Séance du 23 novembre 1998
M. le président. « Art. 18. - I. - A compter du 11 janvier 1999, le tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers prévue au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes est ainsi modifié :
DÉSIGNATION DES PRODUITS |
INDICE d'identification |
UNITÉ de perception |
QUOTITÉ (en francs) |
---|---|---|---|
Goudrons de houille | 1 | 100 kg net | 7,99 |
Essences d'aviation | 10 | Hectolitre | 211,19 |
Supercarburant sans plomb | 11 | Hectolitre | 384,62 |
Supercarburant plombé | 11 bis | Hectolitre | 415,60 |
Essence normale | 12 | Hectolitre | 398,86 |
Carburéacteurs sous condition d'emploi | 13 et 17 | Hectolitre | 14,69 |
Fioul domestique | 20 | Hectolitre | 51,47 |
Gazole | 22 | Hectolitre | 248,18 |
Fioul lourd haute teneur en soufre | 28 | 100 kg net | 15,15 |
Fioul lourd basse teneur en soufre | 28 bis | 100 kg net | 10,96 |
Mélange spécial de butane et de propane destiné à être utilisé comme carburant sous condition d'emploi | 33 bis | 100 kg net | 25,86 |
Mélange spécial de butane et de propane destiné à être utilisé comme carburant, autre | 34 | 100 kg net | 65,71 |
Gaz naturel comprimé destiné à être utilisé comme carburant | 36 | 100 m³ | 55,00 |
« I
bis.
- Avant le dernier alinéa de l'article 265
sexies
du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 1999, la taxe intérieure de consommation sur le gaz
naturel véhicules et la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour le gaz
de pétrole liquéfié carburant sont remboursées aux exploitants de transport
public en commun de voyageurs, dans la limite de 40 000 litres par an et par
véhicule. »
« II. - A compter du 11 janvier 1999, le taux de la taxe prévue à l'article
266
quinquies
du même code est fixé à 7,37 francs par 1 000
kilowattheures.
« III. - A compter du 11 janvier 1999, l'article 266
ter
du même code
est abrogé.
« IV. - Il est inséré, dans le même code, un article 265
septies
ainsi
rédigé :
«
Art. 265
septies
. - Les entreprises propriétaires ou, en leur
lieu et place, les entreprises titulaires des contrats cités à l'article 284
bis
A :
«
a)
De véhicules routiers à moteur destinés au transport de
marchandises et dont le poids total autorisé en charge est égal ou supérieur à
12 tonnes ;
«
b)
De véhicules tracteurs routiers dont le poids total roulant est
égal ou supérieur à 12 tonnes, peuvent obtenir, sur demande de leur part, le
remboursement d'une fraction de la taxe intérieure de consommation sur le
gazole.
« Ce remboursement est égal à la différence entre la taxe intérieure de
consommation sur le gazole exigible au cours de l'année et celle calculée sur
la base d'un taux spécifique qui est fixé, pour la période du 11 janvier 1999
au 10 janvier 2000, à 244,64 francs par hectolitre. Pour les périodes
ultérieures, ce taux spécifique est relevé, le 11 janvier de chaque année, du
produit du dernier taux de la taxe intérieure de consommation appliqué au
supercarburant sans plomb au cours de la période précédente par le taux
prévisionnel d'évolution des prix à la consommation des ménages de l'année
précédente associé au projet de loi de finances de l'année du remboursement.
« Le remboursement est plafonné à 40 000 litres de gazole par an et par
véhicule. Il est accordé aux entreprises établies dans l'Union européenne qui
sont en mesure de justifier qu'elles ont acquis du gazole en France au cours de
la période couverte par le remboursement et que ce gazole a été utilisé comme
carburant dans des véhicules ci-dessus définis et immatriculés dans l'un des
Etats membres.
« La période couverte par le remboursement s'entend de la période comprise
entre le 11 janvier d'une année et le 10 janvier de l'année suivante.
