Séance du 4 mars 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Egalité entre les femmes et les hommes.
- Discussion d'un projet de loi constitutionnelle en deuxième lecture (p.
1
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; MM. le président, Guy Cabanel, rapporteur de la commission des lois ;
MM. Jean-Michel Baylet, Josselin de Rohan, Mmes Odette Terrade, Dinah Derycke,
MM. Philippe Richert, Paul Girod.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
M. Patrice Gélard, Mme Danièle Pourtaud, MM. Pierre Fauchon, Philippe Adnot.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance (p. 2 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
3. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 3 ).
GRATUITÉ DES SECOURS EN MONTAGNE (p. 4 )
MM. André Vallet, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
AVENIR DE L'AGENCE FRANCE-PRESSE (p. 5 )
MM. Ivan Renar, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
RÈGLEMENT DE LA CRISE DU KOSOVO (p. 6 )
MM. Daniel Hoeffel, Alain Richard, ministre de la défense.
COMPORTEMENTS À RISQUES
EN MONTAGNE ET EN MER (p.
7
)
MM. James Bordas, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
RÈGLEMENT DE LA CRISE DU KOSOVO (p. 8 )
Mme Josette Durrieu, M. Alain Richard, ministre de la défense.
POLITIQUE NUCLÉAIRE DE LA FRANCE (p. 9 )
MM. Charles Descours, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
SUITES DES ASSISES DE LA VIE ASSOCIATIVE (p. 10 )
M. Serge Lagauche, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.
CALENDRIER D'EXAMEN
DES TEXTES RÉFORMANT LA JUSTICE (p.
11
)
M. Alain Vasselle, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
CHAMBRES FUNÉRAIRES EN MILIEU RURAL (p. 12 )
MM. René-Pierre Signé, Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
DÉPÉNALISATION DES DROGUES DOUCES (p. 13 )
MM. Louis Althapé, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
RESPONSABILITÉ DES FOURNISSEURS
D'ACCÈS À INTERNET (p.
14
)
M. Pierre Hérisson, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 15 )
4.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
16
).
5.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
17
).
6.
Egalité entre les femmes et les hommes.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi constitutionnelle en
deuxième lecture (p.
18
).
Mmes Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; Nicole Péry,
secrétaire d'Etat au droits des femmes et à la formation professionnelle.
Article unique (p. 19 )
Amendements n°s 3 de M. Girod et 1
(priorité)
de la commission. - MM.
Jacques Larché, président de la commission des lois ; Guy Cabanel, rapporteur
de la commission des lois ; Paul Girod, Mmes le garde des sceaux, Hélène Luc,
MM. Alain Vasselle, Paul Girod, Jean-Pierre Fourcade, Mme Dinah Derycke, M.
Emmanuel Hamel. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement n°
1, l'amendement n° 3 devenant sans objet.
Adoption de l'article unique modifié.
Article additionnel après l'article unique (p. 20 )
Amendement n° 2 de la commission et sous-amendement n° 4 de M. Chérioux. - M.
le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Jean Chérioux, Alain Vasselle,
Lucien Neuwirth, Robert Bret, Mme Marie-Claude Beaudeau. - Adoption du
sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
MM. André Diligent, le président.
Vote sur l'ensemble (p. 21 )
Mme Annick Bocandé, MM. Claude Estier, Jean-Luc Mélenchon, Mme Nicole Borvo,
MM. Robert Badinter, Henri de Raincourt, Pierre Fauchon, Philippe Marini, le
rapporteur.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi constitutionnelle.
M. le président, Mme le garde des sceaux.
7.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
22
).
8.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
23
).
9.
Dépôt d'une proposition de résolution
(p.
24
).
10.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
25
).
11.
Dépôt d'un rapport
(p.
26
).
12.
Ordre du jour
(p.
27
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
présidence de m. christian poncelet
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures cinq.)
1
procès verbal
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
égalité entre les femmes
et les hommes
Discussion d'un projet de loi constitutionnelle
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi
constitutionnelle (n° 228, 1998-1999), adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'égalité entre les femmes
et les hommes. (Rapport n° 247 [1998-1999]).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le 16 février dernier, lors de la seconde
lecture du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égal accès des femmes et
des hommes aux mandats et aux fonctions, l'Assemblée nationale a rétabli le
texte qu'elle avait voté une première fois à l'unanimité de tous les groupes
politiques.
C'est une nouvelle fois à l'unanimité, moins deux voix, que l'Assemblée
nationale a choisi d'inscrire à l'article 3 de la Constitution le texte selon
lequel « la loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions
électives ».
En faisant ce choix, l'Assemblée nationale n'a pas retenu la rédaction de la
Haute Assemblée qui s'était prononcée en faveur d'une modification du seul
article 4 de la Constitution.
M. Pierre Fauchon.
Elle avait raison !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je l'ai dit avec netteté devant l'Assemblée nationale
le 16 février dernier, et je le redis ici devant vous : le choix et les raisons
du Sénat sont respectables.
M. Pierre Fauchon.
Ah !...
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Et comme l'a fait très justement remarquer Mme
Catherine Tasca, la présidente de la commission des lois de l'Assemblée
nationale, l'analyse et les arguments de votre assemblée ne doivent pas
conduire à un débat sur le Sénat lui-même, sujet sans lien avec le projet de
loi constitutionnelle que nous discutons aujourd'hui.
MM. Pierre Fauchon et Josselin de Rohan.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je voudrais aujourd'hui me concentrer sur l'essentiel,
d'abord parce que beaucoup d'arguments ont déjà été échangés, ensuite parce
qu'il ne me paraît pas justifié de susciter des oppositions factices entre les
deux assemblées.
MM. Marcel Charmant et Roland Courteau.
Très bien !
M. Philippe Richert.
A qui la faute ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Eloignons-nous d'abord des débats futiles ou
scolastiques ! Que veulent faire le Président de la République et le
Gouvernement de cette révision constitutionnelle ?
M. Pierre Fauchon.
Et le législatif ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Nous cherchons à atteindre un objectif pragmatique et
non pas idéologique.
Notre pays, la France, est aujourd'hui la honte de l'Europe en matière de
représentation politique des femmes. Cinquante-cinq ans de droit de vote et
trente ans de lutte des femmes n'ont rien changé à cette situation.
M. Roland Courteau.
Hélas !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Nous avons le devoir de changer cet état de choses.
Comme l'a dit justement l'historienne Michelle Perrot dans une chronique : «
Les femmes, qui sont aujourd'hui les égales des hommes en instruction,
qualification, capacités, autonomie sexuelle, voire, à un moindre degré, effet
économique, continuent à être absentes de la décision politique parce que la
vie politique s'est construite comme un club masculin où elles demeurent des
intruses ».
Certains pensent qu'il conviendrait de laisser faire le temps ou la nature des
choses. Et qui n'aurait pas préféré que le changement se fasse tout seul ?
Mmes Hélène Luc et Odette Terrade.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Qui n'aurait pas préféré que les esprits évoluent pour
que les femmes soient naturellement à égalité avec les hommes dans nos
assemblées représentatives ? Qui ne se serait pas réjoui que les barrières
aujourd'hui encore trop visibles s'effacent d'elles-mêmes grâce à l'évolution
des moeurs et des pratiques ?
Nous avons été nombreuses - et j'ai été de celles-là - à espérer pendant des
années que la volonté et le militantisme finiraient par bousculer les préjugés.
Mais nous en sommes aujourd'hui au même point qu'il y a cinquante ans lorsque
le droit de vote a été accordé aux femmes : la représentation des femmes dans
nos assemblées n'a pratiquement pas augmenté depuis 1944.
C'est pour cela que, lasse de plaider et d'espérer en la bonne volonté des
partis politiques, les femmes se sont ralliées à la parité.
Ce sont les batailles politiques et électorales menées par les femmes sur le
terrain qui ont fortement nourri leur engagement en faveur de la parité.
Tant qu'elles ne s'étaient pas présentées à une élection, elles ne savaient
pas quel parcours du combattant il leur fallait parcourir, quels coups bas il
leur fallait recevoir non pas pour être élues mais tout simplement pour arriver
à être candidates.
On comprend alors mieux pourquoi il y a une telle unanimité en faveur de la
parité chez les femmes « en politique » et une telle réticence de la part de
celles qui, n'ont pas eu à affronter cette expérience ou n'ont jamais connu
cette triste réalité du terrain politique ou électoral.
L'exclusion des femmes de la vie politique est le produit d'une réalité
historique, politique et juridique.
Pendant des siècles, on a dit que les femmes étaient faites pour la maison et
les hommes pour le
forum.
On a même prétendu que c'était la nature qui
le voulait. Nous savons que c'est complètement faux ! C'est notre histoire
sociale et politique qui a permis cela. Ce n'est pas la nature qui pendant des
siècles a empêché les femmes d'aller à l'université et qui leur interdisait,
voilà encore peu de temps, d'accéder à la police, à l'armée ou aux plus hautes
fonctions de direction.
Ce n'est pas la nature qui fait que l'Assemblée nationale est composée de 90 %
d'hommes ou le Sénat de 5 % de femmes ; c'est une histoire, c'est une culture
politique, ce sont des règles du jeu non écrites qui permettent de tenir les
femmes loin de la vie publique.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Aujourd'hui, je voudrais que nous écrivions ensemble une autre histoire
qui aille vers l'égalité réelle des femmes et des hommes, par l'adoption de
mesures qui corrigent l'inégalité de fait.
M. Marcel Charmant.
Nous y sommes prêts !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le premier point que je veux souligner avec force,
c'est que cette révision a un objectif pragmatique et concret. Il s'agit pour
les femmes de gagner leur place et leur légitimité en politique, chose possible
seulement si elles accèdent aux mandats.
La parité n'est pas d'abord un problème philosophique, elle est une réponse
concrète à un problème concret : alors que, dans la plupart des domaines
autrefois marqués par la ségrégation des sexes, l'écart ne cesse de
s'affaiblir, rien de tel ne se passe dans les lieux où il est question de
pouvoir, et spécialement de pouvoir politique. Là, on observe un blocage pur et
simple : 0 % à 10 % de femmes seulement dans les états-majors des grands
groupes financiers, parmi les grands patrons, parmi les professeurs
d'université, parmi les représentants de la nation, parmi les hauts
fonctionnaires.
Là où il faut faire sauter les verrous constitutionnels et institutionnels qui
excluent les femmes, je crois que le constituant et le législateur ont non
seulement la légitimité pour intervenir, mais aussi le devoir de le faire.
C'est une question de responsabilité politique face à une situation choquante,
et d'ailleurs de plus en plus mal supportée, vous le savez, par nos concitoyens
et nos concitoyennes.
Quels moyens pouvons-nous employer ?
Comme je l'ai dit devant l'Assemblée nationale, la parité est un moyen ou un
instrument pour parvenir dans les faits, et pas seulement abstraitement, à
l'égalité des femmes et des hommes, privilège qui est déjà inscrit dans le
préambule de la constitution de 1946.
Je crois que l'on se trompe si on pense que les revendications des femmes en
faveur de la parité sont formulées au nom de la différence des sexes entre les
hommes et les femmes, comme si, biologiquement, il y avait nécessairement une
façon masculine ou féminine de faire de la politique. Je ne sais d'ailleurs pas
non plus s'il y a, par nature, des valeurs féminines ou des valeurs masculines.
Ce que je sais, c'est que nous ne devons pas nous enfermer dans un débat
philosophique, si respectable soit-il, et que nous avons, nous, ici, parce que
nous sommes des responsables politiques, à vouloir corriger la réalité concrète
dans ce qu'elle a de plus choquant.
M. Roland Courteau.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ajouterai qu'il me paraît plus important de traiter
des problèmes en se donnant les moyens effectifs de les résoudre, plutôt que de
lancer des anathèmes au nom de l'universalisme, du différentialisme ou du
communautarisme.
Je constate seulement que les femmes et les hommes ne sont pas traités
également lorsqu'il s'agit d'accéder aux fonctions politiques. Je dis que les
femmes en sont exclues parce qu'elles sont des femmes et qu'il appartient à un
pays moderne et démocratique comme le nôtre de remédier à cette inégalité de
traitement par la loi. C'est même une condition du renouvellement de notre
démocratie. En effet qu'est-ce que la politique lorsqu'elle est si loin de la
réalité de la société ?
Parmi les verrous institutionnels, il y a, nous le savons, les partis
politiques, qui ont empêché l'émergence d'un vivier de candidates à la vie
politique. Et que l'on ne vienne pas dire que c'est parce que les femmes se
désintéressent de la vie publique qu'elles ne se sont pas présentées ou
qu'elles n'ont pas été élues : c'est bien parce que, dans leur grande majorité,
les partis politiques en ont décidé ainsi. Ou bien les femmes n'ont pas été
jugées aptes, ou bien elles ont été envoyées dans des circonscriptions que les
appareils jugeaient imprenables,...
M. Hilaire Flandre.
Vous parlez pour les socialistes !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... ou bien encore elles ont été choisies comme alibi.
Cette situation est, à mes yeux, inacceptable.
Par conséquent, dès lors que les partis sont certainement les principaux
responsables d'une telle situation, il n'est pas admissible de laisser à leur
seule initiative le soin de remédier à une situation qui a été ainsi créée.
Le verrou constitutionnel, tout le monde le connaît. Je n'y reviens que pour
souligner qu'il faut apporter une modification à l'article 3 de la
Constitution.
En effet, c'est essentiellement sur cet article que s'est fondé le Conseil
constitutionnel pour censurer par deux fois, et encore récemment, les efforts
faits par le législateur pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes
aux mandats et fonctions.
Je le dis à nouveau devant vous : nous ne voulons pas modifier cet article 3
par idéologie. Il ne s'agit pas de bouleverser l'idée de la souveraineté du
peuple. Il s'agit seulement de se donner des moyens effectifs pour remédier à
une inégalité de traitement. Il s'agit de faire cesser l'injustice flagrante
faite aux femmes, qui consiste à leur interdire l'accès à un bastion réservé au
genre masculin.
Permettre au législateur d'intervenir par la loi est parfaitement conforme à
son rôle : corriger les inégalités de traitement pour parvenir dans les faits,
concrètement, à l'égalité, c'est-à-dire parvenir au droit commun.
Je ne crois pas que faire de la politique de cette manière ce soit porter
atteinte aux grands idéaux de la République.
On nous oppose l'argument de l'universalisme. Mais qu'est-ce qui est
inacceptable ? Que les femmes soient exclues de la vie publique, ou qu'elles
gagnent le droit à l'égalité républicaine grâce à une mesure que la loi établit
?
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Les antiparitaires se trompent de combat ! Moi, je préfère que l'on mette fin
à une anomalie choquante qui fait de notre pays la lanterne rouge de l'Europe,
plutôt que de laisser se perpétuer des inégalités choquantes.
M. Roland Courteau et Mme Odette Terrade.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Autre argument avancé par les adversaires du projet de
loi constitutionnelle : la parité entre les hommes et les femmes serait la
porte ouverte à des revendications similaires de la part de minorités
ethniques, religieuses ou linguistiques. Nous ouvririons ainsi la boîte de
Pandore du communautarisme.
Permettez-moi d'abord de vous dire qu'il est normal qu'en démocratie tous ceux
qui éprouvent un sentiment d'injustice puissent le dire. C'est le jeu normal
d'une société ouverte. Mais que ces revendications soient légitimes ou non,
qu'elles doivent être converties en mesures législatives ou non, c'est au
Parlement de le dire,...
MM. Roland Courteau et Marcel Charmant.
Effectivement !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... et en réalité le Parlement détient la clé de ces
décisions. Aussi, que l'on ne nous prennent pas, vous et nous, pour des
enfants, en affirmant que parce que l'on reconnaîtrait, dans la Constitution,
que les femmes sont la moitié de l'humanité, il y aurait tout d'un coup ce
déferlement auquel rien ne pourrait résister. Vous avez montré votre capacité
de résistance ; je pense que vous saurez la montrer à l'avenir.
(Très bien !
sur plusieurs travées socialistes et sur plusieurs travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Refuser la parité sur le fondement du risque de communautarisme est de
surcroît, à mes yeux, un raisonnement spécieux. Je l'ai déjà dit devant vous :
les femmes ne sont pas une catégorie ; elles sont dans toutes les catégories
parce qu'elles sont tout simplement la moitié de l'humanité. Voilà une
excellente raison de principe pour refuser toutes les dérives et tous les
débordements, en dehors - mais je la mets en premier - de la volonté politique,
que j'évoquais voilà un instant.
Refuser la parité au nom de ce risque, qui, selon moi, est théorique, c'est
considérer que l'exclusion des femmes n'est pas suffisamment scandaleuse pour
que l'on donne un coup de pouce législatif là où les mentalités résistent.
Enfin, dira-t-on, ultime argument contre l'idée de promouvoir les listes
paritaires aux élections à la proportionnelle : elles porteraient atteinte à la
liberté de choix des électeurs !
A mon sens - et je sais que vous avez eu des débats sur cette question, qui
est une véritable question - cette manière de poser la question est, là encore,
erronée. Regardons la réalité une fois de plus. Aujourd'hui, les électeurs
disposent de la liberté de choix, mais dans la limite des candidatures qui leur
sont proposées par les partis politiques.
M. Marcel Charmant.
Bien sûr !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Pour les scrutins de liste, ce sont les partis qui
arrêtent l'ordre des candidats sans que les électeurs puissent, sauf exception,
le modifier.
M. Marcel Charmant.
Exactement !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Dès lors, en quoi la parité dans ces listes
porterait-elle plus atteinte à la liberté des électeurs que l'état actuel du
droit ? Le professeur Guy Carcassonne l'a clairement indiqué lors de son
audition au Sénat : « En l'absence de la possibilité de panachage, l'électeur
est d'ores et déjà privé de la liberté dans la plupart des scrutins. »
M. Pierre Laffitte.
Exact !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
En fait, comme il l'a très justement souligné, c'est la
liberté des partis qui serait la plus contrainte par une telle disposition.
Mais n'est-ce pas précisément ce à quoi votre assemblée souhaitait aboutir en
disant qu'il appartenait principalement aux partis politiques de mettre fin à
une situation qu'elle jugeait elle-même choquante ?
(M. Mélenchon applaudit.)
C'est la raison pour laquelle je n'ai pas le sentiment que, si nous
sommes de bonne foi, nous soyons si éloignés les uns des autres.
M. Pierre Laffitte.
C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Bien entendu, je l'ai dit et répété, on ne peut imposer
la parité que pour les scrutins de liste aux élections à la proportionnelle. La
parité - je le redis solennellement devant vous au nom du Gouvernement - ne
sera en aucun cas un moyen de généraliser les modes de scrutin à la
proportionnelle.
M. François Trucy.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Nous discutons aujourd'hui de la parité et de l'égalité
sans arrière-pensée. Le Premier ministre s'y est engagé solennellement : nous
n'utiliserons pas la parité comme prétexte pour élargir le champ des scrutins
proportionnels, même s'il est vrai que ceux-ci permettent plus facilement la
parité.
Par conséquent, le problème posé par le mode de scrutin uninominal reste
entier. C'est la raison pour laquelle j'ai suggéré que, pour ce type d'élection
le législateur puisse agir par le biais du financement des partis
politiques.
M. Guy Cabanel,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
et M. Pierre Laffitte.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Sur cette question également - et la réaction de M. le
rapporteur et de M. Laffitte le confirme - je n'ai pas l'impression que nous
sommes si éloignés. En effet, votre rapporteur a proposé, au nom de la
commission des lois du Sénat, de modifier l'article 4 de la Constitution pour
bien montrer que les partis contribuent à la mise en oeuvre du principe de
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions
politiques.
En conclusion, je voudrais dire que je me réjouis qu'un vaste débat ait eu
lieu dans l'enceinte des assemblées et dans la société civile.
J'ai le sentiment, et vous pouvez aussi le constater, que nos concitoyens et
nos concitoyennes sont à une très large majorité favorables à un partage du
pouvoir entre les femmes et les hommes, qui est essentiel à la vitalité de
notre démocratie. Ils souhaitent que ce partage soit favorisé par la loi
puisque l'évolution spontanée des choses en laquelle nous avons longtemps
espéré n'a pas produit le résultat escompté.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je crois que les Françaises et les Français sont
attachés au fait que l'on mette fin concrètement à des situations
inégalitaires. Ils ne sont plus prêts à accepter que notre démocratie politique
exclue la moitié de notre société, qui représente la moitié du genre humain, et
que la politique, en excluant les femmes, soit si loin de la réalité de la
société.
Je voudrais, enfin, remercier le rapporteur, M. Cabanel, qui a oeuvré
constamment au rapprochement des points de vue entre les deux assemblées.
Je sais que la plupart d'entre vous partagent le constat que je fais de la
réalité d'une situation choquante.
Bien sûr, une telle réforme constitutionnelle ne pouvait que susciter des
interrogations, et celles-ci sont parfaitement légitimes. Je pense que le
Gouvernement a apporté les explications qui convenaient en mettant l'accent sur
le pragmatisme de sa démarche, mais aussi sur sa détermination et sa volonté.
Il n'y a de sa part nulle arrière-pensée.
Il s'agit seulement de se donner les moyens de surmonter les inégalités pour
arriver à une situation d'égalité. En cela l'idée de parité correspond bien à
un objectif - l'égalité - qui peut parfaitement prendre la forme de mesures qui
seront nécessaires aussi longtemps que la situation choquante n'aura pas
disparu. Mais nous espérons que, un jour, nous n'aurons plus besoin de ces
mesures positives, inscrites dans la loi, parce que enfin, oui enfin, la
situation d'égalité aura été créée.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées socialistes et celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
C'est la raison pour laquelle je souhaite que le Sénat adopte aujourd'hui un
texte que l'Assemblée nationale pourra finalement voter conforme. J'ai le
sentiment que ce pourrait être le cas si vous adoptiez le texte retenu par
votre commission des lois.
(Applaudissements sur les travées socialistes et
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur
plusieurs travées des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Madame le ministre, vous avez bien voulu souligner que le débat sur la parité
avait été ouvert au Sénat : j'y ai été sensible. Ce texte, avez-vous dit,
permettra de créer une situation d'égalité. Permettez-moi de vous dire qu'une
telle situation est déjà effective au Sénat.
En effet, l'un des deux secrétaires généraux est une femme. Le directeur du
service des commissions, service phare pour le travail législatif, est une
femme. Les six commissions permanentes sont dirigées par trois hommes et trois
femmes. Enfin, dix-sept des trente-deux administrateurs des six secrétariats
sont des femmes. Le Sénat n'a donc pas attendu la loi pour respecter la parité
!
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du groupe du
RDSE.)
M. Claude Estier.
Et combien de femmes y a-t-il dans l'hémicycle, monsieur le président ?
M. le président.
Monsieur Estier, la première nomination, dans un organisme important, à
laquelle j'ai procédé concernait une femme.
M. Roland Courteau.
Il faut continuer !
M. le président.
Comme vous le constatez, le Sénat est attentif à l'égalité entre les femmes et
les hommes. Je ne sais s'il en va de même ailleurs ; vous pourrez le
vérifier.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la ministre de la justice, mesdames les secrétaires d'Etat,
mes chers collègues, je vais changer complètement ma façon d'exposer les
choses. Je considère, en effet, que nous devons alléger le débat, cesser
d'échanger tant des arguments philosophiques pouvant démontrer toute chose et
son contraire...
M. Jean-Luc Mélenchon.
N'exagérez pas !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
... que des arguments juridique difficiles à expliquer et
donnant lieu, eux aussi, à de véritables confrontations.
En réalité, tout a été dit au cours de la première lecture, et je suis
sensible au fait que vous avez bien situé le problème, madame le ministre. En
effet, dans ce débat, le Sénat, son avenir, son organisation et son mode
d'élection ne sont pas en cause.
M. Jean-Louis Carrère.
Cela viendra !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Si, demain, le Gouvernement le veut, il peut présenter un
projet de loi de réforme électorale. Le Sénat, lui-même, a élaboré des
propositions de loi à cet égard. Une loi ordinaire suffit, nous le savons, et
l'Assemblée nationale aura donc, en dernière lecture, la possibilité de se
prononcer définitivement. Par conséquent, il n'est pas question de mélanger les
genres, et le Sénat ne mène aucune action retardataire ayant je ne sais quel
objectif caché. Vous l'avez dit, madame le ministre - je tiens à le souligner -
et je vous en remercie.
Enfin, en terminant votre intervention, vous avez indiqué qu'il y avait là la
possibilité d'une issue. J'affirme très clairement à l'intention de tous mes
collègues ici présents que je n'ai pour ma part qu'un désir : trouver une issue
honorable à ce débat
(Très bien ! sur les travées socialistes, ainsi que sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen)
, une issue
honorable et utile pour la vie de la République française, pour les femmes et
les hommes qui la constituent !
(Très bien ! et applaudissements.)
Si j'abandonne tout ce que j'avais prévu de dire, quels propos puis-je tenir ?
(Sourires.)
Mme Hélène Luc.
Faites parler votre coeur !
(Sourires.)
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Je vais effectivement faire parler mon coeur !
M. Claude Domeizel.
Dites que Mme Guigou a été convaincante !
Mme Hélène Luc.
Dites qu'elle a raison !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Non ! Mme Guigou est convaincante, mais il y a matière à
discuter dans ses propos !
Je voudrais évoquer trois aspects.
Tout d'abord, il ne me paraît pas inutile de parler de l'état d'esprit du
Sénat. En effet, nous avons été profondément traumatisés par un véritable choc
médiatique
(Exclamations sur les travées socialistes.)
qu'il nous faut
objectivement apprécier et dont nous devons tirer des conclusions.
Par ailleurs, je voudrais expliquer la démarche du Sénat, le 20 janvier, lors
de la réunion de la commission des lois, et le 26 janvier, en séance publique,
démarche qui, à mon avis, était parfaitement constitutionnelle, parfaitement
honorable, et ne signifiait en aucun cas le rejet de la parité.
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Pourquoi ? Parce que le Sénat a conscience d'une situation
préjudiciable à la réputation de la République française. La place des femmes
est insuffisante, et nous ne pouvons pas nous contenter de statistiques selon
lesquelles nous avons une petite chance de ne pas être la lanterne rouge de
l'Europe des Quinze si les Grecs continuent dans la voie dans laquelle ils se
sont engagés depuis quelques années. Cela n'est ni suffisant ni à la hauteur de
la réputation d'une grande nation qui a fait la révolution de 1789. Il nous
faut trouver un remède, et nous en sommes tous conscients.
Enfin, je voudrais exposer les propositions que la commission des lois m'a
autorisé à vous présenter en adoptant les deux textes que j'avais proposés.
M. Pierre Fauchon.
Avec des réserves !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Avec des réserves, je le dirai ; mais les réserves peuvent
s'exprimer plus encore dans le débat, à l'occasion de l'examen des amendements
et sous-amendements que chacun d'entre nous peut déposer.
Mme Hélène Luc.
Laissez parler le rapporteur !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Moi, je m'en tiens à ce qu'a voté la commission des lois.
M. Marcel Charmant.
Très bien !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Tout d'abord, madame le ministre, sans vouloir faire perdre
de temps à mes collègues, je voudrais revenir sur les conditions médiatiques
dans lesquelles nous nous sommes trouvés.
Le journalisme a beaucoup évolué depuis un certain nombre d'années. Je dis
cela devant le directeur d'un grand journal français, qui est membre du même
groupe que moi et qui me pardonnera mes propos.
Nous avons d'abord connu le journalisme d'investigation, exercice difficile,
intéressant, qui a donné quelques réussites et qui a révélé certains grands
scandales politico-financiers.
Le débat du 26 janvier dernier nous a révélé l'existence d'un journalisme
d'approximation, de simplification, de vulgarisation aboutissant à la
caricature ! C'est en effet ce qui s'est produit après le vote du Sénat, le 26
janvier.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Enfin, ces jours derniers, j'ai découvert un journalisme
d'anticipation : à l'issue d'une réunion du lundi ou du mardi, un journaliste,
micro ou stylo en main, vous demande ce que vous pensez. Et vous lisez le
lendemain que, jeudi, le Sénat va adopter ceci ou cela, et que l'affaire est
donc réglée ! Voilà le meilleur moyen de braquer une assemblée et de ne pas
atteindre l'objectif de conciliation que l'on pouvait se fixer !
Dans ces circonstances, je n'ai qu'un regret : que, en 1993, nous n'ayons pas
suivi à cet égard les recommandations du doyen Vedel, qui, à la demande de
François Mitterrand, alors président de la République, avait formulé une
trentaine de propositions pour toiletter nos institutions. S'agissant de la
question qui nous intéresse aujourd'hui, le doyen Vedel avait posé deux
problèmes : d'une part, la nécessité de faire figurer à l'article 4 le
financement public des partis politiques, qui avait pris une place
considérable, et de remplacer le système en vigueur ; d'autre part, la
nécessité de prévoir un droit à la communication, égal pour tous, lequel est
d'ailleurs difficile à définir. A cet égard, une concertation entre les hommes
politiques et les journalistes semble s'imposer.
En tout cas, pour ma part, j'ai souffert de la caricature qui a été faite, en
particulier de mes propositions.
Un sénateur du RPR.
C'est de la malhonnêteté !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Que s'est-il passé le 26 janvier dernier pour que nous ayons
un si mauvais écho de la position adoptée par la Haute Assemblée ?
Tout d'abord, ce jour-là, le Sénat a dressé le constat d'une situation qui ne
pouvait pas durer, bien que moins sombre que ce que l'on a parfois entendu. En
effet, on a constaté, au fil des années, une évolution significative vers une
amélioration de la situation : la chose a été possible pour les scrutins de
listes à la proportionnelle, et elle a également été facilitée par la
dissolution de l'Assemblée nationale : le parti socialiste, ayant des sièges à
pourvoir, en quelque sorte, a présenté un nombre important de femmes, dont
certaines ont été élues. La situation s'améliore donc !
MM. Jean-Louis Carrère et Marcel Charmant.
Grâce à la gauche !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
La situation s'améliore au fil des années. Soyons patients
!
Mme Danièle Pourtaud.
Patients ! Vous en parlez à l'aise !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
La situation s'améliore au fil des années. Faut-il dire pour
autant qu'il suffit d'attendre ? Connaissant l'esprit français, je pense qu'il
faudrait attendre longtemps !
M. Marcel Charmant.
Trop longtemps !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Il faut donc faire mouvement pour essayer d'accélérer les
choses.
M. Jean-Louis Carrère.
Voilà !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Le Sénat était conscient de ce constat. Qu'a-t-il fait ? Il a
respecté scrupuleusement la Constitution !
La commission des lois du Sénat, en présence du projet de loi modifié par
l'Assemblée nationale, laquelle avait adopté un libellé plus précis et un peu
plus contraignant, avait vu d'emblée que le vote conforme ne pourrait pas être
obtenu.
Le Sénat a joué le jeu des lectures successives, des navettes prévues par la
Constitution. Si, vraiment, chaque fois qu'un projet de loi est présenté, le
Parlement doit l'adopter le petit doigt sur la couture du pantalon ou sous la
pression médiatique, je crains fort, alors, que notre démocratie ne soit en
danger !
M. Pierre Fauchon.
C'est le cas !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
En tout cas, cela conduirait à la suppression du
bicaméralisme, car le Sénat a pour habitude, peut-être parce que c'est la
tradition, d'examiner les textes et leurs conséquences avec une certaine
lenteur, la commission des lois faisant preuve de beaucoup de minutie dans ses
travaux.
Que s'est-il produit ? Au sein de la commission des lois et en séance publique
s'est instauré un débat de fond, cher aux constitutionnalistes. En effet,
s'agissant du choix de l'article de la Constitution à modifier - l'article 3 ou
l'article 4 - les professeurs de droit constitutionnel que nous avons
auditionnés et que j'ai entendus à nouveau étaient partagés, et beaucoup
d'entre eux considéraient que tout devait figurer à l'article 4. Je vous
rappelle d'ailleurs que, dans les prémices du projet de loi constitutionnelle
déposé au conseil des ministres le 17 juin 1998, avaient été évoqués les
articles 1er, 3 et 4 de la Constitution, et même l'article 34, qui détermine le
domaine de la loi.
Je ne peux pas trahir de secret dans la mesure où je n'en connais pas ! Mais
je pense que, entre les conseillers de Matignon et ceux de l'Elysée, la
convergence s'est faite sur l'article 3 pour une raison sur laquelle nous
reviendrons, et qui me paraît être une raison de fond.
Des constitutionnalistes nous avaient donc conseillé d'opter pour une révision
de l'article 4 de la Constitution. Mais, pour ma part, je n'ai rien changé à ma
démarche.
En effet, le 20 janvier, j'avais proposé à la commission des lois d'en revenir
à la rédaction initiale du projet de loi, qui prévoyait d'insérer à l'article 3
de la Constitution que « la loi favorise l'égal accès », formule que la
commission des lois m'a refusée.
M. Claude Estier.
Eh bien voilà ! La commission des lois vous l'a refusée !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Fort de l'avis des constitutionnalistes, j'ai proposé
d'inclure la phrase de principe dans l'article 4 de la Constitution et de tirer
une conclusion sur le financement des partis politiques.
En effet, on ne pouvait pas demander symboliquement aux partis de résoudre le
problème sans prévoir un moyen d'incitation. Comme vous l'avez fort bien dit
lors de la première lecture, madame le ministre, il faudra, pour parvenir à
modifier la situation présente, des dispositions contraignantes, mais aussi des
mesures incitatives. Les mesures contraignantes sont ce que l'on appelle les
lois électorales d'obligation. La formule retenue pour les élections des
conseillers régionaux, qui a été déclarée non conforme à la Constitution par le
Conseil constitutionnel, était une de ces formules d'obligation. Quant aux
mesures incitatives, elles ne peuvent jouer que sur le financement public des
partis politiques.
Les choses étaient donc claires. Le texte que j'ai présenté au nom de la
commission des lois a été adopté dans son intégralité, après de difficiles
débats en séance publique. Il prévoyait à la fois le principe et son
application.
Il est vrai que nous n'avions pas levé le risque d'inconstitutionnalité par
l'avis du Conseil constitutionnel lié à l'article 3. J'en suis parfaitement
conscient puisque ma proposition initiale était différente. En effet, toutes
les décisions du Conseil constitutionnel, tant en 1982 que tout récemment,
s'agissant des élections régionales, ont été fondées sur l'article 3 de la
Constitution, « épaulé » par l'article VI de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789.
Notre démarche était cependant cohérente. Elle ne méritait ni d'être méprisée
ni d'être brocardée. Elle avait le grand avantage de ne pas fermer la porte.
Nous n'avions pas rejeté la parité, terme qui ne figure d'ailleurs pas dans le
texte, même si les journaux, dont j'ai une collection invraisemblable sur ce
sujet, le reprennent régulièrement dans leurs titres. Nous avions laissé la
porte ouverte à un débat normal dans le cadre constitutionnel du bicaméralisme.
D'ailleurs, M. Guy Carcassonne, dans un article paru tout récemment dans
Le
Point,
nous a encore donné raison, réaffirmant ce qu'il nous avait déjà
dit, à savoir que tout devait figurer à l'article 4, dessinant notre démarche à
nouveau.
Notre démarche n'était donc pas méprisable ; elle ne fermait la porte à aucune
évolution possible et elle ne méconnaissait nullement l'existence de la
situation difficile des femmes dans la vie publique.
