Séance du 14 décembre 1998







M. le président. Par amendement n° 32, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa du I de l'article 92 B du code général des impôts est complété par les mots : "... et disparaît à compter de l'imposition des revenus de 1999". »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Pour des raisons à la fois techniques et politiques, nous proposons cet amendement qui, portant sur la taxation des revenus financiers des particuliers, nous conduit naturellement à poser le problème de la redistribution qu'est censé opérer l'impôt sur le revenu.
Nous sommes, depuis fort longtemps, partisans d'une réforme de l'impôt sur le revenu fondée sur des principes clairs de prise en compte de la totalité du revenu des ménages, dans toutes ses composantes, de redistribution équilibrée du produit de la fiscalité et de recherche d'efficacité économique de toutes les dispositions correctrices de l'impôt.
Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, une taxation au premier franc des plus-values de cession d'actifs financiers des particuliers.
On connaît les dernières évolutions de ce dispositif.
Outre que le seuil d'exonération a été ramené à 50 000 francs, ces plus-values supportent une imposition globale de 26 %, prélèvements sociaux compris. Ces plus-values continuent donc, notamment en regard du taux le plus élevé du barème de l'impôt sur le revenu et du taux maximal d'imposition, de connaître une situation privilégiée. Ainsi est allégée la contrainte fiscale qui pèse sur elles, alors que les principes fondateurs de la République, qui postulent la stricte égalité devant l'impôt, devraient conduire à les imposer de manière plus importante.
Nous souhaitons donc que cette situation ne se prolonge pas plus longtemps et que ces revenus soient taxés, comme il se doit, au titre de l'impôt sur le revenu.
Il s'agit, dans un premier temps, de faire disparaître le seuil résiduel d'exonération encore appliqué. Conformément aux exigences de l'ordonnance organique sur les lois de finances, nous proposons de définir des ressources budgétaires nouvelles, afin de faire face aux besoins sociaux forts qui s'expriment dans le pays.
Nous venons de célébrer, avec toute la dignité requise, le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, mais force est de constater que, dans notre pays, à quelques jours de la fin de l'année, des femmes, des hommes, des familles souffrent de l'absence de perspectives, de l'exclusion sociale sous toutes ses formes.
Les fruits de la croissance demeurent encore fort inégalement répartis, ce qui explique, comme on l'a vu la semaine dernière à Marseille et dans de nombreuses villes de France, la légitime colère des sans-emploi.
Au début de l'année 1998, le Gouvernement avait fait un geste en attribuant une peu plus de 1 milliard de francs d'aides d'urgence aux chômeurs.
Nous pensons qu'une part significative du surcroît de recettes fiscales devrait être consacrée, plutôt qu'à la réduction du déficit au financement d'une aide d'urgence d'un montant unitaire de 1 000 francs pour chacun des chômeurs régulièrement inscrits à l'Agence nationale pour l'emploi.
C'est ce que nous proposons de faire en prélevant dans la masse de 10 milliards de francs de dépenses fiscales occasionnées par le régime spécifique de taxation des plus-values des particuliers les sommes indispensables pour qu'il soit répondu à cette demande sociale.
Outre qu'elle fait droit à des exigences de justice et d'équité, la mesure que nous préconisons permettrait de conforter la croissance par le développement de la demande interne.
Compte tenu de l'importance que nous attachons à cet amendement, nous demandons qu'il soit mis aux voix par scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est, évidemment, très défavorable à cet amendement.
Monsieur Foucaud, si l'on veut que la politique économique soit efficace, si l'on veut qu'il y ait des créations d'emplois, il faut de l'épargne, et de l'épargne qui ne se délocalise pas ; il faut des épargnants, et des épargnants motivés.
Différentes mesures ont été prises en matière d'épargne ces dernières années et le seuil de taxation des plus-values y est tombé très brutalement de 150 000 francs à 50 000 francs : la coupe est déjà bien pleine, il ne faut pas la faire déborder !
La commission souhaite le rejet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Cet amendement part, à l'évidence, d'une intention généreuse,...
M. Hubert Haenel. Comme toujours !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. ... puisqu'il s'agit, en ces fêtes de fin d'année, de penser à ceux qui ont peu de moyens. Cependant, la disposition proposée n'est peut-être pas la plus appropriée pour atteindre ce noble objectif.
En effet, le Gouvernement a estimé juste de diminuer le seuil de taxation des plus-values de cession considérant que le seuil de 100 000 francs mettait en quelque sorte hors d'impôt une fraction trop importante des gains nets de cessions de valeurs mobilières. Le seuil de 50 000 francs qu'il a retenu lui paraît convenable et préférable à un système d'imposition au premier franc, et ce pour deux raisons.
D'abord, pour une raison de simplicité, car comptabiliser les gains nets de cessions de valeurs mobilières au premier franc signifierait beaucoup de déclarations à faire et beaucoup de déclarations à traiter pour un bénéfice sans doute assez ténu.
Ensuite, parce que les contribuables qui réalisent moins de 50 000 francs de plus-values de cessions de valeurs mobilières sur l'année, s'ils ne sont peut-être pas de petits épargnants, ne sont pas non plus de gros épargnants ; disons que ce sont des petits et moyens épargnants ! (Sourires.) En tous les cas, ce n'est pas d'eux qu'il faut exiger l'effort principal si l'on veut aller dans le sens que vous souhaitez, monsieur Foucaud.
J'espère vous avoir convaincu que le seuil de 50 000 francs est convenable et, si vous ne retirez pas cet amendement, je serais obligé d'en demander le rejet.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 52 :

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages 155
Pour l'adoption 16
Contre 303

Article 1er et état A