Séance du 10 décembre 1998
M. le président. La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre des affaires étrangères, à la suite de la déclaration commune du 6 juin 1989, la France et l'Allemagne ont signé, le 25 avril 1990, un accord prévoyant le traitement des déchets nucléaires allemands par l'usine de La Hague.
Cet accord était d'un niveau supérieur au niveau commercial puisqu'il engageait pour le long terme la politique de l'énergie de nos deux pays.
Or, dans sa déclaration de politique générale, le Chancelier Schröder a annoncé qu'il renonçait au nucléaire civil.
M. Raymond Courrière. Il a bien fait !
M. Aymeri de Montesquiou. Si chacun peut admettre qu'un gouvernement modifie sa politique de l'énergie et qu'il le fasse en raison d'un choix relatif à l'environnement, personne ne peut comprendre qu'un gouvernement n'honore pas la signature de celui qui l'a précédé ! (Applaudissements sur certaines travées du RPR et de l'Union centriste.)
Monsieur le ministre, si cette déclaration unilatérale est suivie d'effet, elle aura des conséquences à la fois économiques et politiques.
Sur le plan économique, elle supprimera 1 500 emplois en France, elle amputera notre balance commerciale de 3 milliards de francs et elle affectera la position dominante de la France dans le domaine du traitement des déchets nucléaires.
M. Raymond Courrière. Et la santé ?
M. Aymeri de Montesquiou. Sur le plan politique, elle peut avoir des conséquences plus graves. En effet, le couple franco-allemand a toujours été le tracteur de la coopération et de la construction européennes et, à la veille de la présidence allemande, cette décision risque d'instaurer le doute dans nos rapports avec l'Allemagne.
Lors de la réunion de Potsdam, M. le Premier ministre a déclaré qu'une affinité commune conduisait à travailler avec force. Cela s'est traduit par une décision modeste : la création d'un groupe de travail.
M. le président. Posez votre question, s'il vous plaît, mon cher collègue.
M. Raymond Courrière. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, trois options entre lesquelles vous devrez choisir s'offrent à vous : nous inclinons-nous devant cette décision unilatérale, demandons-nous des compensations ou portons-nous le problème devant un arbitrage international ? Mais peut-être nous proposerez-vous une quatrième solution ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez suffisamment bien décrit la situation pour que je n'y revienne pas, si ce n'est de façon très succincte.
On ne peut que reconnaître le droit au Gouvernement allemand - vous l'avez dit - de prendre pour ce qui concerne l'Allemagne, pour ce qui se passe chez elle, des décisions dont il lui appartient d'apprécier les conséquences sur les plans énergétique, de l'environnement ou autres.
C'est, en fait, une intention qui a été exprimée, dont il semblerait, d'ailleurs, que la mise en oeuvre ne soit pas si simple et soit appelée à s'étaler dans le temps.
Vous posez toutefois un problème distinct, qui est celui des conséquences pour notre pays, ou plus exactement sur les contrats conclus entre les entreprises allemandes et les entreprises françaises, de la décision.
Ce que je puis vous dire, c'est que, lors des tout premiers contacts entre le nouveau Gouvernement allemand et le Gouvernement français, cette question a été immédiatement posée en distinguant bien les deux aspects : vous avez le droit de décider chez vous de ce qui vous concerne, mais vous devez prendre en compte les engagements pris par votre pays envers le nôtre et envers les entreprises françaises.
C'est à la suite de ces contacts qu'a été créé le groupe dont vous avez parlé, et dont les travaux doivent porter sur l'ensemble des questions de l'énergie et de la coopération entre les deux pays.
Il ne faut pas sous-estimer le résultat obtenu. En effet, la création de ce groupe de travail, c'est la reconnaissance par l'Allemagne du fait que l'affaire a une dimension bilatérale et non pas purement unilatérale.
C'est au sein de ce groupe de travail que nous allons rechercher une solution au problème que vous posez, monsieur de Montesquiou. Il est donc prématuré de répondre aujourd'hui à vos questions. Nous n'en sommes pas là ! C'est la discussion entre les deux pays qui permettra de montrer s'il existe une solution qui ménage nos intérêts et que nous défendrons de manière ferme.
Enfin, il faut remettre les choses à leur place. S'il peut y avoir des désaccords, des différences, des sujets sur lesquels la France et l'Allemagne ne s'accordent pas, il faut voir aussi que, par ailleurs, nombreuses sont actuellement les convergences entre les deux gouvernements, notamment sur les questions de la croissance, de l'emploi et de la lutte contre le chômage.
S'agissant des questions européennes, on note plutôt un rapprochement, notamment sur la politique de l'élargissement.
Si donc il y a, en l'espèce, un élément de divergence, la relation franco-allemande semble bien repartie, et cela devrait aider ce groupe à apporter de bonnes réponses que nous ne manquerons pas de commenter, le moment venu. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
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