Séance du 29 juin 1999







M. le président. La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 495 adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Franck Sérusclat. Madame le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous dire tout d'abord le plaisir que j'ai de vous voir à ce banc pour répondre à une question à laquelle ont été apportées jusqu'à présent des réponses tellement bizarres que je comprends de moins en moins la conception du législateur s'agissant des punitions que l'on peut infliger aux cyclistes qui franchissent, par exemple, un passage pour piétons en ayant posé le pied à terre tout en restant assis sur leur selle, devenant en quelque sorte un piéton sur deux roues.
La réponse qui m'a été faite par un courrier en date du 14 novembre 1996, publié au Journal officiel, me laisse plus d'incertitudes encore. En effet, il y est dit que les infractions commises par les cyclistes détenteurs du permis de conduire ne peuvent pas être punies comme celles dont s'est rendu coupable un automobiliste, à qui on enlève des points. Cette sanction ne vaut que pour les seuls automobilistes.
Dans la même réponse, on ajoute qu'en revanche les conducteurs de véhicules ne nécessitant pas la détention du permis de conduire qui ne respectent pas le code de la route sont soumis aux mêmes sanctions pénales que les conducteurs de véhicules terrestres à moteur. La sanction pénale est la même si les intéressés n'ont pas le permis, mais s'ils l'ont, pourquoi ne pas leur enlever des points ? C'est une deuxième inconséquence.
Enfin, ce qui me paraît le plus grave, c'est que l'on traite les cyclistes de deux façons différentes, car certains cyclistes ont le permis de conduire et d'autres ne l'ont pas. Je connais dans ma famille une situation de ce type : la jeune fille n'a pas le permis de conduire, sa mère l'a. Si la jeune fille, qui fait du vélo, commet une infraction, comment la punira-t-on ?
Les consignes données par le législateur me paraissent donc fort discutables et il serait nécessaire de revoir la réglementation en la matière, surtout à notre époque où l'on veut encourager le cyclisme pour en faire un moyen de déplacement ordinaire.
On sait bien que le comportement du cycliste dans la vie courante, voisin de celui du piéton, est bien moins dangereux que celui de l'automobiliste. En effet, ce dernier, aujourd'hui, conduit très vite, comme il en a pris l'habitude, mais encore il téléphone tout en conduisant. Bientôt, il aura la télévision dans sa voiture, et l'on ne sait pas comment il pourra, alors, respecter le code de la route.
M. Gérard César. Très bien !
M. Franck Sérusclat. Donc, je plaide pour les cyclistes, parce que le vélo est un moyen de déplacement confortable et agréable, même quand il y a des côtes. On les prend ensuite dans le sens de la descente, et tout va bien ! (Sourires.)
Les pistes cyclables tendent à se multiplier. Aussi, le franchissement d'un passage pour piétons, le vélo poussé à la main, ne me paraît pas mériter une contravention.
Si j'ai posé cette question, c'est qu'une personne de mon entourage, pour avoir franchi avec son vélo un passage pour piétons...
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Franck Sérusclat. ... après avoir mis pied à terre, s'est vu retirer son permis de conduire. Heureusement, en appel, une peine d'amende a été substituée au retrait de permis !
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, M. Jean-Claude Gayssot, participant ce matin au comité interministériel qui décide des investissements économiques et sociaux, le CIES, m'a demandé de vous communiquer les éléments de réponse qu'il a préparés à votre intention.
Le Gouvernement entend, bien entendu, promouvoir les déplacements urbains à bicyclette, qui participent à la réduction des encombrements routiers et de la pollution auxquels les agglomérations sont aujourd'hui particulièrement confrontées.
Les cyclistes sont évidemment tenus de respecter les règles du code de la route. Il en va de leur sécurité comme de celle des autres usagers de la voirie.
Les deux situations que vous évoquez sont fondamentalement différentes.
Le retrait de points du permis de conduire et son invalidation à la suite de la perte de la totalité du nombre de points ont un caractère automatique qui, comme vous le notez judicieusement, serait disproportionné s'il s'appliquait au conducteur d'un cycle titulaire d'un permis de conduire.
Les cas dans lesquels celui-ci met en jeu la vie d'autrui sont en effet peu nombreux et ne peuvent, par définition, être distingués lors du retrait de points.
En revanche, la suspension et l'annulation judiciaire du permis de conduire ont le caractère de peine complémentaire aux infractions aux règles de circulation routière visées par les articles L. 14 et R. 266 du code de la route, en application des dispositions de l'article L. 13 de ce code, peine dont le prononcé relève de l'intime conviction du juge.
Ainsi, le juge pénal a toute possibilité, selon la gravité des faits, de prononcer ou non ces peines, d'en fixer le niveau et, dans le cas de la suspension, d'en limiter éventuellement l'effet à la conduite en dehors de l'activité professionnelle, en application des dispositions combinées des articles 702-1 du code de procédure pénale et 131-6 du code pénal.
En pratique, le nombre de peines de ce type prononcées à l'encontre de cyclistes reste marginal. Cependant, ce système doit être conservé pour permettre au juge de sanctionner particulièrement les cyclistes auteurs d'infractions graves ou, à titre de peine de sûreté, pour empêcher ceux-ci de circuler avec un véhicule à moteur.
Il ne peut être considéré comme anormal de laisser au juge la possibilité de prononcer une peine de retrait du permis de conduire à l'encontre d'un cycliste qui, poursuivi pour conduite en état d'alcoolémie excessive, risquerait en circulant avec un véhicule pour la conduite duquel le permis de conduire est exigé de porter atteinte à la sécurité des autres usagers de la route.
Par ailleurs, le code pénal prévoit des peines de restriction du droit de conduire sans lien avec la sécurité routière. Son article 131-6 prescrit que tout délit passible d'une peine d'emprisonnement peut être sanctionné d'une peine de suspension du permis de conduire d'une durée maximale de cinq ans, à titre principal et comme substitut à la peine d'emprisonnement.
En conclusion, il n'apparaît pas souhaitable de changer sur ce point la réglementation existante.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Malgré le plaisir que j'ai de vous voir ici, madame le secrétaire d'Etat, je ne peux que vous dire que je ne suis pas satisfait de cette réponse, car rien n'est changé, l'ultime décision restant au juge.
Bien que dans les ultimes décisions des juges se dessine une certaine tendance, je regrette que M. le ministre des transports n'envisage pas de modifier les articles auxquels vous avez fait référence afin d'aboutir à plus de logique dans la vie ordinaire.

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