Séance du 23 novembre 1998
M. le président. Par amendement n° I-75 rectifié, M. de Villepin et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. Après le paragraphe 4 de l'article 200 du code général des impôts, il est inséré un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Le taux de réduction visé au 1 est porté à 60 % et la limite de 1,75 % à 6 % pour les dons faits à des organismes humanitaires intervenant en faveur de populations victimes de catastrophes naturelles. »
« II Après le paragraphe 4 de l'article 238 bis du code général des impôts, il est inséré un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... La limite de déduction mentionnée au 1 est fixée à 3,25 pour les dons faits à des organisations humanitaires intervenant en faveur de populations victimes de catastrophes naturelles. »
« III. Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I et du II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Le présent amendement vise à améliorer les dispositions de déductions d'impôt dans le cas de dons de particuliers et d'entreprises à des organisations humanitaires intervenant en faveur de populations victimes de catastrophes naturelles, voire, comme c'est le cas, en ce moment, du froid, et l'on ne peut, alors, que se rappeler l'amendement Coluche.
Les conséquences particulièrement dramatiques du récent ouragan Mitch dans quatre pays d'Amérique centrale - Honduras, Nicaragua, Salvador et Guatemala - démontrent, en effet, la nécessité d'une meilleure mobilisation de la communauté internationale et des différents donateurs éventuels, en particulier en France.
M. de Villepin, qui s'est rendu sur place pour mesurer les conséquences de cette catastrophe, a déclaré : « Les mots ne suffisent pas pour expliquer, il faut voir. »
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les événements dramatiques auxquels il vient d'être fait allusion justifient l'initiative de M. de Villepin et de ses collègues.
Après avoir souhaité, et obtenu, une rectification de sa première version, la commission s'est déclarée favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je comprends bien la motivation généreuse de cet amendement, que justifient à la fois la rigueur de la saison et les catastrophes dont nous avons été les témoins en Amérique centrale et qu'il est, c'est vrai, difficile de traduire par des mots.
On a eu raison de rappeler que, dans la loi de finances de 1990, avait été instituée une réduction d'impôt égale à 60 % du montant des dons versés à des organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté - ce que l'on a appelé familièrement l'« amendement Coluche ».
Les dons versés aux organisations humanitaires qui interviennent en faveur de populations victimes de catastrophes naturelles ouvrent droit à la même réduction d'impôt au taux de 60 %.
A mon avis, il faut garder à ces avantages fiscaux, certes substantiels mais justifiés, un champ raisonnable.
Il est proposé que la limite des versements pris en compte soit portée de 1,75 % à 6 % du revenu imposable pour les dons faits par les particuliers et de 2,25 à 3,25 du chiffre d'affaires pour les dons faits par les entreprises à ces mêmes organisations. L'intention est tout à fait généreuse, mais il m'apparaît que la limite de 6 % doit rester spécifique à l'« amendement Coluche ».
Voilà pourquoi, tout en comprenant très bien le souci qui inspire les auteurs de l'amendement, je leur demande de le retirer pour ne pas élargir inconsidérément les droits à déduction, pour ne pas, en quelque sorte, banaliser les plafonds élevés et les garder pour ceux qui en ont peut-être le plus besoin, c'est-à-dire ceux qui ont faim dans notre pays.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-75 rectifié.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le secrétaire d'Etat, le plafond de 6 % est un plafond global. Nous n'accroissons pas globalement ce plafond, nous permettons tout simplement de l'atteindre dans le cadre d'un système d' « amendement Coluche international », si vous me permettez cette expression, pour un montant égal à 60 % des dons.
Quand le Gouvernement, à juste titre, a annulé la dette des quatre pays frappés par Mitch - il faudra d'ailleurs que le Parlement soit associé à cette mesure lors du vote du collectif - c'est la solidarité nationale pour ces pays qui s'est exercée globalement, de façon institutionnelle. Il est bon que, à côté de cette décision, qui engage la France sur le plan institutionnel, les particuliers puissent exprimer, eux aussi, à leur niveau, leur solidarité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-75 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
M. le président. Par amendement n° I-76, M. Grignon et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le paragraphe 4 de l'article 200 du code général des impôts, il est inséré un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Le taux de réduction visé au 1 est porté à 100 % et la limite de 1,75 % à 6 % pour les dons faits à des organisations humanitaires visant au rachat d'esclaves. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont composées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Le présent amendement tend à élargir les déductions d'impôt en faveur des organisations humanitaires visant au rachat d'esclaves. Il ne semble pas que, à notre époque, l'on puisse parler de la sorte, mais cela existe. L'adoption d'une telle mesure s'inscrirait dans la lignée des commémorations actuelles de l'abolition de l'esclavage et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elle constituerait ainsi un signe fort.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaiterait que nos collègues veuillent bien envisager de modifier la rédaction de leur amendement, car il peut paraître un peu étrange de voir figurer, dans un texte de loi de la République, la notion d'esclave, qui, par définition, ne peut avoir de sens dans notre ordre public.
