Séance du 16 mars 1999
RATIFICATION DU TRAITÉ D'AMSTERDAM
Suite de la discussion
et adoption définitive d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité
sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et
certains actes connexes.
Dans le suite de la discussion générale, la parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le jour de
la signature du traité de Maastricht ; j'étais à Budapest, où des amis hongrois
enthousiastes m'invitaient à fêter ce qu'ils considéraient d'emblée comme un
événement considérable pour l'Europe et pour eux.
Je m'étais évidemment gardé de gâcher la fête en signalant que, pour nous,
Maastricht allait d'abord donner son nom à des critères plutôt qu'à un grand
projet pour notre vieux continent.
Nous savons ce qu'il en est advenu. Il apparaît aujourd'hui que ce sont les
Hongrois qui avaient raison : le traité de Maastricht restera dans l'histoire.
C'est en effet à Maastricht qu'a été fondée la politique étrangère et de
sécurité commune, la PESC, même s'il nous faut encore et d'urgence concrétiser
celle-ci. Mieux encore, Maastricht a concrètement débouché, en temps et en
heure, sur l'avènement de l'euro, avènement qui, aujourd'hui, manifeste de
manière éclatante la réalité de l'Union européenne et l'appartenance des
Européens à une communauté politique.
Bien plus, l'Europe a étonné le monde, qui ne la croyait plus capable de mener
à terme un projet aussi ambitieux. Ce faisant, elle a redonné confiance et
fierté à des Européens prêts à se laisser aller et à accepter un déclin
apparemment inéluctable.
L'évolution est telle que nombre de ceux qui repoussaient toujours Maastricht
il y a deux ou trois ans seulement n'ont plus aucun état d'âme à son endroit,
et je n'en connais pas qui aient suivi le chemin inverse. Le traité de
Maastricht finit par rassembler autour de lui et non contre lui, alors que, le
jour du référendum, nous sommes passés bien près d'un résultat que nous
pourrions amèrement regretter aujourd'hui.
Après Maastricht, Amsterdam ! A son tour, ce nouveau traité a mauvaise presse.
Peut-être est-ce le lot des traités : leur rédaction compliquée et leur contenu
technique ne les rendent pas attrayants ; ils en font, au contraire, une
affaire de spécialistes, et c'est dommage.
Mais pour Amsterdam, comme pour Maastricht, nous ne disposons peut-être pas
encore d'un recul suffisant. C'est notamment pourquoi nous sommes loin des
conditions qui permettraient l'organisation, dans de bonnes conditions, d'un
référendum. Le traité aborde en effet de manière un peu complexe de nombreuses
questions, alors qu'un référendum doit sanctionner un vrai débat démocratique
sur une question claire et précise telle que : faut-il ou non poursuivre la
construction européenne ? Ou bien : êtes-vous favorable à l'adhésion de tel
candidat ? Ou bien encore : acceptez-vous tel transfert de compétences ?
Il valait mieux ne pas dévoyer la procédure du référendum en l'engageant dans
des conditions qui risquaient de ne servir ni la démocratie, ni la France, ni
l'Europe.
Ce que nous devons, en revanche, retenir du débat sur l'opportunité du
référendum, c'est, à mon sens, surtout la nécessité devant laquelle nous sommes
de développer un très grand effort de pédagogie sur l'Europe. Puissions-nous,
mes chers collègues, saisir l'occasion de la campagne qui va s'ouvrir pour
engager cet effort !
Mais revenons au traité.
Il est normal de dire de lui que c'est mieux que rien, mais qu'il aurait été
satisfaisant qu'il aille plus loin. On est donc d'accord pour prendre acte d'un
petit progrès, en regrettant, bien sûr, l'absence d'avancées plus
spectaculaires. Nous ne pouvons évidemment pas refuser les progrès qui existent
au motif que d'autres, que nous espérions, n'ont pu encore se concrétiser. M.
le président de Villepin le disait parfaitement ce matin !
Sans doute attendait-on de la conférence intergouvernementale mise en place en
1966 ce qu'elle ne pouvait ni ne devait donner : une nouvelle vision de
l'Europe, susceptible de fonder un vrai projet politique séduisant pour la
jeunesse. Cela veut dire que nous attendons toujours ce projet. Nombreux, ici,
notamment au sein du groupe de l'Union centriste, auquel j'ai l'honneur
d'appartenir, sont ceux qui sont plus que jamais décidés à participer à sa
construction.
Mais le temps des premières impressions est passé. L'actualité vient nous le
rappeler de manière crue.
S'agissant des institutions, la CIG nous a proposé une analyse des problèmes
mais bien peu de solutions immédiatement acceptables par tous, par les petits
comme par les grands Etats membres.
Derrière l'actualité immédiate, et plus profondément encore, l'élargissement
qui s'engage, et qui concerne dix pays et 100 millions d'habitants, exige une
adaptation profonde des institutions dans l'intérêt des candidats eux-mêmes,
dans l'intérêt de l'Union et, bien sûr, dans l'intérêt de chacun des actuels
Etats membres, et donc de la France.
Cette reconstruction institutionnelle aurait, au demeurant, dû se faire même
sans nouvel élargissement. On ne peut simplement plus la différer, et
aujourd'hui moins que jamais.
Mais il y a élargissement, et j'y vois une fantastique opportunité pour nous
ramener à l'essentiel. En effet, l'Union des Quinze ne peut refuser cet
élargissement ; elle ne peut refuser de devenir l'Europe tout court.
L'Union sera donc large. C'est d'ailleurs dans la nature de cette union, dont
nous avons lancé la construction il y a cinquante ans, que de demeurer toujours
ouverte. Le traité de Rome l'a explicitement confirmé et les pays d'Europe
centrale et orientale qui aspirent à nous rejoindre sont engagés dans une
démarche parfaitement légitime.
Nous ne sommes pas propriétaires exclusifs d'une Europe à laquelle leurs
destins les rattachent autant que les nôtres, et ce n'est qu'un accident
dramatique de l'histoire qui les a coupés de nous pendant cinquante ans, les
privant de participer, dès l'origine, à une oeuvre de prospérité et de
sécurité, de paix, de liberté et de démocratie.
L'Union aurait aussi bien pu être lancée à l'Est ou en un autre temps. La fin
de la guerre franco-allemande ou l'entrée dans la guerre froide ont servi de
déclencheur à un processus inscrit dans l'histoire de notre continent.
Alors, qu'on ne vienne plus nous dire qu'entre approfondissement et
élargissement il faudra choisir, comme si nous ne disposions que d'une quantité
d'Europe définie ou limitée !
Comment pourrions-nous nous être engagés dans cette aventure en nous coupant
d'avance les ailes, en acceptant d'entrée l'hypothèse qu'elle pourrait être
piètre ou fade, sans pouvoir ou sans influence ? Ce n'est pas ce à quoi nous
ont invités Jean Monnet ou Robert Schuman ; ce n'était certainement pas, non
plus, le choix du général de Gaulle.
Pour être à la fois large et forte, l'Union devra, bien sûr - même si ce n'est
pas simple - mettre en oeuvre une réelle subsidiarité, c'est-à-dire limiter
strictement ses compétences aux domaines dans lesquels elle sera plus efficace
que chacun de ses membres ; il lui faudra également tenter de rénover ses
institutions, afin de disposer d'une réelle capacité de décision dans chacun de
ses domaines.
