Séance du 16 novembre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Dépôt de rapports du Gouvernement
(p.
1
).
3.
Retrait d'une question orale avec débat
(p.
2
).
4.
Candidature à une commission
(p.
3
).
5.
Financement de la sécurité sociale pour 1999
. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
4
).
Article 1er (et rapport annexé)
précédemment réservé
Articles additionnels avant l'article 2 (p.
5
)
Amendement n° 75 de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours, rapporteur
de la commission des affaires sociales ; Mme Martine Aubry, ministre de
l'emploi et de la solidarité. - Rejet.
Amendement n° 76 de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours, rapporteur
; Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Jean-Louis Lorrain. -
Rejet.
Amendement n° 77 de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours, rapporteur
; Mme le ministre. - Rejet.
Article 2 (p. 6 )
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme
Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean-Louis Lorrain, Charles Descours, rapporteur ;
Mme le ministre.
Amendements n°s 40 à 43 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ;
Mme le ministre, MM. Alain Vasselle, rapporteur ; Dominique Leclerc, Claude
Huriet, Claude Domeizel, Guy Fischer. - Adoption des quatre amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 2 (p. 7 )
Amendement n° 49 de M. Arthuis. - MM. Jean-Louis Lorrain, Charles Descours,
rapporteur. - Retrait.
Mme le ministre.
Article 2 bis (p. 8 )
M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. Adoption de l'article.
Article 3. - Adoption (p.
9
)
Article 3
bis
(p.
10
)
Amendements n°s 44 de la commission et 91 du Gouvernement. - M. Alain Vasselle, rapporteur ; Mme le ministre, M. Charles Descours, rapporteur ; Mme Marie-Madeleine Dieulangard. - Adoption de l'amendement n° 44 supprimant l'article, l'amendement n° 91 devenant sans objet.
Article 3 ter (p. 11 )
Amendement n° 1 rectifié de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ;
Mme le ministre, MM. Jacques Oudin, au nom de la commission des finances ;
Dominique Leclerc, Jacques Oudin. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 3 ter (p. 12 )
Amendement n° 60 de M. Louis Boyer. - MM. Louis Boyer, Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 4 (p. 13 )
Amendement n° 2 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le
ministre, M. Guy Fischer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard. - Adoption.
Amendement n° 3 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le
ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5 (p. 14 )
M. Charles Descours, rapporteur.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 5 (p. 15 )
Amendement n° 4 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le
ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 86 rectifié de M. Trégouët. - MM. Dominique Leclerc, Charles
Descours, rapporteur. - Retrait.
Article 6 (p. 16 )
M. Jacques Machet.
Amendements n°s 5 de la commission et 93 du Gouvernement. - M. Charles
Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Retrait de l'amendement n° 5 ;
adoption de l'amendement n° 93.
Adoption de l'article modifié.
Article 7 (p. 17 )
Amendement n° 6 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 8 (p. 18 )
M. Charles Descours, rapporteur.
Adoption de l'article.
Article 9 (p. 19 )
Amendement n° 94 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. Charles Descours,
rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 9 (p. 20 )
Amendement n° 53 de M. Arnaud. - MM. Philippe Arnaud, Charles Descours,
rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 54 de M. Arnaud. - MM. Philippe Arnaud, Charles Descours,
rapporteur ; Mme la ministre, M. Jean Chérioux. - Rejet.
Article 10. - Adoption (p.
21
)
Article 11 (p.
22
)
M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre.
Adoption de l'article.
Article 11 bis (p. 23 )
Amendement n° 7 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat, Jacques Oudin, Jean-Louis Lorrain, Claude Huriet, François Autain. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 11 ter (p. 24 )
M. Claude Huriet.
Amendement n° 8 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le
ministre, M. Claude Huriet. - Adoption.
Amendement n° 92 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le
ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 11 quater (p. 25 )
Amendement n° 9 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article additionnel avant l'article 12 (p. 26 )
Amendement n° 10 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 12 (p. 27 )
Amendement n° 11 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le
ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 12 (p. 28 )
Amendement n° 85 rectifié de M. Bernard. - MM. Jean Bernard, Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Retrait.
Article 13 (p. 29 )
M. Guy Fischer.
Amendement n° 78 rectifié de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours,
rapporteur ; Mme le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 13 (p. 30 )
Amendements identiques n°s 46 de la commission et 50 de M. Jean-Louis Lorrain.
- MM. Charles Descours, rapporteur ; Jean-Louis Lorrain, Mme le ministre ; MM.
Gilbert Chabroux, Jacques Machet. - Retrait de l'amendement n° 50 ; adoption de
l'amendement n° 46 insérant un article additionnel.
Amendement n° 79 de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours, rapporteur
; Mme le ministre. - Retrait.
Article 14 (p. 31 )
M. Claude Huriet, Mmes Marie-Claude Beaudeau, le ministre, M. Charles Descours,
rapporteur.
Adoption de l'article.
Article additionnel avant l'article 15 (p. 32 )
Amendement n° 80 de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, Charles Descours, rapporteur
; le secrétaire d'Etat. - Retrait.
M. le président.
6.
Nomination d'un membre d'une commission
(p.
33
).
Suspension et reprise de la séance
(p.
34
)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
7. Financement de la sécurité sociale pour 1999. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 35 ).
Article 15 (p. 36 )
Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la
santé.
Adoption de l'article.
Article 16 (p. 37 )
Mme Nicole Borvo.
Amendement n° 12 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur de la
commission des affaires sociales ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 13 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 64 de M. Huriet. - MM. Claude Huriet, Charles Descours,
rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 17 (p. 38 )
Mme Nicole Borvo, M. le secrétaire d'Etat.
Amendement n° 14 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat, François Autain, Dominique Leclerc. - Adoption de
l'amendement supprimant l'article.
Article 18 (p. 39 )
Amendement n° 15 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat, Claude Huriet. - Adoption.
Amendement n° 16 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat, Claude Huriet, François Autain. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 19 (p. 40 )
Amendement n° 58 de M. Bernard. - MM. Jean Bernard, Charles Descours,
rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 59 de M. Bernard. - Adoption.
Amendement n° 17 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ; le
secrétaire d'Etat. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article 20 (p. 41 )
Amendements n°s 18 à 20 de la commission. - MM. Charles Descours, rapporteur ;
le secrétaire d'Etat. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 21 (p. 42 )
Amendements n°s 21 de la commission, 88 et 89 de M. Autain. - MM. Charles Descours, rapporteur ; François Autain, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. Claude Huriet. - Adoption de l'amendement n° 21 rédigeant l'article, les amendements n°s 88 et 89 devenant sans objet.
Article 22 (p. 43 )
Amendement n° 22 de la commission. - M. Charles Descours, rapporteur ; Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 22 bis (p. 44 )
Amendement n° 23 rectifié de la commission et sous-amendement n° 95 de M.
Bernard ; amendements n°s 61 rectifié de M. Leclerc, 51 de M. Baudot et 55 de
Mme Dieulangard. - MM. Charles Descours, rapporteur ; Jean Bernard, Dominique
Leclerc, Jean-Louis Lorrain, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, le ministre, M.
le secrétaire d'Etat. - Retrait du sous-amendement n° 95 ; adoption des
amendements identiques n°s 23 rectifié et 61 rectifié, les amendements n°s 51
et 55 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 23 (p. 45 )
Mme Nicole Borvo, MM. Charles Descours, rapporteur ; le secrétaire d'Etat.
Amendement n° 65 de M. Huriet. - MM. Claude Huriet, Charles Descours,
rapporteur ; le secrétaire d'Etat, Dominique Leclerc, François Autain, Mme
Marie-Claude Beaudeau. - Adoption.
Amendement n° 66 de M. Huriet. - MM. Claude Huriet, Charles Descours,
rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 52 de M. Leclerc. - MM. Dominique Leclerc, Charles Descours,
rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 67 de M. Huriet. - MM. Claude Huriet, Charles Descours,
rapporteur ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
8.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
46
).
9.
Ordre du jour
(p.
47
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- en application de l'article 20 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant
diverses dispositions d'ordre économique et financier, le rapport sur la
situation économique et financière du secteur public ;
- en application de l'article 24 de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993, le
rapport annuel sur la mise en oeuvre des opérations de transfert au secteur
privé d'entreprises publiques, de cession de participations minoritaires de
l'Etat et d'ouverture du capital d'entreprises publiques.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
3
RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE
AVEC DÉBAT
M. le président.
J'informe le Sénat que M. Ivan Renar a fait connaître qu'il retire la question
orale avec débat n° 1 qu'il avait posée à Mme le ministre de la culture et de
la communication.
Cette question avait été communiquée au Sénat le 24 février 1998.
Acte est donné de ce retrait.
4
CANDIDATURE À UNE COMMISSION
M. le président.
J'informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence
le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires
sociales en remplacement de Roger Mazars, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
5
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 50,
1998-1999) de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté par
l'Assemblée nationale. [Rapport n° 58 (1998-1999) et avis n° 56
(1998-1999).]
La discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
ORIENTATIONS ET OBJECTIFS
DE LA POLITIQUE DE SANTÉ
ET DE SÉCURITÉ SOCIALE
Article 1er (et rapport annexé)
(réservé)
M. le président.
Je rappelle qu'a été ordonnée la réserve de l'article 1er et du rapport annexé
jusqu'après la discussion de l'article 36.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Articles additionnels avant l'article 2
M. le président.
Par amendement n° 75, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer avant l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« A compter du 1er janvier 1999, il est mis en oeuvre une réforme du mode de
calcul des cotisations dues en application de l'article L. 242-1 du code de la
sécurité sociale.
« Les entreprises seront catégoriées en fonction de leur secteur
d'activité.
« Les cotisations seront modulées selon l'évolution du rapport entre masse
salariale et valeur ajoutée globale tel que ressortant de l'analyse des comptes
sociaux de chaque entreprise au dernier exercice clos avant le 1er janvier
1999. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Cet amendement a trait à l'une des questions essentielles qui nous sont posées
quant au devenir de la protection sociale : celle de la définition des
meilleurs outils de financement de notre régime général de sécurité sociale.
Comment ne pas souligner que cette donnée essentielle fait encore défaut dans
le projet de loi de financement qui nous est soumis et que la nécessaire
réforme des cotisations sociales acquittées par les entreprises n'est évoquée
que dans le rapport annexé au présent texte ?
Le débat reste, à ce sujet, tout à fait ouvert, et cela indépendamment du
constat de la situation actuelle, caractérisée par la fragilité de l'équilibre
retrouvé des comptes sociaux. Cet équilibre n'est que la traduction de la
pleine application des mesures de fiscalisation de la protection sociale qui
ont été prises par le passé.
Le mode actuel de calcul des cotisations n'est rien moins que satisfaisant,
même s'il n'est pas, à nos yeux, opportun d'y renoncer sous prétexte de
modernité.
Selon nous, le financement de la protection sociale doit essentiellement
reposer sur l'utilisation de la richesse créée dans les entreprises. Autrement
dit, nous devons réaffirmer que le lieu naturel de financement est le lieu de
travail et d'activité.
Cette remarque préliminaire conserve d'autant plus sa portée que le processus
de fiscalisation entamé voilà plusieurs années ne peut suffire à assurer le
financement de cette importante fonction collective qu'est la protection
sociale.
Devons-nous nous satisfaire d'une démarche qui laisserait entendre que la
contribution des entreprises ne peut être accrue sans risque pour l'emploi,
avec tout ce que cela peut impliquer comme coûts sociaux ?
On dit ici et là que le travail serait trop taxé. Peut-être, mais c'est en
comparaison du traitement dont bénéficient les comportements de gestion
d'entreprise qui ignorent la rémunération du travail au profit de la recherche
de la rentabilité financière ou des gains de productivité par substitution du
capital au travail.
Faut-il pour autant se contenter de concevoir une taxation de la valeur
ajoutée au titre de la protection sociale ? Dieu merci, avec un taux normal de
20,6 %, cette valeur ajoutée est déjà largement mise à contribution !
Cela étant, le nécessaire développement de la solidarité entre les générations
implique de ne pas perdre de vue que les conditions de la production de biens
et de services ont profondément changé depuis la naissance de la sécurité
sociale : les solutions durables et équilibrées de financement de la protection
sociale doivent en tenir compte.
Notre démarche est relativement simple.
On ne peut, objectivement, maintenir les choses en l'état, attendu que la
perspective est, qu'on le veuille ou non, celle d'une réduction progressive des
garanties proposées par le régime général ou, à défaut, d'un accroissement de
la charge du financement pour les ménages et les salariés.
Il nous semble donc nécessaire d'opter pour un financement de la protection
sociale qui interpelle la gestion d'entreprise et pénalise des choix
aujourd'hui encore trop souvent opérés contre l'emploi.
Nous proposons de maintenir la retenue sur rémunérations comme socle de
financement de la protection sociale et de procéder à une répartition
équilibrée de la charge du financement, prenant en compte les spécificités des
différents secteurs d'activité économique.
La contribution des entreprises serait alors profondément modifiée, selon
leurs choix de gestion. Ainsi, la cotisation due serait majorée dès lors que
seraient privilégiés les investissements spéculatifs ou l'utilisation de la
richesse créée par le travail à des placements financiers divers, au détriment
de l'emploi et des salaires, c'est-à-dire de la base naturelle du financement
de la protection sociale.
Nous proposons par ailleurs de retenir une conception élargie de la valeur
ajoutée au regard de celle qui ressort des déclarations de TVA des entreprises,
la valeur ajoutée devant notamment intégrer le produit d'une utilisation
strictement financière des richesses créées.
En cela, nous sommes relativement proches de la conception défendue l'an
dernier par M. Chadelat dans son rapport sur le devenir de la protection
sociale. Nous reconnaissons être, en revanche, un peu éloignés des conclusion
de M. Malinvaud.
En fait, nous sommes plutôt partisans d'une modulation traitant la valeur
ajoutée comme une variable d'ajustement de la contribution des entreprises.
Cette proposition est à verser au débat sur le devenir de la protection
sociale. Elle constitue en quelque sorte notre apport à ce débat, que la nation
entière doit mener et qui s'ouvrira, madame la ministre, au cours du premier
semestre 1999.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie.
Cet amendement vise à mettre
en oeuvre une réforme de l'application des règles du financement de la sécurité
sociale en ce qui concerne les entreprises.
Sur le fond, la réforme de l'assiette des cotisations patronales est légitime.
On en parle depuis longtemps. Deux rapports ont été consacrés à ce sujet, celui
de M. Chadelat et celui de M. Malinvaud, que nous avons tous deux entendus en
commission.
Toutefois, d'après ce que j'ai lu dans la presse, cette réforme de l'assiette
des cotisations patronales semble avoir donné lieu à un débat au sein du
Gouvernement. J'imagine qu'il en a été de même au sein de la majorité
plurielle. Dès lors, les membres du groupe communiste républicain et citoyen
sont effectivement plutôt mieux placés que nous pour obtenir de telles
modifications dans le projet de loi.
(Sourires.)
Lorsque la réforme de l'assiette des cotisations patronales nous sera
présentée par le Gouvernement, nous dirons ce que nous en pensons. Je note
simplement, monsieur Fischer que vous faites des reproches à un gouvernement
que vous soutenez par ailleurs.
J'en viens à la forme. A cet égard, le dispositif que vous proposez est
techniquement complexe et pratiquement inapplicable. C'est pourquoi la
commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Effectivement, monsieur le
rapporteur, le groupe communiste républicain et citoyen est mieux placé pour
influencer le Gouvernement que vous-même. Mais nous serions tout de même ravis
de trouver un large accord sur une réforme des cotisations patronales.
Comme j'ai été amenée à le dire dans mon intervention liminaire, nous devons
procéder à cette réforme des cotisations patronales, et y procéder promptement,
non seulement parce qu'il faut asseoir la sécurité sociale sur une base pérenne
plus juste, mais aussi parce que c'est un élément essentiel pour favoriser
l'emploi dans notre pays.
Il est clair que la question d'une cotisation assise sur la valeur ajoutée
fait partie du débat, même si, après le rapport Malinvaud, beaucoup s'accordent
à considérer qu'un abandon total de l'assiette salaires au profit d'une
assiette valeur ajoutée poserait des problèmes ou aurait des effets pervers. Ce
n'est d'ailleurs pas ce vous proposez aujourd'hui, monsieur Fischer. Vous optez
pour une formule assez proche de ce que suggérait M. Chadelat.
Celle-ci pose toutefois deux types de problèmes, ce qui ne veut pas dire que
l'idée qui la sous-tend doive être écartée d'emblée.
Tout d'abord, elle fixe des taux de cotisation différents selon le rapport
entre masse salariale et valeur ajoutée. Or la Commission européenne considère,
semble-t-il, que cela entraîne des aides différenciées selon les secteurs, ce
qui produirait les mêmes difficultés que celles que nous avons rencontrées avec
l'aide au secteur textile.
Ensuite, cette formule prend en compte l'évolution de la valeur ajoutée ; or
c'est un élément que nous ne connaissons que très tardivement.
Bien sûr, la valeur ajoutée est l'ensemble des éléments sur lesquels repose la
richesse de l'entreprise. Par conséquent, c'est sans doute un des critères
susceptibles d'être pris en compte. Toutefois, je ne suis pas sûre que ce soit
exactement cette formule qu'il faille retenir.
Quoi qu'il en soit, nous y réfléchissons et nous y travaillons. Le
Gouvernement s'est engagé à déposer un projet de loi au premier semestre 1999,
car cette réforme doit s'intégrer dans l'ensemble de nos dispositifs visant à
rendre la croissance plus riche en emplois. Nous devrions, à ce moment-là,
parvenir à un accord sur les modalités, étant donné que nous sommes d'accord
sur le fond.
Dans ces conditions, monsieur Fischer, je serais heureuse que vous acceptiez
de retirer cet amendement.
M. le président.
Monsieur Fischer, l'amendement est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
Oui, monsieur le président.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Dans ces conditions, le
Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 75.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Nous sommes particulièrement attachés à un certain nombre d'amendements de
fond que nous avons déposés au fil du texte et qui visent à conforter
d'éventuelles décisions que Mme la ministre pourrait prendre au cours des
prochains mois. Certes, nous ne demandons pas à la majorité du Sénat de nous
appuyer - nous sommes sans illusions - mais nous souhaitons que le Parlement se
fasse aujourd'hui l'écho des problèmes posés par le devenir de notre régime de
protection sociale. C'est pourquoi nous entendons débattre et poursuivre le
dialogue.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Monsieur Fischer, n'interpellez pas la majorité du Sénat :
c'est le Gouvernement qui s'oppose à votre amendement !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mais nous sommes ici au Parlement, et dans notre rôle de parlementaires !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Et puisque, comme vous l'avez déclaré, il s'agit pour vous
d'un amendement de fond, qui ne reçoit pas le soutien du Gouvernement, j'espère
que vous ne voterez pas le projet de loi !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous verrez en temps voulu ce que nous ferons !
M. Alain Gournac.
On vous attend, les communistes !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ce qui est sûr, c'est que nous ne voterons pas le texte de la majorité
sénatoriale !
M. Guy Fischer.
Nous ne nous faisons pas d'illusions à votre égard !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 75, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 76, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa du I de l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24
janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est complété
in
fine
par les mots : "ainsi qu'à l'exception des revenus d'activité et de
remplacement des travailleurs frontaliers, conformément à l'article 13,
chapitre 2, du règlement de la CEE 1408/71".
« II. - Le taux de la contribution visée à l'article L. 136-6 du code de la
sécurité sociale est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Les travailleurs frontaliers non soumis à la législation relative au
financement de la sécurité sociale française sont tout de même assujettis à la
contribution au remboursement de la dette sociale prévue par la loi du 24
janvier 1996. En les exonérant de ce prélèvement, notre amendement mettrait fin
à une situation injuste et juridiquement contraire à la législation
européenne.
En effet, selon le règlement CEE n° 1408/71 relatif à l'application des
régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non
salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la
Communauté européenne, la contribution au remboursement de la dette sociale
doit être considérée comme une cotisation sociale et non comme un impôt.
L'article 13 du deuxième paragraphe du règlement précité dispose qu'elle ne
peut être prélevée sur les revenus d'activité ou de remplacement des
travailleurs qui échappent à la législation française relative au financement
de la sécurité sociale.
Nous avions déjà déposé cet amendement ; si nous le présentons de nouveau,
c'est afin que, au-delà des divergences de points de vue, le débat puisse être
définitivement clos sur ce point.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Une fois n'est pas coutume, les membres du groupe communiste
républicain et citoyen sont les plus européens de cet hémicycle !
(Sourires.)
Nous en prenons acte.
Sur le fond, et pour éviter tout contresens, rappelons que la contribution au
remboursement de la dette sociale, qui est un impôt, n'est pas appelée à
financer les régimes de sécurité sociale. Son produit est en effet affecté à la
Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, qui est non pas un
organisme de sécurité sociale - elle ne sert donc aucune prestation - mais un
établissement public chargé d'apurer la dette sociale en émettant des emprunts
sur les marchés financiers. On ne voit donc pas très bien comment,
d'exonération en exonération, la CADES pourra finalement rembourser les
emprunts qu'elle lève sur les marchés.
En conséquence, nous ne partageons pas l'analyse de la Commission européenne,
qui assimile ce prélèvement fiscal à une cotisation de sécurité sociale
relevant du champ matériel du règlement CEE n° 1408/71.
La CRDS est un impôt auquel sont assujetties, notamment sur leur revenu
d'activité et de remplacement, et indépendamment de leur qualité éventuelle
d'assuré social, les personnes domiciliées fiscalement en France, le cas
échéant en application de conventions fiscales. C'est normalement le cas des
travailleurs frontaliers considérés comme fiscalement domiciliés dans l'Etat de
résidence et non dans l'Etat d'emploi, qui se trouvent donc redevables de cette
contribution.
Par ailleurs, le gage proposé n'est pas pertinent dans la mesure où il
tendrait à faire croire que la CRDS est une contribution sociale. Or, il est
important d'insister sur ce point : son produit est affecté non pas aux régimes
sociaux mais à la CADES.
L'amendement n'est pas plus acceptable sur le fond, puisque sa mise en oeuvre
tendrait à alourdir le taux de la CSG pesant sur les revenus du patrimoine.
Pour ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de rejeter cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Je sais qu'un différend nous oppose à la
Commission européenne sur ce sujet, mais je partage l'avis de M. le rapporteur
: il s'agit là d'un impôt et non d'une cotisation. Ce différend pourra nous
amener devant la Cour de justice des Communautés européennes mais, en tout état
de cause, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 76.
M. Jean-Louis Lorrain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Mon collègue Guy Fischer a posé un vrai problème. Nous comprenons que le sujet
n'a pas à entrer en ligne de compte dans la discussion, puisqu'il s'agit
effectivement d'un impôt, mais le flou persistant et suscitant d'incessants
conflits entre Paris et Bruxelles, il serait nécessaire que nos travailleurs
frontaliers soient intégralement et définitivement informés sur leurs droits et
devoirs.
M. Guy Fischer.
Voilà !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 76, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 77, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 2, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, il est créé
une section 3
bis
ainsi rédigée :
« Section 3
bis.
« De la contribution sociale sur les revenus du patrimoine et de placement des
entreprises.
«
Art. L. 136-7
bis
I.
- Les produits de placement et les
revenus du patrimoine des entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés
sont soumis à une contribution sociale.
«
II.
- L'assiette de cette contribution est constituée par l'ensemble
des revenus fonciers, des revenus de capitaux mobiliers, des plus-values, des
gains en capital et profits réalisés sur les marchés à terme d'investissements
financiers et de marchandises, ainsi que sur les marchés d'options
négociables.
« Elle est également constituée par l'ensemble des revenus tirés de placements
sur les marchés obligataires et sur les titres inscrits à la cote officielle
des bourses de valeurs.
« II. - Dans le I de l'article L. 136-8 du même code, après la référence : "L.
136-7" est insérée la référence : ", L. 136-7
bis
". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
La mise en oeuvre de la réforme du financement de la protection sociale ne
peut être considérée comme achevée et le débat qui est ouvert, notamment sur la
réforme des cotisations patronales, en est l'illustration.
De la même façon que nous ne pouvons considérer comme clos le débat sur la
participation des salariés et des ménages au financement de la protection
sociale, au travers notamment de l'extension de la contribution sociale
généralisée, nous ne pouvons considérer comme entièrement bouclé le débat sur
la participation des entreprises au financement de la protection sociale.
Nous avons eu l'occasion de souligner à quel point il nous paraissait
regrettable que la mise en oeuvre de la réforme des cotisations patronales soit
en quelque sorte reportée.
Nous avons même un peu l'impression que l'apparence du redressement des
comptes sociaux que laisse transparaître l'article d'équilibre du présent
projet de loi de financement pourrait servir à justifier ce léger retard.
Nous sommes donc en quelque sorte contraints de rappeler quelques données
fondamentales.
En l'état actuel de la législation fiscale et sociale, nous sommes en effet
confrontés à quelques incohérences relatives.
S'agissant des ménages, ils sont aujourd'hui soumis à l'impôt sur le revenu,
selon les formes que nous lui connaissons, notamment moyennant une large
exonération des revenus non salariaux et, singulièrement, des revenus du
capital et du patrimoine.
On sait en effet que la part relative des salaires, des traitements, des
pensions et retraites dans l'assiette de l'impôt sur le revenu est plus
importante qu'elle ne l'est en réalité dans le revenu moyen.
Cette égalité de traitement n'est d'ailleurs que dégagée imparfaitement dans
le cadre de l'application de la contribution sociale généralisée, dont il
convient d'observer qu'elle est aujourd'hui d'un rapport plus important que
l'impôt sur le revenu, ce qui ne peut manquer de soulever des interrogations
quant aux caractères de la redistribution à partir d'un impôt
proportionnel...
S'agissant des entreprises, force est de constater que l'essentiel des
prélèvements fiscaux et sociaux qui les concernent sont assis sur les
salaires.
Les salaires, en l'occurrence, servent de référence pour le calcul des
cotisations sociales, tandis que c'est l'activité elle-même de l'entreprise qui
est prise en compte pour définir tant le résultat fiscal imposable au titre de
l'impôt sur les sociétés que le montant de TVA collectée, comme de la TVA
déductible.
La référence au salaire pour la définition des cotisations sociales a
l'incontestable mérite de la lisibilité, y compris pour le salarié.
Elle a, certes, un défaut, bien connu, celui de laisser croire que
l'augmentation éventuelle des effectifs ou des rémunérations engendre
naturellement une hausse des cotisations sociales des entreprises. Comme si, de
manière à la fois proche et lointaine, cette augmentation des salaires et/ou
des effectifs n'était pas productrice de valeur ajoutée complémentaire pour une
entreprise. Proche, parce que cela motive une augmentation de la capacité de
développement de l'entreprise, et lointaine, parce que cela participe du
développement des débouchés de l'activité économique.
Il n'en demeure pas moins que les choix de gestion qui ont été faits, et ceux
qui peuvent l'être encore aujourd'hui ou demain, par les entreprises, en faveur
à la fois de la substitution du capital au travail ou de l'utilisation
strictement financière de la valeur ajoutée créée par le travail, ne sont
aujourd'hui pas le moins du monde pénalisés.
Combien d'entreprises ont pu, dans les années quatre-vingt et depuis le début
des années quatre-vingt-dix, opter pour une majoration de leurs placements
financiers, en vue d'équilibrer leurs propres comptes financiers et de dégager,
notamment, les plus-values indispensables pour bonifier les emprunts contractés
?
De tels choix, dès lors que rien ne vient en dissuader ceux qui les font,
peuvent continuer à peser dans la gestion et à s'imputer, en toute logique, sur
le financement de la protection sociale.
Nous proposons donc que soit mise en oeuvre une contribution sociale des
revenus du patrimoine et de placement des entreprises, contribution dont l'un
des objectifs est de permettre un financement de la protection sociale et de
dégager, notamment, des marges de manoeuvre nouvelles en faveur de l'emploi ou
de l'allégement des cotisations assises sur le travail.
C'est le sens de cet amendement que je vous invite, mes chers collègues, à
adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous n'avons pas encore commencé l'examen des articles du
projet de loi présenté par le Gouvernement et voté par l'Assemblée nationale
que le groupe communiste vient de faire part, à deux reprises, de son désaccord
fondamental sur ce texte.
M. Guy Fischer.
Non, c'est le point qui est fondamental !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Le groupe communiste ayant déposé le même amendement à
l'Assemblée nationale, mes chers collègues, je vais utiliser l'argumentaire que
le rapporteur socialiste de l'Assemblée nationale a développé pour le
rejeter.
Premièrement, la CSG est assise sur les personnes et non sur les
entreprises.
M. Alain Gournac.
Voilà !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Deuxièmement, les revenus financiers des entreprises sont
déjà pris en compte dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
Troisièmement, la réforme des cotisations patronales ne peut aboutir dans le
cadre d'un accroissement des prélèvements sur les entreprises, c'est-à-dire des
prélèvements obligatoires.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. Alain Gournac.
Bien !
M. Charles Descours,
rapporteur.
J'insiste sur le fait que le parti communiste, depuis vingt
minutes, manifeste son total désaccord sur un projet de loi élaboré par un
gouvernement qu'il soutient !
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est de la « politicaillerie » qui ne répond en rien sur le fond !
M. le président.
Monsieur le rapporteur, il s'agit au Sénat du groupe communiste républicain et
indépendant et non pas du parti communiste !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je n'ai toujours pas vu la différence !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, ne
prenez pas vos désirs pour des réalités ! Vous verrez que nous sommes d'accord
sur l'essentiel. Je constate que le groupe communiste républicain et citoyen se
réfère au rapporteur socialiste de l'Assemblée nationale, preuve que tout cela
évolue dans le bon sens !
Le problème de la taxation des dividendes et du patrimoine est bien évidemment
l'un des éléments qui doivent s'inscrire dans la réflexion sur la réforme des
cotisations patronales. L'année dernière, la réforme des cotisations salariales
et le 1 % « allocations familiales » ont permis de prélever environ 48
milliards de francs sur les revenus de capitaux, dont 23 milliards de francs
d'augmentation nette par le biais du transfert des cotisations sociales sur la
CSG. Nous devons poursuivre, comme je l'ai dit tout à l'heure, la concertation
et la réflexion avant de nous mettre d'accord sur un dispositif définitif, dont
nous débattrons lors de l'examen du projet de loi qui sera déposé au premier
semestre 1999.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 77, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - I. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 651-2-1
du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables au solde cumulé du
produit de la contribution sociale de solidarité résultant de l'application du
premier alinéa dudit article, constaté au 31 décembre 1998.
« II. - Un prélèvement d'un milliard de francs est opéré en 1999 sur le
produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, au
profit du budget annexe des prestations sociales agricoles.
« Les dispositions du
b
du 2° de l'article L. 139-2 du code de la
sécurité sociale ne sont pas applicables, pour l'exercice 1999, au régime des
exploitants agricoles.
« III. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa de l'article L. 651-1, les références : "aux articles
L. 621-3, L. 721-1 et L. 723-1," sont remplacées par les mots : "aux 1° et 2°
de l'article L. 621-3, ainsi qu'au profit du Fonds de solidarité vieillesse
mentionné à l'article L. 135-1," ;
« 2° L'article L. 651-2-1 est ainsi modifié :
«
a)
Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le cas échéant, le solde du produit de la contribution résultant de
l'application des dispositions de l'alinéa précédent est versé au Fonds de
solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1. » ;
«
b)
La première phrase du dernier alinéa est complétée par les mots :
"et le Fonds de solidarité vieillesse" ;
« 3° Le premier alinéa de l'article L. 135-3 est complété par un 4° ainsi
rédigé :
« 4° Une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité
sociale et du budget, du solde du produit de la contribution sociale de
solidarité à la charge des sociétés visé au deuxième alinéa de l'article L.
651-2-1. »
« Les dispositions du présent III entrent en vigueur à compter de l'exercice
1999.
« IV. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° L'article L. 135-1 est ainsi modifié :
«
a)
Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds a également pour mission de gérer un fonds de réserve pour les
régimes d'assurance vieillesse visés à l'article L. 222-1 et aux 1° et 2° de
l'article L. 621-3. »,
«
a
bis) Au deuxième alinéa, les mots : "qui est assisté d'un comité
de surveillance composé notamment de membres du Parlement" sont remplacés par
les mots : "qui est assisté dans les missions mentionnées aux premier et
deuxième alinéas d'un comité de surveillance composé notamment de membres du
Parlement, de représentants des assurés sociaux désignés par les organisations
syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au plan national
ainsi que de représentants des employeurs et travailleurs indépendants désignés
par les organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs
indépendants représentatives", »
«
b)
Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les opérations du Fonds de solidarité vieillesse correspondant à chacune des
missions respectivement mentionnées au premier et au deuxième alinéa du présent
article sont retracées en deux sections distinctes. » ;
« 2° Au premier alinéa de l'article L. 135-2, les mots : "Les dépenses prises
en charge par le fonds visé à l'article L. 135-1 sont les suivantes" sont
remplacés par les mots : "Les dépenses prises en charge par le Fonds de
solidarité vieillesse au titre du premier alinéa de l'article L. 135-1 sont les
suivantes" ; »
« 3° L'article L. 135-3 est ainsi modifié :
«
a)
Au premier alinéa, les mots : "Les recettes du fonds sont
constituées par" sont remplacés par les mots : "Les recettes du fonds affectées
au financement des dépenses mentionnées à l'article L. 135-2 sont constituées
par", »
«
b)
Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les recettes et les dépenses du fonds de la première section doivent être
équilibrées, dans des conditions prévues par les lois de financement de la
sécurité sociale. » ;
« 4° Les articles L. 135-4, L. 135-5 et L. 135-6 deviennent respectivement les
articles L. 135-1-1, L. 135-4 et L. 135-5 ;
« 5° Après l'article L. 135-1-1, il est créé une section 1 intitulée :
"Opérations de solidarité" et comprenant les articles L. 135-2 à L. 135-5 ;
« 6° Après l'article L. 135-5, il est inséré une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Fonds de réserve
«
Art. L. 135-6
. - Les recettes du fonds affectées aux missions
définies au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 sont constituées par :
« 1° Une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité
sociale et du budget, du solde du produit de la contribution sociale de
solidarité à la charge des sociétés visé au deuxième alinéa de l'article L.
651-2-1 ;
« 2° Tout ou partie du résultat excédentaire de la première section, dans des
conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du
ministre chargé du budget ;
« 3° Toute ressource affectée au fonds de réserve en vertu de dispositions
législatives. »
Sur l'article, la parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance
vieillesse.
Madame la ministre nous a annoncé que le Gouvernement
subordonnait toute réforme des régimes de retraite au diagnostic sur les
retraites demandé au Commissariat général du plan.
Je réitère la question que j'ai posée lors de la discussion générale :
était-il véritablement nécessaire d'établir un nouveau rapport sur les
retraites, trois ans à peine après la publication de l'étude du Commissariat
général du plan consacrée aux « perspectives à long terme des retraites », dont
les enseignements étaient suffisamment éloquents, pour engager sans tarder les
réformes nécessaires ?
Ce rapport de 1995 a mis en lumière l'ampleur des déséquilibres futurs de nos
régimes de retraite.
Il évalue ainsi les besoins de financement annuels du seul régime général à
107 milliards de francs en 2015. Si l'on additionne les besoins de financement
annuels en 2015 des différents régimes étudiés par ce rapport, on obtient un
total de 330 milliards de francs par an. Et encore ce rapport n'a-t-il étudié
qu'une partie des régimes de salariés : les besoins de financement totaux de
l'ensemble des régimes de retraite en 2015 seront donc supérieurs à ce
chiffre.
Face à ces difficultés prévisibles, le Gouvernement propose d'ores et déjà,
sans attendre les conclusions du nouveau diagnostic, de créer un fonds de
réserve pour les retraites, dont la finalité et les modalités de financement
restent particulièrement floues.
En annonçant la constitution d'un tel fonds de réserve, le Gouvernement semble
faire le choix de la « répartition provisionnée » préconisée par M. Olivier
Davanne dans son rapport au Conseil d'analyse économique. La répartition
provisionnée désigne la constitution de réserves au sein des régimes de
répartition.
Dans un système de répartition provisionnée, les régimes de retraite se
concentrent sur leur rôle « d'assureurs intergénérationnels » et gèrent des
réserves financières importantes. Les jeunes générations héritent ainsi en
contrepartie de la dette implicite laissée par leurs parents d'un patrimoine,
productif de revenus, qui allège le poids des cotisations retraite payées par
les actifs.
La constitution de réserves peut avoir deux objectifs. Ou bien un simple
lissage : les sommes accumulées sont dépensées au moment où les besoins de
financement l'exigent, jusqu'à la disparition totale du fonds. Ou bien la
constitution d'un fonds durable et permanent dont les revenus financiers
permettent de faire face aux besoins de financement.
Selon que l'on choisit l'une ou l'autre des deux options, les montants
nécessaires sont très différents. Ils sont naturellement beaucoup plus élevés
dans l'hypothèse de la création d'un fonds permanent.
A ce jour, le Gouvernement n'a pas encore indiqué quelle serait véritablement
la finalité du fonds de réserve ainsi créé.
En outre, les dotations financières affectées à ce fonds de réserve ne
semblent pas à la hauteur des enjeux.
Le fonds de réserve devrait en effet, dans l'immédiat, être alimenté à hauteur
de 2 milliards de francs par un prélèvement sur les excédents d'une taxe sur le
chiffre d'affaires des entreprises, créée pour alimenter les régimes de
sécurité sociale des personnes non salariées. Cette somme - il faut le
souligner - correspond à un jour de versement de prestations vieillesse de
notre pays.
MM. Alain Gournac et Jean Chérioux.
Eh oui, un jour !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Comme la réforme Balladur !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Le Gouvernement a également évoqué - mais sans s'engager
formellement - une éventuelle affectation des fonds propres des caisses
d'épargne, pour un montant de 15 milliards de francs environ.
Or pour que le fonds de réserve apporte, par les revenus financiers qu'il
dégagera, une réponse crédible aux besoins futurs, il faudrait en réalité
atteindre très rapidement un montant d'encours colossal, évalué, selon les
hypothèses, qui font apparaître, il est vrai, des différences importantes,
entre 4 000 et 9 000 milliards de francs. Je signale au passage que 4 000
milliards de francs, c'est plus de deux fois le budget de l'Etat.
L'éventualité d'une surcotisation pour alimenter ce fonds n'a pas été exclue
par le Gouvernement.
La commission des affaires sociales se demande toutefois si les actifs -
j'imagine que le Gouvernement doit se poser la question également - accepteront
de bonne grâce cette surcotisation qui constitue indéniablement une
augmentation des prélèvements obligatoires.
Cette question est qualifiée par les économistes de « problème de la
transition » qui fait référence au fardeau que doivent subir les générations
actuelles de travailleurs contraints de financer aussi bien leur propre compte
de retraite que les pensions des retraités actuels ou des travailleurs plus
âgés.
Par la création de ce fonds de réserve, le Gouvernement prend le risque de
susciter des espoirs qui seront vite déçus. Il y aurait, en effet, un grand
péril si nos compatriotes étaient amenés à considérer que ce fonds permettra de
résoudre les difficultés futures des régimes de retraite. A l'évidence, ce
fonds de réserve, dont la dotation est très faible, ne peut constituer à lui
seul une solution réaliste aux déséquilibres futurs de nos régimes de retraite.
Tant que nous n'obtiendrons pas des précisions en ce qui concerne son avenir,
son montant et ses dotations, la manière dont il sera géré et ses modalités de
contrôle, il nous paraîtra sage de ne pas aller plus loin.
M. le président.
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, l'article 2 du présent projet de loi concerne le financement
des retraites du régime général.
Il crée, de manière tout à fait concrète, un fonds de réserves pour pallier
les insuffisances éventuelles de financement de ces retraites.
Pour l'année 1999, le fonds sera alimenté par un versement d'un milliard de
francs en provenance de la contribution sociale de solidarité des sociétés,
versement qui pourrait, les années ultérieures, être couplé avec d'autres
ressources qui seront définies par la voie législative.
Madame la ministre, la question du financement des retraites doit, selon nous,
être replacée dans un cadre beaucoup plus large.
Le véritable problème qui est posé n'est pas en effet celui de la réponse
conjoncturelle aux besoins de financement, mais celui de la définition de
solutions durables pour un financement stable.
En l'espèce, nous ne pouvons évidemment omettre d'évoquer le problème de la
démographie, que d'aucuns ont posé et mis en exergue.
La fin de la période d'activité professionnelle des classes d'âge du
baby-boom
produirait, si l'on en croit certains, un effet sur le ratio
actifs-retraités tel que l'équilibre du régime par répartition ne serait plus
assuré avec la même certitude.
Nous devons nous poser la question : à qui fera-t-on croire que cette voie
constitue la source de toutes nos difficultés ?
Cette appréciation de la situation démographique pose naturellement les
véritables interrogations et nous savons, madame la ministre, que vous vous les
êtes posées.
Il s'agit notamment de savoir quel est l'impact de la précarisation des
conditions de travail et de la persistance d'un niveau de chômage élevé sur le
niveau des recettes des régimes de retraite.
Il est tout de même significatif que, dans notre pays, les régimes de retraite
soient entrés en zone de turbulence, si l'on peut dire, dès lors que le chômage
s'est massifié et que la précarité s'est développée.
Aujourd'hui, on compte quatre fois plus de travailleurs précaires que voilà
quinze ans.
Cela ne peut manquer d'avoir des conséquences sur le financement des régimes
de retraite, comme d'ailleurs sur l'ensemble des comptes sociaux. Cela peut
aussi avoir à long terme des conséquences pour les travailleurs eux-mêmes, au
regard de la consistance de leurs droits à pension.
On ne peut aussi manquer de souligner en termes de recettes des régimes de
retraite que, de façon globale, la contribution des entreprises au financement
des retraites s'est trouvée réduite ces dernières années, alors même que les
prélèvements effectués sur les salariés et les ménages connaissaient pourtant
une hausse assez régulière.
Au cours des années quatre-vingt, on a ainsi assez largement fiscalisé les
recettes du régime d'assurance vieillesse, sans que cela produise d'effet
positif durable sur sa situation financière. C'est un constat.
Le mouvement s'est d'ailleurs poursuivi avec la réforme de 1993 qui n'a pas
résolu, loin s'en faut, les difficultés de l'assurance vieillesse et dont les
effets pèsent en revanche lourdement sur le pouvoir d'achat des retraités et
des pensionnés.
La constitution d'un fonds de réserve ne doit donc pas faire oublier la
nécessité, dans ce domaine de l'assurance vieillesse comme en d'autres, d'une
profonde réforme des cotisations sociales des entreprises et des modalités de
financement du régime général de protection sociale.
Là est sans doute la véritable solution aux problèmes posés, madame la
ministre.
Quelques mots, pour terminer, sur la question de la retraite par
capitalisation, ce que l'on appelle communément « les fonds de pension ».
Nous nous félicitons que les principes ayant guidé l'élaboration de la loi
Thomas soient aujourd'hui abandonnés.
Permettez-moi d'ailleurs d'observer que ce texte était sans doute très mauvais
et très mal conçu puisque le gouvernement de l'époque n'avait pas osé le
présenter lui-même et avait demandé à un député de la majorité d'alors de le
proposer.
MM. Charles Descours,
rapporteur,
et
Alain Gournac et Jean Chérioux.
Comme pour le PACS !
(Sourires.)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Aucune comparaison, mes chers collègues !
Nous doutons de la capacité des fonds de pension à répondre aux besoins de
financement des retraites.
L'une des raisons de ce doute est que le financement, par voie de cotisations,
desdits fonds pèsera naturellement sur les recettes normales du régime par
répartition, et singulièrement sur les salaires.
Quant au remplacement d'un prélèvement dit obligatoire par un prélèvement
facultatif qui aura vite un caractère d'obligation, nous ne voyons pas là,
malheureusement, de différence sensible.
Il faut que l'on cesse de tromper les gens : les fonds de pension ont vocation
non pas à répondre à des inquiétudes, même légitimes, mais plutôt à livrer à la
spéculation boursière des sommes chaque fois plus importantes et consacrées à
de nouveaux et spectaculaires gâchis de ressources.
Ce sont là, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, les quelques observations que nous voulions faire sur cet article
2.
M. Jean Chérioux.
Vive les prélèvements obligatoires !
M. le président.
Sur l'article, la parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Le registre de mon intervention sera différent, mais le sujet est le même.
L'ensemble des experts sont d'accord pour reconnaître que, en 2005-2010, les
régimes de retraite de base et les régimes complémentaires connaîtront un
déséquilibre chronique.
Ainsi, M. Raoul Briet, dans son rapport relatif aux perspectives à long terme
des retraites, analyse avec précision la situation de chaque régime. Le régime
des retraites complémentaires des salariés du secteur privé, l'ARRCO, devrait
normalement rester excédentaire jusqu'en 2010, au prix d'une hausse progressive
des cotisations. Rappelons, par ailleurs, que l'ARRCO ne liquide les pensions à
taux plein qu'à soixante-cinq ans, le surcoût de la retraite à soixante ans
pour ces régimes étant assuré par une structure spécifique, créée en 1983.
Mais, comme l'AGIRC, l'ARRCO risque de connaître de graves problèmes
financiers dès 2015. A ce moment-là, tous régimes confondus, le besoin de
financement pourrait atteindre près de 400 milliards de francs.
Quant aux causes de cette situation, elles suscitent de vifs débats entre
responsables politiques et partenaires sociaux. Ces derniers, les syndicats de
salariés en fait, insistent sur l'influence du chômage sur les difficultés
présentes et futures des régimes de retraite. Nul ne peut nier, en effet, les
méfaits de la crise économique, et du problème plus précis de la diminution de
la durée de la carrière des actifs, sur la situation financière de la
protection sociale.
