Séance du 2 mars 1999
M. le président. « Art. 2. - L'article 2 de l'ordonnance du 26 mars 1982 susmentionnée est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 2. - I. - Les salariés doivent justifier chaque année, auprès de leur employeur, que le montant des revenus de leur foyer fiscal de l'avant-dernière année, tels qu'ils sont définis au V de l'article 1417 du code général des impôts, n'excède pas la somme de 86 840 francs pour la première part de quotient familial, majorée de 19 770 francs par demi-part supplémentaire. Ces chiffres sont actualisés chaque année, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
« II. - L'avantage résultant de la contribution de l'employeur à l'acquisition des chèques-vacances par les salariés est exonéré de l'impôt sur le revenu, dans la limite du salaire minimum de croissance apprécié sur une base mensuelle.
« Cette contribution de l'employeur est exonérée de la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du code général des impôts.
« Les chèques-vacances sont dispensés du timbre.
« III. - L'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou de toute autre instance de concertation ayant compétence en matière d'oeuvres sociales, définit, sous réserve des dispositions du 2° du II de l'article 2 bis de la présente ordonnance, les modalités de l'attribution éventuelle de chèques-vacances à ses salariés qui répondent aux conditions fixées au présent article. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1 rectifié, M. Blanc, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Dans les premier et deuxième alinéas de l'article 2 de l'ordonnance n° 82-283 du 26 mars 1982 précitée, le nombre : "9 000" est remplacé par le nombre : "20 000".
« II. - Dans le troisième alinéa du même article, le mot : "interprofessionnel" est supprimé.
« III. - L'avant-dernier alinéa du même article est ainsi rédigé :
« La contribution de l'employeur est exonérée des taxes prévues aux articles 224, 231, 235 bis et 235 ter C du code général des impôts. »
Par amendement n° 8, le Gouvernement propose, dans la première phrase du paragraphe I du texte présenté par l'article 2 pour l'article 2 de l'ordonnance du 26 mars 1982 précitée :
I. - De remplacer la somme : « 86 840 francs » par la somme : « 87 680 francs ».
II. - De remplacer la somme : « 19 770 francs » par la somme : « 19 990 francs ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 1 rectifié.
M. Paul Blanc, rapporteur. Cet amendement a plusieurs objets.
Le paragraphe I vise, d'une part, à maintenir le critère actuel d'appréciation des ressources du salarié, à savoir la cotisation d'impôt sur le revenu, pour pouvoir bénéficier du chèque-vacances. Le maintien du droit existant semble préférable, dans un souci de simplification : les entreprises y sont habituées, le salarié n'a pas à faire état auprès de l'entreprise du détail de ses revenus, il lui suffit de connaître le montant de l'impôt acquitté. Cela permet également d'éviter les effets de champs négatifs du changement de critères, qui se traduiront, je le rappelle, par une diminution de l'ordre de 5 % du nombre des bénéficiaires sans pour autant garantir une appréciation véribablement objective des ressources du salarié.
Par ailleurs, dans le paragraphe I, nous augmentons sensiblement le plafond de ressources afin de mieux prendre en compte les classes moyennes.
Dans le paragraphe II, de nature rédactionnelle, nous actualisons l'ordonnance de 1982 en corrigeant l'appellation du SMIC pour retenir le terme officiel tel qu'il résulte des articles L. 141 et suivants du code du travail.
Dans le paragraphe III, nous mettons en cohérence l'ordonnance de 1982 avec la législation actuelle. L'ordonnance de 1982 prévoyait que la contribution de l'employeur serait exonérée de la taxe sur les salaires. La loi de finances pour 1989 a étendu cette exonération fiscale à la taxe d'apprentissage, à la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle et au 1 % logement.
Il s'agit donc simplement, je le répète, d'actualiser le texte de l'ordonnance de 1982.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 rectifié et pour défendre l'amendement n° 8.
Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, vous exprimez, dans cet amendement, deux préoccupations : la première est relative à l'accès au chèque-vacances pour certaines catégories de salariés ; la seconde se rapporte à l'exonération des taxes sur les salaires pour les entreprises.
Sur le premier point, je l'ai déjà dit, le chèque-vacances est avant tout un outil d'aide au départ en vacances des salariés. C'est pour cela que le projet l'étend aux salariés des petites et moyennes entreprises, dont le niveau de salaire est souvent modeste.