Définition des compétences, recherche d'un fonctionnement efficace, comme le
dit François Bayrou - Jean-Pierre Fourcade le rappelait d'ailleurs ce matin -
il s'agit bien de proposer aujourd'hui pour l'Europe une constitution qui dise
ce qu'elle doit faire et comment elle pourra le faire.
La démarche à laquelle nous incitent les pays candidats à l'adhésion est
particulièrement exigeante. Elle suppose une volonté politique forte. Elle ne
pourra déboucher qu'au prix d'un approfondissement de la démocratie, donc dans
une démarche lisible par tous, simple et qui associe réellement les
citoyens.
Un tel objectif était sans doute trop ambitieux pour la conférence
intergouvernementale, mais il demeure ; et il est clair que l'élargissement va
à l'échec, un échec pour tous, un échec pour la sécurité sur notre continent,
si nous nous contentons de dire que nous trouverons bien des solutions au fur
et à mesure ou le moment venu. Sur un sujet aussi essentiel, le « on verra »
n'est pas admissible.
L'article 2 du projet nous semble donc bien le minimum qu'il fallait dire
aujourd'hui, monsieur le ministre, sachant, bien sûr, que nous n'avons pas
capacité à amender le texte d'un traité.
Je me permets simplement d'insister, monsieur le ministre : il y a urgence et
c'est difficile.
Un engagement lucide et sans réserve des chefs d'Etat s'impose pour que
réussisse un élargissement qui se fera, bien ou mal. Il y faut un engagement
aussi déterminé et actif que celui qui a permis de réaliser et de réussir
l'union monétaire.
A défaut d'un excès d'honneur, pour reprendre, là aussi, l'expression de M. de
Villepin - excès d'honneur qui n'a jamais été imaginé - le traité d'Amsterdam
ne mérite pas non plus d'excès d'indignité. Il apporte en effet de
substantielles modifications au traité de l'Union et au traité instituant les
Communautés.
Les doutes des exégètes portent plutôt sur la volonté politique d'utiliser les
nouvelles possibilités qu'il offre. C'est oublier peut-être que la volonté de
construire une Europe politique existe plus que jamais. Nous faisons confiance
aux hommes en charge de la construction européenne, c'est-à-dire de plus en
plus à nous tous. D'ailleurs, cette nuit nous a rappelé que les hommes
continuent de contrôler les institutions.
Ainsi, M. Vaclav Havel nous a-t-il exhortés, à cette tribune, voilà quelques
jours, à « marier » plus que jamais ces « deux valeurs européennes
traditionnelles à quel point importantes et combien de fois trahies :
l'humilité et la responsabilité ». Nous avons sans doute tous un effort à faire
pour retrouver l'humilité, mais n'avons-nous pas, en réalité, un effort encore
plus grand à faire pour assumer nos responsabilités ?
Si l'on confronte les objectifs et les résultats, le bilan est positif. Et
l'absence d'accord sur la repondération des votes au Conseil a trop éclipsé
d'autres résultats non négligeables.
Ainsi, en ce qui concerne les relations entre l'Union et le citoyen, les
progrès dans le domaine des droits fondamentaux, les dispositions relatives à
l'emploi, l'intégration du protocole social, l'accent mis sur l'environnement,
le protocole sur la subsidiarité, le bilan est positif.
S'agissant de l'efficacité des dispositions sur l'emploi, les pragmatiques
joueront d'abord la carte des réseaux transeuropéens, bien évidemment créateurs
d'emplois, et les réalistes s'attacheront à mettre en synergie et à améliorer
les pratiques du dialogue social.
Pour préparer l'avenir, il nous faudra surtout nous mettre rapidement en ordre
de marche pour consolider à l'OMC la protection de notre modèle économique. Il
ne peut être question ni de baisser la garde devant les Américains ni de céder
devant le dumping économique ou social de pays moins développés. Il ne faut en
aucun cas renoncer à nos exigences sociales et environnementales.
S'agissant des deuxième et troisième piliers, l'objectif était de corriger les
insuffisances constatées lors de l'application du traité.
On est allé bien au-delà en communautarisant une partie du troisième pilier et
en intégrant les accords de Schengen. C'était indispensable pour obliger les
candidats à l'adhésion à considérer ceux-ci comme de l'« acquis » non
négociable.
Certes, cette avancée s'est produite au prix d'une différenciation au profit
de la Grande-Bretagne, du Danemark et de l'Irlande. Certes, le système sera
compliqué, mais il constitue une première application des coopérations
renforcées. Mon collègue M. Pierre Fauchon ayant insisté sur ce sujet ce matin,
je n'y reviendrai pas.
J'en viens donc à la politique étrangère et de sécurité commune. A ce sujet,
les modifications proposées témoignent d'une volonté d'améliorer la
situation.
Mais, si les innovations apportées rendent certaines avancées possibles, les
véritables progrès dépendront de l'utilisation qui sera faite des instruments
nouveaux, notamment des stratégies communes qui ouvrent la porte à la majorité
qualifiée. Beaucoup dépendra aussi de la capacité du nouveau secrétaire général
du Conseil à exercer une fonction éminente, celle de haut représentant pour la
PESC, fonction délicate et primordiale.
L'essentiel dépendra surtout, là aussi, de notre capacité à être humbles
devant les faits et l'histoire, mais aussi responsables devant l'avenir.
L'ensemble des efforts déployés pour rétablir la paix au Kosovo le
rappelle.
Nous devons plus généralement déplorer qu'en matière de défense, tout ou
presque reste à faire. Depuis l'échec de la CED, voilà quarante-cinq ans, nous
n'osons pas vraiment rouvrir le dossier.
L'élargissement actuel de l'OTAN à trois pays d'Europe centrale n'est pas non
plus, contrairement aux apparences, un succès pour l'Europe ; en revanche, à
l'évidence, c'en est un pour les Etats-Unis. En effet, ceux-ci y voient une
occasion de marquer à nouveau le primat d'une Alliance atlantique politique sur
une Union européenne économique et de consacrer le fait que, pour eux, la vraie
Europe est et doit rester atlantique et américaine.
Il est urgent de réaffirmer que, pour nous, au contraire, l'Union européenne
est l'autorité politique qui choisira sans doute, mais en pleine
responsabilité, l'appartenance à l'Alliance pour assumer sa défense et qui
pèsera alors d'un autre poids au sein de celle-ci.
Il ne s'agit pas de choisir l'une ou l'autre, c'est-à-dire l'Alliance ou
l'Union. Il n'est pas question de subordonner l'une à l'autre ; elles ne sont
pas de même nature. Nous voulons, pour notre part, une union politique
européenne, membre d'une Alliance atlantique.
Touchant trop peu aux institutions, le traité d'Amsterdam contribue
insuffisamment à faire avancer le débat sur le financement de l'Union.
L'ampleur du dossier de l'Agenda 2000 et les intérêts divergents des Etats
membres rendent les négociations difficiles. Chaque semaine, des voix
discordantes se font entendre sur tel ou tel aspect, conduisant certains à
douter de la possibilité de parvenir à un accord.
Nous sommes conscients de ces difficultés, mais refusant de céder au
pessimisme, nous pensons qu'il est possible de créer un cadre financier nouveau
permettant à l'Union d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés, sachant
que, dans la perspective de l'élargissement, la nécessité d'appliquer le
principe de subsidiarité ne peut plus relever de l'incantation.