Par ailleurs, comment ignorer l'impact de la dénatalité, du vieillissement de
la population française ? Un taux de natalité de 1,6 ou 1,7 est manifestement
insuffisant pour assurer le renouvellement des générations.
Le rapport cotisants-retraités risque donc de se dégrader encore dans
l'ensemble des régimes, en particulier dans le secteur public. C'est pourquoi
il est plus que jamais nécessaire de mener une politique familiale plus
ambitieuse. S'agissant de la dénatalité, il n'y a pas de fatalité : l'exemple
de la Suède, voilà quelques années, l'a démontré.
En attendant de connaître les conclusions de la mission Charpin, on peut
s'interroger sur l'efficacité du dispositif que le présent projet de loi tend à
instituer avec le fonds de garantie des régimes de retraite par répartition.
L'idée est louable, certes, mais les modalités sont critiquables ; cela a déjà
été dit.
Le montant, tout d'abord, est dérisoire. Quant au fait d'affecter à ce fonds,
à terme, une partie des fonds propres des caisses d'épargne et des recettes de
privatisation, cela demande un examen plus approfondi et devrait faire l'objet
d'un projet de loi spécifique.
S'agissant des recettes de privatisation, rappelons que c'est le gouvernement
précédent qui, en 1995, a décidé de les imputer sur un compte d'affectation
spéciale concourant au désendettement de l'Etat. Il s'agissait d'une mesure
particulièrement courageuse, prise dans un souci de transparence budgétaire et
d'assainissement financier.
Modifier l'affectation de ces fonds pose donc un problème plus large. La
réduction de la dette par habitant, qui atteint à présent 192 000 francs, doit
rester notre priorité. Mais est-ce-vraiment à l'Etat et à la communauté
nationale d'assurer continuellement le renflouement des régimes de retraite
dont certains sont structurellement déficitaires ?
La question du maintien du pouvoir d'achat des retraites appelle une réponse
volontariste et innovante : la création d'un nouvel étage de retraite
complémentaire par capitalisation, alors que la loi de 1997 devrait être
prochainement abrogée. Ce sera l'objet d'un amendement de mon groupe
parlementaire lors de cette discussion.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Avant d'aborder les amendements qui ont été déposés sur cet
article important créant le fonds de retraite, je voudrais avoir l'avis de Mme
le ministre de l'emploi et de la solidarité sur une information parue tout à
l'heure dans un grand journal du soir : le président de la caisse régionale
d'assurance maladie du Sud-Est laisse entendre que des pensions sont versées à
des morts à l'étranger, du fait d'« un système de contrôle fort vulnérable et
désuet ».
La Caisse nationale d'assurance vieillesse répond que, « si les fraudes
existent, elles ne peuvent être que ponctuelles et en aucun cas représenter des
surcoûts de dépenses massifs ».
Ce n'est pas, loin s'en faut, une réponse très satisfaisante. J'aimerais donc
connaître sur ce point l'avis du ministre de tutelle.
(M. Machet applaudit.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, vous
savez comme moi que la CNAM ne dépend pas l'Etat. Je ne me permettrai pas de
vouloir étatiser la CNAM, comme cela m'a d'ailleurs été reproché par certains
de vos collègues.
Si les faits que vous évoquez étaient avérés, je serais la première à exprimer
à la CNAM le souhait du Gouvernement de voir effectuer les contrôles les plus
appropriés possible. Mais nous sommes, je le répète, dans un domaine relevant
des partenaires sociaux, et je me garderai bien d'intervenir à cet égard.
Pour le reste, je rappellerai rapidement certaines choses.
M. Vasselle déclare que tout était déjà dans le rapport de 1995 sur les
retraites. Pourquoi, par conséquent, n'avoir rien fait entre 1995 et 1997 pour
régler définitivement ce problème ?
M. Guy Fischer.
Eh oui !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Par ailleurs, vous me demandez
pourquoi nous faisons établir un nouveau rapport. Je crois l'avoir déjà dit
très clairement : on ne peut considérer savoir ce qui se passe s'agissant des
retraites en se contentant de comparer le montant final des retraites au
montant des salaires, sans étudier quelles ont été les contributions des
salariés et quel était le contenu du contrat social que ceux-ci avaient passé
avec leur entreprise. C'est la raison pour laquelle nous avons effectivement
souhaité qu'un rapport plus complet soit élaboré par le commissariat général du
Plan.
Vous nous reprochez de tarder ; mais quand nous ne tardons pas et que nous
créons un fonds de réserve, vous nous demandez pourquoi nous agissons si vite !
Là aussi, il faudrait savoir ! Eh bien nous créons ce fonds dès maintenant car
il n'y a pas de temps à perdre pour trouver les moyens d'alimenter un fonds
pour les retraites.
En revanche, il nous semble que, sur un sujet d'une importance aussi cruciale
pour notre société - je rejoins là les propos de Mme Beaudeau -, il est utile
d'instaurer un grand débat public. Nous l'engagerons et, je le dis devant cette
assemblée, j'espère qu'il réunira l'ensemble des partis politiques de notre
pays, car ce problème, qui se pose à nous sur le moyen et le long termes,
imposera qu'un certain consensus se dégage quant à la façon de le traiter...
M. Jacques Machet.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... dès lors que nous sommes
d'accord sur les prémisses, à savoir défendre et conforter nos régimes de
retraite par répartition et mettre en place une épargne retraite à long terme
dont tous nos concitoyens puissent bénéficier et qui soit comme le troisième
étage, si je puis dire, d'une fusée comportant en outre le régime général et
les régimes complémentaires.
Le Gouvernement a donc souhaité, pour montrer sa volonté de conforter les
régimes de retraite par répartition, verser à ce fonds de retraite les 2
milliards de francs d'excédents qu'il était possible de dégager.
Comme vous l'avez dit vous-même, d'autres sources permettront par ailleurs de
l'alimenter. Je pense qu'il s'agit d'une sage précaution.
Pour le reste, il vaut mieux, à mon avis, attendre d'avoir engagé ce débat
public et de nous être mis d'accord pour que ce fonds de réserve devienne
éventuellement autonome et soit doté d'un conseil particulier. Nous définirons
alors ensemble la façon dont ces fonds seront gérés et utilisés. Je crois que
cela participe aussi de notre souci de concertation, et c'est la raison pour
laquelle nous avons mis de l'argent de côté quelques mois, avant de décider,
tous ensemble je l'espère, de son emploi.
M. le président.
Sur l'article 2, je suis saisi de quatre amendements, déposés par MM. Descours
et Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 40 tend, à la fin du texte proposé par le a) du 1° du IV de
l'article 2 pour être inséré après le premier alinéa de l'article L. 135-1 du
code de la sécurité sociale, à supprimer les mots : « visés à l'article L.
222-1 et aux 1° et 2° de l'article L. 621-3 ».
L'amendement n° 41 vise à supprimer le a
bis)
du 1° du IV de l'article
2.
L'amendement n° 42 a pour objet de rédiger ainsi le texte présenté par le 6°
du IV de l'article 2 pour l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale
:
«
Art. L. 135-6.
- Les recettes du fonds affectées aux missions
définies au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 sont constituées par toute
ressource affectée en vertu de dispositions législatives. »
L'amendement n° 43 tend à compléter l'article 2 par un paragraphe additionnel
ainsi rédigé :
« V. - Les missions, les statuts et les ressources du fonds de réserve
mentionné à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale sont déterminés
par une loi tendant à assurer l'équilibre à long terme des régimes d'assurance
vieillesse, portant réforme des régimes spéciaux de retraite et instituant un
régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat.
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre ces quatres
amendements.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame le ministre, j'ai bien écouté votre intervention. Je
me réjouis de constater que vous faites appel à un consensus. S'agissant du
fonds de réserve, nous sommes d'accord sur le principe, mais pas sur la forme.
En revanche, l'intervention de Mme Beaudeau me laisse à penser que le consensus
sur le troisième étage de l'épargne retraite fait l'objet, au sein de la
majorité, de quelques difficultés.
(Protestations sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
J'en viens maintenant aux quatre amendements déposés par la commission des
affaires sociales sur le fonds de réserve.
La décision de créer ce fonds de réserve soulève un certain nombre
d'interrogations que vient de rappeler Alain Vasselle et qui n'ont pas reçu de
réponse.
Je constate en outre que rien n'est dit sur les modalités de gestion de ce
fonds : quel sera l'horizon de placement et, par conséquent, les supports
financiers de ce fonds ? Qui sera chargé de la gestion du fonds ? Quelles
seront les modalités de contrôle ? Et ce que je viens d'indiquer sur la CNAV
nous fait dire que les modalités de contrôle ne sont pas neutres. Le projet de
loi est muet sur tous ces points.
En réponse à nos questions, vous avez indiqué, madame le ministre, que ce
fonds devait être géré de manière collective selon des modalités qui seront
définies après une large concertation au vu des conclusions du rapport du
commissariat général du Plan.
Je souhaite que vous ne soyez pas déçue, et que les choses ne se terminent pas
comme dans la pièce
En attendant Godot :
ils attendent toujours !
J'espère donc que M. Charpin ne sera pas Godot ! Enfin, nous verrons !
Les décisions concrètes sont donc renvoyées, une fois de plus, à des textes
ultérieurs.
La décision de créer ce fonds de réserve revêt une dimension essentiellement
symbolique et politique. Le Gouvernement craignait manifestement de se faire
accuser d'attentisme sur la question des retraites ; il a souhaité prendre une
initiative à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999. Ce contexte explique le caractère un peu précipité de cette
décision.
Les objectifs de ce fonds de réserve sont flous, les modalités de financement
apparaissent dérisoires par rapport aux besoins futurs - M. Vasselle vient de
le dire - et les modalités de gestion restent à définir.
Aujourd'hui, nous considérons que le Gouvernement ne présente pas un
dispositif cohérent et crédible, et que le projet de loi est très inachevé.
Vous avez d'ailleurs vous-même évoqué, madame le ministre, le caractère de «
solution transitoire » du dispositif que vous présentez.
La commission des affaires sociales aurait pu proposer la suppression de ce
fonds de réserve. Mais sans nul doute, et avec un peu de mauvaise foi, vous
l'auriez accusée de vouloir s'opposer à la pérennisation des retraites par
répartition. Elle n'ira donc pas dans ce sens pour vous éviter d'avancer cet
argument. De plus, elle a considéré que la suppression de cette mesure
symbolique aurait une valeur qu'elle ne souhaite pas donner à la suppression du
fonds de réserve.
Ayant pris acte de la mesure « symbolique » - je reprends votre terme - que
constitue la création de ce fonds de réserve, la commission a cependant jugé
inutile de faire semblant d'attribuer à ce fonds un embryon de ressources, de
peaufiner la composition d'un comité de surveillance ou de préciser les régimes
bénéficiaires.
De telles dispositions semblent déplacées alors même que restent parfaitement
indéterminés la nature des « vraies » ressources qui alimenteront le fonds et
qui, de toute façon, devront se chiffrer en centaines de milliards de francs
alors que nous en sommes à 2 milliards de francs, l'affectation de ces
ressources, leur mode et leur horizon de placement ou, enfin, les modalités de
gestion.
En réalité, les différentes dispositions relatives au fonds de réserve forment
un tout dont il n'est pas possible de dissocier certains éléments.
La commission considère que la mise en place d'un tel fonds de réserve relève,
à l'évidence, d'un texte d'ensemble cohérent et complet incluant des mesures
permettant de faire cesser les déficits actuels, de clarifier la situation des
régimes spéciaux et de définir un véritable régime des fonctionnaires de
l'Etat.
La commission propose donc quatre amendements.
Tout d'abord, l'amendement n° 40 vise à supprimer la liste des régimes
bénéficiaires du fonds de réserve - il n'y a pas de raison que des régimes en
soient bénéficiaires alors que d'autres en sont exclus, et l'on ne voit
d'ailleurs pas très bien en fonction de quoi.
Ensuite, l'amendement n° 41 tend à supprimer les modifications de la
composition du comité de surveillance du FSV, le fonds de solidarité
vieillesse.
Quant à l'amendement n° 42, il a pour objet de supprimer le circuit complexe
permettant d'affecter au fonds de réserve une ressource symbolique. Avouez que
le cheminement de la C3S jusqu'à ce fonds de réserve est difficile à suivre et
qu'il s'apparente même à un véritable jeu de piste !
Enfin, l'amendement n° 43 prévoit que les missions, statuts et ressources du
fonds de réserve seront déterminés par une loi tendant à assurer l'équilibre à
long terme des régimes d'assurance vieillesse, portant réforme des régimes
spéciaux de retraite et instituant un régime de retraite des fonctionnaires de
l'Etat.
Nous souhaiterions le dépôt, au cours des six prochains mois, d'un projet de
loi concernant l'ensemble des retraites - non seulement celles des salariés
mais aussi celles des fonctionnaires de l'Etat - ce qui nous permettrait de
débattre sereinement d'un problème qui intéresse l'ensemble de notre pays.
Je suis heureux, madame le ministre, que vous ayez indiqué que cette question
transcendait les gouvernements ; mais je ne l'ai pas toujours entendu dire par
vos amis quand M. Balladur a réformé les régimes de retraite en 1993 !
Peut-être aurons-nous avancé dans la compréhension de ce problème lorsque vous
présenterez votre propre programme de réforme.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 40 à 43 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, nous
arriverons à nous mettre d'accord pour l'avenir si nous abordons le sujet sans
a priori.
Pour ma part, je ne considère pas
a priori
que les régimes spéciaux de
retraite, notamment ceux des fonctionnaires, sont vraiment plus favorables. Je
le répète, il y a un contrat social général et, si nous nous amusons à comparer
les salaires versés, le niveau de retraite et les contributions, nous aurons
sans doute des surprises. C'est pourquoi le rapport du commissariat général du
Plan peut être utile. Nous ne parviendrons à mon avis à traiter ce problème
difficile que si nous l'abordons sans
a priori
- j'insiste sur ce point
- et en ne montrant pas du doigt certaines catégories ; c'est en tout cas le
schéma du Gouvernement.
Par ailleurs, l'un de vos arguments essentiels est de dire que le fonds de
réserve ne sera doté que de 2 milliards de francs, somme symbolique que vous
refusez donc.
Or, la réforme de M. Balladur, qui avait d'ailleurs été largement préparée par
le travail de Michel Rocard, a apporté 2 milliards de francs par an, et vos
amis l'ont considérée comme une très grande réforme.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Ah oui !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il s'agit du même montant. On
ne peut donc considérer que 2 milliards de francs, d'un côté, sont à l'origine
d'une importante réforme et, de l'autre, ne sont que symboliques et méritent
d'être rejetés, comme vous le faites de manière un peu rapide, me
semble-t-il.
S'agissant des divers amendements, vous comprendrez que je ne puisse les
accepter.
Tout d'abord, en première intention - tout cela pourra être discuté - le
Gouvernement souhaite limiter le champ du fonds de réserve au régime général et
à certains régimes alignés de non-salariés, ce qui est cohérent avec une
alimentation par la C3S dont vous nous avez parlé par ailleurs et avec l'effort
de rééquilibrage financier qui est entamé dans ces régimes.
Je voudrais redire devant le Sénat que, si nous ne prenions pas ces 2
milliards de francs d'excédents de la C3S, qui, je vous le rappelle, est
constituée d'une taxe pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est
supérieur à 50 millions de francs, cette somme serait versée au budget annexe
des prestations agricoles, le BAPSA, c'est-à-dire au budget de l'Etat. Il me
paraît donc préférable d'affecter cette somme au financement de la sécurité
sociale plutôt qu'au budget de l'Etat.
Je suis d'autant plus étonnée que vous ne soyez pas favorable au maintien
pérenne de l'affectation des excédents de la C3S au budget de la sécurité
sociale que votre position n'a pas été partagée, à l'Assemblée nationale, par
les groupes que vous représentez. Pour ma part, je considère que c'est une
bonne mesure qui permet aux grandes entreprises de contribuer au financement de
la sécurité sociale. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n°
40.
De même, vous souhaitez que le FSV, dont vous regrettez par ailleurs que son
conseil de surveillance soit étendu aux partenaires sociaux, soit géré par ces
mêmes partenaires sociaux. Nous ne l'avions pas prévu au départ, considérant
que ce fonds ne resterait au sein du FSV que pendant quelques mois ; mais, pour
que chacun soit rassuré, nous avons accepté de modifier la composition du
conseil de surveillance. Le Gouvernement est donc également défavorable à
l'amendement n° 41.
Il en est de même s'agissant des amendements n°s 42 et 43, qui rejoignent ce
que j'ai dit à propos de la dotation initiale. Si ces 2 milliards de francs ne
règlent pas la totalité du problème - personne ne le dit d'ailleurs - les parts
sociales des caisses d'épargne qui viendront abonder ce fonds représentent 12 à
15 milliards de francs, ce qui est loin d'être négligeable. Et nous trouverons
sans doute d'autres ressources.
Tout cela montre la volonté du Gouvernement d'engager sans tarder la
consolidation de nos régimes par répartition. C'est là toute l'importance de
l'article 2. Le Gouvernement ne peut donc être que défavorable à l'ensemble de
ces amendements.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
J'ai bien écouté vos arguments, madame le ministre. Je crois
pour ma part que l'excédent de la C3S peut rester au sein du FSV et donc dans
les régimes de sécurité sociale. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour
dire que cet excédent ne doit pas repartir dans le budget de l'Etat. Nous
sommes d'ailleurs très sensibles à ce genre de choses.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 40.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Dans le cadre des explications de vote sur l'amendement n°
40, qui vient d'être défendu avec pertinence par notre collègue M. Descours,
permettez-moi, madame la ministre, de relever les observations que vous avez
formulées en réponse à mon intervention sur l'article 2.
Vous avez commencé par indiquer que les gouvernements qui vous avaient
précédé, tant celui de M. Juppé que celui de M. Balladur, avaient peu fait ou
n'avaient rien fait et que les réformes engagées par M. Balladur ne
représentaient qu'une recette annuelle de 2 milliards de francs.
Mes chers collègues, il m'apparaît nécessaire d'apporter quelques précisions,
car on ne peut pas laisser dire que rien n'a été fait avant que le gouvernement
socialiste assume les responsabilités du pouvoir au plan national !
Il faut rappeler qu'en 1993 les mesures législatives et réglementaires qui ont
été prises par M. Balladur et par Mme Veil ont eu pour objet de jouer sur la
durée des cotisations et sur la prise en considération des meilleures années
pour le calcul du montant de la retraite. Elles ont eu pour effet de
représenter une économie, par rapport au déficit de la branche vieillesse de la
sécurité sociale, de l'ordre de 2,5 milliards de francs.
Quand M. Balladur a proposé cette réforme, il se projetait sur les besoins de
la branche vieillesse à l'horizon 2000-2005. Or nous savons qu'à partir de l'an
2000 et jusqu'en 2005, ce sont les générations creuses qui vont faire valoir
leur droit à la retraite, et qu'elles pèseront moins sur le déficit de la
branche vieillesse, puisque les chiffres nous montrent qu'en 2001 le déficit de
la branche vieillesse - si la situation reste la même sur le plan conjoncturel
- ne serait que l'ordre de 2 milliards de francs, l'équilibre pouvant être
atteint autour de 2002. C'est bien dans cette perspective que la réforme
Balladur a été mise en place !
Mais M. Balladur avait également mis en place d'autres éléments de réforme. Il
faut savoir qu'avant 1993 l'ensemble du non-contributif était supporté par la
branche vieillesse et que cela représentait une somme d'au moins 60 milliards
de francs par an.
M. Jean Chérioux.
C'est tout à fait exact !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Le gouvernement de M. Balladur a donc eu le courage d'engager
une réforme se traduisant par une augmentation des recettes au profit du
non-contributif - qui doit être financé par le produit de la solidarité
nationale - avec un accroissement de la CSG de 1,3 point...
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... et une augmentation des droits sur les alcools, qui sont
venus alimenter le fonds de solidarité vieillesse, mais également avec une
disposition sur la prévoyance qui a servi à alimenter ce fonds.
Tout cela a permis, depuis 1993, d'améliorer la situation de la branche
vieillesse de 60 milliards de francs par an. Cinq ans plus tard, cela
représente donc une somme de 300 milliards de francs, ce qui n'est tout de même
pas nul.
Que l'on ne nous dise donc pas aujourd'hui que ni M. Balladur ni M. Juppé
n'ont rien fait sur le sujet ! Lorsque M. Juppé a pris ses fonctions en 1995,
la réforme de 1993 commençait à produire ses effets. Il est vrai qu'il a pris
peu de temps après une initiative qui n'a pas été bien ressentie par une partie
des « bénéficiaires » - ce terme doit sans doute être relativisé, ainsi que Mme
la ministre l'a fait remarquer à M. Descours - des régimes spéciaux. Et vous
vous souvenez sans doute de ce qui s'est passé lorsqu'on a voulu s'attaquer aux
régimes spéciaux des cheminots : force est de constater que les négociations se
sont traduites par un échec.
Mais, que je sache, depuis 1997, il s'est écoulé maintenant plus d'une année,
et je n'ai pas vu, de la part du Gouvernement, une initiative structurelle
forte en faveur de la branche vieillesse. Vous n'avez pas réuni les
responsables des ces régimes pour étudier comment on pouvait s'attaquer à la
situation d'un certain nombre de régimes spéciaux, pour engager une réforme
structurelle à ce niveau. Evidemment, c'est un domaine très sensible et, quand
on y touche, c'est douloureux.
M'exprimant ainsi, je ne vise pas spécifiquement les fonctionnaires, mais je
n'oublie pas la CNRACL et ce qui a été fait à ce sujet par les gouvernements
successifs : comme nous l'avons reconnu avec M. Domeizel, alors qu'il y avait
un excédent annuel de 17 milliards de francs, on a fait jouer la compensation
démographique - comme pour d'autres régimes - mais la surcompensation a placé
la CNRACL dans une situation particulièrement délicate et difficile
aujourd'hui.
Enfin, s'agissant de l'excédent généré par la C3S, je confirme ce qu'a dit M.
Descours tout à l'heure : si notre amendement est adopté, les 2 milliards de
francs qui n'iront pas au fonds de réserve resteront cependant dans le fonds de
solidarité vieillesse.
Antérieurement, les excédents éventuels de la C3S étaient affectés au BAPSA,
de sorte que cet argent n'était pas perdu : il était destiné à alimenter les
besoins de la sécurité sociale, soit directement au profit du régime général,
soit au profit de régimes alignés comme ceux des agriculteurs ou des
artisans.
Voilà les précisions que je tenais à apporter pour que l'on cesse de penser
que rien n'avait été fait auparavant et qu'il a fallu attendre l'arrivée au
pouvoir de M. Jospin pour qu'enfin, en 1998, on s'attaque à des réformes
structurelles concernant la branche vieillesse.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
C'est tout à fait exact !
M. Dominique Leclerc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Après avoir écouté avec attention les intervenants successifs, notamment M.
Vasselle, je considère que les propos qui ont été tenus après ceux de Mme le
ministre sont significatifs.
Comment peut-on dire que rien n'a été fait ?
Cela étant, qu'il s'agisse de la durée des cotisations - quarante ans - ou du
calcul de référence - les vingt-cinq meilleures années - ces mesures ne
s'appliquent qu'aux assujettis au régime général. C'est une injustice par
rapport aux personnes qui relèvent des régimes spéciaux. Je m'étonne qu'au-delà
des chiffres on ne le signale pas ! Nos concitoyens sont donc soumis à un
double traitement, et il en va de même pour les pensions de réversion.
L'équité et la justice entre les Français doivent être recherchées dans
l'application de toutes ces mesures et je considère qu'il est très réducteur de
cantonner le débat aux seuls chiffres.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
D'abord, je ne peux pas laisser
dire que j'aurais dit que rien n'a été fait. Je ne l'ai pas dit, c'est M.
Vasselle qui l'a laissé entendre.
Ensuite, ce n'est pas moi qui cantonne le débat aux chiffres : vous venez
d'expliquer pendant un certain temps, monsieur Vasselle, qu'un fonds de réserve
de 2 milliards de francs était négligeable. Je souhaiterais élever quelque peu
le débat, et permettez-moi de vous dire, monsieur le sénateur, que je partage
votre point de vue.
En tout état de cause, je ne me suis pas permis de dire que rien n'avait été
fait.
M. Jacques Oudin.
C'est pourtant ce que nous avons entendu !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Grâce aux services des comptes
rendus, nous saurons quels ont été réellement mes propos à la lecture du
Journal officiel !
J'ai simplement constaté qu'à vous entendre les 2 milliards de francs de M.
Balladur représentaient une grande réforme alors que les 2 milliards de francs
du fonds de réserve n'étaient rien. Voilà ce que j'ai dit ! Mais peut-être ne
m'avez-vous pas écoutée...
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées
du RPR.)
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je croyais avoir compris, grâce aux explications très claires de M. Vasselle,
qu'aucun rapprochement ne pouvait être établi entre 2 milliards de francs d'un
côté et 2 milliards de francs de l'autre. En quelque sorte, les 2 milliards de
francs du fonds de réserve sont conjoncturels et représentent l'utilisation
logique des excédents. Ils ne sont cependant pas du tout comparables à des
mesures structurelles prises par le gouvernement Balladur, qui, comme nombre de
mesures structurelles, sont souvent impopulaires, surtout quand l'opposition en
conteste le principe même.
Voilà ce que j'avais retenu des explications de M. Vasselle, et je crois,
madame la ministre, que vous devriez nous en donner acte. Non, on ne peut pas
comparer les 2 milliards de francs Aubry et les 2 milliards de francs Balladur
!
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ah non, ce n'est pas la même
chose, c'est clair !
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
J'ai eu l'occasion, lors de la discussion générale, de donner notre sentiment
sur la création des fonds de réserve, démarche que nous approuvons.
Par-delà toutes les critiques qui peuvent être formulées ici ou là - et elles
ont été nombreuses cet après-midi - ayons tous l'honnêteté de reconnaître
qu'avec la création de ce fonds un nouveau virage est amorcé : le Gouvernement
abandonne enfin une gestion à courte vue qui risquait de compromettre le
système par répartition.
S'agissant du rattachement de ce fonds au fonds de solidarité de vieillesse,
j'ai compris que Mme la ministre avait été sensible à l'idée consistant à
séparer plus nettement les différents fonds pour éviter, à terme, toute
confusion.
Un dispositif mieux élaboré, instaurant un fonds distinct et indépendant du
FSV, sera, je l'espère, mis à l'étude pour l'année prochaine.
Quoi qu'il en soit, nous voterons contre tout amendement qui remettrait en
cause ou qui fragiliserait la mise en oeuvre d'un fonds de réserve qui est, à
nos yeux, indispensable et judicieux.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 41.
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
La rédaction proposée pour le paragraphe
a
bis de l'article L. 135-1 du
code de la sécurité sociale résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée
nationale. Il s'agit de mettre en place, comme nous le souhaitions, un comité
de surveillance composé de parlementaires, de représentants des assurés, des
employeurs et des travailleurs sociaux.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 41, qui tend à supprimer cette
disposition.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Tout à l'heure, Mme la ministre avait le sentiment que nous
étions fondamentalement opposés à l'association de l'ensemble des partenaires
sociaux à la gestion du fonds parce que nous avions déposé un amendement de
suppression.
Il convient de replacer cet amendement dans le contexte de la démarche de la
commission des affaires sociales.
Je rappelle que nous ne sommes pas opposés par principe à la création du fonds
de réserve. Par conséquent, ne nous faites pas dire, madame la ministre, ce que
nous n'avons pas dit : nous disons simplement qu'alimenter ce fonds de 2
milliards de francs est vraiment trop symbolique par rapport à l'ensemble des
besoins. Ces 2 milliards de francs, de toute façon, resteraient en réserve et
ne seraient pas utilisés à d'autres fins, on les laisserait dans le fonds de
solidarité vieillesse.
Pour le reste, nous ne savons pas s'il sera alimenté de façon pérenne ni à
quelle hauteur,...
M. Alain Gournac.
On ne sait rien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... ni comment il sera géré, puisque le Gouvernement n'a pas
formulé de propositions sur ce point.
Cette disposition n'est que le résultat d'un amendement déposé par le groupe
communiste à l'Assemblée nationale et nous ne savons pas comment les fonds
seront gérés, ni ce qu'ils vont dégager comme produit financier à terme pour
assurer les dépenses futures. Comme nous ne connaissons pas non plus les
mesures de contrôle qui vont être prises, tout cela est beaucoup trop flou.
Le groupe communiste républicain et citoyen n'a d'ailleurs pas manqué de le
rappeler au cours de la discussion générale, et M. Fischer a bien dit que ce
fonds de réserve soulevait de nombreux problèmes. Cette question se pose donc
au sein de tous les groupes de la Haute Assemblée, hormis le groupe socialiste
qui, par solidarité vis-à-vis du Gouvernement, adopte une attitude
d'approbation aveugle sur ce dossier.
M. Claude Estier.
Non, pas aveugle !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
C'est par conviction !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En ce qui concerne la participation des partenaires sociaux à
la gestion de ce fonds, nous n'avons pas d'opposition de principe. C'est par
cohérence avec l'amendement précédent que la commission a déposé l'amendement
n° 41. Ne nous faites donc pas dire ce que nous n'avons pas dit, et ne nous
prêtez pas des intentions que nous n'avons pas.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je crois décidément que je
m'exprime mal !
J'ai dit tout à l'heure que je ne comprenais pas que vous demandiez à la fois
que les partenaires sociaux ne participent pas au conseil de surveillance du
fonds, alors que vous souhaitiez par ailleurs qu'ils gèrent ledit fonds.
Je ne vous ai pas soupçonné de vouloir écarter les partenaires sociaux : je
vous ai demandé pourquoi vous vouliez les supprimer alors que vous souhaitiez
leur participation !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je n'ai pas dit cela, madame la ministre !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, soit je
m'exprime mal, soit j'articule mal. J'aimerais en tout cas que l'on ne m'impute
pas des critiques que je n'ai pas portées. Seule la contradiction entre vos
propos m'avait étonnée, et je ne comprends pas cette contradiction.
Je le redis pour que vous ne croyiez surtout pas que j'imagine qu'un jour vous
puissiez ne pas souhaiter que les partenaires sociaux gèrent les fonds de
retraite ! Nous y reviendrons lorsque nous parlerons du système définitif
l'année prochaine.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Pour que tout soit clair, madame le ministre, si vous nous
proposez un amendement ainsi rédigé : « Il est créé un fonds de réserve dont
les modalités d'alimentation, de gestion et de contrôle seront définies par une
loi déposée avant juin 1999 »,...
M. Alain Gournac.
Là, d'accord !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... nous le voterons.
Vous avez la chance de pouvoir amender le texte jusqu'au dernier moment.
Saisissez cette chance, et nous vous suivrons !
M. le président.
Monsieur le rapporteur, la commission a également le droit d'amender en
séance, et ce jusqu'à la fin du débat.
M. Charles Descours,.
rapporteur.
En l'espèce, le Gouvernement a ce droit !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Sa simple lecture ainsi que les observations de M. le rapporteur sur ses
objectifs ne peuvent que justifier notre opposition à cet amendement de la
commission.
L'une des données essentielles de ce projet de loi est en effet de revenir sur
la question du financement des retraites.
C'est peu dire qu'un débat pour le moins controversé s'est ouvert sur ce sujet
dans l'opinion publique, voire au sein des associations, des organisations
syndicales, des partis politiques et des assemblées parlementaires.
On nous présente comme inéluctable une détérioration de nos régimes de
retraite due au « basculement démographique » des tranches d'âge du
baby-boom,
du statut d'actif à celui d'inactif.
Une telle présentation de la situation appelle plusieurs observations
fondamentales.
Cette manière de présenter le devenir de nos régimes de retraite est à la base
d'une vaste campagne d'intoxication destinée à justifier la mise en place de
régimes de retraite par capitalisation, dont le moins que l'on puisse dire est
que la finalité est non pas de fournir un revenu aux salariés, mais plutôt de
distraire de la masse salariale des éléments de plus en plus importants tirés
de la richesse créée par le travail pour les réinjecter dans les circuits
financiers.
Cette présentation de la situation nous semble fallacieuse à deux titres au
moins.
En premier lieu, on fait rapidement l'économie d'un élément clé dans toute
analyse de l'avenir de la protection sociale, à savoir le niveau et la qualité
de l'emploi.
Je vous invite, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, à vous
demander pourquoi l'aggravation de la situation des comptes sociaux, comme des
comptes publics de façon générale, d'ailleurs, est allée de pair avec le
développement du chômage et le maintien de celui-ci à un niveau
particulièrement préoccupant, avec le développement de la précarisation du
travail - on compte aujourd'hui quatre fois plus de salariés précaires dans ce
pays qu'il y a quinze ans - et avec un raccourcissement de la période
d'activité effective de chaque salarié.
Comment réfléchir au devenir de la protection sociale sans mettre en question
toutes les politiques qui, sous prétexte d'alléger le coût du travail -
rappelez-vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, avec quelle
frénésie vous avez pu amender la loi quinquennale relative au travail, à
l'emploi et à la formation professionnelle, en ce sens, ou encore accepter les
règles de la loi Robien ! - n'ont, en fait, conduit qu'à rendre toujours plus
défavorable à l'emploi le partage de la richesse créée par le travail ?
Dois-je vous rappeler, une fois de plus, comme pour enfoncer un clou déjà bien
martelé, que la part des salaires dans la richesse créée dans notre pays est
aujourd'hui inférieure à ce qu'elle était en 1970, époque où le secrétaire
d'Etat à l'emploi, un certain Jacques Chirac, multipliait les initiatives pour
éviter que le chômage ne dépassât la barre des 500 000 victimes ?
Dois-je vous rappeler que le prélèvement des dividendes versés aux
actionnaires par nos entreprises a progressé deux fois plus vite que le niveau
général de la production depuis cette même année 1970 ?
On ne peut non plus oublier que cette logique de réduction du coût du travail
a été, contre toute logique, jusqu'à la réduction pure et simple du niveau de
la contribution des entreprises au financement de la protection sociale,
singulièrement du régime vieillesse.
Eh oui ! ne l'oublions pas, les régimes de retraite, avec leurs difficultés
structurelles dont on nous rebat les oreilles, sont aujourd'hui victimes, entre
autres, de la réduction de la contribution des entreprises à leur
financement.
La commission des affaires sociales - on s'en serait un peu douté ! - n'a pas
d'objections majeures à opposer à la constitution d'un fonds de réserve pour le
financement des retraites.
Mais, pour le coup, elle ne ferme pas la porte, si l'on peut dire, à toute
utilisation éventuelle des excédents de telle ou telle branche de la protection
sociale pour alimenter et pérenniser les ressources du fonds.
En quelque sorte, c'est un peu le retour de la compensation entre branches que
vous nous proposez ! Mais, dans ce cas - je suis désolé de vous le dire - il
n'aurait pas fallu, un beau jour de 1994, voter la séparation des branches !
Nous pourrions nous dispenser de tels artifices législatifs, si l'on avait
maintenu les règles jusqu'alors en vigueur.
Et comme si cela ne suffisait pas, la commission nous ressert finalement le
plat de l'application des règles propres au régime général de retraite aux
régimes dits « spéciaux ».
Reconnaissons là à la majorité de la commission une certaines constance !
Elle a défendu, en son temps, la réforme des retraites Balladur, allongeant la
durée de cotisations et remettant en cause le droit à la retraite à soixante
ans à taux plein, et cette position est, certes, logique.
Elle est aussi logique au regard du coup de force pratiqué, sous la pression
des événements et du gouvernement de M. Juppé, largement contesté dans le pays,
un beau jour de décembre 1995, pour faire passer coûte que coûte le plan Juppé
et ses ordonnances, dont le contenu est encore aujourd'hui pour le moins
discutable.
Le voeu des auteurs de cet amendement est clair : après avoir réduit les
garanties offertes aux salariés du régime général, il s'agit de s'attaquer au
niveau des retraites des salariés des régimes spéciaux.
Nous ne pouvons les suivre dans cette voie.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
raporteur.
A l'occasion de l'examen d'un amendement relativement anodin,
nous avons eu droit à un survol de la situation de l'emploi dans notre pays
depuis dix-sept ans.
Puis-je simplement rappeler à M. Fischer que, au cours de ces dix-sept années
qui nous séparent de 1981, il a été plus souvent dans la majorité que moi :
onze ans contre six ? Si, donc, il y a eu au cours de cette période une
augmentation de l'emploi précaire, c'est au moins autant à lui et à ses amis
qu'on le doit qu'aux miens !
M. Alain Gournac.
C'est clair !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je ne comprends donc pas qu'on puisse nous donner des leçons
à cet égard. A moins que vous n'ayez envie, monsieur Fischer, de faire un acte
de contrition et que vous vous repentiez d'avoir soutenu et de soutenir encore
un gouvernement !
M. Guy Fischer.
M. Huriet nous a déjà demandé tout à l'heure de faire repentance. Pas deux
fois !
M. Jean Chérioux.
Il faut leur parler d'autocritique ; c'est le langage qu'ils connaissent !
M. Charles Descours,
rapporteur.
J'avais cru comprendre que, depuis le XXIIe Congrès, il n'y
avait plus d'autocritique ! Mais si elle est maintenue, je vous invite à en
faire une, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer.
Reportez-vous aux travaux du comité national d'aujourd'hui, vous verrez !
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'augmentation du nombre des emplois précaires, elle a eu
lieu sous tous les gouvernements. Ceux que vous avez soutenus ont eu le pouvoir
onze ans, ceux que nous avons soutenus, six ans : vous êtes donc deux fois plus
responsables que nous.
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
Vous, vous avez vraiment mis le paquet !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Et puisque vous avez fait allusion à Jacques Chirac et au
seuil des 500 000 chômeurs, il me souvient que M. Mitterrand avait dit que la
barre des deux millions de chômeurs ne serait jamais franchie !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cela n'a rien à voir avec le débat sur le fond !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président.
Par amendement n° 49, MM. Arthuis, Lorrain et les membres du groupe de l'Union
centriste proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Tout salarié lié par un contrat de travail de droit privé et établi en
France ou hors de France peut souscrire dans le cadre de son entreprise ou
directement auprès d'un établissement financier un plan d'épargne retraite qui
ouvre droit au paiement d'une rente viagère à compter de la date de cessation
d'activité, rente soumise au droit commun des pensions.
« A cette date, les adhérents ont également la possibilité d'opter pour un
versement unique qui ne peut excéder 20 % de la prévision mathématique
représentative des droits de l'adhérent, sans que le montant de ce versement
puisse excéder 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
« La souscription aux plans d'épargne retraite peut s'effectuer en vertu d'un
accord collectif d'entreprise, d'un accord de branche professionnel ou
interprofessionnel conclu à un échelon national, régional ou départemental.
« Un groupement visé à l'article 41 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994
relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle peut également souscrire
des plans d'épargne retraite dans les conditions fixées par le présent article,
afin de les proposer à l'adhésion de ses membres.
« Les employeurs peuvent abonder les plans d'épargne de leurs propres salariés
dans la limite de 30 % du plafond annuel de la sécurité sociale. L'abondement
est déductible du bénéfice imposable et il est exonéré de cotisations sociales
dans la limite de 85 % du même plafond. Il ne peut excéder le quadruple des
versements des salariés.
« Les versements du souscripteur sont déductibles du revenu imposable dans la
limite du plafond annuel de la sécurité sociale.
« Les versements de l'adhérent et l'abondement de l'employeur sont
facultatifs. Ils peuvent être suspendus ou repris sans pénalité dans des
conditions fixées soit par les accords collectifs, s'ils existent, soit, à
défaut, par décret.
« Pour la gestion des plans d'épargne et afin d'assurer la couverture des
engagements, des fonds d'épargne sont créés sous la forme d'une société anonyme
d'assurance, d'une société d'assurance mutuelle, d'une institution de
prévoyance régie par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale,
ou d'un organisme mutualiste du code de la mutualité.
« Les adhérents et les employeurs sont représentés au sein du conseil
d'administration des fonds d'épargne. La présidence du conseil d'administration
des fonds d'épargne est assurée alternativement par un représentant des
adhérents et par un représentant des employeurs pour une période d'un an.
« La commission des opérations de bourse, la commission bancaire, la
commission de contrôle des assurances et la commission de contrôle mentionnée à
l'article L. 95-1 du code de la sécurité sociale assurent le contrôle des fonds
d'épargne et veillent au respect des règles prudentielles.
« II. - La perte des recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par
le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts et pour les régimes de sécurité sociale par la création de taxes
additionnelles sur les droits prévus aux articles 403 et 403 A du CGI. »
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Comme il n'est jamais trop tard, surtout en période automnale, pour creuser
des sillons, je continue, dans le prolongement de mon intervention précédente,
à dire que, parmi les pays industrialisés, seule la France ne dispose pas, à ce
jour, d'un système de supplément de retraite par capitalisation, si ce n'est
sous forme fragmentaire.
Le présent amendement tend à consolider les régimes par répartition, qui font
partie de notre pacte social, en les complétant par un système facultatif de
retraite supplémentaire constituée sur la base d'une épargne volontaire, tout
en renforçant le potentiel de croissance de l'économie.
Le nouveau plan d'épargne retraite, PER, aurait trois spécificités
fondamentales.
D'abord, un supplément de retraite pour tous, étant entendu que les
compléments de retraite existent déjà au profit de certaines catégories de
Français, notamment les fonctionnaires, avec la PREFON et les exploitants
agricoles, avec le COREVA.
Il est proposé d'ouvrir l'accès des plans d'épargne retraite à l'ensemble des
salariés établis en France et hors de France, ainsi qu'aux non-salariés à
travers les groupements constitués par la loi Madelin.
L'adhésion au PER pourrait donc être collective, à travers un contrat de
groupe, ou individuelle, auprès d'un établissement financier.
Les abondements effectués par l'employeur, dans le premier cas, seraient
exonérés de cotisations sociales dans certaines limites et déductibles des
bénéfices imposables. En revanche, ils devraient être assujettis à la CGS et à
la CRDS au premier franc.
Quant aux versements de l'ensemble des adhérents, ils seraient déductibles du
revenu imposable.
Deuxième spécificité : assurer la sécurité des bénéficiaires. S'agissant d'un
placement inscrit, par définition, sur le long terme, il est fondamental que
les salariés et les employeurs disposent de garanties particulières. Il s'agit,
notamment, de l'application des dispositions prudentielles du code des
assurances et du contrôle des fonds de retraite par les organismes compétents
en matière bancaire et d'assurance.
Enfin, troisième spécificité : contribuer directement au financement de
l'économie.
Les systèmes par répartition n'exercent aucun effet favorable sur
l'investissement et sur le renforcement des fonds propres des entreprises
puisqu'ils n'exigent aucune épargne préalable.
Come le démontrent les expériences étrangères, l'épargne retraite aurait, au
contraire, tendance à se porter prioritairement vers les placements en
actions.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement reprend les principaux éléments de la loi du
25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, dite « loi Thomas ». Il
apporte cependant une modification importante au dispositif de cette loi en
ouvrant les plans d'épargne retraite à l'ensemble des salariés ainsi qu'aux
non-salariés, à travers les groupements constitués par la loi Madelin.
Cet amendement soulève de manière très opportune la question du devenir de la
loi Thomas, qui avait déjà été évoqué lors de la discussion à l'Assemblée
nationale.
Chacun sait que le Gouvernement s'est refusé à faire paraître les décrets
d'application nécessaires à l'entrée en vigueur effective de cette loi. Il a
même annoncé, pour faire plaisir à l'aile gauche de sa majorité, à l'Assemblée
nationale, à l'occasion du débat sur le présent projet de loi, l'abrogation
prochaine de la loi.
Mais, parallèlement, le Gouvernement, uni, a également fait savoir qu'il
déposerait en 1999 un projet de loi instituant un nouveau dispositif d'épargne
retraite par capitalisation qui semble s'apparenter fortement aux fonds de
pension que l'actuelle majorité refusait il y a peu, au vocabulaire près.
Le Gouvernement reconnaît, enfin, aujourd'hui la nécessité d'un complément de
retraite par capitalisation, sous la forme de fonds d'épargne retraite. Nous ne
pouvons que nous en féliciter, sauf à déplorer que deux années aient d'ores et
déjà été perdues. En effet, chacun le sait, la capitalisation exige du
temps.
Cet amendement rappelle donc de manière très pertinente qu'existent déjà,
grâce à la loi Thomas, les bases législatives d'un dispositif d'épargne
retraite susceptible d'apporter une réponse cohérente et crédible aux
déséquilibres futurs de nos régimes de retraite.
Si certaines dispositions de la loi Thomas méritaient d'être améliorées, il
était possible d'amender la loi, à l'instar de la démarche proposée par cet
amendement.
Sur le fond, la commission ne peut donc qu'être très favorable à l'esprit de
cet amendement.
Cet amendement soulève cependant deux problèmes de forme.
D'une part, il est incompatible avec le dispositif instauré par la loi Thomas.
En effet, même si le Gouvernement en a manifesté l'intention, cette loi n'est
pas abolie. Elle existe, et on ne peut donc la réintroduire par le biais d'un
amendement.
D'autre part, aux yeux du rapporteur, cet amendement n'a pas sa place dans une
loi de financement de la sécurité sociale dans la mesure où il n'affecte pas
l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Je demande donc aux auteurs de cet amendement, tout en approuvant l'esprit qui
les anime, de bien vouloir le retirer, quitte à le présenter à nouveau lorsque
nous sera soumis le projet de loi destiné à financer le dispositif d'épargne
retraite annoncé à l'Assemblée nationale par M. le ministre de l'économie et
des finances.