« Les entreprises concernées peuvent adresser leur demande de remboursement au
service des douanes à partir du 12 janvier de l'année suivant la période au
titre de laquelle le remboursement est sollicité.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »
« V. - Le dispositif prévu au IV s'applique aux acquisitions de gazole
effectuées à compter du 11 janvier 1999. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'article 18 du projet de loi nous donne une illustration intéressante d'un
débat aujourd'hui quelque peu biaisé sur la pollution atmosphérique, qui me
semble nécessiter la mise en oeuvre de solutions plus adaptées que celle
consistant à accroître globalement les prélèvements effectués sur la
consommation des produits pétoliers.
La lettre de l'article 18 est en effet assez largement inspirée par
l'application du principe pollueur-payeur, de par l'accroissement global du
niveau de taxation.
Il s'agit, cependant, de constater que ce principe ne trouve pas une
application intégrale puisque le système de détaxe accordé aux taxis se trouve
étendu par le paragraphe IV de l'article aux exploitants de transport de
marchandises dans la limite d'une consommation annuelle de 40 000 litres de
gazole.
Si nous pouvons partager la fin du principe de la non-déductibilité des droits
frappant la consommation de gaz de pétrole liquéfié, GPL, et de gaz naturel
véhicule, GNV, nous sommes plus circonspects sur le montage effectué en matière
de gazole au seul profit des professionnels.
Un retour sur l'histoire fiscale récente de notre pays nous conduit
naturellement à cette circonspection.
Il est de notoriété publique que le problème de la circulation automobile est
devenu récurrent en matière fiscale.
Le nombre croissant de salariés tenus de parcourir des distances de plus en
plus longues pour parvenir sur leur lieu de travail est une réalité intangible
que traduit d'ailleurs en partie le recours de plus en plus fréquent au système
d'imposition aux frais réels, incluant notamment l'imputation du forfait
kilométrique, en matière d'impôt sur le revenu.
On ne peut non plus oublier que l'une des initiatives fiscales les plus
récentes, et finalement relativement coûteuse en termes de taxe intérieure sur
les produits pétroliers, TIPP, a été l'instauration temporaire de la prime à
l'achat d'un nouveau véhicule automobile.
Les effets positifs de la mesure sont connus : le rajeunissement du parc
automobile et l'accroissement relatif du nombre des immatriculations neuves.
Les effets négatifs le sont aussi : la baisse du produit de la TIPP due, en
particulier, aux meilleures performances énergétiques des automobiles
neuves.
Un autre effet de la mesure a été le développement de la vente des véhicules à
moteur diesel, les acheteurs tendant à majorer la prime à l'achat par la
perspective d'un allégement de leur budget carburant.
On souhaite donc, aujourd'hui, revenir sur l'incitation fiscale à l'achat de
véhicules diesel que constitue le différentiel de prix du carburant.
En suivant cette logique, il eût aussi convenu de réduire la taxation des
autres carburants, notre pays étant, à cet égard, très largement au-dessus des
moyennes européennes.
Car le fait est là, patent : la consommation de produits pétroliers est très
lourdement taxée dans notre pays et elle l'est d'autant plus qu'elle est, de
surcroît, assujettie à un taux normal de taxe sur la valeur ajoutée des plus
élevés en Europe.
Cela pose la question des limites de l'application du principe
pollueur-payeur, dont je parlais tout à l'heure.
Ne devons-nous pas marquer une sorte de pause fiscale en matière de taxe
intérieure sur les produits pétroliers pour dégager de nouvelles pistes de
solution autour du soutien à la recherche en motorisation, en modes de
carburation moins polluants, mais aussi en développement des infrastructures de
transport en commun susceptibles de se substituer au recours au déplacement
individuel ?
L'approche des questions de pollution atmosphérique ne peut être réalisée que
de manière systémique, en intégrant l'interaction de l'ensemble des facteurs
d'environnement, de développement technologique ou encore d'aménagement du
territoire, comme de faisabilité économique.
Le choix opéré n'est pas encore à la hauteur des exigences. Nous ne voterons
donc pas cet article 18, pas plus, d'ailleurs, que les amendements divers qui
tendent à le modifier à la marge sans en modifier l'esprit.