Nous devons répondre à la question suivante : « quel budget pour construire
l'Union européenne ? ». Une approche politique de cette question s'impose en
tenant compte du fait que l'autorité budgétaire reste partagée entre les Etats
membres et l'Union européenne.
Je ne céderai pas à la tentation de revenir en détail sur cette question, dont
vous savez pourtant combien elle m'intéresse. Je me contente de vous renvoyer,
monsieur le ministre, mes chers collègues, à la résolution sur le financement
de l'Union que vient d'adopter la commission des finances puis, tacitement,
notre assemblée, puisqu'il n'a pas été demandé de débat en séance. Ce dernier
fait confirme à mes yeux une grande convergence de nos idées sur un dossier
capital pour l'avenir de l'Union.
Je ne pense d'ailleurs pas que nous soyons en grand désaccord avec vous,
monsieur le ministre, sur ce point. Mais notre assemblée est bien dans son rôle
en vous redisant solennement sa détermination à voir avancer rapidement et
substantiellement ce dossier.
J'indique simplement que la voie du « ravaudage » des actuelles contributions
des membres débouche sur une impasse. La généralisation du chèque britannique
serait la fin de l'Union.
La voie qui s'ouvre sur de nouvelles ressources propres est bien la seule
possible. Il faut l'explorer sans perdre de temps, car les investigations
seront longues avant que l'on puisse déboucher sur des faits concrets.
Il est d'autant plus important d'engager immédiatement une vraie réflexion sur
la liste et le contenu des politiques de l'Union que cette réflexion sur les
ressources propres de l'Union ne débouchera pas tout de suite. Par ailleurs, le
débat sur les contributions nettes, qui bafoue le principe de solidarité
financière, laisse songeur... Il est en tout cas tout sauf européen.
Il demeure que l'Union devra tôt ou tard disposer d'un vrai budget
c'est-à-dire non pas d'un important budget, mais d'un budget lisible, accepté
par les Européens, donc par les parlements nationaux, qui, pour l'instant,
votent les recettes sans avoir leur mot à dire concernant les dépenses.
Pour ce qui est du volet institutionnel, mon collègue Pierre Fauchon l'a déjà
évoqué. Je n'insisterai donc pas sur ce point, sauf pour parler de la
Commission.
Pour dépasser le débat sur l'organisation fédérale ou interétatique de
l'Union, il faut se souvenir d'abord que l'Europe s'est construite jusqu'ici en
s'enrichissant des apports de deux courants : l'institutionnel, plus latin, qui
inscrit dans le marbre et installe dans la durée, et le contractuel, plus
anglo-saxon, qui permet de vivre et d'agir au quotidien. Il fallait les deux
courants.
Notons aussi que la Commission n'a jamais été un secrétariat général du
Conseil et que son président n'a jamais eu la moindre autorité hiérarchique sur
les membres du Conseil.
Au contraire, la formule d'un Conseil réunissant les chefs d'Etat représentant
leurs pays respectifs et la Commission ayant vocation à porter les intérêts de
l'Union est originale et n'est pas vraiment fédérale.
Une structure analogue a d'ailleurs - est-ce vraiment un hasard ? - été
reprise par le système de banques centrales qui rassemble autour de la table
les présidents des banques centrales des Etats membres de l'Union monétaire et
le président de la Banque centrale européenne, qui a le même droit de parole
que les autres, pas plus !
Cela dit, on peut considérer comme fédéral un système dans lequel un transfert
de souveraineté ne peut se concevoir qu'assorti d'une réelle capacité à
décider.
C'est donc parce que nous considérons que, dans certains domaines limités, des
transferts de souveraineté se justifient et même s'imposent - c'est le cas de
la monnaie et ce peut l'être de la défense - c'est parce que nous voulons que,
précisément et surtout dans ces domaines, « cela marche », que nous demandons
des institutions adaptées et efficaces. Alors sans doute pourrons nous être
considérés comme fédéralistes.
Si nous tombons d'accord sur cette définition du fédéralisme, alors je crois
que nous sommes tous fédéralistes !
Aujourd'hui, les citoyens demandent du lisible, du clair, du simple, du
compréhensible. C'est l'un des grands défis que nous devons relever.
L'impératif d'efficacité concerne par ailleurs, au premier chef, les exécutifs
communautaires.
La Commission vient de réaffirmer, cette nuit même, son caractère collégial
mais, en matière d'homogénéité et d'efficacité, il reste des progrès à
faire.
Il faudra bien sûr briser le tabou du droit de chaque Etat membre à disposer
d'un commissaire. Il faut surtout profiter de la crise ouverte cette nuit pour
reprendre une réflexion sérieuse sur le rôle véritable et irremplaçable de la
Commission. Encore faut-il là aussi, là surtout, faire en sorte que « cela
marche ».
L'actualité nous rappelle que la construction européenne reste d'autant plus
exigeante qu'elle nous est précieuse.
Une rigueur absolue de tous les instants, sur tous les dossiers et à tous les
niveaux s'impose. Le moindre laxisme, la moindre erreur détournent les
Européens, non plus de la Commission, mais de l'Europe et nous risquons de
retrouver alors les critiques faciles et largement injustes sur une Union qui
ne générerait que des charges et des contraintes.
S'agissant de l'avenir à court terme de la Commission, monsieur le ministre,
nous allons devoir très vite opérer des choix, sous le regard attentif,
critique et intéressé de tous les Européens.
Accepter une situation transitoire, floue et durable serait une catastrophe
pour l'Europe. Cela donnerait raison à tous ceux qui préféreraient la voir se
défaire.
Au contraire, l'occasion nous est donnée aujourd'hui de poser une nouvelle
fois le problème de fond de la réforme des institutions et d'exprimer
immédiatement et à nouveau la volonté politique que cela marche tout de suite
et bien.
Nous devons saisir cette opportunité. Il nous faut très vite une nouvelle
commission, opérationnelle bien sûr, mais surtout, je reprends l'expression de
M. Vaclav Havel, « humble et responsable ».
Plus généralement, cherchons systématiquement, et dans tous les domaines, à
privilégier la solution qui construit le mieux l'Europe, celle qui lui permet
de se renforcer à l'intérieur et d'affirmer son identité dans le monde, celle
enfin en laquelle les citoyens se reconnaissent, celle qui permet à chacun tout
à la fois et naturellement d'être citoyen de sa ville, de conserver jalousement
et précieusement sa nationalité et de devenir vraiment européen.
Nous constaterons ainsi que, dans sa diversité, l'Union est d'abord riche de
ses hommes. Nous vérifierons ainsi que, si elle nous apporte une prospérité
incontestable et appréciée, elle nous apporte bien plus en rendant contagieuses
la paix, la liberté et la démocratie, et c'est là le plus grand service que
nous pourrons rendre aux Européens et au monde.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré les
imperfections du traité d'Amsterdam, les membres du groupe de l'Union centriste
voteront sa ratification, sans aucun état d'âme, plus que jamais forts de leur
détermination à poursuivre la construction européenne avec autant de rigueur
que de passion.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos
hésitations, qui se traduisent beaucoup plus par une perte de temps qu'elles ne
pèsent sur l'issue du débat quant à la ratification sur le traité d'Amsterdam,
mettent d'autant plus en valeur le courage des pères de l'Europe. Au-delà de la
référence historique, c'est leur conception de la politique qui doit servir
d'exemple.
On peut s'interroger : pourquoi la France est-elle le seul Etat de l'Union à
se poser encore la question de la ratification ?