M. le président.
Monsieur Jean-Louis Lorrain, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Lorrain.
Je n'ai pas beaucoup de chance... Et je n'ai pas un tempérament agressif.
Mais, déjà, Mme la ministre ne m'a pas répondu ni même cité dans sa réponse aux
orateurs qui sont intervenus sur l'article 2.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vais vous répondre !
M. Jean-Louis Lorrain.
Peut-être est-elle d'accord avec moi. Ou peut-être est-ce justement en raison
de mon manque d'agressivité...
Notre approche nous paraît cependant très importante.
Je vais dans le sens de M. Descours : le dispositif que nous proposons n'a pas
d'effet sur l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Notre groupe est prêt, si le Gouvernement tarde trop, à déposer une
proposition de loi reprenant le dispositif que nous préconisons, qui est très
différent de celui de la loi Thomas. Je suis d'ailleurs prêt à accepter
l'abrogation de cette dernière : la majorité a changé, je respecte la
souveraineté du législateur.
En revanche, ce que je comprends moins bien, c'est que, pour ne pas appliquer
cette loi, en attendant son abrogation, le Gouvernement ne publie pas les
décrets. Cette façon de faire n'est d'ailleurs pas propre à ce gouvernement,
d'autres l'ont fait avant lui. Pour le législateur, cette méthode est
insupportable.
J'en reviens à l'amendement. J'insiste sur le bien-fondé de nos propositions,
qui préconisent une approche collective, englobant aussi les non-salariés.
Cela étant dit, monsieur le président, je retire l'amendement n° 49.
M. le président.
L'amendement n° 49 est retiré.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne voudrais surtout pas
laisser croire à M. Lorrain que je boycotte ses interventions. Je ne l'avais
effectivement pas cité, tout en essayant de répondre à son interrogation tout à
l'heure. Alors, même s'il a retiré son amendement, je ferai quelques
commentaires sur ses propositions, en précisant par là même la position du
Gouvernement.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, lorsqu'on n'est pas d'accord avec un
texte, mieux vaut l'abroger plutôt que, comme vous le dites, ne pas sortir les
décrets. C'est la raison pour laquelle nous avons annoncé l'abrogation de la
loi Thomas.
En effet, si nous croyons nécessaire une épargne-retraite à long terme, nous
considérons qu'elle ne peut être qu'un complément et non pas un dispositif
concurrent du régime de retraite par répartition. Or le risque, avec la loi
Thomas, est que le système de retraite par capitalisation ne remplace à terme
le régime par répartition.
C'est pourquoi le Gouvernement souhaite d'abord conforter le régime de
retraite par répartition, avant de mettre en place un système d'épargne ouvert
à tous à long terme.
Sur ce terrain, le texte que vous aviez déposé avec M. Arthuis constituait,
certes, une amélioration par rapport à la loi Thomas puisqu'il était très
clairement indiqué que le chef d'entreprise ne pouvait plus mettre en place
unilatéralement les fonds de pension.
Il subsistait cependant, à mon avis, un certain nombre de difficultés.
Vous savez que les plans d'épargne-retraite sur lesquels nous sommes en train
de travailler s'inspirent de trois principes.
Premièrement, ces plans devraient s'effectuer dans un cadre collectif et être
rendus réellement accessibles à l'ensemble des salariés et non pas uniquement à
ceux qui en ont les moyens.
Deuxièmement, les avantages dont ils bénéficieraient devraient profiter aussi
à l'ensemble des salariés sans fragiliser les comptes de la sécurité sociale.
Or nous savons qu'avec un système réservé aux cadres nous courrions le risque
d'un transfert d'une partie des salaires vers ces fonds de retraite et, donc,
d'une ponction sur la sécurité sociale.
Troisièmement, nous pensons que, comme je l'ai déjà dit, les partenaires
sociaux devront être étroitement associés à la mise en oeuvre et à la gestion
de ces fonds.
Tous ces points ne sont pas traités - et je le comprends - dans un amendement
qui ne saurait constituer à lui tout seul un projet de loi.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, votre proposition, qui
constituait, j'en conviens, une avancée par rapport à la loi Thomas, ne va
cependant pas assez loin. Mieux vaut abroger un texte qui ne va pas dans le
sens que nous souhaitons et, comme vous l'avez dit, élaborer un nouveau texte
qui ne générera en aucun cas un système de substitution, mais constituera le
troisième étage de notre système de retraite.
Article 2
bis
M. le président.
« Art. 2
bis
. - Le dernier alinéa de l'article L. 131-7-1 du code de la
sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces taux particuliers sont également applicables aux assurés d'un régime
français d'assurance maladie, exonérés d'impôts directs en application d'une
convention ou d'un accord international. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Introduit par l'Assemblée nationale sur la proposition de sa
commission des affaires culturelles, familiales et sociales, cet article 2
bis
tend à prévoir le paiement des cotisations maladie pour les
fonctionnaires internationaux de nationalité française travaillant et vivant en
France.
Madame la ministre, je prends la parole sur cet article pour attirer
l'attention sur le fait qu'il a pour objectif de remédier au dysfonctionnement
résultant de la substitution de la cotisation sociale généralisée aux
cotisations d'assurance maladie.
Du fait du transfert de la majeure partie des cotisations d'assurance maladie
vers la CSG, décidé par la loi de financement pour 1998, les fonctionnaires
internationaux de nationalité française, travaillant et vivant en France, ne
paient désormais plus qu'une cotisation maladie très réduite. Or ils ne paient
pas non plus ni d'impôt direct, ni de CSG, du fait d'accords - dits de siège -
conclus entre les organismes internationaux et la France.
L'article vise à rétablir des taux particuliers de cotisations d'assurance
maladie, maternité, invalidité et décès, taux prévus à l'article L. 131-7 du
code de la sécurité sociale.
J'avais souligné, lors du débat portant sur le projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 1998, les complexités entraînées par ce basculement
massif des cotisations d'assurance maladie vers la CSG.
Je constate que nous devons réparer - aujourd'hui pour la première fois - dans
le projet de loi de financement pour 1999 - c'est également valable pour
l'article 10 relatif à la cotisation sur les contrats d'assurance automobile -
les conséquences de cette mesure mise en place trop hâtivement, conséquences
qui n'avaient pas été appréciées de façon exhaustive, et nous l'avions souligné
à l'époque.
Je profite de cette occasion, madame la ministre, pour effectuer un rapide
bilan de la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie.
Je ne suis pas persuadé que les intérêts des non-salariés aient été aussi bien
défendus que ceux des salariés.
Le cas des fonctionnaires est en outre particulièrement significatif, puisque
l'on a compensé la perte de pouvoir d'achat résultant de l'assujettissement à
la CSG de leurs primes.
Toutefois, je voudrais insister sur le fait - les responsables des
collectivités locales ne me démentiront pas - qu'une décision de l'Etat qui
compense pour ses fonctionnaires une perte de pouvoir d'achat prévisible
entraîne un surcoût financier pour les collectivités locales et pour les
hôpitaux.
Pourrions-nous connaître le coût de cette mesure de compensation à la fois
pour le budget de l'Etat et pour ceux des collectivités locales et des hôpitaux
?
En ce qui concerne la CSG sur les revenus de remplacement, les règles
complexes d'exonération donnent des résultats curieux. Les effets de seuil sont
très importants. Je cite l'exemple, dans mon rapport écrit, des titulaires de
pensions civiles d'invalidité : leur CSG est passée de 3,4 % à 6,2 %, sans
baisse de cotisations maladie, puisqu'il n'y en a pas sur ces prestations. Je
sais bien que les plus modestes ne sont pas touchés, car ils ne sont pas
imposables, mais je crois qu'il y a quand même là un problème. S'agissant des
prélèvements sociaux sur l'épargne, tout le monde se rend compte qu'une
taxation à 10 % n'a pas le même sens - c'est une évidence ! - qu'une taxation à
un taux plus bas.
En outre, sur l'aspect financier, la substitution était censée rapporter 4,6
milliards de francs en 1998. Vous pouvez lire dans mon rapport écrit que nous
avons estimé ce gain à environ - je dis bien « environ », parce que les
chiffres ne sont pas clairs - seulement 1 milliard de francs. Si nous avons
tort, il faut que vous nous le disiez, madame la ministre, et, bien sûr, nous
ferons amende honorable.
Nous n'avons pas présenté, madame la ministre, d'amendement visant à prendre
en compte telle ou telle catégorie. En effet, après le basculement massif de
1998, il faut, dans ce domaine, la paix législative et réglementaire. Il
importe que nous apprécions, calmement, avec les chiffres définitifs de 1998,
les gains et les pertes des pouvoirs d'achat des uns et des autres.
Je pense qu'il sera nécessaire - je le dis sans passion - dans le projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 de réparer des erreurs, ou
des inconséquences, résultant de ce basculement massif.
Les coûts doivent être des coûts réels et nous devons savoir, catégorie par
catégorie, ce que cela a coûté aux uns et aux autres.
Je l'avais dit l'année dernière dans mon rapport et je le redis cette année :
la substitution aux cotisations d'assurance maladie de la CSG à 7,5 % n'est pas
neutre pour toutes les catégories ; j'y reviendrai tout à l'heure en défendant
un amendement. Aujourd'hui, des retraités non imposables paient 4 000 francs de
CSG !
Un bilan s'impose. Il est peut-être trop tôt pour le dresser aujourd'hui, mais
je souhaiterais vivement qu'il soit fait dans le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2000, afin que nous n'ayons plus à connaître de
chiffres aussi disparates que 4,6 milliards de francs de gain prévisionnel et 1
milliard de francs de gain réalisé.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, je vais
vous apporter quelques précisions chiffrées.
Tout d'abord, s'agissant du coût de la compensation pour les fonctionnaires de
la substitution de la CSG aux cotisations d'assurance maladie, il est, pour les
hôpitaux - je peux vous citer le chiffre avec certitude puisqu'il relève de mon
ministère - de 330 millions de francs. Nous l'avions d'ailleurs annoncé l'année
dernière ; il était inscrit dans la loi de financement de la sécurité
sociale.
Pour la fonction publique d'Etat - j'en demanderai confirmation au ministère
du budget - il doit être de quelque 900 millions de francs ; je l'avais
également annoncé l'année dernière.
Malheureusement, je ne dispose pas ici des chiffres pour les collectivités
locales.
A propos de la question que vous avez posée sur la CSG sur le patrimoine, sur
les revenus des retraités non imposables, etc., je voudrais vous rappeler les
principes qui fondent notre action.
Tout d'abord, la CSG est un impôt à assiette large, et c'est tout son intérêt.
D'aucuns ont déclaré que des retraités ou des personnes touchant des pensions
d'invalidité ont dû acquitter la CSG alors qu'ils ne s'y attendaient pas. Mais
tout salarié paie une CSG dès le premier franc, même un travailleur à temps
partiel gagnant entre 1 500 francs et 2 000 francs par mois ! Tout l'intérêt de
cette cotisation réside dans l'étendue de son assiette, car elle prend en
compte l'ensemble des éléments de revenus.
Les personnes qui sont non imposables au titre de leur retraite, ou au titre
de pensions diverses et variées, ne paient pas la CSG sur ces revenus.
Les chiffres qui viennent d'être publiés sur les revenus généraux en France,
notamment sur ceux des professions libérales, montrent que certains retraités
ayant exercé une activité libérale perçoivent des retraites extrêmement faibles
- ce qui est lié au fait que les régimes n'existaient pas précédemment - mais
qu'ils disposent d'un patrimoine important et de revenus tirés de ce patrimoine
qui sont élevés. Cela entraîne un paiement de la CSG, ce qui n'était pas le cas
auparavant.
Aussi, cette année, un certain nombre de personnes paient une CSG alors même
que leurs retraites sont faibles. Mais il convient de considérer l'ensemble des
revenus de la personne, et pas seulement le montant de la retraite ou de la
pension d'invalidité.
Très franchement, la substitution aux cotisations d'assurance maladie de la
CSG est, à cet égard, une juste mesure : elle exonère ceux qui perçoivent de
modestes retraites ou pensions d'invalidité, mais elle frappe les détenteurs
d'un patrimoine important. Il n'y a rien là que de très normal, dès lors que
les salariés - j'insiste sur ce point - dès le premier franc perçu, acquittent
la CSG.
Telles sont les réponses que je souhaitais apporter en l'instant.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2
bis.
(L'article 2
bis
est adopté.)
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Le montant des sommes correspondant à la prise en compte, par le
régime d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, des périodes pendant
lesquelles les assurés des départements d'outre-mer ont, en 1994, 1995 et 1996,
bénéficié des allocations mentionnées aux articles L. 322-3, L. 351-3, L. 351-9
et L. 351-10 du code du travail, des allocations spéciales mentionnées au 2° de
l'article L. 322-4 du même code et de l'allocation de préparation à la retraite
mentionnée à l'article 125 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30
décembre 1991), ainsi que des périodes de chômage non indemnisé visées au 3° de
l'article L. 351-3 du code de la sécurité sociale, dont la prise en charge
incombe au Fonds de solidarité vieillesse en application du premier alinéa de
l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale, est arrêté à 2,9 milliards
de francs. »
- (Adopté.)
Article 3
bis
M. le président.
« Art. 3
bis
. - I. - L'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale
est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "la rémunération d'une aide à domicile est
exonérée totalement des cotisations patronales d'assurances sociales,
d'accidents du travail et d'allocations familiales" sont remplacés par les mots
: "la rémunération d'une aide à domicile est exonérée des cotisations
patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations
familiales" ;
« 2° Le deuxième alinéa (
a
) est complété par les mots : "et dans la
limite, par foyer, d'un plafond de rémunération déterminé par décret" ;
« 3° Au quatrième alinéa, après les mots : "vivant seules,", sont insérés les
mots : "remplissant la condition de degré de dépendance prévue à l'article 2 de
la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant à mieux répondre aux besoins des
personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance ou"
;
« 4° Au dernier alinéa :
«
a)
Après le mot : "employées", sont insérés les mots : "sous contrat
à durée indéterminée" ;
«
b)
Les mots : "les associations agréées au titre de l'article L.
129-1 du code du travail" sont remplacés par les mots : "les associations
admises, en application de l'article L. 129-1 du code du travail, à exercer les
activités concernant la garde d'enfant ou l'assistance aux personnes âgées ou
handicapées" ;
«
c)
Après les mots : "des cotisations patronales d'assurances
sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales", sont ajoutés les
mots : "pour la fraction versée en contrepartie de l'exécution des tâches
effectuées chez les personnes visées aux
b, c
et
d
ou
bénéficiaires de l'aide ménagère au titre de l'aide sociale légale ou dans le
cadre d'une convention conclue entre ces associations ou organismes et un
organisme de sécurité sociale" ;
« 5° Il est ajouté quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un décret détermine les conditions d'application de l'exonération prévue par
l'alinéa ci-dessus et notamment :
« - les informations et pièces que les associations et les organismes visés au
quinzième alinéa doivent produire auprès des organismes chargés du recouvrement
des cotisations de sécurité sociale du régime général ;
« - les modalités selon lesquelles les organismes chargés du recouvrement des
cotisations de sécurité sociale du régime général vérifient auprès des
organismes servant les prestations mentionnées aux
b, c
et
d
ou
les prestations d'aide ménagère visées au quinzième alinéa que les personnes au
titre desquelles cette exonération a été appliquée ont la qualité des
bénéficiaires desdites prestations.
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 131-7 du présent code,
l'exonération prévue au quinzième alinéa n'est pas compensée par le budget de
l'Etat.
« II. - Les caisses de sécurité sociale procèdent dans des conditions
déterminées par décret au contrôle des organismes chargés de l'exécution des
prestations à caractère familial ou domestique dont elles assurent, en tout ou
partie, le financement, afin de s'assurer de la régularité des opérations
financières et comptables et d'apprécier la qualité des prestations servies.
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables aux périodes
d'emploi postérieures au 31 décembre 1998, à l'exception de celles du 2° du I,
applicables aux périodes d'emploi postérieures au 31 mars 1999. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 44, MM. Descours et Vasselle, au nom de la commission des
affaires sociales, proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 91, le Gouvernement propose de compléter le 3° du I de cet
article par les mots suivants : « et après les mots : "pour accomplir les actes
ordinaires de la vie", sont insérés les mots : "dans des conditions définies
par décret". »
La parole est à M. Vasselle, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 44.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
L'article 3
bis
modifie de manière très importante les
conditions d'exonération de cotisations sociales patronales pour l'emploi d'une
aide à domicile.
Je rappelle qu'il est le complément de l'article 3
ter,
qui vise à
accorder une exonération à 100 % des cotisations sociales patronales aux
associations prestataires de services à domicile. Je tiens à préciser tout de
suite que nous sommes favorables à l'article 3
ter,
et ce d'autant plus
que la Haute Assemblée, à plusieurs reprises, avait fait des propositions en ce
sens.
La commission des affaires sociales est consciente des difficultés auxquelles
sont aujourd'hui confrontées ces associations. Madame le ministre, le 15
octobre dernier, je vous avais d'ailleurs interrogée sur ce point lors des
questions d'actualité au Gouvernement. A l'occasion de l'examen par la Haute
Assemblée du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier, nous avions en outre décidé de porter de 30 % à 60 % le taux
d'exonération des charges sociales dont les associations peuvent bénéficier et
cette disposition, qui allait dans le sens de l'amendement, n'avait cependant
finalement pas été retenue par celle-ci.
La commission des affaires sociales accueille donc très favorablement
l'article 3
ter.
En revanche, nous ne pouvons accepter l'article 3
bis
dans sa rédaction
actuelle. En effet, cet article comporte une disposition à notre sens très
critiquable et parfaitement injstifiée, qui est le plafonnement drastique à
soixante heures par mois payées au SMIC des services d'aide à domicile pouvant
faire l'objet d'une exonération des cotisations sociales quand l'employeur est
une personne âgée de plus de soixante-dix ans.
Soucieuse de rétablir l'équité entre l'emploi direct, dit de « gré à gré », et
le recours à des associations prestataires de services, la commission des
affaires sociales est favorable à l'exonération totale des cotisations sociales
pour les associations.. Elle ne peut cependant accepter que l'on réduise
parallèlement les avantages accordés à l'emploi direct.
Certes, il est vrai que les associations souffraient antérieurement de la
concurrence du gré à gré, dont le coût s'avérait plus compétitif pour les
employeurs. Mais il ne faudrait pas pour autant, à notre sens, qu'elles soient
placées aujourd'hui dans une position qui les avantagerait sensiblement par
rapport à l'emploi direct.
Il faut trouver une solution d'équilibre, et la commission des affaires
sociales approuve à cet égard les conclusions du rapport Hespel-Thierry relatif
aux aides à domicile auquel Mme le ministre a bien voulu faire référence à
plusieurs reprises, à l'occasion de réponses à des questions d'actualité, de
réunions de la commission des affaires sociales ou de la discussion
générale.
Selon ce rapport, il convient de préserver la liberté de choix des employeurs
entre l'embauche de gré à gré et le recours à des prestataires de services,
sauf en cas de dépendance extrême. Ce texte n'émet qu'une seule réserve, qui
concerne les personnes âgées les plus dépendantes.
Le rapport Hespel-Thierry propose ainsi d'instituer une exonération uniforme
de 100 % des cotisations patronales afférentes aux emplois à domicile. Elle
serait prise en charge par l'Etat et accordée à l'ensemble des emplois
patronaux ouvrant droit actuellement à la réduction fiscale pour emplois
familiaux, qu'il s'agisse d'employeurs de gré à gré, d'employeurs prestataires,
d'associations ou d'entreprises.
Le rapport préconise non seulement d'augmenter le taux et le champ des
exonérations consenties aux employeurs prestataires, mais aussi d'élargir le
champ des exonérations consenties aux employeurs de plus de soixante-dix ans
recourant au gré à gré, c'est-à-dire qu'il va encore plus loin !
La réforme proposée par le Gouvernement prend par conséquent, pour les
personnes de plus de soixante-dix ans, l'exact contrepried des recommandations
du rapport Hespel-Thierry dont vous avez prétendu à plusieurs reprises, madame
le ministre, vous inspirer.
J'ajoute enfin que cette réforme présente un risque, le développement du
travail clandestin, qu'on ne saurait sous-estimer.
La seule véritable justification du plafonnement introduit dans l'article 3
bis
est d'ordre financier : il s'agit de compenser partiellement la coût
de l'adoption de l'article 3
ter,
soit 670 millions de francs, une
économie de 420 millions de francs, réalisée en plafonnant l'exonération
accordée aux personnes de plus de soixante-dix ans.
Les autres dispositions de l'article 3
bis
fixent les conditions -
contrat à durée indéterminée, exonération sur une fraction des rémunérations,
modalités de contrôle des exonérations - auxquelles serait soumise
l'exonération totale de cotisationss sociales dont bénéficieraient les
associations. Elles mettent en place un système complexe reposant sur des
procédures lourdes dont il est très difficile de mesurer aujourd'hui, dans un
délai aussi bref, la portée et les conséquences.
La commission des affaires sociales ne peut donc que regretter - je l'ai dit
et je le répète - la précipitation qui a caractérisé la démarche du
Gouvernement.
En effet, est-il raisonnable de faire adopter une réforme d'une telle portée
par le biais d'un amendement de séance déposé le jour même de son examen et qui
n'a donc pu être étudié par la commission des affaires culturelles, familiales
et sociales de l'Assemblée nationale ? Il est vrai que Mme le ministre l'a
regretté, mais il reste que l'amendement a tout de même été déposé et voté par
l'Assemblée nationale.
Cette précipitation prive le législateur du délai nécessaire à un examen
attentif et à une évaluation approfondie au travers, notamment, d'une
concertation avec les différentes parties intéressées.
Enfin, la commission des affaires sociales refuse très fermement la
non-compensation par le budget de l'Etat de l'exonération de cotisations
sociales accordée aux associations à l'article 3
ter.
Cette
non-compensation, qui est en contradiction totale - M. Charles Descours ne
manquera d'ailleurs pas de le rappeler - avec l'article L. 131-7 du code de la
sécurité sociale, est affirmée de manière explicite dans l'article 3
bis.
Pour l'ensemble de ces raisons, mes chers collègues, la commission des
affaires sociales vous propose d'adopter un amendement de suppression de
l'article 3
bis.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je dois dire que, là non plus,
je ne comprends pas la position du Sénat.
On ne peut à la fois nous reprocher de nous précipiter et nous dire qu'il faut
traiter un problème. Ce problème, il se pose depuis des années et, si nous
avons demandé un rapport, c'est bien parce qu'il n'avait pas été traité.
On ne peut pas non plus dire une chose et son contraire, monsieur le
rapporteur : souhaiter que les personnes âgées restent à domicile et ne pas
accepter les mesures qui leur permettraient de le faire.
Il y a un vrai désaccord entre nous, et autant mettre vraiment le doigt sur ce
désaccord.
La réponse que nous apportons correspond, en fait, à trois objectifs.
Premièrement, quand nous établissons une comparaison internationale, le
rapport Hespel-Thierry le montre bien, nous constatons qu'en France les
personnes âgées comme les personnes handicapées sont trop souvent placées en
établissement alors qu'elles souhaiteraient rester à domicile. Nous souhaitons
donc, chaque fois que c'est possible, notamment par un plan d'aide à domicile,
leur permettre de rester chez elles. Nous savons en effet que le placement en
établissement, notamment pour les personnes âgées, entraîne très rapidement une
déchéance psychologique, morale, quand ce n'est pas physique. Nous devons donc
réserver les placements en établissement quand l'état médical ou de dépendance
le nécessite absolument.
Deuxièmement, nous souhaitons faire en sorte que les métiers liés à la
dépendance soient pris en charge par de vrais professionnels et, au fur et à
mesure de l'avancée de cette question, contribuer à professionnaliser les
personnels qui viennent en aide aux personnes âgées ou aux personnes
handicapées.
Nous savons bien que cela passe, non seulement pour ces personnels, mais
également pour la personne âgée ou handicapée, par des associations d'aide à
domicile. Ces dernières permettront de remédier aux désagréments ou aux
mauvaises relations individuelles, mais aussi de vérifier les capactités des
personnels à répondre aux problèmes spécifiques de chaque personne âgée ou de
chaque personne handicapée.
Troisièmement - c'est là que nous nous séparons -, nous considérons que l'Etat
n'a pas vocation à aider de la même manière l'ensemble des personnes âgées
dépendantes et qu'il convient de prendre en compte deux critères : le niveau de
la dépendance physique, psychologique et morale et le niveau de la dépendance
financière. C'est en prenant en compte ces deux critères que nous abordons
cette question.
Pour dire les choses telles qu'elles sont, je citerai un exemple : récemment,
un ancien président d'une grande société de notre pays s'étonnait - à juste
titre ! -, de bénéficier d'une exonération à 100 % des cotisations sociales
patronales alors qu'il disposait de revenus suffisants pour payer les trois
personnes travaillant à son domicile.
C'est très exactement la question qui se pose aujourd'hui. Il n'est pas
possible de prétendre rechercher la rigueur pour la sécurité sociale et une
meilleure prise en charge de tout le monde sans souhaiter trouver les
financements.
Je vous dirai les choses très simplement : nous avons souhaité exonérer de
charges sociales les associations d'aide à domicile et nous les aiderons à
mettre en place de vrais métiers spécialisés dans la prise en charge de la
dépendance ; mais nous avons souhaité en même temps limiter les aides à
domicile pour les personnes âgées de plus de soixante-dix ans à quinze heures
par semaine et par foyer.
Je rappelle sur ce point précis que seuls 10 % des employeurs de plus de
soixante-dix ans utilisent un nombre d'heures supérieur à ce plafond. Mais cela
représente près de 50 % des heures exonérées ! Voilà qui montre déjà de qui il
s'agit !
Je tiens par ailleurs à préciser, parce que vous ne l'avez peut-être pas vu
dans le projet de loi, que nous maintenons l'exonération à 100 % pour tous ceux
qui touchent la PSD ou l'allocation aux adultes handicapés, pour eux-mêmes ou
pour leurs enfants à charge. Les personnes lourdement handicapées continuent
donc à être prises en charge à 100 %. Celles, en revanche, qui n'ont pas un
haut niveau de handicap ou de dépendance et qui, tout simplement, emploient une
aide à domicile, doivent payer, au-delà de quinze heures par semaine, les
cotisations sociales patronales.
Je vous rappelle que l'exonération actuelle cumulée avec les emplois familiaux
a réduit à moins de vingt-cinq francs le coût horaire d'une aide à domicile
pour ceux qui perçoivent les revenus les plus élevés et qui peuvent faire jouer
à fond le plafond des allocations familiales.
Sur le chantage au travail noir, je vais clairement dire ce que je pense.
Il n'est pas acceptable que, dans notre pays et dans une assemblée comme
celle-ci, on soutienne ceux qui ont de l'argent et qui, dès qu'on leur demande
de remplir leurs obligations sociales en versant des cotisations sociales, font
du chantage au non-paiement. A un moment donné, il faut que les groupes
politiques reconnaissent que ce n'est pas acceptable.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Il n'est pas acceptable, lorsque l'on a de l'argent, d'aller le placer
aux frontières, en Belgique ou en Suisse, et, lorsqu'on doit payer des
cotisations sociales, de menacer de recourir au travail noir !
Si un consensus ne se dégage pas sur ce point sur l'ensemble des bancs des
assemblées de notre pays, si chacun d'entre vous n'ose pas dire cela, nous
n'avancerons pas !
(MM. Jacques Machet et Jean Chérioux applaudissent. Applaudissements sur les
travées socialistes également.)
Je considère que ceux qui, aujourd'hui, soutiennent que le SMIC est trop
élevé et vont embaucher au noir leur employé à domicile ne sont pas dignes de
nous tenir des discours sur la démocratie et sur la République ! Je le dis
comme je le pense. Certains tiennent parfois un discours et son contraire, et
ce n'est pas acceptable !
D'ailleurs, si ces personnes mettaient leur chantage à exécution, elles ne
bénéficieraient plus de leur déduction au titre des emplois familiaux. Mais
comme elles sont bien informées et ont de bons conseillers fiscaux, elles s'en
gardent bien.
Je souhaiterais donc que de tels chantages prennent un peu moins de place dans
une instance démocratique comme celle où nous siégeons aujourd'hui.
Monsieur Descours, si l'amendement de suppression est voté, j'en serai navrée,
mais vous ne pourrez pas supprimer les 420 millions de francs que nous
dégageons grâce au plafonnement et maintenir l'exonération à 100 % des charges
sociales patronales pour tous...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Tout à fait !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... car, alors, l'article 40 de
la Constitution serait applicable.
M. le président.
Madame le ministre, je vous invite maintenant à présenter l'amendement n° 91,
qui est en discussion commune.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il faut être précis si l'on ne
veut pas voir une disposition annulée un jour ou l'autre. J'aurais peut-être dû
être précise du premier coup. Je fais amende honorable en présentant cet
amendement, qui vise à améliorer encore mon texte.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame le ministre, vous avez été très véhémente. Mais
peut-être ai-je mal entendu ou peut-être vous êtes vous mal exprimée, comme
vous l'avez dit à plusieurs reprises.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, j'ai effectivement été
très véhémente.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Vous avez fait une sorte d'amalgame, donnant à penser que M.
Vasselle et le parti auquel il appartient soutenaient le travail au noir.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, pas du tout. J'ai parlé de
« chantage au travail au noir », ce qui est différent.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Tout d'abord, il n'y a pas de classe spéficique qui défende
le travail au noir.
M. François Autain.
Si, les riches !
M. Jean Chérioux.
Cela s'est généralisé !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Des ouvriers maçons qui veulent travailler au noir, le samedi
ou le dimanche, que celui d'entre vous qui n'en connaît pas me le dise ! Il n'y
a pas de complexe de classe à avoir sur ce point. Le travail au noir est un
fléau de notre pays...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il ne faut pas l'organiser !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... qui sévit dans toutes les classes de la société.
Le Gouvernement que j'ai soutenu a pris des textes contre le travail au noir,
comme l'ont fait d'autres gouvernements. Il s'agit d'un phénomène complètement
transversal.
La lutte contre le travail au noir, nous en sommes d'accord, nous devons tous
la soutenir. Ce n'est l'apanage ni de tel ou tel parti, ni de tel ou tel
gouvernement. Nous sommes tous contre le travail au noir.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 91 ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous comprendrez que, à partir du moment où la commission a
déposé un amendement visant à supprimer l'article 3
bis,
elle émette un
avis défavorable, par cohérence, sur l'amendement n° 91 du Gouvernement.
Après les remarques toujours pertinentes présentées par notre rapporteur M.
Descours, vous me permettrez, madame le ministre, d'ajouter que, sur les trois
points que vous avez évoqués, deux font l'objet, je pense, d'un consensus
général à la fois entre la Haute Assemblée et le Gouvernement.
Sur le maintien à domicile tout d'abord, tous les gouvernements qui se sont
succédé et tous les parlementaires qui les ont soutenus ont apporté la preuve
de leur volonté de favoriser la politique de maintien à domicile.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il suffit de regarder les différents textes législatifs et
mesures réglementaires pris depuis une décennie au moins pour le constater. Ne
laissons donc pas accroire que la majorité actuelle du Sénat est opposée à
toute initiative qui serait prise dans ce sens. Je tiens à le dire avec la plus
grande netteté.
Ensuite, s'agissant des employés à domicile, vous souhaitez que ce soient de
véritables professionnels qui interviennent ; nous partageons également votre
point de vue.
Toutefois, il ne faudrait pas laisser penser que seules les associations ont
l'apanage de faire intervenir à domicile de véritables professionnels. Dans nos
départements, les syndicats d'employeurs privés qui mettent en liaison des
personnes âgées de plus de soixante-dix ans et des salariés pour un recrutement
direct de gré à gré font également intervenir à domicile de véritables
professionnels !
S'il est vrai que nous connaissons les uns et les autres, chez des personnes
âgées de plus de soixante-dix ans et employeurs directs, des exemples de
salariés qui interviennent à domicile et qui manquent de ce professionnalisme
dont d'autres font preuve, gardons-nous toutefois de généraliser à partir de
ces quelques cas particuliers et d'en conclure que le gré à gré se traduit par
une absence de professionnalisme chez les salariés qui interviennent au
domicile des personnes de plus de soixante-dix ans employeurs.
Ce serait un affront vis-à-vis de ces salariés, car cela reviendrait à dire
qu'ils sont incapables sur le plan professionnel et que, pour acquérir une
véritable compétence leur permettant d'être recrutés et d'intervenir chez des
personnes de plus de soixante-dix ans, il faudrait qu'ils soient formés par des
associations !
S'agissant de la formation du personnel, j'ajoute enfin que nous avions
introduit dans le texte de loi sur la prestation spécifique dépendance, qui a
été déposé par le Sénat et dont M. Fourcade et moi-même étions les deux
premiers signataires, un article qui, précisément, renvoyait à un décret la
formation des personnels intervenant à domicile. J'espère que ce décret, qui
n'a été pris ni par le gouvernement précédent ni par le gouvernement actuel,
paraîtra un jour ou l'autre !
Je voudrais ajouter deux remarques à celles de M. Descours.
L'argumentaire de notre amendement repose sur deux points.
D'abord, nous n'avons rien inventé. C'est le rapport Hespel-Thierry...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce n'est pas la Bible !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... qui préconise un traitement équivalent pour le gré à gré
et pour les associations prestataires de services employeurs !
Or, madame la ministre, vous l'avez dit à plusieurs reprises, le Gouvernement
lui-même s'est inspiré de ce rapport pour la politique relative aux emplois à
domicile. Nous nous sommes également fondés sur ce rapport. Encore une fois,
nous n'avons rien inventé, et nous n'avons pas l'intention de mettre en
difficulté le Gouvernement sur ce point.
Enfin - ce sera mon dernier argument -, n'oublions pas dans quel contexte
cette mesure d'exonération avait été prise en 1987 - je crois savoir que
d'autres mesures équivalentes, même si elles n'étaient pas complètement
identiques, ont été prises en d'autres temps par des gouvernements
socialistes.
A l'époque, compte tenu de la crise de l'emploi - qui sévit toujours
aujourd'hui, même si un léger tassement par rapport à ce qu'on a connu a été
enregistré ; mais personne ne sait ce qu'il adviendra à l'avenir - des mesures
de cette nature avaient été prises pour favoriser les emplois à domicile, et
cela même chez des personnes qui étaient relativement aisées.
Cette mesure devait permettre qu'un certain nombre de personnes ne travaillent
plus au noir.
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Même si l'on peut condamner avec vous, madame la ministre, le
fait que des personnes très aisées profitent de cette situation et s'exonèrent
du paiement des cotisations de sécurité sociale que leurs revenus leur
permettraient pourtant d'assumer,...
M. Alain Gournac.
Il a raison !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... il s'agit d'une mesure pour l'emploi. C'est la raison
pour laquelle la Haute Assemblée a fait ces remarques sur cette disposition,
comme elle l'avait fait en leur temps pour les emplois familiaux avec
l'AGED.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il faut replacer toutes ces mesures dans leur contexte et
non les examiner sous un angle particulier destiné à faire croire que la Haute
Assemblée n'a, en définitive, qu'une seule préoccupation : favoriser les
classes aisées sans se préoccuper des autres. C'est totalement faux ! Je le
souligne avec la plus grande clarté, la plus grande fermeté et, je l'espère,
avec pertinence.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du
groupe du RPR.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 44.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe
socialiste votera contre cet amendement de suppression d'un article important,
qui vise à rationaliser et à rééquilibrer l'organisation des exonérations de
charges sociales dès lors que l'on a recours à une aide à domicile.
Cet amendement fragilise, de toute évidence, et risque de remettre en question
l'article 3
ter
, qui prévoit une exonération à 100 % des charges
patronales pour les associations intervenant au domicile des personnes qui ne
peuvent pas ou plus assumer les gestes de la vie quotidienne.
Cette loi est l'occasion pour le Gouvernement et le Parlement de mettre un peu
d'ordre dans un système devenu inadapté au regard des priorités qui se font
jour.
L'évolution des réflexions sur la prise en charge de la dépendance, quelle
qu'en soit la source, a fait apparaître très clairement la place du maintien à
domicile dans les aspirations des personnes ayant perdu leur autonomie et la
nécessaire rationalisation de nos dépenses pour le secteur médico-social.
Le tissu associatif à but non lucratif s'est très rapidement investi dans ce
champ, en proposant des réponses adaptées et de qualité en termes de
professionnalisme, de proximité et d'encadrement des salariés.
Il a permis, par ailleurs, de mettre en place un statut pour ces personnels,
de leur assurer un emploi moins précaire que dans le cadre du gré à gré et de
proposer des contrats mieux encadrés auxquels s'appliquent les conventions
collectives.
Mes chers collègues, rappelez-vous que, lors du débat sur la prestation
spécifique dépendance, M. Barrot reconnaissait les imperfections du système de
gré à gré et avait même envisagé de mieux définir les profils professionnels
des personnes ainsi employées.
Il convenait donc de reconnaître ce secteur associatif à sa juste valeur et de
lui faciliter l'exercice de son activité dans des conditions au moins
équivalentes à celles des employeurs directs, notamment en termes de charges
patronales.
Nous demandions cet aménagement depuis fort longtemps et nous nous réjouissons
que le Gouvernement nous le propose à l'occasion de ce projet de loi de
financement de la sécurité sociale. Nous ferons tout pour préserver ce
dispositif contenu dans l'article 3
ter
.
Si l'amendement de suppression était adopté - ce qui serait regrettable - on
verrait disparaître les garanties supplémentaires apportées par l'article 3
bis
dans le cadre du recours à des associations, par exemple la nature
du contrat à durée indéterminée, le contrôle de ces structures bénéficiant
ainsi d'un soutien important de l'Etat.
Par ailleurs, nous ne pensons pas que le plafonnement des exonérations dans
les limites de 180 heures par trimestre - cela correspond à quinze heures par
semaine - soit si pénalisant pour les personnes âgées, puisque 90 % d'entre
elles font appel à ce système dans un contingent inférieur à quinze heures.
Elles bénéficient par ailleurs et parallèlement des déductions fiscales liées
aux emplois familiaux.
Certes, cette disposition ne règlera pas l'intégralité des problèmes liés au
maintien à domicile. Il est clair que nous devrons aborder d'une manière plus
globale tout ce qui a trait à la prise en charge de la dépendance, et notamment
celle des personnes âgées, véritable problème de société qui ne peut que
prendre de l'ampleur.
Cela passera par une remise à plat et une définition des métiers concernant
cette prise en charge. C'est un vaste chantier qui nécessite que se poursuive
sans délai la concertation avec l'ensemble des acteurs.
En attendant, madame la ministre, dès aujourd'hui vous nous proposez une
véritable mesure de rééquilibrage et de moralisation à laquelle nous
souscrivons totalement.
En conséquence, nous voterons contre l'amendement n° 44.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3
bis
est supprimé et l'amendement n° 91 n'a
plus d'objet.
Article 3
ter
M. le président.
« Art. 3
ter. -
Dans le dernier alinéa de l'article L. 241-10 du code
de la sécurité sociale, le taux : "30 %" est remplacé par le taux : "100 %".
»
Par amendement n° 1, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose :
A. - De compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est applicable à la
majoration de l'exonération prévue au I. »
B. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention :
« I ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement se réfère à la loi du 25 juillet, à laquelle
nous tenons, particulièrement à l'article L. 131-7, selon lequel « toute mesure
d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale,
instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi... donne lieu à
compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant
toute la durée de son application. »
Cette disposition doit naturellement être appliquée à la majoration du taux
d'exonération, porté de 30 % à 100 %, des cotisations sociales patronales
accordées aux associations prestataires de services à domicile par le présent
article.
La commission considère en effet que le fait de ne pas prévoir une telle
compensation irait à l'encontre de la loi du 25 juillet 1994. Le Gouvernement a
d'ailleurs eu la même interprétation puisqu'il a ajouté, à l'article 3
bis
, un alinéa portant dérogation exceptionnelle.
Nous refusons cette logique. Nous observons à cet égard que l'argumentation
sur la non-compensation partielle des exonérations de charges dans l'optique
des 35 heures a brisé un tabou. Mais vous nous avez dit que ce n'était pas le
sujet et que, s'agissant des 35 heures, l'exonération serait compensée.
Le principe de la compensation permet, à mon sens, de clarifier les relations
financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Il s'agit d'une bonne gestion
des caisses. On ne peut pas charger la sécurité sociale de mesures décidées par
d'autres et, ensuite, se gausser d'un éventuel « trou » de la sécurité sociale
!
Cet amendement a donc pour objet de compenser cette majoration du taux
d'exonération, c'est-à-dire de 30 % à 100 %. Pour les premiers 30 %, c'est
effectivement passé par profits et pertes.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Tout d'abord, monsieur le
rapporteur, quand vous avez fait voter la loi de 1994, vous n'avez pas «
rattrapé », si je puis dire, tous les textes précédents - ce qui représente
entre 12 milliards de francs et 15 milliards de francs non remboursés par le
budget de l'Etat à la sécurité sociale. Si vraiment vous aviez voulu le faire,
vous en auriez d'ailleurs eu la possibilité pour ces 30 %. Vous ne l'avez pas
fait à l'époque car cela vous a sans doute paru d'un coût trop élevé pour
l'Etat, et je le comprends fort bien.
Dès lors qu'aujourd'hui vous proposez que ce relèvement de 30 % à 100 % soit
totalement financé par le budget de l'Etat - ce qui, encore une fois, n'était
pas le cas pour les 30 % mis en place avant la loi de 1994 -, je me demande si
l'article 40 ne s'oppose pas à cet amendement. Je ne sais pas, monsieur le
président, si la commission des finances sera d'accord avec moi. Mais je ne
peux pas accepter qu'une charge complémentaire soit mise sur le budget de
l'Etat de cette manière, alors même que vous venez de refuser un amendement
permettant de financer en grande partie cette charge complémentaire que
constitue le passage de 30 % à 100 % de l'exonération.
M. le président.
Madame la ministre, invoquez-vous l'article 40 de la Constitution ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Jacques Oudin,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Non, monsieur le président, il n'est pas
applicable.
M. le président.
L'amendement n° 1 est donc recevable.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Puis-je avoir des explications
sur l'avis de la commission des finances, monsieur le président, ou cela ne se
fait-il pas ?
J'aimerais en obtenir, au moins pour ma propre gouverne, afin que je comprenne
pourquoi, quand on accroît de plus de 10 milliards de francs les charges de
l'Etat, l'article 40 n'est pas applicable !
M. le président.
La commission des finances n'a pas à motiver son avis, madame la ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ah bon ? Très bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Voilà, madame ! Le Gouvernement n'a pas toujours raison !
M. Jean Chérioux.
C'est le règlement !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame le ministre, ne soyez pas de mauvaise foi ! Je n'ai
jamais demandé que l'on compense les 30 %. La loi de 1994, qui passait par
pertes et profits les dispositifs d'exonération antérieurs, portait sur des
dispositifs en voie d'extinction. Aujourd'hui, on relance et on multiplie ces
dispositifs. Mais ce n'est pas de cela que je veux parler. Vous nous reprochez
de proposer un amendement qui tend à accroître les charges de l'Etat ; mais si
cet amendement n'était pas voté, ce sont les charges supportées par la sécurité
sociale qui s'en trouveraient alourdies.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Allons donc !
Aujourd'hui, 70 % des charges sont acquittées. Vous proposez de les exonérer à
100 % : ce sont bien des rentrées en moins pour la sécurité sociale qui ne
seront pas compensées.
Que vous préfériez creuser le trou de la sécurité sociale plutôt qu'accroître
le déficit de l'Etat, c'est un choix politique ; mais nous, nous sommes là pour
défendre la sécurité sociale, et nous disons : « Il faut compenser pour ne pas
faire supporter à la sécurité sociale des exonérations qui sont décidées par
l'Etat. »
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, je veux
bien que l'on ne nous donne pas d'explications, mais encore faudrait-il que
l'on ne dise pas n'importe quoi.
Vous dites que vous ne demandez pas que les 30 % antérieurs soient compensés
par le budget de l'Etat. Mais 100 %, c'est 30 % plus 70 % : demander que 100 %
soient compensés, c'est demander
de facto
que les 30 % qui,
antérieurement ne l'étaient pas, le soient désormais. Ou alors votre amendement
n'est pas complet.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mais l'exonération des 70 % est instaurée par le présent
projet de loi !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Excusez-moi d'insister, mais,
tel qu'il est rédigé, votre texte s'applique aux 100 %, puisque les 30 %
n'existeront plus et seront remplacés par 100 %.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Permettez-moi de redonner lecture du texte de mon amendement
: « L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est applicable à la
majoration de l'exonération prévue au I. » Il précise bien : « à la majoration
de l'exonération ».
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Qu'est-ce que cela veut dire
?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cela veut dire que seule la majoration est concernée.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous faire remarquer que, aux termes
de l'article 3
ter,
dans l'article L. 241-10 du code de la sécurité
sociale, le taux « 30 % » sera remplacé par le taux « 100 % ».
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Voilà !
Le code de la sécurité sociale ne fera pas mention d'une majoration ; y sera
inscrit : « 100 » à la place de « 30 ». Par conséquent, que signifierait cette
expression : « L'article L. 131-7 est applicable à la majoration de
l'exonération prévue au I » ?
Pour le moins votre article est donc mal rédigé.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est l'article 3
ter
qui est mal rédigé.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président de la
commission, c'est vous qui amendez le texte du Gouvernement. Vous n'allez tout
de même pas me demander de modifier mon texte pour qu'il soit en cohérence avec
des amendements que vous avez décidé ultérieurement de lui appliquer !
