sièges, je l'indique dès
à présent pour ne pas avoir à reprendre la parole, nous nous abstiendrons sur
l'ensemble de la proposition de loi.
M. Gaston Flosse.
C'est bien !
M. Guy Allouche.
Nous nous abstiendrons, et la navette fera son travail.
M. Gaston Flosse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse.
Nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt la démonstration de Guy Allouche,
démonstration dans laquelle notre collègue a repris les termes de la
proposition de loi de M. Vernaudon. J'espère toutefois que la démarche de M.
Allouche n'est pas la même que celle de M. Vernaudon, lequel a déclaré
publiquement que, s'il demandait la modification de la répartition des membres
de l'Assemblée de Polynésie française, c'était, pour l'opposition au sein de
l'Assemblée de la Polynésie française, le seul moyen de battre Gaston Flosse
aux prochaines élections.
L'objectif de M. Vernaudon était donc purement politicien. J'espère que mon
ami Guy Allouche ne suit pas cette même logique.
M. Guy Allouche.
Non, non, non, trois fois non !
M. Gaston Flosse.
Je vous remercie, monsieur Allouche.
Cependant, lorsqu'on examine les chiffres que propose de retenir M. Vernaudon
et ceux que vous avancez, on arrive à peu près aux mêmes conclusions.
M. Vernaudon, dans sa proposition, enlevait sept sièges aux archipels et les «
transférait » aux îles du Vent. M. Allouche, qui connaît bien la Polynésie
française et qui est un fin politique, dit qu'il serait malvenu de supprimer
des sièges au titre de la représentation des archipels, mais il veut augmenter
la représentation des îles du Vent de quatorze sièges, ce qui, en pratique,
revient au même.
Bien sûr, dans toute sa démonstration, Guy Allouche n'évoque que le critère
démographique, parlant de logique mathématique. Mais il n'y a pas que cela ! Il
y a aussi le critère géographique et, d'une manière générale, l'aspect humain
du problème. Si l'on accordait trente-six conseillers aux îles du Vent et
seulement dix-neuf aux archipels, monsieur Allouche, on écraserait les
archipels, on les ferait complètement disparaître !
Je pense que la proposition du rapporteur est celle qui tient vraiment compte
de l'intérêt général et celui des archipels, sans négliger pour autant, bien
sûr, le critère démographique. J'espère donc que mon collègue et ami Guy
Allouche interviendra auprès de ses amis de l'Assemblée nationale, où il a
sûrement beaucoup d'influence, pour que la proposition de loi organique soit
adoptée dans les termes que va sans doute approuver le Sénat dans quelques
instants. En tout cas, je remercie le groupe socialiste de son abstention,
quand bien même j'aurais préféré qu'il vote dans le même sens que nous.
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Notre groupe ne prendra pas part au vote.
Nous estimons en effet, nous aussi, que ce débat est prématuré. Cette attitude
ne résulte pas d'une analyse des propositions faites par M. Flosse. Nous
pensons simplement qu'une décision sur une nouvelle répartition des sièges au
sein de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française ne devrait être
prise qu'après un débat approfondi, tel celui que nous aurons sur les nouveaux
statuts du territoire.
M. le rapporteur a fait état des positions du Conseil constitutionnel et, à
n'en pas douter, il convient de prendre en compte la spécificité de la
Polynésie française. Cependant, la décision récente du Conseil constitutionnel
sur la Nouvelle-Calédonie nous a malheureusement montré qu'il lui arrivait de
prendre bien peu en compte l'environnement dans lequel s'inscrivaient des
décisions.
C'est bien pourquoi nous pensons qu'un débat approfondi sur le futur statut
aurait été le bienvenu en préalable à notre discussion d'aujourd'hui.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je souhaite simplement que ce débat, qui n'est pas prématuré,
puisse rester empreint de la totale sérénité qui sied au travail du
législateur.
Intitulé
M. le président.
La commission des lois propose de rédiger comme suit l'intitulé de la
proposition de loi organique : « Proposition de loi organique tendant à
modifier la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 pour rééquilibrer la répartition
des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française. »
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
16:
Nombre de votants | 304 |
Nombre de suffrages exprimés | 221 |
Majorité absolue des suffrages | 112 |
Pour l'adoption | 221 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
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