M. Emmanuel Hamel.
Parce qu'elle est la France !
M. Aymeri de Montesquiou.
Est-ce de la désinvolture ? Est-ce parce que le Gouvernement considère que les
débats sur la parité et le PACS sont plus importants ?
En tout cas, cela donne des arguments aux eurosceptiques, et ce n'est pas
digne du rôle que la France a toujours joué comme pays initiateur d'avancées
majeures dans la construction européenne. Depuis le 2 octobre 1997, elle
réfléchit. C'est dire si elle aura pris la mesure de son engagement...
On peut remarquer, néanmoins, que la menace d'une non-ratification du traité
par la France n'a jamais été brandie par le Président de la République ou par
le Gouvernement lors des négociations sur l'Agenda 2000. C'est à son honneur,
car cela signifie que des négociations techniques et financières, bien que
déterminantes pour l'architecture des politiques communes jusqu'en 2006, ne
font pas partie du socle constitué par Rome, Maastricht, Amsterdam. C'est tout
à l'honneur de la France. Certes, mais il faut que le Gouvernement non
seulement montre de la pugnacité et de la détermination, mais aussi fasse
preuve d'imagination, car nous ne gagnerons pas dans un bras de fer lors de ces
négociations sur la réforme de la politique agricole commune.
Pourquoi donc ratifier ce traité controversé et critiqué, même par les
défenseurs les plus fervents de la construction européenne ?
Le président de la République rappelait, dans un message solennel délivré au
Parlement le mardi 2 mars, que « l'Europe est le fruit d'une nécessité, d'un
idéal et d'une volonté ».
Jusqu'ici, l'Europe s'est effectivement construite sur la nécessité
économique. D'une certaine manière, cette Europe trouve son aboutissement avec
l'Union monétaire. Elle trouve ainsi son aboutissement, mais aussi sa
limite.
Certes, l'euro constitue un formidable outil dont on ne mesure pas encore
toute la force. Il fera mentir le gouverneur Conolly, qui affirmait : « Le
dollar, c'est notre monnaie et c'est votre problème. » Il faut que, dorénavant,
cette contrevérité impérialiste apparaisse d'un autre âge. Mais il faut bien
avouer que l'euro ne fait pas rêver.
Je pense que ce fut un manque d'imagination, certainement un manque de
courage, et donc une erreur, de ne pas avoir décidé de faire coïncider le
lancement de l'euro avec un référendum sur le traité d'Amsterdam.
Européens de la majorité gouvernementale ou de l'opposition, nous avons manqué
d'audace, de sens politique, d'esprit de débat. Nous aurions pu démontrer
qu'Amsterdam s'inscrivait tout naturellement dans la logique des étapes
antérieures.
Nous aurions alors facilement expliqué que le traité d'Amsterdam était
déterminant pour la vie quotidienne des citoyens européens : sécurité
intérieure commune, politiques de l'emploi mieux coordonnées, affirmation des
droits de l'homme comme fondements de l'Union. Nous avons manqué de confiance
dans nos idées et dans le bon choix des citoyens.
En 1992, un référendum avait été organisé sur le traité de Maastricht, alors
que celui-ci comportait des dispositions techniques certainement éloignées des
préoccupations immédiates des citoyens, tels les critères de convergence. Je
suis donc de ceux qui regrettent que le peuple français n'ait pas été consulté
en 1999 sur un traité qui concerne beaucoup plus la vie quotidienne.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
En effet, avec le traité d'Amsterdam, on rend la « Maison Europe » habitable
pour le citoyen.
D'abord, il y aura davantage de transparence dans les relations avec
l'administration communautaire. Désormais, elle est soumise à des obligations
quant à ses relations avec les citoyens de l'Union. Ceux-ci ont, par exemple,
un droit d'accès aux documents des institutions et aux traitements des données
à caractère personnel.
Ensuite, il y aura davantage de sécurité : les questions liées à la libre
circulation des personnes, à l'asile et à l'immigration sont progressivement
communautarisées et la coopération policière et judiciaire est renforcée. Dans
un tout autre domaine, la sécurité alimentaire et sanitaire du consommateur
européen est systématiquement prise en compte.
En outre, il y aura davantage de social : une plus grande coordination des
politiques de l'emploi est recherchée.
Enfin, la mise en oeuvre du principe de subsidiarité, selon lequel « l'Europe
n'intervient que lorsque l'action envisagée peut être mieux réalisée au niveau
communautaire », est essentielle. Ce terme est pratiquement inconnu de la
plupart des citoyens alors qu'il leur est nécessaire pour se dégager des
contraintes administratives réelles ou imaginaires. Il permet aussi de
compenser l'éloignement des décisions que constituent le renforcement de la
PESC et la communautarisation progressive du troisième pilier.
Rappelons-le sans cesse aux citoyens : le traité d'Amsterdam comporte un
protocole annexé sur l'application de ce principe de subsidiarité et du
principe de proportionnalité « en vertu duquel l'action de la Communauté
n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du traité ».
Ces deux principes doivent être expliqués simplement et mis en oeuvre de
manière rigoureuse par les institutions, sous le regard vigilant de la France.
Ce sont les clefs de voûte de la communication entre l'Union et les citoyens.
Ceux-ci pourront se réapproprier des domaines dont ils ont l'impression qu'ils
leur échappent injustement et qui sont essentiels pour générer une adhésion,
voire un patriotisme européen. Ce sont des concepts dynamiques à mettre en
oeuvre. L'Europe apparaîtra alors comme protectrice et non contraignante, comme
l'était la patrie pour nos pères et comme la France devrait l'être pour
nous.
Sinon, comme le dit Paul Valéry dans
Regards sur le monde actuel,
«
l'Europe sera punie de sa politique ; elle sera privée de vins et de bière et
de liqueurs. Et d'autres choses... ». Monsieur le ministre, vous savez bien que
j'inclus dans ces autres choses les dates de clôture de la chasse aux oiseaux
migrateurs, qui doivent être fixées au niveau national.
Il faudra, pour appliquer ces deux principes, s'atteler à la tâche
indispensable qui consiste à distinguer entre les compétences exclusives et les
compétences partagées avec les Etats membres.
Il est donc proposé dans ce traité de nouveaux outils vers une Europe
politique. Si, comme cela est vraisemblable, le traité est ratifié, il nous
appartient d'offrir, dès à présent, une nouvelle dimension à l'Europe.
Dans ces lieux, nombre d'orateurs l'ont rappelé, M. Vacla Havel nous a donné,
voilà quinze jours, une formidable « leçon d'Europe » ; sans prétention, sans
concession non plus. Il est parvenu à nous redonner goût à un projet européen
ambitieux, que nous avions tendance à oublier, hypnotisés que nous sommes par
les contingences financières et endormis sous l'édredon de l'acquis.
Le Président de la République tchèque est venu nous dire son amour d'une
certaine Europe, une Europe généreuse, ouverte et non tentée par un repli
frileux sur elle-même ; une Europe qui ne soit pas seulement un nouveau bloc
d'Etats. Il nous a parlé d'une Europe placée sous les deux sceaux de l'humilité
et de la responsabilité.
Chers collègues, c'est de cette Europe-là dont nous devons parler à nos
électeurs, à tous les Français. La campagne des élections européennes sera une
occasion majeure de faire aimer l'Europe et, plus encore, la France dans
l'Europe.
M. Pierre Laffitte.
Bravo !