Je le répète, il n'est pas question de majoration dans le texte du
Gouvernement. Si, intellectuellement, je comprends bien à quoi vous faites
allusion, juridiquement votre formule ne tient pas.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, j'aimerais bien que nous soyons tous de
bonne foi !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Tout arrive !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ne dites pas que je veux
alourdir les charges de la sécurité sociale alors que vous venez de prendre la
défense de ceux qui jouissent des plus gros revenus dans notre pays et qui
bénéficient d'exonérations sans être ni dépendants ni handicapés, puisqu'ils ne
touchent ni la PSD, ni l'AAH !
Pour ma part, j'ai cherché à compenser aux trois quarts le coût induit pour la
sécurité sociale par ce dispositif en plafonnant les exonérations prévues à
l'article 3
bis.
Or vous, vous venez de supprimer cet article 3
bis.
S'il y a quelqu'un qui institue deux poids deux mesures vis-à-vis de la
sécurité sociale, c'est bien vous !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame la ministre, sur la deuxième partie de votre
intervention, je vous donne acte de votre aveu, à savoir que l'article 3
bis
n'avait pour objet que de trouver de l'argent pour financer l'article 3
ter.
Je me réjouis que l'Etat soit généreux avec l'argent des autres, en décidant
des exonérations pour les uns et en prenant dans la poche des autres. Parfait
!
Par ailleurs, si cela peut faciliter le débat, monsieur le président, je
souhaite rectifier le texte de l'amendement n° 1, pour qu'il se lise ainsi : «
II. - L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est applicable à 70 %
de l'exonération prévue au I. »
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il y avait donc bien une erreur
! Je vous sais gré de cet aveu, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Voyez comme je vous écoute, madame la ministre !
M. le président.
Il s'agit de l'amendement n° 1 rectifié.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable, monsieur le
président.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
M. Dominique Leclerc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Je voudrais revenir sur la non-compensation par le budget de l'Etat
d'exonérations de cotisations sociales.
Que cette exonération porte sur 30 % ou sur 70 % peu importe, c'est une
question de principe alors que toute la politique de santé vise à obtenir des
partenaires qu'ils dépensent moins pour une qualité au moins équivalente à
celle que nous connaissons aujourd'hui.
Or, comment voulez-vous que ces partenaires adhérent à une telle démarche
quand il est question d'obtenir l'équilibre des comptes sociaux par des
non-compensations successives, qui sont, à mon avis, très perverses. Et
l'adhésion des partenaires du système de santé, vous le savez tous, est
indispensable à la réussite de notre politique.
Alors, halte aux non-compensations, qu'elles aggravent la situation du budget
de l'Etat ou celle des comptes sociaux !
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Ce débat fort intéressant justifie, quatre ans après, les importantes mesures
que le Parlement, et donc le Sénat - car ces dispositions sont issues
d'amendements déposés devant la Haute Assemblée - avait adoptées, à savoir : le
contrôle par la Cour des comptes, la légalisation du secrétariat de la
commission des comptes de la sécurité sociale et l'amorce de la réforme
constitutionnelle qui a été adoptée l'année suivante et qui a instauré le
principe de la loi de financement de la sécurité sociale. La loi du 25 juillet
1994 avait en effet pour objet de clarifier les comptes de la sécurité sociale,
et nous sommes aujourd'hui au coeur d'un débat qui s'était déjà engagé la nuit
où nous avons adopté cette loi.
M. Descours a rappelé tout à l'heure les dispositions de l'article L. 131-7 du
code de la sécurité sociale, qui dispose : « Toute mesure d'exonération, totale
ou partielle de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date
d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la
sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par
le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application. » Le dernier
alinéa de ce même article éclaire le débat puisqu'il précise : « Cette
compensation s'effectue sans préjudice des compensations appliquées à la date
d'entrée en vigueur de ladite loi. »
Le débat qui s'est engagé à l'instant doit prendre en compte les intentions du
législateur : si le Gouvernement impose des exonérations, il doit les
compenser.
A mon sens, cette clarification des relations financières entre l'Etat et la
sécurité sociale a constitué un véritable progrès. Il importe d'en appliquer
les principes de la manière la plus rigoureuse. C'est ce que nous propose la
commission des affaires sociales. C'est la raison pour laquelle, avec les
membres de mon groupe, je voterai cet amendement.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous avez dit tout à l'heure,
monsieur le rapporteur, qu'en 1994 on n'avait pas appliqué la compensation à
certaines exonérations parce qu'elles allaient tomber en désuétude ou
s'éteindre progressivement. Cela signifie-t-il que le gouvernement précédent
pensait que l'aide à la création d'entreprise pour les chômeurs indemnisés
devait s'éteindre, tout comme l'aide à domicile pour une personne âgée ou
valide, les contrats emploi-solidarité, les contrats d'orientation, les
associations intermédiaires, les contrats emploi consolidé, l'abattement pour
temps partiel, les entreprises d'insertion, les contrats d'insertion ? La liste
pourrait être longue !
Aujourd'hui, 17 milliards de francs de cotisations ne sont pas compensés. En
1994, vous n'avez pas prévu de compensation dans bien des domaines qui
n'étaient pas en voie d'extinction. C'est sans doute parce que vous avez cru,
et je peux le comprendre, que vous ne pouviez pas imputer les charges en cause
sur le budget de l'Etat.
Je terminerai en relevant un dernier paradoxe.
Nous, nous préférons financer une exonération à 100 % au profit des
associations d'aide à domicile en revenant sur une partie de l'exonération
attribuée à ceux qui ont de gros moyens. Vous, vous préférez obtenir le même
résultat en recourant à l'impôt, c'est-à-dire en impliquant tout le monde.
Telle est la différence entre nous ; je crois qu'il fallait le noter.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission des affaires sociales et la majorité du Sénat
sont pour l'application de la loi de 1994 telle que l'a rappelée M. Oudin.
C'est tout !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Dommage que vous ne l'ayez pas
appliquée !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3
ter
, ainsi modifié.
(L'article 3
ter
est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
ter
M. le président.
Par amendement n° 60, M. Louis Boyer et les membres du groupe des Républicains
et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 3
ter,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« A. - Après l'article 1031-3, il est inséré dans le code rural, un article
ainsi rédigé :
«
Art...
. - I. - Les dispositions du quinzième alinéa de l'article L.
241-10 du code de la sécurité sociale sont applicables aux cotisations
patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations
familiales, dues par les associations et organismes sur les rémunérations des
salariés affiliés au régime de protection sociale agricole, dans les conditions
mentionnées audit alinéa.
« II. - Les dipositions du I sont applicables aux gains et rémunérations
versés postérieurement au 31 décembre 1998. »
« B. - Les droits de consommation sur les tabacs prévus à l'article 575 A du
code général des impôts sont majorés à due concurrence de la perte de recettes
résultant du A. »
La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer.
L'objet de cet amendement est de mettre à parité les associations prestataires
d'aides ménagères affiliées au régime agricole avec celles qui relèvent du
régime général et d'être ainsi cohérent avec les dispositions de l'article 3
ter.
Les associations d'aide ménagère en milieu rural créées sur l'initiative de la
mutualité sociale agricole, dont les prestations s'adressent majoritairement
aux agriculteurs âgés ou handicapés et à leur famille, et qui relèvent de la
protection sociale agricole, n'ont pas été visées par les procédures
d'exonération précedemment mises en place.
Cet amendement rétablit l'égalité de traitement entre les salariés, quel que
soit le régime dont ils relèvent, et garantit la cohérence des dispositifs
relatifs aux exonérations de charges et à la professionnalisation des
différents acteurs de l'aide à domicile. Je pense qu'il s'agissait d'un simple
oubli.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission considère qu'il s'agit d'un dispositif d'équité
: elle y est très favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il s'agit non pas d'un
dispositif d'équité, mais d'un dispositif illégal.
Lorsque des employés de maison travaillent à domicile, que ce soit chez des
retraités du régime agricole ou chez des retraités du régime général, ils sont
toujours employés de maison.
On n'adhère pas à un régime en fonction de la personne chez qui on travaille.
Aussi, depuis quelque temps, nous insistons auprès d'un certain nombre
d'associations d'aide à domicile pour qu'elles se réfèrent à la convention
collective adéquate, qui est la convention collective des gens de maison,
laquelle se rattache au régime général.
Il ne devrait pas exister d'associations d'aide à domicile relevant du régime
agricole. Elles sont en pleine illégalité. D'ailleurs, les associations de ce
type sont de moins en moins nombreuses grâce aux contrôles qui sont
effectués.
Dès lors, je serais tout à fait navrée que nous étendions à des associations
qui se trouvent actuellement dans une situation d'illégalité des dispositions
auxquelles elles peuvent tout à fait prétendre, dès lors qu'elles s'affilient à
la bonne convention collective.
Je le répète, je suis comme vous tout à fait favorable au fait que les
retraités du régime agricole ou les personnes handicapées du régime agricole
bénéficient de ces dispositions. Encore faut-il que leurs associations
appliquent la loi, c'est-à-dire qu'elles s'affilient au bon régime comme la
plupart. Dans ce cas, elles pourront, bien évidemment, bénéficier des
exonérations.
M. Marcel Debarge.
Très bien !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours.
rapporteur.
Madame la ministre, la mutualité sociale agricole a une
tutelle : le ministère de l'agriculture et de la pêche. Alors, pourquoi le
ministre de l'agriculture ne dit-il pas à la mutualité sociale agricole de ne
pas prendre en compte ces salariés ? Qu'il le dise et nous verrons !
Aujourd'hui, ces salariés sont inscrits à la mutualité sociale agricole.
Personne n'a formé de recours contre leur inscription. Ils travaillent chez des
personnes âgées qui disposent souvent de très petits moyens, et je considère
que, tant que l'on n'a pas interdit leur inscription, ils font l'objet d'une
discrimination. Tout à l'heure, vous avez eu de belles envolées pour nous
montrer que vous défendiez les pauvres et que nous, bien sûr, nous défendions
les riches. Eh bien, nous, nous considérons que les pauvres paysans ont autant
de droits que les pauvres citadins !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 60, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 3
ter.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - I. - Le premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 89-18 du 13
janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social est complété par les mots
: ", afférentes à une fraction de la rémunération égale au salaire minimum de
croissance, par heure rémunérée dans la limite de la durée légale ou
conventionnelle du travail".
« II. - L'article 6-2 de la même loi est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1998" sont remplacés
par les mots : "jusqu'au 31 décembre 2001" ;
« 2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il ne peut être cumulé avec le bénéfice d'une autre exonération totale ou
partielle de cotisations patronales ou l'application de taux spécifiques,
d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations. »
« III. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux embauches
réalisées à compter du 1er janvier 1999. »
Par amendement n° 2, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer le paragraphe I de cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement reprend un amendement déposé à l'Assemblée
nationale par M. Gérard Bapt, mais qui fut retiré en séance. Il a pour objet
d'écarter le plafonnement au niveau du SMIC de l'exonération au titre du
premier salarié. Ce plafonnement pénaliserait en effet les entreprises
innovantes.
Selon une étude récente, environ 38 % des personnes concernées par
l'exonération au titre du premier salarié ont le niveau baccalauréat ou ont
suivi des études supérieures. Il est évident que, aujourd'hui, les entreprises
high tech
- pardon à M. Chérioux, qui déteste ce terme - créent un
certain nombre d'emplois destinés à des personnes qui ont atteint un tel niveau
d'études.
Par ailleurs, la part des entreprises individuelles dans le total des
entreprises bénéficiaires diminue d'année en année et le secteur des services
est largement majoritaire parmi les acteurs de l'économie ayant recours à ce
dispositif.
La commission a considéré que la restriction de ce dispositif ne paraissait
pas fondé, alors que le Gouvernement n'a pas encore présenté son plan de
réforme des cotisations patronales et n'a pas précisé ses intentions quant à la
suite qu'il entend donner au rapport Malinvaud, notamment.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Au-delà du point précis en cause, cet amendement porte sur la question
fondamentale des exonérations de cotisations sociales des entreprises.
En l'occurrence, il s'agit, avec l'article 4, de proroger le dispositif de
réduction de cotisations pour l'embauche du premier salarié, dispositif qui
devrait venir à expiration au 31 décembre de cette année.
Ce dispositif d'exonération « accompagne » les mesures, prises dans le cadre
de la loi de finances, tendant à relever le seuil d'application du régime des
micro-entreprises et à pratiquer un abattement sur la base « salaires » de la
taxe professionnelle.
Indépendamment des conditions de sa prorogation, le dispositif se situe dans
un cadre de réduction globale des prélèvements touchant les petites et moyennes
entreprises.
L'article 4 tend donc à proroger un dispositif en en limitant l'application
aux cotisations correspondant au SMIC, afin d'en réduire le coût pour la
sécurité sociale.
Une telle orientation est évidemment absente des préoccupations de la
commission des affaires sociales, qui nous invite à faire « sauter » ce seuil
et à faire assumer le coût de cette suppression par l'Etat, au travers de la
stricte application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale,
article dont l'auteur est encore parmi nous et qui, à peine voté, fut déjà
contourné dans le projet de loi portant diverses mesures d'ordre social adopté
à la fin de l'année 1994.
Je me permettrai de faire part à nouveau de notre grande circonspection devant
les dispositifs d'allégement des cotisations.
On ne peut en effet oublier que, pour alléger la contribution des entreprises
au financement de la protection sociale, on a, ces dernières années, augmenté
le taux de CSG appliqué aux salaires et qu'un beau jour de juillet 1995, pour
financer entre autres la ristourne dégressive, on a cru bon de majorer de deux
points le taux normal de la TVA.
A force d'engager ainsi toujours plus les finances publiques à prendre en
charge, en lieu et place des entreprises, le financement de la protection
sociale, on a fini par majorer les prélèvements obligatoires et par rigidifier
une part toujours plus grande des dépenses publiques, conduisant à une
diminution des possibilités de réduction des impôts et des prélèvements.
Le dispositif que prévoit l'article 4 tel qu'il a été voté par l'Assemblée
nationale nous semble tout à fait équilibré. Tout au plus nécessiterait-il, de
notre point de vue, d'être soumis à une analyse critique quant à sa portée et à
son efficacité sociale et économique.
Voilà pourquoi nous voterons contre l'amendement de la commission des affaires
sociales.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Les sénateurs socialistes voteront contre cet amendement, qui vise notamment à
remettre en cause le plafonnement au niveau d'un SMIC de l'exonération
consentie pour l'embauche d'un premier salarié, plafonnement prévu à l'article
4.
M. le rapporteur nous le rappelait : il s'agit d'un système qui bénéficie,
presque par définition, aux entreprises artisanales, de commerce et de
services. Or ce sont des secteurs dans lesquels, ne nous leurrons pas, les
salaires avoisinent souvent le SMIC.
Il est donc faux de dire que le plafonnement est en contradiction avec le
souci du Gouvernement de ne pas encourager des systèmes d'exonération qui
seraient des « trappes » à bas salaires.
Par ailleurs, pour beaucoup d'entreprises, l'embauche d'un premier salarié est
programmée, qu'il y ait ou non exonération. De plus, nous semble-t-il, pour les
entreprises de haute technologie, la question des charges ne se pose pas avec
la même acuité.
Les discussion autour de cet article ainsi que la question récurrente de la
compensation démontrent la nécessité d'une remise à plat des multiples
exonérations de charges et d'une évaluation de leur impact réel sur
l'emploi.
Par ailleurs, elles mettent en évidence l'urgence qu'il y a à poursuivre, par
une réforme des cotisations patronales, la réforme structurelle du financement
de notre protection sociale, engagée l'année dernière grâce au transfert à la
CSG des cotisations maladie.
Aujourd'hui, force est de constater que les mutations profondes de notre
économie et les conséquences de l'évolution technologique n'ont pas encore été
intégrées dans le mode de financement de la sécurité sociale.
Les opinions divergent sur le contenu de cette réforme, y compris parmi les
experts qui, à la demande des gouvernements successifs, ont été chargés
d'éclairer notre réflexion. Faut-il ou non transférer l'assiette de la masse
salariale à la valeur ajoutée ? Faut-il procéder à des exonérations sur les bas
salaires en se rattrapant sur d'autres catégories salariales, au risque
d'encourager un nivellement par le bas ?
Sur un sujet aussi sensible, le Gouvernement entend organiser une consultation
aussi large que possible. Celle-ci est incontestablement nécessaire.
Pourtant, madame la ministre, nous espérons pouvoir aborder le plus rapidement
possible cette question de la réforme des cotisations patronales.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je voudrais simplement rappeler qu'un tel amendement avait
été déposé à l'Assemblée nationale - avant d'être retiré en séance - par M.
Gérard Bapt, qui est socialiste - nul n'est parfait ! - mais surtout député de
la région de Toulouse. Or cette région compte nombre de jeunes petites sociétés
high tech,
que ce plafonnement gêne lorsqu'elles embauchent leur premier
salarié.
La commission des affaires sociales et son rapporteur veulent bien se charger
de tous les péchés d'Israël, mais chacun doit admettre que ce fardeau est aussi
porté par un certain nombre de députés de la majorité !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je note simplement que ceux qui
souhaitent la diminution des prélèvements obligatoires, et notamment des
impôts, les accroissent au fur et à mesure des articles.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose d'insérer, après le paragraphe II de l'article 4, un
paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II
bis.
- Les dispositions de l'article L. 131-7 du code de la
sécurité sociale s'appliquent à la prorogation, au-delà du 31 décembre 1998, du
dispositif d'exonération de cotisations patronales pour l'embauche d'un premier
salarié résultant du paragraphe II. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il s'agit toujours du même problème, et la même remarque
pourrait être faite à tous les gouvernements.
Cet amendement a pour objet de prévoir explicitement la compensation
intégrale, au bénéfice de la sécurité sociale, du dispositif dont il vient
d'être question et qui a coûté 2,8 milliards de francs en 1998.
On ne peut pas se gausser du trou de la sécurité sociale et prendre des
mesures qui le perpétuent ou qui l'aggravent.
L'article 4, dans sa rédaction actuelle, prévoit une prorogation, pour trois
années supplémentaires, d'un dispositif d'ailleurs antérieur à la loi de 1994
puisqu'il avait été créé par la loi du 13 janvier 1989.
Quoi qu'il en soit, la prorogation n'était évidemment pas prévue en 1994, et
la commission estime que, dès lors, il doit y avoir une compensation.
Si l'on suivait l'interprétation que semble faire le Gouvernement, il
suffirait qu'un dispositif d'exonération soit étendu à l'occasion d'une mesure
de prorogation pour que l'Etat puisse réaliser d'importantes économies au
détriment de l'équilibre des régimes sociaux. Ou encore il suffirait que
l'Etat, plutôt que de mettre en place un nouveau dispositif qu'il devrait
compenser intégralement, décide de s'emparer d'un dispositif existant, de le
vider de son contenu, de le définir autrement et de considérer qu'il ne doit
pas être compensé au motif que le dispositif originel est antérieur.
Je pense qu'il ne faut pas, en l'occurrence - mais personne n'a cette idée en
tête, et vous moins que quiconque, madame la ministre - vider de son sens la
loi du 25 juillet 1994.
Considérer que la prorogation - accompagnée, en l'espèce, d'une modification
du dispositif - constitue une novation juridique et que, en conséquence, le
dispositif doit être compensé intégralement s'inscrit parfaitement dans la
lettre et l'esprit de la loi du 25 juillet 1994.
Une telle interprétation est en outre incitatrice, car elle conduit l'Etat à
mieux apprécier l'intérêt d'un dispositif d'exonération avant d'en décider la
prorogation puisqu'il en supporte le coût.
La palette des différents dispositifs d'exonération de charges sociales est
particulièrement riche et complexe puisqu'il en existe trente - vous en avez
évoqué sept ou huit, tout à l'heure, madame la ministre - qui ont donné lieu à
cent cinquante-sept textes d'application. Un rapport de mai 1998 de
l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires
sociales sur la branche du recouvrement a rappelé que la difficulté de gestion
de ces dispositifs était due à leur multiplicité. Une simplification et une
compensation s'imposent donc, ainsi que l'ACOSS l'a souligné à de très
nombreuses reprises, pour l'équilibre des branches de la sécurité sociale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Après le deuxième alinéa de l'article L. 131-6, il est inséré un alinéa
ainsi rédigé :
« Sont également pris en compte, dans les conditions prévues au deuxième
alinéa, les revenus tirés de la location de tout ou partie d'un fonds de
commerce, d'un établissement artisanal, ou d'un établissement commercial ou
industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation, que
la location, dans ce dernier cas, comprenne ou non tout ou partie des éléments
incorporels du fonds de commerce ou d'industrie, lorsque ces revenus sont
perçus par une personne qui réalise des actes de commerce au titre de
l'entreprise louée ou y exerce une activité. » ;
« 2° L'article L. 242-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également pris en compte, dans les conditions prévues à l'article L.
242-11, les revenus tirés de la location de tout ou partie d'un fonds de
commerce, d'un établissement artisanal, ou d'un établissement commercial ou
industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation, que
la location, dans ce dernier cas, comprenne ou non tout ou partie des éléments
incorporels du fonds de commerce ou d'industrie, lorsque ces revenus sont
perçus par une personne qui réalise des actes de commerce au titre de
l'entreprise louée ou y exerce une activité. » ;
« 3° Le troisième alinéa de l'article L. 136-3 est supprimé ;
« 4° Le
f
du I de l'article L. 136-6 est ainsi rédigé :
«
f)
De tous revenus qui entrent dans la catégorie des bénéfices
industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices
agricoles au sens du code général des impôts, à l'exception de ceux qui sont
assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement
définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5 ; » ;
« 5° Le
g
du I de l'article L. 136-6 est abrogé. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet article vise notamment à éliminer une forme d'évasion
sociale, celle qui a été immortalisée par la « coiffeuse de Valence ». Nous ne
pouvons donc pas y être défavorables.
Il reste que ces montages destinés à éviter le paiement des charges sociales
sont révélateurs d'une forme d'intolérance à leur poids trop lourd. Cet aspect
ne peut pas être négligé par les pouvoirs publics, qui devraient mieux prendre
en compte les intérêts spécifiques des travailleurs non salariés des
professions non agricoles. Le système de cotisations professionnelles pévu par
l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale n'est sans doute pas
satisfaisant.
Nous pensons qu'une telle question mérite que soit engagée une réflexion
allant au-delà d'une simple réponse législative, surtout lorsque celle-ci
accentue la complexité de notre réglementation.
Nous souhaitons que le Gouvernement nous apporte des réponses à l'occasion de
l'examen d'un prochain DMOS ou du prochain projet de loi de financement de la
sécurité sociale. Après le basculement massif des cotisations maladie vers la
CSG, une certaine paix législative s'impose dans ce domaine, afin que nous
puissions y voir plus clair. Le bilan du basculemment doit pouvoir être fait
aussi complètement et précisément que possible.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président.
Par amendement n° 4, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Le premier alinéa du III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité
sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : "Le produit de cette
contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale
sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception."
« II. - Les droits de consommation sur les tabacs prévus à l'article 575 A du
code général des impôts sont majorés à due concurrence de la perte de recettes
résultant du I. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer les frais d'assiette et de
recouvrement que prélèvent les services fiscaux sur le produit de la CSG
affectant les revenus du patrimoine.
Chacun le sait, la CSG est un impôt qui rentre une fois par an et qui est
prélevé par les services fiscaux, et non par les URSSAF. Au motif qu'ils
accomplissent cette tâche, les services fiscaux font acquitter des frais
d'assiette et de recouvrement que nous considérons comme élevés.
La commission ne souhaite pas entrer dans un débat sur la question de principe
d'une rémunération d'un service public par un autre service public. Elle se
borne à constater que ces frais paraissent injustifiés à partir du moment où
l'Etat ne paie quasiment aucune participation à la sécurité sociale pour les
prestations versées en son nom par les caisses : revenu minimum d'insertion,
allocation aux adultes handicapés, majoration d'allocation de rentrée scolaire.
Cette gestion peut être pourtant autrement complexe ! Seule l'ALS - allocation
de logement à caractère social - fait l'objet d'une participation, au demeurant
modique : moins de 2 % !
Pour ne pas être accusé d'avoir des
a priori,
je précise qu'un
amendement identique avait été présenté à l'Assemblée nationale par M. Alfred
Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre financier général. Après
l'avoir adopté, l'Assemblée nationale l'a finalement repoussé lors d'une
seconde délibération demandée par le Gouvernement.
J'ajoute que, non seulement ces frais d'assiette et de recouvrement demandés
par les services fiscaux nous semblent hautement discutables, mais ils
représentent globalement un montant assez modeste.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 5.
Par amendement n° 86 rectifié, MM. Trégouët et Leclerc proposent d'insérer,
après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale
est modifié comme suit :
« 1. La première phrase est abrogée.
« 2. Au début de la seconde phrase, le mot « Toutefois » est supprimé.
« II. - La perte de recettes résultant du I ci-dessus est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Cet amendement tend à abroger l'assujettissement aux cotisations sociales des
options de souscription ou d'achat d'actions, lorsque le délai
d'indisponibilité fiscale de cinq ans n'est pas respecté, car cet
assujettissement, qui a été voté en 1997, est, naturellement, contestable sur
le plan des principes, puisqu'il assimile à une rémunération une plus-value sur
titres qui, par définition, reste aléatoire.
Par ailleurs, il est également contestable en pratique, car il contraint la
société attribuant les options à provisionner la charge des cotisations
sociales patronales qui peut résulter pour elle d'une cession de titres par le
bénéficiaire avant le délai de cinq ans.
Enfin, le coût et la complexité de gestion des options de souscription ou
d'achat d'actions se sont trouvés ainsi considérablement alourdis, alors qu'il
s'agit - nous le savons tous - d'un instrument d'intéressement et de motivation
d'un personnel irremplaçable pour les entreprises en développement, notamment
pour les entreprises innovantes opérant dans le champ des technologies
nouvelles.
Nous proposons donc de compenser la perte de recettes résultant du paragraphe
I par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575
et 575 A du code général des impôts.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'amendement présenté par M. Leclerc vise à exonérer de
cotisations sociales les options de souscription ou d'achat d'actions, lorsque
le délai d'indisponibilité de cinq ans n'est pas respecté. Seul le « rabais »
accordé par la société au salarié - c'est-à-dire la différence entre le prix
public de l'action et le prix consenti au salarié - resterait soumis à
cotisations sociales.
Cet amendement, j'en connais l'origine : l'assujettissement aux cotisations
sociales des
stock options
, en cas de cession avant un délai de cinq
ans, a été introduit par la commission des affaires sociales du Sénat, dont
j'étais le rapporteur lors de la discussion du projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 1997. L'adoption de ce dispositif, à l'époque, tenait
compte de la situation décrite en mai 1995 dans le rapport de nos collègues MM.
Jean Arthuis, Paul Loridant et Philippe Marini, à savoir un régime fiscal très
favorable et une exonération totale de cotisations sociales.
Cependant, j'y insiste, si nous avions proposé et voté cet amendement c'est
parce qu'il s'agissait pour nous d'assurer le « bouclage » du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1997 tel qu'adopté par le Sénat et qui
prévoyait une provision, au sein de l'enveloppe des dépenses d'assurance
maladie, destinée à faire face à la mise en oeuvre de certaines thérapeutiques
ou à la mise en place d'opérations de santé publique nouvelles.
Il convient cependant de reconnaître que le système d'assujettissement des
stock options
aux cotisations sociales n'est pas satisfaisant. En effet,
il contraint la société attribuant les options à provisionner la charge des
cotisations sociales patronales qui peut résulter pour elle d'une cession des
titres par le bénéficiaire avant le délai de cinq ans.
A l'occasion de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier, l'Assemblée nationale, sans revenir sur le
principe de l'assujettissement des
stock options
aux charges sociales,
avait supprimé le caractère rétroactif du dispositif pour les sociétés de moins
de quinze ans à la date d'attribution des options.
Une des dispositions du projet de loi de finances pour 1999 étend aux sociétés
âgées entre sept ans et quinze ans le dispositif avantageux, adopté dans la loi
de finances pour 1998, des bons de souscription de parts de créateur
d'entreprise.
Mme Martine Aubry s'était prononcée dans la presse en faveur d'une réforme de
l'assujettissement aux cotisations sociales des
stock options,
sans
qu'une mesure figure en ce sens dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
Le projet de loi sur l'innovation, que devrait déposer le Gouvernement, serait
le support législatif tout désigné pour remédier aux inconvénients actuels
résultant de l'assujettissement aux cotisations sociales des
stock
options.
Pour l'heure, l'amendement me semble aller trop loin en ce qu'il exonère de
toute cotisation sociale les plus-values réalisées par les détenteurs de
stock options.
C'est pour cette raison que je demande à ses auteurs, nos
collègues René Trégouët et Dominique Leclerc, de bien vouloir le retirer.
M. Guy Fischer.
Heureusement !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. le président.
Monsieur Leclerc, l'amendement n° 86 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc.
Il eût été intéressant de connaître l'avis de la commission des finances sur
cette question.
M. le président.
Il eût été... mais ce n'est pas possible.
M. Jean Chévioux.
Il y a un règlement !
M. Dominique Leclerc.
Alors, par fidélité, j'accède à la demande de la commission et je retire
l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 86 rectifié est retiré.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - I. - L'intitulé de la section 5 du chapitre III du titre IV du
livre II du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : "Encaissement des
cotisations, contributions et taxes sociales recouvrées par les organismes
visés à l'article L. 213-1".
« II. - Il est rétabli, dans cette section 5, un article L. 243-14 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 243-14
. - I. - Les entreprises ou les établissements d'une
même entreprise, redevables de cotisations, contributions et taxes d'un montant
supérieur à 6 millions de francs au titre d'une année civile, sont tenus de
régler par virement les sommes dont ils sont redevables l'année suivante sur le
compte spécial d'encaissement de l'organisme de recouvrement dont ils
relèvent.
« II. - Les entreprises autorisées à verser pour l'ensemble ou une partie de
leurs établissements les cotisations dues à un organisme de recouvrement autre
que celui ou ceux dans la circonscription desquels ces établissements se
trouvent situés sont soumises à la même obligation.
« III. - Le non-respect de l'obligation prévue au I entraîne l'application
d'une majoration de 0,2 % du montant des sommes dont le versement a été
effectué selon un autre mode de paiement.
« IV. - Les règles et les garanties et sanctions attachées au recouvrement des
cotisations de sécurité sociale sont applicables à la majoration prévue au
III.
« Les modalités d'application du présent article sont, en tant que de besoin,
fixées par décret en Conseil d'Etat.
« III. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er avril
1999. »
Sur l'article, la parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Madame la ministre, l'application du système de virement automatique aux
entreprises dont le montant annuel de cotisations sociales est supérieur à 6
millions de francs est préconisée par la Cour des comptes. Le paiement par
chèque crée actuellement de graves difficultés de gestion aux URSSAF - 60 000
chèques sont reçus, chaque semestre, par l'URSSAF de Paris - et à l'Agence
centrale des organismes de sécurité sociale.
Ainsi, du côté des entreprises existe une crainte légitime de voir apparaître
des charges indues, compte tenu de la possible anticipation de la date de
valeur par les banques.
Chez les établissements financiers, de possibles difficultés peuvent surgir
pour assurer le traitement, sur un petit nombre de jours, de trop nombreux
virements. Par ailleurs, seraient nécessaires des développements informatiques
complémentaires qui ne sont pas prioritaires par rapport à l'euro ou à l'an
2000.
Sous réserve de ces remarques et dans l'attente d'éventuelles compléments
d'information de la part du Gouvernement, le groupe de l'Union centriste votera
l'article 6 du projet de loi tel qu'amendé par la commission des affaires
sociales.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 5, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de compléter le texte présenté par le paragraphe I de
l'article 6 pour l'intitulé de la section 5 du chapitre III du titre IV du
livre II du code de la sécurité sociale par les mots : « et à l'article L.
651-4 ».
Par amendement n° 93, le Gouvernement propose d'insérer, après le paragraphe
II de l'article 6, un paragraphe ainsi rédigé :
« A l'article L.651-7 du code de la sécurité sociale, les mots : "de l'article
L. 243-14" sont insérés après les mots : "du premier alinéa de l'article L.
243-6," .»
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement - technique - vise à inclure l'ORGANIC,
l'Organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du
commerce, dans les organismes qui bénéficieront du paiement par virement des
cotisations et contributions acquittées par les entreprises et d'un montant de
plus de 6 millions de francs par an.
Cependant, comme le Gouvernement vient de déposer un amendement allant dans le
même sens et dont la rédaction me semble meilleure, je retire celui de la
commission au profit du texte gouvernemental.
M. le président.
L'amendement n° 5 est retiré.
La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 93.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Sur le fond, cet amendement est
identique à celui de la commission, mais il s'agit de l'insérer à un endroit
plus pertinent dans le texte, c'est-à-dire après les dispositions du code de la
sécurité sociale concernant la C3S.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 93, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - I. - Le III de l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier
1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre
financier de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "dont sont retranchées les charges
comptabilisées au cours de la même période au titre des dépenses de recherche
afférentes aux spécialités pharmaceutiques éligibles au crédit d'impôt
mentionné à l'article 244
quater
B du code général des impôts" sont
supprimés ;
« 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le taux de cette contribution est fixé à 1,47 %. »
« II. - Les sommes dues par les entreprises au titre des contributions prévues
à l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 précitée, modifiée
par le I du présent article, s'imputent sur les sommes acquittées par les
entreprises au titre desdites contributions en application dudit article 12,
dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de la
présente loi.
« L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, selon le cas, recouvre
ou reverse le solde. Dans le cas où les sommes dues en application du présent
article sont inférieures aux sommes acquittées au titre des contributions
instituées par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 précitée, dans sa
rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi,
la différence donne lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est
celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement et ne sont
pas capitalisés.
« Dans le cas où les sommes dues en application du présent article sont
supérieures aux sommes déjà acquittées, un décret fixe les modalités de
versement de ces sommes par les entreprises redevables. »
Par amendement n° 6, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'article 7 a pour objet de réviser les dispositions de
l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 afin de prévenir un risque
d'annulation contentieuse d'une contribution de l'industrie pharmaceutique.
En effet, afin d'éviter tout risque d'annulation, avec les conséquences
financières pour la sécurité sociale d'un remboursement de la taxe
exceptionnelle instituée par l'ordonnance du 24 janvier 1996, le Gouvernement a
décidé de modifier les règles relatives à cette taxe en supprimant la
déductibilité des frais engagés au titre de recherches réalisées en France.
C'est-à-dire que de nombreux laboratoires français qui font leurs recherches en
France vont se trouver pénalisés et des laboratoires étrangers n'ayant pas
réalisé de recherches en France verront au contraire leur impôt maintenu ou
allégé. On parle d'un transfert de 66 millions de francs - mais je parle sous
votre contrôle, madame le ministre - somme qui sera ainsi versée par des
laboratoires français, puis attribuée à des laboratoires étrangers !
En opportunité, il est regrettable que le Gouvernement, en présentant cet
article, donne des arguments aux partisans de l'annulation de la taxe et aussi
aux juges communautaires, alors que les questions de droit posées n'appellent
pas de réponses évidentes.
De surcroît, non plus en opportunité mais, cette fois, sur le terrain du
droit, il est choquant que les règles relatives à un impôt déjà réglé - je
rappelle que cette contribution a déjà été acquittée par les entreprises -
soient ainsi modifiées
a posteriori.
Certes, le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité des lois fiscales -
et, parlant de rétroactivité, je sais que je suis en pleine actualité ! Mais il
s'agit ici d'une rétroactivité un peu particulière, dont n'a jamais eu à
connaître le Conseil constitutionnel. En effet, cet article n'institue pas une
contribution nouvelle qui s'appliquerait à une matière fiscale jusqu'ici
exonérée, il modifie les règles d'un impôt déjà acquitté par les sociétés. Il
vient donc bouleverser une situation déjà soldée.
En outre, la solution retenue par le Gouvernement porte atteinte de manière
très grave au principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général
du droit communautaire et, au-delà, à la confiance des laboratoires qui
souhaitent s'installer en France et qui ont horreur de cette insécurité
juridique permanente.
Ainsi, pour régulariser au regard du droit communautaire une contribution qui
n'a pas encore été déclarée contraire à ce droit - la décision n'a pas encore
été prise - le Gouvernement retient une solution qui est très contestable au
regard non seulement des principes constitutionnels mais aussi du droit
communautaire lui-même.
Je vous propose donc, au nom de la commission, la suppression de cet
article.
Je rappelle que cette suppression est financièrement neutre, puisque les 66
millions de francs en question vont être pris dans la poche des laboratoires
français pour être donnés à des laboratoires étrangers qui n'ont pas fait de
recherches en France. Il y a là quelque chose qui est plus qu'agaçant.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce que je trouve plus
qu'agaçant, pour ma part, c'est qu'on ait pu faire voter des lois contraires à
nos engagements communautaires ! Nous avons déjà vécu une situation identique
pour le textile et l'habillement, et nous en supportons aujourd'hui les
conséquences. Heureusement, le Gouvernement a su trouver dans la loi sur la
durée du travail des réponses appropriées.
Quand, dans trois mois - parce que nous savons que la décision est imminente,
une décision de même nature ayant déjà été prise à l'échelon européen - la
sécurité sociale perdra 1,2 milliard de francs de prélèvement sur l'industrie
pharmaceutique, parce que le gouvernement de M. Juppé a pris une disposition
dont une partie était non conforme à nos engagements européens, eh bien ! c'est
1,2 milliard de francs qui manqueront dans les caisses de la sécurité sociale
!
Croyez-le bien, si je n'avais pas su cette annulation inéluctable, je n'aurais
pas déposé cet amendement pour corriger un texte que le gouvernement précédent
avait fait voter.
Nous ne reprenons pas un franc supplémentaire par rapport au dispositif mis en
place.
S'il s'agit effectivement de 66 millions de francs, cela ne touchera pas les
seuls laboratoires français car, heureusement pour nous, il y a des
laboratoires étrangers qui font de la recherche en France.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il n'en feront pas longtemps !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne vois pas pourquoi !
Le tout est de savoir si on veut ou non respecter les règles européennes.
Le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité de la loi fiscale dans de
nombreux cas, et, en l'occurrence, rétroactive elle l'est à l'évidence, puisque
la contribution n'a pas cessé de produire ses effets juridiques : la
prescription court en effet jusqu'au 31 août 1999. Au-delà, en revanche, je ne
suis pas certaine que nous n'aurons pas des difficultés.
Donc, pour des raisons de sécurité juridique, pour l'équilibre de la sécurité
sociale, auquel vous nous avez dit il y a quelques instants être extrêmement
attaché, monsieur le rapporteur, je crois utile de corriger un texte que la
majorité à laquelle vous apparteniez avait fait adopter précédemment.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame la ministre, je ne suis pas spécialiste en
comptabilité des entreprises, mais je sais que, pour 1997, la comptabilité a
d'ores et déjà été approuvée. Les bilans de toutes ces entreprises
deviendraient-ils faux tout d'un coup ? Songez qu'il s'agit ni plus ni moins de
reprendre des sommes payées à certains laboratoires pour les reverser à
d'autres !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les bilans n'étaient pas faux
au moment où les entreprises les ont présentés. S'il existe une disposition
complémentaire, elle sera applicable à l'année en cours, donc appliquée aux
bilans de cette année-là.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 7 est supprimé.
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - Au 2° de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, la
référence : "406 A," est supprimée. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'article 32 du projet de loi de finances pour 1999 supprime
les droits de fabrication sur les produits de parfumerie et de toilette, les
produits à base d'alcool ayant un caractère exclusivement médicamenteux ou
impropres à la consommation de bouche, les alcools, boissons alcooliques et
produits à base d'alcool contenus dans les produits alimentaires.
L'article 8 du présent projet de loi se borne, quant à lui, à tirer les
conséquences de cette abrogation : il supprime ce droit de fabrication dans les
recettes du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV.
Cet article étant une simple disposition de coordination avec la suppression
du droit de fabrication sur les alcools prévu par l'article 32 du projet de loi
de finances pour 1999, la commission des affaires sociales ne peut que prendre
acte de cette suppression. Je rappelle que l'article 32 du projet de loi de
finances n'est pas encore voté.
Je tiens cependant à souligner que la suppression de ces droits prive - sans
compensation aucune - le FSV d'une recette d'un montant non négligeable : 322
millions de francs en 1997.
Cet article soulève, en outre, la question de l'articulation entre loi de
finances et loi de financement de la sécurité sociale.
S'agissant d'une recette affectée intégralement au FSV, la commission des
affaires sociales considère que la suppression de l'article 406 A du code
général des impôts aurait probablement dû figurer plutôt dans la loi de
financement de la sécurité sociale qu'en loi de finances.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - I. - L'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 1997 (n° 96-1160 du 27 décembre 1996) est ainsi rédigé :
«
Art. 29
. - I. - Les boissons constituées par un mélange préalable de
boissons ayant un titre alcoométrique n'excédant pas 1,2 % vol. et de boissons
alcooliques passibles d'un droit mentionné aux articles 402
bis,
403,
438, 520 A (
a
du I) du code général des impôts, lorsqu'elles sont
conditionnées pour la vente au détail en récipients de moins de 60 centilitres,
font l'objet d'une taxe perçue au profit de la Caisse nationale de l'assurance
maladie des travailleurs salariés dès lors que le mélange ainsi obtenu titre
plus de 1,2 % vol.
« Les boissons alcooliques passibles d'un des droits mentionnés à l'alinéa
ci-dessus, lorsqu'elles sont additionnées exclusivement d'eau, ne sont pas
soumises à la taxe.
« II. - Le montant de la taxe est fixé à 15 centimes par degré de boisson
alcoolique incorporée au mélange.
« III. - La taxe est due lors de la mise à la consommation en France des
boissons résultant d'un mélange mentionnées au I. Elle est acquittée, selon le
cas, par les fabricants, les marchands en gros, les importateurs, les personnes
qui réalisent l'acquisition intracommunautaire de ces boissons ou par les
personnes visées au
b
du II de l'article 302 D du code général des
impôts.
« IV. - Cette taxe est recouvrée et contrôlée sous les mêmes règles,
conditions, garanties et sanctions qu'en matière de contributions
indirectes.
« V. - Le produit de cette taxe est versé à l'Agence centrale des organismes
de sécurité sociale. »
« I
bis.
- Les pertes de recettes éventuelles résultant du V de
l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 (n°
96-1160 du 27 décembre 1996) sont compensées à due concurrence par une
majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
« II. - Les dispositions du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier
1999. »
Par amendement n° 94, le Gouvernement propose :
A. - De rédiger ainsi le II du texte proposé par le I de l'article 9 pour
l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 (n°
96-1160 du 27 décembre 1996) :
« II. - Le tarif de la taxe mentionnée au I est fixé à 36,4 francs par
décilitre d'alcool pur. »
B. - De supprimer le I
bis
de l'article 9.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il s'agit de récrire une
disposition qui résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale et qui
ne paraît pas conforme à la manière dont on rédige habituellement les textes
relatifs aux taxes sur les alcools.
La rédaction adoptée en première lecture se réfère en effet au degré d'alcool
de la boisson incorporée au mélange. Or une telle information ne figure pas sur
les étiquettes des boissons. En outre, le texte voté ne fait pas non plus
référence à la quantité de boisson servant de base de calcul à la taxe, ce qui
le rend pour partie inapplicable.
Le présent amendement vise à améliorer la rédaction tout en aboutissant au
même niveau de taxation : une taxe égale à environ 6 francs pour une canette de
premix
de 33 centilitres titrant 5 degrés d'alcool. Il ne modifie donc
en rien le fond de la disposition qui avait été adoptée au Palais-Bourbon.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous n'avons pas déposé d'amendement sur cet article car nous
sommes favorables à la taxation sur les
premix
qui sont une incitation à
l'alcoolisme pour les jeunes.
L'amendement n° 94 a été déposé à l'instant par le Gouvernement. Aussi, la
commission n'a pu l'examiner. Cependant, il ne modifie pas l'esprit de la
taxation et apporte une simple précision. A titre personnel, je suis favorable
à cette disposition.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 94.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, ainsi modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 9
M. le président.
Par amendement n° 53, MM. Arnaud, Belot, Dulait, Doublet, Raffarin, de
Richemont et Souplet proposent d'insérer, après l'article 9, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au 1° du I de l'article 403 du code général des impôts, le tarif : "5
474 francs" est remplacé par le tarif : "5 450 francs".
« - Au 2° du I du même article, le tarif : "9 510 francs" est remplacé par le
tarif : "9 467 francs".
« II. - Au
a)
du I de l'article 520 A du même code, le tarif : "17
francs" est remplacé par le tarif : "14,50 francs".
« III. - Au 2° de l'article 438 du même code, le tarif : "22 francs" est
remplacé par le tarif : "29,60 francs".
« - Au 3° du même article, le tarif : "7,60 francs" est remplacé par le tarif
: "10 francs". »
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Cet amendement tend à permettre une répartition solidaire de l'effort demandé
dans la lutte contre l'alcoolisme entre les différents secteurs de la
production d'alcool concernés.
Il s'agit d'une mesure d'équité. Il est, en effet, paradoxal que, en parlant
d'alcoolisme, on ne vise que les spiritueux à 40 degrés, qui tous confondus ne
représentent que 5,6 % de la consommation d'alcool pur, et les bières à 5,5
degrés, qui représentent 18 % de cette consommation, en ignorant les vins à
11,5 degrés, qui représentent 60 % de la consommation d'alcool.