En outre, faut-il évoquer, dans un tel texte de loi, l'existence d'un « marché », avec toutes les conséquences perverses que cela suppose ? Cela n'est pas évident.
Nous comprenons bien quel est l'objectif des auteurs de l'amendement et nous partageons leur préoccupation, car il s'agit d'une grande cause humanitaire, mais il nous semble qu'une rédaction différente doit être trouvée. De ce fait, nous sollicitons le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Machet, acceptez-vous de retirer l'amendement n° I-76 ?
M. Jacques Machet. Je comprends bien les arguments de M. le rapporteur général : j'ai moi-même été embarrassé par la rédaction de cet amendement. Mais vous savez ce que c'est que d'être de service pour un groupe... (Sourires.)
Cela étant, je retire l'amendement, et je demanderai à M. Grignon de préciser sa demande.
M. le président. L'amendement n° I-76 est retiré.
Par amendement n° I-77, M. Grignon et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 239 bis AA, il est inséré dans le code général des impôts un article ainsi rédigé :
« Art. 239 bis AB. Les sociétés à responsabilité limitée, exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale, détenues directement, pour 75 % au moins, par des personnes physiques, peuvent, dans les cinq premières années de leur création, opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes mentionnné à l'article 8. L'option ne peut être exercée qu'avec l'accord de tous les associés et cesse de produire ses effets, dès lors qu'une des conditions prévues par le présent article vient à faire défaut.
« II. - Le 3° de l'article 8 du code général des impôts est complété par les mots : "ainsi que dans celles prévues à l'article 239 bis AB".
« III. - Le 1° bis du I de l'article 156 du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les sociétés mentionnées à l'article 239 bis AB, les dispositions du premier alinéa du I sont applicables.
« IV. - Les pertes de recettes, pour l'Etat, résultant de l'application des I, II et III ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Le présent amendement a pour objet de favoriser l'investissement en capital dans les PME, lesquelles connaissent de véritables difficultés de financement malgré les mécanismes existants.
Même s'il est ouvert à tous les investisseurs, personnes physiques, le dispositif proposé devrait avoir essentiellement pour effet d'aider les jeunes entrepreneurs à faire entrer dans leur capital des business angels , comme les appellent les Anglo-Saxons. Ces business angels sont généralement d'anciens chefs d'entreprise qui ont fait fortune et qui apportent des capitaux, mais aussi leur carnet d'adresses, leurs crédibilité et leur expérience.
En l'espèce, il est question non pas d'accorder une nouvelle réduction d'impôts pour la souscription au capital des PME, mais de réduire le risque pris par l'épargnant qui place des fonds dans une entreprise nouvellement créée.
Afin de drainer les fonds vers les sociétés qui en ont le plus besoin, à savoir celles qui sont de petite taille et qui débutent, le dispositif mis en place est cantonné aux SARL créées depuis moins de cinq ans, à condition qu'elles soient détenues à 75 % au moins par des personnes physiques.
On permet à l'investisseur de déduire les pertes de la société de son revenu global, à proportion de sa participation au capital. Ainsi, dans l'hypothèse d'un taux marginal d'imposition des revenus de 54 %, le risque est réduit de moitié.
Un tel dispositif serait très attractif pour les investisseurs et devrait être protecteur des deniers de l'Etat dans la mesure où l'apporteur de capitaux sera le premier à tout tenter pour protéger son investissement et éviter ainsi, dans la mesure du possible, la sortie de fonds publics.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit du premier des amendements s'inscrivant dans une série proposée par notre collègue Francis Grignon à la suite, si je ne me trompe, d'une mission d'information effectuée pour la commission des affaires économiques, mission qui portait sur les encouragements à la création d'entreprises.
M. Jacques Machet. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bon nombre de pistes intéressantes ont été ainsi explorées. La commission des finances les a examinées et elle souhaiterait qu'un débat d'ensemble puisse avoir lieu à ce propos lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances, dont notamment les articles 66 et 67 visent, sur l'initiative du Gouvernement, également à encourager la création d'entreprises. Cela serait plus cohérent.
C'est pourquoi nous sollicitons le retrait de cet amendement à cet endroit du texte ; ses auteurs pourront, s'ils le souhaitent, le représenter lors de l'examen des articles de la deuxième partie.
M. le président. Monsieur Machet, l'amendement n° I-77 est-il maintenu ?
M. Jacques Machet. Convaincu par les explications de M. le rapporteur général, je retire cet amendement, qui pourra en effet être examiné dans le cadre de la deuxième partie du projet de loi.
M. le président. L'amendement n° I-77 est retiré.
Article 4