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
La fiscalité écologique est un des thèmes principaux de réforme du projet de
budget pour 1999, qui entame, en particulier, en son article 18, le
rééquilibrage nécessaire entre la taxation du gazole et celle du sans plomb.
Ce rééquilibrage est nécessaire pour trois raisons.
La première est une raison de santé publique : de nombreuses études ont prouvé
que les particules émises par le diesel étaient néfastes pour la santé dans les
grandes agglomérations. Ce sont en effet des particules particulièrement fines
qui entrent plus profondément dans les voies respiratoires. Ainsi, en septembre
1997, le comité de prévention et de précaution avait attribué aux particules
émises par le gazole l'aggravation des signes cliniques préexistants chez les
sujets asthmatiques et une augmentation des décès prématurés chez les personnes
âgées.
La deuxième raison est d'ordre économique : le coût de la pollution du gazole
avait été chiffré par l'Institut national de l'environnement industriel à 31
milliards de francs. De plus, la « surdiésélisation » du parc automobile
français - 41 % des immatriculations neuves en 1997, 38 % du parc automobile au
1er janvier 1998 - entraîne un déséquilibre dans la demande de produits
pétroliers qui contribue, pour une bonne part, aux problèmes du raffinage en
France dans la mesure où nous devons importer 10 % de notre consommation de
gazole.
La troisième raison tient à l'harmonisation européenne. La France avait, à
l'échelon européen, le principal écart entre les deux carburants, en dehors de
la Finlande et des Pays-Bas.
Le différentiel de taxation entre le gazole et le sans plomb est en effet de
1,43 franc par litre, alors que la moyenne européenne est de 0,97 franc par
litre.
Ainsi, comme le soulignait le rapport Bellec-Lépine-Martin, déposé en octobre
1996, sur « les conséquences de l'utilisation du gazole sur l'industrie
pétrolière et l'automobile, la santé et l'environnement », on peut conclure que
« rien ne justifie réellement l'existence d'avantages fiscaux pour la
motorisation diesel ».
Pour toutes ces raisons, ce rééquilibrage entre le gazole et le sans plomb
faisait partie des demandes formulées par le groupe socialiste l'année dernière
et était l'un des principaux éléments du rapport sur la fiscalité écologique de
Mme Nicole Bricq.
La mise en place d'un rééquilibrage progressif, par un relèvement de 7
centimes par an sur sept ans sur le gazole, est donc une excellent initiative,
d'autant plus qu'il s'accompagne d'un gel de la taxation sur l'essence sans
plomb, le GPL et le GNV, ce qui ne s'était jamais vu depuis vingt ans.
La TIPP n'est donc pas fortement augmentée, contrairement aux années 1993 à
1996, où plus de 30 milliards de francs avaient été ponctionnés sur les
ménages, la part de la TIPP dans les recettes de l'Etat passant de 8,2 %, en
1992, à 11,6 % en 1996.
Enfin, ce rééquilibrage entraînait la nécessité d'instaurer un régime
spécifique pour les transporteurs routiers. En effet, ceux-ci n'ont pas de réel
choix de carburant. De plus, le secteur est en difficulté. Enfin, comme la
France n'a pas des niveaux de taxation inférieurs pour le gazole, le
renchérissement des taxes sur le gazole, aurait entraîné des distorsions de
concurrence par rapport aux entreprises de nos voisins européens.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-177, MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
A. - Dans la dernière colonne du tableau figurant au I de l'article 18, de
remplacer le taux : « 384,62 » par le taux : « 377,23 » et le taux : « 248,18 »
par le taux : « 240,79 ».
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application du A
ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« ... - La perte de recettes résultant de l'aménagement de la fiscalité des
produits pétroliers est compensée à due concurrence par la majoration des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-14, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose, dans la dernière colonne du tableau figurant au I de cet article, de
remplacer le taux : « 384,62 » par le taux : « 382,62 » et le taux : « 248,18 »
par le taux : « 249,18 ».
L'amendement n° I-177 est-il soutenu ? ...
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n°
I-14.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'article 18, on vient de le dire, comporte deux
dispositions essentielles : d'une part, la réduction de l'écart de taxation
entre le gazole et le supercarburant sans plomb ; d'autre part - je m'en
réjouis tout particulièrement - la mise en place d'un remboursement partiel de
la TIPP sur le gazole pour les transporteurs routiers.