M. Aymeri de Montesquiou.
Saisissons l'heureux hasard du calendrier, d'une part pour expliquer aux
Français ce que le traité d'Amsterdam nous apportera concrètement - plus de
sécurité, une plus grande lutte contre les inégalités et les discriminations -
et, d'autre part, pour les écouter, puis leur proposer une vision européenne
ambitieuse.
Paul Valéry écrivait : dans le même recueil, « Toute politique implique, et
généralement ignore qu'elle implique, une certaine idée de l'homme, et même une
opinion sur le destin de l'espèce, toute une métaphysique qui va du sensualisme
le plus brut jusqu'à la mystique la plus osée ».
Il faut que la politique européenne que nous souhaitons sache, consciemment,
ce qu'elle veut faire du destin de l'homme.
L'Europe ne pourra pas se passer bien longtemps d'une constitution qui affirme
les fondements de son action, ses valeurs fondatrices de la démocratie, des
droits de l'homme, de la lutte sans réserve contre les discriminations
raciales, sexistes et religieuses.
L'Europe que nous voulons dessiner sera une Europe généreuse, sans
condescendance à l'égard des anciens pays de l'Est qui frappent à nos portes.
Et je me réjouis, à ce titre, que la délégation du Sénat pour l'Union
européenne ait décidé de suivre et d'accompagner la candidature de chaque Etat
postulant. C'est une occasion de dépasser les préjugés et de renforcer nos
liens avec les futurs Etats membres.
L'Europe que nous voulons dessiner, c'est aussi l'Europe de la paix et de la
prévention des conflits, dans laquelle notre continent est capable de prendre
en charge sa propre politique de défense, dans le respect des alliances, en
coopération avec les Etats-Unis, mais sans demander à chaque fois la permission
de ces derniers.
Maintenant que l'Europe économique et financière est réalisée, le citoyen, et
même l'homme dans toute sa dimension, doit être au coeur des priorités de
l'Union européenne.
Mon groupe, le Rassemblement démocratique et social européen, qui affirme son
engagement en faveur de l'Europe, votera, avec réalisme et par humanisme, le
projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam.
(Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je pourrais, au terme de ce débat, me contenter de remercier en
quelques mots les différents intervenants, puisque tous ont approuvé la
ratification du traité d'Amsterdam.
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Pardonnez-moi, c'est l'inconscient qui a parlé ! Mais c'est peut-être
justement parce que j'ai anticipé sur la suite de notre débat que j'ai commis
cette omission, que le groupe communiste républicain et citoyen, j'en suis sûr,
me pardonnera.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
On vous pardonne !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Avant de répondre aux différents orateurs,
permettez-moi d'intervenir sur l'événement qui a été commenté par chacun
d'entre vous, de façon bien légitime d'ailleurs, à savoir la démission
collective de la Commission. Il s'agit là d'un événement qui est important pour
l'Union européenne et dont nous devons tirer toutes les leçons.
En effet, en démissionnant, la Commission a marqué la fin d'une crise qui
était latente depuis plusieurs mois et qui aurait sans doute finalement abouti
à la censure par le Parlement européen. La Commission a donc démissionné, et
elle l'a fait dans des conditions de dignité qui méritent le respect.
Il faut peut-être rappeler ce qu'ont été les étapes de cette crise. Des faits
ont été découverts et allégués par la presse. Le Parlement européen a ensuite
eu un débat sur la censure, laquelle n'a pas été votée. Mais, à l'issue du
vote, dont les résultats étaient serrés et constituaient déjà un coup de
semonce, le Parlement européen, avec le plein accord de la Commission, a chargé
un comité d'experts indépendants d'enquêter sur les faits. La Commission s'est
totalement prêtée au jeu. Puis elle a tiré elle-même, cette nuit, les leçons
des résultats des travaux de ce comité d'experts indépendants en démissionnant
de façon collective.
C'est donc à l'issue d'un processus démocratique que la Commission a
démissionné et, je le répète, cela mérite, à mes yeux, le respect.
M. René-Georges Laurin.
Respect de la corruption !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Cette issue digne nous met toutefois dans une situation
inédite et imprévue.
Elle est inédite parce que, jamais, dans les annales de l'Union européenne,
une Commission n'avait été acculée à la démission. Elle est aussi imprévue
parce que le traité n'a tout simplement pas prévu le cas. Il contient bien un
article sur la censure, mais aucun article susceptible de régler la situation
née d'une démission en cours de route. Cela va nous obliger maintenant à
trouver une solution. Laquelle ?
En fait, deux solutions sont possibles. La première, c'est la nomination
immédiate d'une nouvelle Commission qui irait jusqu'à la fin de l'année. La
seconde consiste à attendre l'application du traité d'Amsterdam en confiant
l'exécution des affaires courantes à la présente Commission jusqu'à ce que le
Parlement européen nouvellement élu se saisisse de l'affaire.
Tout ce que je peux vous dire pour l'instant, à propos du communiqué commun du
Président de la République et du Premier ministre, c'est que le Conseil
européen de Berlin s'emparera de la question la semaine prochaine.
Dans quels termes ? Il reviendra aux chefs d'Etat et de Gouvernement de le
dire, de prendre leurs responsabilités. Toutefois, je peux d'ores et déjà vous
donner mon opinion personnelle : il serait préférable, me semble-t-il,
d'attendre le mois de juin que le nouveau Parlement, moins sensible à la fièvre
électorale, soit à même d'examiner sereinement les nominations relatives à la
nouvelle Commission, en respectant précisément les dispositions que nous nous
apprêtons à ratifier aujourd'hui, celles du traité d'Amsterdam. Si nous
n'attendons pas, je crains qu'en répondant en urgence à un problème réel la
crise ne suscite en Europe une situation de désordre à vrai dire assez
aléatoire.
Cela dit, je vous rassure, la crise ne met pas, comme j'ai pu le lire ou
l'entendre, les institutions européennes en panne ! D'abord, le Parlement
européen est là et il est solide. Ensuite, la Commission, dès lors qu'elle
exécute les affaires courantes, conserve ses pouvoirs de gestion. Enfin et
surtout, le Conseil européen s'emparera la semaine prochaine des sujets
importants que vous avez abordés, parmi lesquels Agenda 2000. Cela constitue
une pression supplémentaire sur le chemin de la réussite : il faut trouver une
solution à ces problèmes, qui, on le sait, sont extrêmement délicats.
Au-delà, cette crise aura été salutaire si nous sommes capables de rebondir et
de progresser dans la voie de la réforme des institutions, réforme que nous
souhaitons, que l'Assemblée nationale a approuvée en votant l'article 2 et que
le Sénat va, je crois, dans sa très grande majorité approuver à son tour. Si
cette crise peut nous permettre d'avoir des institutions plus efficaces, plus
démocratiques, plus transparentes, alors elle aura été utile et marquera une
nouvelle étape de la construction européenne.
Puisque j'en suis à la réforme des institutions, je répondrai d'abord - je
reviendrai ensuite aux propos du rapporteur, qui me le pardonnera - à Michel
Barnier, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Je
partage un grand nombre de ses analyses ; il n'en sera pas surpris.
Je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, sur la crise de la
Commission, sur le manque de collégialité qui en est à l'origine et sur les
réponses qu'il faut y apporter.