De plus, le revenu fiscal de référence, prévu par la loi, est une notion plus stable et plus équitable pour les salariés : plus stable parce que ce concept gomme les réductions d'impôt à caractère conjoncturel qui peuvent à tout moment être mises en cause par les lois de finances ; plus équitable parce qu'il prend seulement en compte le revenu imposable après abattement des 10 % et 20 %. A ce titre, il évacue les réductions d'impôt dont peuvent bénéficier certains contribuables.
Doubler quasiment le niveau d'imposition retenu actuellement, comme vous le proposez, ne peut qu'entraîner un financement par l'Etat au bénéfice de salariés qui pourraient partir grâce à leurs propres ressources.
Enfin, le barème retenu dans le projet de loi, à savoir 87 680 francs pour une part et 19 990 francs pour la demi-part supplémentaire, chiffres actualisés pour 1999 - cela répond à votre crainte - touche une grande partie de la population. Une récente étude de la direction générale des impôts chiffre à 75 % la proportion de salariés entrant dans le champ du barème, soit 8 millions de personnes non imposables et 8 millions de personnes imposables disposant d'un revenu fiscal de référence inférieur au plafond.
Je ne sais d'ailleurs si l'on ne pourrait inclure dans cette catégorie de la population les « couches moyennes modestes », comme vous le souhaitez, encore que je m'interroge sur ce concept nouveau de « couches moyennes modestes ».
C'est donc un accès massif aux chèques-vacances que permet le projet de loi.
Quant à la précision que vous proposez, dans le paragraphe II, sur l'exonération des taxes sur les salaires, taxes d'apprentissage, taxes sur la construction, il s'agit d'un élément nouveau qui fait l'objet d'un examen approfondi, avec le souci de la sécurité juridique des entreprises et de la simplification des obligations qui leur incombent.
Pour ce qui est de la suppression de la reprise de la dispense de timbre, j'observe qu'il s'agit d'une simple cohérence rédactionnelle.
Enfin, je ne peux pas accepter la suppression du paragraphe III de l'article 2, qui est une pièce essentielle de la mise en place du chèque-vacances dans les entreprises parce que intimement liée au dialogue social.
Pour toutes ces raisons, l'amendement n° 1 rectifié recueille un avis défavorable du Gouvernement.
L'amendement n° 8 a pour objet de répondre à une interrogation de la commission, qui s'inquiétait de la stagnation du montant du revenu fiscal de référence. Nous voulons, en effet, par cet amendement, prendre en compte les dispositions issues de la loi de finances de 1999.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 8 ?
M. Paul Blanc, rapporteur. L'amendement n° 8 tend à actualiser le nouveau critère d'appréciation des ressources proposé dans ce projet de loi pour tenir compte de la revalorisation intervenue dans la loi de finances de 1999. La commission prend acte de cette correction d'une erreur matérielle et du souci du Gouvernement de relever le plafond de ressources.
Cet amendement est cependant incompatible avec l'amendement de la commission, qui prévoit le maintien du critère actuel, à savoir la cotisation d'impôt sur le revenu, et une revalorisation sensible du plafond de ressources.
Par ailleurs, madame la secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous dire que je ne vous suis pas lorsque vous affirmez que l'augmentation du plafond de ressources supprimerait la dimension sociale du système. En effet, aujourd'hui - des études l'ont montré - un tiers des bénéficiaires ont des revenus supérieurs à 15 000 francs mensuels et 10 %, des revenus supérieurs à 20 000 francs mensuels. Les organismes sociaux fixent en effet librement les conditions de ressources, comme je l'ai indiqué dans mon rapport.
La commission, dans son amendement, cherche à assurer une meilleure neutralité au système tout en étant favorable aux classes sociales modestes. Je me réjouis, d'ailleurs, que vous ayez repris cette expression de « classes sociales modestes », car je crois qu'elle correspond à une réalité.
Si l'on se réfère au revenu net moyen calculé par l'INSEE, l'augmentation du plafond a pour principal effet de permettre aux membres des professions intermédiaires de bénéficier du chèque-vacances, pour peu qu'ils aient au moins deux enfants.