La fiscalité des alcools appliquée en France est non seulement inéquitable et
discriminatoire, mais elle contribue à fragiliser des secteurs de production
qui souffrent actuellement d'une crise sans précédent.
Cet amendement s'inscrit dans le droit-fil des conclusions des travaux de la
commission Jacquat, qui n'ont pas été publiés du fait de la dissolution. Cette
commission concluait à l'existence d'une discrimination non fondée dans le
traitement des taxes sur les alcools. Elle estimait impératif de tendre vers
une harmonisation et d'appliquer la tarification en fonction du
degré-volumique. Tel est aussi l'objet de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Depuis le temps que je suis le rapporteur de cette
commission, je ne peux pas ne pas connaître le débat permanent que suscite la
taxation sur les alcools selon qu'il s'agit des alcools forts, de la bière ou
du vin.
Les différentes taxes en vigueur étant le fruit d'arbitrages très subtils, je
ne souhaite pas revenir sur ce point.
Je constate, par ailleurs, que le Gouvernement a élaboré un plan visant à
aider les producteurs de cognac et que celui-ci semble donner satisfaction.
Aussi, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Négatif !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 53.
M. Philippe Arnaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Bien sûr, je maintiens cet amendement.
Mon cher collègue Descours, les arbitrages qui ont été rendus sont non pas
subtils mais grossiers. Autorisez-moi à les qualifier ainsi compte tenu de la
discrimination à laquelle nous avons abouti, et sur laquelle je ne reviens pas
car j'en ai débattu l'année dernière et voilà deux ans.
Chacun sait qu'il existe des situations tout à fait inexplicables, et ceux qui
ont sérieusement étudié ce dossier se sont accordés à reconnaître qu'il est
désormais important de tendre vers une plus grande harmonisation.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 54, MM. Arnaud, de Richemont et Raffarin proposent
d'insérer, après l'article 9, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 406 du code général des impôts est complété
in fine
par un
alinéa ainsi rédigé :
« 7 ° les alcools mis à la disposition de chaque viticulteur exploitant dans
la limite de 10 litres d'alcool pur par an. »
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
En l'occurrence, je ferai référence à un problème que M. le rapporteur a bien
voulu rappeler tout à l'heure, à savoir la situation tout à fait exceptionnelle
que connaît la région de production du cognac, alors que, dans l'amendement
précédent, j'évoquais non pas ce problème spécifique, mais celui, plus général,
de l'équité de la taxation sur les alcools.
Le Gouvernement a adopté, après que Matignon eut arbitré entre le ministère de
l'économie et des finances et le ministère de l'agriculture, un plan
d'adaptation du vignoble de la région délimitée « Cognac ». Parmi les mesures
proposées et vivement soutenues par le Gouvernement figurent des actions de
promotion du cognac, notamment sur le marché intérieur.
Pour accompagner ces mesures, il conviendrait d'accorder à chaque viticulteur
la possibilité de disposer en franchise de droits et de taxes de dix litres
d'alcool pur par an, soit environ vingt-cinq bouteilles. Il faut donc
introduire une nouvelle exonération des droits de consommation.
Il ne s'agit pas d'une mesure nouvelle puisque, dans les départements et les
territoires d'outre-mer, dont la situation économique est difficile, les
producteurs de rhum bénéficient déjà d'une telle exonération pour dix litres
d'alcool pur par an, afin de permettre la promotion de ce produit.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je comprends bien la situation délicate dans laquelle se
trouve actuellement la région de Cognac, et je la déplore. Je souhaite que ses
exportations reprennent, y compris en direction de l'Asie, après la fin de la
crise monétaire, et que la région de Cognac retrouve une meilleure situation
économique.
Cependant, la commission des affaires sociales du Sénat a toujours considéré
que le privilège des bouilleurs de cru favorisait l'alcoolisme. Elle ne peut
donc accepter cette franchise de droits pour dix litres d'alcool pur par an,
soit vingt-cinq bouteilles. Aussi, elle émet un avis défavorable sur cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les bouilleurs de cru avaient
disparu de l'Assemblée nationale et du Sénat depuis trente-huit ans ; nous nous
en réjouissons tous, je crois. Aussi, le Gouvernement préfère ne pas les voir
revenir par ce biais. C'est pourquoi il émet un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 54.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Comme viennent de le dire M. le rapporteur et Mme la ministre, il serait, à
l'évidence, inconvenant de rétablir, par ce biais, le privilège des bouilleurs
de cru.
J'ajouterai simplement deux arguments.
D'abord, ce rétablissement serait inéquitable. En effet, pourquoi privilégier
les producteurs de cognac plutôt que les producteurs d'eau-de-vie de quetsches
ou autres ?
Ensuite, entre la proposition qui est formulée et le problème à résoudre, à
savoir les difficultés rencontrées par les producteurs de cognac, il y a
quelque chose de contradictoire. En effet, en accordant le privilège de
bouilleur de cru, vous allez mettre sur le marché de l'alcool produit par de
petits viticulteurs et qui sera vendu dans des conditions qui seront ce
qu'elles seront, ce qui compliquera encore la situation des producteurs qui,
eux, sont essentiellement des exportateurs.
M. Philippe Arnaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Je ne prolongerai pas le débat sur ce point qui, à l'évidence, ne semble pas
mobiliser.
En l'occurrence, il ne s'agit pas du problème des bouilleurs de cru.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ah bon ?
M. Philippe Arnaud.
S'y référer, c'est un peu rapide.
Le problème soulevé, c'est la promotion des produits locaux. Par conséquent,
je veux bien me rallier à la position de la commission et à celle du
Gouvernement, mais à condition - et je souhaite obtenir une réponse sur ce
point - que l'équité soit respectée. C'est pourquoi, dans l'esprit des propos
qui ont été tenus voilà quelques instants, je demande la suppression de
l'exonération de droits concernant les dix litres d'alcool pur par an pour les
producteurs de rhum.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adpoté.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - L'article L. 213-1 du code des assurances est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "d'ayant droit d'affilié", sont
insérés les mots : ", ou acquitte la contribution sociale généralisée sur un
revenu d'activité ou de remplacement" ;
« 2° Au troisième alinéa, après les mots : "ayants droit", sont insérés les
mots : "ou qui n'acquittent pas la contribution sociale généralisée sur un
revenu d'activité ou de remplacement". »
« Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier
1998. » -
(Adopté.)
Article 11
M. le président.
« Art. 11. - Pour l'application du 2° de l'article L. 139-2 et de l'article L.
651-2-1 du code de la sécurité sociale, les déficits pris en compte pour les
exercices 1998 et 1999 sont établis sur la base des dépenses et des recettes
exécutées au cours de l'exercice considéré. »
Sur l'article, la parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Les lois de financement dont nous discutons sont toujours en
encaissements-décaissements. Il convient donc d'en tirer les conséquences, si
nous voulons que les votes du Parlement soient cohérents.
Je voudrais, à l'occasion de cet article, intervenir sur un sujet technique,
que le président de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale,
l'ACOSS, que je suis, considère comme étant d'une importance capitale pour
l'équilibre des caisses : les droits constatés.
L'application des droits constatés, réforme courageuse qui a été entreprise
dans les organismes de sécurité sociale sous plusieurs gouvernements
successifs, permet de parvenir à une comptabilité de « créances » et de «
dettes », et de ne plus raisonner en « encaissements - décaissements »,
c'est-à-dire une comptabilité de trésorerie.
Même si l'application de la réforme n'a pas posé de problèmes majeurs, ses
effets bénéfiques ne se font pas encore sentir. Nous devrions disposer des
comptes beaucoup plus tôt ; ce n'est pas le cas. Nous devrions disposer
d'informations infra-annuelles ; ce n'est pas possible. Tout cela est analysé
par le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale. La
comptabilité des organismes de sécurité sociale ne permet pas ainsi de mettre
en évidence des opérations réciproques entre les organismes et de procéder à
leur élimination. La comptabilisation des transferts entre régimes n'est pas
effectuée de manière homogène.
Les comptes en droits constatés donneraient des résultats profondément
différents des encaissements-décaissements. Le déficit du régime général, en
1997, serait ainsi non pas de 33 milliards de francs, mais de 24 milliards de
francs, soit 9 milliards de francs d'écart.
Il est urgent de relancer la réforme comptable, madame le ministre. Il faut
réfléchir à l'harmonisation des plans comptables des organismes, à
l'unification des pratiques comptables. Il est nécessaire de lier plus
étroitement systèmes comptables et systèmes d'information. Une comptabilité n'a
plus seulement aujourd'hui pour objet de décrire des opérations de gestion
administrative, elle doit donner des informations nécessaires et suffisantes
sur les recettes et les dépenses. Il convient notamment de clarifier les
relations financières entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale. A cet
égard, il est étonnant que la seule collectivité publique n'ayant pas engagé de
réforme comptable, malgré les efforts de notre collègue Jean Arthuis lors de
son passage au ministère de l'économie et des finances, soit l'Etat.
Madame le ministre, vous nous promettez depuis six mois une mission
interministérielle sur le sujet. Si ses axes de travail semblent aller dans le
bon sens, ce dont nous nous réjouissons, cette mission n'est cependant toujours
pas en place.
Il reste pourtant moins d'un an avant l'élaboration du prochain projet de loi
de financement, qui doit être en droits constatés. Pouvez-vous nous dire que
cette mission interministérielle sera opérationnelle d'ici à l'année prochaine
- il faudrait, pour que cela soit efficace, que cela se fasse très rapidement -
afin que le prochain projet de loi de financement soit effectivement en droits
constatés ? Le débat y gagnera en clarté.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En réponse à la question de M.
le rapporteur, je précise que la mission interministérielle est en train de se
mettre en place, avec deux comités.
Tout d'abord, un comité de pilotage, présidé par M. Nasse, secrétaire général
de la commission des comptes, sera composé de représentants des organismes
nationaux de sécurité sociale et des administrations concernées de l'économie
et des finances, de l'industrie, de l'agriculture et de la pêche ainsi que de
la direction de la sécurité sociale : en charge du suivi de cette mission, il
aura à valider et à suivre les travaux du comité de projet, afin de parvenir à
un plan de comptes normalisé et unique. Je me propose de l'installer dans les
prochains jours et je peux vous dire que les choses sont très avancées.
Par ailleurs, un comité de projet est en cours de constitution. Présidé par M.
Deniel, conseiller maître à la Cour des comptes, ce comité sera composé de
représentants des organismes de sécurité sociale, des services déconcentrés du
Trésor public, de l'INSEE, de la direction de la sécurité sociale. Il sera
l'organe opérationnel de la mise en oeuvre de la réforme puisque les comptes se
font déjà dans des régimes de droits constatés et que nous souhaitons pouvoir
présenter les comptes en droits constatés en l'an 2000, ce qui nécessite une
véritable harmonisation. Ce comité de projet devra déposer pour le premier
semestre 1999 un rapport qui constituera la base de travail de la deuxième
phase de la réforme de l'organisation comptable des divers organismes de
sécurité sociale.
J'espère donc pouvoir utiliser ces travaux pour l'an 2000. Mais tant qu'ils ne
sont pas terminés, je ne peux pas m'y engager à 100 %.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je vous remercie, madame le ministre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 11
bis
M. le président.
« Art. 11
bis
. - I. - L'article 575 A du code général des impôts est
ainsi modifié :
« 1° Dans la deuxième ligne du tableau, le taux : "58,30" est remplacé par le
taux : "59,9" ;
« 2° Dans l'avant-dernier alinéa, la somme : "230 francs" est remplacée par la
somme : "345 francs".
« II. - Au dernier alinéa de l'article L. 241-2 du code de la sécurité
sociale, les mots : "et par la loi de finances pour 1998" sont remplacés par
les mots : ", la loi de finances pour 1998 et la loi de finances pour 1999".
»
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 57, M. Charasse propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 7, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Après l'article L. 245-12 du code de la sécurité sociale, il est
rétabli une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Taxe de santé publique sur les tabacs
«
Art. L. 245-13. -
Il est créé au profit de la Caisse nationale de
l'assurance maladie des travailleurs salariés une taxe de santé publique de 2,5
%, sur les tabacs fabriqués en France et sur les tabacs importés ou faisant
l'objet d'une acquisition intra-communautaire et une taxe additionnelle de 7 %
sur les tabacs à fine coupe destinés à rouler les cigarettes. Ces taxes sont
assises et perçues sous les mêmes règles que la taxe sur la valeur ajoutée.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale
et du budget pris après avis du conseil d'administration de la Caisse nationale
de l'assurance maladie des travailleurs salariés fixe les conditions
d'application de ces taxes aux actions de prévention et notamment de lutte
contre le tabagisme. »
« II. - Les dispositions du I s'appliquent à compter du 1er janvier 1999. »
L'amendement n° 57 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement tend à remplacer une hausse générale des
droits sur le tabac, proposée par l'Assemblée nationale, par la création d'une
taxe additionnelle de santé publique.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous allez voir que
j'essaie d'aller dans le sens des départements ministériels dont vous avez la
responsabilité.
Il s'agit exactement du même dispositif que celui qui avait été adopté par
l'Assemblée nationale et par le Sénat lors de la première lecture du projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. Si les sénateurs avaient
émis des réserves quant à sa conformité au droit communautaire, M. le
secrétaire d'Etat avait su les rassurer. Puis cette taxe avait été
malheureusement écartée par le Gouvernement en nouvelle lecture.
Nous reprenons donc ce dispositif parce que la hausse générale des droits sur
le tabac figurant dans le texte adopté par l'Assemblée nationale n'a pas un
grand intérêt sanitaire : elle ne rapporte en effet que 100 millions de francs
à l'assurance maladie pour 900 millions de francs au budget général de
l'Etat.
Par conséquent, l'instauration dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale d'une taxe dont les neuf dixièmes tombent dans le budget
général de l'Etat est vraiment un faux semblant !
Il est donc nécessaire de prévoir une taxe spécifique affectée entièrement à
la sécurité sociale. Cela fera certes une taxe de plus, mais la transparence y
gagnera.
Le système actuel n'est pas satisfaisant. Il serait plus clair de prévoir deux
taxes : une pour l'Etat - il faut bien qu'il vive - et une pour la sécurité
sociale. Trop de droits ont été perçus sur le tabac sans que la principale
victime financière de ses ravages, l'assurance maladie, puisse en profiter.
Je lisais tout à l'heure, dans le quotidien
Le Monde
paru cet
après-midi - il est décidément très instructif ! - que, aux Etats-Unis, les
fabricants de tabac allaient verser 300 milliards de dollars pour éviter les
poursuites judiciaires. Nous n'en sommes pas encore là en France. Mais il faut
arrêter de verser des taxes sur le tabac et sur les alcools, dont les
répartitions sont mesurées au trébuchet et qui ne sont connues que de certains
spécialistes. Je me rappelle en avoir discuté avec M. Chadelat lorsqu'il était
président du Fonds de solidarité vieillesse. Il n'y avait guère que lui pour
savoir quel centième de pourcentage était versé plutôt à l'assurance maladie
qu'au budget général de l'Etat !
Je vous propose donc, sans revenir sur l'augmentation du tabac décidée par
l'Assemblée nationale, de substituer à une taxe traditionnelle sur les tabacs,
qui est en fait un impôt déguisé destiné à alimenter le budget général de
l'Etat et qui n'a quasiment rien à voir avec la santé, une taxe de santé
publique qui donnerait 1,4 milliard de francs à l'assurance maladie et qui
paierait les dégâts occasionnés par le tabac, responsable, je le rappelle, de
60 000 morts par an.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous donnons acte à M. le secrétaire d'Etat à la santé de sa
solidarité gouvernementale !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Pour ma part, je n'ai aucune affection particulière pour l'industrie du tabac.
Cela étant dit, je souhaite exprimer mon point de vue quant à l'inadaptation de
la façon dont l'Assemblée nationale a voté cette taxe, avec de bons sentiments
mais peut-être de mauvaises conséquences.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues n'a pu défendre un amendement, mais
l'exposé des motifs de ce dernier me paraissait tout à fait juste.
La lutte contre le tabagisme est en effet une priorité de santé publique, et
nous sommes tous d'accord sur ce point.
Mais l'article 11
bis
du projet de loi de financement de la sécurité
sociale permettra-t-il d'atteindre cet objectif ? Pour ma part, je ne le crois
pas.
En effet, en augmentant brutalement la fiscalité des cigarettes, l'article 11
bis
risque de créer les conditions d'une guerre des prix entre
fabricants, guerre des prix dont on a pu mesurer, en 1993, les effets
profondément déstabilisants en termes de santé publique.
Il faut en effet rappeler que, dans la structure fiscale actuelle, qui est
presque exclusivement proportionnelle - le montant des taxes est un pourcentage
du prix de vente au détail des produits - plus la taxe est élevée, plus les
fabricants arrivent à faire supporter par l'Etat les effets d'une baisse des
prix éventuelle : si la proportion des taxes sur le tabac représente
aujourd'hui près de 80 % de leur prix de vente, il en résulte que l'Etat
finance en fait près de 80 % de toute baisse des prix !
Par ailleurs, la guerre des prix se traduit historiquement par une
augmentation de la consommation du tabac des plus jeunes, pour qui le prix du
tabac est un facteur discriminant important.
C'est pourquoi cet article me semble avoir été voté hâtivement par l'Assemblée
nationale. Une véritable politique de prévention passerait plutôt par une
information et une éducation des jeunes gens et des jeunes filles, pour
lesquels un effort particulier doit être consenti.
En outre, sur le principe qui consiste à voter des taxes de santé publique sur
des produits nocifs, je me permets une mise en garde : si nous nous engageons
dans cette voie, nous allons voter des taxes de santé publique sur les alcools
bien qu'il existe déjà des droits sur les alcools ; nous allons voter des taxes
sur le tabac, bien qu'il existe déjà des droits sur le tabac ; nous ferons cela
également pour le sucre, au nom du risque du diabète, bien entendu,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... pour l'amiante...
M. Jacques Oudin.
... et nous pourrons continuer longtemps ainsi.
J'en viens enfin à la portée de cet article.
Tout d'abord, je ne suis pas persuadé qu'on ait analysé à fond les
conséquences de l'instauration de cette taxe par rapport au droit
communautaire.
Par ailleurs, dans l'espace ouvert qu'est l'Europe, avec Internet de surcroît,
n'importe qui peut maintenant commander dans un autre pays européen des tabacs
à un prix inférieur à celui qui est pratiqué en France et se les faire livrer
quasiment gratuitement.
Je demande donc à nos amis de la commission des affaires sociales de bien
réfléchir : les bons sentiments peuvent avoir des conséquences tout à fait
détestables en termes financiers.
Voilà pourquoi je m'abstiendrai.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Si j'ai répondu brièvement tout à l'heure, je ne peux
pas laisser passer le propos tenu à l'instant par M. Oudin.
Tout d'abord, son raisonnement sur l'augmentation du prix du tabac - tabac
dont je tiens à rappeler le caractère nocif et les 60 000 décès par an, en
France, qui lui sont directement imputables - n'est pas acceptable. De la même
manière, le discours selon lequel la hausse des prix provoquera la contrebande,
n'est pas davantage acceptable. En effet, la contrebande, qui est un argument
extrêmement souvent employé, n'existe que dans des pays où, en effet, les prix
sont les plus bas ; mais c'est simplement que l'accès au territoire est plus
facile.
En outre, monsieur le sénateur, dans six des quinze pays de l'Union
européenne, les prix des cigarettes sont infiniment plus élevés qu'en France :
ainsi, en Grande-Bretagne, ils le sont deux fois plus.
J'ajoute que la commande par Internet, qui, permettez-moi de le dire, comporte
certains frais de livraison, ne se fait pas aussi facilement qu'on le pense et
ne concerne pas le même public.
Notre objectif est que la consommation du tabac baisse chez les jeunes.
L'année dernière, nous avons augmenté le prix du tabac à rouler. Eh bien,
monsieur le sénateur, il en est résulté une diminution de moitié de la
consommation du tabac à rouler dans notre pays, chez ces jeunes justement. Nous
savons très bien, et nous l'avons démontré plusieurs fois - c'est prouvé dans
tous les pays, et il n'est pas acceptable en termes scientifiques et en termes
de santé publique de dire le contraire - que l'augmentation des prix entraîne
une baisse de la consommation, singulièrement chez le public que nous visons,
c'est-à-dire les jeunes.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Très bien !
M. Jean-Louis Lorrain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Il est extrêmement délicat, surtout lorsque l'on fait partie de la commission
de contrôle de la loi Evin, d'aller à son encontre et de défendre la
consommation de tabac, ce qui d'ailleurs n'est absolument pas mon cas.
On se retrouve, s'agissant du tabac, avec les mêmes états d'âme que pour les
problèmes de l'armement. Lorsque, dans une ville, les ateliers d'armement
ferment, tout le monde descend alors dans la rue ! Récemment, des mouvements
ont eu lieu, à Morlaix et à Tonneins, à l'occasion de la restructuration de la
SEITA. Par conséquent, les choses ne sont pas aussi simples que cela.
Il serait souhaitable que les prélèvements effectués soient clairement
identifiés et explicitement attribués à des secteurs de prévention. Lorsqu'il
existera une parfaite identification de l'action de prévention et du
prélèvement, les choses seront alors beaucoup plus claires.
J'en viens aux prix : malheureusement, le tabac est toujours associé aux
situations d'exclusion - la toxicomanie, par exemple - et le coût des
prélèvements pèse donc particulièrement sur les plus démunis. La solution
consisterait à développer une véritable politique de prévention, dotée de
moyens suffisants.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je voterai l'amendement de la commission des affaires sociales.
Je tiens à dire à M. le secrétaire d'Etat que je partage son analyse quant au
ciblage de ces dispositions sur les jeunes. De telles dispositions ne peuvent
toutefois pas - chacun en est bien d'accord - résumer une politique de lutte
contre le tabagisme.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Bien sûr !
M. Claude Huriet.
C'est évident ! C'est dès la jeunesse que le consommateur va prendre un
certain nombre d'habitudes en s'imaginant, contrairement à toutes les
expériences dont on peut se prévaloir, qu'il pourra échapper à la dépendance.
Or c'est précisément la dépendance qui fait du tabagisme un fléau !
S'il pouvait y avoir consommation épisodique, pourquoi ne pas accorder à ceux
qui le souhaiteraient le plaisir de fumer une cigarette ? Mais on sait - c'est
un fait sur lequel le Haut comité de la santé publique a mis l'accent à de
nombreuses reprises - que le danger du tabagisme, c'est l'accoutumance et,
ensuite, la dépendance.
Nous aurons d'autres occasions de discuter du développement de la lutte contre
le tabagisme, même si, depuis des années, cette politique est progressivement
mise en place. Mais gardons à l'esprit le fait que ce sont les jeunes fumeurs
qui, insidieusement, passent du plaisir à la dépendance. A un moment donné,
nous devrons donc débattre d'autres dispositions, concernant par exemple le
développement de la tabacologie et la prise en charge de médicaments qui, c'est
désormais prouvé, peuvent aider ceux qui le souhaitent - et ils sont nombreux -
à sortir de cette situation de dépendance.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. François Autain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Nous voterons, bien sûr... - pardonnez-moi : nous ne voterons pas
(Sourires)
- cet amendement.
M. Alain Gournac.
Lapsus révélateur !
M. François Autain.
En fait, nous sommes un peu embarrassés car, effectivement, nous pensons que
cet amendement va tout de même dans le bon sens.
Quoi qu'il en soit, je voudrais vous faire part de mon souhait qu'à l'avenir
une plus grande part, pour ne pas dire la totalité, de cette augmentation soit
affectée au budget de l'assurance maladie. En effet - et j'approuve là les
propos de certains des intervenants qui m'ont précédé - compte tenu des
conséquences que peut avoir l'utilisation du tabac sur la santé de nos
concitoyens, il est tout à fait normal que la sécurité sociale puisse
bénéficier de ces fonds pour pouvoir faire face au surcroît de dépenses
occasionné par l'utiliation du tabac.
Nous voterons... - pardon : nous ne voterons pas
(Sourires)
-
l'amendement, je le répète, mais nous souhaitons qu'une évolution intervienne
dans l'affectation de ces recettes l'année prochaine.
M. Jean Chérioux.
Votez l'amendement, allez jusqu'au bout !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 11
bis
est ainsi rédigé.
Article 11
ter
M. le président.
« Art. 11
ter
. - I. - L'article L. 311-3 du code de la sécurité
sociale est complété par un 21° ainsi rédigé :
« 21° Les personnes qui exercent à titre occasionnel pour le compte de l'Etat,
d'une collectivité territoriale ou d'un de leurs établissements publics
administratifs, ou d'un organisme privé chargé de la gestion d'un service
public à caractère administratif, une activité dont la rémunération est fixée
par des dispositions législatives ou réglementaires ou par décision de justice.
Un décret précise les types d'activités et de rémunérations en cause.
« Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables :
« - aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat et agents permanents
des collectivités locales ne relevant pas au titre de leur activité principale
des dispositions du livre IV du présent code ;
« - sur leur demande, dans des conditions fixées par décret, aux personnes
exerçant à titre principal une des professions visées à l'article L. 621-3,
lorsque les activités occasionnelles visées ci-dessus en sont le prolongement.
»
« II. - Les dispositions du I sont sans effet sur le droit applicable au lien
existant entre les personnes visées au 21° de l'article L. 311-3 du code de la
sécurité sociale et les administrations, établissements ou organismes
concernés.
« III. - Nonobstant toutes dispositions contraires, et sous réserve des
décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, sont prescrites
les créances relatives aux cotisations sociales dues au titre des rémunérations
versées aux personnes visées au 21° de l'article L. 311-3 du code de la
sécurité sociale et qui n'ont pas été réglées à la date d'entrée en vigueur des
décrets prévus au I du présent article.
Sur l'article, la parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
C'est avec satisfaction que j'ai accueilli cet article, car il comporte des
dispositions qui apportent enfin une réponse aux nombreux médecins siégeant
dans des commissions administratives - commission du permis de conduire ou
COTOREP, par exemple - sans se voir reconnaître par l'Etat la qualité de
salarié, alors même que nombre de décisions de justice rendues par les
tribunaux administratifs, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation avaient
clairement affirmé que ces médecins devaient être des salariés de l'Etat. Les
actions contentieuses, nombreuses, se sont accumulées pendant des années à ce
sujet et, aujourd'hui, la loi apporte enfin une réponse claire qui était très
attendue.
Toutefois, madame la ministre, la rédaction de cet article me paraît, à moi
qui ne suis pas juriste, assez confuse.
Pourriez-vous nous préciser si les médecins qui ont engagé des actions en
justice verront leurs droits reconnus par les tribunaux ? A ce jour, la
jurisprudence est en effet constante sur ce point. Les dispositions que nous
allons adopter interrompent-elles - ou non - les procédures en cours ?
M. le président.
Par amendement n° 8, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer le troisième alinéa du texte présenté par le I
de l'article 11
ter
pour le 21° de l'article L. 311-3 du code de la
sécurité sociale.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Après M. Huriet, je me réjouis des dispositions prises à
l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement, concernant le travail
au noir des médecins. Cela prouve que même les gouvernements, depuis dix ans et
malgré les avis contraires des plus hautes juridictions de notre pays,
continuaient à ne pas payer de cotisations pour leurs collaborateurs
occasionnels.
Cet article vise tous les collaborateurs occasionnels du service public et pas
seulement les médecins, même si ce sont eux qui ont été sans doute le plus
victimes de cette affaire. Ils nous ont d'ailleurs sollicités depuis plusieurs
mois, et notre collègue Claude Huriet avait posé une question d'actualité au
Gouvernement à ce sujet voilà quelques semaines.
Si la commission se réjouit de l'introduction de cet article, elle vous
propose cependant, par cet amendement, de supprimer le troisième alinéa du
texte tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale, dans la mesure où il
exonérerait définitivement de cotisations sociales les rémunérations perçues
par les fonctionnaires dans le cadre d'activités annexes.
Si ce paragraphe était maintenu, une personne du secteur privé membre d'un
jury de concours, pour prendre un exemple, devrait ainsi payer des cotisations
sociales sur ses indemnités, alors qu'un fonctionnaire membre du même jury en
serait dispensé. Les fonctionnaires peuvent, en effet exercer des activités «
annexes », qui donnent droit à rémunération : ils sont ainsi des collaborateurs
occasionnels du service public, disposant par ailleurs d'un statut de droit
public.
Il ne serait, bien sûr, pas souhaitable, pour des raisons de simplicité de
gestion, de les assujettir au régime général, mais il faut que l'employeur
public ait la possibilité de prélever des cotisations sur ces rémunérations.
Notre amendement ne lui en ferait pas obligation.
Chacun sait que les modes de rémunération sont complexes et que les
différentes primes perçues par les fonctionnaires échappent en général à
cotisation, mais maintenir l'alinéa incriminé reviendrait à reconnaître qu'il
s'agit là d'une situation normale.
La commission ne peut pas l'accepter, et elle vous propose, en conséquence, de
le supprimer, afin que tous les collaborateurs occasionnels du service public
soient traités sur un pied d'égalité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Gouvernement s'en remet à la
sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je voterai, bien sûr, l'amendement de la commission des affaires sociales.
Je ne pense pas qu'il soit de la compétence de M. le rapporteur d'apporter une
réponse à la question que j'ai posée, mais je souhaiterais quand même qu'il me
soit répondu.
La rédaction du paragraphe III de l'article 11
ter
est, à mon sens,
assez confuse :
« Nonobstant toutes dispositions contraires, et sous réserve des décisions
juridictionnelles passées en force de chose jugée, sont prescrites les créances
relatives aux cotisations sociales dues au titre des rémunérations versées aux
personnes visées au 21° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et
qui n'ont pas été réglées à la date d'entrée en vigueur des décrets prévus au I
du présent article. »
Ces dispositions signifient-elles que les médecins qui ont engagé des actions
contentieuses pourront obtenir satisfaction ? Mettent-elles un terme à tout
recours ? C'est une question d'une très grande importance !
Quand bien même Mme la ministre et M. le secrétaire d'Etat ne pourraient pas
me répondre, ce que je comprendrais puisque cela ne relève pas de leur domaine
de compétence, j'aimerais cependant obtenir des éclaircissements puisque cette
question est à l'étude depuis trois ou quatre ans. On ne peut pas laisser dans
le flou un point de droit qui peut revêtir pour bon nombre de médecins une
importance considérable !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Le paragraphe III de l'article 11
ter
me paraissait
répondre à la question de M. Huriet, mais je constate que ce n'est pas le cas.
Je comprends bien son inquiétude et je crois qu'il serait bon, madame la
ministre, que, soit dans l'immédiat, soit dans un avenir proche, vous leviez
cette incertitude pour éviter d'éventuels contentieux.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
L'article 11
ter
et
l'amendement n° 8 auront effectivement pour conséquence qu'à l'avenir de tels
cas ne se reproduiront pas. En revanche, pour le passé, dès lors qu'il n'y
avait pas d'assujettissement, les dispositions ne s'appliquent pas.
M. Huriet peut en tout cas rassurer les médecins pour l'avenir.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 92, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose, dans le paragraphe III de l'article 11
ter,
de
remplacer les mots : « sont prescrites les créances relatives aux cotisations
sociales dues » par les mots : « sont annulées les créances relatives aux
cotisations sociales et, le cas échéant, aux majorations de retard et frais de
justice dus ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement devrait répondre à la question qu'a posée M.
Huriet voilà un instant.
En effet, le paragraphe III de l'article 11
ter
tend à prescrire les
cotisations sociales dues au titre des rémunérations des collaborateurs
occasionnels du service public, nonobstant toutes dispositions contraires et
sous réserve de décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée à
compter de la date d'entrée en vigueur des décrets précisant les types
d'activités et de rémunérations en cause.
Il nous semble que cette rédaction contraindrait les organismes sociaux à
maintenir dans leurs comptes des créances sans pouvoir les recouvrer. Il est
donc préférable, selon nous, de les déclarer annulées plutôt que prescrites.
Par ailleurs, il convient que puissent également être annulés les majorations
de retard et les frais de justice qui découlent directement de la créance en
principal, afin d'apurer parfaitement les comptes passés. Je tenais à apporter
cette précision car, tel qu'il est rédigé, le texte annule, certes, les
créances, mais pas forcément les majorations de retard et les frais de
justice.
La commission vous propose, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, qui
aura le mérite de simplifier les comptes des organismes sociaux et de les
clarifier.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 92, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11
ter,
modifié.
(L'article 11
ter
est adopté.)
Article 11
quater
M. le président.
« Art. 11
quater
. I. - Il est effectué, au profit du fonds de
l'allocation temporaire d'invalidité des collectivités locales, un prélèvement
sur le fonds pour l'emploi hospitalier égal au montant des sommes nécessaires à
l'équilibre de ce fonds multiplié par le rapport entre, d'une part, les charges
occasionnées par le financement du congé de fin d'activité pour la fonction
publique hospitalière et, d'autre part, les charges occasionnées par le
financement du congé de fin d'activité pour les deux fonctions publiques
territoriale et hospitalière. Ce prélèvement, qui est opéré par arrêté, peut
faire l'objet d'acomptes provisionnels.
« II. - Il est effectué, également au profit du fonds de l'allocation
temporaire d'invalidité des collectivités locales, un prélèvement sur le fonds
de compensation des cessations progressives d'activité égal au montant des
sommes nécessaires à l'équilibre de ce fonds multiplié par le rapport entre,
d'une part, les charges occasionnées par le financement du congé de fin
d'activité pour la fonction publique territoriale et, d'autre part, les charges
occasionnées par le financement du congé de fin d'activité pour les deux
fonctions publiques territoriale et hospitalière. Ce prélèvement, qui est opéré
par arrêté, peut faire l'objet d'acomptes provisionnels.
« III. - Dans le dernier alinéa de l'article 45 de la loi n° 96-1093 du 16
décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses
mesures d'ordre statutaire, les mots : "qui interviendra au plus tard le 31
décembre de l'an 2000," sont supprimés. »
Par amendement n° 9, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'article 11
quater
résulte d'un amendement du
Gouvernement qui tend à assurer le financement pour 1999 du congé de fin
d'activité pour la fonction publique territoriale et hospitalière.
Le congé de fin d'activité est financé par le fonds de compensation de congé
de fin d'activité, lui-même alimenté par le fonds de l'allocation temporaire
d'invalidité des agents des collectivités locales, le fameux FATIACL. Il était
doté de 500 millions de francs en 1997 et de 467 millions de francs en 1998. Or
le FATIACL risque de manquer de 300 millions de francs en 1999 du fait du
versement de ses réserves financières - pour 4,5 milliards de francs - à la
CNRACL en 1997.
Le dispositif que propose le Gouvernement revient à effectuer deux
prélèvements sur deux fonds différents, pour alimenter un troisième fonds qui
en alimente un quatrième. Si vous n'avez pas compris, je peux répéter !
(Sourires.)
Ces deux prélèvements concernent le fonds de compensation des cessations
progressives d'activité, spécifique aux agents territoriaux, et le fonds pour
l'emploi hospitalier, propre aux agents hospitaliers.
Le fonds pour l'emploi hospitalier connaît un déficit cumulé, au titre de
l'exercice 1997, de 79,9 millions de francs. Il est alimenté par une
contribution obligatoire des établissements hospitaliers, sociaux et
médico-sociaux publics et assise sur le montant des rémunérations soumises à
pension. Il « suffirait » donc d'augmenter le taux de cette contribution pour
permettre le financement de ces congés de fin d'activité dans la fonction
publique hospitalière. A nos yeux, c'est là une contrainte financière
supplémentaire dont peut se passer l'hôpital !
La commission des affaires sociales a considéré que cette « usine à gaz »
relevait de la politique du sapeur Camember : creuser deux trous pour en
combler un troisième.
Le Gouvernement, par la voix de M. Zuccarelli, a affirmé que « le congé de fin
d'activité était le pendant du dispositif ARPE - allocation de remplacement
pour l'emploi - dans le secteur privé ». Mais les règles de départ à la
retraite et de son calcul sont bien différentes selon qu'il s'agit du secteur
public ou du secteur privé.
En outre, le troisième paragraphe de l'article 11
quater
prévoit la
pérennisation du fonds de compensation du congé de fin d'activité, alors qu'il
devait être dissous au 31 décembre 2000. Cette disposition ne relève pas d'une
loi de financement de la sécurité sociale.
Pour l'ensemble de ces raisons, que j'espère claires, la commission propose au
Sénat d'adopter l'amendement de suppression de l'article.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix l'amendement n° 9,
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 11
quater
est supprimé.
Article additionnel avant l'article 12
M. le président.
Par amendement n° 10, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose d'insérer, avant l'article 12, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Les dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale
s'appliquent aux exonérations de charges sociales prévues par la loi n° 98-461
du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps
de travail. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement participe encore de notre souci de compenser
intégralement les exonérations de charges sociales, cette fois au regard de
l'application des 35 heures.
Nous vous avions déjà posé une question à ce sujet en commission, madame le
ministre, mais, lors des auditions auxquelles nous avons procédé, si deux
présidents de caisse nous ont dit que les exonérations de charges sociales
étaient intégralement compensées, deux autres nous ont affirmé le contraire.
La commission des comptes de la sécurité sociale, partant de l'hypothèse d'une
compensation partielle, a neutralisé les effets des 35 heures sur l'évolution
des cotisations : « Il a été fait l'hypothèse pour ce compte que les
suppléments de recettes engendrés en 1999 par les emplois créés
neutraliseraient les pertes de cotisations nettes des compensations prévues par
l'Etat. »
Vous nous avez dit en commission que, dans la mesure où il n'y avait pas
dérogation à la loi de 1994 pour les 35 heures, celle-ci s'appliquait et qu'il
y avait donc compensation intégrale par l'Etat.
La précision qu'introduit cet article additionnel est peut-être redondante,
mais mieux vaut que tout cela soit clair.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai effectivement dit que,
pour l'instant, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne
comportait pas de dispositions visant à ne compenser que partiellement
l'exonération de cotisations sociales liée à la réduction du temps de
travail.
Mais j'ai dit aussi que nous ferions un bilan en milieu d'année avec les
partenaires sociaux et qu'alors nous prendrions éventuellement des
dispositions.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 12.
Article 12
M. le président.
« Art. 12. - Pour 1999, les prévisions de recettes, par catégorie, de
l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour
concourir à leur financement sont fixées aux montants suivants :
(En milliards
de francs)
Cotisations effectives 1 062,9 Cotisations fictives 194,8 Contributions publiques 63,8 Impôts et taxes affectés 438,7 Transferts reçus 5,2 Revenus des capitaux 1,4 Autres ressources 32,6
Total des recettes 1 799,4 Par amendement n° 11, M. Descours, au nom de la
commission des affaires sociales, propose :
A. - A la première ligne (cotisations effectives) du tableau figurant à cet
article, de remplacer la somme : « 1 062,9 » par la somme : « 1 068,6 ».
B. - A la quatrième ligne (impôts et taxes) dudit tableau, de remplacer la
somme : « 438,7 » par la somme : « 440 ».
C. - A la cinquième ligne (transferts reçus) dudit tableau, de remplacer la
somme : « 5,2 » par la somme : « 4,9 ».
D. - En conséquence, à la dernière ligne (total des recettes) dudit tableau,
de remplacer la somme « 1 799,4 » par la somme « 1 806,2 ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement de coordination traduit dans les prévisions de
recettes l'adoption d'un certain nombre d'amendements précédents.
Compte tenu de ces votes, je tiens à le dire, l'impact de la compensation est
neutre quant au déficit des administrations publiques au sens de Maastricht et,
en outre, ces recettes supplémentaires pour la sécurité sociale ne sont pas
utilisées pour financer des dépenses supplémentaires. Ce qui apparaît comme des
dépenses supplémentaires du budget de l'Etat correspond à des recettes
supplémentaires pour la sécurité sociale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article additionnel après l'article 12
M. le président.
Par amendement n° 85 rectifié, M. Bernard propose d'insérer, après l'article
12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est institué un remboursement de la contribution sociale généralisée, de
la contribution pour le remboursement de la dette sociale et du prélèvement
social en faveur de la caisse nationale des allocations familiales et de la
caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés en faveur des
ménages non imposables titulaires de revenus de placement. »
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard.
Cet amendement se justifie par son texte même.
Les personnes non imposables sont exonérées de la contribution sociale
généralisée. Il est proposé par cet amendement d'instituer un remboursement de
la CSG, de la CRDS et du prélèvement social dus par ces personnes sur les
revenus de leurs placements.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement, on vient de le dire, tend à rembourser la
CSG, le CRDS et le prélèvement social de 2 % prélevés sur les revenus des
placements aux ménages non imposables.
Il est effectivement des personnes vivant tout à fait chichement qui se
retrouvent, du fait qu'elles ont accumulé tout au long de leur vie un peu
d'épargne, taxées à 10 % dès le premier franc sur les revenus de leurs
placements, alors qu'elles ne sont par ailleurs pas imposables en raison de la
modicité des pensions ou des pensions de réversion qu'elles touchent.
Je rappelle d'abord que la France est le pays d'Europe qui compte le plus
grand nombre de foyers fiscaux exonérés - onze millions.
Mais il est vrai que, au cours des dernières semaines, les Français ont pris
conscience, avec l'envoi des rôles émis par l'administration fiscale, de
l'importance des prélèvements sociaux sur l'épargne : 7,5 % de CSG, 0,5 % de
CRDS et 2 % de « prélèvement social » affecté à la CNAF et à la CNAVTS.
La commission des affaires sociales, je le rappelle, n'avait pas été
favorable, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998, à un transfert aussi important de la CSG, même si elle
n'était pas hostile au principe d'un rééquilibrage des prélèvements sociaux
entre revenus du travail et revenus du capital. Elle avait déploré
l'alourdissement considérable, en une seule année, des prélèvements sur
l'épargne et elle avait proposé d'exclure les primes des comptes et plans
d'épargne logement, qu'elle considérait comme un placement social, ainsi que
les produits d'assurance vie de l'assiette du nouveau prélèvement social.
L'Assemblée nationale n'avait pas retenu cette exonération, qui visait à
limiter les effets de cette fiscalité accrue sur les classes moyennes.
D'après la loi de financement de l'année dernière, restent exclus des
prélèvements, au titre de la CSG, du RDS et du prélèvement social, les intérêts
des livrets A, des CODEVI et des livrets d'épargne populaire.
Cependant, il convient de rappeler que la CSG sur les revenus d'activité
s'applique aux personnes touchant le SMIC.
En outre, le dispositif proposé par M. Bernard a l'inconvénient du système des
« exonérations en cascade » : une personne tout juste imposable devra payer les
prélèvements sociaux sur les revenus de ses placements, tandis qu'une personne
se trouvant en dessous du seuil d'imposition sera remboursée.
Je comprends l'inquiétude de M. Bernard.
Ces dernières semaines, nous avons vu des retraités non imposables manifester
après avoir reçu un avis leur demandant de payer 4 000 francs au titre de la
CSG et des autres prélèvements sociaux. C'est donc une vraie question.
Peut-être faudrait-il prévoir un taux réduit pour les personnes non
imposables. Peut-être aussi faudrait-il prévoir un paiement en trois fois pour
éviter ce prélèvement-couperet en fin d'année, ce qui aurait d'ailleurs
l'avantage de soulager la trésorerie de l'ACOSS, l'Agence centrale des
organismes de sécurité sociale, qui, en l'état, n'encaisse le fruit de la CSG
qu'en fin d'année.
En tout cas, je ne suis pas sûr que la solution proposée par M. Bernard soit
la bonne, et c'est pourquoi je lui demande de retirer l'amendement.
M. le président.
Répondez-vous à l'invitation de M. le rapporteur, monsieur Bernard ?
M. Jean Bernard.
Je remercie M. le rapporteur d'avoir ouvert de nouvelles voies d'approche, ou
de recherche, sur cette question.
Je vais retirer l'amendement parce que je fais confiance à Mme le ministre et
à la commission pour trouver des solutions.
Il m'est apparu que la discussion de ce projet était l'occasion de faire part
des difficultés de certains, notamment de certains retraités des régimes
agricoles qui, devenus veufs ou veuves, après une vie de labeur leur ayant
permis d'accumuler un patrimoine modeste qu'ils mettent en location, se voient
obligés de payer ces prélèvements.
Je retire également l'amendement parce que je préjuge votre réponse, madame la
ministre, pour avoir vu le sort qui a été réservé, à l'Assemblée nationale, à
l'amendement de même nature présenté par M. de Courson.
Il n'empêche, il faut rechercher des solutions : peut-être faudrait-il solder
cette imposition en trois fois, peut-être la moduler en fonction des ressources
réelles des contribuables.
M. le président.
L'amendement n° 85 rectifié est retiré.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Bien que M. Bernard ait retiré
son amendement, je veux apporter quelques informations complémentaires - car
nous en avons déjà parlé.
Je rappelle que la CSG s'applique au premier franc pour n'importe quel
salarié, y compris celui qui travaille à temps partiel et qui gagne 2 000
francs par mois.
Je fais par ailleurs observer que, dans notre pays, on peut être non imposable
et avoir un patrimoine important, du fait de réductions d'impôts qui peuvent
représenter des montants élevés, et du fait que les revenus de capitaux sont
soumis non pas à l'impôt sur le revenu mais au prélèvement libératoire - je
pense aux intérêts de l'assurance-vie ou aux intérêts d'obligations - voire ne
sont soumis à aucun prélèvement fiscal, comme le plan d'épargne en actions, le
PEA. Aujourd'hui, un ménage peut avoir un PEA représentant 1,2 million de
francs et ne payer aucun impôt, alors que la personne qui, elle, gagne 2 000
francs par mois, payera la CSG !