En 1994, j'étais parlementaire européen et je me souviens que, de fait, cette
Commission est mal née. Elle a en effet été approuvée à une majorité
extrêmement faible, ce qui n'aurait pas dû se produire au sein du Parlement
européen de l'époque. C'est en fait à ce moment-là qu'est née la crise de
légitimité, qui n'a jamais cessé.
Vous avez mis en avant une série de réformes institutionnelles que j'approuve.
Effectivement, nous devrons répondre rapidement, sous la présidence française
en l'an 2000, aux trois questions qui sont restées sur la table après
Amsterdam. J'évoquerai d'abord celle du format de la Commission, c'est-à-dire
de son organisation, celle de sa meilleure hiérarchisation et celle du
renforcement de sa collégialité.
Avec les nominations de la nouvelle Commission, il faudra apporter une réponse
appropriée en rendant cette Commission plus forte et non pas plus faible.
Nous avons besoin d'une Commission forte. Je ne partage pas la thèse de ceux
qui pensent qu'il serait nécessaire de recentrer la Commission. Il ne faudrait
surtout pas l'affaiblir ni la rendre, dans les circonstances actuelles, plus
soumise au Parlement européen ou à d'autres instances. Elle doit continuer à
jouer son rôle et, plus elle sera forte, plus elle sera responsable !
Vous avez évoqué les deux autres réformes indispensables. Je pense toutefois
que la repondération des voix n'est légitime que si l'on propose des avancées
décisives en matière d'extension du vote à la majorité qualifiée, que, pour ma
part, je placerai avant, la repondération des voix n'étant que la conséquence
de l'extension du vote à la majorité qualifiée.
Voilà pour les trois questions restées ouvertes à Amsterdam.
Vous avez mis en avant une critique qu'en revanche je ne partage pas. « Le
traité d'Amsterdam a été signé par une majorité de gouvernements socialistes »,
avez-vous dit.
M. Michel Barnier.
Ce n'est pas une critique, c'est une constatation !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
C'est une constatation,
mais devrais-je vous rappeler - bien que je n'aie pas l'habitude de faire de
polémique dans cette assemblée - qu'à l'époque, le gouvernement de Tony Blair
avait un mois et le Gouvernement auquel j'appartiens dix jours ! Il est clair
que nous n'avons pas pu peser sur des décisions qui avaient été, pour
l'essentiel, quand même entérinées lors d'un Conseil européen informel quelques
semaines auparavant. Mais ce n'est qu'un point de détail.
Je peux toutefois témoigner personnellement du fait qu'à Amsterdam ce sont au
moins autant Helmut Kohl et José-Maria Aznar - ils n'appartiennent pas vraiment
à la famille socialiste et socio-démocrate ! - qui n'ont pas permis l'accord
que vous et moi aurions souhaité comme tel ou tel chef de gouvernement
socialiste. Mais cet aspect, après tout, est anecdotique et il appartient au
passé !
Vous avez proposé d'aller plus loin en matière de réformes institutionnelles,
et je vous suis sur ce point. Il faut effectivement envisager une autre forme
de nomination du président du Conseil européen, qui puisse lui donner une durée
plus grande et, donc, une légitimité plus forte. Je pense comme vous, et je ne
plaide pas
pro domo
, je veux dire pour la maison que nous avons occupée
l'un et l'autre, le ministère des affaires européennes : il faudra réformer le
conseil affaires générales et placer, au sein de chaque gouvernement, un
ministre des affaires européennes auprès du Premier ministre parce que, comme
vous l'avez fort bien souligné, il s'agit non plus de politique étrangère mais
de plus en plus de politique intérieure et que les ministres des affaires
étrangères, qui ont une vision globale et un poids politique n'ont plus, compte
tenu des multiples tâches qu'ils ont à assumer, la possibilité matérielle de
suivre d'aussi près des dossiers d'une très grande complexité. Voilà pourquoi
la présidence française peut se fixer la belle ambition, qui est la vôtre et
qui a été reprise par plusieurs orateurs, d'une grande réforme des institutions
européennes.
Au demeurant, je voudrais apporter un petit bémol à votre propos. Nous ne
devons pas, semble-t-il, charger la barque au risque d'avoir une conférence
intergouvernementale fourre-tout, une de plus, qui reproduirait les défauts de
la précédente. C'est pourquoi, à titre personnel, je serais assez partisan de
donner un mandat étendu à un comité de sages ou à une personnalité pour balayer
toutes ces questions, les unes devant trouver des solutions dans les traités,
les autres des réponses simples et pratiques sans modification des traités. On
pourrait ainsi laisser la conférence intergouvernementale, sous présidence
française, se concentrer sur les trois reliquats du traité d'Amsterdam. Cette
méthode est peut-être peu ambitieuse mais elle me semble plus sûre, surtout si
nous voulons répondre à la demande des pays candidats à l'élargissement, qui a
été relayée quasiment sur toutes les travées et que nous devons prendre en
compte.
Si le Sénat vote - ce qu'il va faire, j'en suis sûr - l'article 2 du projet de
loi, ce sera reconnaître la nécessité d'une réforme institutionnelle préalable
à l'élargissement tout en manifestant la volonté de procéder rapidement à cet
élargissement et donc d'engager encore plus rapidement des réformes
institutionnelles.
J'en viens aux observations de M. de Villepin, dont je partage très largement
les conclusions.
Tout d'abord, je souhaite vous faire part, monsieur le sénateur, de l'état des
discussions avec l'Allemagne sur cette question institutionnelle.
Un accord se dégage sur les points qui doivent être étudiés. Il s'agit pour
l'essentiel, je le répète, des trois reliquats d'Amsterdam.
Un consensus apparaît aussi sur la méthode. A Cologne, la présidence allemande
proposera les modalités et le calendrier d'une réforme institutionnelle. Il lui
appartiendra de choisir entre les trois formules que j'ai citées ou d'autres
encore : soit des représentants personnels, soit une personnalité, soit un
comité de sages. Je pense que, comme nous, elle est plutôt favorable à l'une
des deux dernières formules. Mais il est important que nous soyons d'accord sur
le calendrier. Or ce point fait l'unanimité au sein de l'Union européenne. Tout
le monde s'accorde à reconnaître que la France, par son rôle, par sa force, par
sa voix, par son intérêt pour la question est sans doute la mieux placée pour
la traiter en l'an 2000.
L'Allemagne est donc d'accord pour que les réformes institutionnelles soient
conclues sous présidence française. Elle nous y aidera, comme nous allons
l'aider à réussir l'Agenda 2000 et, plus globalement, sa présidence.
Monsieur le rapporteur, vous avez formulé deux critiques à propos de la
justice et des affaires intérieures.
L'accord de Schengen, intégré désormais dans le traité, devient une
coopération renforcée. Pour ma part, je crois que l'on ne peut pas s'étonner du
fait que certains pays - je pense à la Grande-Bretagne et à l'Irlande - restent
en partie en dehors. Mais ces pays, notamment la Grande-Bretagne, il faut le
rappeler, se rapprochent à grands pas des autres Etats membres, ces dernières
semaines. Ils envisagent la reprise d'une grande partie de l'acquis Schengen.
C'est pourquoi j'espère que votre observation perdra petit à petit de son
opportunité.
Si la coopération judiciaire civile a été communautarisée, ce qui permet un
recours possible à la majorité qualifiée, un consensus s'est fait jour à
Amsterdam entre les Etats membres pour penser qu'il était impossible d'aller
aussi loin sur les questions sensibles comme la coopération judiciaire pénale.