Voilà pourquoi, bien entendu, je souhaite l'adoption de l'amendement n° 1 rectifié, ce qui entraîne ipso facto le rejet de l'amendement du Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. M. le rapporteur donne, à la page 52 de son rapport, une précision très importante quant à sa conception du chèque-vacances. Il indique, en effet : « Le chèque-vacances se fonde plus sur une logique de participation qu'il ne constitue un instrument réservé aux seuls défavorisés. »
Nous ne partageons pas cette conception, et c'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
Le chèque-vacances ne s'apparente pas à l'intéressement ou à la participation, et encore moins à l'épargne en vue de la retraite. C'est avant tout une mesure sociale destinée à permettre aux salariés les moins bien rémunérés de concrétiser leur droit aux vacances et aux loisirs. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une exonération de charges proportionnelle à l'effort de l'employeur est consentie.
Comme vous le soulignez, monsieur le rapporteur, il existe pour les personnes et les familles en difficulté des mesures spécifiques, telles que les bons-vacances. Mais vous ne pouvez ignorer que la grande majorité des salariés disposent de salaires nets inférieurs à 10 000 francs. Le revenu médian, c'est-à-dire ce que gagnent aujourd'hui la moitié des salariés disposant d'un emploi à temps plein, est de 8 800 francs. Encore ne prenons-nous pas en compte ici l'aggravation de cette situation par la précarité ! Là est sans doute le véritable problème.
Voilà qui explique que le texte du projet de loi permettra de couvrir potentiellement 75 % de la population active salariée, soit 17 millions de personnes, soumises ou non à l'impôt sur le revenu.
Dans ces conditions, il ne nous semble pas que le relèvement de la cotisation d'impôt à 20 000 francs soit nécessaire. Une telle modification, apparemment destinée aux familles par le jeu des demi-parts supplémentaires par enfant, aboutirait, en fait, à changer profondément la nature du chèque-vacances dans un sens que nous n'approuvons pas. Elle en ferait rapidement, en direction des professions intermédiaires et des cadres moyens, un instrument d'épargne participative.
Quels que soient les mérites, que l'on peut toujours reconnaître, de l'intéressement et de la participation, ce n'est pas là l'objectif du chèque-vacances, et nous voulons éviter toute dérive potentielle.
Mme Odette Terrade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'amendement de la commission des affaires sociales apporte principalement deux modifications de fond.
La première consiste à revenir sur le nouveau critère de revenu fiscal, qui avait pourtant recueilli l'assentiment de l'ensemble des organisations syndicales représentatives de salariés. Il est apparu, en effet, que le revenu fiscal de référence, à l'inverse de la cotisation d'impôt, assure une bien meilleure photographie de la situation réelle de la personne et garantit ainsi l'égalité de traitement des salariés.
Il est tenu compte, par ailleurs, de toutes les déductions fiscales, qui ne se réduisent pas, contrairement à ce que laisse entendre le rapport de la commission, aux investissements réalisés outre-mer ou à l'acquisition de parts de copropriété de navires de commerce, ils intègrent également les réductions d'impôt ayant un caractère social, telles que les dépenses relatives aux travaux de réparation dans une habitation, à l'embauche d'une employée à domicile ou encore le remboursement d'un emprunt.
Le changement de critère n'oublie pas la famille puisque le montant retenu sera majoré par demi-part supplémentaire déclarée.
Enfin, la revalorisation et l'actualisation des seuils mentionnés à l'article 2 par l'amendement du Gouvernement pour tenir compte de la loi de finances pour 1999 doivent permettre d'aller vers une situation équivalente, sans exclure pour autant des bénéficiaires potentiels.
L'amendement n° 1 rectifié tend à élargir l'accès au chèque-vacances aux classes moyennes, ou tout au moins aux personnes qui s'acquittent d'une cotisation d'impôt de l'ordre de 20 000 francs.
Je rappelle, sur ce dernier point, que l'ordonnance de 1982 visait expressément les salariés les plus défavorisés, consacrant ainsi la fonction sociale et populaire du chèque-vacances.
Nous croyons préférable, quant à nous, de rester fidèles à cette approche, considérant que la population concernée est d'ores et déjà importante.
En outre, en généralisant l'attribution du chèque-vacances à ce niveau, le risque serait de soumettre encore davantage la gestion du système aux multiples pressions financières des quelques sociétés privées qui souhaitent récupérer le marché.
Pour ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre l'amendement présenté par M. le rapporteur, au nom de la commission des affaires sociales.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé et l'amendement n° 8 n'a plus d'objet.
Article 3