Séance du 4 mars 1999







M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Une récente condamnation concernant un fournisseur d'hébergement est-elle un nouveau signe de la fin de l'Internet non marchand, et se dirige-t-on vers une régulation des contenus ?
Cette affaire a donné lieu à une mobilisation sans précédent des internautes, qui y voient une réduction de ce champ d'expression extraordinaire que constitue l'Internet et une atteinte à la liberté d'expression.
Dans les pays anglo-saxons ou en Espagne, par exemple, jusqu'à présent, les hébergeurs n'ont pas été inquiétés pour la diffusion des contenus. C'est pourquoi bon nombre de sites français préfèrent s'installer dans ces pays.
Il convient, dans l'intérêt de tous les acteurs de l'Internet, que la question de la responsabilité de l'information véhiculée soit posée.
Doit-on transposer le droit de la presse et de la communication audiovisuelle, ou faut-il imaginer un nouveau droit de l'Internet, totalement illusoire dans un contexte mondial ? C'est comme si l'on interdisait au nuage de Tchernobyl de passer au-dessus de la France !
Il est techniquement impossible à un hébergeur de contrôler quotidiennement le contenu des sites qu'il met en ligne. Il apparaît donc choquant qu'il puisse être tenu pour responsable alors qu'il conviendrait d'abord de rechercher la responsabilité des auteurs de sites.
Est-il exact qu'une directive européenne est en préparation pour régler ce problème ? En attendant, quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter que seuls les fournisseurs ne soient tenus pour responsables de contenus dont ils ne sont pas les auteurs et qu'ils n'ont pas matériellement les moyens de contrôler ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous posez une question extrêmement importante, puisque Internet est une liberté nouvelle, qui se développe à l'échelle mondiale.
Face à cette liberté d'expression nouvelle, il faut se demander quelle peut être la mise en jeu de la responsabilité des différents intervenants par rapport à des actes illégaux qui pourraient concerner le terrorisme, l'appel au meurtre, la pédophilie, la pornographie, etc.
Evidemment, ce n'est pas simple. D'abord, il faut qu'au niveau national nous déterminions précisément qui est responsable. Ce n'est certainement pas au premier chef l'hébergeur, puisqu'il ne fournit que l'accès à un réseau. C'est donc l'émetteur des images illégales, sauf si l'hébergeur a été complice dans la fourniture de ces images ou s'il n'a pas fait toutes les diligences nécessaires pour éviter que ces images, alors qu'il en connaissait le caractère illégal, puissent être diffusées sur le réseau.
Le droit relatif à cette expression nouvelle est, il est vrai, en cours de construction.
Sur le plan national, les différents ministères concernés font un travail approfondi pour savoir si, en effet, il est nécessaire de compléter la législation pour répondre aux nouvelles questions qui nous sont ainsi posées.
Mais on ne peut, bien sûr, s'en tenir, en ce domaine, à une législation nationale. C'est au niveau européen, voire mondial, que nous devons avoir les mêmes pratiques, les mêmes approches. De ce point de vue, des travaux sont en cours aussi bien au sein de l'Union européenne qu'au sein du groupe des Huit, qui se préoccupe plus particulièrement de ces questions en liaison avec la lutte contre le terrorisme.
Voilà ce que je peux dire en l'instant. Le Gouvernement est extrêmement vigilant, et nous aurons certainement l'occasion, très bientôt, d'informer la représentation nationale sur les progrès qui peuvent être réalisés en la matière. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. A ce propos, j'indique que le Sénat accueillera dans l'hémicycle, les 19 et 20 mars prochains, la fête de l'Internet. Nous confirmerons ainsi que les « archaïques » sont à la pointe du progrès !
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)