Celle-ci pourra néanmoins recourir aux instruments prévus par le troisième
pilier rénové ; je pense à l'entrée en vigueur des conventions de manière
anticipée et aux décisions-cadres, qui sont proches des directives.
Vous m'avez interrogé par ailleurs sur le partage des dispositions de Schengen
entre les premier et troisième piliers.
Comment a-t-on procédé ?
D'abord, on a effectué un recensement de l'acquis, qui, vous le savez,
comporte les dispositions de la convention, d'une part, le droit dérivé,
c'est-à-dire les décisions du comité exécutif, où, pour le moment je représente
la France - ce ne sera pas le même cas de figure après l'entrée en vigueur du
traité d'Amsterdam - d'autre part.
Ensuite, on a procédé, selon la teneur des dispositions et du droit dérivé à
leur ventilation entre le premier et le troisième pilier, conformément au
partage opéré par Amsterdam. Des discussions ont été engagées, chaque point a
été examiné dans le détail, tout le monde a pu donner son point de vue.
Aujourd'hui, même si deux points restent en suspens, aucun problème
particulier ne semble se poser.
Pour ce qui est de la clause de sauvegarde, nous pensons qu'il faut la mettre
dans le premier pilier puisqu'il y en a une dans le troisième pilier, à
l'article K. 7. De cette façon, il y en aura une dans chaque pilier, ce qui, me
semble-t-il, est de nature a rassurer tous ceux qui pourraient s'inquiéter. De
toute façon, la Cour de justice des Communautés n'exercera ses compétences que
de façon limitée sur cette disposition.
S'agissant du système d'information Schengen, vous le savez, le France plaide
pour qu'on le laisse dans le troisième pilier.
En ce qui concerne l'harmonisation fiscale, je vous rappelle, ce que vous
savez fort bien, que le Gouvernement, avec, je crois, l'approbation de M. le
Président de la République, défend le principe de la majorité qualifiée en la
matière. C'est une position à laquelle s'est rallié, j'insiste sur ce mot, le
nouveau gouvernement allemand, ce qui prouve que les évolutions vont dans la
bonne direction.
A M. Durand-Chastel, je dirai que j'ai apprécié la tonalité à la fois
volontariste et pragmatique de son discours. Je ne reviendrai que sur un
point.
Il propose d'élargir les pouvoirs du Parlement européen au détriment de ceux
de la Commission pour rééquilibrer les pouvoirs de l'exécutif et du
législatif.
Pour ma part, j'aurais tendance à rappeler également le rôle très important du
Conseil, qui a toute sa place, et sans doute la première, dans le dispositif.
On peut vouloir une Europe fédérale, mais elle repose encore et reposera
longtemps sur un dispositif de coopérations entre des gouvernements.
Mme Bidard-Reydet s'est inscrite à sa façon dans la ligne du parti communiste,
ligne euro-constructive, sur laquelle je reviendrai plus tard. J'ai déjà eu
l'occasion de répondre sur ce point à M. Hue, à l'Assemblée nationale.
Madame le sénateur, vous avez dit que les lignes directrices pour l'emploi
n'avaient pas la même force que les règles présidant à l'Union économique et
monétaire. Il est vrai qu'il n'y a pas de sanction financière à ces critères.
La logique financière reste donc seule à l'oeuvre. Mais je crois qu'il faut non
seulement souligner les insuffisances du traité en la matière mais aussi aller
plus loin, y compris en matière sociale et en matière d'emploi.
Pour ma part, je reste absolument convaincu que, tous ensemble, nous avons
commencé à réorienter la construction européenne. A Amsterdam, nous avons à la
fois adopté un traité, mais aussi mis en place une résolution qui a ensuite
donné naissance au Sommet européen de Luxembourg, aux lignes directrices pour
l'emploi et qui donnera naissance, demain, au pacte européen pour l'emploi.
C'est dans ce sens que nous devons aller et, à cet égard, je ferai volontiers
écho à certaines des priorités que vous avez avancées en matière économique et
sociale - les droits des travailleurs, la réduction de la durée du travail, la
promotion des services publics - dont le traité d'Amsterdam, pour la première
fois, reconnaît la légitimité et le rôle pour la cohésion sociale et
territoriale de l'Union.
Vous avez insisté sur la domination des Etats-Unis sur l'Europe à travers
l'OTAN. Faut-il pour autant ne rien faire ? Mon sentiment est que nous devons,
au contraire, avancer vers une défense européenne, et je pense que ce n'est pas
l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, qui peut
être la réponse la plus efficace. Il faut s'orienter, comme cela était
d'ailleurs proposé à Amsterdam, vers la fusion de l'Union de l'Europe
occidentale, l'UEO, et de l'Union européenne et pouvoir ensuite disposer de
façon concrète et pratique des moyens opérationnels de l'OTAN.
La mondialisation de l'économie est une réalité. On ne peut que la constater.
Mais, face à cette réalité, l'Europe doit apporter des réponses dignes des
valeurs qui la fondent. Tel est le sens de l'Europe que nous appelons de nos
voeux.
Il me semble que le traité d'Amsterdam apporte certaines réponses face à une
conception qui, jusqu'à présent, a été trop monétariste et trop financière.
Même si nous savons que l'Union européenne est un paquebot qui ne bouge pas
rapidement, dont les inflexions sont lentes, j'ai, pour ma part, la conviction
qu'elle est aujourd'hui en marche.
Claude Estier a employé une formule à laquelle je souscris, à savoir que le
traité d'Asmterdam était non pas un traité fondateur mais un traité
régénérateur. Je me réjouis de noter que les points que vous relevez comme
positifs, monsieur le sénateur, sont ceux qui, à mon sens, font d'Amsterdam une
étape utile, qui contient beaucoup de potentialités, notamment en matière
d'emploi et dans le domaine social.
Je suis d'accord aussi sur les insuffisances que vous avez soulignées, et, je
l'ai dit, nous travaillons à les corriger le plus vite et le mieux possible. En
matière de réforme institutionnelle en particulier, je veux manifester mon
accord avec l'importance que vous avez accordée à la question de la majorité
qualifiée. Comme vous, je pense que c'est un gage d'efficacité et que ce
système sera favorable à un pays comme la France, qui a adopté une démarche
volontariste. C'est pourquoi nous devons résolument nous inscrire dans cette
perspective. Ainsi, nous devons affirmer sans timidité qu'un sujet tel que la
fiscalité peut se prêter au vote à la majorité qualifiée.
L'intervention qu'a prononcée M. Fauchon se situe naturellement dans la droite
ligne du rapport très détaillé qu'il a effectué sur la révision
constitutionnelle. Son analyse est tout à fait pertinente.
Je ne reviendrai que sur certains points qui font écho à des thèmes
d'actualité. Je pense en particulier à son interrogation sur la censure que le
Parlement peut voter à l'encontre d'une commission, qui constitue elle-même un
exécutif d'une nature particulière.
Je rappellerai qu'il faudrait aller plus loin dans la cohérence du système :
je pense à la proposition de M. Jacques Delors sur le choix du président de la
Commission. Il faut en effet clarifier les choses, faciliter l'identification
du pouvoir politique au sein des institutions européennes : comment instaurer
un pouvoir de censure illimité sans prévoir en contrepartie une sorte de droit
de dissolution ?
A cet égard, il me semble que M. Fauchon a soulevé une véritable
interrogation, qui méritera de la part du Sénat une réflexion approfondie.