Je veux insister sur le fait que ces dispositions, monsieur le secrétaire
d'Etat, sont conformes aux positions constantes du Sénat, de sa commission des
finances, mais aussi de sa commission d'enquête sur la politique énergétique
qui s'est réunie récemment.
Lors de plusieurs discussions budgétaires successives, nous avions d'ailleurs
défendu, en matière de remboursement partiel de la TIPP, des idées ou des
dispositifs analogues auxquels les gouvernements successifs nous avaient
toujours fait des réponses dilatoires, mettant en avant tel ou tel obstacle
technique qui semble aujourd'hui opportunément levé, ce dont il faut se
féliciter.
L'écart de taxation entre ces deux catégories de carburant serait donc réduit
de sept centimes en 1999, l'objectif étant d'aligner cet écart de taxation en
sept ans sur l'écart moyen communautaire. Nous allons ainsi dans le bon
sens.
La commission des finances souhaiterait toutefois aller un peu plus loin et
accroître la TIPP sur le gazole de un centime tout en réduisant celle sur le
supercarburant sans plomb de deux centimes, ces chiffres étant sans effet sur
les ressources fiscales.
L'écart de taxation serait dès lors réduit non plus de sept centimes mais de
dix centimes, ce qui nous permettrait de nous aligner sur la moyenne
communautaire en cinq ans et non en sept.
Cette position est en conformité avec les recommandations de la commission
d'enquête sénatoriale ainsi qu'avec le rapport d'information de Mme le député
Nicole Bricq.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Vous avez de bonnes lectures !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quand les
parlementaires travaillent, il convient de saluer le résultat obtenu.
En outre, un tel dispositif nous permettrait d'engager une baisse de la
fiscalité de nos carburants et il aurait l'avantage d'inciter à utiliser un
carburant propre.
Il conviendrait, enfin, que tout cela n'affecte pas le système de
remboursement partiel mis au point en faveur des transporteurs routiers,
système qui nous semble tout à fait opportun.
L'amendement de la commission vise donc à faire un effort supplémentaire dans
le sens de l'alignement pour obtenir, ainsi, une convergence un peu plus
rapide.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Mme Beaudeau a demandé une pause fiscale, et je note
que le Gouvernement a proposé une stabilité de la fiscalité sur le super sans
plomb pour 1999. C'est la première fois depuis vingt ans !
M. le rapporteur général, ne se contentant pas de cet exploit à porter au
crédit du Gouvernement, propose de baisser de deux centimes la fiscalité du
supercarburant sans plomb, ce qui est, effectivement, une première depuis
encore plus longtemps.
M. Angels a très bien explicité la volonté du Gouvernement d'aller résolument,
mais de façon équilibrée, vers le rattrapage en sept ans de l'écart entre
l'écart français et l'écart européen entre le gazole et le super sans plomb.
Le Gouvernement, en proposant, d'un côté, la stabilité de la fiscalité sur le
super sans plomb et, de l'autre, le rattrapage en sept ans, par une hausse de
sept centimes du gazole, comme l'a très bien dit M. Angels, me semble avoir
fait une proposition équilibrée.
M. Alain Gournac.
Formidable !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je reconnais, monsieur le rapporteur général, que vous
faites preuve de plus d'audace, mais je crains que, ce faisant, vous ne posiez
des problèmes aux utilisateurs de gazole.
Bref, je préfère la solution du Gouvernement à la vôtre, et c'est pourquoi je
vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-14 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission maintient son amendement !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-178, MM. Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong,
Gaillard, Haenel, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent :
A. - Dans la première phrase du cinquième alinéa du texte présenté par le IV
de l'article 18 pour insérer un article 265
septies
au code général des
impôts, de remplacer la quantité : « 40 000 » par la quantité : « 50 000 ».
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant de l'application du A
ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« ... - La perte de recettes résultant de l'accroissement du quota de
carburant professionnel est compensée à due concurrence par la majoration des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article 18 bis