Je suis toujours prête à envisager la situation de ceux qui rencontrent des
difficultés pour essayer d'apporter des solutions. En l'occurrence, tel ne me
paraît pas être le cas.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué le cas d'une personne qui doit payer
4 000 francs de CSG alors qu'elle n'en payait pas auparavant. Qu'est-ce que 4
000 francs de CSG ? C'est 50 000 francs de revenus de capital, soit un
patrimoine de 1,5 million de francs environ. Est-il anormal qu'une personne qui
possède un patrimoine de 1,5 million de francs paie la CSG, alors que, encore
une fois, la vendeuse à temps partiel au supermarché va la payer ?
Personnellement, je ne le crois pas et je garde mon émotion pour des cas qui le
méritent véritablement.
M. Jean Bernard.
Et il y en a !
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES
AUX DÉPENSES ET À LA TRÉSORERIE
Section 1
Branche famille
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - I. - L'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale est ainsi
rédigé :
« Les allocations familiales sont dues à partir du deuxième enfant à charge.
»
« II. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 755-11 du code de la
sécurité sociale sont supprimés.
« III. - Pour la détermination des droits, les dispositions des I et II
entrent en vigueur à compter du 1er janvier 1999. »
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Profondément attachés au principe d'universalité, principe originel prévalant
en 1945 lors de la mise en place de la sécurité sociale, nous nous étions, l'an
dernier, farouchement opposés à la mise sous condition de ressources des
allocations familiales, mesure transitoire mais néanmoins très discutable.
Aujourd'hui, je note avec satisfaction que l'article 13 rétablit les
allocations familiales pour toutes les familles à partir du deuxième enfant et
que, corrélativement, prenant en compte une proposition largement partagée par
le milieu associatif, le Gouvernement a ramené le plafond de l'avantage fiscal
du quotient familial à 11 000 francs.
Contrairement à vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, nous
estimons que la révision du quotient familial est une solution juste et
équitable. Elle apporte un bémol à la situation actuelle, qui privilégie les
seules familles bénéficiant de hauts revenus.
L'une des finalités de la politique familiale étant de contribuer à compenser
les charges que supportent les familles pour éduquer, entretenir leurs enfants,
il apparaît primordial d'adapter les droits aux évolutions de la société et de
les renforcer en vue d'une efficacité optimale.
Des facteurs importants tels que, d'une part, la montée en charge du chômage,
de la précarité, appauvrissant les familles, notamment les familles
monoparentales ou nombreuses, et, d'autre part, la mutation, la recomposition
ou l'émergence de nouvelles formes de cellules familiales doivent guider la
mise en oeuvre d'une politique d'aide aux familles plus juste et plus
ambitieuse.
Pour rénover la politique familiale, des mesures positives ont été annoncées
le 12 juin dernier lors de la conférence de la famille. Elles sont reprises
pour l'essentiel dans le rapport annexé. Ainsi, l'allocation de rentrée
scolaire sera désormais versée à toutes les familles comptant un enfant. L'âge
limite pour bénéficier des allocations familiales est porté à vingt ans pour
les enfants inactifs ; les titulaires du RMI pourront désormais se prévaloir
des majorations pour âge.
Malheureusement, faute d'engagement conséquent des employeurs pour financer la
branche famille, les avancées évoquées précédemment doivent être
relativisées.
En effet, ces majorations par tranche d'âge sont reportées d'un an - dix à
onze ans, et quinze à seize ans. Aucune revalorisation significative des
prestations familiales - 0,7 % - n'est envisagée, pas plus que le versement des
allocations familiales dès le premier enfant. Nous le regrettons. Ce sera
l'objet des amendements que nous défendrons.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, madame la ministre, avec Mme Gillot,
vous avez beaucoup insisté sur le travail en cours au sein de la délégation
interministérielle à la famille concernant l'harmonisation nécessaire des
prestations et la solution à apporter aux jeunes adultes qui, bien souvent, ne
perçoivent aucune aide. Il est urgent que les réflexions aboutissent ; il ne
faut pas se contenter d'assister les familles les plus défavorisées, il faut
mettre les partenaires responsables, notamment l'UNEDIC, devant leur
responsabilité.
Enfin, autre objectif louable, le Gouvernement veut concilier harmonieusement
vie familiale et vie professionnelle.
Jusqu'à présent, les mesures développées par la loi Veil de 1994, que ce soit
l'allocation parentale d'éducation ou les diversifications des modes de garde -
crèche ou AGED - n'ont donné que très peu satisfaction.
Pour preuve, alors que le nombre des bénéficiaires de l'APE n'a eu de cesse
d'augmenter - 75 % - le taux d'activité des mères de deux enfants baisse. Outre
son coût - 18 milliards de francs - les effets pervers de cette prestation sont
indéniables. Elle renforce selon nous les inégalités dans la sphère du travail
entre hommes et femmes ; elle favorise le retour à la division des tâches dans
la sphère domestique ; elle participe à l'encouragement du temps partiel pour
les femmes et, plus grave, l'APE ne favorise pas le retour à l'emploi qualifié
des mères de famille.
Il conviendrait de revoir cette prestation tout en développant
substantiellement les modes d'accueil et de garde pour les jeunes enfants. Les
besoins sont énormes : un enfant sur deux est gardé par sa mère.
Madame la ministre, vous proposez, d'une part, de diversifier les modes de
garde en généralisant les schémas locaux d'équipement et, d'autre part,
d'abaisser ou de relever le financement des CAF au fonctionnement des crèches
en fonction des capacités contributives des parents. Pouvez-vous nous préciser
le contenu des dispositions à l'étude et nous assurer que le Gouvernement
s'engage dans le sens d'un plus grand service d'accueil du jeune enfant ?
M. le président.
Par amendement n° 78 rectifié, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres
du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - Dans le texte présenté par l'article 13 pour l'article L. 521-1 du code
de la sécurité sociale, de remplacer les mots : « deuxième enfant », par les
mots : « premier enfant ».
II. - En conséquence, de compléter
in fine
cet article par un
paragraphe ainsi rédigé :
« Le taux de la contribution visée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité
sociale est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Pour donner toute son efficacité au principe d'universalité, mais aussi pour
assurer la dignité de l'enfant, son développement harmonieux, nous proposons de
verser les allocations familiales dès le premier enfant.
Il est primordial que toute femme reste libre de décider du moment de sa
maternité, de son mode de vie.
Cette aide à la famille que nous appelons de nos voeux n'a pas pour objet
d'inciter à la natalité ou à la normalité. Nous souhaitons seulement que le
Gouvernement marque son intérêt pour l'enfant en tant que tel, qu'il
reconnaisse des situations familiales en soutenant le début de la constitution
de la cellule familiale.
Personne ne peut contester ici que l'arrivée de l'enfant au sein du foyer
engendre des charges nouvelles, contraint les parents, la mère le plus souvent,
à s'éloigner momentanément ou durablement, faute de modes de garde appropriés,
de son emploi. Pour faire face à ce coût, la famille est en droit d'attendre
certaines compensations. C'est d'ailleurs la raison d'être des prestations
familiales.
Le coût de la mesure que je vous soumets est évalué à 14 ou 15 milliards de
francs. Ce n'est rien, si j'ose dire, au regard du montant des exonérations de
cotisations patronales non compensées, qui conduisent au désengagement des
employeurs du financement de la politique familiale.
Pour conclure, je tiens à rappeler à la majorité sénatoriale que, en plaçant
l'allocation pour jeune enfant sous condition de ressources, elle a contribué à
affaiblir la politique familiale.
Il est temps que le Gouvernement envisage de revenir sur certaines mesures et
aille de l'avant en attribuant notamment les allocations familiales dès le
premier enfant.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Devant cet amendement de 14 milliards de francs et face à
cette majorité sénatoriale qui, chacun le sait, n'a pas de coeur...
M. Alain Gournac.
Aucun !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... quand il s'agit de la famille, je voudrais d'abord
entendre l'avis du Gouvernement !
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'oserais pas invoquer
l'article 40 à propos de cet amendement, puisque j'ai cru comprendre qu'il
s'appliquait assez rarement.
(Rires sur les travées du RPR.)
Je répondrai donc sur le fond, pour indiquer que autant je comprends les
préoccupations soulevées par le groupe communiste républicain et citoyen,
autant je ne comprenais pas, tout à l'heure, ceux qui ne voulaient pas
supprimer une exonération dont les bénéficiaires sont les personnes qui
disposent des revenus les plus élevés dans notre pays !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Deux poids, deux mesures !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le versement des allocations
familiales aux familles comptant un seul enfant entraînerait en effet une
dépense d'un peu plus de 10 milliards de francs. Ces familles peuvent d'ores et
déjà bénéficier d'un certain nombre de prestations : l'allocation pour jeune
enfant, l'allocation de soutien familial, l'allocation de parent isolé pour les
familles monoparentales ou les aides personnalisées au logement, destinées tout
particulièrement aux familles modestes.
En outre, aux termes du projet de loi que nous examinons actuellement,
l'allocation de rentrée scolaire sera acquise pour l'ensemble des familles
comptant un enfant même si elles ne touchent pas d'autres prestations
familiales ; je rappelle que cela concerne 350 000 familles.
Cela étant, je crois que nous n'avons effectivement pas fait le tour des
problèmes financiers que pose l'arrivée d'un enfant pour certaines familles.
D'ailleurs, c'est l'un des sujets, vous le savez, qui est à l'ordre du jour de
la préparation de la conférence de la famille de l'année prochaine.
Nous aurons, bien évidemment, à faire des choix. Plusieurs sujets importants
sont sur la table : les problèmes des jeunes adultes, le problème du premier
enfant, le problème de la transparence et de la cohérence données à l'ensemble
des aides, l'adéquation entre l'articulation entre la vie familiale et la vie
professionnelle et une meilleure analyse de l'ensemble des modes de garde.
Sur tous ces sujets qui ont été retenus avec l'ensemble des associations
familiales et avec les organisations syndicales, nous devrons faire des choix
lors de la prochaine conférence de la famille afin d'avancer encore dans le
prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale en matière de
politique familiale.
Je souhaite que l'on traite ces sujets dans le cadre de cette concertation et
c'est pourquoi je demande à M. Fischer de bien vouloir accepter de retirer son
amendement, dès lors que j'ai entendu ses demandes.
M. le président.
Monsieur Fischer, que répondez-vous à l'invite de Mme la ministre ?
M. Guy Fischer.
Je ne peux pas toujours tout lui refuser !
(Rires)
.
Nous avons entamé le débat sur une tonalité différente, mais elle était
nécessaire et justifiée. Maintenant, je retire cet amendement, convaincu que
nous ferons, lors de la conférence de la famille de l'année prochaine, un pas
de plus vers la famille, qui aura sa traduction dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000.
M. le président.
L'amendement n° 78 rectifié est retiré,
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 13
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par MM. Descours et Machet, au nom de la
commission des affaires sociales.
L'amendement n° 50 est déposé par M. Lorrain et les membres du groupe de
l'Union centriste.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 13, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 521-3 du code de la sécurité sociale est
ainsi rédigé :
« Chacun des enfants à charge, à l'exception du plus âgé, ouvre droit à partir
de l'âge de dix ans et de quinze ans à une majoration des allocations
familiales. »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 46.
M. Charles Descours,
rapporteur.
En application de l'article L. 521-3 du code de la sécurité
sociale, les allocations familiales sont majorées de 191 francs par mois au
titre des enfants âgés entre dix et quinze ans, et de 339 francs pour les
enfants à compter de quinze ans et jusqu'à la fin du droit.
Le Gouvernement a annoncé, lors de la conférence de la famille du 12 juin
1998, que ces majorations pour âge seraient reportées de dix à onze ans et de
quinze à seize ans pour les enfants atteignant leur dixième et leur quinzième
anniversaires après le 1er janvier 1999.
Comme l'a montré M. Jacques Machet, notre excellent rapporteur pour la
famille, lors de la discussion générale, cette mesure très critiquable
concernera un nombre important de familles.
La seule finalité de cette mesure semble financière : le recul de l'âge des
majorations permettra d'économiser 870 millions de francs en 1999 et 1,8
milliard de francs en année pleine, à partir de 2000.
La commission des affaires sociales vous propose en conséquence, mes chers
collègues, de vous opposer à cette mesure défavorable, qui ne répond à aucune
raison de fond et n'apparaît pas justifiée au moment où la branche famille est
précisément excédentaire de 4 milliards de francs.
Nous ne comprenons pas - pas plus, je pense, que les auteurs de l'amendement
précédent, dont le coût était de 14 milliards de francs ; le coût du nôtre est
de 870 millions de francs, c'est plus modeste - nous ne comprenons pas, dis-je,
qu'avec une branche famille excédentaire de près de 4 milliards de francs on
présente une mesure tendant à économiser 870 millions de francs en 1999 et 1,8
milliard de francs en année pleine.
La commission propose donc un amendement inscrivant dans le code de la
sécurité sociale que les majorations pour âge sont versées à partir de l'âge de
dix ans et de quinze ans. Un telle disposition empêchera le Gouvernement de
reporter d'un an ces majorations. Elle ne se traduira par aucune dépense
nouvelle pour la branche famille, puisqu'elle ne fait que confirmer le droit
existant.
Notre proposition n'a rien d'exorbitant. Il s'agit de maintenir l'ouverture
des droits à une majoration des allocations familiales à partir de dix ans et
de quinze ans et de ne pas la reporter à onze ans et à seize ans ; cela serait
très mal perçu par les familles et, je le crois, à très juste raison.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, pour défendre l'amendement n° 50.
M. Jean-Louis Lorrain.
M. le rapporteur ayant présenté un amendement identique au nom de la
commission, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 50 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 46 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 46.
M. Gilbert Chabroux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
L'amendement n° 46 vise à fixer à dix ans au lieu de onze ans, et à quinze ans
au lieu de seize ans, l'âge ouvrant droit à une majoration des allocations
familiales.
L'argument développé par M. Descours est purement financier : la branche
famille dégage un excédent, il faut l'utiliser ainsi qu'il nous le propose.
Il faut d'abord se réjouir de cet excédent après les années difficiles que
nous avons traversées. Certains ici ont déjà oublié que, depuis 1994, les
déficits n'ont cessé de se creuser, alors que, avant, la branche famille avait,
pendant longtemps et traditionnellement, été excédentaire. Il faut rappeler que
ces déficits sont dus, pour une large part, aux dépenses générées par la loi
relative à la famille du 25 juillet 1994, dépenses qui n'avaient pas été
entièrement financées. Il faut donc se réjouir de cette évolution positive.
En 1998, nous avons pratiquement atteint l'équilibre, et pour 1999 le résultat
devrait être excédentaire.
Le Gouvernement propose des mesures qui vont dans le bon sens et qui
correspondent au cycle de développement de l'enfant et de l'adolescent, en
particulier au déroulement de la scolarité. L'âge de onze ans, et non de dix
ans, correspond à la fin du cycle scolaire à l'école primaire et à l'entrée au
collège, qui génère des besoins nouveaux. L'âge de seize ans, et non de quinze
ans, correspond à la fin du cycle des études au collège et à l'entrée au lycée,
qui génère également des besoins nouveaux.
Il ne faut pas oublier par ailleurs que l'âge limite d'ouverture du droit aux
prestations familiales passe de dix-neuf à vingt ans pour les jeunes encore à
la charge de leur famille.
Cette mesure répond à des besoins réels. Cette nouvelle avancée, après celle
de l'année dernière, concernera 600 000 familles supplémentaires.
N'oublions pas également - Mme la ministre l'a rappelé - l'extension de
l'allocation de rentrée scolaire à toutes les familles ayant un enfant qui
remplissent les conditions de ressources. Cette mesure va dans le sens d'une
plus grande justice et profitera à 350 000 familles supplémentaires.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs socialistes ne pourront pas voter
l'amendement n° 46.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Monsieur Chabroux, si la branche famille est en excédent,
c'est parce que, l'année dernière, le Gouvernement a décidé la mise sous
conditions de ressources des allocations familiales, ce qui a généré une
économie de 3,8 milliards de francs !
Par ailleurs, avec l'amendement n° 46, nous ne demandons pas la reconnaissance
d'un droit nouveau, nous réclamons le maintien des droits actuels.
Si notre amendement n'est pas adopté, je le dis très solennellement non
seulement au Gouvernement et à sa majorité, mais aussi aux associations
familiales, cette loi de financement de la sécurité sociale instaurera un recul
de la politique familiale.
M. Jacques Machet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Je m'associe aux propos que vient de tenir M. Descours et je voterai des deux
mains cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 13.
Par amendement n° 79, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 13, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le second alinéa de l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale
est ainsi rédigé :
« Ces bases mensuelles de calcul évoluent en fonction de la progression
générale des salaires moyens ou du salaire minimum interprofessionnel de
croissance. »
« II. - Le taux de la cotisation prévue à l'article L. 136-6 du code général
des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Notre amendement vise à modifier la référence pour l'évolution des bases
mensuelles de calcul des prestations familiales.
Actuellement, l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale fait de
l'augmentation des prix hors tabac le critère essentiel de la revalorisation de
ces bases mensuelles. Quant à nous, nous proposons qu'un autre critère, celui
de l'évolution du salaire horaire, soit retenu.
De nombreuses études témoignent de l'écart important existant entre le coût
réel de l'enfant et le montant des allocations. La comparaison entre le pouvoir
d'achat ouvert par la perception des allocations familiales et celui du SMIC
témoigne bien d'un tassement au détriment des prestations familiales.
Pour 1999, madame la ministre, vous avez annoncé une revalorisation de 0,7 %.
C'est loin d'être suffisant pour répondre aux attentes et aux priorités des
familles.
Je suis quelque peu surpris de l'attitude de notre commission des affaires
sociales qui, par la voix de son rapporteur, reproche au Gouvernement « cette
revalorisation modeste ». Toutefois, messieurs les élus de la majorité
sénatoriale, vous oubliez un peu vite que, lorsque vous étiez aux commandes,
rien de substantiel n'a été entrepris pour améliorer le niveau des prestations
familiales. Bien au contraire !
En janvier 1996, par exemple, n'est-ce pas un gouvernement de droite qui a mis
sous conditions de ressources l'allocation pour jeune enfant ?
Cette même année, aucune revalorisation des prestations ou des plafonds de
ressources n'avait été consentie.
Vous aviez même intégré dans l'assiette de la CRDS les aides personnalisées au
logement !
La liste des mesures conduisant à la rationalisation des bases de ressources
et, de fait, à la stagnation du montant des prestations servies est longue,
mais je m'en tiendrai là.
Messieurs de la majorité sénatoriale, vous opposez les familles aux retraités,
qui, cette année, bénéficieront d'un « petit coup de pouce » qui leur permettra
de préserver en partie leur pouvoir d'achat. Mais les retraités ne sont en rien
des privilégiés et la droite n'a pas le monopole de la famille !
Au lieu de s'opposer, le groupe communiste républicain et citoyen a fait le
choix de proposer, d'associer les familles aux progrès de l'économie en
indexant les bases mensuelles sur l'évolution des salaires, c'est là une
condition de progression de la plupart des prestations familiales et un gage de
progression du pouvoir d'achat des ménages, donc de croissance.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir adopter notre
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
A l'argument selon lequel la droite ne fait rien pour la
famille, je rappelle que nous avons voté, en 1994, une loi sur la famille...
M. Jacques Machet.
C'est vrai !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... qui nous a longtemps été reprochée parce qu'elle était
trop favorable et...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... pas assez financée !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... pas assez financée, comme vous venez de le dire, madame
le ministre.
Je le répète : certains estimaient que cette loi était trop favorable à la
famille !
M. Jean Chérioux.
A cause de son efficacité !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Pour ce qui est de la question de la base de calcul des
allocations familiales, je considère qu'il s'agit d'un problème
d'interprétation d'une loi et je souhaiterais connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je veux d'abord rappeler que la
loi de 1994 s'applique jusqu'au 31 décembre 1999 et qu'elle vise à revaloriser
la base mensuelle de calcul des allocations familiales conformément à
l'évolution des prix, hors tabac, de l'année en cours.
Comme M. Fischer l'a rappelé, en 1994 et en 1995 le Gouvernement a omis
d'appliquer la loi.
Dans le premier cas, il n'a pas procédé à l'augmentation prévue.
(Mme
Marie-Claude Beaudeau approuve.)
Dans le second cas, il a insuffisamment augmenté la base de calcul, ce qui
nous a contraints, l'année dernière, à rattraper le retard.
Pour un Gouvernement qui aurait défendu la famille autant que vous le dites,
n'avoir même pas appliqué la loi ne me paraît pas très positif !
Cette loi de 1994, nous l'avons appliquée de manière rétroactive l'année
dernière pour ne pas léser les familles, et cela a coûté quelque 150 millions
de francs à la sécurité sociale !
Cette année, en application de cette loi, nous prévoyons une revalorisation de
0,71 %, qui maintient le pouvoir d'achat lié aux prestations familiales.
Par ailleurs, puisque cette loi est applicable jusqu'en 1999, nous comptons
retravailler sur le mode de revalorisation des prestations familiales avec les
associations familiales et les partenaires sociaux.
Je préférerais donc, puisque le sujet n'est pas encore d'actualité, que M.
Fischer retire son amendement.
M. le président.
Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
J'aimerais savoir si M. Fischer retire son amendement.
M. le président.
Monsieur Fischer, l'amendement n° 79 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
Je le retire.
Plus nous approchons de la suspension de séance, plus je deviens consentant !
(Sourires.)
Il fallait poser le problème et Mme la ministre a répondu. C'est cela le débat
parlementaire : poser les problèmes, échanger les points de vue. Et puis,
l'action fait le reste.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° 79 est retiré.
Par amendement n° 84, M. Nogrix propose d'insérer, après l'article 13, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Le versement des allocations familiales est conditionné par le respect d'un
contrat entre les prestataires et leur caisse d'allocations familiales. Ce
contrat porte sur le rôle éducatif des parents par rapport aux jeunes enfants
mineurs. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Guy Fischer.
Il vaut mieux !
Article 14
M. le président.
« Art. 14. - I. - L'article L. 543-1 du code de la sécurité sociale est ainsi
rédigé :
«
Art. L. 543-1
. - Une allocation de rentrée scolaire est attribuée au
ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas un plafond
variable en fonction du nombre des enfants à charge, pour chaque enfant inscrit
en exécution de l'obligation scolaire dans un établissement ou organisme
d'enseignement public ou privé.
« Elle est également attribuée, pour chaque enfant d'un âge inférieur à un âge
déterminé, et dont la rémunération n'excède pas le plafond mentionné au 2° de
l'article L. 512-3, qui poursuit des études ou qui est placé en
apprentissage.
« Le niveau du plafond de ressources varie conformément à l'évolution des prix
à la consommation des ménages hors les prix du tabac, dans des conditions
prévues par décret en Conseil d'Etat. Son montant est fixé par décret et
revalorisé par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, du
budget et de l'agriculture.
« II. - L'article L. 543-2 du code de la sécurité sociale est abrogé.
« III. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur pour
l'allocation due à compter de la rentrée 1999. »
Sur l'article, la parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je m'exprime en tant que président du conseil de surveillance de la Caisse
nationale des allocations familiales.
Madame la ministre, vous avez reçu voilà quelques semaines l'avis rendu par
cet organisme. Ce rapport traduisait une certaine satisfaction quant aux
conditions d'application de la convention d'objectifs et de gestion.
Le conseil de surveillance avait cependant émis un souhait en matière
d'accessibilité au droit des allocataires et le rapport insiste sur « le
développement de la prospection des droits, la recherche des facteurs
explicatifs du non-recours à certaines prestations ».
Madame la ministre, mon interrogation porte sur les conditions d'application
des nouvelles mesures inscrites dans ce projet de loi. En effet, les caisses
d'allocations familiales ne connaissent pas tous les bénéficiaires potentiels
de ces mesures nouvelles.
Comment faire en sorte que des bénéficiaires potentiels, qui n'apparaissent
pas dans les fichiers des caisses d'allocations familiales, soient informés et
puissent accéder à ces nouveaux droits ? Ce n'est pas facile, puisque seuls les
allocataires actuels figurent dans les fichiers.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Bien que je ne dispose pas
d'éléments extrêmement précis, je souhaite répondre à M. Huriet, qui a posé une
vraie question.
Pour l'instant, nous ouvrons un droit : chaque famille qui est au-dessous du
plafond de ressources sait qu'elle peut avoir droit à cette allocation de
rentrée scolaire ; mais nous ne connaissons pas le nombre des personnes
concernées.
Nous étudierons avec la Caisse nationale des allocations familiales les moyens
d'informer les familles car certaines d'entre elles ne sont pas connues
actuellement - par définition d'ailleurs - et ne figurent pas dans les fichiers
de la caisse.
Nous allons travailler avec la CNAF pour faire connaître leurs droits aux
familles et afin qu'elles puissent se présenter à leur caisse habituelle pour
effectuer les démarches qui leur permettront de recevoir cette allocation de
rentrée scolaire dès l'année prochaine.
Certains avaient compris que ces dispositions s'appliquaient dès cette année
et s'étaient déjà précipités vers leur caisse. Avec un petit effort
d'information complémentaire, nous devrions parvenir à toucher toutes les
familles !
M. le président.
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Conçue pour couvrir en partie les frais de rentrée scolaire qui pèsent très
lourdement - tout le monde le sait - sur le budget des familles, l'allocation
de rentrée scolaire versée sous conditions, notamment de ressources et de
bénéfice d'une autre prestation familiale, a été attribuée cette année à un peu
plus de 3 millions de familles.
A de nombreuses occasions, les parlementaires communistes ont dénoncé le fait
que les conditions d'attribution restrictives excluaient du bénéfice de
l'allocation de rentrée scolaire de nombreuses familles.
L'article 14 nous donne en partie satisfaction, puisqu'il étend l'allocation
de rentrée scolaire à toutes les familles n'ayant qu'un enfant à charge, soit
350 000 familles supplémentaires.
Nous voterons donc cet article. Toutefois, je tiens à rappeler que la question
des plafonds de ressources reste en suspens.
De plus, chaque année, les associations, les syndicats et les familles
souhaiteraient connaître le montant de l'allocation et sa date de versement.
Versée par les caisses d'allocations familiales sur une base de 420 francs,
l'allocation fait l'objet, chaque année, d'une majoration importante de l'Etat
dite allocation de rentrée exceptionnelle.
Je rappelle que celle-ci a été portée à 1 500 francs en 1993 par le
gouvernement de M. Balladur, qu'elle a été reconduite à cette hauteur en 1994
et en 1995, puis ramenée à 1 000 francs en 1996 par le gouvernement de M.
Juppé, et qu'elle s'élève aujourd'hui à 1 600 francs.
Madame la ministre, pourquoi ne pas avoir majoré la partie institutionnelle de
cette allocation, ou tout simplement prévu la budgétisation de l'allocation de
rentrée scolaire au sein du budget de la Caisse nationale des allocations
familiales ? Cela aurait permis de lever les incertitudes qui pèsent chaque
année sur le montant de la prestation.
Notre collègue M. Oudin, dans son rapport fait au nom de la commission des
finances de la Haute Assemblée, rappelle que cette majoration exceptionnelle,
d'un coût de 6,3 milliards de francs, a été versée - les familles qui l'ont
perçue le savent bien - le 25 août de cette année. Mais qu'en sera-t-il l'année
prochaine, madame la ministre ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Effectivement, la décision
n'est pas encore prise pour la rentrée 1999. Cela dit, l'allocation de rentrée
scolaire sera versée à la fin du mois d'août ou au début du mois de septembre
au plus tard.
Je dois ajouter que l'allocation de rentrée scolaire est financée par la
sécurité sociale alors que c'est le budget de l'Etat, vous le savez, qui prend
en charge l'allocation exceptionnelle, qui a été revalorisée ces deux dernières
années.
Rien ne permet aujourd'hui de dire qu'elle ne sera pas à nouveau revalorisée
l'année prochaine. Vous comprendrez toutefois que cette décision appartient au
Gouvernement, qu'elle requiert des garanties budgétaires et que je ne peux donc
pas vous répondre aujourd'hui.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je soutiens la position de Mme Beaudeau, qui vous a
interrogée non sur le montant de l'allocation de rentrée scolaire, mais sur les
problèmes de trésorerie. En effet - et sur ce point je suis d'accord avec le
conseil de surveillance de l'ACOSS - l'Etat compense avec retard les 6,3
milliards de francs engagés pour financer l'allocation de rentrée scolaire.
Dans la mesure où cette allocation est une dépense prévisible, elle devrait
être provisionnée dans un article de la loi de finances. Cela permettrait de
rembourser la Caisse nationale des allocations familiales sans attendre quatre
mois au moins.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Section 2
Branche maladie
Article additionnel avant l'article 15
M. le président.
Par amendement n° 80, Mme Borvo, MM. Fischer, Vergès et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 15, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale
est complété par les mots : "et des bénéficiaires de l'allocation mentionnée à
l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale".
« II. - le taux de la contribution visé à l'article L. 136-6 du code de la
sécurité sociale est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Clé de voûte de notre système de santé, porte d'entrée pour l'accès à
l'ensemble des soins, l'hôpital joue un rôle primordial tant médical que
social.
Une enquête récente réalisée par le CSA pour l'agence régionale
d'hospitalisation d'Ile-de-France témoigne de l'attachement des Français à leur
hôpital de proximité, ainsi qu'à la qualité des soins prodigués.
La majorité d'entre eux réclament une meilleure information et plus de
dialogue avec les praticiens et les personnels hospitaliers.
Les Français se plaignent des délais trop longs dans lesquels sont obtenus des
consultations hospitalières. Ils s'inquiètent des déplacements lointains
qu'engendrent le manque de services d'urgence, de maternité, ou les éventuelles
restrictions de choix pour tel ou tel établissement en fonction de leur
pathologie.
En fin de compte, tous se demandent si la réorganisation hospitalière
conjuguée le plus souvent avec des transferts de service et des fermetures de
lits se soldera de façon positive pour les patients, si l'hôpital y gagnera en
efficacité.
Vous connaissez notre position sur la réforme hospitalière entreprise, sur les
enveloppes nationales de dépenses prédéfinies, qui conduisent à faire des choix
étrangers aux réels besoins.
Nous combattons cette logique de rationnement financier qui conduit à
déstructurer notre service public hospitalier. L'état sanitaire de la
population française ne justifie pas, à notre sens, des restrictions ; il faut
au contraire que des moyens importants soient mis en oeuvre pour permettre à
chacun d'accéder aux soins et aux progrès médicaux et scientifiques.
Le Gouvernement s'est notamment fixé pour objectif d'assurer l'accès de tous
aux soins. Si le rapport annexé contient effectivement un certain nombre de
bonnes intentions en vue de donner du corps à ce principe, la suppression des
obstacles financiers limitant l'accès de tous à l'hôpital n'est pas
envisagée.
Nous regrettons qu'a aucun moment le Gouvernement n'envisage la suppression du
forfait hospitalier et que l'on ne s'interroge pas sur le montant prohibitif de
ce dernier.
Notre amendement, en attirant l'attention sur le cas des personnes titulaires
de l'allocation aux adultes handicapées - mais les personnes bénéficiant des
minima sociaux sont dans la même situation - confrontées au coût du séjour
hospitalier, vise à poser plus globalement la question du montant du forfait
hospitalier.
Fréquemment hospitalisé, les bénéficiaires de l'allocation aux adultes
handicapées doivent s'acquitter du forfait journalier, ainsi que d'une
contribution minimale aux frais d'hébergement et d'entretien.
Or, en raison du faible montant de leur allocation, rares sont les intéressés
cotisant au titre d'un régime complémentaire. De plus, après deux mois
d'hospitalisation, ils voient leur allocation réduite. Pour toutes ces raisons,
il leur est très difficile d'acquitter le forfait hospitalier et de continuer à
faire face aux charges de logement. C'est pourquoi nous vous proposons, mes
chers collègues, d'exonérer du paiement du forfait hospitalier ces personnes
handicapées.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Avant de se prononcer, la commission souhaiterait connaître
l'avis du Gouvernement sur cet excellent amendement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Tout cela, bien évidemment, mérite réflexion.
Comme M. Fischer le sait, nous avons engagé notre action dans deux
directions.
La première, c'est l'institution de la couverture maladie universelle, et je
ne reprendrai pas tous les arguments invoqués pour sa défense, qui montraient
combien, dans certains cas, l'accès de l'hôpital est très difficile aux plus
démunis. Elle vous sera soumise le plus rapidement possible.
La seconde direction concerne l'ensemble des prestations qui font problèmes,
et notamment la prise en charge du ticket modérateur et du forfait hospitalier
pour les handicapés, mais aussi pour d'autres catégories défavorisées que vous
avez évoquées.
Il n'est donc pas possible de légiférer tout de suite puisque nous allons
traiter le problème dans les prochains mois.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur cet
amendement.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Dans l'attente du projet de loi qui doit nous être soumis
prochainement, j'émets également un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 80.
M. Guy Fischer.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 80 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux.
J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître
qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle
présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte
paritaire en vue de proposer un texte sur le projet de loi actuellement en
cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai
réglementaire.
6
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour
la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame :
M. Roger Lagorsse membre de la commission des affaires sociales en
remplacement de Roger Mazars, décédé.
Nous reprendrons nos travaux à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux
heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 1999
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen de
l'article 15.
Article 15
M. le président.
« Art. 15. - I. - L'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale est ainsi
modifié :
« 1° Au 1°, après les mots : ", des frais d'analyses et d'examens de
laboratoire,", sont insérés les mots : "y compris la couverture des frais
relatifs aux actes d'investigation individuels," ; »
« 2° Après le 7°, il est ajouté un 8° ainsi rédigé :
« 8° La couverture des frais relatifs aux examens de dépistage effectués dans
le cadre des programmes arrêtés en application des dispositions de l'article L.
55 du code de la santé publique. »
« II. - L'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« 16° Pour les frais d'examens de dépistage effectués dans le cadre des
programmes mentionnés au 8° de l'article L. 321 1. »
« III. - L'article L. 615-14 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié
:
« 1° Il est inséré, après le douzième alinéa (11°), un alinéa ainsi rédigé
:
« 12° Des frais relatifs aux actes d'investigation exécutés ou réalisés à des
fins de dépistage. » ;
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« 5° La couverture des frais relatifs aux examens de dépistage effectués dans
le cadre de programmes arrêtés en application des dispositions de l'article L.
55 du code de la santé publique. »
« IV. - A l'article L. 615-18 du code de la sécurité sociale, les mots : "des
10°, 11° et 12° de l'article L. 322-3" sont remplacés par les mots : "des 10°,
11°, 12° et 16° de l'article L. 322-3". »
« V. - Après le titre II du livre Ier du code de la santé publique, il est
inséré un titre II
bis
ainsi rédigé :
« TITRE II BIS
« LUTTE CONTRE LES MALADIES
AUX CONSÉQUENCES MORTELLES ÉVITABLES
«
Art. L. 55
. - Au vu des conclusions de la conférence nationale de
santé, des programmes de dépistage organisé de maladies aux conséquences
mortelles évitables sont mis en oeuvre dans des conditions fixées par voie
réglementaire, sans préjudice de l'application de l'article 68 de la loi de
finances pour 1964 (n° 63-1241 du 19 décembre 1963).
« La liste de ces programmes est fixée par arrêté des ministres chargés de la
santé et de la sécurité sociale, après avis de l'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé et de la Caisse nationale de
l'assurance maladie des travailleurs salariés.
« Les professionnels et organismes qui souhaitent participer à la réalisation
des programmes susmentionnés s'engagent contractuellement auprès des organismes
d'assurance maladie, sur la base d'une convention type fixée par arrêté
interministériel pris après avis de la Caisse nationale de l'assurance maladie
des travailleurs salariés, à respecter les conditions de mise en oeuvre de ces
programmes. Celles-ci concernent notamment l'information du patient, la qualité
des examens, des actes et soins complémentaires, le suivi des personnes et la
transmission des informations nécessaires à l'évaluation des programmes de
dépistage dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« La médecine du travail peut accompagner par des actions de prévention les
programmes de dépistage visant à réduire les risques de maladies aux
conséquences mortelles évitables par des actions de sensibilisation collectives
ou individuelles.
« Un décret fixe la liste des examens et tests de dépistage qui ne peuvent
être réalisés que par des professionnels et des organismes ayant souscrit à la
convention type mentionnée à l'alinéa précédent.
« L'Etat participe aux actions d'accompagnement, de suivi et d'évaluation de
ces programmes. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je voudrais aborder, à l'occassion de la discussion de l'article 15, qui tend
notamment à insérer dans le code de la santé publique un titre intitulé : «
Lutte contre les maladies aux conséquences mortelles évitables », la question
de la santé dans son rapport dialectique fondamental avec le travail.
Le corps et le cerveau du travailleur sont engagés huit heures par jour dans
l'effort plus ou moins violent de la production, exposés à la pression
psychologique, au froid et à la chaleur, à l'usure physique, à des produits
dangereux.
L'inégalité sociale à cet égard est terriblement accusatrice pour notre
société : les ouvriers meurent huit à neuf ans plus tôt que les membres des
professions libérales, et l'écart grandit d'année en année. Cette inégalité de
la durée de vie nous semble cristalliser l'ensemble des inégalités. Ainsi, les
ouvriers meurent trois fois plus de cancer que les personnes exerçant une
profession libérale, ce qui s'explique : ils y sont trois fois plus exposés.
Selon une enquête de la DARES, la direction de l'animation, de la recherche,
des études et des statistiques, un million de salariés sont exposés à des
produits cancérogènes. Parmi eux, sont plus particulièrement menacés les
mécaniciens automobiles, les ouvriers du bois, les ouvriers d'entretien en
mécanique, les salariés du bâtiment et des travaux publics ainsi que ceux de la
métallurgie.
Le travail répétitif sous contrainte de temps, à l'origine de 7 000 cas de
lésions par efforts répétés ou troubles musculo-squelettiques, est aussi l'une
des causes de la montée des souffrances psychologiques, base de la
surconsommation des antidépresseurs en France. Il explique également le
développement inégalitaire des suicides, les ouvriers se suicidant cinq à six
fois plus que les professions libérales entre vingt-cinq et quarante-neuf
ans.
Je citerai encore l'exemple - je pourrais en évoquer bien d'autres - des 200
000 soudeurs de notre pays parmi lesquels les victimes de troubles
respiratoires aigus sont de 30 % à 40 % plus nombreux que dans l'ensemble de la
population.
L'état sanitaire de la France est donc déterminé essentiellement par le
travail et reproduit fidèlement les inégalités de classes. L'article 15 de ce
projet de loi de financement constitue de la sorte, avec l'article 31, un enjeu
primordial au regard de la politique sanitaire.
Je souhaite que le Gouvernement prenne l'engagement d'ouvrir rapidement un
débat sur ce sujet.
Accidents et maladies professionnels ne devraient pas faire l'objet de mesures
parcellaires, et donc forcément tardives, visant à rouvrir des dossiers quand
des milliers de travailleurs sont condamnés, sinon déjà morts.
Nous savons tous que c'est la prévention qui doit être privilégiée, mais je ne
suis pas sûre que nous parlions tous de la même chose lorsque nous évoquons la
prévention. Celle-ci consiste à empêcher l'apparition des maladies en en
supprimant les causes. Il est cruel, pour les travailleurs malades, d'entendre
sans cesse mentionner seulement le tabagisme et l'alcoolisme. Les causes
majeures des cancers et de presque tous les maux sont inscrites dans le
travail, et c'est le travail qu'il faut « soigner » pour soigner la maladie.
Une mesure est prise, cette année, concernant l'indemnisation des cancers
causés par exposition à l'amiante, à la suite d'une importante couverture
médiatique de certains scandales. Dans le même temps, des milliers de salariés
travaillent quotidiennement en contact avec des éthers de glycol, reconnus
toxiques et tératogènes depuis 1979, interdits dans les médicaments et les
cosmétiques par des arrêtés de janvier 1998, mais autorisés à des doses fortes
dans l'industrie.
D'une manière générale, 30 % des salariés sont exposés à des substances
chimiques dont on ne connaît pas toutes les conséquences.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaitons que la
prévention, au plein sens du terme, soit au centre des prochains états généraux
de la santé, que des moyens nouveaux soient rapidement dégagés et qu'une autre
législation, permettant d'améliorer notre système de médecine du travail, soit
non moins rapidement adoptée.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Madame le sénateur, vous avez évidemment raison sur le
fond.
L'attention du Gouvernement, des parlementaires et des médecins est depuis
longtemps attirée sur les conséquences sanitaires de certaines tâches et sur
les facteurs de risques que vous avez évoqués.
Très récemment encore, nous avons porté au problème de l'amiante une
considération dont on n'avait pas suffisamment su faire preuve dans notre
pays.
Bien sûr, il existe d'autres substances cancérigènes. Bien sûr, il faut aussi
s'intéresser à certaines corrélations entre travail et accidents cardiaques,
suicides ou usage de psychotropes, et nous le faisons.
Il reste que le travail n'apparaît pas comme le premier facteur de cancer.
Pour prendre l'exemple des trois principaux cancers dans notre pays, que le
présent projet de loi va d'ailleurs permettre de dépister de manière beaucoup
plus systématique, à savoir le cancer du col de l'utérus, le cancer du sein et
le cancer colorectal, je ne pense pas qu'ils trouvent leur origine dans les
facteurs de risques que vous avez cités.
Je partage totalement votre analyse sur la nécessité d'un effort en matière de
prévention, mais cet effort doit porter en priorité, s'agissant des cancers,
sur ceux qui sont le plus largement destructeurs.
Je n'en disconviens pas, l'amiante a causé les ravages que nous savons, mais
le tabac existe aussi, et ce n'est pas parce qu'il est à l'abri de l'amiante
qu'un fumeur ne développera pas un cancer du poumon. Les 60 000 morts que cause
le tabac dans notre pays chaque année ne sont pas des victimes de la lutte des
classes ! Ce sont les victimes d'une pathologie dont il faut absolument
dénoncer la cause et contre laquelle il est impératif de lutter.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
M. le président.
« Art. 16. - I. - Dans le code de la sécurité sociale, sont insérés les
articles L. 161-28-1 à L. 161-28-4 ainsi rédigés :
«
Art. L. 161-28-1.
- Il est créé un système national d'information
interrégimes de l'assurance maladie qui contribue :
« 1° A la connaissance des dépenses de l'ensemble des régimes d'assurance
maladie par circonscription géographique, par nature de dépenses, par catégorie
de professionnels responsables de ces dépenses et par professionnel ou
établissement ;
« 2° A la transmission en retour aux prestataires de soins d'informations
pertinentes relatives à leur activité et leurs recettes, et s'il y a lieu à
leurs prescriptions.
« Le système national d'information interrégimes est mis en place par les
organismes gérant un régime de base d'assurance maladie. Ces derniers
transmettent au système national d'information interrégimes de l'assurance
maladie les données nécessaires.
« Les modalités de gestion et de renseignement du système national
d'information interrégimes de l'assurance maladie, définies conjointement par
protocole passé entre au moins la Caisse nationale de l'assurance maladie des
travailleurs salariés, la Caisse centrale de mutualité sociale agricole et la
Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non
salariés, sont approuvées par un arrêté du ministre chargé de la sécurité
sociale.
« Cet arrêté, pris après avis motivé de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés, tient lieu d'acte réglementaire des organismes
d'assurance maladie au sens du premier alinéa de l'article 15 de la loi n°
78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux
libertés.
« Les données reçues et traitées par le système national d'information
interrégimes de l'assurance maladie préservent l'anonymat des personnes ayant
bénéficié des prestations de soins.
«
Art. L. 161-28-2
. - Afin de garantir la qualité du recueil et du
traitement des données relatives aux dépenses d'assurance maladie, il est créé
auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale un conseil
pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie.
« Ce conseil est composé du président de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ou son
représentant, du président de la commission des affaires sociales du Sénat ou
son représentant, du secrétaire général de la commission des comptes de la
sécurité sociale, de représentants des caisses nationales d'assurance maladie,
des professions de santé et de personnalités qualifiées dans les domaines de
l'information de santé ou des statistiques.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par
décret.
«
Art. L. 161-28-3
. - Le Conseil pour la transparence des statistiques
de l'assurance maladie est chargé :
« 1° De veiller à la qualité du recueil et du traitement des informations
statistiques produites par l'assurance maladie relatives aux soins de ville
;
« 2° De donner un avis sur la qualité des informations statistiques produites
par les organismes d'assurance maladie dans le domaine des soins de ville et de
contribuer par ses avis à définir la nature et les destinataires des
productions statistiques dans le domaine des soins de ville, utiles à la
connaissance des pratiques de soins et des dépenses de santé ;
« 3°
Supprimé
.
« Le conseil établit, chaque année, un rapport aux ministres chargés de la
santé et de la sécurité sociale. Pour l'information du Parlement, ce rapport
est rattaché à l'annexe visée au
b
du II de l'article L.O. 111-4.
«
Art. L. 161-28-4
. - Les organismes d'assurance maladie communiquent
au Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie la
description précise des traitements des informations statistiques relatives aux
soins de ville qu'ils mettent en oeuvre ainsi que les informations statistiques
qu'ils produisent dans le domaine des soins de ville.
« II et III. -
Supprimés
. »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Je consacrerai cette intervention à l'informatisation de la sécurité sociale
et au codage des pathologies.
Dans ma question orale du 20 octobre dernier, je soulevais les problèmes que
ne manque pas de susciter ce processus, dans l'état actuel des choses, tant du
point de vue médical que sur le plan des libertés.