M. Bordas a souligné que ce traité était insuffisant mais non négligeable.
C'est vrai. Nous avons raison de dire qu'il faut le considérer pour ce qu'il
est et non pour ce qu'il devrait ou aurait dû être.
M. Bordas a rappelé l'enjeu majeur qui se pose pour le Parlement à l'occasion
de cette ratification. Ce n'est pas l'extension de l'article qui importe en
elle-même, c'est la valeur qui sera accordée par le Gouvernement aux
résolutions qui seront votées dans le cadre de l'article 88-4 de la
Constitution.
De ce point de vue, je veux rassurer le Sénat et plusieurs intervenants qui se
sont plaints de l'insuffisance des réformes qui ont été votées dans le cadre de
l'article 88-4 de la Constitution. Il est évident qu'interviendra dans cinq ans
sur la partie communautarisée du troisième pilier, un vote dont le sens
politique sera fort. Je ne sais si c'est le présent gouvernement ou un autre
qui sera en place à ce moment-là - ce sera peut-être le même avec quelques
différences, nous verrons - mais ce n'est pas l'important. Ce qui est clair,
c'est que sera votée une résolution qui aura un contenu politique extrêmement
fort.
M. Jean-Pierre Fourcade s'est félicité, pour sa part, des avancées en matière
d'immigration. Il a indiqué sa préférence, soulignant qu'il serait cohérent,
dans cinq ans, d'aller vers la majorité qualifiée. Puisque nous sommes en
dehors du débat de la révision constitutionnelle et que nous nous plaçons non
pas uniquement sur le plan des principes mais sur le plan de la réalité, je
dois dire que vous avez raison, monsieur le sénateur, et que, le moment venu,
il faudra parachever cette communautarisation, et ce dans la logique même du
traité d'Amsterdam.
Vous m'avez interrogé par ailleurs, monsieur le sénateur, sur les initiatives
que pourrait prendre la France, sous sa présidence, pour tirer les conséquences
du passage à l'euro. Nous serons à un moment où les dispositions prévues dans
le cadre de l'euro auront atteint leur maturité et nous pourrons aborder la
mise en place généralisée de l'euro à l'horizon 2002, dans de bonnes ou de très
bonnes conditions.
M. Vinçon voit dans les dispositions relatives à la PESC une des raisons
majeures de ratifier ce traité. Il est clair, en effet, qu'il s'agit d'avancées
concrètes importantes, et certains de nos partenaires souhaiteraient déjà les
mettre en oeuvre : je pense à la déclaration franco-britannique de Saint-Malo,
à laquelle les Allemands, mais aussi les Néerlandais, souhaitent maintenant
s'associer.
Cependant, l'actualité nous montre aussi l'urgence qu'il y a à donner à
l'Europe un visage et une voix. C'est pourquoi la nomination de M. ou Mme PESC,
en juin, sera si importante.
Vous avez insisté, monsieur le sénateur, sur le fait que la qualification de
la France à l'euro devait beaucoup à la bonne gestion du gouvernement Juppé.
Pourquoi pas ? Mais les mérites en la matière sont largement partagés ; c'est
le moins que l'on puisse dire.
Je rappellerai simplement les conditions dans lesquelles s'est opérée, à
l'époque, la dissolution de l'Assemblée nationale et le fait que la France, à
l'époque, ne remplissait pas les critères de Maastricht. Mais peu importe !
C'est dans la continuité de l'action des différents gouvernements que nous
avons pu réaliser la présente avancée.
Mme Dieulangard a parfaitement rappelé en quoi le traité d'Amsterdam permet
des avancées. Nous en voyons déjà les effets. Après elle, je soulignerai que
nous souhaitons, à travers le pacte européen pour l'emploi, faciliter,
accélérer, renforcer la mise en place des actions dans le domaine social et,
d'abord, dans le domaine de l'emploi, à propos duquel elle a fait toute une
série d'observations pertinentes.
M. Badré a procédé à une analyse des forces et des faiblesses du traité
d'Amsterdam ; c'est une analyse que je partage. Bien entendu, cela mériterait
un débat, mais le temps dont nous disposons aujourd'hui ne nous permet
malheureusement pas de le mener.
Evoquant la fédéralisme, monsieur Badré, vous avez souhaité un vrai budget, de
vraies ressources propres, des transferts de souveraineté sur des points
forts.
Il est certain que l'Europe contient des éléments fédéraux. Comment nier que
l'euro en est un ? Comment nier que la défense que nous voulons bâtir ne peut
avoir d'inspiration que fédérale ? La monnaie et la défense sont deux points
importants dans une fédération. J'ai cependant le sentiment que, à la fois dans
son équilibre institutionnel et dans une série d'autres domaines - je pense à
la justice, au budget - l'Europe n'est pas, aujourd'hui, une fédération.
C'est pourquoi je reste attaché à la formule de Jacques Delors : l'Europe est
une fédération d'Etats-nations, formule dont on a pu dire qu'elle était
contradictoire dans les termes mais qui souligne bien, à côté de l'existence
d'éléments fédéraux, l'importance des nations.
Enfin, M. de Montesquiou s'est interrogé sur le retard mis par la France pour
ratifier le traité et il a regretté l'absence de référendum.
On peut, certes, s'étonner que nous soyons les derniers à ratifier, mais
n'oublions pas que les Néerlandais, les Belges et les Grecs n'ont eux-mêmes
procédé à cette ratification qu'assez récemment ; cela signifie que nous ne
nous sommes pas véritablement laissé distancer par nos partenaires.
En tout état de cause, nous sommes dans les temps pour l'application du
traité.
Au demeurant, nous connaissons les causes de ce retard. Pour ne pas évoquer
celles qui sont plus subjectives, j'en citerai une, qui est objective : la
nécessité devant laquelle nous nous trouvions de réviser préalablement la
Constitution.
S'agissant du référendum, je considère qu'il serait tout à fait légitime de
consulter le peuple sur la construction européenne. Cela a d'ailleurs été fait
à propos du traité de Maastricht.
Cependant, pour qu'un référendum soit réussi, il faut définir une question
claire, à laquelle on puisse répondre par « oui » ou par « non », et dont les
enjeux apparaissent distinctement à l'opinion. Or il ne me semble pas que ce
traité, si complexe, abordant des sujets très divers, pouvait donner lieu à une
question simple.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud.
C'était la même chose avec le traité de Maastricht !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
J'approuve donc pleinement le choix qui a été fait par
le Président de la République, en accord avec le Gouvernement, de faire
procéder à la révision, puis à la ratification par la voie parlementaire.
Cela a d'ailleurs permis au Parlement - et ce sera ma conclusion - de procéder
à un ajout que lui seul pouvait décider : je veux parler de l'article 2, qui a
été élaboré en concertation avec votre commission des affaires étrangères. J'y
vois la marque d'une détermination forte de l'Assemblée nationale et du Sénat,
qui constituera pour le gouvernement actuel et pour ses successeurs une
contrainte politique importante. Il ne s'agit pas d'une déclaration d'intention
pure et simple ; c'est une déclaration politique qui engage à la fois le
Parlement et le Gouvernement.
C'est pourquoi, après ce débat très constructif, j'attends avec confiance un
vote d'une très grande clarté, susceptible de rivaliser par son ampleur avec
celui de l'Assemblée nationale, ce qui doit être l'ambition constante de la
Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du RDSE.)
(M. Christian Poncelet remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité