Séance du 29 juin 1999
M. le président. « Art. 24. - I. - Le 2° de l'article L. 162-9 du même code est complété par les mots : "si elle autorise un dépassement pour les soins visés au 3° de l'article L. 861-3, la convention nationale intéressant les chirurgiens-dentistes fixe le montant maximal de ce dépassement applicable aux bénéficiaires du droit à la protection complémentaire en matière de santé ; à défaut de convention, ou si la convention ne prévoit pas de dispositions spécifiques aux bénéficiaires de cette protection, un arrêté interministériel détermine la limite applicable à ces dépassements pour les intéressés ;". »
« II. - Après le sixième alinéa (4°) du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Pour les chirurgiens-dentistes, le cas échéant, les conditions tendant à éviter à l'assuré social de payer directement les honoraires. »
Par amendement n° 40, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. La commission demande la suppression de cet article, que l'Assemblée nationale a rétabli au motif qu'il n'appartient pas aux organismes complémentaires d'intervenir dans les négociations conventionnelles entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé.
Nous avions prévu, à l'article 20, que la convention conclue entre les régimes de base et les organismes de protection sociale complémentaire fixerait les modalités selon lesquelles les chirurgiens-dentistes conventionnés pourront accepter de limiter les dépassements d'honoraires pour les bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la santé.
Convaincus du bien-fondé d'un scénario partenarial qui devrait d'ailleurs concerner l'ensemble des assurés sociaux et non pas seulement ceux dont nous discutons aujourd'hui, nous demandons la suppression de cet article 24.
J'en profite pour signaler que, cette semaine, les chirurgiens-dentistes ont fait grève et ont envoyé quelques milliers de cartes postales à Mme Aubry et à M. Kouchner pour célébrer un triste anniversaire. En effet, l'année dernière, au mois de juin, un accord était intervenu entre la Caisse nationale d'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, accord auquel Mme Aubry, de son propre chef, avait décidé, quelques semaines après, de mettre fin.
On ne peut que voir dans tout cela une volonté du Gouvernement, mesure après mesure, d'étatiser un peu plus la sécurité sociale et de supprimer le rôle des partenaires conventionnels. Cet article me donne l'occasion de le réaffirmer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Bien entendu, je plains beaucoup les chirurgiens-dentistes ; il y a de quoi !
M. François Autain. Oui ! (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, si nous avons en effet mis fin un peu brutalement à cette convention, c'est parce que le dépassement des honoraires des chirurgiens-dentistes nous a paru un peu trop important. Mais nous reprendrons la négociation avec l'ensemble des spécialistes.
Je remercie M. Vasselle d'avoir rappelé que le gouvernement précédent s'était trouvé en butte aux mêmes difficultés.
Nous avons une philosophie différente, je vous l'accorde. Avec la couverture maladie universelle, nous voulons, de façon très volontariste, peut-être parfois trop volontariste à votre avis - vous avez le droit d'avoir cette opinion - nous voulons, dis-je, donner à ceux qui ne l'avaient pas la possibilité d'accéder au système de soins, en particulier au système de soins dentaires.
Cette manière de faire est peut-être un peu contraignante mais nous allons attendre le résultat et la discussion va se poursuivre avec les partenaires, les spécialistes, les généralistes, les dentistes, etc. Nous n'entendons absolument pas l'arrêter, pas plus que nous n'avons l'intention d'étatiser la sécurité sociale. D'ailleurs, je ne sais pas ce que cela veut dire, étatiser la sécurité sociale !
Nous prenons simplement des décisions pour qu'elle continue à fonctionner, et j'ai tout de même l'impression que nous améliorons un tout petit peu son fonctionnement en y donnant accès à ceux qui en étaient exclus.
M. François Autain. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 40.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Comme tout à l'heure sur une autre disposition, on ne peut que relever une certaine défiance de la part du Gouvernement vis-à-vis du fonctionnement des mécanismes conventionnels.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Mais non !
M. Philippe Marini. C'est tout de même bien ce que l'on peut déduire de vos propos, monsieur le secrétaire d'Etat !
Pour ma part, je regrette cette attitude, car la disposition que nous avions adoptée en première lecture prévoyait que la convention conclue entre les régimes de base et les organismes de protection sociale complémentaire fixerait les modalités selon lesquelles les dentistes conventionnés pourraient accepter de limiter les dépassements d'honoraires en faveur des bénéficiaires de la nouvelle allocation.
Cette disposition paraissait respecter les règles fondatrices de la sécurité sociale.
A vrai dire, si nous déplorons l'approche du Gouvernement, qui est très différente de la nôtre, nous n'en sommes pas tellement surpris puisque, sur des sujets beaucoup plus importants sur le plan financier, les partenaires sociaux sont quasiment mis devant le fait accompli.
Ainsi, pour assurer le financement des trente-cinq heures ou celui des abaissements de charges sur les bas salaires, l'UNEDIC sera vraisemblablement appelée à consentir des efforts financiers très importants aux côtés de l'Etat, ces efforts étant annoncés avant même que les organisations professionnelles représentatives n'aient été appelées à s'exprimer et à se prononcer.
Cette attitude semble refléter une approche tout à fait préoccupante du fonctionnement des mécanismes de la protection sociale.
Que vous le vouliez ou non, c'est bien, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le sens d'une certaine étatisation de ces mécanismes que vous nous engagez, mesure après mesure. A l'évidence, nous ne pouvons l'accepter.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai vraiment le sentiment que vous voyez le problème par le petit bout de la lorgnette, s'agissant notamment des chirurgiens-dentistes. Les propos qu'a tenus tout à l'heure M. le rapporteur m'apparaissent tout à fait justifiés. Il importe en effet de privilégier la concertation avec les partenaires sociaux plutôt que de procéder par voie réglementaire.
Il ne faut tout de même pas oublier le souci que nous devons avoir les uns et les autres de la qualité des soins. Or je suis persuadé que l'on ne parviendra à concilier les exigences quantitatives de soins aux plus démunis et les exigences qualitatives de ces mêmes soins que par la voie conventionnelle et la négociation. A mon avis, les chirurgiens-dentistes seront beaucoup plus coopérants et accepteront plus facilement un tassement ou un écrêtement de leurs honoraires s'il s'agit de satisfaire la totalité des besoins sur le plan quantitatif tout en garantissant la qualité des soins.
Or vous savez qu'en ce qui concerne les chirurgiens-dentistes la marge est très importante, qu'il s'agisse des honoraires ou de la nature des soins apportés aux patients.
M. Guy Fischer. Les prothèses !
M. Alain Vasselle. Une approche beaucoup plus équilibrée dans l'analyse du dispositif, une démarche privilégiant la voie conventionnelle et la négociation seraient bien préférables à une réaction purement jacobine.
M. Guy Fischer. Ah, vous êtes plus exigeant avec les pauvres !
M. Philippe Marini. C'est un procès d'intention !
M. Guy Fischer. Cela commence à bien faire !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Combien de fois devrai-je le dire ? Nous n'avons rien contre les chirurgiens-dentistes. Nous négocions avec eux.
M. Charles Descours, rapporteur. Vous n'avez pas de dent contre eux ! (Sourires.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je n'ai aucune dent contre quiconque, pas même contre vous, monsieur le rapporteur, et Dieu sait si vous m'en donnez pourtant l'occasion depuis quelque temps !
M. Charles Descours, rapporteur. Mais je ne suis pas chirurgien-dentiste !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Non seulement nous allons négocier, mais nous savons très bien qu'une négociation est en train pour équilibrer le prix des prothèses, qui est excessif en France par rapport à la nomenclature. C'est une bonne négociation.
Mais, messieurs, même si ce n'est pas mon habitude de polémiquer sur ce que le gouvernement précédent a fait, je rappellerai cependant qu'il a « brusqué » - c'est le moins que l'on puisse dire - les médecins au point de les mettre dans la rue. Ce n'est pas ma manière ni de négocier ni d'argumenter.
Je ferai simplement remarquer que, depuis moins d'un mois, nous avons négocié et signé une convention avec les radiologues, qui, en effet, avaient dépassé la norme comme les dentistes. Nous ne désespérons donc pas ; nous négocierons, et je suis sûr que nous parviendrons à signer une convention avec les dentistes. Nous avons négocié avec les cardiologues, nous avons négocié avec les biologistes. Comment pouvez-vous nous dire que nous sommes contre la négociation !
Bien entendu, le jeu de la convention demeure. Ce n'est pas à nous de la bloquer ou, au contraire, d'étendre la discussion pour qu'elle avance. Nous la laissons se dérouler.
Je le répète, nous n'avons rien contre la convention, simplement nous devons faire marcher le système, car nous en sommes comptables. En tout cas, nous n'étatisons rien du tout, je voudrais que cela soit clair, et nous n'avons aucune animosité contre quelque corps professionnel que ce soit, surtout pas contre les dentistes !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 24 est supprimé.
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