Je rappelais qu'il serait utile de développer les études statistiques et
épidémiologiques, dont le nombre est actuellement insuffisant, avec une
méthodologie d'enquête stricte, pour rendre efficace une démarche d'évaluation
et d'analyse de l'état de santé des populations que le codage systématique et
obligatoire des pathologies ne peut permettre de réaliser de manière
satisfaisante. En effet, le codage conduira probablement, dans bien des cas, à
des déviations, tant au regard des informations médicales transmises que sur le
plan des libertés.
Dans le même ordre d'idées, j'ai souligné la nécessité de rendre anonymes les
données utilisées à des fins statistiques et transmises aux organismes de
protection sociale, avec déconnexion entre ces données et celles qui sont liées
aux remboursements, nécessairement nominatives.
A ce sujet, il est à noter que même le rapport présenté à l'Assemblée
nationale sur le volet santé du budget de la santé et de la solidarité relève
que « la nécessité du secret présente encore des difficultés aussi bien chez le
médecin, s'agissant de l'accès aux fichiers nominatifs, que dans les échanges
de données, s'agissant de l'interception des messages ».
J'ai noté avec satisfaction que le Gouvernement était attentif au problème des
libertés. La création d'un conseil pour la transparence des statistiques de
l'assurance maladie est positive, et il serait souhaitable que les mutuelles
soient représentées au sein de ce conseil.
D'ailleurs, le projet de loi prévoit que ce conseil sera chargé, entre autres
missions, de donner un avis sur la mise en oeuvre du codage des pathologies.
Aujourd'hui, le codage exhaustif et permanent nous paraît ignorer la
complexité des relations entre le médecin et le patient et entraîner des
risques pour le respect des libertés individuelles qu'aucune protection légale
ne peut pallier totalement.
Je ne peux donc que réitérer mon souhait de voir lancer, sur ces questions, un
débat parlementaire et, plus largement, un débat qui soit accessible à
l'ensemble des citoyens.
Concernant plus précisément le codage des pathologies, il serait indispensable
qu'une véritable expertise publique précède toute mise en oeuvre de
celui-ci.
Autant les doutes concernant une véritable efficacité médicale sont nombreux,
autant la crainte de voir ce dispositif devenir un instrument de maîtrise
comptable aux mains des assurances, comme c'est déjà le cas aux Etats-Unis, par
exemple, paraît fondée.
Compte tenu de ces éléments, je ne peux partager l'enthousiasme dont vous
faites preuve, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, quant à
l'accélération de la mise en oeuvre d'un processus n'ayant pas fait l'objet
d'expertises et de débats sérieux, mais qui va comme un gant à ceux qui veulent
privatiser la sécurité sociale.
L'introduction de l'industrie pharmaceutique dans le conseil pour la
transparence des statistiques de l'assurance maladie, voulue par la droite, me
paraît aller en ce sens.
C'est pourquoi je serai amenée à voter contre l'article 16 s'il est modifié
comme le propose la commission.
M. le président.
Par amendement n° 12, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose :
A. - Dans le deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 16 pour
l'article L. 161-28-2 du code de la sécurité sociale, de supprimer les mots : «
du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales
de l'Assemblée nationale ou son représentant, du président de la commission des
affaires sociales du Sénat ou son représentant, ».
B. - Dans le même alinéa du même texte, après les mots : « des professions de
santé », d'insérer les mots : « , des établissements de santé publics et
privés, des établissements médico-sociaux, des industries fabriquant des biens
remboursables par l'assurance maladie ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement est relatif à la composition du conseil pour
la transparence des statistiques de l'assurance maladie, dont je salue la
création.
Il est effectivement très important que nous soyons d'accord au moins sur les
statistiques. Cela permettra ensuite d'aborder les réformes d'une façon plus
consensuelle.
Cela étant, je propose de supprimer la participation des présidents des
commissions concernées de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le conseil pour la
transparence des statistiques de l'assurance maladie est chargé de conseiller
le ministre ; or le rôle du Parlement n'est pas de conseiller le ministre, du
moins à titre officiel.
Par ailleurs, je suggère d'élargir la représentation des professionnels de
santé à des représentants des cliniques, des hôpitaux et de l'industrie
pharmaceutique. En effet, cet élargissement de la composition du conseil est
cohérent avec l'élargissement de ses compétences à l'ensemble des dépenses de
l'assurance maladie que nous proposons par l'amendement n° 13.
Les dépenses d'assurance maladie donnent lieu, dans leur globalité, à une
partie de ping-pong permanente entre les dépenses hospitalières et les dépenses
ambulatoires, chacun accusant l'autre de transférer les dépenses qu'il devrait
assumer sur la partie de l'enveloppe qui lui est étrangère.
Par conséquent, s'il restait ainsi « dichotomisé », le conseil pour la
transparence des statistiques de l'assurance maladie ne correspondrait pas à
son objet, qui est pourtant tout à fait intéressant.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement,
d'autant que c'est la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale
qui nous avait demandé que les représentants des commissions parlementaires
compétentes siègent au sein de ce conseil.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Constitutionnellement, le rôle du Parlement est de voter les
lois et de contrôler le Gouvernement, pas de le conseiller !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 13, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose :
A. - A la fin du deuxième alinéa (1°) du texte présenté par le paragraphe I de
l'article 16 pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale, de
supprimer les mots : « relatives aux soins de ville » ;
B. - Dans le troisième alinéa (2°) du même texte, de supprimer deux fois les
mots : « dans le domaine des soins de ville » ;
C. - Dans le texte présenté par le paragraphe I de cet article pour l'article
L. 161-28-4 du même code, de supprimer les mots : « relatives aux soins de
ville » et les mots : « dans le domaine des soins de ville ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement a pour objet d'élargir à l'ensemble des postes
de dépenses d'assurance maladie - soins de ville, médicaments, hôpitaux,
cliniques - les compétences du conseil pour la transparence des statistiques de
l'assurance maladie.
En effet, actuellement, les frontières entre les dépenses de soins de ville et
les dépenses hospitalières ne sont ni stables ni toujours très bien définies :
les médecins libéraux accusent les hôpitaux d'« externaliser » un certain
nombre de leurs dépenses ; les hôpitaux accusent en retour les médecins de
ville de ne pas être suffisamment présents au moment des gardes et de
surcharger les urgences.
Bref, si son champ de compétence n'est pas élargi à l'ensemble des dépenses de
santé, le conseil ne servira à rien.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Monsieur le rapporteur, ce sont les médecins libéraux, les médecins de ville,
qui ont sollicité cette disposition.
M. le président.
Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 64, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste
proposent d'insérer, avant le dernier alinéa du texte présenté par le
paragraphe I de cet article pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité
sociale, un alinéa ainsi rédigé :
« ... De donner un avis sur le périmètre des différents postes de dépenses
pris en considération dans la détermination et le contrôle du respect des
objectifs définis à la suite du vote du Parlement pour les soins de ville, la
pharmacie et les établissements. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Monsieur le président, l'organisation d'un système de maîtrise des dépenses
comportant des objectifs de dépenses opposables aux professionnels suppose,
notamment, que ceux-ci ne voient pas les règles du jeu changer en cours d'année
sous l'effet de décisions des pouvoirs publics qui modifieraient les périmètres
respectifs de ces objectifs.
Par cet amendement, il est proposé que le conseil pour la transparence des
statistiques de l'assurance maladie puisse donner un avis sur la manière dont
ces changements de périmètres sont pris en considération.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission est très favorable à cet amendement, dont
l'objet lui semble tout à fait légitime.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, le Gouvernement n'est pas
favorable à cet amendement.
La mission du conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance
maladie, monsieur le sénateur, n'est pas de se substituer aux autorités qui
déterminent le périmètre des objectifs de dépenses, qui sont fixés en fonction
de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM.
Les transferts de financement entre les différentes enveloppes sont
nécessaires. Ce sont eux qui permettent d'assurer la fongibilité des dépenses
au sein de l'ONDAM. Ces transferts se font dans la plus grande transparence. Je
vous rappelle que l'objectif des dépenses de soins de ville est déterminé dans
l'avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la
CNAM, et que les transferts opérés sont discutés dans ce cadre.
Pour ce qui est du médicament, tous les transferts de financement donnent lieu
aux rectifications d'enveloppe correspondantes. Ainsi le transfert du
financement des médicaments anti-rétroviraux de la dotation globale
hospitalière sur les soins de ville a-t-il entraîné une révision à la baisse du
budget des hôpitaux et une augmentation équivalente de l'enveloppe des soins en
ville.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
M. le président.
« Art. 17. - I A. - Après le cinquième alinéa (2°) de l'article L. 162-5 du
code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 2°
bis.
Le cas échéant, les conditions tendant à éviter à l'assuré
social de payer directement les honoraires aux médecins ; ».
« I. - B. - Après le sixième alinéa (3°) de l'article L. 162-5 du code de la
sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3°
bis.
Le cas échéant, les conditions de promotion des actions
d'évaluation des pratiques professionnelles individuelles ou collectives ; »
« I. - Après le 11° de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il
est inséré un 12° et un 13° ainsi rédigés :
« 12° Le cas échéant,
«
a)
Les conditions particulières d'exercice propres à favoriser la
coordination des soins par un médecin généraliste choisi par le patient, et les
modes de rémunération, autres que le paiement à l'acte, y afférents,
«
b)
Les conditions particulières d'exercice permettant la prise en
charge globale de patients dans le cadre de réseaux de soins, et les modes de
rémunération des médecins participant à ces réseaux,
«
c)
Les droits et obligations respectifs des médecins, des patients et
des caisses, ainsi que des modalités d'évaluation associées aux formes
d'exercice et modes de rémunération mentionnés aux
a
et
b
ci
dessus ;
« 13° Le cas échéant, les modes de rémunération, autres que le paiement à
l'acte, des activités de soins ainsi que les modes de rémunération des
activités non curatives des médecins, et notamment de prévention, d'éducation
pour la santé, de formation, d'évaluation, d'études de santé publique, de
veille sanitaire, prévus par des contrats passés entre les médecins concernés
et les organismes d'assurance maladie et définissant les obligations relatives
aux conditions d'exercice qui en résultent pour les intéressés. »
« II. - L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Pour la mise en oeuvre des 12° et 13° , il peut être fait application des
dérogations mentionnées au II de l'article L. 162-31-1. »
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 3
juillet 1998. »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
L'article 17 a pour objet d'élargir le champ conventionnel en donnant aux
partenaires de santé la possibilité de mettre en oeuvre des outils nouveaux
d'exercice de la médecine libérale propres à moderniser notre système de
soins.
Il est indéniable que les interventions de divers professionnels de santé des
secteurs ambulatoire ou hospitalier sont actuellement cloisonnées.
Pour le bien-être des patients, le suivi de pathologies complexes ou la prise
en charge des personnes défavorisées et des personnes âgées, il convient
d'assurer une meilleure coordination des soins.
Pour autant, la mise en place de filières de soins ou de réseaux telle qu'elle
était envisagée jusqu'à présent est peu satisfaisante. L'objectif est, à terme,
de mieux maîtriser sur le plan comptable les dépenses de santé sans que pour
autant le malade, subissant certaines contraintes, bénéficie d'une nette
amélioration de la qualité des soins.
Prévues à titre expérimental par les ordonnances Juppé, intégrées dans la
convention médicale annulée depuis par le Conseil d'Etat, de nouveau envisagées
dans le protocole d'accord négocié entre la CNAM et MG-France, les filières de
soins, et en particulier la notion de « médecin référent », sont en passe
d'être légalisées par le biais de cet article.
Cette perspective est peu satisfaisante.
Lié par contrat à son médecin généraliste, l'assuré ne peut accéder aux soins
spécialisés ou à l'hôpital que sur prescription de son généraliste, qui assure
ainsi un suivi médical à la fois global et économique.
Remarquons que la filière de soins est gérée par un organisme - groupement de
médecins, laboratoires, mutuelles ou compagnies d'assurances - et qu'elle est,
elle-même, tenue de respecter le contenu de son accord avec la sécurité
sociale.
En contrepartie de son adhésion à la filière de soins, le patient bénéficie,
bien entendu, de certains avantages, notamment la dispense d'avance de frais.
Cependant, il renonce dans le même temps au libre choix de son médecin
généraliste et au libre accès au spécialiste ou à l'hôpital. Renoncements
dangereux !
De plus, ce système des filières de soins favorisera à terme la privatisation
de la santé. Les assureurs privés ne manqueront pas d'investir le secteur de la
santé, sélectionnant les patients, s'occupant en priorité des plus solvables.
Autant de considérations étrangères à la santé du malade !
Il est très significatif que, parmi les premiers projets acceptés par la
commission Soubie, chargée de délivrer des avis sur de tels projets
d'expérimentation, figure le projet de l'assureur Groupama !
En aucun cas je ne veux cautionner un dispositif qui permettra aux assurances
de conquérir le domaine de la protection mutualiste et, au-delà, celui de notre
protection sociale.
Je sais que les tentations sont fortes de voir banalisée la mutualité, de voir
disparaître les principes de solidarité et de non-discrimination.
J'espère que le Gouvernement ne cédera pas aux injonctions de Bruxelles et
qu'il réaffirmera ainsi sans équivoque que tout oppose assurances et
mutuelles.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je ne comprends pas ce que Bruxelles vient faire ici.
Je ne vois pas en quoi les syndicats qui ont expérimenté ce mode de prise en
charge des malades et cette filière de soins obéissent à Bruxelles. Je ne
comprends pas davantage cette crainte de l'intrusion de l'assurance privée dans
une organisation qui au contraire, nous permet de garantir que notre système à
la française - que tout le monde nous envie, notamment les ministres de la
santé de l'Union européenne que nous avons encore rencontrés la semaine
dernière - restera très performant et demeurera à l'abri de la tentation
évoquée. En tout cas, c'est ce que pense le Gouvernement.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. le président.
Par amendement n° 14, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer l'article 17.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'article 17 du projet de loi prévoit d'élargir le champ de
compétence des partenaires conventionnels. Il fait suite à l'annulation par le
Conseil d'Etat de la convention nationale des médecins généralistes signée par
MG-France.
Le 3 juillet dernier, le Conseil d'Etat a estimé que les syndicats et les
caisses d'assurance maladie n'avaient pas compétence pour instituer par voie
conventionnelle des filières de soins ; il s'agit de l'option dite du « médecin
référent ».
En effet, l'ordonnance du 24 avril 1996 dispose que les projets de filières et
de réseaux de soins ne peuvent être engagés qu'à titre expérimental, pendant
une durée de cinq ans, s'ils ont été agréés par l'Etat après avis d'un conseil
d'orientation
ad hoc.
Il s'agit de la commission Soubie, à laquelle
faisait référence tout à l'heure Mme Borvo.
Si l'article 17 était adopté, les partenaires conventionnels pourraient
déroger, à titre permanent et sans l'avis du Parlement, à des dispositions
essentielles de la législation sur la sécurité sociale, qu'il s'agisse du
ticket modérateur, du tiers payant, ou des tarifs et honoraires des
médecins.
Sans qu'il soit besoin d'examiner cet article en opportunité, nous estimons
qu'il n'est pas conforme aux textes constitutionnels, que le Parlement se
dessaisisse ainsi de sa compétence en permettant aux partenaires conventionnels
de déroger à titre permanent, et pour l'ensemble des médecins, à la loi de la
République.
Si la loi de la République est mauvaise, il faut la changer ! Si la loi est
imparfaite, le Parlement peut, comme l'ont fait les ordonnances, prévoir des
expérimentations localisées et temporaires impliquant une dérogation aux textes
législatifs.
Je vous saurais gré, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de
nous dire quel est le bilan de la commission Soubie.
Je voudrais, par ailleurs, revenir sur le projet préparé par Groupama et la
Mutualité sociale agricole, la MSA, qu'a évoqué Mme Borvo. Je croyais que
c'était un grand projet très révolutionnaire, mais, après avoir auditionné ses
auteurs, j'ai constaté qu'il s'agissait simplement d'un projet d'autorisation
de tiers payant pour le complémentaire. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi
le Gouvernement ne l'a pas encore accepté, puisque la commission Soubie a donné
un avis favorable. De toute manière, ce projet ne met absolument pas en jeu le
monopole de la sécurité sociale et ne conduit aucunement à une privatisation de
la sécurité sociale.
Dans ces conditions, pour des raisons juridiques, je vous propose de supprimer
cet article. Au cas où je ne serais pas suivi, je crains que d'autres que nous
ne s'en chargent.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
La convention qui a été passée entre un syndicat médical et la caisse
d'assurance maladie va, et sur une période de temps qui n'a rien à voir avec
cinq ans, porter ses fruits pour le plus grand bénéfice des malades. Si
d'autres veulent passer des conventions, libre à eux !
Quant au bilan de la commission Soubie - je vois bien le rapport, monsieur le
rapporteur, que vous entretenez avec cette expérimentation - avec, en un an, un
dossier agréé et deux dossiers à l'étude ayant reçu un avis favorable de la
commission, je le trouve assez faible. A ce rythme, cela ne va pas transformer
l'atmosphère !
J'espère, en revanche, que les rapprochements entre les partenaires
conventionnels vont en effet nous permettre d'apporter des soins de bonne
qualité aux citoyens qui le demandent.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. François Autain.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Le groupe socialiste votera, bien sûr, contre l'amendement n° 14.
Cet amendement semble être la parfaite défense et illustration de la médecine
libérale et du refus de toute évolution. Particulièrement conservateur à mes
yeux, il doit à ce titre être écarté.
Il dénote dans le même temps de la part de son auteur et de la majorité
sénatoriale qui le soutient un bien subit attachement à la loi, d'autant plus
curieux de la part d'un groupe qui prétend attacher tant d'importance, on le
verra peut-être par la suite, à la liberté conventionnelle.
Le texte du Gouvernement arrive à point nommé : il est temps de permettre que
soit défini autrement, dans l'intérêt des patients, de l'assurance maladie et
des professions de santé, le mode de rémunération des médecins. C'est à ce prix
que nous arriverons à sortir des difficultés dans lesquelles se trouve
actuellement le système de distribution de soins, notamment ambulatoires.
M. Dominique Leclerc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Contrairement à mon collègue M. François Autain, je ne suis pas sûr que, par
le rejet de cette disposition, nous allions à l'encontre de l'intérêt des
malades et des acteurs de santé.
Il faut le dire : l'article 17 vise à modifier totalement le système.
D'abord, il n'est pas bon de généraliser le tiers payant, tout au moins de
l'institutionnaliser de la sorte.
Ensuite, tout placer sur le plan conventionnel alors que, à l'heure actuelle,
l'accord n'est intervenu qu'avec une minorité de praticiens qui ne représentent
pas suffisamment la profession constitue un obstacle à la transparence et à
l'efficacité que nous recherchons pour le système de santé.
Enfin, affirmer que la négociation se déroule librement, c'est tout de même
oublier les pressions grossières de la part des autres partenaires à l'égard de
certaines personnes qui ont du mal à s'y retrouver dans le système que nous
souhaitons instaurer. Je ne suis pas sûr que l'intérêt des patients soit
aujourd'hui la première préoccupation.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je veux bien tout ce qu'on veut, mais c'est le Conseil d'Etat
qui a annulé la convention. Sans doute est-il hyperconservateur ! C'est lui qui
a dit que les syndicats et les caisses n'avaient pas compétence pour instituer,
par voie conventionnelle, des filières de soins, et non pas la majorité du
Sénat, qui serait conservatrice.
Le Conseil d'Etat s'est prononcé en droit. Si certains veulent aller au-delà
du droit, nous verrons bien ce qu'il en adviendra.
Je maintiens bien sûr l'amendement.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Cette convention a été annulée par le Conseil d'Etat
pour défaut de base légale. Or nous sommes en train de lui en donner une.
Lorsque celle-ci existera, il n 'y aura plus de motif à annulation.
De plus, pardonnez-moi, rien n'est obligatoire ! N'exagérez pas l'emprise de
la filière de soins. Le mot lui-même pourrait d'ailleurs être matière à débat.
Comme vous le savez, cette filière est bien « douce ».
Par ailleurs, lorsqu'un patient ne s'insère pas dans ce système, c'est-à-dire
quand il est un patient comme les autres, qui n'a pas choisi de recourir à un
médecin référent, il peut se rendre chez un autre médecin, et la situation ne
change pas. Il ne s'agit donc pas d'une révolution !
Les propos de M. Autain me paraissent importants. Comme je l'ai souligné dans
mon bref discours liminaire, l'expérimentation de mise en réseau et de forfait
par pathologie ou en fonction d'un aspect particulier d'une pathologie, à côté
du paiement à l'acte et non pour remplacer celui-ci, me semble très prometteur
pour le malade. Voilà ce que j'ai dit. Cette expérimentation sur la douleur,
sur le diabète, sur les soins d'accompagnement... et peut-être même - pourquoi
pas ? - sur la toxicomanie portera certainement ses fruits, à côté du paiement
à l'acte.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je persiste à affirmer que, par la loi, le Parlement ne peut
pas se dessaisir de ses compétences.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
Mme Nicole Borvo.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 17 est supprimé.
Article 18
M. le président.
« Art. 18. - I. - Avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du
4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et
l'assurance maladie, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les sections constituant les unions des médecins exerçant à titre libéral
contribuent, en liaison avec l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation
en santé, à l'information des médecins libéraux sur les pratiques
professionnelles individuelles et collectives. Elles organisent des actions
d'évaluation des pratiques de ces médecins et contribuent à la diffusion des
méthodes et référentiels d'évaluation.
« Pour l'exercice de cette mission, les sections constituant les unions ont
recours à des médecins habilités à cet effet par l'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé et notamment à des experts mentionnés
à l'article L. 791-4 du code de la santé publique. Les médecins habilités qui
exercent parallèlement une activité médicale procèdent, à la demande des
médecins libéraux intéressés, à des évaluations individuelles ou collectives
des pratiques.
« Les sections constituant les unions établissent chaque trimestre, avec le
concours de l'union régionale des caisses d'assurance maladie, une analyse de
l'évolution des dépenses médicales et communiquent les conclusions à l'ensemble
des médecins libéraux de leur ressort ainsi qu'à l'Etat, qui en assure la
synthèse et la diffusion à toutes fins utiles.
« Les modalités de mise en oeuvre des présentes dispositions sont fixées par
voie réglementaire. »
« II. - L'article L. 791-2 du code de la santé publique est complété par un 7°
ainsi rédigé :
« 7° D'apporter son concours à la mise en oeuvre d'actions d'évaluation des
soins et pratiques professionnelles. »
Par amendement n° 15, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose :
A. - Au début de la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le
paragraphe I de l'article 18 pour insérer quatre alinéas avant le dernier
alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993, de remplacer les
mots : « Les sections constituant les unions » par les mots : « Les unions »
;
B. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du même texte, de supprimer
les mots : « les sections constituant » ;
C. - De rédiger comme suit le début du troisième alinéa du même texte : « En
utilisant les données transmises par les médecins mentionnées au présent
article, les unions établissent... »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement vise à modifier l'article 18. Celui-ci donne
de nouvelles compétences d'évaluation des pratiques médicales aux unions
régionales de médecins. Nous nous en réjouissons. Nous considérons que ces
unions sont des organes très importants dans la discussion qui est aujourd'hui
engagée entre les caisses et les médecins.
D'abord, l'amendement vise à donner ces compétences aux unions, et non aux
sections de généralistes et de spécialistes qui les composent. Le projet de loi
initial prévoyait d'ailleurs cette solution. Nous revenons donc aux termes de
ce texte.
Je me souviens des discussions qui ont eu lieu, lors de l'examen de loi de
1991, concernant la création de ces unions régionales. Il s'agissait alors de
savoir si ces structures devaient être uniques ou si elles devaient faire une
distinction entre spécialistes et généralistes. Le Parlement avait retenu des
sections uniques. Il ne faut pas à nouveau les « sectionner », si je puis
dire.
Par ailleurs, cet amendement vise à rappeler qu'aux termes de la loi
instituant les unions celles-ci reçoivent, comme les caisses, les données
informatisées transmises par les médecins. Cela nous semble très important.
Ce point aussi avait donné lieu à une discussion. Les médecins disaient qu'ils
ne pouvaient accepter une discussion avec les caisses s'ils n'étaient pas
informés en même temps et au même niveau que celles-ci.
Finalement, le texte avait été voté car il précisait que les unions auraient
des informations en même temps que les caisses. Or le décret d'application qui
devrait organiser cette transmission n'a toujours pas été publié.
Nous pensons que, en l'état actuel, les unions ne pourront pas exercer leur
mission d'évaluation si elles ne disposent pas des informations nécessaires.
Cela constituera une cause de blocage supplémentaire entre les caisses et les
médecins. Aujourd'hui, il y a suffisamment de sources de blocage pour ne pas en
ajouter ! Je souhaite donc que ces données informatisées soient transmises
simultanément aux caisses et aux unions régionales. C'est très important sur le
plan psychologique comme sur le plan technique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur, pardonnez-moi de vous rappeler
- mais c'était sans doute une erreur de votre part - que la loi que vous
évoquez a été votée non pas en 1991, mais en 1993. A cette époque, déjà, je
faisais partie du Gouvernement, en tant que ministre de la santé : grandeur et
décadence...
(Rires.)
M. Jacques Oudin.
Surtout décadence !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
René Teulade et moi-même étions déjà en faveur des
sections, mais nous n'avons pas été suivis. Le gouvernement de l'époque
préférait les sections aux unions.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison de rappeler que la situation est
suffisamment bloquée. Imaginez-vous, dans la situation actuelle, des
généralistes qui jugeraient les dépenses des spécialistes ?
J'aimerais bien qu'il en soit ainsi car, d'une certaine manière, ce blocage et
cette division du corps médical ne me plaisent pas. Mais c'est inimaginable.
C'est pourquoi nous avons accepté un amendement à l'Assemblée nationale en
faveur des sections. En effet, nous considérons que les généralistes doivent
juger des dépenses des généralistes et que les spécialistes doivent juger des
dépenses des spécialistes.
M. François Autain.
Cela paraît être le bon sens !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons tous les deux une
certaine durée de vie politique...
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Moi, c'est étonnant !
(Sourires.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
A l'époque, le Parlement avait estimé que les unions
régionales étaient préférables aux sections. Je souhaite qu'il maintienne la
position qu'il avait défendue en 1993, dans le même rapport de forces
politiques.
Je maintiens donc l'amendement visant à substituer les unions aux sections.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Belle obstination !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je maintiens également la disposition concernant la
transmission des données. Il s'agit d'un point capital, sans lequel les unions
régionales ne serviront à rien et il y aura de nouveau blocage avec les
médecins.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je soutiens l'amendement de la commission car les arguments que M. le
secrétaire d'Etat a développés voilà un instant tiennent compte d'une
opposition, il est vrai très rude à l'heure actuelle, entre les différents
modes d'exercice de la médecine, suivant qu'il s'agit de généralistes ou de
spécialistes. Mais M. le secrétaire d'Etat semble penser qu'une telle situation
d'incompréhension et d'affrontement doit perdurer. Si tel était le cas, ce
n'est pas en structurant les unions régionales à travers des sections, sans
aucune possibilité de se rencontrer et de se comprendre, que nous pourrions
remédier à ces incompréhensions mutuelles.
A l'inverse, lorsque le Gouvernement propose de renforcer ces unions, c'est,
je l'imagine, non pas pour instaurer une guerre de tranchées entre spécialistes
et généralistes, mais bien pour « responsabiliser » les médecins, et Dieu sait
si le terme est utilisé souvent dans ce genre de débat ! C'est plus par une
connaissance mutuelle que l'on peut espérer une amélioration de ces relations.
Laissons les unions se structurer comme elles l'entendent.
Dans un système avec des évolutions prévisibles, il me paraît tout à fait
possible de retrouver une certaine cohésion du corps médical dans ses
différents modes d'exercice, alors que la structure en sections reconnaît une
sorte de situation d'échec qu'elle tend à pérenniser. C'est finalement sur un
pari - la restauration de relations plus confraternelles entre les différents
modes d'exercice des professions de santé - que je fonde mon soutien à
l'amendement présenté par la commission des affaires sociales.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes assez proche de
nous.
En effet, le 29 octobre 1998, à l'Assemblée nationale, M. Evin, rapporteur,
disait : « L'amendement n° 52 confie aux sections de généralistes et de
spécialistes le soin de procéder à des évaluations distinctes. » Et M. le
secrétaire d'Etat, très prudent - le qualificatif est de moi, il ne figure pas
au
Journal officiel
- de rétorquer : « Je ne suis pas trop favorable à
de tels cloisonnements, mais je m'en remettrai à votre sagesse. »
M. François Autain.
On évolue !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous seriez donc plus sévère
avec le Sénat qu'avec l'Assemblée nationale ?
(Sourires.)
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je reprendrai exactement les termes que vous me prêtez
et qui ne peuvent qu'être exacts puisque le compte rendu intégral du
Journal
officiel
en témoigne.
Comme je l'ai répété devant vous, monsieur le rapporteur, je ne suis pas
favorable à ces cloisonnements. Je souhaiterais bien sûr plus d'unité dans le
corps médical. Mais je constate que, pour le moment, ce processus n'est pas
encore achevé et que cette unité n'est pas cimentée - c'est le moins que l'on
puisse dire.
Je le répète : je préférerais dans bien des domaines, en particulier celui qui
fait l'objet de la présente discussion, c'est-à-dire les unions, qu'il existât
plus de résonance et de mise en commun des ressources et des réflexions. Mais,
l'état actuel des choses - je serais heureux de changer d'avis, et si, plus
tard, les unions peuvent faire ce travail, je serai satisfait - je pense que
les généralistes doivent juger les généralistes et les spécialistes les
spécialistes, même si cela ne me plaît pas.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ne serait-ce pas parce que c'est ce que veut MG-France ?
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 16, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du texte
présenté par le paragraphe I de l'article 18 pour insérer quatre alinéas avant
le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 : « ainsi
qu'à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, qui en
assure la synthèse et la diffusion ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement se situe dans la même logique que celui qui
concerne la transmission des informations aux unions. En l'occurrence, nous ne
voyons pas en quoi il est nécessaire que l'Etat soit destinataire des analyses
réalisées par les unions. En revanche, il est légitime que la Caisse nationale
d'assurance maladie des travailleurs salariés les reçoive. C'est l'objet de cet
amendement.
Le principe, puisque nous sommes dans une phase où il faudra discuter pour
savoir comment l'ONDAM est respecté, est que les unions régionales, d'une part,
et la CNAM, d'autre part, aient les mêmes informations, afin de pouvoir
discuter, par exemple pour savoir si l'ONDAM a été respecté ou non.
Aujourd'hui, si la CNAM considère que l'ONDAM est dépassé, les médecins n'ont
pas les moyens de savoir si c'est vrai.
Il faut mettre un terme à ce blocage. Aussi, il importe que les unions
régionales reçoivent les informations en même temps que la CNAM. De plus, c'est
la logique. De plus, cela permettra, je l'espère, le dialogue.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet
amendement. Je considère que l'Etat doit faire son travail de synthèse et de
diffusion, qu'il doit pouvoir juger, à partir de l'analyse établie par les
unions, des dépenses de santé en général, et que la CNAM doit faire le sien.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je ne voudrais pas faire de procès d'intention, mais je ne
vois pas ce que l'Etat a à faire dans l'évaluation des pratiques médicales.
Tout à l'heure, on m'a reproché de vouloir étatiser la sécurité sociale !
L'évaluation des pratiques médicales concerne les partenaires conventionnels :
d'une part, la CNAM et, d'autre part, les praticiens !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je comprends l'étonnement de M. Descours, rapporteur de la commission des
affaires sociales.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement prétend vouloir instaurer un
climat de confiance et une transparence. Ce point a été évoqué à plusieurs
reprises, et il semblait que l'on soit d'accord.
Des dispositions comme celles que prévoit l'amendement n° 16 tendent à assurer
la transparence et le partage des informations, à charge pour chacun, dans les
discussions, dans les négociations, de les utiliser au mieux.
Toutefois, en émettant un avis défavorable sur cet amendement, qui pourrait
apparaître comme tout à fait anodin, vous laissez entrevoir, monsieur le
secrétaire d'Etat, l'existence d'une sorte de volonté de cacher un certain
nombre d'informations. Je ne comprends pas cette attitude alors que, sur un
point somme toute mineur,...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Tout à fait mineur !
M. Claude Huriet.
... un avis favorable de votre part pourrait contribuer à une certaine détente
que chacun semble souhaiter.
M. François Autain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
J'aurais pu être d'accord sur l'amendement n° 16 si celui-ci n'avait pas - or
c'est, me semble-t-il, le cas - exclu l'Etat de tout droit à toute
information.
Si je peux admettre, à la limite, que l'on donne à l'Etat et aux caisses la
possibilité de recevoir cette synthèse, je considère en revanche comme
inacceptable que l'on exclue l'Etat de cette information.
C'est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas voter cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
M. le président.
« Art. 19. - I. - L'article 4 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988 relative à
la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au I, les mots : "avant le 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots
: "avant le 31 décembre 2004" ;
« 2° Il est inséré, après le premier alinéa du I, un alinéa ainsi rédigé :
« A compter du 1er juillet 1999, l'allocation peut n'être attribuée que pour
certaines zones géographiques d'exercice, qualifications de généraliste ou de
spécialiste, ou spécialités compte tenu des besoins, appréciés par zone,
qualification ou spécialité ; elle peut être modulée selon les mêmes critères.
» ;
« 3° Le dernier alinéa du III est ainsi rédigé :
« A défaut de convention conclue dans un délai de six mois à compter de la
publication de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n°
du ), les dispositions nécessaires à l'application du présent article, à
compter du 1er juillet 1999, sont fixées par décret.
« I
bis.
- Une évaluation du dispositif prévu au I sera annexée au
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
« II. - Au 7° de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, après les
mots : "la reconversion professionnelle des médecins exerçant à titre libéral
et les conditions d'attribution d'une aide à la reconversion", sont insérés les
mots : "dont le montant peut varier en fonction de la zone géographique et de
l'exercice, par le médecin, d'une spécialité ou de la médecine générale". »
Par amendement n° 58, MM. Bernard, Taugourdeau et Leclerc proposent, dans le
texte présenté par le 2° du I de cet article, pour insérer un alinéa après le
premier alinéa du I de l'article 4 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988, de
remplacer la date : « 1er juillet 1999 » par la date « 1er janvier 2000 ».
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard.
Cet amendement vise à modifier la date butoir pour la mise en place du
mécanisme d'incitation à la cessation d'activité, le MICA, pour les
médecins.
Ce dispositif intéresse certains médecins, qui se sont fondés sur ce mécanisme
pour prendre leur décision de cessation d'activité. Il serait préférable de
reporter au 1er janvier 2000 l'entrée en vigueur de ces nouvelles règles. Il
faut en effet préparer sa cessation d'activité. C'est notamment vrai lorsque -
et ce fut mon cas - on exerce dans un cabinet de groupe il faut alors trouver
un remplaçant ou un suppléant.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission émet un avis tout à fait favorable sur cet
amendement.
Nous comprenons très bien le souci du Gouvernement de moduler le MICA.
Toutefois, il n'est pas souhaitable, pour les médecins ayant décidé de cesser
leur activité, que les règles du jeu soient modifiées en cours d'année. Un tel
changement risque en effet de perturber leur plan de départ à la retraite,
comme ils ont été nombreux, réellement inquiets, à nous l'écrire.
Vous avez indiqué à l'Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d'Etat, que
toutes les demandes déposées en 1999 seraient traitées selon les modalités
antérieures, ce qui a incité la commission à retirer l'amendement, similaire à
l'amendement n° 58, qu'elle avait présenté.
Toutefois, l'article 19 n'offre sur ce point aucune garantie aux médecins.
L'amendement n° 58 ne fait qu'harmoniser le texte du projet de loi avec vos
déclarations rassurantes, monsieur le secrétaire d'Etat. Je pense donc que vous
pourriez l'approuver.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Comme je l'ai déjà indiqué à l'Assemblée nationale,
j'affirme que tous les dossiers déposés et examinés maintenant seront traités
comme auparavant. Il ne faut pas inquiéter les médecins ! Par conséquent, je
maintiens que les praticiens ayant choisi de partir à la retraite ou d'exercer
une autre activité - c'est tout de même un luxe important dans notre pays -
seront soumis au régime ceux qui les ont précédés.
Nous avons fixé une date, celle du 1er juillet 1999, qui ne sera nullement
considérée comme un couperet. Il s'agit simplement d'un souci de
régionalisation et non pas du tout d'une mesure économique, bien qu'il ait
fallu renflouer les caisses vides pour le MICA.
Vous nous avez vous-mêmes reproché, mesdames, messieurs les sénateurs, la
déshérance de certaines spécialités. Etant donné qu'il est des régions où
certains spécialistes sont en nombre insuffisant, nous n'allons pas inciter ces
praticiens à cesser leur activité ! Nous allons donc considérer à la fois la
spécialité et la région.
Nous avons fixé la date au 1er juillet 1999. Nous aurions pu la prévoir au 1er
janvier 2000. Bref, il fallait bien en fixer une. Mais vous pouvez nous faire
confiance : nous ne ferons preuve d'aucun ostracisme.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 59, MM. Bernard, Taugourdeau et Leclerc proposent, dans le
texte présenté par le 3° du paragraphe I de l'article 19, pour le dernier
alinéa du paragraphe III de l'article 4 de la loi n° 88-16 du 5 janvier 1988,
de remplacer la date : « 1er juillet 1999 », par la date : « 1er janvier 2000
».
La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 17, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de compléter l'article 19 par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - Le nombre des étudiants de première année du premier cycle des études
médicales autorisés à poursuivre leurs études en médecine à la suite des
épreuves terminales de l'année universitaire 1998-1999 est fixé à 3 583. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
M. le secrétaire d'Etat vient de nous dire que le
Gouvernement propose, par l'article 19 du projet de loi, de moduler le MICA en
fonction des zones géographiques et des spécialités. Nous le félicitons de
cette déclaration.
Toutefois, cette mesure nous semble incohérente avec la volonté affichée par
le Gouvernement de relever parallèlement, comme on nous l'a annoncé, le
numerus clausus
. En effet, on ne peut à la fois favoriser le départ
anticipé des médecins - certes, d'une façon modulée du point de vue tant de la
géographie que des spécialités - et ouvrir les vannes à l'entrée en formant
toujours plus de nouveaux médecins.
C'est pourquoi nous proposons au Sénat de compléter l'article 19 par un
paragraphe additionnel fixant exceptionnellement dans la loi le
numerus
clausus
à 3 583 étudiants pour 1999, soit le même chiffre que pour 1998.
Vous m'objecterez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le relèvement du
numerus clausus
a pour objet de permettre le recrutement de médecins
dans trois spécialités déficitaires ; mais ne pourrait-on pas plutôt réduire le
nombre des médecins formés dans les spécialités très largement représentées
dans le corps médical et sur l'ensemble du territoire ? De même qu'il y a la
veuve de Carpentras et la coiffeuse de Valence, il y a le dermatologue de Nice.
Il y a trop de dermatologues à Nice ! Et je voudrais, à cet égard, vous lire un
extrait d'une annexe aux orientations stratégiques de la CNAMTS adoptées par
son conseil d'administration, il y a quelques semaines.
«
Numerus clausus
et démographie : ... il n'existe aucune "pénurie" à
attendre dans les dix ans. (...) Tout au contraire, l'augmentation attendue de
12 000 médecins repousse à 2015 le retour aux effectifs existants et donc, si
c'est l'objectif, à 2005 une hausse du
numerus clausus.
« La hausse du
numerus clausus
annoncée - plus 200 l'an prochain et
plus 400 en trois ans - met inévitablement en cause la cohérence des
différentes actions publiques déjà entreprises ou envisagées :
« - compatibilité avec l'usage coûteux et le renforcement, prévue dans le
projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'un MICA ;
« - développement de la coordination des soins ;
« - restructuration de l'offre hospitalière. »
Dans ces conditions, il me paraît bon de fixer par la loi le
numerus
clausus.
On sait bien, en effet, que l'augmentation de ce dernier résulte
de la pression exercée par les médecins hospitaliers, qui n'arrivent pas à
faire tourner leur service hospitalier autrement qu'avec des médecins étrangers
plus ou moins diplômés. Le
numerus clausus
est augmenté sans se
préoccuper de ce qu'il adviendra ensuite de ces nouveaux médecins, lorsqu'ils
seront amenés à quitter l'hôpital.
Il nous faut donc essayer, bien modestement, par cet amendement, de gérer la
totalité de la carrière des médecins, depuis le début de leurs études jusqu'à
la fin de leur carrière, avec le MICA, sans être poussés par une espèce
d'urgence à augmenter le
numerus clausus
sans savoir ce qui se passera
après : je me réfère à la CNAM, et M. Spaeth est un homme tout à fait compétent
dans ce domaine.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet
amendement, monsieur le président.
Tout d'abord, on ne fixe pas, selon lui, le chiffre du
numerus clausus
dans la loi.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je le sais bien !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Tel n'est pas son objectif, en effet. Par ailleurs,
c'est évidemment évolutif, et c'est en discussion.
M. le rapporteur a cité la CNAM. Bien sûr, si l'on écoute la CNAM, moins il y
a de médecins, moins il y a de dépenses, c'est vrai ! Simplement, il se trouve
que, dans les hôpitaux, dont les uns et les autres, mesdames, messieurs les
sénateurs - j'attire votre attention là-dessus - vous venez me parler un par un
quand il s'agit de vos circonscriptions, il faut des médecins pour faire
fonctionner les services !
Or les chiffres, monsieur le rapporteur, je les récuse. Ils ont été publiés
très différemment dans deux séries, dont la dernière d'ailleurs dans un
quotidien que vous connaissez, la semaine dernière. Ils sont extrêmement
inquiétants dans les disciplines telles que l'anesthésie, la
gynécologie-obstétrique, la cardiologie, etc.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous sommes d'accord sur ce point.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Il faut que les hôpitaux soient opérationnels.
Evidemment, il y a aussi une bonne façon d'harmoniser les hôpitaux français :
qu'ils ne puissent plus fonctionner quand il n'y aura plus de médecins !
M. Dominique Leclerc.
Il a raison !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
M. le président.
« Art. 20. - I. - Il est créé, pour une durée de cinq ans à compter du 1er
janvier 1999, au sein de la Caisse nationale de l'assurance maladie des
travailleurs salariés, un fonds d'aide à la qualité des soins de ville. Les
professionnels de santé exerçant en ville sont associés à la gestion du
fonds.
« II. - Le fonds finance des actions concourant à l'amélioration de la qualité
et de la coordination des soins dispensés en ville, par l'octroi d'aides à des
professionnels de santé exerçant en ville ou à des regroupements de ces mêmes
professionnels, et le cas échéant d'aides au développement de nouveaux modes
d'exercice et de réseaux de soins liant des professionnels de santé exerçant en
ville à des établissements de santé.
« III. - Les ressources du fonds sont constituées par une participation des
régimes obligatoires d'assurance maladie, dont le montant est fixé chaque année
par la loi de financement de la sécurité sociale, et pour 1999 à 500 millions
de francs. La répartition entre les différents régimes est effectuée dans les
conditions définies à l'article L. 722-4 du code de la sécurité sociale.
« IV. - L'attribution de certaines aides peut être déconcentrée, en étant
confiée à des caisses locales ou des unions de caisses. Les modalités de
déconcentration, de fonctionnement et de gestion du fonds, de participation des
représentants des professionnels de santé exerçant en ville ainsi que les aides
éligibles à un financement par le fonds sont déterminées par décret en Conseil
d'Etat. »
Par amendement n° 18, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose, à la fin de la première phrase du paragraphe I de cet
article, de remplacer les mots : « un fonds d'aide à la qualité des soins de
ville », par les mots : « un fonds d'aide à la qualité des soins ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'article 20 institue au sein de la Caisse nationale
d'assurance maladie des travailleurs salariés un fonds d'aide à la qualité des
soins de ville.
Personne ne peut s'opposer à ce que l'assurance maladie subventionne des
actions tendant à améliorer la qualité des soins.
J'applaudis donc, mais je propose, au nom de la commission, d'élargir aux
médecins exerçant dans des cliniques privées le bénéfice des aides attribuées
par le fonds institué par le présent article. Il s'agit bien de soins de ville,
et il importe que cette qualité de soins soit assurée dans les cliniques
privées comme dans les autres secteurs de la médecine de ville.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable : c'est la qualité des soins en ville.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 19, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose, dans la seconde phrase du paragraphe I de l'article 20,
après les mots : « en ville », d'insérer les mots : « et ceux qui exercent dans
les établissements de santé privés ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Avis également défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 20, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de rédiger comme suit le paragraphe II de l'article 20 :
« II. - Le fonds finance des actions concourant à l'amélioration de la qualité
et de la coordination des soins dispensés en ville ou dans les établissements
de santé privés, par l'octroi d'aides à des professionnels de santé ou à leurs
regroupements et, le cas échéant, d'aides au développement de nouveaux modes
d'exercice et de réseaux de soins liant les professionnels de santé exerçant en
ville à des établissements de santé. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il s'agit également d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21
M. le président.
« Art. 21. - I. - L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est
complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Les dispositions permettant aux parties à la convention d'assurer un
suivi périodique des dépenses médicales et de prendre toutes mesures, notamment
d'ajustement des tarifs mentionnés à l'article L. 162-5-2, de nature à
permettre le respect des objectifs prévus au même article ; »
« II. - L'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé
:
«
Art. L. 162-5-2
. - I. - Chaque année, compte tenu de l'objectif des
dépenses de soins de ville, une annexe à la ou aux conventions prévues à
l'article L. 162-5 fixe, pour les médecins généralistes conventionnés d'une
part, pour les médecins spécialistes conventionnés d'autre part, l'objectif des
dépenses d'honoraires, de rémunérations, de frais accessoires et de
prescription. Cet objectif, dénommé "objectif des dépenses médicales",
s'applique à compter du 1er janvier de l'année civile concernée. Il porte sur
les dépenses remboursables par les régimes d'assurance maladie, maternité,
invalidité et accidents du travail et permet d'établir le montant prévisionnel
des dépenses médicales.