La réponse de l'Assemblée nationale, qui a sa logique, n'a malheureusement pas
tenu compte de l'effort fait par le Sénat. Peut-être avons-nous mal communiqué
- c'est peut-être notre défaut, au Sénat - et n'avons-nous pas été compris. En
tout cas, j'ai éprouvé quelques regrets - je l'ai d'ailleurs dit à Mme
Catherine Tasca - en voyant que, finalement, l'Assemblée nationale n'avait pas
tenu compte de nos propositions, ces dernières ayant été rejetées à la fois par
les députés de la gauche plurielle et par les députés de nos propres formations
politiques.
M. Marcel Charmant.
On n'est jamais trahi que par les siens !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Alors, que faut-il faire aujourd'hui ?
Mme Odette Terrade.
Avancer !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Comme je le disais tout à l'heure, ma position n'a pas changé
d'un iota. Hier, mercredi 3 mars au matin - entre-temps d'autres choses, dont
les journaux se sont fait l'écho, se sont passées ensuite au Sénat -, j'ai
proposé à la commission des lois de revenir au texte initial et d'ajouter à
l'article 3 de la Constitution un alinéa prévoyant que la loi favorise un égal
accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives.
Je pense que cette mesure est indispensable pour poursuivre le dialogue
constitutionnel avec l'Assemblée nationale et pour tenir compte préventivement
de la jurisprudence du Conseil constitutionnel lors de l'adoption de chacune
des lois qui seraient concernées par le principe de la parité.
Ce texte a été voté par la commission des lois du Sénat, le groupe de l'Union
centriste ayant toutefois exprimé des réserves par la voix de notre collègue
Pierre Fauchon, qui interviendra tout à l'heure dans le débat. Il faut quand
même dire la vérité au Sénat !
(Exclamations amusées sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Claude Estier.
Très bien !
M. Marcel Charmant.
Enfin !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Mais on la dit toujours, d'ailleurs !
(Sourires.)
Dire la vérité au Sénat, c'est poser la question de savoir si cette mesure
est sans danger. Je n'aurai pas l'outrecuidance de dire cela, ni de dire à mes
collègues qu'il s'agit d'un voeu pieux : cela ne peut pas être un voeu pieux et
cette réforme touchera le système électoral français, que nous le voulions ou
non, car c'est son but.
Mme Odette Terrade.
Mais oui, c'est fait pour cela !
M. Marcel Vidal.
Tout à fait !
Plusieurs sénateurs socialistes.
Le texte est fait pour cela !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
C'est, en effet, l'objet de ce texte.
Quelles que soient les déclarations de Mme la ministre de la justice...
M. Josselin de Rohan.
Madame « le » ministre !
(Murmures sur les travées socialistes.)
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
... quelles que soient les déclarations de M. le Premier
ministre, qui ont été plus nuancées - je les ai toutes relues, car j'ai demandé
aux services de la commission des lois de les recueillir pour moi dans leur
totalité - ces déclarations, madame la ministre,...
Mmes Nicole Borvo, Odette Terrade et Gisèle Printz.
Très bien !
M. Josselin de Rohan.
Madame « le » ministre !
M. Pierre Fauchon.
Parlons français !
M. Jean Chérioux.
Ce sont des enfantillages !
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Vos déclarations, madame la ministre, sont honnêtes
(Ah ! sur les travées socialistes),
mais prudentes : quand on les lit, on
a l'impression qu'il ne va pas se passer grand-chose. Quant aux déclarations de
M. le Premier ministre, elles sont plus en grisaille et, à leur lecture, on n'a
pas l'impression qu'il va se passer grand-chose non plus !
La question qui demeure dans le débat d'aujourd'hui, c'est que, en fait, nous
n'avons pas de schéma d'application de la réforme. Je le regrette. Peut-être
n'avez-vous pas d'idées préconçues mais, face à un tel projet de révision, on
est bien obligé d'en avoir quelques-unes !
M. Jean Chérioux.
Il faut leur faire confiance pour cela !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Nous connaissons les exemples à travers le monde qui montrent
que l'on a pu arriver à la parité, ou à ce que l'on appelle parfois la mixité,
c'est-à-dire la quasi-parité, mais nous n'allons pas chicaner sur la parité
absolue.
Nous connaissons l'exemple suédois : nous savons comment les Suédoises, par
consensus et sans aucune modification constitutionnelle,...
Mme Hélène Luc.
C'est parce qu'elles menaçaient de composer une liste de femmes !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
... ont obtenu de constituer d'abord un grand vivier de
candidatures aux élections locales à quasi-parité, avant d'obtenir ensuite,
pour l'élection au Riksdag, l'assemblée unique du parlement suédois, que les
partis sélectionnent suffisamment de femmes pour les candidatures.
Cela revient à dire que les partis doivent jouer un rôle déterminant, que l'on
ne saurait négliger.
Manque donc dans ce dossier un schéma que je ne qualifierai pas de « plus
sincère », ce ne serait pas gentil, mais un schéma plus précis permettant de
mieux dessiner ce qui peut se produire. A mon avis, l'exemple suédois est
devant nos yeux et il risque fort d'être appliqué...
Mme Nicole Borvo.
Pourquoi ne le suivez-vous pas ?
Mme Hélène Luc.
Ils ont 40 % de femmes !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Je le sais : cela varie de 40 à 44 % !
J'ai lu dans la presse - on apprend beaucoup de choses en lisant la presse
-...
M. Alain Vasselle.
Ce n'est pas la presse qui fait la loi, c'est nous !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
... que Mme Dominique Gillot, rapporteuse générale de
l'observatoire de la parité...
M. Josselin de Rohan.
Rapporteuse ?
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
... avait reçu mission de faire un rapport au Premier
ministre pour le début du mois de juin sur les conséquences de l'application
des principes que nous allons voter. N'aurait-il pas mieux valu qu'une telle
exploration se fasse avant ? Nous aurions été mieux informés !
J'ai donc demandé à la commission des lois de voter le texte que nous avions
déjà adopté sur le financement public des partis, qui contribuera à
l'application du principe énoncé à l'article 3 de la Constitution.
Je le dis en toute sincérité, je défendrai ces deux positions, parce qu'elles
me paraissent permettre le rapprochement du Sénat et de l'Assemblée nationale
sur un texte d'équilibre.
Nous savons que la formule de l'article 3 a été acceptée par le Président de
la République et par le Premier ministre. Or, sous la Ve République, aucune
réforme constitutionnelle n'est intervenue sans l'accord des deux plus hautes
autorités de l'Etat. En votant la réforme de l'article 3 et de l'article 4,
nous rendons possible un dialogue plus utile, plus constructif avec l'Assemblée
nationale, dans l'intérêt de la République française, dans l'intérêt des femmes
et des hommes qui vivent sur le territoire national.
(Applaudissements sur
les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Baylet.
M. Jean-Michel Baylet.
« Il faudra un jour ou l'autre élever la femme au rang de citoyen, et habituer
nos oreilles au mot de citoyenne. Le tort de la politique, c'est d'être
masculine. »
Ainsi s'exprimait avec sagesse Eugène Pelletan, le père de Camille,
parlementaire à la fin du siècle dernier. Il disait juste, à une époque où les
femmes n'avaient même pas encore le droit de vote. Celui-ci sera d'ailleurs le
fait non de la représentation nationale, mais d'une ordonnance.
M. Hilaire Flandre.
Du général de Gaulle !
M. Jean-Michel Baylet.
Inspirez-vous de cet exemple !
Hélas ! dans le passé, le Parlement, et plus particulièrement le Sénat, il
faut le reconnaître, n'a jamais beaucoup brillé lorsqu'il s'agissait d'accorder
des droits politiques aux femmes.
En 1922, alors que la Chambre des députés avait fait un premier pas, les
sénateurs ont préféré retarder l'octroi du droit de vote aux femmes parce que,
paraît-il, il aurait eu des « répercussions lointaines sur la race et la
famille », parce que « les femmes, surtout celles des provinces, n'avaient rien
demandé », parce qu'elles se « rendaient compte de la nécessité d'une direction
au foyer », ou encore parce que « les mains des femmes étaient faites pour être
baisées dévotement plutôt que pour manier le bulletin de vote ».
(Sourires.)
M. Hilaire Flandre.
Ils étaient radicaux !
M. Jean-Michel Baylet.
Comme vous pouvez le constater, nos collègues de l'époque ne manquaient pas
d'arguments et, à entendre certains encore aujourd'hui ici même, je vois que,
hélas ! les esprits n'ont guère évolué.
(Exclamations sur les travées du
RPR. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle.
C'était la République radicale !
M. Jean-Michel Baylet.
Aujourd'hui, il s'agit non pas directement d'accorder un droit, mais plutôt de
réparer une anomalie. Il est question de corriger une injustice terrible :
moins de 10 % de femmes sont présentes au Parlement, et pas plus de 7 % de
femmes sont maires.
Afin d'accroître l'importance numérique des femmes dans la vie publique, le
Gouvernement - et plus particulièrement vous, madame la ministre - a donc
choisi de modifier l'article 3 de Constitution, et il a bien fait.
Les termes du projet de loi initial, qui consistaient à favoriser l'égal accès
des hommes et des femmes aux mandats et aux fonctions, auraient dû, c'est une
question de bon sens, recueillir l'assentiment général. Pourtant, ce choix, si
j'ai bien compris, a soulevé beaucoup de craintes.
Nous ne sommes plus en 1922. Toutefois, contrairement à nos anciens, personne
ici, j'ose l'espérer, ne considère les femmes comme mieux disposées à la sphère
domestique qu'à celle de la politique.
Mais saisir le principe de l'universalité ne revient-il pas, en réalité, à
nier toute possibilité de rattrapage ?
En première lecture, puis en deuxième lecture, à l'Assemblée nationale, les
détracteurs du projet de loi ont maintes fois répété que la modification de
l'article 3 ouvrait la porte à des revendications catégorielles, mettant à mal
le principe même d'universalité.
M. Alain Vasselle.
Tout à fait !
M. Jean-Michel Baylet.
Les femmes, il faut le dire et le redire, ne sont pas une catégorie : elles
sont, je vous le rappelle, mes chers collègues, et plus particulièrement à vous
qui siégez à droite de cet hémicycle
(Protestations sur les travées
concernées)
,...
M. Alain Vasselle.
C'est insolent !
M. Jean-Michel Baylet.
... la seconde moitié de l'humanité...
Mme Odette Terrade.
Pourquoi pas la première ?
(Sourires.)
M. Jean-Michel Baylet.
... et, à ce titre, elles doivent bénéficier des mêmes droits que les hommes.
Et, si ces droits ne sont, comme l'on dit, que théoriques, il revient à la loi
de les favoriser.
Par ailleurs, lorsque l'on sait que le suffrage était dit universel dès 1848,
soit cent ans avant le droit de vote des femmes, il convient de relativiser le
débat philosophique autour de la notion d'universalité.
Même certaines personnalités du monde féminin - Mme Chirac, ce matin même,
dans les colonnes du
Figaro -
ont prétendu se sentir humiliées par un
projet de loi qui implique la notion de quota.
M. Alain Vasselle.
Elle a raison !
M. Jean-Michel Baylet.
Font-elles suffisamment confiance aux évolutions naturelles, sachant qu'il
faudra environ, selon les sociologues, cinq cents ans pour aboutir à une
représentation équitable des femmes et des hommes aux fonctions électives si
rien ne change et si nous ne pesons pas sur les événements ?
M. Alain Vasselle.
N'importe quoi !
M. Jean-Michel Baylet.
Les femmes qui manifestent en ce moment même devant le Sénat en faveur de la
parité se sentent-elles pour autant humiliées ? Non, mes chers collègues : je
crois qu'elles sont déterminées, prêtes à combattre l'obscurantisme qui, lui,
est humiliant et dégradant.
(Protestations sur les travées du groupe du
RPR.)
L'humiliation, c'est d'être écarté du pouvoir, non de le revendiquer avec
l'aide de la loi. La loi crée, établit, encadre, mais pas seulement : elle
révise, elle réforme et elle favorise.
Oui, mes chers collègues, la majorité des femmes veulent la parité, et 80 % de
nos concitoyens se prononcent en sa faveur. Les Français d'aujourd'hui - il
faudrait vous en rendre compte - sont progressistes et ils attendent de
l'actuelle majorité qu'elle oeuvre pour l'amélioration du sort de tous les
citoyens.
L'égal accès des femmes aux fonctions et aux mandats électifs est un gage de
modernité, et ce principe trouve donc toute sa place dans le cadre de la
modernisation de la vie politique décidée par la majorité plurielle.
C'est pourquoi les radicaux de gauche y sont attachés, comme ils sont attachés
à une réforme globale des institutions qui permettrait de répondre à d'autres
dysfonctionnements.
En attendant, la commission des lois propose aujourd'hui un compromis. On peut
s'en satisfaire, même s'il est regrettable qu'il intervienne si tard : il était
bien inutile de donner aux citoyens l'image d'un Sénat rétrograde !
(Protestations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Ne vous y associez pas !
M. Jean-Michel Baylet.
Nous savons bien que laisser l'entière responsabilité de la parité aux
formations politiques revenait à retarder le processus. En dépit de toutes les
bonnes intentions, les partis imposent difficilement les femmes au moment des
investitures et, de l'extérieur, il est difficile de contrôler la réalité des
efforts.
La modification de l'article 3 est donc une nécessité. Elle doit être le pivot
du dispositif destiné à accorder une meilleure place aux femmes, et ainsi
permettre d'apporter un bol d'air à la démocratie.
« La participation directe et active des hommes et des femmes à la vie
politique constitue une condition et un instrument fondamental du système
démocratique, la loi devant promouvoir l'égalité dans l'exercice des droits
civiques et politiques et la non-discrimination en fonction du sexe, en ce qui
concerne l'accès aux charges politiques. » C'est en ces termes, mes chers
collègues, que le Portugal a modifié sa Constitution le 20 septembre 1997. Il
ne tient qu'au législateur, en particulier à vous-même, de ne pas laisser
perdurer dans ce domaine la fameuse et regrettable exception française.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, à l'occasion de la réforme constitutionnelle dont
nous débattons aujourd'hui, nul ne conteste que la femme n'occupe pas dans la
société politique la place qu'elle a conquise dans la société civile.
Tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il faut remédier à une situation qui
traduit une inégalité profonde et regrettable qui n'honore guère notre pays.
Pour autant, nous ne saurions admettre l'image qu'on a voulu donner du Sénat
lors des débats précédents en caricaturant ou en déformant les propos tenus
dans cette enceinte
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE)
et, par le biais de jugements tendancieux et de
procès d'intention, en nous imputant des opinions qui n'ont jamais été les
nôtres ou des arrière-pensées que nous n'avons aucunement nourries.
(Applaudissements sur les mêmes travées. - Rires et exclamations sur les
travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Que pouvait-on attendre, il est vrai, d'une assemblée de mal-élus mysogines,
de vieillards cacochymes, sinon des votes obscurantistes et réactionnaires ?
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
Le pilonnage médiatique auquel nous avons été soumis ne nous aura épargné
aucun brocard, aucune outrance, aucun lieu commun, aucune sottise.
Mme Odette Terrade.
A qui la faute ?
M. Josselin de Rohan.
Si les fulminations de telle ou telle papesse autoproclamée du féminisme nous
ont laissé indifférents, comme les incongruités verbales de telle ou telle
reine d'un jour des médias, l'intolérance haineuse qui a marqué certaines
déclarations de quoi inquiéter.
(Exclamations sur les travées socialistes
ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Patrick Courtois.
Tout à fait !
M. Josselin de Rohan.
Comme l'écrivait Mauriac, si nos chats étaient des tigres, nous aurions tout
lieu d'être inquiets pour nos vies.
Les excès mêmes des tenants du « prêt-à-penser » ou du politiquement correct
ont lassé. La mobilisation générale des beaux esprits contre le Sénat a fait
long feu.
Un grand nombre de femmes, et parmi les plus éminentes, ont refusé de relayer
les mots d'ordre et les slogans ou de se voir catégorisées, instrumentalisées
ou enfermées dans des idéologies réductrices ou des raisonnements sommaires.
Mme Odette Terrade.
C'est dommage pour elles !
M. Josselin de Rohan.
Mme Françoise Giroud, dans un hebdomadaire qu'on ne saurait taxer de
complaisance exagérée à l'égard de la Haute Assemblée ou de faiblesse
systématique à l'égard de la droite, s'interrogeait récemment en ces termes : «
Ce que certains suggèrent » - c'était nous - « est cependant de bons sens :
obliger les partis politiques, sous peine de contrainte financière, à présenter
un nombre égal de femmes et d'hommes aux fonctions électives. Mais il n'y a
peut-être pas de place pour le bon sens », concluait-elle.
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Josselin de Rohan.
Essayons de reprendre le débat là où nous l'avons laissé et d'examiner sans
passion les moyens de rendre viable une plus grande égalité des femmes et des
hommes dans la vie publique.
Nous pensions en toute bonne foi, parce que les partis politiques, dans une
démocratie, ont pour vocation et définition d'assurer la diffusion des idées,
l'expression des suffrages, de prendre les grandes décisions qui orientent le
destin du pays, qu'il leur incombait au premier chef d'organiser l'accès des
femmes aux responsabilités et de veiller à ce que le plus grand nombre d'entre
elles y soient associées.
Nous estimions qu'il fallait assortir cet objectif d'une incitation en
favorisant les formations réalisant une plus grande égalité des hommes et des
femmes au détriment de celles qui n'entendaient guère agir dans ce domaine.
On nous a répliqué qu'il fallait inscrire l'obligation dans la loi, faute de
quoi les meilleures intentions du monde risqueraient d'être privées d'effet.
Confier aux partis la responsabilité d'établir l'égalité revenait à demander au
pyromane de préserver l'immeuble de l'incendie puisque ce sont les partis qui
sont la cause du mal que l'on dénonce.
On nous a soutenu que l'universalisme de la représentation était une
conception périmée, voire archaïque, que la dualité sexuelle était universelle,
que la reconnaissance d'un « différentialisme à la française » mettrait fin « à
l'ordre androcentrique », que seules des « discriminations positives »
permettraient de garantir l'égalité des sexes devant les fonctions électives.
Non contente de proclamer un principe, celui de l'égalité, la loi se devait
d'en déterminer les modalités. Comment ?
Sur ce point, les réponses varient. Interrogée par la commission des lois, Mme
le garde des sceaux n'exclut pas le recours aux quotas. Si l'on questionne le
Premier ministre sur les moyens d'appliquer les règles de l'égalité aux
scrutins uninominaux, il répond qu'il n'entend pas mettre fin à ce type de
votation, du moins pour ce qui est des élections législatives. Pour ce qui est
des élections cantonales, cela nous paraît plus flou !
Mais alors, on est en droit de se demander s'il n'existera pas désormais deux
catégories de régimes électoraux aux contraintes variables,...
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
M. Josselin de Rohan.
... celle, imposée au scrutin de liste, qui permettra la mise en oeuvre d'une
véritable parité - je rappelle que la parité, en français, c'est la stricte
égalité entre les femmes et les hommes - et celle à laquelle échapperont les
scrutins uninominaux, faute de moyen ou, ce qui est plus grave, de volonté de
les mettre en oeuvre.
Est-il concevable, entre nous, que les élections législatives, qui constituent
la principale consultation politique dans notre pays, puissent ne pas être tôt
ou tard le banc d'expérimentation de la réforme ?
Quelle belle occasion, dans un souci d'unification et de rationalité,
d'étendre le scrutin de liste à la proportionnelle à tous les modes d'élection
! Nous voulons bien croire à la sincérité du Premier ministre quand il nous
affirme ne rien vouloir changer ; mais ses successeurs se montreront-ils aussi
déterminés ?
M. Alain Vasselle.
Bonne question !
M. Josselin de Rohan.
Pourtant, il nous faut bien sortir de la situation de blocage où nous nous
trouvons du fait du vote réitéré de l'Assemblée nationale.
Si nous voulons réaliser la réforme constitutionnelle, chacune des chambres du
Parlement doit accomplir un effort pour aller à la rencontre de l'autre.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Josselin de Rohan.
Qu'on nous permette, au passage, de nous étonner des clameurs qui ont
accompagné notre précédent vote.
Lorsque la Haute Assemblée se prononce de manière différente de l'Assemblée
nationale sur un texte, elle ne fait qu'exercer un droit qui lui est reconnu
par la Constitution. Ce droit n'est pas une « anomalie » ; il constitue
l'essence même du bicamérisme. La navette conduit le plus souvent à
l'amélioration des textes parce qu'elle entraîne la disparition des ambiguïtés
ou des imprécisions de rédaction, qu'elle définit plus clairement la portée des
dispositions légales, qu'elle concilie des points de vue qui paraissent
irréductibles. Par là même, elle devient véritablement l'expression de la
volonté générale.
Aux yeux de nos Talibans et des commentateurs complaisants qui se faisaient
les échos de leurs fureurs, le vote divergent du Sénat était un sacrilège. Mais
si le Sénat doit, en toute circonstance, s'aligner sur les décisions de
l'Assemblée nationale, à quoi sert-il ?
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Qu'on nous autorise également une remarque. Il ne suffit pas d'inscrire
un principe dans une loi pour qu'il prenne corps aussitôt. La réforme des
moeurs est plus un préalable à la réforme des lois qu'une conséquence de ces
dernières.
La situation dans la fonction publique en est une illustration. L'égalité des
hommes et des femmes devant les charges publiques est consacrée depuis
longtemps. Or, selon le rapport Colmou, on ne compte, pour les emplois de
directeurs dans la fonction publique, que 13 femmes pour 168 postes, soit 7,7 %
et, pour les postes de chef de service déconcentrés de l'Etat, 184 femmes pour
2 180 postes, soit 8,4 %.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Alors que la magistrature compte 48 % de femmes, madame le garde des
sceaux, sur les trente-cinq premiers présidents de cour d'appel, on ne relève
qu'une seule femme et, sur les trente-cinq procureurs généraux, on n'en
dénombre aucune.
(Marques d'approbation sur les mêmes travées.)
Mme Colmou explique dans son rapport que « les freins à la progression
des femmes sont dans le fait et non dans le droit ».
Elle estime que, de tous les remèdes envisageables, le pire serait
l'instauration de quotas : « Les femmes, dit-elle, n'ont nullement besoin d'une
fonction publique où les concours seraient organisés en fonction du sexe et de
la compétence. Les femmes ont les qualités pour accéder aux postes de
direction. Il faut rompre la barrière des habitudes, elles n'ont pas besoin
qu'on leur aménage une carrière particulière. » Et Mme Colmou de préconiser des
mesures progressives et pratiques pour lever les obstacles rencontrés par les
femmes pour exercer des responsabilités de direction.
Je gage qu'on nous dira que ces constatations et conclusions ne sauraient être
transposables au domaine politique. J'attends cependant qu'on m'explique
pourquoi les quotas administratifs sont une fausse bonne idée alors que les
quotas politiques sont l'idée du règne.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
sur certaines travées de l'Union centriste.)
Sensibles aux efforts méritoires de M. le président du Sénat, de M. le
président et de M. le rapporteur de la commission des lois pour rapprocher les
points de vue des deux assemblées, nous sommes prêts à faire un pas important
en direction de l'Assemblée nationale et à confier à la loi, en dépit de nos
réserves, qui ont été superbement exprimées par notre collègue M. Badinter, la
responsabilité que nous réservions exclusivement aux partis.
Mais la rédaction que nous voulons adopter est celle du projet initial du
Gouvernement. Elle est plus souple et plus réaliste que celle de l'Assemblée
nationale. Au demeurant, c'est cette rédaction, et celle-là seule, qui avait
recueilli l'assentiment du Président de la République. Elle permet une
meilleure adaptation au contexte social et politique et une plus grande liberté
d'action pour la mise en oeuvre de la loi. Tout démontre, en effet, qu'il
faudra faire preuve d'imagination et de pragmatisme pour réaliser entre femmes
et hommes cette égalité à laquelle nous aspirons.
C'est également la conscience que nous avons des réalités qui nous conduit à
associer les partis politiques à la mise en oeuvre de la réforme.
Il leur revient, aux termes de l'article 4 de la Constitution, d'éveiller les
femmes à la vie politique comme tous les citoyens, de détecter les compétences,
de présenter des candidats aux élections avec les meilleures chances de succès.
Il est judicieux qu'ils puissent être avantagés sur le plan financier s'ils
font des efforts sérieux pour promouvoir les candidatures féminines.
En combinant à la fois le recours à la loi et aux formations politiques pour
assurer une plus grande égalité entre les hommes et les femmes dans la vie
publique, nous nous donnons les moyens d'accroître efficacement et concrètement
le nombre des femmes susceptibles d'accéder aux fonctions électives.
Le Gouvernement doit désormais faire un choix : accepter nos suggestions et
aboutir à un compromis ; maintenir les dispositions votées par l'Assemblée
nationale au risque d'une confrontation. Nous avons cru comprendre que tel
n'était pas son intention ; mais nous jugerons aux actes.
Le Gouvernement a-t-il pour objectif d'obliger le Sénat à capituler et à se
renier ou recherche-t-il un accommodement ?
La cause des femmes est-elle un objectif prioritaire ou les femmes
servent-elles d'instrument dans un conflit politique qui oppose le Gouvernement
de la gauche plurielle à une majorité sénatoriale orientée à droite ?
Entendez-vous invoquer les impératifs de l'égalité des sexes pour promouvoir
la réforme des modes d'élection et la généralisation du scrutin de liste ? Nous
attendons des réponses à toutes ces questions, madame le garde des sceaux.
M. Claude Estier.
La réponse a déjà été donnée !
Mme Hélène Luc.
Elle a répondu !
M. Josselin de Rohan.
Vous en avez déjà donné quelques-unes, mais il faudra les réitérer.
Il nous semble, quant à nous, compte tenu de l'importance de l'enjeu et de la
nécessité de remédier sans tarder à l'injustice dont sont victimes les femmes,
que le sujet devrait non pas donner lieu à des polémiques partisanes ou à des
assauts de mauvaise, foi mais, au contraire, inciter au dialogue. Nous sommes,
pour notre part nous l'avons prouvé disposés au compromis.
Mais c'est aussi la particularité de cette assemblée, sa force et son honneur
que de refuser de se plier aux modes ou de céder aux entraînements, aux
passions et aux sirènes trompeuses de la démagogie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Nous avons été dédommagés du concert de critiques que nous a valu notre
précédent vote par les encouragements que nous avons reçus à ne pas rejoindre
le troupeau de Panurge
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen)
par le fait aussi que nombre de nos citoyens ont
pris conscience de la complexité des problèmes soulevés par la réforme
constitutionnelle et la mauvaise foi, il faut bien le dire, de certains de nos
contradicteurs.
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
M. Josselin de Rohan.
Nous nous prononcerons en faveur des propositions de M. le rapporteur de la
commission des lois, avec la conviction d'avoir cherché avec honnêteté le moyen
de faire progresser la cause de l'égalité des hommes et des femmes et sans nous
dissimuler les difficultés de l'entreprise.
Nous répondrons à la bonne volonté par la bonne volonté, mais si, d'aventure,
nous n'étions pas payés de retour, nous saurions assumer nos responsabilités
sans nous laisser intimider par les pressions, les calomnies ou les attaques
orchestrées.
Le débat n'est pas entre les Anciens et les Modernes, les féministes et les
mysogines ; il a opposé ceux qui pensent qu'il suffit de faire étalage de bons
sentiments et d'énoncer des principes pour faire avancer une cause et ceux qui,
comme nous, ont la conviction que, pour faire évoluer une société, il faut bien
plus que des déclamations.
Le Sénat ne « rentre pas dans le rang », comme le proclament quelques médias
en mal de titres. Il ne se rallie pas, il ne se renie pas. Il contribue à
enrichir le débat démocratique et il accomplit la tâche que lui a confiée la
Constitution en s'attachant à accorder les lois à la réalité et à leur donner
toute leur portée. Ces dernières semaines, nous n'avons rien fait de plus, mais
rien de moins. L'opinion nous en donnera acte.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, nous voici de nouveau réunis dans cette assemblée - qui a
beaucoup fait parler d'elle ces derniers temps - pour discuter, en deuxième
lecture, du projet de loi constitutionnelle relatif à « l'égalité entre les
femmes et les hommes dans la vie politique ».
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'opinion publique ne gardera pas,
une fois encore, le souvenir d'un Sénat moderne, ouvert sur la vie et sur l'air
du temps.
(Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Hilaire Flandre.
C'est ringard !
Mme Odette Terrade.
Je le regrette profondément, et ce d'autant que mon groupe, comme d'ailleurs
les sénateurs de la gauche plurielle, s'était attaché, en première lecture, à
faire avancer le débat afin d'aboutir à une réforme rapide.
Nous avions en effet vu dans le texte issu du travail des députés un
instrument permettant de faire sauter le verrou posé par le Conseil
constitutionnel depuis sa décision de 1982, confirmée par celle de janvier
dernier.
Il pouvait également constituer un levier pour la conquête d'une plus grande
égalité des sexes dans les sphères économiques, sociales et professionnelles.
En effet, en dehors de leur trop faible représentation dans les assemblées
élues, les femmes souffrent également d'autres discriminations. Elles sont en
effet les premières victimes de la précarité du travail, du temps partiel
imposé, des bas salaires, y compris à qualification égale, et du chômage. Elles
doivent plus que les hommes concilier vie professionnelle et vie familiale.
Elles représentent 90 % des chefs de famille monoparentale ! Aujourd'hui plus
qu'hier, celles qui ont des revenus modestes voient avec angoisse le
remboursement de leur contraception diminuer, voire disparaître ; sans parler
de leurs droits acquis à interruption volontaire de grossesse, remis en cause
par les commandos anti-IVG, souvent en toute impunité !
Se dissimuler derrière de faux prétextes juridiques, en cherchant à minimiser
cette réforme constitutionnelle urgente et attendue, c'est aussi nier cette
réalité faite aux femmes aujourd'hui !
La division qui règne à droite sur la prise en compte de cette aspiration
paritaire n'échappe à personne. On voit ainsi le conservatisme qui la
caractérise osciller entre radicalité misogyne et opportunisme clairvoyant, ce
dont la presse s'est fait l'écho !
L'annulation en première lecture de la modification constitutionnelle
initialement prévue à l'article 3 ainsi que la responsabilité laissée aux seuls
partis politiques de « favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux
mandats et fonctions » remettaient radicalement en cause le sens de la réforme
proposée par le Gouvernement, acceptée par le Président de la République et
enrichie par l'Assemblée nationale.
Je ne reviendrai pas sur les tristes records que détient notre pays quant à
l'insuffisante représentation des femmes dans les assemblées politiques. Les
chiffres ont été longuement détaillés lors du débat précédent et ce point, au
moins, paraît faire l'unanimité.
Je souhaite plutôt m'employer à reprendre les arguments entendus à droite de
cet hémicycle contre ce projet de loi constitutionnelle, dont certains tiennent
plus du fantasme que de la raison, et à démontrer combien ils sont sans
fondement et à contre-courant de l'aspiration populaire.
Tout d'abord, s'agissant des arguments plus fondamentaux, les craintes
exprimées ne me paraissent pas justifiées.
J'ai ainsi entendu certains décrier une atteinte à l'universalisme de notre
République. Ils oublient alors d'admettre que ce principe a souvent servi de
paravent à l'unique présence des hommes, et que, jusqu'à présent,
l'universalisme s'est essentiellement décliné au masculin. Les principes
fondateurs de notre République ne doivent en aucun cas être figés. Ne faut-il
pas, au contraire, les faire vivre au quotidien ? Il est de notre
responsabilité de mettre en place une souveraineté nationale représentée par
des hommes et des femmes, à part égale, dans leur différence, ce que nos
concitoyens appellent très majoritairement de leurs voeux.
Je le répète, la mixité de l'humanité, constitutive de l'universalisme, est
plus garante de démocratie que la neutralité de sexe que certains prêtent à la
citoyenneté.
Les mêmes qui dénonçaient une prétendue atteinte à l'universalisme, agitaient
également le risque d'une dérive communautariste. Cet argument n'est vraiment
pas sérieux !
Pour y répondre, permettez-moi de vous citer, madame la garde des sceaux : «
Le sexe est un état de la personne, il ne saurait se réduire à une catégorie,
car il transcende tous les groupes. » Les femmes sont, en effet, au même titre
que les hommes, l'une des deux composantes de l'humanité. Admettre la dualité
des sexes ne porte pas atteinte au principe d'égalité.
La crainte de discriminations positives, me paraît étrange lorsqu'elle ne
dénonce pas la discrimination positive qui s'est, jusqu'à présent, exercée, de
fait, à l'égard des hommes !
Vraiment, mes chers collègues, favoriser l'égal accès des femmes est une
mesure urgente de justice : c'est prendre en compte leur rôle et leur place
dans la société.
Certains d'entre vous, mes chers collègues, se sont livrés à une plaidoirie du
mérite des femmes et ont dénoncé l'humiliation qui leur serait faite si le
projet de loi constitutionnelle tel qu'issu de l'Assemblée nationale était
adopté. Mais l'humiliation n'est-elle pas à son paroxysme lorsque la France est
le pays européen où les femmes sont le moins représentées au Parlement ? Elles
sont 82 sur 893 élus, soit seulement 9,18 %. Je ne vois, pour ma part, aucune
humiliation à enfin réparer une situation injuste et de surcroît nuisible à la
démocratie.
Je souhaite m'arrêter sur l'idée défendue dans l'amendement de M. Paul Girod,
selon laquelle la parité porte atteinte au libre choix des électeurs. Après Mme
la garde des sceaux, je me permets de faire référence aux propos de M.
Carcassonne, professeur de droit public auditionné par la commission des lois
du Sénat, avant le débat en première lecture, qui déclarait que, en l'absence
de possibilité de panachage, l'électeur serait d'ores et déjà privé de liberté
dans la plupart des scrutins. En effet, la liberté de choix s'exerce, de fait,
par le biais des candidatures présentées. En conséquence, en quoi la parité
viendrait-elle accentuer la situation actuelle ?
Vous le voyez, il est urgent de mettre un terme à l'exclusion des femmes de la
représentation politique, car c'est bien de cela qu'il s'agit !
En inscrivant à l'article 3 de notre loi fondamentale que « la loi détermine
les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », le texte issu de
l'Assemblée nationale pouvait indubitablement y contribuer activement. Il
rendait possible d'autres lois organisant, dans les faits, la parité et
l'égalité des femmes et des hommes.
Je tiens d'ailleurs à préciser qu'il permet, en l'état, de discuter
ultérieurement d'une modulation du financement des partis politiques à laquelle
semblent tellement tenir nos collègues de droite, et à propos de laquelle je
demeure sceptique.
En effet, si les partis politiques ont des efforts à fournir - et certains
d'ailleurs devront en faire plus que d'autres, tant ils ont pris du retard dans
la place faite aux femmes -...
M. Marcel Charmant.
C'est vrai !
Mme Odette Terrade.
... il ne me semble pas souhaitable d'intervenir dans leur autonomie et leur
liberté d'action. De plus, cette obligation ne concernerait pas les listes qui
ne sont issues d'aucun parti.
En revanche, d'autres réformes me paraissent essentielles. Je pense notamment
au non-cumul des mandats, au statut de l'élu et de l'élue et à l'introduction
d'une part plus grande de proportionnelle.
Vous le savez, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et
citoyen est favorable à une réforme du mode de scrutin. L'une des raisons de
cette position, et non la moindre, est que le scrutin proportionnel est le mode
électoral le plus efficace pour tendre vers l'égal accès des femmes et des
hommes aux fonctions et mandats électifs.
Mme Nicole Borvo.
Absolument !
Mme Odette Terrade.
Je tiens toutefois à rappeler, pour rassurer la majorité sénatoriale, que le
projet de loi constitutionnelle que nous examinons aujourd'hui ne fait pas état
de quelque réforme que se soit de nos modes de scrutin.
La passion qui anime ce débat, son caractère fondamental pour la société que
nous voulons construire, la division qui règne encore sur les travées de droite
amènent le groupe communiste républicain et citoyen à réserver son vote jusqu'à
la fin de ce débat.
Cependant, nous prenons acte de l'attitude nouvelle de la majorité sénatoriale
qui propose, pour l'article 3, de revenir aux texte initial du Gouvernement.
Alors que l'opinion publique, les associations et les mouvements féministes
sont fortement mobilisés pour l'aboutissement rapide de cette réforme, alors
que nous sommes à quelques jours de la journée internationale pour les droits
des femmes, j'invite solennellement mes collègues de droite à ne pas reproduire
les erreurs du passé
(Protestations sur les travées du RPR),
à ne pas
rater ce rendez-vous de notre assemblée avec la modernité digne du troisième
millénaire, et avec l'Histoire.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, le débat en première lecture du présent projet de
loi dans notre Haute Assemblée a laissé à la majorité des rares femmes qui en
sont membres et à de nombreux hommes progressistes un goût amer, et cette
déception a été ressentie bien au-delà de notre assemblée.
Que n'a-t-on pas entendu en effet ?
Nous voulions attenter à la République une et indivisible ; nous considérions
le citoyen en fonction de sa spécificité biologique ; rien ne s'opposait à
l'élection des femmes, si ce n'est leur propre volonté, voir leur désintérêt ;
il suffisait d'attendre pour que, naturellement, les choses évoluent
positivement...
Je ne veux pas revenir sur tous les propos qui ont été tenus par une grande
partie de la majorité sénatoriale ; pourtant, d'une certaine façon, ils ont été
réitérés par le deuxième orateur qui est intervenu dans la discussion générale.
Ces propos - je le lui dis - sont blessants et offensants.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Il ne faut donc pas s'étonner que cette attitude et ces propos ont été
sévèrement jugés par la presse et par l'opinion publique.
Mme Nelly Olin.
Ça suffit !
Mme Dinah Derycke.
Vous avez, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, dénoncé une
campagne selon vous calomnieuse alors que seul votre comportement était en
cause !
M. Philippe Richert.
Ça recommence !
Mme Dinah Derycke.
Votre indignation, votre surprise face à ces réactions publiques démontrent
que vous n'aviez pas compris ni mesuré l'aspiration profonde de la grande
majorité de nos concitoyens.
Vous vous êtes sentis agressés !
M. Philippe Richert.
Mais non !
Mme Dinah Derycke.
J'ai moi-même été accusée d'avoir tenu de tels propos, car l'on fait une
globalité lorsque l'on parle du Sénat,...
M. Josselin de Rohan.
Parlez français !
Mme Dinah Derycke.
... sans considérer qu'il y vit une opposition sénatoriale qui ne défend pas
les mêmes thèses et les mêmes positions ! Je vous avoue que j'ai parfois eu
honte de cet amalgame.
(Protestations sur les travées des Républicains et indépendants et du RPR. -
Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Josselin de Rohan.
C'est ridicule !
Mme Dinah Derycke.
En effet, le vote que vous avez émis, accréditait l'idée que vous refusiez
purement et simplement l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats
électoraux et aux fonctions électives.
Les députés, cela a été dit tout à l'heure, ne s'y sont d'ailleurs pas
trompés,...
M. Hilaire Flandre.
Des godillots !
Mme Dinah Derycke.
C'est vous qui les qualifiez ainsi !...
Les députés ont, à l'unanimité moins deux voix, rétabli leur texte.
Pourtant, nous étions partis du même constat accablant. Mais j'ai bien peur
que les larmes que vous aviez alors versées à la tribune, et que vous continuez
d'ailleurs à verser,...
M. Josselin de Rohan.
Nous ne pleurons pas du tout !
Mme Dinah Derycke.
... n'aient été que des larmes de crocodile.
M. Josselin de Rohan.
C'est une militante qui parle !
Mme Odette Terrade.
Vous ne l'êtes pas, vous ?
Mme Dinah Derycke.
Et vous, n'êtes-vous pas un militant ? Moi, je revendique d'être une
militante.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Madame Derycke, ne polémiquez pas avec vos collègues !
M. Josselin de Rohan.
Cessez de nous provoquer !
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, ils m'interpellent alors que vous m'avez donné la
parole. Vous les laissez faire, alors je me défends et je réponds !
M. Josselin de Rohan.
Provocatrice !
M. le président.
Mes chers collègues, seule Mme Derycke a la parole, veuillez la laisser
s'exprimer !
M. Josselin de Rohan.
Un caprice !
Mme Dinah Derycke.
Chacun, à cette tribune, a reconnu que la place des femmes dans nos instances
représentatives est scandaleusement insuffisante.
Chacun a reconnu que cette injustice ne peut pas perdurer dans un état
démocratique respectueux des droits de l'homme.
Chacun a exprimé que cette exclusion de fait des femmes de l'ensemble de nos
instances politiques s'explique par le poids de l'histoire et par les
conditions de vie qui leur sont faites. En effet, elles assument souvent à la
fois une activité professionnelle et les charges familiales, ce qui les rend
peu disponibles pour la politique.
Chacun a admis également que la culture, les habitudes, les préjugés ont
conduit à cette exclusion que nos voisins européens ont su ne pas accepter. Je
prendrai comme exemple le Portugal, qui, pour ce faire, a adapté sa loi
consitutionnelle, comme nous vous le proposons aujourd'hui.
Mais à ces blocages majeurs de notre société, à cette tension permanente entre
l'égalité de droit et l'inégalité de fait, à ces discriminations masquées ou
clairement avoueés, vous n'avez su ou voulu retenir qu'une solution : la bonne
volonté des partis. Cette solution était réductrice et aléatoire, l'histoire
nous l'a montré. Elle n'était pas acceptable.
La position du groupe socialiste n'a, quant à elle, pas varié : nous
souhaitons une inscription à l'article 3 du principe d'égal accès des hommes et
des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.
Sans reprendre nos débats de première lecture, je veux rappeler qu'il n'est
question ni de fonder un corps électoral distinct, ni de limiter les femmes à
la seule représentation des femmmes. Il ne s'agit pas d'une république sexuée,
mais du partage équilibré des responsabilités au sein de la République.
M. Charles Descours.
C'est une affirmation.
Mme Dinah Derycke.
Je veux redire avec force que nous souscrivons pleinement à la règle
fondamentale de l'universalité inscrite à l'article 3 de la Constitution,
...
M. Charles Descours.
C'est quand même normal !
Mme Dinah Derycke.
... règle que le présent projet ne remet nullement en cause.
Bien au contraire, il s'agit, en effet, d'expliciter, de réaffirmer,
d'enrichir ce concept, de lui donner corps. Il s'agit de refuser d'idéaliser la
notion de « neutre abstrait » qui a permis d'exclure pendant deux siècles les
femmes de la représentation nationale.
Faire état de l'existence des deux sexes n'est pas aller contre le principe de
l'universalité. Notons d'ailleurs que le constituant de 1958 n'a pas craint de
reconnaître cette existence. Il a en effet précisé au dernier alinéa de ce même
article 3 que « sont électeurs les nationaux des deux sexes » !
L'inégalité des femmes dans la représentation nationale n'est pas la
conséquence d'une inégalité de nature ! Certes, il existe une différence
biologique indéniable entre les femmes et les hommes, mais la nature n'a pas
hiérarchisé les sexes. Ce sont les hommes qui, de tout temps et en tous lieux,
hélas, ont assigné aux femmes une place inférieure, tant dans la vie privée que
dans la vie économique, culturelle et politique. Nous devons donc remédier à
cette inégalité inventée par les hommes et subie concrètement par les
femmes.
J'en viens maintenant à la proposition de M. le rapporteur, proposition qu'il
nous présente à nouveau avec, il faut le dire, beaucoup de constance... après
son rejet par la commission des lois le 25 janvier. Cette proposition n'a, par
conséquent, pas été discutée en première lecture. Il nous invite à reprendre, à
l'article 3, la version initiale présentée par le Gouvernement.
Cette solution ne nous satisfait pas pleinement. En effet, le texte élaboré
par les députés nous paraît plus précis. Le terme « favorise » peut en effet
laisser croire que l'on accorde une faveur, alors qu'il s'agit de réparer une
injustice.
Toutefois, nous voulons voir aboutir cette réforme constitutionnelle que nous
jugeons importante et, je le souligne, prioritaire pour la démocratisation de
la vie politique. C'est pourquoi, tout en constatant que le texte est moins
contraignant que celui de l'Assemblée nationale, nous sommes prêts à considérer
qu'il peut constituer une base de compromis acceptable.
En effet, il y est fait mention de la loi, ce qui apporte l'assurance que la
révision constitutionnelle ne restera pas un voeu pieux mais sera suivie
d'effets. Mon souhait, le souhait du groupe socialiste, est que, rapidement,
des dispositions législatives soient adoptées afin d'atteindre concrètement
l'objectif que nous nous fixons. C'est pourquoi nous ne pourrions accepter un
amendement qui, de façon insidieuse, viderait le texte de sa substance et le
rendrait totalement inopérant.
M. Marcel Charmant.
Très bien !
Mme Dinah Derycke.
Nous resterons donc vigilants et nous ne nous déterminerons en faveur du texte
repris par M. le rapporteur qu'à la condition qu'il reste en l'état.
Comme M. le rapporteur, nous ne contestons pas que les partis politiques
portent une part de responsabilité, bien que certains partis de la majorité
plurielle, Mme Terrade l'a rappelé, aient déjà consenti des efforts. Qu'il soit
possible, par des mesures financières, d'inciter tous les partis politiques à
mieux prendre en charge cette question nous paraît constituer une réponse parmi
d'autres, et non, comme en première lecture, la réponse exclusive de toute
autre.
Je note d'ailleurs que la formulation a changé dans un sens plus contraignant
et qu'elle fait désormais référence à l'intervention de la loi. C'est ce que la
majorité sénatoriale - il faut le rappeler, mais la plus grande confusion
régnait alors - avait catégoriquement refusé en première lecture.
Ces amendements, monsieur le rapporteur, ne nous enthousiasment pas vraiment.
Cependant, au regard de ce qui nous a été proposé le 26 janvier, au regard des
interventions faites à la tribune et des déclarations péremptoires dans la
presse - on se plaint de la presse, mais on se précipite vers elle pour faire
des déclarations - nous considérons que vos propositions constituent une
avancée.
Vous faites un pas en avant, mais un bien petit pas par rapport au saut en
arrière de la séance précédente. Le jugement négatif de l'opinion publique
n'est pas étranger à votre volonté, à la volonté de la majorité sénatoriale,
d'effectuer un rétablissement. Admirons cet art de la gymnastique ! J'ose
espérer qu'il ne s'agit pas d'une pirouette. Les débats cet après-midi nous le
diront.
Notre but, à nous socialistes, est de permettre une participation effective et
égale des femmes à la vie politique de notre pays. Nous ne transigerons pas sur
cet objectif prioritaire qui, nous en sommes sûrs, sera un enrichissement pour
la démocratie.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a fait couler
beaucoup d'encre et a provoqué un vif débat tant au sein de nos assemblées
parlementaires que parmi les philosophes, les intellectuels, les juristes et,
au-delà, dans toute l'opinion publique. Encore ce matin, nous avons d'ailleurs
entendu de nombreuses références à ce débat qui s'est déroulé jusque dans la
rue.
Il est vrai que la modification de la Constitution qu'il nous est proposé de
voter aujourd'hui ne fait pas l'unanimité, tant dans son principe même que sur
sa forme.
La représentation des femmes dans la vie politique de notre pays et, en
premier lieu, au sein des assemblées parlementaires, est une exigence que
l'Union centriste défend avec conviction. Cette exigence doit d'ailleurs
s'appliquer à tous les domaines de la vie publique.
Au nom du groupe de l'Union centriste, je réaffirme donc avec force la
position que j'avais exprimée en première lecture : il est inadmissible que les
femmes ne soient pas davantage représentées dans notre vie politique.
Pourquoi sont-elles si peu représentées ? Cette situation résulte-t-elle de la
loi ou des mentalités et des comportements ?
En ce qui concerne la loi, pourtant, le troisième alinéa du préambule de la
Constitution de 1946, inséré dans notre actuelle Constitution, apporte les
précisions suivantes : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines,
des droits égaux à ceux de l'homme. »
Peut-on être plus explicite ? Le débat que nous avons aujourd'hui trouve donc
son origine non pas dans un déficit législatif, mais dans le constat d'un écart
manifeste entre le droit et les faits.
En France, berceau des droits de l'homme, que les femmes ne trouvent pas
davantage de place dans la vie politique est l'aveu d'un échec. Cinquante-cinq
ans après que les femmes ont obtenu, sur l'initiative du général de Gaulle, le
droit de vote et d'éligibilité, leur place en politique reste marginale. Cette
situation contraste fortement avec ce que l'on observe dans la plupart des
autres pays européens, la France étant à l'avant-dernier rang en ce qui
concerne la présence des femmes dans les parlements nationaux.
On peut regretter qu'il faille recourir à la loi pour changer les mentalités
et les comportements, mais il faut bien reconnaître que les inégalités
constatées ne s'estomperont sans doute que lentement, trop lentement. Par
conséquent, une impulsion est indispensable et, dès lors, le recours à la loi
se justifie. Mais les débats, tant dans l'hémicycle que dans l'opinion,
montrent que l'introduction de la parité dans la Constitution n'est pas sans
risque et que son efficacité n'est pas garantie.
En effet, s'il y a accord sur l'objectif à atteindre - favoriser l'égal accès
des femmes et des hommes aux fonctions électives - les interrogations viennent
du moyen d'atteindre cet objectif.
Faut-il modifier la Constitution ? Certains y sont opposés et, parmi eux, des
spécialistes de droit constitutionnel. Ils font valoir qu'introduire une
discrimination positive à l'attention des femmes remet en cause le principe de
l'universalité et qu'aucun autre pays n'a ainsi usé de la loi pour favoriser
l'accès des femmes aux fonctions électives.
Il faut reconnaître que cet argument, puisé dans les principes mêmes de notre
République, est plus que respectable. Je regrette que dans les débats de ces
derniers mois - et même dans certaines déclarations de ce matin - les excès des
uns en aient minoré l'importance.
En France, le contexte est cependant particulier. Seule une modification de la
Constitution permettra de lever le verrou de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel. Ce texte est donc utile pour éviter la sanction du Conseil
constitutionnel chaque fois que nous voudrons faire un pas en faveur de
l'égalité entre les femmes et les hommes.
La question qui subsistait était donc : que faut-il modifier dans la
Constitution ? Or le différend entre les députés et les sénateurs portait sur
les modalités de cette modification.
Ce texte initial du Gouvernement ajoutait à l'article 3 de la Constitution un
alinéa indiquant que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes
aux mandats électoraux et fonctions électives ».
L'Asssemblée nationale est allée plus loin en précisant : « La loi détermine
les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. » Elle est revenue sur ce
texte en deuxième lecture et a par conséquent refusé de tenir compte des
modifications apportées par le Sénat. Or ces modifications votées par les
sénateurs étaient l'aboutissement d'un long et passionnant débat au sein de
notre assemblée.
Ce débat est le suivant : l'égalité juridique entre les hommes et les femmes
existe déjà dans le préambule de notre Constitution. Ce n'est donc pas la loi
qui est responsable des inégalités que l'on peut observer. C'est pourquoi le
Sénat avait préféré modifier l'article 4 de la Constitution, jugeant que les
partis politiques sont davantage responsables de ce déséquilibre et que seule
sera efficace une action volontariste de leur part, éventuellement accompagnée
d'une modulation des règles de leur financement public. Nous réaffirmions donc
notre volonté de marquer clairement la responsabilité des partis politiques.
Par sa rédaction impérative, la modification apportée par l'Assemblée
nationale à l'article 3 de la Constitution n'est pas satisfaisante. Les termes
retenus par le texte initial, qui a été adopté en conseil des ministres,
paraissent laisser plus de liberté au Parlement dans le choix des mesures
législatives. C'est pour cela que la majorité sénatoriale, et à ce titre le
groupe de l'Union centriste, préfère voter le texte initial. Nous manifestons
ainsi notre souci d'aboutir à un accord, de trouver un compromis.
A cet égard, rappelons que cette culture du compromis, de la recherche d'un
accord est davantage partagée dans d'autres pays qu'en France. Les reproches
que nous nous adressons les uns les autres sont parfois excessifs. Mieux
voudrait essayer très lucidement et très concrètement de trouver les voies d'un
accord entre les différentes parties, les différentes composantes.
C'est dans ce souci que notre groupe votera le texte initial.
Enfin, le Gouvernement n'a toujours pas précisé les conditions de mise en
oeuvre de ce principe d'égalité entre les hommes et les femmes. Si ces
conditions paraissent assez faciles en ce qui concerne les scrutins de listes,
il n'en est pas de même, bien entendu, pour les scrutins uninominaux.
Il ne faudrait pas qu'ensuite certains utilisent le prétexte de la parité pour
généraliser le scrutin proportionnel, auquel on peut reconnaître certains
avantages, mais aussi de nombreux inconvénients.
Madame la ministre, vous avez reconnu le risque de communautarisation de notre
société tout en vous disant opposée à cette évolution. Vous avez démenti
d'éventuelles intentions du Gouvernement quant à la modification du mode de
scrutin. Vos propos me rassurent, tout comme je me félicite de l'évolution du
ton. Vous déclarez que nous sommes plus prêts les uns des autres que nous ne
pourrions le penser. C'est ce que certains avaient déjà dit et répété lors de
l'examen de ce texte en première lecture, mais à l'époque les propos étaient
beaucoup plus vindicatifs.
Vos propos me rassurent, disais-je, mais ceux de certains de vos collègues du
Gouvernement me font néanmoins douter.
Cela étant, le texte réécrit et voté par le Sénat, y compris avec la
modification de l'article 4 visant à confirmer le rôle, dans ce domaine, des
partis politiques, pourrait être transmis dès ce soir à l'Assemblée nationale
et ensuite être validé par le Congrès.
Pour autant, le fait de favoriser l'accès des femmes aux fonctions électives
ne résoudra en rien la question du retard qu'elles connaissent dans d'autres
domaines.
Le rapport intitulé : « L'encadrement supérieur de la fonction publique : vers
l'égalité entre les hommes et les femmes », qui a été remis très récemment au
ministre de la fonction publique par Mme Anne-Marie Colmou, maître des requêtes
au Conseil d'Etat, le montre bien.
Si les femmes représentent 56,9 % des salariés du secteur public, elles sont
peu nombreuses à occuper des postes à responsabilité et le Gouvernement auquel
vous appartenez devrait bien sûr montrer l'exemple, dans le droit-fil des
déclarations dont nous avons été abreuvés ces derniers temps.
Depuis l'arrivée de Lionel Jospin, il semble bien que moins de 10 % des hauts
fonctionnaires nommés en conseil des ministres aient été des femmes.
M. Alain Gournac.
Voilà !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Et les ministres ?
M. Philippe Richert.
Et pourtant, il y en a eu des nominations ! Et là, il n'était pas besoin de
modifier la Constitution !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Il suffisait d'avoir la
volonté de démontrer que les discours lénifiants du Gouvernement pourraient
être suivis d'effets par ailleurs.
La situation dans le secteur privé n'est d'ailleurs pas meilleure.
Aujourd'hui, l'inégalité entre les hommes et les femmes reste, en France,
indiscutable, par exemple devant le chômage et les emplois précaires, devant
les abus du temps partiel, devant la disparité des salaires... Dans le secteur
privé, le salaire moyen des femmes est de 25 % inférieur à celui des hommes. Il
est inadmissible que, à l'aube du XXIe siècle, des discriminations salariales
et à l'embauche entre les femmes et les hommes subsistent, à responsabilités et
à compétences égales.
Nous devons donc agir à tous les niveaux pour faciliter l'accès des femmes aux
responsabilités, en particulier en prenant des mesures concrètes pour favoriser
la conciliation de leur place et de leur rôle dans la famille, la sphère
privée, et dans la société, la sphère publique. Les Françaises et les Français
nous jugeront, madame la ministre, non pas simplement sur nos intentions, mais
sur nos actes.
Pour conclure, monsieur le président, je pense que, au fond, un accord est
possible, est souhaitable entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Le groupe de
l'Union centriste est favorable à l'aboutissement de ce débat par un accord
entre les deux assemblées et il votera, dans sa grande majorité, les deux
points évoqués plus haut.
Vous le voyez, madame la ministre, contrairement à ce qui a été largement dit
et entendu ces dernières semaines, et je l'avais d'ailleurs clairement affirmé
en première lecture, le Sénat est favorable à un meilleur accès des femmes aux
fonctions électives, et la discussion ainsi que le vote de ce texte en
témoignent. Sur des sujets aussi importants et qui engagent notre
responsabilité, nous ne saurions, les uns et les autres, décevoir les
Françaises et les Français.
Mais, désormais, tout reste à faire !
Les prochaines élections européennes donneront aux partis politiques une
première occasion de mettre en pratique cette volonté de promouvoir les femmes
dans la vie politique.
Bien plus, si l'on veut que les femmes soient réellement mieux représentées
dans la vie politique, cette volonté doit être quotidienne. En dehors même des
périodes électorales, les partis politiques doivent faire une place plus
importante aux femmes dans leurs instances.
C'est maintenant que tout commence. Et soyez sûre, madame le garde des sceaux,
que le Sénat portera ce dossier en militant vigilant de l'égalité !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, madame le ministre, mesdames les secrétaires d'Etat,
mes chers collègues, lorsque j'ai eu l'honneur d'entrer dans cette assemblée,
il y a quelque vingt ans, je savais que je revêtais l'habit de constituant qui
m'imposait donc à la fois rigueur, prudence et responsabilité.
Je savais aussi que, chaque fois que j'aurais à modifier la Constitution, je
devrais avoir à l'esprit qu'elle s'appliquerait non pas sur un temps court,
mais sur une longue période ; c'est la raison pour laquelle, madame le
ministre, j'ai été tout à l'heure un peu sceptique sur la manière dont vous
avez évacué le problème de la généralisation des scrutins de listes en disant
que ce gouvernement ne le ferait pas. Mais il peut venir demain un autre
gouvernement, d'une autre origine,...
M. Alain Vasselle.
Bien sûr !
M. Paul Girod.
... qui, pour une raison quelconque, utilisera les dispositions dont nous
parlons pour aller exactement à l'inverse de ce qui est la tradition nationale
française, c'est-à-dire les scrutins uninominaux !
M. Alain Vasselle.
Tout à fait !
M. Paul Girod.
C'est un aspect que je me dois d'avoir présent à l'esprit quand j'exerce mon
devoir de constituant que je remplis depuis vingt ans, avec une suppléante
femme ! Cela n'était pas tellement fréquent à l'époque, et cela ne l'est pas
tellement plus aujourd'hui !
Madame le ministre, j'ai toujours été hostile à l'inscription, dans la
Constitution, de la référence au financement public des partis politiques. Elle
découle de la loi et doit rester à ce niveau, car elle peut évoluer à tout
moment.
Mme Nicole Borvo.
On est d'accord !
M. Paul Girod.
Le fait d'inscrire un tel financement dans la Constitution revient, me
semble-t-il, à consacrer définitivement un avatar, ce qui me semble dangereux.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'avais pas voté le texte issu des
premières délibérations du Sénat.
J'en viens maintenant au texte qui nous revient de l'Assemblée nationale et
qui me semble inadmissible pour deux raisons.
Premièrement, il découle d'une conception de la vie publique qui relève plus
de la photographie que du cinéma. Or, qu'on le veuille ou non, en matière
d'arrivée des femmes dans la vie publique, on constate une évolution. Elle est
lente, trop lente, voire scandaleusement lente, mais elle existe ! Il faut en
favoriser l'accélération, mais il ne faut pas recomposer autoritairement la
photographie du jour en redistribuant les rôles ! C'est pourtant ce que fait
l'Assemblée nationale en utilisant le verbe « détermine », qui décrit déjà le
résultat d'une évolution ultérieure.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Paul Girod.
Que l'on favorise l'évolution, qu'on l'accélère, oui ! Que l'on en détermine
le résultat, non !
Deuxièmement, le texte de l'Assemblée nationale introduit une rupture avec le
principe d'universalisme. Or c'est un peu facile d'évacuer le débat
universaliste, communautariste, de manière caricaturale et rapide. Mais c'est
un vrai problème.
J'ai relu attentivement l'article 3 dont la Constitution, Mme Derycke, tout à
l'heure, a très opportunément rappelé le quatrième alinéa, un alinéa de
rassemblement de notre peuple.
Au premier alinéa, le peuple est décrit comme seul souverain et exerçant sa
souveraineté par l'intermédiaire de ses représentants et par la voie du
référendum.
Au quatrième alinéa, il est écrit : « Sont électeurs, dans les conditions
déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes -
voilà le rassemblement - jouissant de leurs droits civils et politiques. »
Ajouter à l'article 3 un alinéa qui opèrerait un découpage au sein de notre
peuple serait une erreur. Il est préférable, pour conserver la même idée,
d'ajouter un texte aussi « rassembleur » que le dernier alinéa actuel de
l'article 3.
C'est ainsi que je proposerai, par amendement, d'insérer dans cet alinéa la
phrase suivante : « La loi favorise leur égal accès aux mandats électoraux et
fonctions électives dans le respect du droit de candidature et de la liberté de
choix des électeurs. » Voilà qui serait non seulement plus constructif, plus
rassembleur que le texte proposé aujourd'hui par notre rapporteur et contenant
cette idée de découpage dans notre peuple, mais aussi plus porteur d'avenir et
moins susceptible de manipulations ultérieures !
(Applaudissements sur les
travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gélard.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'égalité entre les
femmes et les hommes revient aujourd'hui devant le Sénat dans la rédaction
adoptée par l'Assemblée nationale.
Pourtant, le Sénat avait souligné avec force son attachement au principe de
l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions et aux mandats électifs.
Pourtant, le Sénat avait souligné que la Déclaration des droits de l'homme et
du citoyen, le préambule de la Constitution de 1946 et la Constitution de 1958
elle-même assuraient déjà en droit cet égal accès des hommes et des femmes et
que les véritables coupables étaient non pas la Constitution, la loi ou le
législateur, mais les partis politiques ; c'était là qu'il fallait mettre
l'accent.
Pourtant, le Sénat avait mis en garde contre les dérives potentielles du texte
adopté par l'Assemblée nationale. Mais personne, ou presque, n'a voulu entendre
ce que nous avions dit. Personne, ou presque, n'a voulu lire ou relire nos
débats. On criait haro sur le Sénat, à tel point qu'on pouvait légitimement se
demander si d'autres objectifs n'étaient pas fixés.
Mais l'opinion publique a commencé à évoluer et à considérer qu'on en faisait
peut-être un peu trop et que les arguments du Sénat méritaient peut-être un
autre jugement.
On a même voulu démontrer un hiatus entre le Président de la République et la
majorité sénatoriale, alors que le texte adopté par l'Assemblée nationale
n'était pas celui que le chef de l'Etat avait approuvé.
Un sénateur du RPR.
C'est vrai !
M. Patrice Gélard.
Le Sénat n'est pas hostile, loin de là, à la modernité, mais il faut que cette
modernité ne soit ni ringarde, ni démagogique, ni liberticide.
(Applaudissement sur les travées du RPR.)
Pour montrer cette volonté, nous allons accepter aujourd'hui le texte
proposé par la commission des lois et négocié préalablement, et nous l'en
remercions, par le président du Sénat et les présidents des groupes de la
majorité parlementaire.
Mais le Sénat, comme il l'a affirmé au cours de la première lecture, demeurera
vigilant sur les suites qui seront données à cette révision
constitutionnelle.
Il ne faut pas que cette révision soit prétexte à généraliser le scrutin
proportionnel parce qu'il serait le seul à garantir réellement l'égalité des
hommes et des femmes.
Il ne faut pas que cette réforme justifie la mise en place des quotas, qui,
comme nous l'avons déjà démontré, discréditent ceux qui en bénéficient et sont
en contradiction avec les règles démocratiques les plus élémentaires.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Au nom de quoi pourrait-on dire demain qu'un homme ou une femme ne peut
pas représenter l'autre sexe ? Quand je vote, je vote indifféremment pour un
homme ou pour une femme, selon que j'estime qu'il est le meilleur ou qu'elle
est la meilleure !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Claude Estier.
Encore faut-il que les femmes puissent être candidates !
M. Patrice Gélard.
Il faudra donc que le Gouvernement et le Parlement, sous le contrôle du
Conseil constitutionnel, manient avec beaucoup de précaution la signification
du terme « favorise ». En effet, le risque d'ouvrir la boîte de Pandore est
évident. Quoi qu'en dise Mme le garde des sceaux, je crains que telle ou telle
catégorie de citoyens n'exige demain l'égalité, en dénonçant la non-concordance
de la représentation nationale avec la réalité sociologique et, une nouvelle
fois, la discordance entre le pays légal et le pays réel !
M. Alain Vasselle.
Très juste !
M. Patrice Gélard.
Pourquoi demain, madame le garde des sceaux, n'apparaîtrait pas une
revendication pour dénoncer le nombre excessif de parlementaires fonctionnaires
qui siègent à l'heure actuelle dans nos assemblées...
M. Alain Vasselle.
A l'Assemblée nationale !
M. Patrice Gélard.
... et dire qu'il est anormal que les autres catégories socioprofessionnelles
soient à ce point sous-représentées ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Demain, des revendications se feront jour dans la magistrature,
l'enseignement et la santé publique pour rétablir l'égalité des sexes, en
faisant fi des mérites et des talents !
M. Josselin de Rohan.
Dans la magistrature, d'accord ! On y trouvera plus d'hommes !
M. Patrice Gélard.
Mais, après tout, ne jouons pas les prophètes de malheur. Restons convaincus
du bon sens et de la volonté de rechercher l'équilibre de nos gouvernants et de
nos responsables de partis politiques. Peut-être que, demain, ce seront les
hommes qui, devenus minoritaires dans les assemblées, se réclameront à leur
tour de l'égalité d'accès aux fonctions et aux mandats.
(Marques
d'approbation sur les travées du groupe du RPR.)
M. Claude Estier.
Ce n'est pas encore pour demain !
Mme Nicole Borvo.
La parité le leur permettra !
M. Patrice Gélard.
Madame le garde des sceaux, je suis convaincu, malgré ce que vous avez dit
tout à l'heure et qui m'a quelque peu rassuré, qu'il y a eu une offensive
montée pour neutraliser le Sénat.
M. Alain Vasselle.
Exactement !
M. Patrice Gélard.
La parité, le cumul des mandats, la réforme du mode de scrutin sénatorial,
tout cela apparaît comme un ensemble de mesures dirigées contre nous.
M. Alain Vasselle.
Tout à fait !
M. Patrice Gélard.
Mais vous ne pouvez mener cette offensive qu'avec l'appui de l'opinion
publique, et je ne suis pas convaincu que, dans ce domaine, elle vous suive.
Le Sénat est pour la modernité, tout comme vous, je l'ai dit tout à l'heure,
mais pas à n'importe quel prix.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Patrice Gélard.
Dans l'affaire de l'égal accès, le Sénat a su montrer où se trouvait la cause
réelle de la sous-représentation féminine dans nos assemblées.
Je ne pense pas que le débat qui eut lieu à l'Assemblée nationale mît cela
aussi bien en évidence, et je suis convaincu que, lors des prochaines élections
européennes, la quasi-totalité des listes seront paritaires sans qu'aucune loi
ait été adoptée entre-temps.
(Murmures sur les travées socialistes.)
Je suis convaincu qu'aux prochaines élections municipales il en ira de même
sans qu'aucune loi intervienne d'ici là.
(Nouveaux murmures sur les mêmes
travées.)
J'en tiens avec vous le pari.
Nous ne sommes pas là pour bloquer une réforme qui a sa raison d'être, nous
l'avons dit dès le début.
Nous allons une fois encore, comme c'est la tradition au Sénat, faire preuve
de sagesse en acceptant un texte que beaucoup d'entre nous trouvent encore
imparfait. Mais cette sagesse restera assortie, soyez-en sûrs, de vigilance
face aux dérives potentielles et de sens des responsabilités face aux exigences
démocratiques et républicaines
(Bravo ! et applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, voilà un peu plus d'un mois, la majorité sénatoriale s'était
opposée au projet de réforme présenté par le Gouvernement pour faire sortir la
France d'une situation que, par ailleurs, tout le monde s'accordait à trouver
inacceptable.
En refusant l'intervention de la loi et en nous proposant de nous en remettre
exclusivement aux incitations financières pour les partis politiques, la
majorité sénatoriale avait montré sa volonté de ne faire évoluer les choses que
le plus lentement possible.
Ce mois de réflexion a apparemment permis à nos collègues d'écouter et,
surtout, d'entendre les 79 % d'hommes et les 81 % de femmes de notre pays qui
se sont déclarés prêts à voter « oui » à un référendum sur l'inscription de
l'objectif de parité dans la Constitution.
M. Alain Vasselle.
Cela reste à démontrer !
Mme Danièle Pourtaud.
Contrainte d'avancer, au risque de se couper de l'opinion, la majorité
sénatoriale accepte aujourd'hui de revenir au texte initial : « La loi favorise
l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions ». Nous ne
pouvons que nous en réjouir. Mais elle entre dans cette réforme à reculons, en
refusant la rédaction plus volontariste adoptée par l'Assemblée nationale.
M. Pierre Fauchon.
C'est faux !
M. Jean Delaneau.
On entre dans la provocation !
M. Alain Vasselle.
C'est de la caricature !
Mme Danièle Pourtaud.
Pardonnez-moi, mes chers collègues, je vous ai écoutés, et je serais heureuse
que vous en fassiez autant à mon égard !
M. Pierre Fauchon.
Il ne faut pas nous provoquer !
M. le président.
Mes chers collègues, la parole est à Mme Pourtaud, et à elle seule.
Poursuivez, madame !
M. Alain Vasselle.
Qu'elle ne nous provoque pas !
M. Claude Estier.
Parce que vous ne provoquez jamais, vous ?
M. Jacques Larché.
Rarement !
M. le président.
Madame Pourtaud, poursuivez, s'il vous plaît !
Mme Danièle Pourtaud.
Merci, monsieur le président.
Pour notre part, face à la persistance d'inégalités entre les hommes et les
femmes, nous sommes convaincus qu'une telle révision constitutionnelle, qui
permet l'intervention du législateur, peut être un formidable levier pour
transformer les mentalités et les comportements - je rejoins en cela M. de
Rohan - non seulement dans la vie politique, mais aussi dans l'ensemble de
notre société.
Néanmoins, cette révision constitutionnelle, si elle inaugure une nouvelle
ère, n'est en rien la fin d'un combat. Cette loi d'habilitation nécessaire mais
non suffisante devra être suivie d'une ou de plusieurs lois d'application pour
que l'égalité devienne une réalité dans nos assemblées.
Je ne crois donc pas inutile de rappeler, tout d'abord, combien une telle
révision constitutionnelle s'imposait tout particulièrement dans notre pays.
Pour ma part, j'ai toujours pensé que le combat pour la mixité et l'égalité
dans la vie publique était à mener simultanément sur deux fronts : le front
politique et législatif d'une part, le front culturel d'autre part.
Du point de vue du combat culturel, les rapports se succèdent pour égrener le
même constat : le sexisme perdure quasiment sans amélioration dans tous les
secteurs de notre société. La dernière étude de l'INSEE, publiée le 27 janvier
1999, nous confirme que les inégalités hommes-femmes sévissent non seulement
dans les partis politiques mais aussi dans toute la sphère professionnelle.
Alors que le taux d'activité féminin n'a jamais été aussi fort depuis les
années soixante, les femmes souffrent toujours d'un double handicap : elles
sont à la fois victimes de discriminations sur le marché du travail, et c'est
encore sur elles que reposent à 80 % les tâches domestiques et les
responsabilités familiales.
Dans le secteur privé, 32 % des cadres seulement contre 76 % des employés sont
des femmes ; à poste égal, l'écart de rémunération entre les hommes et les
femmes est de 28 % ; 14 % seulement sont à la tête d'entreprises de plus de 10
salariés...
Et ce n'est pas mieux dans la fonction publique, cela a déjà été rappelé à
cette tribune ! Le récent rapport d'Anne-Marie Colmou renforce malheureusement
ce que nous savions déjà. Les femmes sont des plus rares aux postes de
responsabilité : 5 femmes parmi les 109 préfets, 4 sur les 30 recteurs, 4 sur
les 88 présidents d'universités, 40 sur les 201 membres du Conseil d'Etat...
Seul le débat public permettra de faire évoluer durablement les mentalités et
les comportements. A cet égard, qu'il me soit permis de remercier la droite
sénatoriale de son involontaire contribution. En quelques semaines, le débat
est sorti des hémicycles pour se dérouler dans le pays. Il y avait bien
longtemps que la cause des femmes n'avait pas fait la une des journaux et
n'avait pas occupé des colonnes entières. Et cela, nous le devons en quelque
sorte au blocage de la majorité sénatoriale le 26 janvier dernier.
M. Josselin de Rohan.
Ne dites pas n'importe quoi !
M. Pierre Fauchon.
Il n'y a pas eu de blocage !
Mme Danièle Pourtaud.
Je rends hommage à votre combat sincère pour la cause des femmes !
M. Pierre Fauchon.
Avons-nous, oui ou non, voté quelque chose ?
M. le président.
Monsieur Fauchon, vous aurez la parole après Mme Pourtaud.
M. Pierre Fauchon.
Ce sera trop tard !
M. le président.
Poursuivez, madame Pourtaud !
Mme Danièle Pourtaud.
Mais nous ne devons pas pour autant relâcher notre vigilance et laisser
fléchir notre détermination, car nous savons bien que les résistances sont
profondes et que les bonnes volontés s'émoussent vite dans notre pays.
C'est d'ailleurs une leçon à tirer de notre histoire. Pendant des siècles, les
femmes ont été exclues abusivement de toute participation aux affaires de la
cité, au nom de leur différence sexuelle. De la loi salique jusqu'à la
Libération en passant par le code Napoléon, on les a cantonnées à la sphère
privée et religieuse. Le mode de fonctionnement actuel de notre vie publique
n'est que le résultat de cette construction masculine.
« L'évolution des moeurs ne suffit pas toujours, surtout en France,
passablement archaïque, voire bloquée en la matière » estimait encore récemment
l'historienne Michelle Perrot. A la différence des pays nordiques, nous ne
pouvons donc pas faire confiance à l'évolution spontanée des mentalités et des
comportements.
C'est aussi la leçon à retenir des toutes dernières élections.
Si, en 1998, le nombre de conseillères régionales a été multiplié par deux, on
a pu constater aux dernières cantonales et sénatoriales que ce bel élan s'était
arrêté tout net !
En outre, tous les partis n'avancent pas naturellement du même pas décidé pour
investir des candidates et les placer en position éligible. Aux régionales,
c'est la gauche plurielle qui a présenté le plus grand nombre de femmes. Je ne
résiste pas au plaisir de souligner que c'est le parti socialiste qui les a
placées aux meilleurs rangs, puisqu'il a obtenu, proportionnellement, le plus
grand nombre d'élues féminines - 35 % - devant le RPR - 25 % - et l'UDF - 23
%.
M. Alain Vasselle.
La parti communiste est bien loin !
Mme Danièle Pourtaud.
Face à ces différents obstacles qui peuvent facilement devenir insurmontables,
il est bien évident que seule la force de la loi permettra de garantir le
changement et d'inverser d'une manière irréversible le cours de ce très long
fleuve trop tranquille.
On l'aura compris, cette révision constitutionnelle restera lettre morte, en
deçà de sa valeur symbolique, si elle n'est pas suivie nécessairement d'une ou
de plusieurs mesures concrètes.
Il faut aujourd'hui faire preuve d'une grande hypocrisie pour ne pas
reconnaître qu'il y a bien des quotas de fait qui écartent les femmes de la
représentation nationale : 5 % au Sénat, 5 % à l'Assemblée nationale jusqu'en
juin 1997, 11 % aujourd'hui grâce au volontarisme de Lionel Jospin.
Il est donc indispensable que le législateur prenne des mesures volontaristes
pour que l'égalité de droit puisse passer dans les faits.
A cet égard, je souhaiterais d'emblée dissiper ce que je considère comme un
malentendu. A travers les quotas de candidatures, il s'agit non pas d'ériger la
différence en principe ni de remettre en cause l'universalisme - l'exemple
américain est là pour témoigner que c'est un leurre ! - mais d'accélérer le
mouvement vers l'égalité et la mixité.
Toute logique quantitative ne peut être qu'une étape,...
M. Hilaire Flandre.
C'est une erreur !
Mme Danièle Pourtaud.
... que j'espère provisoire, comme je l'ai déjà dit le 26 janvier. Nous ne
voulons pas enfermer la politique dans un carcan rigide !
Interrogé sur la pertinence des quotas comme moyen de remédier aux inégalités
entre les hommes et les femmes, François Mitterrand estimait alors : « Il est
inadmissible qu'il y ait si peu de femmes élues. »
M. Josselin de Rohan.
Il était bigame !
(Sourires.)
Mme Danièle Pourtaud.
Il ajoutait : « Puisque cela ne se fait pas naturellement, il faut pendant
quelque temps prendre de nouvelles habitudes. »
M. Hilaire Flandre.
Il a pris le temps de la réflexion !
Mme Danièle Pourtaud.
Je le répète : les quotas de candidatures en faveur des femmes sont pour nous
une étape nécessaire mais transitoire pour que la revendication de l'égalité ne
demeure pas une posture rhétorique, mais devienne une réalité pour toutes.
Voyons maintenant de plus près quelles pourraient être la ou les lois
possibles.
Pour les scrutins de liste, c'est assez simple. Encore faudra-t-il veiller à
placer les candidates en position éligible !
Pour les scrutins uninominaux, l'incitation ou la sanction financière - je
crois que nous allons devoir travailler, au sein du Parlement, en concertation
avec vous, madame la ministre, et faire preuve d'imagination - permettra sans
trop de difficultés d'aboutir, à plus ou moins long terme, à notre objectif.
Peu-être, madame la ministre, pourrez-vous nous préciser l'état actuel de vos
réflexions en la matière.
Quoi qu'il en soit, j'espère que nous pourrons voter dès aujourd'hui, mes
chers collègues, sans mauvaise surprise, cette réforme qui a suscité tant
d'espoirs pour toutes les Françaises de notre pays.
Je suis en effet certaine qu'il est bien acquis sur tous les bancs de cet
hémicycle que les femmes n'ont plus à prouver leur compétence ; elles ont
seulement besoin qu'on ne les empêche pas de les exercer.
(Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Madame « le » ministre
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen. - Applaudissements sur certaines travées du RPR et des
Républicains et Indépendants)...
Mme Odette Terrade.
Rétrograde !
Mme Nicole Borvo.
Bon démarrage !
M. Pierre Fauchon.
Mais oui, la langue française est vivante : on a certainement le droit d'y
introduire...
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen)...
Mme Odette Terrade.
Justement, elle doit évoluer !
M. Pierre Fauchon.
Puisque vous refusez de m'écouter, je ne vous parle pas de la langue
française, qui, bien entendu, vous intéresse si peu !
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Je reprends donc mon propos.
Je ne suis pas monté à cette tribune pour exposer le point de vue de mon
groupe, mission remplie par notre ami Philippe Richert, ni même pour développer
longuement mon point de vue personnel.
En ce qui concerne celui-ci, je me bornerai à dire, comme je l'avais fait en
explication de vote, que je suis résolument favorable à une plus grande
intervention des femmes dans la vie publique...
Mme Nicole Borvo.
On ne le dirait pas !
M. Pierre Fauchon.
... non seulement pour des raisons d'égalité et d'équité qui ont été
suffisamment rappelées et qui sont justes, mais, plus positivement peut-être,
parce que je suis convaincu que leur présence peut aider à la nécessaire
rénovation de notre vie publique.
Les femmes ont, à mes yeux, et après une assez longue expérience, dans un
certain nombre d'activités, une plus grande propension à considérer les
problèmes dans leur réalité concrète et dans un souci d'efficacité, tandis que
les hommes préfèrent trop souvent les considérer sous l'angle politique ou
théorique, sans trop se soucier des résultats de leurs actions.
J'attends donc beaucoup non d'une mythique parité, mais d'un progrès
significatif dans ce domaine, et je crois normal que la loi favorise un tel
progrès, sans pour autant souscrire à la formulation qui semble « politiquement
correcte ».
Mais je veux ici dénoncer les commentaires qui ont accompagné ou suivi nos
délibérations, et dont la responsabilité n'incombe pas seulement à des
journalistes.
Dire que le Sénat refuse de voter la parité ou, selon la formule employée tout
à l'heure par Mme Pourtaud, qu'il « bloque la situation », n'est pas la vérité.
(Protestations sur les travées socialistes.)
C'est même une
contre-vérité !
La vérité est que le Sénat s'est prononcé positivement, comme l'Assemblée
nationale, sur la question essentielle du principe de la parité. La différence
est de l'ordre des moyens, non de l'ordre des principes. Je vous supplie
d'accepter la distinction !
Cette différence résulte de ce que l'Assemblée nationale s'est bornée à
formuler une proclamation, en elle-même inefficace, mais surtout grosse de
beaucoup d'inconnues : les lois qui allaient devoir être ensuite élaborées. Le
Sénat a, lui, considéré qu'il convenait tout à la fois d'assurer la mise en
application du principe et de préciser ses conséquences. Il est donc en fait
allé plus loin !
Il a tout naturellement retenu que la question de la parité n'était pas, en
réalité, affaire de principe. Je me permets de rappeler - j'ignore pourquoi on
ne le fait pas plus souvent ! - que le préambule de la Constitution de 1946,
qui a valeur constitutionnelle, dit expressément que « la loi garantit à la
femme » dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme », ce qui
fait quasiment tautologie avec ce que vous nous demandez de voter.
Mme Danielle Pourtaud.
S'il n'y avait pas de problème, nous ne serions pas là pour débattre !
M. le président.
Madame Pourtaud, je vous en prie, pas d'interpellation !
Veuillez poursuivre, monsieur Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Je dis donc à Mme Pourtaud qu'il ne s'agit pas d'une question de principe car,
sur le principe, nous sommes d'accord. Non, c'est une question de mise en
oeuvre de ce principe et une question de moeurs politiques. Or, comme
l'essentiel des moeurs politiques incombe constitutionnellement aux partis, le
Sénat, parfaitement cohérent avec lui-même, a jugé que c'était sur eux qu'il
fallait expressément faire peser l'obligation de « favoriser l'égal accès des
femmes et des hommes aux fonctions électives ».
On peut parfaitement, sur ce terrain des voies et moyens, ne pas partager le
même point de vue : chacun a le droit de préférer telle ou telle modalité. Mais
ce n'est pas une raison pour méconnaître ce que nous avons voté, pour en rire
ou pour parler de blocage !
Les rieurs - disons-le, il y en a eu d'assez importants - ont ignoré
superbement la seconde partie du dispositif sénatorial, qui confère au principe
une efficacité assurée en appliquant au mal le plus efficace des remèdes :
celui du mode de financement des partis. Voilà l'efficacité garantie !
Quand ils étaient de bonne foi - ce qui est loin d'avoir toujours été le cas -
les rieurs ont ainsi fait la preuve, à tout le moins, de leur peu
d'objectivité.
Dira-t-on que la seconde disposition dont je viens de parler, proposée par la
commission des lois, n'a pas été adoptée sans quelques peines ? Et après ? Ce
qui compte, c'est le résultat qui, lui, a été parfaitement clair et tout à fait
positif.
Pourquoi l'avoir méconnu ? Pourquoi avoir encouragé ceux qui l'on méconnu et
avoir tenu, il y a quelques instants encore, des propos qui vont dans le même
sens ?
Tout cela, je n'hésite pas à le dire, n'a pour but que d'enfoncer un clou dans
la tête du bon peuple, qui avait jusqu'ici la faiblesse de faire une assez
grande confiance à son Sénat.
(Rires et exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur les travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
Ce clou porte un nom : c'est l'archaïsme.
(Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Il paraît que le Sénat est archaïque et qu'il est seul dans son genre.
M. Robert Bret.
Il est conservateur !
M. Pierre Fauchon.
Parce que l'administration, bien entendu, elle, n'est pas archaïque, non plus
que l'enseignement, l'organisation des collectivités locales, le système de
sécurité sociale et des retraites, le système judiciaire, la police... Il n'y
a, nous dit-on, que le Sénat qui soit archaïque et ringard !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Donnez l'exemple !
M. Pierre Fauchon.
Une image me vient à l'esprit, qui a déjà été évoquée par notre excellent
collègue M. Gélard tout à l'heure : c'est celle des
Animaux malades de la
peste.
La peste de notre vie publique, c'est en effet, je suis assez enclin à le
croire, un certain archaïsme qui l'atteint dans tous ses rouages : « Ils n'en
mouraient pas tous mais tous étaient frappés. »
Alors, une fois encore, il faut bien trouver un bouc expiatoire, et ce sera le
Sénat, ce baudet dont vient tout le mal !
Mesdames et messieurs les censeurs, mesdames et messieurs les rieurs, relisez
donc La Fontaine et écoutez-le quand il écrit : « Ne nous flattons donc point,
voyons sans indulgence l'état de notre conscience. »
Le même gouvernement qui se pose en parangon de la parité n'est-il pas celui
qui, en deux ans de nominations aux postes de responsabilités administratives,
aura tout de même réussi à faire reculer la parité, si j'en crois du moins le
titre d'un journal aussi réputé pour son objectivité que le journal
Le Monde
?
Plusieurs sénateurs socialistes.
Et Juppé ?
M. Pierre Fauchon.
On comprend, dès lors, qu'un tel gouvernement ait moins de goût que nous pour
les dispositifs concrets. Car le Sénat se défie des proclamations et leur
préfère des mesures effectives. C'est sa façon à lui d'être moderne !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Marcel Charmant.
Mais c'est Jean-Luc Mélenchon qui était inscrit ?...
M. Robert Bret.
Il remplace Mélenchon !
(Sourires.)
M. Philippe Adnot.
Non, je ne remplace pas M. Mélenchon ! D'ailleurs, je ne crois pas que lui et
moi ayons souvent l'occasion de partager les mêmes points de vue !
Plusieurs sénateurs socialistes.
C'est sûr !
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, la période que, avec ce texte, nous venons de
vivre est particulièrement intéressante. Je ne doute pas que, avec un peu de
recul, elle constituera un cas d'école que l'on étudiera avec soin.
Acte I : le Président de la République et le Premier ministre se mettent
d'accord sur un texte relativement simple censé inciter tous les acteurs
politiques à favoriser l'accès des femmes aux fonctions politiques.
Acte II : l'Assemblée nationale, consciente de l'opportunité qui lui est
offerte, transforme le texte, sous couvert de bonnes intentions, de manière à
trouver un prétexte à la mise en place de quotas et, surtout, de la
proportionnelle.
Acte III : le Sénat, en assemblée avertie, refuse de tomber dans le piège,
fait la démonstration de l'absurdité du système et propose un pis-aller,
assumant le risque du jugement d'une opinion chauffée à blanc.
Acte IV : déferlante de sarcasmes, de critiques, sur fond d'opinion trompée,
manipulée par quelques zélateurs et cireurs de bottes, trop heureux de pouvoir
ainsi régler quelques comptes et faire de l'audience à bon marché.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Philippe Adnot.
Acte V : c'est ainsi que les sénateurs, machistes, opposants au « dieu Jospin
», sont considérés comme opposants à la parité.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Caricature !
Mme Nicole Borvo.
Et autocritique !
M. Philippe Adnot.
Opération politique apparemment réussie.
Seulement voilà, les mouvements d'opinion factices durent ce que durent les
roses...
M. Henri de Raincourt.
L'espace d'un matin !
M. Philippe Adnot.
Peu à peu, les journalistes sérieux, les intellectuels et l'opinion publique
s'expriment, et un certain nombre d'entre vous, au fond d'eux-mêmes, le savent
bien.
M. Jean Chérioux.
Ce sont des farauds !
M. Philippe Adnot.
Les choses ne sont pas si simples.
Effectivement, il n'y a pas suffisamment de femmes en politique.
Mme Nicole Borvo.
Ça, c'est vrai !
M. Philippe Adnot.
Mais pas seulement là ! Et ce n'est pas ce texte qui y changera quoi que ce
soit.
Mme Nicole Borvo.
Ah bon ?
M. Philippe Adnot.
Les femmes savent bien que, même là où elles sont majoritaires, l'accès aux
postes de responsabilité ne leur est pas garanti. Une étude vient d'être
récemment publiée à ce sujet.
Les femmes savent bien que, sans une évolution plus profonde des
mentalités,...
Mme Nicole Borvo.
Les Français sont d'accord à 85 % !
M. Philippe Adnot.
... les électeurs continueront de ne pas voter pour elles. C'est sans doute
pourquoi, si l'on fait exception de Mme Arlette Laguiller, aucun parti
politique n'a songé à mettre une femme tête de liste aux élections
européennes.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Ça va venir !
M. Philippe Adnot.
Y aurait-il donc quelques hypocrites dans le système ?
Les femmes savent bien que, sans changement dans le déroulement de leur
carrière, seules quelques privilégiées accéderont aux postes d'élus, et par
favoritisme, dans le cadre des quotas ou de la proportionnelle, rêve de tous
ceux qui sont pressés de se passer des électeurs !
(Très bien ! sur les
travées du RPR.)
La France sérieuse bouge, s'exprime, nous donne raison.
Mais voilà que le Sénat, à mon avis trop préoccupé d'une certaine opinion,
bouge lui aussi pour proposer ce que, politiquement, il aurait dû faire
d'emblée pour prendre les malins à leur propre piège.
Je comprends les raisons de cette ouverture et ne veux pas la contrecarrer ;
je la désapprouve cependant pour ce qu'elle provoquera. Les socialistes se
fichent comme d'une guigne de la parité. Seule la proportionnelle les intéresse
!
(Protestations sur les travées socialistes.)
La fin de l'histoire nous
le dira.
M. Marcel Charmant.
Vous allez continuer à faire rire !
M. Philippe Adnot.
Pour ma part, je ne saurais me prêter à ce que je considère comme un déni de
démocratie, une insulte aux femmes.
A titre personnel, je ne crains pas le jugement des femmes de mon département,
qui savent, concrètement, quelle a été mon action en tant que syndicaliste ou
comme élu.
Le sujet valant mieux que cela, je ne prendrai donc pas part au vote sur le
présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures,
sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
3
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle
que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent chacun de
deux minutes trente.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
J'espère donc que chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps
qui lui est imparti afin que toutes les questions et toutes les réponses
puissent bénéficier de la retransmission télévisée.
M. René-Pierre Signé.
Il faudra intervenir avec modération !
(Sourires.)
GRATUITÉ DES SECOURS EN MONTAGNE
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Ces dernières semaines, la montagne a été le théâtre d'accidents effroyables
qui ont, une fois encore, mis en évidence le courage exceptionnel des membres
des équipes de secours auxquels je rends hommage.
A l'occasion des interventions de ces équipes, des moyens considérables en
hommes et en matériels ont été mis en oeuvre dans le seul but d'assurer un
minimum de sécurité dans un espace dangereux par excellence.
Aujourd'hui, le principe de gratuité des secours est la règle des sauvetages
en montagne. Ce principe se justifie pleinement, car il semble être le seul de
nature à assurer une égalité de fait devant les secours. Tout en déclarant
récemment qu'il n'était pas favorable à la remise en cause de ce principe qui
relève selon lui du service public, M. le ministre de l'intérieur a cependant
regretté le manque de civisme de certains.
Il n'est, en effet, pas possible de sanctionner l'irresponsabilité et
l'imprudence de ceux qui mettent en danger la vie des sauveteurs puisque la
condamnation nécessiterait un fondement juridique qui, aujourd'hui, n'existe
pas. Il est pourtant choquant qu'après avoir poussé l'irresponsabilité jusqu'à
poursuivre leurs projets en dépit des conseils pressants des professionnels de
la montagne, des randonneurs aient l'impudence de monnayer le récit de leur
aventure.
Pendant six jours, quatre hélicoptères ont été mobilisés pour localiser les
imprudents. A deux reprises, les pilotes ont pris le risque presque insensé de
sorties nocturnes pour profiter des accalmies de la météorologie. Pendant six
jours, une quarantaine de CRS et de gendarmes de haute montagne ont mis leurs
vies en péril pour sauver les trois inconscients.
Si la montagne doit certes rester un espace de liberté, elle ne doit cependant
en aucun cas devenir une zone de non-droit et d'irresponsabilité. La montagne
est un espace dans lequel on ne pourra pas établir de règlement, comme pour la
baignade.
M. le président.
Votre question, mon cher collègue !
M. André Vallet.
J'y viens, monsieur le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lorsqu'une imprudence caractérisée est à
l'origine du déploiement d'importants moyens de secours, ne serait-il pas
possible d'engager la responsabilité civile, voire pénale, des auteurs de
l'imprudence ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, comme vous l'avez
indiqué, le ministre de l'intérieur, M. Chevènement, a déclaré hier en réponse
à une question de M. Meï, député des Bouches-du-Rhône, qu'il n'entendait pas
revenir sur le principe de la gratuité des secours. En effet, les moyens
utilisés, essentiellement fournis par l'Etat ou par les communes, ont un
caractère de service public, en ce sens que les personnels qui délivrent leurs
prestations le font bénévolement.
M. Roland Courteau.
Très bien !
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat.
Cela étant, s'agissant de moyens humains, il convient
quand même d'appeler à la plus grande vigilance ceux qui pratiquent ces sports,
parfois qualifiés d'extrêmes, car ils peuvent mettre en danger la vie des
personnes lors du déroulement des opérations de secours.
Vous avez indiqué que, pour mener à bien l'opération de Pralognan, de grands
moyens ont été engagés. Je vous en donne le détail : trois hélicoptères, un de
la sécurité civile, un de la gendarmerie, un de l'armée de terre auxquels il
convient d'ajouter deux hélicoptères privés. Ont également participé aux
secours cinquante CRS, quinze gendarmes du peloton de gendarmerie de haute
montagne, quinze personnes des équipes des services médicaux et cinq personnes
des services communaux des pistes. Voilà qui montre l'ampleur des moyens
engagés à cette occasion.
Avant de revenir sur l'aspect pénal, je voudrais rappeler qu'en vertu de la «
loi montagne » les communes sont en droit d'exiger des personnes secourues le
remboursement des frais de secours qu'elles ont engagés à l'occasion des
accidents consécutifs à la pratique d'activités sportives dont la liste est
établie par décret en Conseil d'Etat. Le ski alpin et le ski de fond font
actuellement l'objet d'un texte. Toutefois, des arrêtés municipaux
d'application sont également nécessaires.
En se limitant à l'utilisation des moyens héliportés et sans prendre en compte
le coût salarial des personnes qui ont été engagées, le coût global de
l'opération de secours de Pralognan-la-Vanoise s'élève à environ 300 000
francs.
La commune avait passé une convention avec une société privée, l'entreprise
SAF, qui est intervenue. Les moyens ayant été mis en oeuvre par le préfet dans
le cadre des pouvoirs de police du maire, la commune peut demander, en
application de la « loi montagne » et dans le cadre des dispositions que j'ai
mentionnées, le remboursement des dépenses auprès des compagnies d'assurances
des personnes secourues.
Il apparaît que les prestations privées des moyens héliportés s'élèvent à 136
000 francs, somme qui mérite d'être comparée aux chiffres qui ont été évoqués
dans la presse pour la vente des photos. La balle est donc maintenant dans le
camp de la commune.
AVENIR DE L'AGENCE FRANCE-PRESSE
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers
collègues, à l'heure du développement du numérique et des technologies de
l'information, le pluralisme des sources d'information est une question
extrêmement importante non seulement pour la démocratie, mais également pour
l'économie d'un pays.
Seule agence non anglo-saxonne de rayonnement mondial, en deuxième position
après Reuter, l'Agence France-Presse joue un rôle fondamental pour la presse
dans notre pays, pour la francophonie et la langue française et pour
l'Europe.
Aujourd'hui, toute remise en cause de l'existence de l'AFP renforcerait la
domination de ses concurrents au détriment du pluralisme de l'information
écrite et télévisuelle.
Les difficultés que rencontre l'AFP ne sont pas récentes ; elles sont liées à
plusieurs facteurs, auxquels ne sont pas étrangers les problèmes de la presse
dans notre pays.
A ce jour, l'absence de budget, l'absence de président ajoutent à la crise que
traverse l'Agence et à l'inquiétude légitime des personnels.
Le Gouvernement se doit de prendre les décisions permettant à l'AFP d'assumer
pleinement non seulement ses missions traditionnelles, mais aussi de nouvelles
missions.
Ainsi, des trois grandes agences mondiales d'information, l'Agence
France-Presse est la seule à ne pas posséder un secteur télévision.
Des coopérations nouvelles pourraient être également trouvées entre France
Télévision, France Télécom et se concrétiser dans la création de nouveaux
services.
Le développement d'Internet serait également susceptible d'ouvrir de nouvelles
perspectives à l'Agence.
Forte de l'originalité de son statut, forte de ses savoir-faire et de la
compétence de ses personnels, l'Agence France-Presse est un réel atout pour
notre pays, à condition que ce dernier consente les efforts d'investissement
nécessaires à son développement et à sa modernisation.
Nous souhaiterions connaître les mesures financières qui seront prises par le
Gouvernement et les orientations qui permettront de redonner à l'AFP quelques
lignes d'horizon viables pour un futur proche.
Vous trouverez, mesdames, messieurs les ministres, auprès de nous et de
nombreux parlementaires, un soutien vous permettant de conforter les moyens de
l'Agence France-Presse et de participer à la mise en oeuvre d'une politique
nouvelle au service de l'information offensive, pluraliste et libre, à la
hauteur des enjeux de notre société de l'information.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, je vous
prie tout d'abord d'excuser l'absence de Mme Catherine Trautmann qui accompagne
le Président de la République tchèque, M. Václav Havel, dans le cadre de sa
visite officielle en France.
Il faut clairement distinguer dans votre question deux niveaux d'approche : la
stratégie et les moyens de l'Agence d'une part, la procédure devant conduire à
la nomination d'un nouveau président, d'autre part.
Je commencerai par le premier point qui constitue évidemment le coeur de votre
question.
La position du Gouvernement rejoint explicitement vos préoccupations. Elle a
été rappelée dans une déclaration commune présentée le 15 février dernier par
les administrateurs qui représentaient l'Etat et ceux qui représentaient la
presse écrite et audiovisuelle. Adoptée à l'unanimité, cette déclaration
insistait notamment sur notre attachement à la pérennité des ambitions
fondatrices de l'Agence France-Presse, à sa contribution essentielle au
rayonnement international de notre pays ainsi que sur notre détermination à
voir l'AFP disposer de l'organisation et des moyens propres à assurer son
développement.
Je serais tenté de dire que le Gouvernement a précédé depuis deux ans ces
orientations. L'audit commandé à l'Inspection générale des finances a mis en
lumière les points forts et les dysfonctionnements dont souffre l'AFP.
L'ensemble des partenaires ont fait leurs les principales conclusions de ce
rapport qui constitue un cadre précieux de référence pour la nouvelle
direction. Il faut aussi rappeler l'effort budgétaire consenti en 1999 par
l'Etat au bénéfice de l'AFP, puisque les moyens qui lui sont alloués ont
progressé de 2 %.
Cela n'est évidemment pas suffisant. Les représentants de l'Etat et ceux de la
presse insistent ensemble sur la nécessité pour la nouvelle direction de
concevoir, d'organiser et de mettre en oeuvre, dans les meilleurs délais, une
politique éditoriale et commerciale dynamique et cohérente. Il appartiendra au
nouveau président d'élaborer avant le mois de septembre le plan stratégique
pour la période 2000-2002 sur lequel l'AFP pourra s'appuyer.
Cela me conduit à évoquer les conditions de désignation du prochain
président.
Permettez-moi de souligner, au nom de Mme Trautmann, l'excellent climat de
collaboration qui s'est développé entre les représentants de la presse et ceux
de l'Etat, dans le souci commun de dégager la solution la plus propice pour
préserver les intérêts de l'Agence France Presse. La déclaration que j'ai
précédemment évoquée en constitue une marque visible. Tout le travail quotidien
accompli actuellement dans le cadre de la présidence par intérim en
témoigne.
Le Gouvernement est soucieux de respecter les responsabilités des
administrateurs de l'AFP, mais je peux néanmoins vous assurer que les statuts
de l'Agence France-Presse seront bien évidemment préservés et vous indiquer que
le nouveau président sera très vraisemblablement désigné dans les prochains
jours.
RÈGLEMENT DE LA CRISE DU KOSOVO
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Ma question, qui concerne la situation au Kosovo, s'adresse à M. le ministre
de la défense.
La France a beaucoup contribué à susciter la négociation entre Serbes et
Kosovars. Notre présence militaire en Macédoine marque d'ailleurs la volonté de
la France d'appuyer cette négociation. Il est en effet impensable que l'Europe
et, à travers elle, la France soient absentes d'un conflit qui fait trop de
victimes innocentes parmi les civils.
Il faut souhaiter que le délai qui nous sépare de la reprise des négociations
entre Serbes et Kosovars permette à celles-ci d'aboutir. Nous ne saurions
perdre de vue le fait que tout éclatement supplémentaire de l'ex-Yougoslavie,
déjà divisée actuellement en cinq Etats, porterait en lui les germes de
conflits futurs, compte tenu des éternelles interférences dans les Balkans de
considérations historiques et religieuses.
Dans ce climat, il n'est pas certain que des bombardements soient de nature à
créer les conditions d'un apaisement. N'y a-t-il pas risque d'embrasement, et
ce bien au-delà des frontières de l'ex-Yougoslavie ? Quelles sont, monsieur le
ministre, les perspectives à cet égard ?
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du groupe du RDSE. - M. Charmant applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, vous avez bien fait de
relever, au début de votre intervention, que l'Europe a joué un rôle important
dans les tentatives, que nous croyons en voie d'aboutir, pour trouver une
solution à ce difficile conflit. Je veux souligner que cela a été rendu
possible par la convergence d'analyses et d'objectifs politiques existant entre
les Européens et par le bon fonctionnement du groupe de contact qui associe les
Etats-Unis et la Russie à nos trois autres partenaires européens. Je crois que
c'est là une leçon à retenir en prévision d'autres crises européennes qui
pourraient survenir : il est aussi de notre rôle d'associer les deux grandes
puissances, l'allié atlantique et la Russie, à la résolution de telles
difficultés.
Cela étant, la réunion de Rambouillet a permis des acquis substantiels. En
effet, les éléments de principe d'un volet politique ont été admis par les
délégations des deux parties, et nous sommes donc parvenus à un accord
intérimaire. Il faut noter que des tensions et des confrontations importantes
se font maintenant jour dans chaque camp. Il existe ainsi des opinions et des
stratégies différentes au sein de la communauté albanophone du Kosovo, certains
voulant poursuivre l'action armée en faveur de l'indépendance qui, comme vous
le soulignez à juste titre, serait un élément d'instabilité grave dans la zone
la plus fragile d'Europe. Du côté du pouvoir yougoslave, de la fédération de
Yougoslavie, on voit bien que, même si l'idée de l'autonomie substantielle du
Kosovo est admise, il y a encore une très grande résistance à l'acceptation des
conditions réelles de cette autonomie, notamment la présence d'une force
d'interposition et de pacification.
Nous gardons bon espoir que ce soit la voie modérée, la voie responsable qui
l'emporte entre les deux parties au conflit et que ces dernières répondent
présentes à l'invitation, à la convocation qui leur est adressée pour la
réunion du 15 mars, et la date approche, pour permettre la mise en oeuvre
complète de l'accord, notamment sur les modalités d'une présence civile et
militaire internationale au Kosovo.
Il nous faut multiplier, comme nous le faisons ces jours-ci, les initiatives
de dialogue et d'explication. Il nous faut aussi être prêts à déployer cette
force lorsqu'elle sera acceptée par les parties, et la France, aujourd'hui, y
est prête.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les
travées de l'Union centriste et sur plusieurs travées du RPR.)
COMPORTEMENTS À RISQUES
EN MONTAGNE ET EN MER
M. le président.
La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas.
Ma question, dont le sujet a déjà été évoqué tout à l'heure, s'adresse à M. le
ministre de l'intérieur.
Les Français ont suivi pendant dix jours le sauvetage périlleux des trois
randonneurs qui étaient bloqués dans un igloo sur un glacier du massif de la
Vanoise.
Ces derniers ont été heureusement retrouvés sains et saufs par les services de
secours, auxquels je tiens à rendre un ardent hommage pour leur courage, leur
dévouement et leur désintéressement.
Je n'en dirai pas autant des trois rescapés, qui ont monnayé, et très
rapidement, le récit et les photos de leur expédition, ce qui me paraît
personnellement immoral et écoeurant.
Peut-on être traité comme un héros lorsque l'on a un tel comportement, lorsque
l'on a pris et fait prendre des risques qui auraient pu avoir de dramatiques
conséquences pour les équipes participant à leur recherche, de jour et de nuit
?
Outre le fait que ces négociations financières ont légitimement choqué les
sauveteurs et le personnel de l'hôpital de Moutiers, où les randonneurs avaient
été transportés pour être examinés, cette aventure a relancé la polémique sur
la gratuité des services de secours.
Si, compte tenu de la saison, les activités en montagne sont à l'ordre du jour
médiatique, les mêmes dangers existent dans le domaine maritime. Les mêmes
questions, les mêmes problèmes sont alors posés.
Il convient de placer les amateurs d'émotions fortes face à leurs
responsabilités afin de mettre un terme à ces agissements inconscients qui ont,
par ailleurs, des conséquences de plus en plus lourdes pour le budget des
collectivités, qu'il s'agisse de l'Etat ou des communes.
Le Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures particulières pour faire
supporter aux intéressés le coût des moyens mis en oeuvre pour les sauver ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, j'ai eu l'occasion
de rappeler le principe de la gratuité des secours, auquel nous sommes tous
attachés, mais aussi la possibilité qu'ont les communes, dans le cadre de la
loi montagne, de demander la mise en jeu de la responsabilité des personnes
secourues pour les frais engagés, et donc, éventuellement, de leurs assurances.
Je ne sais pas ce que fera la commune de Pralognan-la-Vanoise par rapport à la
société privée qui a été, elle aussi, engagée dans cette opération.
Il existe un dispositif pénal. En effet, le code pénal sanctionne, par des
peines d'emprisonnement ou des amendes, les atteintes à la vie ou à l'intégrité
de la personne, qu'elles résultent de la pratique sportive ou d'autres causes.
En cas de manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence
imposée par la loi ou par les règlements, les peines encourues sont
aggravées.
L'entrée en vigueur du nouveau code pénal a, de plus, introduit le délit de
mise en danger délibérée d'autrui, qui est susceptible de s'appliquer, lorsque
la loi le prévoit, à ceux qui commettent une imprudence, une négligence ou un
manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou par
les règlements.
Des poursuites - vous le savez peut-être - ont été engagées ; une décision a
été rendue récemment par le tribunal de grande instance de Lyon concernant des
skieurs ou des surfeurs imprudents qui avaient provoqué des accidents
graves.
Ces condamnations prouvent que le dispositif pénal existe et qu'il peut
sanctionner des comportements de cette nature. Toutefois, sur le plan du
civisme, cette exploitation du sensationnel moyennant finances ne peut bien sûr
qu'être condamnée, beaucoup de personnes s'étant engagées et ayant risqué leur
vie pour sauver ces randonneurs. Du point de vue moral, nous devons être
unanimes à protester.
(Applaudissements.)
RÈGLEMENT DE LA CRISE DU KOSOVO
M. le président.
La parole est à Mme Durrieu.
Mme Josette Durrieu.
Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de la défense, concerne le Kosovo,
sujet qui a déjà été abordé tout à l'heure.
Il est évident que, selon les propos de M. Védrine, ministre des affaires
étrangères, il s'agit d'une situation à haut risque et d'une phase cruciale. Si
les négociations sont un succès, ce sera la paix, relative peut-être, mais si
elles échouent, des conflits, voire la guerre, éclateront.
Je veux saluer l'action internationale qui a été très importante et la
disponibilité convergente du groupe de contact, de l'ONU, de l'OSCE et de
l'OTAN, mais aussi et surtout l'action de la France, qui a pris une très grande
part dans cette mobilisation, ce qui n'était pas facile.
Le processus qui est engagé est fragile ; je n'insisterai pas davantage.
L'essentiel, c'est que les protagonistes soient venus et qu'ils reviennent.
Mais l'accord est loin d'être acquis. Vous avez rappelé les incidents qui se
sont produits en Serbie. Les Serbes pourraient accepter l'accord politique mais
s'ils ne veulent pas la présence de la force militaire, ils refusent l'élément
clé de l'accord et sa garantie. Quant aux Kosovars, ils sont divisés. Modérés
pour certains, maximalistes pour d'autres, ils refusent non seulement l'accord
politique puisqu'ils veulent un référendum, mais aussi le désarmement.
Dès lors, monsieur le ministre, que peut-il se passer ? Un certain suspense
subsiste : si les Serbes refusent l'accord, seront-ils bombardés ? M. Milosevic
a déjà reculé devant cette menace. Si les Kosovards ou les deux parties disent
non, quel genre de pressions internationales peuvent être exercées pour
parvenir à une solution ?
Enfin - j'insisterai plutôt sur ce deuxième aspect - ce qui est en jeu, c'est
bien évidemment la paix, mais c'est aussi l'Europe. L'intérêt des Européens est
clair ; celui des Américains l'est moins. Comment apprécier celui des Russes ?
La mobilisation des Européens est unanime. C'est la première action européenne
significative depuis la fin de la guerre froide. Le choix du lieu des
négociations est important sur le plan symbolique. Rambouillet, puis Evreux,
c'est la France, et tant mieux, mais c'est aussi et surtout l'Europe ; ce n'est
plus Dayton. L'esprit de Saint-Malo commence-t-il à souffler ?
A cette occasion, on pourra tester la détermination des Européens. Il ne faut
pas lâcher. On pourra aussi tester la capacité de coopération et la capacité
militaire des Européens aux côtés de l'OTAN aujourd'hui, demain hors de cette
institution. Monsieur le ministre, cet événement peut-il concourir à accélérer
l'édification des bases d'une identité européenne de sécurité et de défense, et
dans quelles conditions ? Il y va de la place de l'Europe dans le monde.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Madame le sénateur, votre question comportant de
nombreux points, je suis obligé de ne retenir que quelques aspects du débat que
vous avez ouvert.
Je veux d'abord souligner l'indispensable complémentarité entre une démarche
politique, avec un cadre clair de règlement du conflit, qui est l'autonomie
substantielle, donc le développement d'une démocratie respectueuse de
l'identité Kosovar, et la menace de l'emploi de la force, puisque nous sommes
dans un secteur de l'Europe où chacun agit les armes à la main.
En effet, il existe une représentativité de l'identité européenne de sécurité
et de défense en devenir dans ce que nous faisons et dans ce qui a été fait
puisque les pays du groupe de contact ont délégué au Royaume-Uni et à la France
la responsabilité de cette négociation. C'est également en partenariat étroit
entre notre pays et nos amis d'outre-Manche que nous préparons la constitution
d'une force de garantie du cessez-le-feu, si celui-ci est confirmé.
Le groupe de contact, dans sa géométrie totale, a un sens. Nous avons besoin
du partenariat américain car nombre de pays européens - il faut prendre en
compte cette réalité - ne souhaitent prendre de responsabilité, les armes à la
main, pour traiter un conflit, que si les Américains s'engagent également. Nous
devrons faire évoluer cette réalité. Mais, aujourd'hui, elle motive une grande
partie de nos amis européens.
La Russie a un rôle d'équilibrage important. Je voudrais attirer l'attention
du Sénat sur le rôle discret mais efficace et positif que jouent les Russes
depuis quatre ans dans la solution de la question bosniaque. En effet, les
Russes, au côté de la SFOR, jouent un rôle positif en ce qui concerne la
pacification de la Bosnie.
Nous avons encore de sérieux problèmes à résoudre pour la deuxième phase de la
négociation, car il y a une très forte réticence chez les représentants de
l'UCK à accepter leur désarmement ; naturellement, le déploiement de la force
terrestre, signifiant le retrait des unités militaires serbes, est également
fortement contesté du côté de la Yougoslavie.
Je crois que la menace de l'emploi de la force fait partie des moyens de
traitement d'une telle crise. Bien sûr, tout ce qui pourra être fait pour
éviter qu'elle ne soit vraiment employée devra avoir notre priorité. Cependant,
il faut en être conscient, devant une crise de ce genre, il faut disposer de
l'ensemble de la gamme des moyens, et ne pas simplement en rester à la
diplomatie de la parole.
(Applaudissements sur les travées socialistes. -
Mme Luc applaudit également.)
POLITIQUE NUCLÉAIRE DE LA FRANCE
M. le président.
La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours.
Ma question, qui s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, concerne
la politique nucléaire de la France.
Depuis quelques mois, les industriels et les travailleurs français du
nucléaire, sans parler de l'opinion publique, ont été soumis à une rude
épreuve.
Je rappellerai quelques éléments. D'abord, M. le Premier ministre, dans sa
déclaration de politique générale, a annoncé une décision très partisane : la
fermeture de Superphénix. Puis l'incertitude s'est installée sur la poursuite
ou non du programme électronucléaire français, tel qu'il a été mis en place
depuis trente ans sous tous les gouvernements, quelle que soit leur
sensibilité, pour assurer l'indépendance énergétique de notre pays. Enfin, la
décision du gouvernement allemand de ne plus faire traiter les déchets à La
Hague a encore accru cette inquiétude, décision sur laquelle il semble être
revenu ces jours derniers puisque le projet de loi qu'il a présenté au
Parlement allemand n'en fait plus mention.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous poser trois questions.
Premièrement, pouvez-vous nous dire clairement quelle est la position du
Gouvernement en ce qui concerne la poursuite du programme électronucléaire
français et, partant, l'indépendance énergétique nationale ?
Deuxièmement, le gouvernement français a-t-il aujourd'hui des assurances du
gouvernement allemand s'agissant de la poursuite du traitement des déchets
nucléaires à l'usine de La Hague, conformément aux accords signés, assurant
ainsi l'équilibre de la COGEMA, la Compagnie générale des matières nucléaires,
et la pérennité des emplois de cette entreprise ?
Troisièmement, permettez enfin, au sénateur de l'Isère que je suis de vous
interroger plus particulièrement sur les moyens consacrés par l'Etat à la
reconversion du site de Creys-Malville. Je citerai quelques titres de la presse
locale : « Le surgénérateur de la colère », « Désillusion énorme », « Moyens
largement insuffisants ». Je rappelle, tant c'est dérisoire, qu'il s'agit de
100 millions de francs en huit ans, soit 15 millions de francs par an, et ce
pour démanteler un équipement ayant coûté 25 milliards de francs. Il paraît que
le Gouvernement, probablement grâce à vous, monsieur le ministre, ce dont je
dois vous donner acte - je n'en dirai pas autant de tous les membres du
Gouvernement !
(Exclamations sur les travées socialistes.) -
commence à
se rendre compte de ce fait. Est-il disposé à augmenter les moyens et à faire
avancer le dossier ? A cet égard, je citerai notamment le remboursement des
prêts grand chantier souscrits par les communes, un relais emploi Superphénix
efficace, la signature d'une convention entre l'Etat et le département, la
délocalisation d'entreprises publiques, comme cela avait été promis.
Avec un ministre de l'aménagement du territoire qui est aussi ministre de
l'environnement, je ne suis pas sûr que tout cela soit très facile !
(Protestations sur les travées socialistes.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, les élus, les habitants du nord de l'Isère
ainsi que les employés de Superphénix, de la COGEMA et l'ensemble des
travailleurs du nucléaire vous écoutent.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, la politique
énergétique de la France se poursuit dans les grands équilibres qui sont les
siens : diversification, avec appel aux énergies fossiles, aux énergies
renouvelables, mais aussi - il faut le redire - avec une confiance donnée à
l'industrie électronucléaire, qui reste le pôle essentiel de la production
d'électricité primaire.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Votre deuxième question porte sur la politique énergétique de
l'Allemagne. Comme vous le savez, le gouvernement français n'interfère pas dans
les décisions de ses partenaires membres de l'Union européenne quant à la
détermination de leur politique énergétique.
M. Xavier de Villepin.
C'est dommage !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je suis toutefois très satisfait de constater que le
gouvernement allemand a renoncé à interdire par la loi le retraitement. Les
contrats entre la COGEMA et les électriciens allemands vont donc pouvoir se
poursuivre. Ils ne sont pas remis en cause.
Par ailleurs, la France applique strictement sa propre loi, celle du 30
décembre 1991, sur le retour des déchets issus du retraitement dans leur pays
d'origine. Elle vient d'ailleurs de procéder à un transport de ce type vers le
Japon. Elle fera de même avec l'Allemagne. Je suis donc très heureux de vous
confirmer la poursuite de cette politique, monsieur le sénateur.
Quant à la reconversion du site de Creys-Malville, le Gouvernement a décidé
avec sérieux d'exercer, par une action interministérielle, la solidarité
nationale à l'égard de cette région. Une délégation d'élus nationaux et locaux,
parmi lesquels figurait le maire de Morestel, commune de votre département, a
été reçue à mon cabinet, le 24 février dernier. L'information et la
concertation sur le programme économique et social sont notre règle et
accompagnent l'évolution de ce secteur. Des actions sont lancées en faveur des
entreprises prestataires de la centrale pour assurer leur diversification. Un
fonds de développement économique et social doté de 15 millions de francs par
an - 10 millions de francs provenant de l'Etat et 5 millions de francs
provenant d'EDF - a été mis en place. D'ores et déjà, dix-huit projets,
concernant la création de 220 emplois, ont pu être enregistrés. Par ailleurs,
un reclassement de 220 agents d'EDF au sein de l'entreprise EDF elle-même est
en cours.
Les collectivités locales bénéficieront de l'annulation de leurs créances au
titre des procédures « grands chantiers » de la Caisse des dépôts et
consignations. Les conventions entre celle-ci, EDF et les collectivités locales
sont lancées.
Enfin, les opérations de démantèlement du site de Creys-Malville demanderont
plusieurs années et mobiliseront donc plusieurs centaines d'emplois sur le
site.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
SUITES DES ASSISES DE LA VIE ASSOCIATIVE
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Question, que je pose aussi au nom de mon collègue et ami Roland Courteau,
s'adressait à M. le Premier ministre, mais je remercie Mme la ministre de la
jeunesse et des sports de bien vouloir y répondre.
Les assises de la vie associative, qui ont eu lieu les 20 et 21 février en
présence de nombreux ministres du Gouvernement, dont Mme Buffet, ont marqué un
temps fort de la politique de relance de la vie associative engagée par le
Gouvernement.
En clôturant les assises, M. le Premier ministre a rappelé que « s'associer,
c'est faire société ». Les associations sont, en effet, un lieu essentiel de
renforcement du lien social et de la démocratie participative. Ainsi, huit
Français sur dix se déclarent concernés par le monde associatif et plus de 60
000 associations se créent par an.
Le milieu associatif représente aussi plus de 1,2 million de salariés, 120 000
employeurs et un budget de 230 milliards de francs. A travers ces quelques
chiffres, c'est le rôle prépondérant des associations dans le champ spécifique
de l'économie sociale qui s'esquisse. Les associations ont besoin d'un cadre
fiscal adapté au développement du tiers secteur qu'elles représentent au même
titre que les coopératives ou les mutuelles.
Dans cette perspective, le Premier ministre a annoncé le report au 1er janvier
2000 de l'entrée en vigueur de l'instruction fiscale du 15 septembre dernier.
De plus, le projet de loi de finances pour l'année 2000 prévoira que les
associations, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 250 000 francs, seront
exonérées de tout impôt commercial.
Reste la question de l'application aux associations de l'article 38 de la loi
du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin », concernant la procédure de publicité.
Celle-ci, par la non-prise en compte du projet de l'association, entraîne de
nombreuses dérives, notamment dans le domaine des activités d'animation sociale
et culturelle.
C'est pourquoi les textes législatifs français et les directives européennes
devront reconnaître la spécificité du fait associatif dans le droit des
sociétés, les politiques de mise en concurrence et la fiscalité.
En attendant, il est urgent de lever l'interdiction faite aux associations de
répondre aux appels d'offres.
Aussi, madame la ministre de la jeunesse et des sports, pouvez-vous préciser,
d'une part, si une clarification de l'application de la procédure d'appels
d'offres pour les associations interviendra prochainement et, d'autre part,
dans quel cadre la volonté de dialogue entre associations et pouvoirs publics
symbolisée par les assises de la vie associative perdurera ?
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet,
ministre de la jeunesse et des sports.
Monsieur le sénateur, vous avez
raison de souligner l'importance de ces assises de la vie associative
organisées sur l'initiative du Premier ministre. Des mesures très attendues par
les bénévoles et par le mouvement associatif ont été prises.
Ainsi, ces assises ont prévu, pour les bénévoles, l'extension du congé de
représentation, le doublement des moyens consacrés à leur formation, un travail
sur le congé-formation et, enfin - j'y insiste parce qu'il s'agit d'une mesure
importante - la reconnaissance de l'expérience, de l'acquis associatif pour la
formation professionnelle, y compris pour les études universitaires.
Ces assises ont également traité du rapport entre l'Etat et les associations,
notamment de la réforme de l'agrément, du versement des subventions et - vous
l'avez souligné - de la fiscalité.
L'application aux associations de l'article 38 de la loi de janvier 1993 fait
actuellement l'objet d'une réflexion approfondie, qui est conduite dans le
cadre du projet de réforme des règles des marchés publics que le Gouvernement
s'apprête à réaliser dans les prochaines semaines.
En effet, sans remettre en cause le principe de transparence, auquel les
associations sont elles-mêmes très attachées, le projet éducatif associatif ne
peut se résumer au mieux disant. C'est dans ce sens que, notamment pour les
centres de vacances, j'ai saisi la commission centrale des marchés.
S'agissant de la question relative à l'Europe, je pense, comme vous, que
l'Europe doit reconnaître pleinement le fait associatif, sans confondre
l'association et l'entreprise. J'y suis particulièrement attentive pour ce qui
est du mouvement sportif, avec le nouveau document issu de la Commission.
En ce qui concerne les suites de ces assises, la concertation se poursuit avec
le mouvement associatif. De nouvelles rencontres départementales auront lieu
dans les prochains mois. Un travail interministériel se met en place : je le
guiderai, s'agissant des mesures pour les bénévoles.
Je conclurai en disant que, depuis longtemps, le mouvement associatif
attendait une volonté politique d'une véritable reconnaissance. Je crois que
c'est ce qui s'est passé à travers ces assises nationales.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
CALENDRIER D'EXAMEN
DES TEXTES RÉFORMANT LA JUSTICE
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux.
Le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la
magistrature doit s'entendre comme un élément d'une réforme globale de la
justice. Mais cette réforme ne peut logiquement intervenir qu'après la mise en
place de tous les éléments de la pyramide, au premier rang desquels nous devons
placer le renforcement de la protection de la présomption d'innocence.
L'actualité de mon département et l'exploitation médiatique qui a été faite
des mises en examen de plusieurs maires de l'Oise ont révélé l'urgence de
légiférer sur ce sujet et devraient engendrer une amélioration du régime de la
responsabilité pénale de l'élu local.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Je puis vous dire, madame le garde des sceaux, que tous les maires de
l'Oise qui ont été mis en garde à vue et mis en examen ont le véritable
sentiment, après cette épreuve, d'avoir été présumés coupables et non présumés
innocents.
MM. Henri de Richemont et Henri de Raincourt.
C'est sûr !
M. Alain Vasselle.
Après avoir été sensibilisée sur ce dernier point à ma demande, à la fois par
le président du Sénat et par le président de l'association des maires de
France, vous n'avez pas souhaité, madame le garde des sceaux, faire connaître
publiquement les intentions du Gouvernement quant à l'évolution de la
législation dans ce domaine, s'agissant notamment de la pénalité légale des
maires.
Madame le garde des sceaux, vous avez présenté la révision constitutionnelle
relative au Conseil supérieur de la magistrature comme la clé de voûte de la
politique de réforme de la justice.
Cependant, sans l'un des voussoirs principaux que représente la protection de
la présomption d'innocence, vous ne pouvez poser la dernière pierre à
l'édifice. Il faut construire les choses dans l'ordre !
A la demande du Président de la République, ce texte aurait déjà dû être
examiné depuis plusieurs mois par le Parlement. En guise de réponse, le
Gouvernement a joué l'inertie.
M. Henri de Richemont.
Bravo !
M. Alain Vasselle.
Quelles sont les réelles intentions du Gouvernement quant au calendrier
concernant votre projet de loi visant à renforcer la protection de la
présomption d'innocence et les droits des victimes ? Allez-vous tenir le
calendrier qui semble être annoncé ?
J'aurais aimé, madame le garde ses sceaux, que vous-même et le Gouvernement
fassiez preuve de la même célérité concernant la présomption d'innocence que
celle dont vous avez fait preuve au sujet de la parité, du PACS et du cumul des
mandats !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RRR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées
socialistes.)
M. Marcel Charmant.
Ce n'est pas une question !
M. Alain Vasselle.
Quant à la responsabilité des magistrats, volet essentiel d'une réforme
globale, le Gouvernement ne pourrait-il pas faire la lumière en ouvrant ce
volet au lieu de le fermer ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RRR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste. - M. Jean-Pierre Fourcade applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord rappeler à M.
Vasselle que j'ai répondu en détail ici même, voilà un mois, à une question qui
m'était posée sur la responsabilité pénale des maires.
M. Claude Domeizel.
Il n'était pas là !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je le prie donc de se reporter au texte de ma
réponse.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles de Cuttoli.
Circulez, il n'y a rien à voir !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
En réponse aux orientations et du travail développés
avec M. Delevoye, président de l'Association des maires de France, j'avais
tracé plusieurs pistes extrêmement concrètes pour que nous apportions une
solution à cette mise en jeu de plus en plus courante de la responsabilité
pénale des maires.
Vous m'interrogez par ailleurs sur le calendrier du Gouvernement, monsieur le
sénateur. Sachez d'abord que la réforme de la justice est une réforme globale.
M. le Premier ministre l'a voulue ainsi, comme il l'a annoncé le 19 juin 1997
dans la déclaration de politique générale du Gouvernement.
Cette réforme globale comporte trois volets.
Le premier vise à rapprocher la justice des citoyens. Telle est notre première
priorité. Un texte est déjà définitivement adopté : il s'agit de la loi sur
l'accès aux droits, qui permet de multiplier les maisons de la justice et du
droit et les centres départementaux d'aide juridique, ainsi que de recourir
davantage à la transaction et à la médiation au lieu d'aller systématiquement
devant le tribunal.
Je remercie la Haute Assemblée ainsi que l'Assemblée nationale d'avoir fait
diligence dans le vote de ce texte qui, à mes yeux, est extrêmement important.
Je suis très heureuse qu'il ait été le premier voté définitivement.
M. Jean Chérioux.
C'est pourtant bien secondaire !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne sais pas si, véritablement, les citoyens seraient
d'accord pour considérer avec vous, monsieur Chérioux, que tout ce qui concerne
la justice au quotidien, tout ce qui est le plus proche d'eux est secondaire.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Jean Chérioux.
Sûrement !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le deuxième projet de loi, qui concerne la
simplification des procédures pénales, a été adopté par le Sénat en première
lecture le 23 juin 1998 et sera examiné par l'Assemblée nationale le 23 mars
prochain. Ce texte permettra de lutter avec plus d'efficacité contre la petite
et moyenne délinquance qui empoisonne la vie de nos concitoyens, notamment les
plus modestes d'entre eux.
(MM. Robert Bret et Paul Loridant applaudissent.)
Un décret réformant la procédure civile et visant à réduire les délais en
matière de justice civile - et n'est-ce pas celle qui est la plus proche de nos
concitoyens ? - a été pris en décembre 1998.
Voilà pour le premier volet de la réforme, le plus important aux yeux du
Gouvernement.
Le second volet a trait au respect des libertés.
La loi sur la délinquance sexuelle a été publiée le 17 juin 1998. Elle protège
mieux les victimes, qui sont des enfants.
M. Alain Vasselle.
Vous ne répondez pas à ma question !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le projet de loi sur la présomption d'innocence et les
droits des victimes, qui a été déposé à l'Assemblée nationale,...
M. Alain Vasselle.
Enfin !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... sera examiné par celle-ci du 23 au 25 mars
prochains. Vous voyez que votre impatience sera bientôt apaisée, monsieur
Vasselle ! Le Sénat en sera saisi à la fin du mois de juin prochain.
J'en arrive maintenant à la question de l'indépendance de la justice.
M. Alain Vasselle.
Et les maires ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Vous savez, puisque vous l'avez voté - je suppose que
vous étiez présent
(Vives protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.) - ...
M. Jean Chérioux.
C'est inconvenant ! On ne s'adresse pas comme cela à la représentation
nationale !
M. le président.
Madame le ministre, je vous prie de conclure !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... que le projet de loi constitutionnelle relatif au
Conseil supérieur de la magistrature a été adopté dans les mêmes termes par les
deux assemblées le 18 novembre dernier. Et, puisque certains d'entre vous
parlaient tout à l'heure de célérité, qu'ils sachent que nous n'attendons plus
que la fixation de la date de réunion du Congrès.
M. le président.
Veuillez conclure, madame le ministre !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le projet de réforme de la justice a été déposé, et il
sera discuté !
(Protestations sur les travées du RPR. - Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Alain Vasselle.
Vous n'avez pas répondu à la question !
CHAMBRES FUNÉRAIRES EN MILIEU RURAL
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Je souhaiterais attirer son attention sur un problème qui peut paraître mineur
mais qui, pourtant, ne manque pas de susciter une certaine inquiétude parmi les
élus ruraux : je fais référence à la nouvelle interdiction faite aux structures
hospitalières d'accueillir dans leur dépôt mortuaire des personnes décédées en
dehors de leur établissement.
Cette interdiction, entrée en vigueur depuis le 1er janvier 1999, fait suite
au décret du 14 novembre 1997, pris en application de la loi du 8 janvier 1993
relative à la législation dans le domaine funéraire.
Je suis tout à fait conscient du fait que cette mesure a été édictée dans un
souci réel, et souvent justifié, de mettre fin à un certain monopole des pompes
funèbres et d'éviter de privilégier des établissements municipaux.
Il n'en demeure pas moins que cette nouvelle réglementation suscite des
difficultés considérables pour les communes et les soumet, surtout en zone
rurale, à une situation plus que délicate sur le plan humain et sur le plan
financier.
Confrontées à ce problème sociétal qui veut que l'on ne veille plus et que
l'on ne garde plus les corps à domicile, parce que les logements ne s'y prêtent
plus et que l'usage s'en est perdu, les petites communes rurales avaient cru
trouver une solution en finançant souvent des dépôts mortuaires dans les
hôpitaux ou maisons de retraite pour accueillir les personnes décédées à
l'extérieur de ces établissements, soit à leur domicile, soit sur la voie
publique, par mort subite ou par accident, soit dans un hôpital voisin, centre
hospitalier et universitaire ou centre hospitalier. On déposait le corps à
l'hôpital local, dans la chambre funéraire. Il n'était pas chez soi, mais on en
restait proche. C'était là une disposition coutumière que l'on peut
sentimentalement et humainement comprendre.
Désormais, ces établissements locaux s'exposent à des poursuites pénales s'ils
accueillent ces personnes décédées en dehors de leur établissement. Et c'est là
que l'on touche le problème humainement pénible : certaines familles, qui ne
peuvent désormais garder le défunt à domicile, doivent parcourir plusieurs
dizaines de kilomètres, les chambres funéraires « agréées », si l'on peut dire,
ne se trouvant que dans les villes. Ainsi, on ajoute au deuil des difficultés
matérielles que des personnes déjà dans la peine ne peuvent ni comprendre ni
accepter.
M. le président.
Posez votre question !
M. René-Pierre Signé.
Comme il n'y a pas ou qu'il y a peu d'entreprises privées susceptibles de
construire des chambres funéraires en zone rurale, les communes rurales, même
si elles n'y sont pas légalement contraintes, se trouvent dans l'obligation de
créer de nouveaux équipements et, plus encore, de les faire fonctionner.
M. le président.
Posez votre question !
M. René-Pierre Signé.
Reste la possibilité de réquisition ou de dérogation permanente. Mais je passe
sur ce sujet, puisque vous me dites, monsieur le président, que le temps est
compté.
Il n'y a guère de solution totalement satisfaisante. C'est pourquoi je vous
pose plusieurs questions.
(Exclamations ironiques sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
On peut, en effet, envisager soit un assouplissement de la législation en zone
rurale, soit des possibilités de dérogation, soit l'acceptation de délais
raisonnables avant l'exigence de la mise en place de chambres funéraires, soit
des mesures financières appropriées d'aide aux communes.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, la loi du 8
janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire a entendu
opérer une distinction entre les chambres mortuaires des établissements de
santé publics et privés, destinées à accueillir gratuitement pendant trois
jours les corps des personnes décédées dans ces établissements, et les chambres
funéraires gérées par des opérateurs funéraires et dont l'exploitation relève
du service extérieur des pompes funèbres.
Il convient de rappeler que les raisons qui ont présidé à un tel choix
résultent de la volonté d'organiser une séparation stricte des deux types
d'équipements afin de permettre une clarification des relations entre les
établissements de santé et les opérateurs funéraires.
Conformément à l'avis du Conseil d'Etat en date du 24 mars 1995, le
Gouvernement a précisé, dans un décret du 14 novembre 1997, que les conventions
passées entre des établissements de santé pour la gestion d'une chambre
mortuaire ou pour l'utilisation des locaux d'une chambre funéraire à
l'extérieur de l'enceinte de l'établissement devaient être dénoncées au plus
tard le 31 décembre 1998.
La séparation des vocations des chambres mortuaires et des chambres funéraires
peut effectivement conduire, dans certains départements à dominante rurale, à
des difficultés, et le ministre de l'intérieur est sensible à votre
préoccupation.
C'est pourquoi, ainsi que M. Chevènement l'a déjà précisé dans une réponse
faite lors d'une séance de questions d'actualité à l'Assemblée nationale, le
Gouvernement réfléchit aux aménagements, nécessairement d'ordre législatif, qui
pourraient être apportés au dispositif actuel tout en ne remettant pas en cause
l'équilibre général de la loi du 8 janvier 1993.
Cette réflexion est engagée en liaison avec la ministre de l'emploi et de la
solidarité et associera le Conseil national des opérations funéraires.
Il sera en tout état de cause procédé à un premier bilan de la mise en oeuvre
de cette réglementation avant la fin du premier semestre, ainsi que l'a précisé
la circulaire interministérielle du 14 janvier 1999 adressée aux préfets et aux
directeurs des agences régionales de l'hospitalisation.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
DÉPÉNALISATION DES DROGUES DOUCES
M. le président.
La parole est à M. Althapé.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Louis Althapé.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action
sociale.
Mme Maestracci, présidente de la mission interministérielle de lutte contre la
drogue, a remis dernièrement au Premier ministre un rapport qui a ranimé à
l'intérieur même du Gouvernement la controverse sur l'usage des drogues
douces.
Votre persévérance à vouloir banaliser l'usage de drogues douces, malgré les
réserves expresses de vos collègues de l'intérieur et de la justice, se fondent
sur des études démontrant que l'alcool et le tabac font plus de morts que le
cannabis, ce qui relativiserait donc la gravité de l'usage de celui-ci.
Cette approche purement médicale, qui amalgame tout, ne sert ni la lutte
contre la drogue ni la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.
Par ailleurs, il est certain qu'un lien très fort existe entre les flambées de
violence urbaine et le phénomène de la drogue. Derrière les jeunes qui
incendient les voitures, il y a ceux qui les excitent, leur fournissent des
cocktails Molotov et pour qui il est essentiel de faire de certaines zones des
lieux de non-droit où la police ne mettrait plus les pieds, afin de développer
en toute impunité le trafic de drogue.
Il est donc grand temps de rappeler l'impérieuse nécessité de l'interdit pour
défendre ce qui est mauvais pour l'individu et la société, de souligner que
l'usage du cannabis est extrêmement néfaste pour la santé, de mettre un terme à
des amalgames qui ne favorisent ni la lutte contre la drogue, ni la lutte
contre le tabagisme, ni la lutte contre l'alcoolisme.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures comptez-vous prendre pour
réparer le mal déjà fait et effacer la profonde confusion que vous avez jetée
dans l'esprit du public ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le sénateur,
si une confusion doit être effacée, c'est dans votre esprit, et je vais m'y
employer.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Ici même, monsieur le sénateur - mais en votre absence, je le regrette -
a eu lieu sur le sujet que vous évoquez le vrai, le seul, l'unique débat au
cours duquel les sénateurs et le Gouvernement ont pu échanger des arguments de
santé publique et d'ordre public.
Mme Odette Terrade.
C'est vrai !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, d'où sortez-vous notre goût pour
la dépénalisation ? Nous l'avons affirmé ici et je l'ai écrit depuis dix ans,
personne ne veut dépénaliser les drogues douces, au contraire !
(M. Althapé fait un signe dubitatif.)
Non, ne faites pas ce geste ! C'est
écrit partout ! Nous en avons débattu dans cette enceinte !
Il importe de mettre en perspective, pour des raisons de santé publique -
parce qu'il faut réduire tous les risques et pas seulement ceux qui sont
allégués et diabolisés - les risques liés aux toxiques légaux et illégaux,
certains étant d'ailleurs plus importants que d'autres, mais je ne développerai
pas ce point puisque je ne dispose malheureusement que de deux minutes et
demie.
Quoi qu'il en soit, il faut considérer non pas le produit mais la personne.
Nous allons ainsi essayer d'établir ensemble des mesures plus fortes pour
prendre en charge les nouveaux toxiques très graves que sont les toxiques
synthétiques qui sont fabriqués dans nos pays, sans oublier que l'on va souvent
d'un toxique, qu'il soit légal ou non, à un autre. Pour la meilleure protection
de notre jeunesse, nous établirons donc tous ensemble un certain nombre de
mesures nouvelles autour de la réduction des risques.
J'ai rencontré ce jour Mme le ministre de la santé de Norvège. Elle a reconnu
que, les politiques étant à peu près semblables dans nos deux pays, nous avions
eu le courage de notre opinion, sans vouloir stigmatiser le moindre de nos
produits : nous ne sommes pas en train de dire qu'il n'est pas bien de
consommer de l'alcool, du vin ou du tabac, nous soutenons simplement que, la
consommation de ces différents produits s'additionnant, il faut absolument que
nous débarrassions nos adolescents de leurs effets nocifs.
Bien entendu, nous devons agir ensemble et privilégier à l'approche
idéologique l'approche de santé publique.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
RESPONSABILITÉ DES FOURNISSEURS
D'ACCÈS A` INTERNET
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Une récente condamnation concernant un fournisseur d'hébergement est-elle un
nouveau signe de la fin de l'Internet non marchand, et se dirige-t-on vers une
régulation des contenus ?
Cette affaire a donné lieu à une mobilisation sans précédent des internautes,
qui y voient une réduction de ce champ d'expression extraordinaire que
constitue l'Internet et une atteinte à la liberté d'expression.
Dans les pays anglo-saxons ou en Espagne, par exemple, jusqu'à présent, les
hébergeurs n'ont pas été inquiétés pour la diffusion des contenus. C'est
pourquoi bon nombre de sites français préfèrent s'installer dans ces pays.
Il convient, dans l'intérêt de tous les acteurs de l'Internet, que la question
de la responsabilité de l'information véhiculée soit posée.
Doit-on transposer le droit de la presse et de la communication audiovisuelle,
ou faut-il imaginer un nouveau droit de l'Internet, totalement illusoire dans
un contexte mondial ? C'est comme si l'on interdisait au nuage de Tchernobyl de
passer au-dessus de la France !
Il est techniquement impossible à un hébergeur de contrôler quotidiennement le
contenu des sites qu'il met en ligne. Il apparaît donc choquant qu'il puisse
être tenu pour responsable alors qu'il conviendrait d'abord de rechercher la
responsabilité des auteurs de sites.
Est-il exact qu'une directive européenne est en préparation pour régler ce
problème ? En attendant, quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter que
seuls les fournisseurs ne soient tenus pour responsables de contenus dont ils
ne sont pas les auteurs et qu'ils n'ont pas matériellement les moyens de
contrôler ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, vous
posez une question extrêmement importante, puisque Internet est une liberté
nouvelle, qui se développe à l'échelle mondiale.
Face à cette liberté d'expression nouvelle, il faut se demander quelle peut
être la mise en jeu de la responsabilité des différents intervenants par
rapport à des actes illégaux qui pourraient concerner le terrorisme, l'appel au
meurtre, la pédophilie, la pornographie, etc.
Evidemment, ce n'est pas simple. D'abord, il faut qu'au niveau national nous
déterminions précisément qui est responsable. Ce n'est certainement pas au
premier chef l'hébergeur, puisqu'il ne fournit que l'accès à un réseau. C'est
donc l'émetteur des images illégales, sauf si l'hébergeur a été complice dans
la fourniture de ces images ou s'il n'a pas fait toutes les diligences
nécessaires pour éviter que ces images, alors qu'il en connaissait le caractère
illégal, puissent être diffusées sur le réseau.
Le droit relatif à cette expression nouvelle est, il est vrai, en cours de
construction.
Sur le plan national, les différents ministères concernés font un travail
approfondi pour savoir si, en effet, il est nécessaire de compléter la
législation pour répondre aux nouvelles questions qui nous sont ainsi
posées.
Mais on ne peut, bien sûr, s'en tenir, en ce domaine, à une législation
nationale. C'est au niveau européen, voire mondial, que nous devons avoir les
mêmes pratiques, les mêmes approches. De ce point de vue, des travaux sont en
cours aussi bien au sein de l'Union européenne qu'au sein du groupe des Huit,
qui se préoccupe plus particulièrement de ces questions en liaison avec la
lutte contre le terrorisme.
Voilà ce que je peux dire en l'instant. Le Gouvernement est extrêmement
vigilant, et nous aurons certainement l'occasion, très bientôt, d'informer la
représentation nationale sur les progrès qui peuvent être réalisés en la
matière.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
A ce propos, j'indique que le Sénat accueillera dans l'hémicycle, les 19 et 20
mars prochains, la fête de l'Internet. Nous confirmerons ainsi que les «
archaïques » sont à la pointe du progrès !
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures
vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
4
dépôt d'un rapport du gouvernement
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le premier rapport annuel sur le bilan des
dispositifs mis en place pour le pacte de relance, établi en application de
l'article 45 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en
oeuvre du pacte de relance pour la ville.
M. Gérard Larcher.
Un excellent pacte !
M. le président.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
5
candidatures
à une commission mixte paritaire
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale
m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle
présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux polices
municipales.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
6
ÉGALITÉ
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
constitutionnelle en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du
projet de loi constitutionnelle (n° 228, 1998-1999), adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'égalité entre les
femmes et les hommes. [Rapport n° 247 (1998-1999).]
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, je serai d'autant plus brève que Mme Péry vous apportera quelques
éclaircissements sur les questions que vous avez soulevées.
Tout d'abord, je voudrais remercier M. Cabanel de son esprit extrêmement
constructif ainsi que de la sincérité dont il a fait preuve lors de
l'intervention qu'il a prononcée à la tribune ce matin.
Plusieurs orateurs et oratrices ont indiqué que leur principal souci était de
corriger une anomalie, de réparer une injustice. C'est, en effet, le souci de
nombre d'entre vous sur ces travées, à gauche, bien entendu, mais également,
j'ai cru le noter, chez des orateurs de la majorité sénatoriale.
A l'adresse de M. de Rohan, qui a été un porte-parole important de la majorité
sénatoriale, je souhaite formuler quelques remarques.
Dans mon intervention liminaire, je crois avoir répondu à vos questions. Je
l'ai fait, me semble-t-il, avec clarté, car il s'agit de questions légitimes.
Cela dit, puisque vous avez réitéré ces questions, je ne vois pas
d'inconvénient à me répéter, si cette fois-ci je pouvais être entendue, mieux
en tout cas que je ne l'ai été jusqu'à présent.
Tout d'abord, le Gouvernement souhaite qu'un accord intervienne entre les deux
assemblées, et il fera tout ce qui est en son pouvoir - il a déjà agi dans ce
sens ces dernières semaines - pour favoriser cet accord, bien entendu sur des
bases qui sont acceptables pour lui - je les ai indiquées dans mon propos
liminaire - car le Gouvernement veut que cette réforme aboutisse.
Ensuite, le Gouvernement n'a pas d'arrière-pensée. Il n'entend pas utiliser la
parité pour mener une guerre contre le Sénat. Ce que souhaite le Gouvernement,
c'est, je le répète, que la réforme constitutionnelle aboutisse. Le
Gouvernement veut lever le verrou constitutionnel et, pour cela, il faut
modifier l'article 3 de la Constitution, car c'est bien là que se pose le
problème.
Je ferai remarquer qu'un tel verrou n'existe pas dans les autres ordres de
nomination, que ce soit dans les domaines administratifs, économiques ou
financiers, où là, naturellement, c'est la volonté qui prévaut.
Vous avez eu tout à fait raison de souligner, avec d'autres, que nous devons
effectivement poursuivre nos efforts dans la fonction publique.
Plusieurs oratrices et orateurs ont insisté sur le fait que la loi n'allait
pas suffire à créer toutes les conditions pour instaurer la parité. Elle peut
certes lever des obstacles, mais il restera ensuite, bien entendu, à
concrétiser cette volonté.
Nous avons commandé le rapport Colmou. C'est dire que nous sommes très
attentifs à cette question dans la fonction publique.
Vous m'avez posé une question particulière sur la haute magistrature. A cet
égard, je suis particulièrement vigilante.
Les premiers présidents, au nombre de trente-cinq - ils sont proposés et
nommés par le Conseil supérieur de la magistrature - comptent aujourd'hui deux
femmes.
Au sein du Conseil supérieur de la magistrature, présidé par M. le Président
de la République et vice-présidé par moi-même, j'essaie de seconder au mieux M.
le Président de la République dans ses efforts pour attirer l'attention du
Conseil supérieur de la magistrature sur la nécessité de nommer des femmes.
La question des procureurs généraux, qui sont nommés par décret en conseil des
ministres, me préoccupe au premier chef. Je n'ai pas toujours rencontré le
succès escompté s'agissant des procureurs et des procureurs généraux. Là
encore, je me conforme à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature.
J'avais nommé une femme procureur général ; malheureusement elle est décédée
peu de mois après. J'espère que cette absence féminine sera très bientôt
comblée. En tout cas, je m'y emploie.
D'une façon générale, dans la fonction publique, les femmes sont souvent très
nombreuses, et c'est le cas dans la magistrature. Nous devons faire en sorte
qu'elles accèdent à des fonctions intermédiaires de manière à disposer d'un
vivier pour les nommer dans des fonctions supérieures. Cela devra être le
premier pan de la politique que nous devons mener. Je n'en dirai pas plus sur
ce point, puisque Mme Péry, qui est en charge des droits des femmes, va
intervenir pour exposer les intentions du Gouvernement, notamment sur
l'Observatoire de la parité.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames les sénatrices,
messieurs les sénateurs, je souhaite à mon tour vous remercier pour le ton
général qui préside à cette deuxième lecture. Le mois de réflexion entre vos
deux lectures a été bénéfique ; il a permis ce débat constructif.
Mme Elisabeth Guigou a répondu avec beaucoup de clarté à certaines
interrogations. Je me bornerai à ajouter quelques précisions sur deux sujets :
l'Observatoire de la parité et le rapport de Mme Colmou.
L'Observatoire de la parité a été mis en place en 1995 et un travail
intéressant y a été mené.
Je ne considère pas cet observatoire comme une instance « alibi ». J'ai estimé
normal de demander à la nouvelle rapporteuse - j'ai bien noté, monsieur
Cabanel, que vous aviez utilisé le féminin à ce sujet - Mme Dominique Gillot,
de bien vouloir nous présenter ses réflexions et ses propositions pour le mois
de juin. Ce délai permettra de respecter à la fois cette instance et notre
souci d'avancer sur le sujet.
Je m'adresserai maintenant plus particulièrement à M. de Rohan, qui a fait
référence à l'avis négatif du rapport Colmou.
Permettez-moi, sur ce point, de vous faire part de mon sentiment : les femmes
entrent dans la fonction publique par concours, ce qui est une garantie
d'égalité, il est donc impropre d'envisager des quotas à ce sujet.
Mais si les femmes entrent massivement dans la fonction publique par concours,
le problème commence à se poser avec les constructions de carrière et le fameux
« plafond de verre ». Je ne reviens pas sur les chiffres, ils ont été cités et
commentés ce matin.
Cet après-midi même, une réunion interministérielle a lieu à Matignon
précisément pour étudier les propositions concrètes de Mme Colmou sur ce sujet,
notamment les plans d'égalité qui pourraient être mis en place dans chaque
ministère. Ne doutons pas de la volonté de M. le Premier ministre à cet égard,
ce serait vraiment lui faire un mauvais procès.
Je ne souhaite pas non plus trop allonger mon propos en vous lisant la liste
de l'ensemble des nominations intervenues depuis le mois de juin 1997.
Permettez-moi simplement d'en citer quelques-unes qui me semblent intéressantes
puisqu'elles portent sur une trentaine de postes auxquels des femmes n'avaient
jamais été nommées. Il s'agit, par exemple, d'une déléguée à la sécurité
routière, d'une directrice des affaires stratégiques et internationales au
Secrétariat général de la défense nationale, d'une directrice générale au CNRS
ou d'une déléguée interministérielle à la ville. Cela reste évidemment très
insuffisant, et nous devons poursuivre tous ensemble dans cette voie.
Ce que je souhaite maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est que ce
débat trouve une issue positive. Si l'article 3 de la Constitution devait être
modifié, comme le propose le Gouvernement - nous savons que le Président de la
République a émis un avis positif sur ce point - je pense que cela
constituerait une avancée tout à fait positive.
Personnellement, je ne chercherai pas alors à savoir qui a gagné. C'est nous
tous qui y gagneront. C'est la démocratie qui y gagnera
(Applaudissements
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur certaines travées du groupe du RDSE, de l'Union
centriste et du groupe du RPR.)
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article unique
M. le président.
«
Article unique. -
L'article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958
est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès
des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 3, M. Paul Girod propose de rédiger comme suit cet article
:
« Le dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution est complété par une
phrase ainsi rédigée : « La loi favorise leur égal accès aux mandats électoraux
et fonctions électives dans le respect du droit de candidature et de liberté de
choix des électeurs. »
Par amendement n° 1, M. Cabanel, au nom de la commission, propose de rédiger
ainsi le second alinéa de l'article unique :
« La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux
et fonctions électives. »
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
Je demande l'examen en priorité de
l'amendement n° 1 de la commission.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Guy Cabanel,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Cet
amendement n° 1 est d'une grande simplicité, puisqu'il reprend presque mot pour
mot la rédaction initiale du projet de loi constitutionnelle approuvé en
conseil des ministres le 17 juin 1998 : « La loi favorise l'égal accès des
femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. » Seuls,
les termes « électoraux » et « électives » ont été tirés du texte transmis par
l'Assemblée nationale.
La raison du dépôt de cet amendement n° 1 est simple, elle aussi. Il nous a
été dit que seule la modification de l'article 3 de la Constitution permettait
de lever le verrou d'inconstitutionnalité opposé jusque-là par le Conseil
constitutionnel à toutes les mesures qui avaient été envisagées, tant en 1982
que plus récemment.
J'ajoute que, ce texte, je l'avais déjà proposé en commission lors des débats
préalables à la première lecture et que, hier matin, la commission des lois l'a
adopté.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Paul Girod.
J'ai bien entendu M. le rapporteur, mais je dois dire qu'il a commis un
oubli.
Chacun connaît l'aimable discussion que nous avons, lui et moi, sur cette
affaire. En effet, nous cherchons à atteindre tous les deux le même but, mais
pas forcément avec les mêmes moyens. M. le rapporteur a donc oublié de nous
dire qu'il s'agissait, avec l'amendement n° 1, d'un alinéa nouveau s'ajoutant
aux quatre alinéas actuels de l'article 3 de la Constitution.
Cet article 3 dispose, en premier lieu, que la souveraineté nationale
appartient au peuple ; ensuite, il explique comment le peuple exerce sa
souveraineté : par ses représentants, par le référendum ; il précise encore que
personne ne peut en confisquer une partie ; puis il évoque le corps électoral,
or, depuis 1945, celui-ci réunit les électeurs des deux sexes.
Ajouter un cinquième alinéa reviendrait à redécouper ce que l'on vient
d'unifier. C'est la raison pour laquelle je préférerais que l'égalité d'accès
aux mandats électoraux et aux fonctions électives figurent dans le même alinéa
qui rassemble tous les électeurs dans un même corps électoral de façon que l'on
n'ait pas, ensuite, qu'on le veuille ou non, l'amorce d'une sectorisation du
corps électoral et, par conséquent, d'une communautarisation, à terme, de
celui-ci.
Avec cet amendement, je défends l'unicité du corps électoral, qui est composé
« des nationaux français majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits
civils et politiques... » - les deux sexes étant nommés, les femmes et les
hommes sont bien présents. En précisant qu'ils ont un égal droit à l'accès aux
fonctions électives et aux mandats électoraux. Nous restons dans la même
logique.
J'ai ajouté une précaution complémentaire, qui est plutôt une forme
d'interrogation à l'intention du Gouvernement, dont j'aimerais bien obtenir une
réponse claire. J'ai ajouté à l'égal accès « dans le respect du droit de
candidature et de la liberté de choix des électeurs ».
Jusqu'à nouvel ordre, les candidats sont des électeurs. A partir de l'instant
où l'on va organiser leur représentation, certains seront-ils privés du droit
d'être représenté ?
M. Emmanuel Hamel.
Excellente question !
M. Paul Girod.
Par ailleurs, les citoyens ne seront-ils habilités à voter que pour ceux qui
se seront présentés dans des conditions comportant une habilitation préalable ?
Si la réponse est oui, c'est l'affiche blanche !
Je suis prêt à retirer la fin de mon amendement et à m'arrêter à la partie
dans laquelle je cherche à maintenir l'unicité du dernier alinéa de l'article
3. Encore faudrait-il que j'obtienne du Gouvernement des réponses légèrement
différentes de celles que j'ai obtenues tout à l'heure en commission des lois
de la part d'un de nos collègues.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 3 ?
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Tout d'abord, j'indique à mon collègue et ami M. Paul Girod
que la phrase suivante : « L'article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 est
complété par un alinéa ainsi rédigé » demeurait. C'est pourquoi je ne ne l'ai
pas rappelée.
Par ailleurs, je ne suis pas sûr que le fait d'accoler la phrase proposée par
M. Paul Girod, immédiatement à la suite du dernier alinéa de l'article 3
provoque des effets très différents de ceux qu'aurait l'ajout d'un alinéa
supplémentaire.
Enfin, l'amendement de M. Paul Girod, s'il était adopté, entraînerait tout de
même une modification par rapport au texte initial.
Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement
n° 3.
M. Emmanuel Hamel.
C'est regrettable !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 3 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'Assemblée nationale a modifié la rédaction initiale
proposée par le Gouvernement estimant ainsi mieux garantir la liberté
d'appréciation du législateur. Le Gouvernement avait souscrit à cette approche.
Mais, dans la mesure où l'amendement n° 1 tend à revenir à la rédaction
initiale qui permet - et c'est l'essentiel pour le Gouvernement - de prendre
des mesures positives en faveur de l'égalité des hommes et des femmes, le
Gouvernement ne peut qu'y être favorable.
S'agissant de l'amendement n° 3, je vais m'efforcer de répondre aux questions
posées par M. Paul Girod.
Je m'interroge, je l'avoue, sur la portée de l'ajout qu'il propose. Si cet
amendement vise à faire respecter le pluralisme des courants d'opinions et
d'idées et le libre choix des électeurs, cet ajout me paraît inutile dans la
mesure où l'objectif de parité devra bien évidemment être compatible avec
l'ensemble des principes de valeur constitutionnelle.
Je vous rappelle à ce propos, monsieur Girod, que, dans sa décision du 11
janvier 1990, le Conseil constitutionnel a subordonné la constitutionnalité du
mécanisme d'aide publique aux partis au respect de l'exigence du pluralisme des
courants d'idées et d'opinions qui, a-t-il souligné, « constitue le fondement
de notre démocratie ».
Il est donc évident que les mesures que le législateur sera amené à prendre
pour mettre en oeuvre l'objectif de parité seront compatibles avec ce principe
de valeur constitutionnelle.
Si l'amendement avait pour objet, en réalité - mais je ne crois pas que telle
en soit l'intention de son auteur - d'interdire au législateur d'adopter les
mesures permettant de favoriser les candidatures de femmes, le Gouvernement ne
pourrait qu'être contre.
En somme, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, parce qu'il
lui semble qu'il ajoute une précision qui n'est pas nécessaire et qui pourrait
prêter à confusion s'agissant de la possibilité pour le législateur de recourir
à la loi pour favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
La modification apportée par le projet de loi à l'article 3 de la Constitution
est essentielle, car cet article affirme que le peuple est souverain. C'est
cette proposition qui est au coeur de l'idée même de parité.
Toute tentative de supprimer ce texte, de l'encadrer, de le corseter avait
pour conséquence évidente, de réduire à néant l'instauration de l'égalité entre
les sexes dans le domaine politique.
Je re reviendrai pas sur le constat fait à de multiples reprises : les femmes
dans notre pays sont fortement sous-représentées sur le plan des fonctions
électives et des mandats électoraux, mon amie Mme Odette Terrade l'a fort bien
démontré et il suffit de regarder notre hémicycle pour s'en convaincre.
L'Assemblée nationale, en première et en deuxième lecture, a précisé le texte
gouvernemental afin d'en améliorer l'efficacité.
Je cite l'article tel qu'il a été transmis au Sénat : « La loi détermine les
conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des hommes
aux mandats électoraux et fonctions électives. »
Le texte initial du Gouvernement était quant à lui : « La loi favorise l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions. »
La majorité sénatoriale, lors de la première lecture, a rejeté en bloc le
principe même de la modification de l'article 3.
La réaction du pays a été forte,...
M. Claude Estier.
Le pays a été trompé !
Mme Hélène Luc.
... l'émotion réelle et profonde !
L'avancée réelle que nous propose aujourd'hui la commission des lois a été
gagnée autant par la pression des femmes et leurs associations
(Exclamations
sur les travées du RPR)
que par celle du Premier ministre, en accord avec
le Président de la République.
Comment, en effet, accepter le maintien de cette inégalité entre hommes et
femmes dans le cadre de la vie politique ?
La marche vers la parité est inéluctable. Elle constitue un élément essentiel
du progrès démocratique tant l'apport des femmes - leur participation
déterminante - représente un ferment de changement et d'innovation pour la
société, qui en a un besoin vital. On ne dira jamais assez que les hommes et
les femmes représentent respectivement la moitié des talents, des
qualifications potentielles de l'humanité.
Leur participation complémentaire et équilibrée aux responsabilités fera
naître des idées, des valeurs, des comportements qui, en s'entremêlant,
donneront de meilleurs résultats pour l'ensemble de la société et, n'en doutons
pas, une nouvelle approche de la vie politique si décriée.
Comment évoquer l'universalité dans la vie politique comme dans la vie sociale
et économique ? Car il ne faut pas cloisonner les différents secteurs de la vie
d'un pays en acceptant l'exclusion de la moitié de la population !
L'universalité est un principe supérieur que nous faisons nôtre, mais un
principe est un processus, un système politique. Nous poursuivons, avec
l'effort vers la parité, l'égalité, la réalisation de cet objectif
d'universalité.
Au terme de discussions multiples, la majorité sénatoriale a accepté de
revenir au texte initial du Gouvernement.
Après de larges hésitations, l'idée d'encadrer cette proposition par un
dispositif « anti-parité » a été abandonnée, et c'est une bonne chose. Seul M.
Paul Girod maintient cette attitude particulièrement conservatrice, mais il
peut encore changer d'avis.
(M. Paul Girod secoue la tête négativement.)
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront donc
pour l'amendement n° 1 de la commission. Nous sommes favorables au texte voté
par l'Assemblée nationale, plus précis, plus efficace.
Mais, soucieux d'aboutir à un vote rapide de cette réforme constitutionnelle,
qui constitue un événement historique, le groupe communiste républicain et
citoyen veut donner un signe fort aux femmes, au pays tout entier. Nous voulons
que le Sénat prenne enfin le chemin d'une assemblée moderne. La jeune gauche
plurielle féminine de notre assemblée, avec le groupe communiste républicain et
citoyen et le groupe socialiste, y joue un rôle important à l'aube du xxie
siècle.
Et si le poète a toujours raison, le vers d'Aragon : « la femme est l'avenir
de l'homme » deviendra alors réalité. Et c'est la France tout entière qui y
gagnera !
C'est pourquoi, monsieur le président, madame la ministre, madame la
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voterons l'amendement n° 1 de la
commission.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Il n'est pas dans mon intention de donner une explication de vote aussi longue
que celle de Mme Luc.
Permettez-moi de formuler quelques remarques et un regret.
Je constate que Mme Luc entretient, s'agissant de l'attitude de la majorité
sénatoriale, un débat qui tend à encourager cette pression médiatique
outrancière qui caricature nos positions et qu'elle affirme un certain nombre
de contrevérités.
Il faudrait, une bonne fois pour toutes, arrêter ce débat d'un autre âge,
madame Luc ! Nous sommes une assemblée où le bon sens prévaut.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est vous qui le dites !
M. Alain Vasselle.
Faites parler votre bon sens et n'entretenez pas de polémiques inutiles,
surtout lorsqu'il s'agit de l'avenir des femmes !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Patriarcal !
M. Alain Vasselle.
Voilà pour ma première remarque.
Mon regret porte sur la procédure demandée par M. le rapporteur de la
commission des lois et acceptée par le Gouvernement qui nous amène à examiner
en priorité l'amendement n° 1 de la commission et non pas, comme je l'aurais
bien sûr préféré, l'amendement n° 3 de notre collègue Paul Girod.
Quelles sont les raisons de ce regret ? Cela m'amènera à faire une autre
remarque et à donner mon sentiment sur l'amendement de la commission.
Après l'argumentation et les prises de position développées lors de la
première lecture de ce texte, dont celles de collègues éminents - comme M.
Badinter, qui avait donné son point de vue et qui brille maintenant par son
silence
(Protestations sur les travées socialistes)
- je me pose la question de
savoir, madame le garde des sceaux, comment vous allez, par une loi future,
rendre compatible la modification proposée avec le respect de la souveraineté.
Vous avez affirmé qu'il n'était pas dans l'intention du Gouvernement d'y porter
atteinte et que vous en respecteriez le principe fondamental. Je vous en donne
acte, mais j'attends avec impatience les initiatives que vous avez l'intention
de prendre pour y parvenir.
Je crains fort - et c'est pourquoi j'aurais préféré l'amendement n° 3 de M.
Paul Girod - les effets pervers à terme d'une future loi ordinaire. De plus,
comme l'a très justement fait remarquer notre président de groupe, M. de Rohan,
et bien que vous vous en défendiez, ne prenons-nous pas un risque en allant
vers des quotas ? Ne prenons-nous pas un risque - si ce n'est de votre fait, du
fait d'un gouvernement futur - s'agissant de la généralisation du scrutin
proportionnel jusque dans nos élections locales et dans les conseils municipaux
de nos petites communes rurales ?
Je vous laisse imaginer, madame le garde des sceaux, mes chers collègues,
l'émoi que provoquera dans les populations de nos communes la politisation de
toutes les élections, même les élections locales dans lesquelles se présentent
des hommes et des femmes qui n'ont pour seul objectif que l'intérêt général et
la gestion, et qui ont mis de côté tout esprit politicien et appartenance à un
parti politique.
L'article 4 va confirmer cette inquiétude et ce sentiment. Veut-on
effectivement que, demain, les partis politiques régissent toutes les élections
à quelque niveau que ce soit ? Vous vous en défendez. Les uns et les autres
s'en défendent dans leur prise de position. Mais vous n'avez pas réussi, pour
le moment, à emporter ma conviction sur ce point. C'est la raison pour laquelle
je ne participerai pas au vote.
M. Paul Girod.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Mme la ministre m'a fait une réponse extraordinairement différente de celle
que j'ai eue en commission ! Le membre d'un parti qui la soutient m'avait en
effet répondu que, bien entendu, il ne fallait pas laisser de liberté à
l'électeur pour pouvoir invalider les listes qui n'auront pas été établies dans
les conditions requises, au motif que des personnes se seraient présentées
librement. C'est ce que j'ai entendu !
Je considère que la réponse de Mme le garde des sceaux est donc
extraordinairement différente de la réponse lapidaire qui m'avait été faite et
qui m'avait laissé pantois !
Cela dit, de par la procédure utilisée, nous devons maintenant nous prononcer
sur l'amendement n° 1 de la commission des lois.
Je persiste à penser que, rédigé dans un alinéa nouveau et introduisant une
dichotomie dans un corps électoral, ce dispositif met le ver dans le fruit, en
ouvrant des perspectives de sectorisation du corps électoral que, pour ma part,
je réprouve par avance et qui se manifesteront un jour. Cela commencera au
niveau des élections locales !
On nous dit que ce sont les femmes qui ont emporté, par leurs manifestations,
par leurs associations, la conviction du Parlement, du Président de la
République, du Premier ministre, etc. Notre pays compte d'autres associations
qui sont tout aussi actives et qui s'efforceront de présenter un certain nombre
de mesures destinées à faire évoluer le plus rapidement possible notre système
politique, afin que cesse une anomalie flagrante. J'en suis tout à fait
d'accord ! Je suis également partisan de faire évoluer la situation le plus
vite possible, mais pas en ouvrant une perspective qui m'inquiète !
Je regrette que le Sénat ne puisse plus se prononcer sur mon amendement n° 3,
dont je retire d'ailleurs la seconde partie, car la réponse de Mme le garde des
sceaux satisfait la préoccupation qui était la mienne. De plus, comme je
désapprouve certains aspects de l'amendement n° 1 de la commission des lois -
je ne veux pas être taxé, madame Luc, de fieffé réactionnaire, de machiste
bloqué,...
M. Ivan Renar.
Cela fait mal !
(Sourires.)
M. Paul Girod.
Non, cela ne me fait pas mal du tout, parce que je revendique ce que je suis
!
M. Ivan Renar.
Je voulais dire : cela fait mâle !
(Sourires.)
M. Paul Girod.
On a dit tout à l'heure de notre collègue M. Badinter qu'il était un homme
libre. Je revendique ici d'être un parlementaire libre et de pouvoir exprimer
mes convictions comme je l'entends !
(Très bien ! et applaudissements sur
certaines travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Claude Estier.
Nous sommes tous des parlementaires libres !
M. Paul Girod.
Désapprouvant certains aspects de l'amendement n° 1, disais-je, mais ne
voulant pas aller contre l'évolution proposée, je ferai comme mon collègue M.
Vasselle : je ne participerai pas au vote !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, moi, je voterai l'amendement n° 1 de la commission des lois,
et ce pour deux raisons.
En premier lieu, dès que l'on sort des murs de cette enceinte, on voit bien
que la représentation des femmes à l'Assemblée nationale, au Sénat et dans un
certain nombre d'autres institutions est insuffisante.
M. Paul Girod.
C'est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade.
C'est un fait, et rien ne peut s'opposer aux faits de notre société.
On nous propose par conséquent un dispositif qui permet, non pas de rétablir
l'égalité, mais d'entamer une marche vers l'égalité, j'y souscris.
En second lieu, la rédaction proposée par M. Cabanel et approuvée par la
commission des lois me paraît meilleure que celle de l'Assemblée nationale. En
effet, cette dernière rédaction nous place dans une situation de tutelle par
rapport au Conseil constitutionnel.
En revanche, la rédaction proposée par M. le rapporteur, qui était d'ailleurs
celle du Gouvernement, madame le garde des sceaux, laisse une latitude un peu
plus grande au Parlement.
Trop nombreux étant les textes qui placent le Parlement sous les fourches
caudines du Conseil constitutionnel, il me paraît donc normal d'adopter le
texte de la commission des lois, texte que, dans leur sagesse, le Gouvernement
et le Président de la République avaient adopté en conseil des ministres avant
qu'il ne passe dans le filtre de l'Assemblée nationale.
Par la modification de l'article 3, nous posons un principe. Il serait
illusoire de penser qu'il se traduira d'une manière concrète sans une
modification de l'article 4. C'est la raison pour laquelle le Sénat, dans sa
sagesse, avait proposé, en première lecture, de modifier l'article 4.
Certes, je n'étais pas tout à fait d'accord sur le texte même de ces
modifications. Mais si l'on se contente de poser un principe dans l'article 3,
sans compléter l'article 4, nous produirons un effet, certes intéressant pour
les médias, mais nul sur le plan de l'efficacité. N'oublions pas que ce sont
les partis et les groupements politiques qui déterminent très largement, ne
serait-ce que par le financement des campagnes électorales, la possibilité de
se porter candidat !
En conséquence, je voterai sans aucune arrière-pensée le texte proposé par la
commission des lois et l'amendement visant à modifier l'article 4. De mon point
de vue, les modifications des articles 3 et 4 doivent être conduites de manière
parallèle et votées simultanément.
C'est dans ces conditions, me semble-t-il, que l'on peut trouver un consensus
avec nos partenaires de l'Assemblée nationale.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, j'interviendrai en femme libre, mais aussi au nom de
mes amies du groupe socialiste.
Mon propos sera extrêmement bref puisque ce matin, dans la discussion
générale, j'ai défini notre position. J'ai dit que nous préférions les termes
de l'Assemblée nationale, qui nous semblaient plus précis, mais que, notre
objectif étant de véritablement favoriser l'égal accès des femmes aux mandats
électoraux et aux fonctions électives, nous acceptions la proposition de M. le
rapporteur et voterions l'amendement n° 1.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Je mesure les accusations dont je serai la victime pour avoir exprimé les
quelques mots que je vous confie, femmes et hommes de cette assemblée.
J'ai le respect de la femme. Comme l'a dit Aragon, dont je pourrais vous
réciter des vers pendant des heures, elle est effectivement « l'avenir de
l'homme ».
Hommes ou femmes, notre avenir est la liberté, notre avenir est la
démocratie.
Mme Hélène Luc.
Justement !
M. Emmanuel Hamel.
Or une liberté, ce n'est pas le contingentement ; une démocratie, ce ne sont
pas les quotas. Nous cédons à la pression d'une opinion publique animée par les
médias. Nous sommes désignés comme ne comprenant pas les nécessités du
mouvement du monde et nous nous abaissons en acceptant un texte qui est en
contradiction avec l'esprit de la République.
Je ne veux pas une République de quotas, ni d'une démocratie de contingents.
J'espère la promotion de la femme. Mesdames, doutez-vous de vous-mêmes au point
de recourir à des textes tels que celui-ci pour assurer votre promotion dans la
démocratie et dans la République ?
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
répubicain et citoyen.)
Mme Dinah Derycke
On a vu ce qu'il en était sans cela !
M. Emmanuel Hamel.
Exprimez la volonté d'être plus présentes ! Renforcez votre rayonnement et
vous serez plus nombreuses ! Mais ne recourez pas à des techniques de ce genre
!
C'est la raison pour laquelle je m'opposerai à l'adoption de cet amendement,
estimant que le dispositif proposé est fondamentalement contraire à l'esprit de
la République et à la démocratie. Vive les femmes ! A bas les quotas !
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen. - Applaudissements sur certaines travées du
RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 3 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi, ainsi modifié.
(L'article unique est adopté.)
Article additionnel après l'article unique
M. le président.
Par amendement n° 2, M. Cabanel, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article unique, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Leur financement public contribue à la mise en oeuvre du principe énoncé au
dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi .»
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement n° 4, déposé par MM. Chérioux,
Fourcade, Lachenaud et Richert, et tendant, au début du texte présenté par
l'amendement n° 2 pour compléter l'article 4 de la Constitution, à remplacer
les mots : « Leur financement public contribue » par les mots : « Ils
contribuent ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
L'amendement n° 2, qui a été adopté par la commission, tend à
compléter l'article 4 de la Constitution, dont je rappelle les termes : « Les
partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se
forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les
principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. » A ce texte, nous
proposons d'ajouter un alinéa ainsi rédigé : « Leur financement public
contribue à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article
3 » - celui que nous venons d'adopter - « dans les conditions déterminées par
la loi. »
C'est la reprise du dernier alinéa de l'amendement que nous avions déjà adopté
en première lecture. Vous vous en souvenez, nous avions ajouté deux alinéas au
texte proposé pour l'article 4 de la Constitution : l'un reprenait le principe
d'égal accès des femmes et des hommes, que nous n'avions pas inséré dans
l'article 3 ; l'autre portait sur le financement public et était destiné à
jouer de manière incitative pour stimuler l'application du principe d'égal
accès par les partis politiques.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet
amendement. Permettez-moi d'en rappeler brièvement les raisons.
J'ai déjà eu l'occasion de dire devant vous, mesdames, messieurs les
sénateurs, que je considérais le financement des partis politiques comme l'un
des moyens privilégiés pour parvenir à la parité recherchée.
Il est vrai que, lors de la première lecture, le Gouvernement s'était opposé à
la première version modifiant l'article 4 de la Constitution, mais c'est parce
qu'il s'agissait alors de faire confiance à la seule bonne volonté des partis
politiques.
Aujourd'hui, la situation est différente. Tout d'abord, vous venez de voter un
amendement modifiant l'article 3. Il s'agit donc maintenant, en complément de
cet article 3, de dire que l'on fera désormais recours au financement des
partis politiques pour pouvoir faire progresser la parité.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, pour défendre le sous-amendement n° 4.
M. Jean Chérioux.
Le Sénat vient d'adopter un amendement tendant à affirmer, dans l'article 3,
le principe d'égal accès des femmes et des hommes à toutes les fonctions
publiques. Mais il a bien été dit, au cours des débats, que l'on n'aurait pas
recours à une modification intempestive des lois électorales ; je crois vous
l'avoir entendu dire, madame le garde des sceaux.
Je pense également qu'il n'est pas question d'établir des quotas, qui, en tout
état de cause, seraient contraires à la notion de souveraineté du peuple, une
et indivisible.
Par conséquent, le meilleur moyen, et cela a été reconnu voilà quelques
instants par la Gouvernement lui-même, de favoriser l'accès des femmes aux
différents mandats électoraux et aux fonctions électives, est de le faire à
travers les partis politiques. C'est ce que propose M. le rapporteur.
Toutefois, l'amendement n° 2 me gêne quelque peu dans la mesure où il
introduit la notion de financement public dans le texte de la Constitution. En
outre, cette mention n'est pas nécessaire parce qu'il va de soi que, l'un des
moyens utilisés pour favoriser l'égalité des hommes et des femmes sera le
financement public. Je ne vois donc pas pourquoi on introduirait dans le texte
de la Constitution une disposition qui n'y a pas sa place et qui n'est pas
nécessaire. Au demeurant, je crois savoir qu'un certain consensus se dégage
dans cette assemblée pour considérer qu'il est préférable d'écrire l'article 4
comme je le propose.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 4 ?
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
La commission a émis un avis favorable sur le sous-amendement
n° 4, étant entendu que, comme vient de l'expliquer M. Chérioux, les mesures
seront prises dans des conditions déterminées par la loi comme il est prévu
dans l'amendement n° 2. Il sera donc possible de prendre des mesures de toute
nature.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 4 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement considère également qu'il n'est pas
absolument indispensable de faire référence, dans la Constitution, au
financement public des partis politiques.
Par conséquent, je ne vois pas d'objection à l'adoption de ce sous-
amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 4.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, j'exprimerai à la fois un motif de satisfaction et
une réserve.
Ma satisfaction tient à l'initiative de notre collègue M. Jean Chérioux, qui
propose de ne pas mentionner la notion de financement dans la Constitution,
initiative qui rejoint d'ailleurs celle qui avait été prise lors de la première
lecture. Je ne peux donc que m'en réjouir et m'en féliciter.
Ma réserve est due à l'avis très favorable exprimé par Mme le garde des sceaux
à l'amendement de la commission. En effet, ce qui me gêne, dans cet amendement,
c'est le renvoi à une loi. On pourra faire ce que l'on veut avec une loi
ordinaire et, s'il y a divergence entre le Sénat et l'Assemblée nationale, nous
risquons de ne pouvoir faire prévaloir notre propre point de vue. Nous savons
bien que, dans le contexte actuel, l'Assemblée nationale aura toujours le
dernier mot quant aux décisions relatives aux mesures financières, et je doute
qu'il ne soit pas pris de telles dispositions dans le cadre d'une loi ordinaire
par le Gouvernement sur ce sujet.
M. René-Pierre Signé.
C'est la Ve République !
M. Alain Vasselle.
Cela signifie que l'on attache des moyens financiers au résultat recherché
pour s'assurer que des femmes seront effectivement présentes sur des listes.
Vous ne m'empêcherez pas de voir là un lien indirect avec une forme de quota.
Je vous renvoie à certains éditoriaux qui faisaient référence, d'une manière un
peu caricaturale, il est vrai, et pas très agréable, aux quotas laitiers !
Pour terminer mon intervention, je souhaite poser une question relative au
rôle des partis politiques.
Notre démocratie devra-t-elle vivre dorénavant au rythme des partis
politiques, lorsqu'une loi ordinaire sera votée sur le sujet ? Comment feront
celles et ceux qui voudront se placer en dehors des partis politiques lors des
élections locales et nationales ?
J'espère que j'obtiendrai une réponse dans les textes qui nous seront
présentés dans le futur.
Je ne voudrais pas que l'on déduise de ma proposition que je n'ai pas le souci
de permettre à des femmes d'accéder à des fonctions électives.
En ce qui me concerne, je peux dire que, dans le cadre des élections
municipales, j'ai fait tout ce qu'il fallait pour permettre aux femmes de
s'inscrire sur la liste que je conduisais. Or j'ai eu le plus grand mal à en
trouver une
(Exclamations sur les travées socialistes et sur certaines du
groupe communiste républicain et citoyen),
et si j'avais été obligé
d'assurer la parité entre les hommes et les femmes, je n'y serais pas parvenu.
Il s'ensuit que, malgré votre volonté, mes chers collègues, il n'est pas
certain que vous obteniez cette parité dans les petites communes.
C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai.
M. Lucien Neuwirth.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Mes chers collègues, la rédaction qui était proposée par la commission était
très mauvaise. En effet, c'était une véritable mise en cause des partis
politiques, qui risquait de donner à penser que seules des questions
financières les amèneraient à placer des femmes en position d'être élues.
(Très bien ! sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Or on sait très bien que ce n'est pas ainsi que cela se passe !
Le mouvement historique nous a conduits à une maturité politique suffisante
pour comprendre que les femmes ont désormais leur place dans la vie publique
aussi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera le sous-amendement n° 4.
Nous souhaitons en effet, d'une part, exclure de la Constitution la référence
aux règles du financement public des partis politiques et, d'autre part,
donner, dans ce projet de loi constitutionnelle, la priorité à l'affirmation de
la parité à l'article 3.
La jurisprudence à venir du Conseil constitutionnel sera donc confrontée à un
objectif futur de la loi : favoriser l'égal accès des femmes et des hommes à la
vie publique. Les partis politiques, comme il se doit, y concourront.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 4, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3, ainsi modifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement, qui vient d'être modifié par le sous-amendement n° 4, ne nous
pose aucun problème.
Bien entendu, nous aurions souhaité en rester à la modification du seul
article 3. La majorité sénatoriale souhaite maintenir un ajout à l'article 4.
Ce n'est plus, reconnaissez-le, mes chers collègues, que le pâle souvenir du
texte qui avait été élaboré par la majorité sénatoriale en première lecture.
M. Josselin de Rohan.
Que voulez-vous de plus ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mais, au point où nous en sommes, nous allons passer l'éponge !
Avec le texte qui nous est maintenant soumis, il s'agit d'affirmer la
contribution des partis politiques à la mise en oeuvre du principe de parité.
Comment ne pas approuver cette généreuse affirmation de principe ? C'est
pourquoi nous voterons cet amendement n° 2.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 2, accepté par la commission et par
le Gouvernement.
M. André Diligent.
Je m'abstiens.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi constitutionnelle, après l'article unique.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je
donne la parole à Mme Bocandé, pour explication de vote.
Mme Annick Bocandé.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, « tous les
Citoyens étant égaux..., sont également admissibles à toutes dignités, places
et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de
leurs vertus et de leurs talents ». Ainsi dispose l'article VI de la
Déclaration des droits de l'homme.
« La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux
de l'homme », précise en outre le préambule de la Constitution de 1946.
Etre obligé de légiférer aujourd'hui sur l'accès des femmes aux mandats
électifs, n'est-ce pas admettre que la femme n'est toujours pas - et je le
regrette - l'égale de l'homme ?
Considérer le sexe féminin comme une catégorie me paraît très réducteur et
contredit le principe de l'unicité du genre humain.
Bien sûr, je suis tout à fait favorable à la féminisation du paysage politique
français.
Je suis convaincue - et il serait étonnant qu'il en fût autrement - que les
femmes ont toutes les qualités requises pour représenter efficacement leur
électorat ; d'ailleurs, nos concitoyens le reconnaissent en votant pour elles
quand elles se présentent à leurs suffrages.
C'est pourquoi je ne suis pas sûre que l'appartenance à un sexe soit un
critère qui justifie la modification de certains fondements du droit
constitutionnel.
Je suis consciente également, ne serait-ce qu'à travers mon expérience
personnelle, qu'il est, encore aujourd'hui, difficile pour une femme de
s'imposer dans la vie publique, pour des raisons culturelles, familiales et
sociales évidentes.
Mais je suis confiante, et je constate que les générations montantes se
comportent différemment. En effet, il est indéniable que la place occupée par
les femmes dans la société a considérablement évolué au cours de ces dernières
décennies, malgré diverses inégalités dans les fonctions et les salaires qui
subsistent dans de nombreux secteurs, ce dont nous devons d'ailleurs nous
préoccuper.
Toutefois, s'il est important de réparer l'injustice subie par les femmes dans
la sphère politique française, cela ne doit pas se faire dans n'importe quelles
conditions.
Il ne suffit pas de légiférer pour changer les mentalités et les comportements
; or c'est bien de cela qu'on a fait une priorité constitutionnelle.
Les dispositions que nous devons prendre doivent, non pas être impératives,
mais traduire une politique volontariste, sanctionnée par une obligation de
résultats, à laquelle chaque parti politique doit être étroitement associé.
En ce sens, je déplore le procès injuste et caricatural qui est encore une
fois fait au Sénat.
M. René-Pierre Signé.
A une partie du Sénat !
Mme Annick Bocandé.
Il faut donner les moyens aux femmes comme aux hommes de s'engager, certes,
mais je rappelle que c'est une décision qui appartient à chacun et qui ne
relève pas de l'exigence du nombre et de la représentativité par rapport à l'un
ou l'autre sexe.
L'engagement dans la vie politique se fait dans la durée et demande un
investissement personnel important. C'est pourquoi il doit être spontané et non
résulter de sollicitations liées à l'appartenance de sexe.
M. Philippe Marini.
Très bien !
Mme Annick Bocandé.
En déterminant l'égal accès des hommes et des femmes, la loi risque de
développer un système de quotas, privilégiant ainsi le genre plutôt que les
qualités de la personne. Ne va-t-elle pas conduire à la généralisation du
scrutin proportionnel ? Soyez sûrs que nous serons vigilants.
En effet, en dépit des assurances de Mme le garde des sceaux, je reste
persuadée que cette révision constitutionnelle servira à réformer les modes de
scrutin.
Cela dit, et malgré les réserves dont je viens de faire état, je comprends la
volonté exprimée à travers la modification de l'article 3 de la Constitution,
telle qu'elle a été avalisée par le conseil des ministres, tendant à ce que «
la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et
fonctions électives ». C'est un signal fort adressé à la société et, mes chers
collègues, au Parlement.
Je souhaite cependant que l'on n'oublie pas le rôle décisif joué par les
partis politiques dans l'investiture de candidates et candidats, et je
considère que cela doit être rappelé dans l'article 4.
C'est pourquoi, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même
voterons le texte qui est issu des travaux du Sénat, qui modifie l'article 3 de
la Constitution et en complète l'article 4.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Alors que nous achevons cette deuxième lecture du projet de loi
constitutionnelle relatif à l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives, le moment est venu pour moi de confirmer le
vote du groupe socialiste, étant entendu que mon ami Robert Badinter exprimera
tout à l'heure sa position personnelle.
Fort heureusement, cette deuxième lecture s'est déroulée dans un climat plus
paisible et surtout plus positif que celui de la première lecture. Il est
évident que la majorité sénatoriale a réalisé après coup l'erreur grave qu'elle
a commise le 26 janvier dernier
(Protestations sur les travées du
RPR)...
MM. Jean Delaneau et Josselin de Rohan.
N'en rajoutez pas !
M. Claude Estier.
... en refusant toute référence à la loi pour permettre cet égal accès et en
s'en remettant uniquement au bon vouloir des partis politiques - car telle
était bien votre position le 26 janvier ! - ce qui n'était pas acceptable pour
nous.
M. de Rohan, pour qui j'ai la plus grande estime, il le sait, affirmait ce
matin que la majorité sénatoriale ne s'était ni reniée ni ralliée. Sans
vouloir, mes chers collègues, croyez-moi, polémiquer à cette heure, je voudrais
simplement rappeler que ce que vous acceptez aujourd'hui est très exactement ce
que notre rapporteur, M. Cabanel, vous avait proposé le 26 janvier et que vous
aviez unanimement refusé.
Nous revenons donc, heureusement, pour ce qui est de l'article 3 de la
Constitution, au texte initial du Gouvernement, adopté en conseil des
ministres. Nous aurions préféré, pour notre part, je tiens à le dire, le texte
plus précis adopté à deux reprises par l'Assemblée nationale, droite et gauche
confondues.
M. Alain Gournac.
Nous leur évitons ainsi de commettre une bêtise !
M. Claude Estier.
Mais notre souci premier est de voir aboutir enfin cette réforme tant attendue
par une grande majorité de nos concitoyennes et concitoyens. Il semble que cela
puisse être le cas dans la mesure où l'Assemblée nationale, avec l'accord avec
le Gouvernement - Mme le garde des sceaux nous l'a confirmé - pourra voter
conforme le texte que nous venons d'élaborer.
Ainsi seront réunies les conditions d'une ratification de la révision
constitutionnelle par le Congrès à Versailles.
Il est dommage, je tiens aussi à le dire, que le prolongement de la navette ne
permette pas au Congrès d'être convoqué le 8 mars, Journée internationale des
femmes, ce qui aurait eu une portée hautement symbolique.
L'essentiel demeure cependant que nous puissions aboutir à la révision
constitutionnelle nécessaire. C'est parce que le groupe socialiste n'a cessé de
le vouloir avec force qu'il se réjouit de l'accord qui intervient aujourd'hui
et qu'il votera bien entendu le texte tel qu'il résulte de nos travaux.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je voudrais, au moment où nous allons passer au vote sur cette réforme
constitutionnelle, dire combien je juge belle et noble la cause qui a été
défendue au cours des débats qui ont précédé et entouré nos propres travaux
législatifs : les meilleurs esprits du pays ont pris la peine d'éclairer notre
réflexion de leur pensée, et cela à travers des discussions contradictoires.
C'est, je crois, la grandeur de la politique que d'être ainsi référencée,
située par rapport à des objectifs qui dépassent, de très loin, l'instant que
nous vivons.
C'est pourquoi je juge que notre rapporteur a été mieux inspiré qu'à l'instant
où il nous a demandé de ne pas faire de philosophie sur ce sujet. Selon moi,
sur un tel sujet, il faut au contraire en faire beaucoup.
La parité est une bataille républicaine parce que l'esprit de la République
est tout entier dans ses fins : ce sont elles qui déterminent les moyens à
mettre en oeuvre. En effet, la fin surpême visée par l'idéal républicain, c'est
l'émancipation humaine. Or il n'y a pas d'émancipation accomplie aussi
longtemps que n'a pas reculé le système aujourd'hui implicite, diffus et qui ne
se donne pas à voir qu'est le patriarcat.
La quintescence du patriarcat, c'est l'exercice exclusif du pouvoir. C'est à
cet exercice exclusif que nous entendons mettre un terme par la loi puisqu'il a
été prouvé que l'on ne pouvait compter sur l'évolution des mentalités pour
l'accomplir. Il faut la loi parce qu'il n'y a pas d'autre moyen d'agir.
Répondre à une exigence d'émancipation par la loi, c'est encore une fois se
comporter en républicain.
Contrairement à ce qui a été dit à de nombreuses reprises, la bataille pour la
parité est une bataille universaliste. La différence des sexes est une
dimension universelle de la condition humaine.
Le nier, c'est blesser l'espérance universaliste d'une humanité réalisant dans
la construction de chacun d'entre nous sa double part d'homme et de femme.
Cette mixité intime, il ne sera jamais possible d'y parvenir si l'on ne
commence d'abord par faire cesser un système qui est avant tout un système
d'oppression.
En plaidant pour la parité, tout être masculin plaide pour son propre
accomplissement.
Enfin, la parité est une bataille socialiste.
(Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
M. Hilaire Flandre.
C'est de la récupération !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Permettez qu'un socialiste s'y réfère !
Entre le droit universel et le fait concret, il y a cet abîme d'injustice et
d'inégalité qui justifie notre raison d'être dans l'histoire.
En cet instant, nous vous demandons non pas de partager nos prémisses
idéologiques - quoique nous agissions en leur nom - mais simplement de mettre
fin à un fait concret et indéniable qui est l'oppression et la discrimination
sexuelle.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Josselin de Rohan.
C'est un peu beaucoup pour la fin, dommage !
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, la sous-représentation des femmes dans la vie politique et au
sein des lieux de décision qui, jusqu'à présent, fait montrer du doigt notre
pays, ne pouvait décemment persister. C'est, ne l'oublions pas, la raison
d'être de notre débat, voulu tant par le Gouvernement que par le chef de
l'Etat.
L'objet du projet de loi, qui vise à modifier l'article 3 de la Constitution,
est d'habiliter expressément le législateur à intervenir pour mettre en oeuvre
concrètement, par des mesures incitatives ou contraignantes, l'objectif
constitutionnel de parité.
Ainsi, sautera le verrou posé dès 1982 par le Conseil constitutionnel,
sanctionnant toute mesure tendant à faire concorder principes et réalité.
L'Assemblée nationale, très justement à notre avis, avait décidé à l'unanimité
de renforcer le texte proposé, en préférant au terme « favorise » le verbe «
détermine », ce qui laissait de fait une marge de manoeuvre réduite au Conseil
constitutionnel, appelé sans doute ultérieurement à se prononcer sur la
constitutionnalité des lois, notamment électorales.
Le débat, abondamment médiatisé, sur les principes sacrés de notre République
est tout à fait légitime, mais je partage le point de vue exprimé à cette
occasion par la philosophe Sylviane Agacinski
(Sourires sur les travées du RPR)
qui suggère que la République soit plus
modeste. En effet, l'universalité s'est longtemps accommodée de l'interdiction
de citoyenneté faite aux femmes, comme de l'esclavage !
Vous avez voulu dénier compétence au législateur et confier aux seuls partis
politiques le soin de corriger eux-mêmes cette situation discriminatoire au
terme de laquelle 90 % de la classe politique est composée d'hommes.
Il faut le dire ! L'expérience encore récente, plus particulièrement celle des
partis de la majorité sénatoriale, appelle à une plus grande vigilance. J'ai le
souvenir ému et amusé des propos de l'ancien secrétaire général du RPR de
l'époque, auditionné ici même par la mission d'information sur la participation
des femmes à la vie politique, présidée par Mme Olin. Il se proposait - c'était
avant le changement de majorité - de présenter aux élections législatives
ultérieures un grand nombre de femmes comme suppléantes pour qu'elles fassent
leur apprentissage de candidates et de leur futur métier d'élues aux côtés des
hommes. Quel mépris pour les femmes et quelle conception politicienne de la
politique ! Au fait, quel apprentissage les hommes font-ils de la vie politique
?
M. René-Pierre Signé.
Les « Jupettes » !
Mme Nicole Borvo.
A droite comme à gauche, la plupart des Français l'ont compris. Le tollé
général soulevé par le vote de la majorité sénatoriale en première lecture en
témoigne.
Les députés, en rétablissant, à l'article 3 de la Constitution, un alinéa
ainsi rédigé : « La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives », ont entendu réaffirmer leur attachement à voir le législateur
intervenir pour promouvoir la parité recherchée.
Aujourd'hui, il faut, j'en conviens, dépasser les querelles philosophiques et
politiciennes pour trouver une solution à ce qui est réellement discriminatoire
: l'absence criante et persistante des femmes dans la vie politique.
J'ose croire que tout un chacun a cheminé. Peut-être le vote imminent est-il
révélateur de ce changement. Moi, j'ai eu honte pour toutes les femmes de la
façon dont Mme Cresson, première femme Premier ministre, a été souvent
brocardée. Quelles que soient nos divergences et oppositions politiques, j'ai
eu honte aussi lorsque quatre femmes ministres ont été remerciées en bloc par
M. Juppé.
M. René-Pierre Signé.
Eh oui !
Mme Nicole Borvo.
Je veux croire aussi que l'affirmation de la parité aidera à trouver, un
nouveau souffle pour faire progresser l'égalité dans la sphère économique et
sociale.
Comment s'accommoder, en effet, du surchômage des femmes à tout âge et dans
toutes les catégories socioprofessionnelles ? Premières victimes du temps
partiel imposé, de la précarité, de l'exclusion, les femmes ont encore de
nombreux combats à mener pour l'égalité dans tous les domaines, pour que les
principes affirmés se concrétisent.
Consciente que, politiquement, un nouveau blocage du texte relancerait
inutilement la querelle sur le rôle et la place de notre seconde chambre, la
commission des lois a accepté de revenir au texte initial du Gouvernement.
Si les tentatives de certains pour verrouiller l'article 3 afin d'introduire
une arme antiquota, antichangement des modes de scrutins restent infructueuses,
nous nous en remettons à la rédaction proposée, même si nous préférerions un
texte plus contraignant.
Persuadés de l'urgente nécessité et de l'utilité de la réforme
constitutionnelle, condition essentielle de la démocratisation de notre vie
politique, les membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront la
version proposée pour que la réforme constitutionnelle ait lieu et pour que le
droit impulse une évolution positive de la société.
(Applaudissements sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, c'est avec plaisir que je me suis entendu tout à
l'heure reprocher mon silence. J'ai eu le sentiment que, du côté de l'hémicycle
où je siège, c'était plutôt mes paroles que l'on me reprochait ...
Si je ne suis pas intervenu tout au long du débat, si je n'ai pris part au
vote d'aucune manière, c'est parce que je tiens à marquer, à titre personnel,
une absolue conviction. Elle n'a pas changé depuis notre dernier débat et elle
ne pourra jamais changer, tant elle est profonde chez moi.
Je rappelle qu'il s'agit d'une révision constitutionnelle. Je rappelle que
cette révision constitutionnelle a son origine dans un projet de loi qui a été
présenté en conseil des ministres par Mme le garde des sceaux et par M. le
Premier ministre avant d'être accepté par le Président de la République.
On pourrait dire que tout le parcours parlementaire aura été inutile. En
effet, quiconque était lucide sur l'évolution des choses savait, en entrant ou
peu après être entré dans cet hémicycle, que c'était le retour à la case départ
; entendez par là que nous sommes revenus au texte qui avait été soumis au
conseil des ministres et que le Président de la République a approuvé.
A cet égard, le Sénat, dominé par une majorité de droite, avait pris une
position ; l'Assemblée nationale, dominée par une majorité de gauche, a pris
une autre position. De ces deux versions différentes, laquelle l'emportera
finalement ? C'est la version initiale. Cela démontre une fois encore que, dans
notre Ve République, le moins que l'on puisse dire est que, face à la volonté
concomitante de l'exécutif, l'apport parlementaire est mince.
A la lecture de l'exposé des motifs, la finalité du texte est claire. C'est
tout simplement de lever le verrou de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel parfaitement fondée au regard des principes de la
Constitution.
Il faut, nous dit-on, modifier l'article 3 parce qu'il était visé par le
Conseil constitutionnel. Soyons sérieux ! L'essentiel pour le Conseil
constitutionnel, c'est non pas le numéro de l'article, mais le texte de la
Constitution, où qu'il se trouve.
Ai-je besoin de rappeler que, lorsque nous procédons à des révisions
constitutionnelles à propos de traités concernant divers aspects de la
Constitution, nous rédigeons un article additionnel ? Ai-je également besoin de
rappeler qu'indépendamment de l'article 3, c'est aussi l'article VI de la
Déclaration des droits de l'homme qui a été mentionné à deux reprises par le
Conseil constitutionnel ? Or, je ne sache pas qu'il soit question d'ajouter ou
de modifier cet article.
Par conséquent, considérer qu'il faut modifier l'article 3 parce qu'il était
mentionné par le Conseil constitutionnel est un non-sens ou un contresens.
Pourquoi ne fallait-il pas modifier l'article 3 ? Tout simplement parce que,
si la cause choisie et invoquée est juste, la voie choisie, elle, n'est pas la
bonne.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Robert Badinter.
En effet, au banc des accusés - et on a des raisons de lever un doigt
accusateur - on trouve les partis politiques et non les citoyens. Si nous
sommes en présence d'une sous-représentation - largement et justement dénoncée
- des femmes dans les assemblées, c'est bien parce que les partis politiques
qui présentent les candidatures ont failli.
Quand on parle de parité, sans pousser l'analyse à son terme, il faut rappeler
que la parité proposée, ce n'est pas la parité de représentation au sein des
assemblées élues. Il ne peut en aller autrement, car cela reviendrait à nier le
fondement même de la démocratie : le droit souverain du peuple de choisir qui
il veut parmi les candidats qui lui sont présentés et de retenir, à son gré,
ici un homme, là une femme.
Ce qui est en cause, c'est tout simplement la présentation des candidatures.
Il s'agit de parité de candidatures et seulement de cela.
S'agissant du scrutin de liste, une telle parité ne soulève aucune difficulté
: il suffit de la vouloir après la révision constitutionnelle, qui aurait
trouvé parfaitement sa place dans l'article 4.
Quant à la parité de candidatures dans un scrutin uninominal, je ne vois pas
comment parvenir à la réaliser, sauf à compromettre une liberté fondamentale
que je rappellerai inlassablement : celle de toute citoyenne et de tout citoyen
éligible de se soumettre au suffrage de ses concitoyens.
A partir de là, le problème est d'une grande simplicité, à condition de le
dépassionner. Il se résume ainsi : en ce qui concerne le scrutin de liste, il
convient d'obliger par la loi les partis politiques à instaurer l'égalité de
candidature. Je rappelle que, si j'ai voté pour ma part contre le texte
présenté en première lecture par la majorité sénatoriale, c'est parce qu'on
avait refusé d'y mentionner « dans les conditions définies par la loi »,
substituant ainsi un voeu pieux à une obligation légale clairement
déterminée.
Pour le scrutin uninominal, quel qu'il soit, la seule voie offerte est de
recourir à des incitations de quelque nature qu'elles soient, et au premier
chef, en matière de financement des partis politiques.
Par conséquent, si les responsables sont effectivement les partis politiques,
cela confirme que c'est dans l'article 4 de la Constitution, qui vise les
partis politiques, que le texte devait trouver sa place.
J'ajoute que si on l'avait voulu, on aurait parfaitement pu inscrire dans un
nouvel article 4-1 le principe que l'on évoque. On s'est refusé à introduire un
article supplémentaire dans la Constitution, répétant à l'envi que l'article
concerné était l'article 3. On a évoqué cet argument constitutionnel qui ne
résiste pas à l'analyse.
La raison pour laquelle, je le dis profondément, je ne participerai pas au
vote, c'est parce que l'article 3 de la Constitution est celui qui définit la
souveraineté du peuple. C'est une certaine idée du peuple souverain qui s'y
trouve inscrite.
Je ne reprendrai pas ce que j'ai dit avec tant de conviction lors de mes
premières explications. Ce que la France aura apporté de plus important en
matière de liberté constitutionnelle et de droits de l'homme, c'est le concept
d'universalité.
J'ai rappelé, ici même, que nous devons à l'intervention personnelle du
président Cassin, lorsque l'on a débattu de la déclaration des droits de
l'homme en 1948, d'y avoir ajouté l'adjectif « universelle ». Cette
universalisme des droits de l'homme est la marque du génie national. Pour moi,
ce qui fait la grandeur de la République telle qu'elle est, telle que je la vis
et telle que je la défendrai toujours, même si mes amis n'ont pas à cet égard
une conviction aussi rigoureuse que la mienne, c'est qu'elle est universelle,
c'est qu'elle ne s'interroge ni sur le sexe, ni sur la race, ni sur la
religion, ni sur les opinions politiques, ni sur les moeurs de ses concitoyens.
C'est cela la grandeur de la République universelle !
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Robert Badinter.
C'est la raison pour laquelle, alors que l'on pouvait résoudre la difficulté
si aisément sans toucher à l'article 3, en insérant la disposition dans
l'article 4, puisque l'on choisit délibérément de le faire à l'article 3, je ne
peux pas ne pas m'interroger sur cette vision nouvelle de la République. Pour
ma part, contrairement à certains et à certaines, je respecte l'opinion et les
convictions philosophiques de mes interlocuteurs quels qu'ils soient, pourvu
que je les sache républicains.
Il est d'autres possibles visions de la République. Il y a des républiques
communautaristes, il y a des républiques qui croient en une mosaïque de
communautés qui sont conjointes dans la nation. Ce n'est pas la vision qui a
présidé à la fondation de la République française, et pour laquelle, je le
rappelle, les Républicains ont tant lutté.
Si ce bien est si précieux et si on peut arriver au même résultat, en prenant
une autre voie, pourquoi ne pas le faire ? Je n'approuverai jamais le
changement d'essence philosophique de la République française. Je ne suivrai
jamais cette voie-là. Je le répète : je ne participerai pas au vote comme je
n'ai pas participé au débat.
Lorsque je présidais une très grande juridiction, j'ai eu le privilège, à
l'occasion de la définition du peuple français, de participer, avec mes
collègues de l'époque, à la décision par laquelle, à propos du peuple corse,
nous avons censuré la définition d'une composante de la République et du peuple
français. Que je sache, la loi concernée n'avait pas été adoptée par une
majorité de droite !
Il est des principes qui transcendent toutes les opinions politiques et, au
coeur de ces principes, il y a une certaine idée de la République. Je regrette,
alors qu'il était si facile de modifier l'article 4, que l'on ait choisi une
autre voie, celle de la définition de la souveraineté du peuple.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR et sur quelques travées
socialistes.)
M. Emmanuel Hamel.
Admirable !
M. le président.
Monsieur Badinter, je vous ai laissé dépasser le temps de parole qui vous
était imparti car tous vos collègues souhaitaient vous entendre. J'ai pensé
qu'il ne m'en serait pas fait grief.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, il me revient, en cet instant, de faire connaître la position
du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous d'abord, je me féliciterai, à mon tour, des conditions dans lesquelles
notre débat s'est déroulé aujourd'hui, un climat tout autre que celui que nous
avions connu, j'allais dire subi, à la fin du mois de janvier.
A cet égard, on peut saluer celles et ceux qui ont contribué à cette démarche
conduisant à l'apaisement, à l'écoute mutuelle et au partage d'une même
ambition : la promotion d'un plus grand nombre de femmes dans la vie publique.
Je veux rendre un hommage particulier à la commission des lois et à son
rapporteur, qui, comme d'habitude, nous ont très sérieusement éclairé le
chemin.
Ce climat de sérénité qui préside aujourd'hui à nos débats, c'est déjà, au
fond, une réponse à ceux qui, parfois hâtivement, mettent en cause le
bicamérisme d'une manière générale et l'utilité du Sénat dans nos institutions
républicaines en particulier.
A la fin du mois de janvier, la position prise par la majorité sénatoriale
était fondée sur des principes et des considérations qui ont été développés par
ses représentants, mais aussi à l'instant, et avec talent, par M. Badinter.
Lors de la première lecture, le Sénat a joué un rôle non négligeable, qui ne
méritait pas, tant s'en faut, les incroyables procès qui lui ont été faits et a
nourri le débat parlementaire et républicain. Aussi, mes chers collègues, nous
n'avons aucun regret à avoir, aucun reproche à nous faire s'agissant de la
position que nous avons prise le 26 janvier dernier et celle qui va être la
nôtre aujourd'hui. En fait, c'est la même sur le fond. Nous avons dû aller
au-delà de la position de principe que vous avions adoptée en première lecture,
pour prendre en compte la réalité politique, afin que la parité puisse être
mise en oeuvre.
M. René-Pierre Signé.
Alors ce n'est pas la même position !
M. Henri de Raincourt.
Si, monsieur Signé, c'est la même !
Comme l'a indiqué voilà un instant M. Badinter, les partis politiques ont un
rôle essentiel à jouer. Cette disposition figurera dans le texte que le Sénat
va adopter. Espérons qu'elle sera reprise et votée par l'Assemblée nationale.
Ainsi, notre contribution aura permis d'inscrire ce principe incontournable
dans nos textes fondateurs.
Ma dernière remarque concerne nombre de critiques et de procès qui ont été
faits au Sénat. Lorsque l'Assemblée nationale vote à l'unanimité, on dénombre
quatre-vingt-deux ou quatre-vingt-trois suffrages exprimés. Or, quand le Sénat
vote, à deux reprises - fin janvier et aujourd'hui - on compte deux cent
cinquante ou trois cents suffrages exprimés. S'agissant de courage politique,
nous n'avons donc aucune leçon à recevoir !
En conclusion, notre groupe votera, bien sûr, le texte qui résulte de nos
travaux. Encore une fois, nous n'avons aucun regret à avoir car, en la matière,
le Sénat a fait oeuvre utile. C'est si vrai que ceux qui, parmi les
commentateurs, ont été les plus durs et les plus injustes à son endroit sont
aujourd'hui obligés de reconnaître qu'ils sont allés, submergés par les
protestations de leurs lecteurs.
Le Sénat a contribué au débat dans notre pays et, par conséquent, à accréditer
l'idée fondamentale selon laquelle la parité n'appartient à personne, n'est le
monopole de personne. La grandeur du Sénat sera d'avoir, de cette façon et avec
cette ampleur, rendu hommage aux femmes et facilité leur promotion dans la vie
publique.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste. - M. Foucarde applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je ne
pensais pas intervenir à nouveau, mais il me semble nécessaire de formuler deux
observations.
Je souscris pleinement à l'analyse que M. Badinter a présentée tout à l'heure.
Il a tout à fait raison et, en réalité, tout le monde, ou presque, en est
conscient, même ceux qui préfèrent ne pas le dire. Cependant, il me permettra
de rectifier son propos sur un point. Il a dit, si j'ai bien compris, en tout
cas cela a été dit très clairement, tout à l'heure par le président du groupe
socialiste, que le dispositif que nous avions voté en première lecture n'était
pas valable parce qu'il n'était pas opérationnel et qu'il constituait en
réalité « un voeu pieux », pour reprendre l'expression qui a été employée.
M. Claude Estier.
Il ne faisait pas référence à la loi !
M. Pierre Fauchon.
Je me permets de rappeler les termes du dispositif : « Les règles relatives à
leur financement public peuvent contribuer à la mise en oeuvre des principes
énoncés aux alinéas précédents. » Les règles relatives au financement public
des partis ne sont-elles pas des lois ? Ces lois ne sont-elles pas des lois
simples ? Ces lois simples ne sont-elles pas votées le plus souvent sur
l'initiative du Gouvernement ? Ce dernier ne dispose-t-il pas d'une majorité à
l'Assemblée nationale pour les voter comme il l'entend ? Dès lors,
n'avions-nous pas élaboré un dispositif parfaitement efficace ?
J'en viens à ma seconde observation. Si nous avons adopté finalement la
rédaction proposée par le Gouvernement et approuvée par M. le Président de la
République, c'est parce que nous considérons qu'il faut donner la priorité à
l'objectif. Avec l'Assemblée nationale nous optons, mais à regret, pour la
modification de l'article 3 de la Constitution.
Nous n'avons pas changé d'avis, nous ne renions pas nos positions, mais il
faut établir une priorité et, en l'occurrence, la priorité, c'est l'objectif.
Celui-ci, qui nous est commun, c'est d'obtenir des résultats dans le domaine de
la parité, d'aboutir à un meilleur équilibre entre la participation des hommes
et des femmes à la vie publique.
Une révision constitutionnelle impose l'accord des deux chambres. L'Assemblée
nationale s'étant entêtée et ayant maintenu sa position, nous avons considéré,
eu égard à la priorité que nous nous étions fixée, qu'il convenait de faire
évoluer notre point de vue. Entre l'entêtement des uns et l'évolution des
autres, je vous laisse apprécier de quel côté est la sagesse !
Conscient de l'importance de cet objectif prioritaire, mais compte tenu des
scrupules juridiques qui sont les miens et qui ont été parfaitement exprimés
voilà quelques instants, je m'abstiendrai.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je
m'exprimerai à titre personnel.
La décision qui va être prise par le Sénat est essentielle, puisque nous
sommes en matière de révision constitutionnelle et que la loi fondamentale est
notre bien à tous. Selon moi, on révise trop souvent la Constitution, et pour y
inclure des dispositions très diverses.
En ce qui me concerne, je ne saurais approuver la modification de l'article 3
de la Constitution pour les raisons de principe, les raisons conceptuelles,
intellectuelles qui ont été développées tout à l'heure par M. Robert Badinter,
dont je partage l'analyse et les convictions.
Il me semble que le texte que nous votons, après certes la recherche d'une
formule aussi consensuelle que possible, est frappé d'une grande ambiguïté. En
effet, mes chers collègues, de deux choses l'une : ou bien ce texte ne prescrit
pas réellement, et je me demande alors si cette disposition est une disposition
de droit positif ayant sa place dans la Constitution, ou bien ce texte
prescrit, et que prescrit-il alors sinon des quotas et une plus large place
pour le scrutin proportionnel dans nos institutions, quels que soient les
assurances ou les propos peut-être de circonstance qui peuvent être tenus
aujourd'hui à ce sujet ?
Certes, il est difficile, sur une révision constitutionnelle, acte solennel et
important, d'avoir très provisoirement à s'exprimer quelques instants en dehors
du groupe auquel on adhère par toutes ses fibres, comme c'est mon cas. Quels
que soient les éléments d'atmosphère...
M. Emmanuel Hamel.
Atmosphère...
M. Philippe Marini.
... ou d'ambiance médiatiques dans lesquels nous vivons, n'y a-t-il pas, mes
chers collègues, pour celles - trop peu nombreuses, certes - et ceux qui
exercent un mandat ici, au sein de la Haute Assemblée, un devoir de vérité et
de sincérité qui les conduit à voter en leur âme et conscience ? C'est donc,
mes chers collègues, ce que je m'apprête à faire, ce propos n'ayant
naturellement qu'une valeur de témoignage personnel.
M. Emmanuel Hamel.
Gloire à deux grands sénateurs !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je n'ai pas la prétention de conclure
ce débat, car, même si les choses évoluent, même après le vote conforme que
nous espérons à l'Assemblée nationale, il faudra aller à Versailles et
rassembler davantage encore, afin de trouver une majorité des trois cinquièmes,
députés et sénateurs confondus, et c'est là un très grand effort qui nous
attend.
Voter ce texte est un acte difficile, personne ne peut le nier, et j'en ai
l'exemple avec mon propre groupe : si, à une très large majorité, ses membres
me suivront et voteront cette réforme constitutionnelle, cinq sénateurs ne
participeront cependant pas au vote.
C'est dire que cet acte difficile appelle de notre part une certaine
humilité.
Hier, mes chers collègues, nous avons entendu M. Vaclav Havel, et je vous
invite à réfléchir à ses propos : la France est grande, a-t-il dit en
substance, quand elle délivre un message aux autres nations. Mais elle serait
plus grande encore si le langage qu'elle emploie était celui d'une humilité
raisonnée. Les Européens attendent la parole de la France, mais ils l'attendent
empreinte de cette convivialité et de cette humilité qui permettent les vrais
rapports humains.
Eh bien ! aujourd'hui, nous accomplissons un acte exceptionnel, et nous le
faisons, je crois, avec difficulté et humilité.
Cet acte est exceptionnel, et même très exceptionnel.
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
En effet, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, si
notre procédure aboutit, aucune grande démocratie n'aura inscrit avant nous
dans sa constitution un texte de même nature. Non, aucune grande démocratie !
Sera-ce un exemple pour les autres nations ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Le message de la France aura-t-il un poids ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Mon collègue M. Jean-Luc Mélenchon, qui m'incitait tout à
l'heure à la philosophie, répond par l'affirmative. Nous verrons, mon cher
collègue, l'histoire nous répondra. Personne ne peut juger aujourd'hui notre
acte.
Mais je me tourne vers le Gouvernement. J'ai entendu Mme le ministre nous
dire, ce matin, que, si le Sénat adoptait les modifications proposées par la
commission des lois pour les articles 3 et 4 de la Constitution, c'est alors un
vote conforme que nous pourrions espérer de l'Assemblée nationale.
Cela arrêterait un débat qui pourrait entre nous être dévastateur, et cela
nous permettrait de passer à la deuxième phase, c'est-à-dire à la préparation
du Congrès de Versailles, qui, avec l'exigence d'une majorité qualifiée, nous
obligera à resserrer davantage encore les rangs.
Mais, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, je vous adjure, si la
révision de la Constitution est adoptée par le Congrès, d'en faire un usage
modéré.
En effet, si cette réforme avait un effet dévastateur sur le système électoral
français, beaucoup de gens, dans cet hémicycle, s'estimeraient alors floués et
trompés.
M. Lucien Neuwirth.
C'est vrai !
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
Il faut donc agir avec prudence, pour la bonne cause, en vue
d'une mixité égalitaire des femmes et des hommes dans les mandats électoraux
comme dans les fonctions électives, tout en gardant bien à l'esprit le
sacrifice accompli aujourd'hui par le Sénat...
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Oh !
M. Guy Cabanel,
rapporteur.
...sur l'autel de la réforme constitutionnelle.
Comment a-t-on pu aboutir à cette solution ? Tout à l'heure, notre collègue
Henri de Raincourt a rendu hommage à la commision des lois. Je veux moi aussi
rendre hommage à la commission des lois, à son président, dont je salue la
prudence et l'expérience exceptionnelles. Je veux rendre hommage également au
président du Sénat, notre ami Christian Poncelet, qui a été l'intermédiaire
sérieux et acharné dans tous les instants difficiles que nous avons vécus ; et
il y en a eu beaucoup ! Nous avons en effet vécu des journées de dupe, croyant
presque journellement atteindre le port. Aujourd'hui, alors que nous sommes en
train de franchir la passe d'entrée, nous devons à Christian Poncelet d'avoir
été le bon messager nous permettant de parvenir à cette solution.
(Applaudissement sur les travées du RPR. - M. Henri de Raincourt applaudit
également.)
Mes chers collègues, je vous appelle à voter ce texte, et croyez-moi, ce
n'est pas une tâche facile pour le rapporteur que je suis. C'est peut-être un
moment où nous avons un petit serrement de coeur. Les sénateurs que nous sommes
ont fait en sorte qu'un projet qui s'imposait, compte tenu d'une situation
exceptionnelle, ne s'enlise pas ici, et ont considéré qu'ils ne pouvaient être
les fossoyeurs de cette idée de l'égalité des femmes et des hommes.
(Applaudissements.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie des propos aimables que vous avec cru
devoir m'adresser et auxquels, comme vous le devinez, j'ai été sensible.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est
de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
78:
Nombre de votants | 307 |
Nombre de suffrages exprimés | 297 |
Majorité absolue des suffrages | 149 |
Pour l'adoption | 289 |
Contre | 8 |
Le Sénat a adopté.
(Très bien ! et applaudissements.)
Madame le garde des sceaux, la balle est maintenant dans le camp de l'Assemblée nationale. Il lui appartiendra de se prononcer par un vote conforme.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Après ce vote, je voudrais remercier le Sénat d'avoir ouvert la voie à un vote conforme à l'Assemblée nationale. Bien entendu, je ne peux pas m'exprimer au nom de cette dernière.
Nous avons été quelques-uns et quelques-unes à travailler à ce compromis. Je voudrais donc remercier les présidents de groupes, qui, à gauche comme à droite, ont oeuvré à cet accord, et plus particulièrement vous, monsieur le président, qui avez beaucoup fait pour que nous puissions parvenir à ce résultat cet après-midi. (Applaudissements.)
M. le président. Merci, madame le ministre. C'est cela la richesse du débat démocratique !
7
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux
polices municipales.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Larché, Jean-Paul Delevoye, Jacques Peyrat, Daniel
Hoeffel, Paul Girod, Marcel Charmant et Michel Duffour.
Suppléants : MM. Jean-Paul Amoudry, José Balarello, Luc Dejoie, Mme Dinah
Derycke, MM. Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet et Jean-Pierre Schosteck.
8
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à limiter les
licenciements des salariés de plus de cinquante ans.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 253, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires sociales.
9
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. Michel Barnier une proposition de résolution, présentée en
application de l'article 73
bis
du règlement, sur le projet de statut
des députés au Parlement européen (n° E-1209).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 251, distribuée et
renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de
la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le règlement.
10
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion du protocole
relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en
Méditerranée, ainsi qu'à l'acceptation des annexes audit protocole (convention
de Barcelone).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1221 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous
forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole
fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par
l'accord entre la Communauté européenne et la République des Seychelles
concernant la pêche au large des Seychelles, pour la période du 18 janvier 1999
au 17 janvier 2002. Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à la
conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie
financière prévues par l'accord entre la Communauté économique européenne et la
République des Seychelles concernant la pêche au large des Seychelles, pour la
période du 18 janvier 1999 au 17 janvier 2002.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1222 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Décharge à donner à la Commission sur l'exécution du budget général des
Communautés européennes pour l'exercice 1997.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1223 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement (CE) du Conseil prévoyant l'admission en
exonération des droits de certains principes actifs faisant l'objet d'une «
dénomination commune internationale » (DCI) de l'Organisation mondiale de la
santé et de certains produits utilisés pour la fabrication de produits
pharmaceutiques finis.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1224 et distribué.
11
DÉPO^T D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Michel Souplet, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au
nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation agricole.
Le rapport sera imprimé sous le n° 252 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 9 mars 1999 :
A neuf heures trente :
1. Questions orales sans débat suivantes :
I. - M. Franck Sérusclat interroge M. le ministre délégué à la coopération et
à la francophonie sur la politique française en matière de déminage civil des
mines antipersonnel encore dispersées dans diverses régions du monde.
Ces opérations de déminage, pour être efficaces, nécessitent une politique
cohérente sur le long terme avec un objectif de création de capacités locales
dans les pays touchés.
Or, malgré une volonté fréquemment réaffirmée, la politique française en la
matière semble manquer de cohésion géographique et technique, et les crédits
sont insuffisants.
C'est pourquoi il lui demande si une politique nouvelle est envisagée en ce
domaine. (N° 380.)
II. - M. Pierre-Yvon Trémel attire l'attention de Mme le ministre de la
culture et de la communication sur la signature et la ratification par la
France de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, déjà
signée par dix-huit Etats, et ratifiée par six d'entre eux.
Cette charte est l'outil indispensable à la sauvegarde et à la promotion des
langues régionales en France, et reste aujourd'hui le seul texte normatif
assurant la survie de ces langues.
Le Premier ministre a rappelé à différentes reprises, en particulier lors du
Conseil de l'Europe, que l'identité de l'Europe était fondée notamment sur son
patrimoine linguistique et culturel, et qu'à ce titre une attention toute
particulière devait être portée aux langues et cultures régionales.
Le rapport qu'il a confié à M. Poignant a été rendu public le 1er juillet
dernier. S'agissant de la charte, il y est notamment suggéré de demander une
expertise juridique ayant pour objet de préciser les stipulations susceptibles
d'être prises en compte au regard des règles et principes à valeur
constitutionnelle. Cette mission a été confiée à M. Guy Carcassonne. En effet,
il y aurait, selon le Conseil d'Etat - dans son avis du 8 février 1997 -
non-conformité entre cette charte et notre constitution, dans son article 2.
Or, ce dernier a conclu dans son rapport que la charte n'était pas
nécessairement incompatible avec l'article 2 de la Constitution.
Dès lors, il souhaiterait savoir, au vu des rapports remis au Premier
ministre, de quelle manière le Gouvernement compte faire avancer ce dossier.
Maintenant que la volonté politique semble exister au plus haut niveau de
l'Etat, quand le Gouvernement compte-t-il procéder à la signature de la charte,
et, au-delà des obstacles juridiques, oui ou non la France a-t-elle la ferme
volonté de tout mettre en oeuvre pour que la charte puisse être ratifiée dans
les meilleurs délais ? (N° 402.)
III. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la
santé et à l'action sociale sur le fait que le cancer du sein tue 1 900 femmes
par an en Ile-de-France. Il induit un taux de mortalité nettement supérieur à
ce qu'il est dans les autres régions. En 1994 déjà, il a été prôné le lancement
d'une campagne de dépistage systématique et gratuit du cancer du sein. L'actuel
gouvernement plaide en faveur d'une généralisation de ces campagnes, qui ont
déjà prouvé leur efficacité dans les départements où elles ont été lancées. A
Paris, on dénombre 212 000 femmes âgées de cinquante à soixante-neuf ans
susceptibles de bénéficier d'un tel dépistage financé à parité par la Caisse
nationale d'assurance maladie et par le département. Lors du débat budgétaire
des 14 et 15 décembre dernier au Conseil de Paris, il a été déposé un
amendement visant à dégager les 32 millions de francs nécessaires pour financer
une telle mesure. Cet amendement a constitué la base d'un voeu adopté par
l'assemblée. Elle lui demande comment le Gouvernement compte participer à la
mise en oeuvre d'une telle action qui peut réduire d'environ un tiers les décès
dus au cancer du sein. (N° 417.)
IV. - M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi
et de la solidarité sur le projet de protocole d'accord conclu avec les
organisations professionnelles pharmaceutiques, à propos des médicaments
génériques. Ce projet d'accord octroie aux pharmaciens d'officine le droit de
substituer des médicaments génériques entre eux, et un médicament générique à
un médicament de référence. Il n'est pas donné aux pharmaciens l'obligation de
le faire, mais ils y sont incités par la possibilité d'accroître leurs marges.
Faire faire des économies au régime d'assurance maladie par la délivrance de
médicaments moins coûteux ne doit pas faire oublier le respect du libre choix
du patient. C'est pourquoi il lui demande que ce droit de substitution accordé
aux pharmaciens soit également assorti d'un droit pour le patient d'accepter ou
de refuser cette substitution. Il ne saurait être question que cette
substitution soit effectuée sans l'accord préalable du patient, maître de
l'exécution de son ordonnance médicale prescrite par le praticien de son choix.
(N° 422.)
V. - M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra rappelle à M. le secrétaire d'Etat à
l'industrie que, lors de la séance de questions au Gouvernement du 15 décembre
dernier à l'Assemblée nationale, il a été interrogé sur la politique
énergétique que l'Etat entend mener en Corse. Dans sa réponse, celui-ci a
rappelé les modalités d'application du protocole d'accord signé le 24 juillet
1987 entre la collectivité territoriale de Corse et EDF pour
l'approvisionnement de l'île en énergie électrique. Mais il a également ajouté
que l'estimation des moyens de production d'électricité nécessaires à l'époque
de la signature de ce protocole n'a pas été confirmée par l'évolution des
besoins constatés sur l'île. Il semblerait donc aujourd'hui que le parc de
production soit suffisant pour couvrir les besoins en électricité pendant
encore quelques années. Une réflexion au niveau régional lui semblait
souhaitable à partir des données déjà disponibles, mais aussi sur la base des
prévisions qu'il conviendra d'établir.
Il lui fait part de son étonnement car, à aucun moment, le ministre n'a évoqué
le projet de construction du barrage hydroélectrique du Rizzanese prévu par le
protocole d'accord de 1987, alors que l'enquête d'utilité publique est close
depuis le 28 décembre dernier après qu'une large concertation entre les
populations concernées et les services de l'Etat a été engagée. Son inquiétude
est d'autant plus légitime que, selon certaines informations dont il dispose,
ce projet ne serait plus une priorité du Gouvernement. Or, son impact est
extrêmement important pour la microrégion de l'Alta Rocca au plan économique et
fiscal, et paraît être dans le droit-fil de la politique de développement
économique que l'Etat entend mener en Corse.
Aussi, il lui demande si la concertation qu'il entend engager se fera en
incluant la production prévisionnelle d'électricité fournie par ce barrage ou
alors si ce projet est voué à l'échec. La réponse à cette question est
primordiale pour l'avenir de la microrégion de l'Alta Rocca qui attend la
réalisation de cet ouvrage depuis de nombreuses années. (N° 428.)
VI. - M. Charles Descours attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie sur le projet d'installation de
rayonnement synchrotron, nommé projet Soleil.
Deux machines de ce type fonctionnent déjà en France et le projet Soleil est
complémentaire de l'une d'elles, l'European Synchrotion Radiation Facility,
ESRF, machine européenne située à Grenoble. Il est en effet optimisé pour
étudier plus particulièrement les propriétés électroniques de la matière et
peut pleinement satisfaire les besoins de la biologie.
La communauté scientifique française est unanime à reconnaître la nécessité
d'une telle machine qui bénéficiera du retour d'expérience de l'ESRF et de très
nombreuses améliorations technologiques.
L'avant-projet détaillé est achevé depuis le 15 décembre 1998. Toutes les
études complémentaires demandées ont été accomplies. Pourtant, sans que le
projet ait été officiellement abandonné, aucune décision positive n'est
intervenue. En l'absence de directive claire, les rumeurs vont bon train.
Les atermoiements sont interprétés au mieux comme une hésitation sur le fond,
au pire comme un abandon implicite du projet.
Il lui pose donc la question directement : qu'en est-il de l'avenir du projet
Soleil ? (N° 430.)
VII. - M. Jean-Paul Delevoye attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur le projet de construction du
canal à grand gabarit Seine-Nord, lancé en 1993, qui a donné lieu à une
concertation sur le choix du faisceau de tracés sous l'égide du préfet de la
région Picardie. Cette concertation est achevée depuis un an ; le rapport
préfectoral a été rendu il y a plus d'un semestre et le choix du faisceau
devait intervenir en tout état de cause avant la fin de l'année 1998. En outre,
une actualisation des études économiques de la liaison Seine-Nord dans sa
totalité, c'est-à-dire incluant les conséquences de l'aménagement à grand
gabarit de l'Oise - aval et du canal Dunkerque-Escaut, a été commandée. Elle
devait être achevée - cela a été confirmé par le Gouvernement à l'Assemblée
nationale le 18 décembre dernier - à la fin de cette même année.
Enfin, des études techniques sont en cours de réalisation pour l'aménagement
de l'Oise en aval de Compiègne. Mais il va de soi que la décision ministérielle
relative au faisceau de tracés n'est absolument pas conditionnée par
l'achèvement de ces diverses études, étant entendu que, d'une part, le point de
départ du futur canal Seine-Nord n'est pas en cause et que, d'autre part, les
procédures administratives qui doivent être menées à bien avant le début des
travaux seront encore longues.
Aussi l'interroge-t-il sur la réalité de sa détermination à choisir un
faisceau de tracés pour Seine-Nord et sur le calendrier exact de sa
décision.
Il souhaite également connaître précisément les résultats des études
économiques actualisées. (N° 431.)
VIII. - M. Jean-Claude Peyronnet appelle l'attention de Mme le ministre de
l'emploi et de la solidarité sur l'amélioration des conditions d'accueil des
personnes âgées dans les établissements d'hébergement, et notamment sur la
clarification de la réglementation applicable en matière de surface des
chambres.
En principe, il n'existe pas de norme obligatoire concernant ces surfaces.
Mais certains responsables d'établissement ont malgré tout recours à cette
notion. Ils y sont invités par deux documents ; d'une part, la circulaire de la
Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, la CNAVTS,
du 24 juillet 1997, qui exclut du financement préférentiel les chambres d'une
surface inférieure à 20 mètres carrés et, d'autre part, le projet d'arrêté
fixant le contenu du cahier des charges de la convention pluriannuelle
tripartite prévu dans le cadre de la réforme de la tarification des
établissements, qui fait état de recommandations minimales de surface : 18 à 22
mètres carrés pour les constructions neuves ou rénovations lourdes, et 16 à 20
mètres carrés pour les chambres n'ayant pas fait l'objet de rénovation.
C'est pourquoi il attire l'attention du Gouvernement afin de lui demander de
clarifier les choses à partir des questions suivantes :
1° Sera-t-il possible de conventionner durablement avec des établissements
dont la surface des chambres sera comprise entre 16 et 20 mètres carrés ?
2° Qu'entend-on précisément par rénovation lourde ?
3° Peut-on parler d'humanisation dès lors que la surface des chambres reste
inférieure aux recommandations ?
Il serait opportun de clarifier deux orientations.
La première est qu'il est difficilement acceptable que des établissements en
bon état ayant un quart de siècle soient totalement « désossés » pour en
agrandir les chambres au prix d'une augmentation du prix de journée
exorbitante, difficilement supportable par l'usager.
La deuxième orientation est qu'on ne peut ramener l'humanisation à une simple
question de surface, l'essentiel devant être la qualité de l'accueil et de la
prise en charge par les personnes de l'établissement.
Son avis sera précieux sur tous ces points actuellement en débat. (N° 436.)
IX. - M. Alain Vasselle attire l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur les légitimes préoccupations exprimées par
l'ensemble des membres du conseil municipal de La Chapelle-en-Serval, commune
située dans l'Oise, concernant la déviation de la RN 17.
Un projet de déviation par l'Est a été dégagé à la suite de multiples
démarches initiées par la commune de La Chapelle-en-Serval en raison du trafic
routier qui a augmenté de plus de 50 % entre 1992 et 1998.
En 1994, il avait été prévu la mise en place d'une enquête publique préalable
à la déclaration d'utilité publique, mais actuellement, il semblerait qu'elle
n'ait pas été réalisée, malgré sa commande par la direction départementale de
l'équipement au bureau d'études IRIS en septembre 1997.
Les élus municipaux de la commune de La Chapelle-en-Serval, soucieux
d'améliorer sensiblement la circulation dans l'intérêt de leurs administrés,
ont tenté de la faciliter par des aménagements à l'intérieur de la ville, dans
l'attente de la réalisation de la déviation, tout en rappelant régulièrement
aux pouvoirs publics la priorité de ce dossier.
Le conseil général de l'Oise a retenu pour 1999 la réalisation de la déviation
de la RN 17 parmi les quatre priorités routières du département.
Il serait souhaitable que le prochain contrat de plan Etat-région puisse
également prendre en considération les légitimes préoccupations des habitants
de la commune de La Chapelle-en-Serval relayées par les élus communaux.
Le dernier exemple malheureux de l'absence de déviation s'est traduit par le
décès tragique de l'épouse du maire de la commune concernée, victime d'un
accident de la circulation mardi 5 janvier 1999, sur la RN 17, rue de Paris.
En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer la position
ministérielle face à ces légitimes inquiétudes exprimées par les élus communaux
de La Chapelle-en-Serval et de lui préciser les intentions ministérielles face
à cette situation de plus en plus insupportable pour les habitants de cette
commune et les usagers de la route. (N° 439.)
X. - M. Patrick Lassourd attire l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur la double imposition, imposée par l'article
12 de la loi de finances rectificative pour 1998 n° 98-1267 du 30 décembre
1998, aux propriétaires bailleurs.
Cet article, qui modifie les modalités de recouvrement des impôts imputables
aux bailleurs, en instaurant l'année civile comme période de référence,
entraîne en effet pour ceux-ci un double paiement. Ils se voient contraints,
pour la période allant du 1er janvier au 30 septembre 1998, de payer la
nouvelle contribution et la contribution additionnelle, alors que, pour cette
même période, le droit de bail et la taxe additionnelle ont déjà été
acquittés.
Une telle mesure viole le principe d'égalité devant les charges publiques.
Malgré la récente décision du Conseil constitutionnel - n° 98-406 DC du 29
décembre 1998 - rejetant le recours déposé par la majorité sénatoriale, et une
hypothétique « récupération » soumise à des conditions très restrictives, il
lui demande quelles mesures il entend mettre en oeuvre pour remédier à cette
injustice. (N° 444.)
XI. - M. Bernard Fournier rappelle à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement que des communes du Livradois et du Forez ont
manifesté il y a plusieurs années le désir de développer leur potentiel
touristique en réhabilitant une ligne de chemin de fer désaffectée et en
l'équipant du « train de la découverte ». En région Auvergne, une partie de
cette ligne fonctionne et attire chaque année de nombreux touristes.
Soucieuses de poursuivre leurs efforts d'animation et d'aménagement du
territoire, les collectivités se sont engagées dans l'extension et le
développement de la ligne existante l'objectif étant de relier à terme les deux
hauts lieux historiques et patrimoniaux que sont Saint-Bonnet-le-Château dans
la Loire et La Chaise-Dieu dans la Haute-Loire. Une réflexion avancée réunit
les maires, les collectivités concernées et les associations. Cet aménagement
est vital pour le Haut-Forez dont le potentiel touristique fort est méconnu.
Le tronçon Sembadel - Estivareilles de la ligne comporte trente-quatre
kilomètres de voies ferrées. Si le service des domaines a donné une estimation
raisonnable de l'infrastructure, permettant ainsi aux communes l'acquisition
des terrains, la direction régionale de Clermont-Ferrand de la SNCF exige un
prix disproportionné pour la superstructure : alors que, sur le tronçon
Puy-Guillaume - Courty - douze kilomètres - le lot a été adjugé aux environs de
100 000 francs, soit de l'ordre de 8 000 francs du kilomètre, le Réseau ferré
de France, RFF, demande plus de 20 000 francs du kilomètre pour le tronçon
Sembadel - Estivareilles. La totalité de la transaction représentera au final
une charge financière de près de 900 000 francs pour les communes.
Il le remercie de bien vouloir lui préciser s'il est possible pour RFF de
donner à bail aux collectivités les superstructures ferroviaires déclassées, ce
qui permettrait aux collectivités de poursuivre leurs efforts, ou s'il entend
appuyer la démarche des élus et associations pour ramener les prétentions de
RFF à un niveau raisonnable. (N° 445.)
XII. - M. Jacques Legendre souligne auprès de Mme le ministre de l'aménagement
du territoire et de l'environnement l'impérieuse nécessité de prendre en compte
la délicate situation économique et sociale du Cambrésis dans le rôle
susceptible d'être joué par l'Etat en matière de maintien et de création
d'emplois.
L'exemple très récent de la suppression, programmée à court terme par un plan
de réorganisation, de 173 postes de travail à la Verrerie de Masnières, dans le
Nord, sur les 761 employés qu'elle comptait au 31 décembre 1998 - et après la
perte de 230 emplois au sein de cette même entreprise en 1987 - montre à quel
point de sérieuses menaces pèsent sur le marché du travail de ce territoire et
sur ses activités économiques.
Depuis maintenant de nombreuses années, il n'a pas été répondu aux souhaits de
cette population et de ceux qui la représentent de voir des mesures
significatives d'origine gouvernementale casser ce mouvement important de perte
d'emplois industriels et tertiaires avec l'aide et l'appui d'organismes tels,
par exemple, que la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action
régionale, la DATAR, ou Nord - Pas-de-Calais Développement.
Il lui demande en conséquence quelles mesures elle envisage de prendre pour
qu'un traitement prioritaire soit réservé à ce bassin d'emploi en vue de lui
apporter enfin toute l'aide possible en matière de création et de recréation
d'emplois. (N° 446.)
XIII. - M. Bernard Joly appelle l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur l'inadéquation relative à l'assiette et au
recouvrement de la contribution au fonds de garantie des victimes d'actes
terroristes et autres infractions (FGTI).
Aux termes de l'article 4 du décret n° 86-1111 du 15 octobre 1986 relatif à
l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, « le FGTI est alimenté par
une contribution assise sur les primes ou cotisations des contrats d'assurance
de biens souscrits auprès d'une entreprise ayant obtenu l'agrément prévu par
l'article L. 321-1 du code des assurances. Cette contribution est recouvrée par
les entreprises d'assurances suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties
et sanctions que les conventions d'assurance... ».
Le deuxième alinéa de l'article 991 du code général des impôts prévoit que la
taxe sur les conventions d'assurance « ... est perçue sur le montant des sommes
stipulées au profit de l'assureur et de tous accessoires dont celui-ci
bénéficie directement ou indirectement au fait de l'assuré ».
L'article 1001 du même code fixe le tarif de la taxe spéciale sur les contrats
d'assurance. Ce tarif est établi en pourcentage selon des taux variant de 7 % à
30 %.
La taxe sur les conventions d'assurance est donc une taxe proportionnelle,
ad valorem
, qui frappe les encaissements.
En revanche, la contribution au FGTI est un droit d'acte qui frappe chaque
contrat et dont le tarif est forfaitaire et fixe.
Il lui demande en quoi consistent « les mêmes règles » prévues par l'article 4
du décret précité. (N° 447.)
XIV. - M. Roland Courteau attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à
l'industrie sur les intentions de France Télécom de faire évoluer son service
de restauration collective, actuellement géré par des associations, dans le
cadre des activités sociales, vers une structure de type privé.
Ces dispositions, auxquelles s'opposeront avec détermination les personnels et
les usagers, auraient pour conséquence de privilégier la rentabilité au
détriment du social, avec l'augmentation du prix des repas, et ne manqueraient
pas, de surcroît, d'avoir des conséquences sur l'emploi, avec la suppression de
postes.
Une telle évolution, contraire par ailleurs à la nécessaire préservation des
acquis sociaux, n'est pas acceptable, tant pour les personnels de France
Télécom et de La Poste de Narbonne que pour l'ensemble des personnels regroupés
au sein de la Fédération nationale des restaurants PTT.
C'est pourquoi, et compte tenu que l'Etat reste actionnaire majoritaire dans
le capital de France Télécom, il lui demande s'il entend influer sur les
décisions envisagées, afin que soit stoppé le processus engagé, par la prise en
compte de la qualité actuelle du service rendu, du maintien des emplois, dans
le respect des conditions statutaires qui régissent le personnel aujourd'hui en
poste... et de l'avis des personnels et usagers non encore, d'ailleurs,
consultés. (N° 450.)
XV. - M. Bernard Plasait attire l'attention de Mme le garde des sceaux,
ministre de la justice, sur l'interprétation respective des articles L. 122-8
du code de la consommation et 313-4 du code pénal. En effet, l'article L. 122-8
du code de la consommation punit d'un emprisonnement de cinq ans et/ou d'une
amende de 60 000 francs quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance
d'une personne pour lui faire souscrire des engagements au comptant ou à crédit
sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette
personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle
prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre d'y
souscrire, ou fait apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte. L'article
313-4 du code pénal dispose, quant à lui, que « l'abus frauduleux de l'état
d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une
personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à
une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de
grossesse, est apparente ou connue de son auteur, pour obliger ce mineur ou
cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement
préjudiciables est puni de trois ans d'emprisonnement et de 2 500 000 francs
d'amende ». Outre leur insertion dans deux codes différents, il est possible de
considérer, comme le fait une doctrine isolée, que le délit de l'article 313-4
du code pénal a une portée plus large que l'incrimination de l'ancien article
406 et que celui de l'article L. 122-8 du code de la consommation, spécifique
au démarchage, a un champ d'application plus réduit. Cependant, l'élément moral
de l'infraction doit être, dans les deux cas, identique, car constitué par la
volonté de perpétrer l'abus en pleine connaissance de cause. Dès lors, seule la
gravité du préjudice serait un élément pertinent de distinction. De plus, si
l'on se réfère à un exemple emprunté à la circulaire du 14 mai 1993, sont
protégées par la nouvelle incrimination de l'article 313-4 du code pénal les
personnes âgées victimes de pratiques commerciales douteuses qui n'auraient
accepté de conclure un contrat sans commune mesure avec leurs besoins réels
qu'en raison du harcèlement dont elles auraient fait l'objet. Et c'est
précisément ce type de situation que les tribunaux ont sanctionné sur le
fondement de l'article L. 122-8 du code de la consommation, et en particulier
la cour d'appel de Lyon, dans un arrêt du 19 septembre 1990. La vulnérabilité
de la victime devant être dans les deux cas avérée, il est aisé de constater la
similitude des situations à même de justifier l'application de ces deux
articles. Il est en effet courant de justifier l'application de l'article L.
122-8 par le fait que l'infirmité du consentement de la victime, embrumé
notamment par l'âge, la maladie, ou annihilé par une situation de détresse, est
mise à profit de manière éhontée par le démarcheur pour arriver à ses fins.
Concernant l'article 313-4 du code pénal, dans l'hypothèse où il s'agit d'un
majeur, la vulnérabilité tient généralement à l'âge, à une maladie, à une
infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. La
jurisprudence étant pour le moins clairsemée et la doctrine peu prolixe sur la
combinaison de ces deux infractions, il lui demande de bien vouloir lui
préciser, d'une part, le champ d'application de chacun de ces délits et,
d'autre part, s'il lui paraît, le cas échéant, envisageable de les refondre en
une seule incrimination pénale. (N° 451.)
XVI. - M. Michel Pelchat rappelle à Mme le garde des sceaux, ministre de la
justice, qu'aucune discrimination ne saurait être tolérée sur notre territoire,
de quelque nature qu'elle soit, dans quelque domaine que ce soit, et notamment
en matière de statut familial.
Il constate que, malheureusement, l'égalité entre les hommes et les femmes
n'est pas effective dans tous les pays, et qu'elle n'existe notamment pas en
Algérie, ce pays très proche de la France où, depuis 1984, un code de la
famille régit le statut familial accordant à la femme des droits et des
capacités bien inférieurs à ceux de son époux.
En conséquence, il lui demande quelles mesures elle compte prendre, y compris
sur le plan des projets législatifs, afin que le juge français refuse
catégoriquement l'application de ce code inique.
En outre, il souhaite savoir quelles mesures elle entend prendre pour faire
respecter les droits matrimoniaux, patrimoniaux et de liberté de circulation
des Français, notamment des Français binationaux, par les autorités algériennes
(entre autres) qui ne leur reconnaissent, ni en fait ni en droit, la
nationalité française, et quelles mesures elle compte prendre pour que ces
autorités n'empêchent pas la France d'exercer en Algérie, comme partout dans le
monde, l'obligation d'assistance qu'elle doit à tous ses ressortissants quels
qu'ils soient et sans discrimination à l'égard des binationaux. (N° 452.)
XVII. - M. Serge Lepeltier appelle l'attention de Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les difficultés qui
peuvent apparaître entre, d'une part, la promotion d'une politique des déchets
visant à freiner les tendances à la mise en décharge et à l'incinération, à
accélérer le recyclage et le tri et, d'autre part, les réticences du monde
agricole et des industries agro-alimentaires à utiliser des composts issus des
déchets ménagers et assimilés. Alors que les consommateurs sont légitimement et
d'une façon croissante sensibles aux impacts environnementaux, à la qualité des
produits qui leur sont proposés, on observe, en effet, une défiance dans le
traitement biologique des déchets et dans l'utilisation de fertilisants issus
de ce traitement. L'exemple de l'épandage agricole concernant les boues de
stations d'épuration ou d'autres déchets industriels et de l'évolution de la
réglementation avec le décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 est à cet égard
significatif, même si l'on constate maintenant l'émergence d'un relatif
consensus sur l'acceptation de l'épandage, dès lors que toutes les mesures sont
prises pour minimiser les risques sanitaires. Concernant précisément les
composts, il apparaît clairement que des mesures doivent être prises, de nature
notamment à favoriser une cohérence réglementaire d'ensemble et à améliorer les
normes techniques existantes. C'est pourquoi il lui demande quelles initiatives
elle compte prendre en ce domaine afin de concilier la contradiction entre une
politique des déchets qui se donne pour objectif la valorisation agricole et
les diverses incertitudes qui freinent l'utilisation des composts. (N° 453.)
A seize heures :
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 193, 1998-1999) de la commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et
à la lutte contre le dopage.
M. James Bordas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
3. Discussion de la proposition de loi (n° 80, 1998-1999), adoptée par
l'Assemblée nationale, visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans
le monde, notamment lors de l'achat des fournitures scolaires.
Rapport (n° 224, 1998-1999) de M. Philippe Richert, fait au nom de la
commission des affaires culturelles.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 8 mars 1999, à dix-sept
heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
- Projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations (n° 153, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 9 mars 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 9 mars 1999, à dix-sept
heures.
- Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi
de M. André Jourdain relative au multisalariat en temps partagé (n° 125,
1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 mars 1999, à dix-sept
heures.
- Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M.
Jacques Oudin et plusieurs de ses collègues, visant à modifier l'article L. 255
du code électoral (n° 208, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 mars 1999, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. Xavier de Villepin a été nommé rapporteur du projet de loi n° 250
(1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du
traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités
instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, signé le 2
octobre 1997.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance du jeudi 4 mars 1999
SCRUTIN (n° 78)
sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications
par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'égalité entre les
femmes et les hommes.
Nombre de votants : | 306 |
Nombre de suffrages exprimés : | 297 |
Pour : | 289 |
Contre : | 8 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Pour :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
17.
N'ont pas pris part au vote :
5. _ MM. Jacques Bimbenet, Paul Girod,
Georges Mouly, Jacques Pelletier et André Vallet.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
92.
Contre :
1. _ M. Emmanuel Hamel.
Abstention :
1. _ M. Roger Husson.
N'ont pas pris part au vote :
5. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat. MM. Christian de La Malène, Philippe Marini, Joseph Ostermann et Alain
Vasselle.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Pour :
76.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Robert Badinter et Michel
Dreyfus-Schmidt.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
42.
Contre :
3. _ MM. André Bohl, Alain Lambert et Michel Souplet.
Abstentions :
7. _ MM. Philippe Arnaud, Denis Badré, André Diligent,
Pierre Fauchon, Serge Franchis, Louis Mercier et Jean-Marie Poirier.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
42.
Contre :
3. _ MM. Jean-Paul Bataille, Guy Poirieux et Ladislas
Poniatowski.
Abstention :
1. _ M. Jacques Larché.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Bonnet.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
4.
Contre :
1. _ M. Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ MM. Philippe Adnot et Bernard
Seillier.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Michel Duffour
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Lucien Lanier
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
Ont voté contre
MM. Jean-Paul Bataille, André Bohl, Emmanuel Hamel, Alain Lambert, Guy
Poirieux, Ladislas Poniatowski, Michel Souplet et Alex Türk.
Abstentions
MM. Philippe Arnaud, Denis Badré, André Diligent, Pierre Fauchon, Serge
Franchis, Roger Husson, Jacques Larché, Louis Mercier et Jean-Marie Poirier.
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot
Robert Badinter
Jacques Bimbenet
Christian Bonnet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Girod
Christian de La Malène
Philippe Marini
Georges Mouly
Joseph Ostermann
Jacques Pelletier
Bernard Seillier
André Vallet
Alain Vasselle
N'a pas pris part au vote
M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 307 |
Nombre de suffrages exprimés : | 297 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 149 |
Pour l'adoption : | 289 |
Contre : | 8 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.