« L'annexe annuelle fixe également la décomposition de ce montant en :
« 1° Un montant prévisionnel des dépenses d'honoraires, rémunérations et frais
accessoires des médecins ;
« 2° Un montant prévisionnel des dépenses de prescription des médecins, établi
notamment au vu des orientations relatives au médicament.
« L'annexe annuelle détermine en outre, dans des limites définies par décret,
l'écart entre le montant prévisionnel des dépenses médicales et le montant
constaté à partir duquel il est fait application des dispositions des IV et V
du présent article ou des II, III et IV de l'article L. 162-5-3.
« II. - L'annexe annuelle fixe les tarifs des honoraires, rémunérations et
frais accessoires dus aux médecins par les assurés sociaux en dehors des cas de
dépassement autorisés par la ou les conventions.
« L'objectif des dépenses médicales peut comprendre une provision pour
revalorisation d'honoraires. Une revalorisation d'honoraires ne peut être
accordée si elle n'a été préalablement provisionnée.
« III. - L'annexe annuelle établit le montant constaté des dépenses médicales
des médecins conventionnés nécessaire à la mise en oeuvre des dispositions des
IV et V du présent article et de l'article L. 162-5-3. Ce montant est arrêté
par les parties à la convention, dans les conditions prévues par l'avenant
annuel à la convention d'objectifs et de gestion mentionné à l'article L.
227-1, et après avis du secrétaire général permanent de la Commission des
comptes de la sécurité sociale prévue à l'article L. 114-1.
« IV. - Lorsque le montant constaté des dépenses médicales de l'année est
inférieur à l'objectif mentionné au I, la différence est versée à un fonds de
régulation, selon des modalités de calcul et dans les limites déterminées par
décret en Conseil d'Etat, en fonction des dépenses constatées d'une part sur
les honoraires, rémunérations et frais accessoires et d'autre part sur les
prescriptions, et dans la limite du montant de la provision prévue au II.
« V. - Au vu du constat mentionné au III, l'annexe annuelle détermine :
«
a)
La part des sommes versées au fonds de régulation affectées au
financement des actions non reconductibles de modernisation du système de
soins, et notamment des actions mentionnées au 12° de l'article L. 162-5 ;
«
b)
Les honoraires, rémunérations et frais accessoires des médecins
dont les tarifs seront revalorisés, ainsi que le niveau et la date d'effet de
ces revalorisations, à concurrence du montant global résultant de l'application
du IV.
« VI. - La charge des sommes versées au fonds de régulation est répartie entre
les régimes d'assurance maladie qui financent le régime des praticiens et
auxiliaires médicaux conventionnés prévu à l'article L. 722-4 selon les
modalités fixées au titre du même exercice pour l'application du quatrième
alinéa de l'article L. 722-4. »
« III. - L'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé
:
«
Art. L. 162-5-3
. - I. - Lorsque, à l'occasion du suivi des dépenses
médicales prévu au 11° de l'article L. 162-5, les parties à la convention
constatent que l'évolution de ces dépenses n'est pas compatible avec le respect
de l'objectif fixé en application de l'article L. 162-5-2, elles déterminent
les mesures de nature à garantir son respect. Elles procèdent à ce suivi une
première fois au vu des résultats des quatre premiers mois de l'année et une
seconde fois au vu des résultats des huit premiers mois de l'année. Elles
décident, le cas échéant, des ajustements des tarifs nécessaires, sans que soit
remis en cause le niveau de la prise en charge de la dépense des soins par
l'assurance maladie, ainsi que la durée d'application de ces nouveaux tarifs
qui ne saurait, sous réserve des dispositions du III de l'article L. 162-5-8,
aller au delà du 31 décembre de l'année en cours.
« Les nouveaux tarifs établis en application de l'alinéa précédent sont mis en
oeuvre par voie d'avenant à l'annexe annuelle prévue à l'article L. 162-5-2,
transmis au plus tard respectivement les 30 juin et 30 octobre pour
approbation. En l'absence de notification d'une opposition d'un des ministres
compétents à l'avenant dans le délai de quinze jours après sa transmission par
la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, l'avenant
est réputé approuvé.
« A défaut de constat établi ou de mesures proposées par les parties
conventionnelles, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs
salariés ou une autre caisse nationale signataire de la convention mentionnée à
l'article L. 162-5 peut proposer, lorsque le montant des dépenses réalisées
n'est manifestement pas de nature à permettre le respect de l'objectif des
dépenses médicales, au plus tard respectivement les 15 juillet et 15 novembre,
à l'Etat de modifier, par arrêté interministériel pris au plus tard
respectivement les 31 juillet et 30 novembre, les tarifs mentionnés au premier
alinéa et leur durée d'application.
« Lorsqu'il apparaît que les mesures proposées au titre des trois alinéas
précédents ne sont manifestement pas de nature à permettre le respect de
l'objectif des dépenses médicales, un arrêté interministériel fixe, au plus
tard respectivement les 31 juillet et 30 novembre, après avis de la Caisse
nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, les tarifs
mentionnés au premier alinéa et leur durée d'application.
« II. - En cas de non respect de l'objectif des dépenses médicales par les
médecins généralistes ou par les médecins spécialistes, les médecins
conventionnés généralistes ou spécialistes sont redevables d'une contribution
conventionnelle.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le
montant exigible de l'ensemble des médecins conventionnés généralistes ou
spécialistes, qui ne peut excéder le montant global du dépassement constaté,
est calculé en fonction des honoraires perçus et des prescriptions
réalisées.
« Les sommes affectées au fonds de régulation, à l'exception de la part
mentionnée au
a
du V de l'article L. 162-5-2, sont, sans préjudice de
l'application des III et IV du présent article, imputées sur la somme ainsi
calculée.
« L'annexe annuelle prévue à l'article L. 162-5-2 fixe le montant global mis à
la charge de l'ensemble des médecins conventionnés généralistes ou
spécialistes.
« III. - La somme exigible est mise à la charge des médecins conventionnés
dans les conditions ci après.
« La contribution conventionnelle est due par l'ensemble des médecins
généralistes ou spécialistes adhérents à la convention ou au règlement
conventionnel minimal prévu à l'article L. 162-5-9.
« La charge de cette contribution est répartie entre les médecins
conventionnés en fonction des revenus au sens de l'article L. 131-6 qu'ils ont
tirés de leurs activités professionnelles définies à l'article L. 722-1 au
cours de l'année pour laquelle le dépassement est constaté.
« Les médecins qui, au 31 décembre de l'année pour laquelle le dépassement est
constaté, justifient, depuis la date de leur première installation à titre
libéral, d'un nombre d'années d'exercice libéral au plus égal à sept ans, sont
exonérés de cette contribution. Toutefois, la ou les conventions prévues à
l'article L. 162-5 peuvent déterminer un plafond des revenus au sens de
l'alinéa précédent au delà duquel ils ne peuvent bénéficier de cette
exonération.
« Le taux de la contribution conventionnelle est fixé par arrêté, au plus tard
le 31 juillet de l'année civile suivant celle pour laquelle le dépassement est
constaté, de telle façon que le produit global de la contribution représente
une somme égale à celle définie au dernier alinéa du II du présent article.
« La ou les conventions prévues à l'article L. 162-5 peuvent déterminer les
conditions dans lesquelles le taux de cette contribution est modulé en fonction
du niveau des revenus et du choix du médecin d'appliquer des honoraires
différents de ceux fixés par la convention, sous la réserve que le montant
global de cette contribution soit inchangé.
« La contribution conventionnelle est déductible du bénéfice imposable.
« IV. - La contribution conventionnelle est recouvrée et contrôlée par les
organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du
régime général, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables
au recouvrement des cotisations personnelles d'allocations familiales des
employeurs et travailleurs indépendants.
« Les modalités de versement de la contribution sont fixées par décret. Elles
peuvent prévoir le versement d'un acompte calculé, à titre provisionnel, sur la
base des revenus afférents à l'avant dernière année, ou, le cas échéant, sur la
base de revenus forfaitaires définis par décret.
« Le produit de la contribution conventionnelle est réparti entre les
différents régimes d'assurance maladie qui financent le régime des praticiens
et auxiliaires médicaux conventionnés prévu à l'article L. 722-4 selon les
modalités fixées au titre du même exercice pour l'application du quatrième
alinéa de l'article L. 722-4. »
« IV. - L'article L. 162-5-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé
:
«
Art. L. 162-5-4
. - En cas de non-paiement, total ou partiel, par le
médecin du montant de la contribution conventionnelle prévue à l'article L.
162-5-3 dans le délai de deux mois après sa date limite de paiement, les
organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du
régime général en informent, dans les deux mois qui suivent, la caisse primaire
d'assurance maladie. Celle-ci peut, après que ce médecin a été mis en mesure de
présenter ses observations, le placer hors de la convention ou du règlement
conventionnel minimal, pour une durée de un à six mois. La caisse peut tenir
compte, pour établir la durée du déconventionnement, du montant de la
contribution conventionnelle. Les litiges relatifs à cette décision sont de la
compétence des tribunaux administratifs. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 21, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Le paragraphe I de l'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale
est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle met en place les instruments de maîtrise médicalisée de nature à
favoriser le respect de l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses par
l'ensemble des médecins conventionnés. »
« II. - L'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé
:
«
Art. L. 162-5-3. -
I. - Lorsque, à l'occasion de l'analyse annuelle
des résultats de l'exercice, les parties conventionnelles constatent un
dépassement de l'objectif prévisionnel, elles recensent les postes de dépenses
concernés et arrêtent, dans l'annexe annuelle mentionnée à l'article L.
162-5-2, la liste des contrats locaux d'objectifs et de moyens applicables à
ces postes pour l'année suivante.
« Avant le 1er mars de l'exercice suivant, les contrats locaux d'objectifs et
de moyens conclus dans chaque circonscription de caisse par les représentants
des parties conventionnelles, fixent, pour chacun de ces postes, l'objectif
d'activité à ne pas dépasser par chaque médecin conventionné au cours dudit
exercice en fonction :
« 1° du respect des objectifs mentionnés aux troisième (1°) et quatrième (2°)
alinéas de l'article L. 162-5-2 ;
« 2° de l'évolution, du niveau relatif et des caractéristiques de l'activité
du médecin, notamment en ce qui concerne ses prescriptions ;
« 3° des évaluations réalisées par l'union des médecins exerçant à titre
libéral et mentionnées à l'article 8 de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 ;
« 4° des actions de formation médicale continue visées à l'article L. 367-2
;
« 5° de l'importance des dépassements d'honoraires ;
« 6° du respect des références médicales opposables.
« Chaque médecin est informé, dans un délai de huit jours, des éléments
établis dans le contrat local d'objectifs et de moyens.
« En fin d'exercice, la progression moyenne de l'activité du médecin constatée
au cours de cet exercice et du précédent est comparée à celle de l'objectif
prévisionnel d'évolution des dépenses médicales au titre de ces deux exercices.
En cas de dépassement, le médecin est redevable, selon des modalités
déterminées par décret, de l'intégralité du dépassement.
« II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles, en
l'absence de dispositions conventionnelles prévues par le I ci-dessus ou en cas
de carence des parties à la convention, les organismes du régime général de
l'assurance maladie mettent en oeuvre les dispositions prévues par le présent
article. »
Par amendement n° 88, MM. Autain, Estier, Mme Dieulangard et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent, après le cinquième alinéa du
paragraphe I du texte présenté par le paragraphe II de l'article 21 pour
l'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale, d'insérer un alinéa ainsi
rédigé :
« Elle peut prévoir l'adaptation, par spécialités médicales, des éléments
qu'elle détermine. »
Par amendement n° 89, MM. Autain, Estier, Mme Dieulangard et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le début du IV
du texte présenté par le II de l'article 21 pour l'article L. 162-5-2 du code
de la sécurité sociale :
« Lorsque les montants constatés des dépenses des médecins généralistes ou des
médecins spécialistes réalisées dans l'année sont inférieures à l'objectif
mentionné au I, les différences observées sont versées à un fonds de
régulation... »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Les sanctions collectives imposées aux médecins depuis les
ordonnances Juppé ont été l'un des points les plus « bloquants » du système,
cela n'a échappé à personne. Or ce qui était vrai pour les ordonnances Juppé
l'est aussi pour le projet de loi de financement qui nous est soumis
aujourd'hui, puisque ce dernier prévoit également des sanctions collectives.
Je crois que rien ne peut se faire, dans le cadre d'une maîtrise médicalisée
des dépenses de santé, sans les médecins. Il faut donc sortir de ce blocage,
probablement excessif, dont les médecins voient l'origine dans les sanctions
collectives.
Je vous propose donc de substituer au mécanisme prévu par le projet de loi,
c'est-à-dire à la lettre clé flottante et au reversement, un autre dispositif
de maîtrise des dépenses, qui est aussi efficace que celui du Gouvernement pour
satisfaire l'objectif de dépenses médicales mais qui n'aura pas ses
conséquences négatives et qui présente, en outre, l'avantage de faire appel à
la responsabilité individuelle des médecins et de contribuer à l'amélioration
des pratiques médicales, dans l'intérêt des patients.
Rédigé à partir de l'ordonnance Juppé, dont il supprime les aspects
comptables, il va au bout de la démarche d'individualisation à laquelle elle
faisait aussi appel et des mécanismes de maîtrise médicalisée inscrits dans le
droit de la sécurité sociale depuis la loi du 4 janvier 1993.
Il prévoit d'abord - tel est l'objet du pagraphe I de l'amendement n° 21 -
l'organisation collective des moyens de la régulation médicalisée des dépenses,
en inscrivant dans la loi que l'annexe annuelle à la convention met en place
les instruments de maîtrise médicalisée de nature à favoriser le respect de
l'objectif prévisionnel des dépenses par l'ensemble des médecins conventionnés.
Les échanges d'informations que nous souhaitions tout à l'heure entre les
unions régionales et les caisses nationales faisaient d'ailleurs partie de ce
dispositif.
Nous faisons appel, dans un premier temps, à la responsabilité professionnelle
collective des médecins libéraux, qui est seule de nature à garantir
durablement l'exercice d'une médecine de qualité au moindre coût.
Dans un deuxième temps - c'est le paragraphe II de l'amendement - le
dispositif proposé par la commission prévoit la procédure applicable en cas de
dérapage des dépenses, et seulement dans ce cas.
L'analyse des raisons de ce dérapage fait nécessairement apparaître les postes
de dépenses qui ont dérivé par rapport à l'objectif. C'est pourquoi les
échanges d'informations auxquels je faisais allusion tout à l'heure sont si
importants : les unions régionales et les caisses doivent avoir accès aux mêmes
informations afin qu'une analyse commune des raisons du dérapage puisse faire
apparaître les postes qui ont dérivé par rapport à l'objectif fixé. Les
partenaires conventionnels en dresseront alors la liste, qui correspondra à des
contrats locaux d'objectifs et de moyens qui devront être conclus au niveau de
chaque caisse primaire d'assurance maladie.
Aux termes de ces contrats seront fixés des objectifs individuels d'activité
pour chaque médecin, tenant compte de plusieurs éléments dont la plupart
figuraient déjà dans l'ordonnance Juppé : écart par rapport à l'objectif de
dépenses, caractéristiques de l'activité du médecin et de ses prescriptions,
résultats des évaluations individuelles réalisées par les unions régionales de
médecins, participation aux actions de formation médicale, respect des
références médicales opposables.
Une seconde chance est donc donnée aux médecins, en cas de dépassement de
l'objectif, d'amender leur pratique individuelle au regard d'objectifs
individuels d'activité.
En fin d'exercice, les résultats de l'activité de ces médecins, sur cet
exercice et le précédent, seront comparés à la progression moyenne des
objectifs de dépenses médicales pour ces deux exercices : en cas de
dépassement, ils seront appelés à effectuer un reversement correspondant à la
totalité du dépassement.
Le dispositif de maîtrise proposé par la commission présente un certain nombre
de caractéristiques.
Il tire les leçons du passé, en enlevant au mécanisme prévu par l'ordonnance
Juppé ce qui était critiquable et en allant jusqu'au bout des avantages de sa
démarche d'individualisation de la responsabilité des médecins.
Il est simple : il se lit en une page, au lieu des quelque cinq pages du
projet de loi utilisées pour décrire le mécanisme du Gouvernement.
Il est médicalisé, et présente donc l'avantage de contribuer à améliorer la
qualité des soins tout en maîtrisant les dépenses.
Il est efficace, puisqu'il garantit le respect de l'objectif de dépenses.
Enfin, il donne une chance aux médecins d'amender individuellement leur
pratique professionnelle, si les mécanismes collectifs de maîtrise médicalisée
n'ont pas suffi à assurer le respect de l'objectif.
J'ai procédé à de nombreuses auditions et ce n'est pas à vous, madame la
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ni à mes collègues que je vais
expliquer que nous devons résoudre le problème des reversements globaux.
Nous subissons actuellement un blocage absolument complet : je rappelle que le
SML et la CSMF sont sortis du dispositif conventionnel, que seul MG-France a
signé la convention et que les deux autres syndicats de spécialistes qui
hésitent encore ne signeront que pour économiser les 20 000 francs de
cotisations supplémentaires auxquelles ils sont soumis par le règlement
conventionnel. C'est donc sinon devant le chantage, du moins sous la
pression...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... du dispositif Juppé !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je viens de dire que je ne le reniais pas, mais que
j'essayais de l'améliorer car j'ai cru comprendre qu'il avait entraîné des
blocages : vous avez souvent dit, madame la ministre, que les professionnels de
santé que vous aviez vus ne se parlaient plus. Mais je n'ai pas le sentiment
qu'actuellement ils se parlent beaucoup et qu'entre le SML, la CSMF, les autres
professionnels de santé et MG-France il y ait un dialogue très constructif !
Je crois en tout cas qu'il faut sortir de cet épisode des sanctions
collectives. La commission vous propose donc un dispositif pour essayer de
faire avancer ce dossier.
M. le président.
La parole est à M. Autain, pour défendre les amendements n°s 88 et 89.
M. François Autain.
En rétablissant partiellement la législation en vigueur, l'amendement n° 88
tend à permettre d'adapter l'objectif prévisionnel des dépenses médicales par
spécialité afin d'assurer une meilleure régulation de ces dépenses.
S'il apparaît aujourd'hui techniquement difficile de mettre effectivement en
oeuvre ce dispositif, je pense néanmoins qu'il serait dommage de se priver de
cette possibilité, qui pourrait se révéler utile, le cas échéant, lors de
futures négociations, notamment avec les spécialistes.
Au demeurant, de telles mesures de régulation ont déjà été prises pour des
spécialités médicales identifiables par la cotation de leurs actes : je pense
essentiellement aux radiologues et à la cotation en lettre Z.
Quant à l'amendement n° 89, il est destiné à apporter une précision relative
au fonds de régulation.
Il s'agit de clairement distinguer les sommes qui reviennent aux médecins
généralistes de celles qui reviennent aux médecins spécialistes afin d'éviter
toute confusion puisque, en pourcentage au moins, les dépassements ne sont pas
toujours les mêmes : c'est notamment le cas cette année.
Je pense qu'il est préférable d'opérer cette distinction qui, si elles est
certes implicite - c'est l'esprit du texte - gagnerait à être clairement
inscrite dans le projet de loi.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 88 et 89 ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Si l'amendement n° 21 était adopté, l'amendement n° 88 serait
satisfait.
Quant à l'amendement n° 89, la commission y est défavorable puisqu'il se situe
dans la logique du projet de loi du Gouvernement alors que nous proposons un
dispositif alternatif de régulation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 21, 88 et 89 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Permettez-moi tout d'abord de
rappeler quelques points sur le mécanisme de régulation économique que nous
proposons.
A la différence - véritable, je crois - des ordonnances préparées par M.
Juppé, les dispositions que nous envisageons ne sont que des serre-files ; ils
ne sont absolument pas des mécanismes centraux dans le dispositif et nous ne
pensons pas qu'à eux seuls ils modifieront le comportement des médecins.
Comme j'ai été amenée à le dire dans la discussion générale, nous pensons que
ce sont les réformes structurelles - responsabilité individuelle des médecins,
information, informatisation, formation, responsabilité collective, suivi par
les unions régionales des médecins, démographie médicale - qui doivent amener
notre système de santé à la fois à mieux soigner et à soigner à moindre coût
par individu, c'est-à-dire, sachant que nous souhaitons toucher une population
plus large, à mieux allouer nos ressources.
Aussi considérons-nous que cette clause - clause serre-file, encore une fois,
qui ne fonctionne que si le reste n'a pas fonctionné - doit être transitoire
pendant cette période où nous sommes en train de construire - le plus possible
avec les médecins, nous l'espérons - un nouveau système de santé. Quand je dis
le plus possible, je vise notamment, au-delà de la responsabilité individuelle
et collective, la mise en réseau, la mise en filière autour d'un malade, autour
d'une pathologie, pour mieux suivre les différents malades.
Mais nous considérons aussi que, pendant cette période, nous n'avons pas le
droit de laisser dériver les dépenses de santé, car c'est la survie de la
sécurité sociale - mais aussi celle des médecins, car nous savons bien que la
sécurité sociale solvabilise les clients de ces mêmes médecins - qui est en
cause.
Le mécanisme de régulation que nous prévoyons reconnaît cette responsabilité
collective des médecins, qui bénéficient tous, je l'ai dit, de l'existence de
la sécurité sociale. Il s'agit d'un mécanisme plus simple, me semble-t-il, que
le précédent, puisqu'il est proportionnel aux revenus lorsqu'il s'agit de payer
une contribution ; il est également plus souple puisque nous prévoyons un «
tunnel » autour de l'ONDAM, dans lequel la contribution ne sera pas touchée ;
il ne concerne pas uniquement les médecins puisqu'il s'appliquera également à
l'industrie pharmaceutique ; c'est surtout un mécanisme de fin de course, car
nous avons prévu deux rendez-vous - à quatre mois et à huit mois - qui doivent
permettre aux partenaires conventionnels - je pense principalement à la CNAM -
voire à l'Etat de faire des propositions pour « rentrer dans les clous » si des
problèmes surviennent.
J'en viens à l'amendement n° 88.
Comme M. Autain et les rédacteurs de cet amendement, je pense que si nous
étions capables, aujourd'hui, de fixer un objectif par spécialité, c'est-à-dire
de connaître véritablement quels sont les besoins par spécialité, il faudrait
le faire. Je crois cependant que nous n'en sommes pas capables, car nous
n'avons pas une connaissance suffisante des besoins de santé. Mais cela doit
être un objectif, j'en suis totalement convaincue.
En revanche, ce que nous pouvons faire - nous l'avons fait quasiment
contraints et forcés cette année, puisque les conventions ont été annulées par
le Conseil d'Etat - c'est demander aux partenaires conventionnels, lors de
rendez-vous à quatre mois et à huit mois, d'observer quels sont les dérapages
qui se produisent et de prendre des mesures pour les spécialités concernées.
Peut-être aurions-nous, d'ailleurs, intérêt à le préciser dans le texte ! Je ne
pense que nous puissions fixer un ONDAM par spécialité, mais nous pouvons
prévoir des mesures par spécialité lors des rendez-vous infra-annuels.
Je ne suis donc pas favorable, aujourd'hui, à l'amendement n° 88, car je crois
nous ne pourrions pas mettre en place le dispositif proposé. Mais je partage la
philosophie de ses auteurs et nous pourrions peut-être, à l'occasion de la
deuxième lecture, travailler sur la possibilité de prendre des décisions par
spécialité au quatrième et au huitième mois.
Quoi qu'il en soit, pour en revenir à l'amendement de la commission, je le dis
très simplement, comme je le pense, considérer qu'aujourd'hui ou demain nous
pourrions établir le profil type d'un médecin relèverait soit du rêve soit du
Gosplan. Peut-on demander à un médecin d'avoir un profil type alors qu'il peut
exercer soit dans un quartier jeune où les gens n'ont pas de difficultés, soit
dans un quartier plus difficile peuplé de nombreuses personnes âgées ? Peut-on
comparer aujourd'hui un généraliste qui suit des malades atteints du sida et
qui va rédiger des prescriptions très fortes - les trithérapies sont très
lourdes - et un médecin qui exerce dans un village et qui voit tout à coup sa
clientèle augmenter parce que son confrère parti à la retraite n'a pas été
remplacé ? Vouloir établir un profil type par médecin n'a aucun sens !
Je ne souhaite pas que l'on s'oriente vers l'individualisation des sanctions,
car ce serait aboutir véritablement à une contrainte pesant sur chaque médecin,
laquelle ne prendrait pas en compte la réalité de sa clientèle, qu'on ne pourra
jamais - heureusement - mettre en fiche ou sur ordinateur.
Je ne partage pas du tout la philosophie de l'amendement n° 21, j'y suis donc
défavorable.
Je suis également défavorable, aujourd'hui, à l'amendement n° 88, mais je
souhaite que l'on travaille sur l'idée qui le sous-tend et que l'on trouve une
autre formulation.
Je suis en revanche favorable à l'amendement n° 89 de M. Autain, qui établit
une distinction très claire entre médecins généralistes et médecins
spécialistes et permet de définir des objectifs et des suivis différents.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 21.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je voudrais d'abord faire remarquer à Mme la ministre que les dispositions de
régulation du plan Juppé, par ailleurs contraignant, se voulaient dissuasives.
Cette volonté avait été exprimée à maintes reprises. Par ailleurs, ce mécanisme
ne jouait pas dès la première année, encore moins dans un délai de quatre mois,
mais intervenait l'année
n
+ 1. En outre, des sanctions collectives
pouvaient être prises en cas de dépassement des objectifs. Il s'agissait donc
d'un mécanisme « serre-file », pour reprendre votre expression, madame la
ministre.
Je souhaite que M. le rapporteur m'apporte un certain nombre
d'éclaircissements sur plusieurs points qui suscitent chez moi des
interrogations et quelques états d'âme.
Dans le texte du Gouvernement, auquel renvoie l'amendement de la commission,
la référence se fait à l'année. Le texte du Gouvernement précise « chaque année
». Les déclarations de Mme la ministre, et cela a été évoqué lors de la
discussion générale, laissent entrevoir des possibilités de réponse qui,
aujourd'hui, ne peuvent pas être satisfaisantes. Elles sont pratiquement
inenvisageables du fait de l'insuffisance des statistiques et de leur dimension
pour l'instant exclusivement nationale. Certaines dispositions pourront donc
être envisagées à une échéance que j'espère assez proche, mais elles ne sont
pas applicables aujourd'hui.
Je regrette donc cette référence annuelle, alors que le débat n'est pas clos,
chacun étant certain dans ce domaine de détenir la vérité, la solution absolue.
La précision : « chaque année » donne le sentiment que, quel que soit le
système, on envisage sa pérennisation.
Ma deuxième réflexion tient à l'absence dans les dispositions du Gouvernement
et dans l'amendement de la commission de toute référence aux besoins de santé.
Je sais que c'est un problème extrêmement difficile à résoudre. A maintes
reprises, je me suis posé la question de savoir comment on pouvait appréhender
les besoins de santé ; on peut cependant considérer que la définition
d'objectifs de dépenses sans que l'on ait la moindre idée des priorités au plan
national, et surtout régional, est une sorte de provocation.
Serait-il possible, dans l'amendement de la commission, de faire référence aux
besoins de santé, ne serait-ce que pour insister sur l'insuffisance actuelle
des éléments d'information ? Faire l'impasse sur ce concept de besoins de santé
me paraît à la fois irréel et politiquement discutable.
Ma troisième réflexion concerne le rôle des unions. Nous venons de discuter de
l'article 18. Une volonté commune vise à renforcer le rôle des unions, qu'elles
soient instituées en sections ou qu'il s'agisse d'unions rassemblant les
différents modes d'exercice de la médecine. Le rôle des unions doit être un
élément auquel on doit se référer pour fixer les objectifs à ne pas
dépasser.
Le dernier point, qui à mes yeux est essentiel, concerne la circonscription de
référence, en l'occurrence la circonscription de caisse. Comment pourra-t-on
analyser les objectifs individualisés à l'échelon des caisses ? En effet, on
peut penser que ces circonscriptions sont très hétérogènes.
Je sais bien, monsieur le rapporteur, qu'il est extrêmement difficile
d'apporter aujourd'hui des réponses, et je ne vous ferai pas grief de rester
dans un flou artistique pour certaines d'entre elles. Cependant, je
souhaiterais que la commission fasse apparaître de façon très claire qu'il
s'agit de dispositions valables pour l'année qui vient mais n'engageant en
aucun cas l'avenir.
Il faudra améliorer le dispositif, si possible d'un commun accord, afin de
répondre aux préoccupations que j'ai souhaité évoquer devant le Sénat.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je dois d'abord dire globalement, en réponse à la fois à Mme
le ministre et à M. Huriet, que je suis tout à fait humble en présentant ce
dispositif. Je crois, en effet, que personne n'a la science infuse. Sinon nous
n'aurions pas les difficultés que nous avons.
Vous avez dit, madame le ministre, et M. Huriet vient à l'instant de reprendre
vos propos, que les sanctions collectives constituaient un dispositif «
serre-file ». Il en allait de même, dans l'esprit, s'agissant des ordonnances
Juppé. C'est ce que j'ai essayé d'expliquer aux médecins, qui, je le sais, ne
l'ont pas très bien compris - ils nous l'ont montré lors des élections qui ont
suivi la dissolution de l'Assemblée nationale - et je crains qu'ils ne le
comprennent pas non plus aujourd'hui.
En tout cas, quand je les ai rencontrés au cours des dernières semaines, ils
ne m'ont pas dit qu'il s'agissait à leur yeux d'un dispositif « serre-file ».
Je rappelle d'ailleurs que cette inquiétude à propos des sanctions collectives
a été partagée par toutes les sensibilités politiques au sein de la commission
; elle n'est donc pas l'apanage ni de la majorité sénatoriale ni de
l'opposition. Tout le monde est inquiet !
En revanche, madame le ministre, je ne vous suis pas sur les rendez-vous à
quatre mois et à huit mois. Que signifient ces rendez-vous sinon l'instauration
d'une lettre-clé flottante ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pas du tout !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame le ministre, si l'on procède à des vérifications à
quatre mois et à huit mois et que l'on constate un dépassement, il faudra
rentrer dans les clous, et on diminuera la lettre-clé ! Je ne fais aucun procès
d'intention, mais je ne vois pas comment faire des vérifications à quatre mois
et huit mois sans instaurer une lettre-clé flottante. En tout cas, je le
répète, c'est ainsi que les médecins le perçoivent.
Si je n'ai pas toujours approuvé la réaction extrêmement vive des médecins
face aux sanctions collectives, perçues comme une mesure coercitive, s'agissant
des vérifications à quatre mois et à huit mois, je comprends fort bien leur
inquiétude, et je ne vois pas très bien comment on peut s'en sortir.
S'agissant de l'annualité, je rappelle que l'ONDAM est déjà annuel : les
hôpitaux ont des objectifs annuels. Un bilan annuel est donc concevable.
Quant à la difficulté d'évaluer les besoins de santé, c'est une objection
majeure. Je crois néanmoins que l'ONDAM répond aux besoins puisque, au moins
théoriquement, il se fonde sur des exigences, des besoins de santé définis
d'abord par les conférences régionales puis par la conférence nationale, et
portés enfin à la connaissance du Gouvernement, qui décide de l'ONDAM pour
l'année.
Que le système soit perfectible, j'en suis intimement persuadé. La conférence
nationale et les conférences régionales n'en sont qu'à leurs premiers
balbutiements ; leurs travaux peuvent être améliorés pour permettre au
Parlement et au Gouvernement de mieux définir les besoins de santé.
Dans le texte de l'amendement, nous avons retenu la caisse primaire, et donc
le département, et non la région comme circonscription. Lorsque le dispositif
aura été affiné, je ne serai pas opposé à ce que l'on retienne la région. Là
encore, le dispositif est perfectible sur ce point et je partage les
inquiétudes de M. Huriet.
Si, d'aventure, notre dispositif était à terme inscrit dans la loi, les
négociations qui ne manqueraient pas d'avoir lieu entre les caisses nationales
et les partenaires conventionnels devraient permettre d'apporter des précisions
que, en l'état actuel des choses, je suis incapable de vous donner.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le système que nous préconisons
n'a rien à voir avec les lettres clés flottantes. Il faut appeler les choses
par leur nom ; une lettre clé flottante c'est une modification des tarifs qui
se fait automatiquement : un dérapage est constaté, la lettre diminue
automatiquement. C'est cela, la lettre clé flottante.
Selon notre système, à quatre mois et à huit mois les professionnels de santé
rencontrent la CNAM et font un bilan. Souvenez-vous qu'au mois de juillet
dernier nous sommes parvenus - pas avec les radiologues, mais avec six autres
catégories de médecins spécialistes - à un accord sur des nomenclatures, sur
des mécanismes d'information de la profession ; nous sommes convenus de
regarder ce qui se passe, de faire des études, ou des contrôles sur certains
postes de dépenses et de nous entendre pour revenir « dans les clous ».
Nous ne sommes pas là dans un système de lettre clé flottante ! On peut
comprendre que les médecins soient inquiets quand ils entendent ce type de
discours. Ce n'est pas du tout le sujet ! Ce que nous préconisons n'a rien à
voir avec l'automatisme des lettres clés. Nous visons à ce que, peu à peu, une
habitude s'instaure entre la CNAM et les médecins, et ce - je le souhaite - par
spécialité. Je ne prendrai qu'un seul exemple : je ne souhaite pas que les
pédiatres, qui restent strictement dans les clous et font très bien leur
travail, paient pour les radiologues, qui en sortent.
Il nous faut prendre des décisions en milieu d'année, et ce de préférence par
la voie conventionnelle et après des discussions entre les médecins et la
caisse. C'est peut-être là qu'il nous faut chercher à bien préciser notre
texte, pour répondre au souci de M. Autain, puisque nous ne savons pas,
aujourd'hui, à partir des besoins de santé, définir des ONDAM par spécialité ;
nous devons chercher à prendre des mesures spécialité par spécialité, en
fonction des évolutions, pour éviter que ceux qui font leur travail tout en ne
dépassant pas les objectifs généraux ne paient pour les autres.
Il s'agit tout simplement de mettre en place des mécanismes qui nous
permettent de trouver, avec les professionnels de santé, les bonnes réponses.
Alors, nous adapterons un certain nombre de pratiques, nous informerons mieux
les médecins sur certaines pratiques et, quand cela n'ira pas, nous prendrons
les mesures qui s'imposent, parce qu'il n'y a aucune raison que certains
médecins paient pour tous les autres lorsqu'on peut l'éviter.
Les mesures que nous avons prises en juin et en juillet profiteront en
définitive à ceux des médecins qui ont connu des évolutions tout à fait
acceptables.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame le ministre, je ne puis laisser dire que mes propos
inquiètent les médecins. Ils sont sans doute stupides,...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'ai jamais dit cela !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... et moi aussi sans doute ! Permettez-moi de donner lecture
du texte proposé pour l'article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale tel
qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale : « Elles procèdent à ce
suivi une première fois au vu des résultats des quatre premiers mois de l'année
et une seconde fois au vu des résultats des huit premiers mois de l'année.
Elles décident, le cas échéant, des ajustements des tarifs nécessaires... »
Peut-être me reprocherez-vous de faire du mauvais esprit, mais lorsque vous
parlez d'« ajustements des tarifs nécessaires » et que ces tarifs sont fondés
sur la lettre clé C, CS ou K, j'appelle cela une lettre clé flottante ! Et
lorsque je lis dans le texte les mots « ajustements nécessaires », je comprends
l'inquiétude des médecins. C'est pourquoi je ne peux pas vous suivre quand vous
parlez de revoir à quatre et à huit mois l'objectif.
M. François Autain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Je vois bien l'avantage que peut présenter cet amendement pour l'ancienne
majorité.
Il faut le reconnaître, messieurs, vous avez besoin de redorer votre image
auprès des médecins, car elle a été profondément altérée par la mise en oeuvre
du plan Juppé ! Vous l'évoquiez d'ailleurs tout à l'heure, monsieur Descours :
cela a été douloureux, et je le comprends.
Néanmoins, je considère que le nouveau dispositif proposé par le Gouvernement,
comme l'a très bien expliqué Mme la ministre, est beaucoup moins abrupt et plus
souple que celui qui est encore en vigueur et qui est issu du plan Juppé.
Quant à l'amendement n° 21, il essaie de concilier l'inconciliable, c'est une
véritable « usine à gaz » - fort heureusement, il ne sera pas appliqué ! En
effet, comme sa mise en oeuvre s'étale sur trois exercices, plusieurs systèmes
de distribution de soins s'appliqueraient en même temps, dans la confusion la
plus complète.
Pour toutes ces raisons, il faut rejeter cet amendement et s'en tenir au texte
gouvernemental, qui me semble respecter au mieux les intérêts des uns et des
autres.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 21 est ainsi rédigé, et les amendements n°s 88 et 89
deviennent sans objet.
Article 22
M. le président.
« Art. 22. - I. - Les objectifs des dépenses médicales et les provisions
applicables aux médecins généralistes et aux médecins spécialistes pour l'année
1998 sont ceux fixés par l'annexe IV à l'arrêté du 10 juillet 1998 portant
règlement conventionnel minimal applicable aux médecins en l'absence de
convention médicale.
« II. - En cas de respect de l'objectif des dépenses médicales mentionné au I,
et si l'écart entre cet objectif et le montant constaté des dépenses est
supérieur à un taux fixé par décret, la différence constatée est versée, à due
concurrence de la provision, au fonds de régulation mentionné au IV de
l'article L. 162-5-2 du code de la sécurité sociale.
« III. - En cas de non respect de l'objectif des dépenses médicales mentionné
au I, et si l'écart entre cet objectif et le montant constaté des dépenses est
supérieur à un taux fixé par décret, le montant exigible de l'ensemble des
médecins conventionnés, mentionné au II de l'article L. 162-5-3 du code de la
sécurité sociale, est calculé, respectivement pour les médecins généralistes et
les médecins spécialistes, en fonction des honoraires perçus et des
prescriptions réalisées, selon des modalités fixées par décret en Conseil
d'Etat.
« IV. - Les dispositions des articles L. 162-5-2, L. 162-5-3 et L. 162-5-4 du
code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°
96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de
soins, cessent de produire effet au 3 juillet 1998.
« V. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 162-5-9 du code de
la sécurité sociale est supprimée.
« Cette disposition prend effet au 3 juillet 1998. »
Par amendement n° 22, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
En l'absence de mécanisme de régulation des dépenses
médicales, après l'annulation, par le Conseil d'Etat, des conventions
nationales des médecins généralistes et des médecins spécialistes, cet article
institue le principe d'une contribution des médecins en cas de dépassement des
objectifs de dépenses pour 1998.
Sans doute me reprochera-t-on de faire preuve encore une fois de mauvais
esprit, mais j'estime que le Gouvernement demande au Parlement, par la voie de
cet article, de lui donner un blanc-seing pour sanctionner les médecins et
déterminer par lui-même le montant de cette sanction et ses modalités de
calcul.
L'article 22 ne prévoit en effet ni le seuil de déclenchement des sanctions,
qui sera fixé par décret, ni le montant exigible des médecins. Je comprends
donc l'inquiétude de ces derniers.
Si la commission estime qu'il est nécessaire d'instaurer un mécanisme de
régulation des dépenses pour les soins de ville, elle ne peut accepter
d'accorder un tel blanc-seing au Gouvernement. Elle vous propose donc de
supprimer l'article 22.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je suis quelque peu étonnée que
ceux qui nous ont reproché notre laxisme et qui nous ont expliqué que les
dépenses de santé avaient dérapé depuis le début de l'année parce que nous
n'avions pas dit avec suffisamment de force que nous maintiendrions la clause
de reversement instaurée par M. Juppé, sous prétexte d'une absence de précision
sur des points qui relèvent du décret - je ne fais là qu'appliquer la règle :
la Constitution ! - souhaitent supprimer totalement cette clause de reversement
pour les médecins.
Monsieur le rapporteur, si vous pensez qu'il ne doit plus y avoir de clause de
régulation économique, dites-le clairement. Mais, alors, il ne faut pas vous
étonner des dérapages !
En tout cas, vous ne pouvez pas adresser un tel reproche au Gouvernement.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame le ministre, si, dans votre réponse, vous nous aviez
rassurés sur le seuil de déclenchement des sanctions et sur le montant exigible
de l'ensemble des médecins, j'aurais probablement retiré l'amendement n° 22.
Puisque vous ne l'avez pas fait, je le maintiens.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Quelle mauvaise foi !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 22 est supprimé.
Article 22
bis
M. le président.
« Art. 22
bis.
- I. - Un rapport sur l'état de la santé bucco-dentaire
de la population est joint à l'annexe
a
au projet de loi de financement
de la sécurité sociale. Sur la base des informations recueillies en application
de l'article L. 162-1-9 du code de la sécurité sociale, ce rapport fait état
des dépenses supportées par les patients, de leur niveau de remboursement et du
prix de revient des prothèses et autres appareils dentaires.
« II. - Après l'article L. 162-1-8 du code de la sécurité sociale, il est
inséré un article L. 162-1-9 ainsi rédigé :
«
Art. L. 162-1-9
. - Lorsqu'un chirurgien-dentiste ou un médecin fait
appel à un fournisseur ou à un prestataire de services à l'occasion de la
réalisation des actes pris en charge par les organismes d'assurance maladie, il
est tenu de fournir au patient un devis préalablement à l'exécution de ces
actes puis une facture lorsque ces actes ont été réalisés.
« Un arrêté des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de
l'économie fixe le contenu des informations devant figurer sur le devis et la
facture et, le cas échéant, les modalités particulières d'élaboration de ces
pièces et de leur transmission aux patients.
« Les infractions aux dispositions du premier alinéa du présent article sont
constatées et sanctionnées dans les mêmes conditions que les infractions aux
arrêtés pris en application de l'article L. 162-38 du présent code.
« L'assuré communique à sa caisse, à l'occasion du remboursement, copie de la
facture. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 23 rectifié est présenté par M. Descours au nom de la
commission des affaires sociales.
L'amendement n° 61 rectifié est déposé par MM. Leclerc, Gournac, Bernard,
Vinçon, Courtois, Fournier, Larcher, de Broissia et Joyandet.
Les deux tendent à rédiger comme suit le paragraphe II de l'article 22
bis
:
«
II. - A. - Après l'article L. 162-1-8 du code de la sécurité sociale, il
est inséré un article L. 162-1-9 ainsi rédigé :
«
Art. L. 162-1-9.
- Lorsqu'un professionnel de santé fait appel à un
fournisseur ou à un prestataire de services à l'occasion de la réalisation des
actes pris en charge par les organismes d'assurance maladie, il est tenu de
fournir au patient un devis préalablement à l'exécution de ces actes puis une
facture lorsque ces actes ont été réalisés.
« Un arrêté des ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et de
l'économie fixe le contenu des informations devant figurer sur le devis et la
facture et, le cas échéant, les modalités particulières d'élaboration de ces
pièces et de leur transmission aux patients.
« Les infractions aux dispositions du premier alinéa du présent article sont
constatées et sanctionnées dans les mêmes conditions que les infractions aux
arrêtés pris en application de l'article L. 162-38 du présent code.
« L'assuré communique à sa caisse, à l'occasion du remboursement, copie de la
facture. »
« B. - Les dispositions du A ci-dessus entrent en vigueur à compter de la date
d'entrée en vigueur de la modification de l'article premier de la section 1 du
chapitre VII du titre III de la nomenclature générale des actes professionnels
telle qu'elle était prévue par l'arrêté du 30 mai 1997. »
L'amendement n° 23 rectifié est assorti d'un sous-amendement n° 95, présenté
par M. Bernard, et tendant, dans le deuxième alinéa du texte présenté pour
l'article L. 162-1-9 du code de la sécurité sociale, après les mots : « la
facture », à insérer les mots : « à l'exception du prix d'achat de la prothèse
et du nom du laboratoire ».
Par amendement n° 51, MM. Baudot, Lorrain et Machet proposent de supprimer le
deuxième alinéa du texte présenté par le II de l'article 22
bis
pour
l'article L. 162-1-9 du code de la sécurité sociale.
Par amendement n° 55, Mme Dieulangard, MM. Estier, Domeizel, Mme Printz et les
membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le deuxième alinéa
du texte présenté par l'article 22
bis
pour l'article L. 162-1-9 du code
de la sécurité sociale, après le mot : « devis » d'insérer les mots : « du
fournisseur ou du prestataire de services ».
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 23
rectifié.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cet amendement obéit à un souci de transparence : quand un
professionnel de santé fait appel à un fournisseur ou à un prestataire de
services, il devra désormais fournir un devis à son patient.
Cette disposition intéresse non pas exclusivement mais essentiellement les
chirurgiens-dentistes, qui traversent une période extrêmement difficile.
La profession de chirurgien-dentiste a longtemps échappé à toute convention
puisque, à deux ou trois reprises, le Conseil d'Etat a annulé la convention qui
avait été signée par certains d'entre eux avec les caisses. Mais, miracle des
miracles ! au mois de juin, les caisses et les syndicats de
chirurgiens-dentistes se sont mis d'accord et ils ont signé une convention
prévoyant un programme de prévention en matière de soins bucco-dentaires. C'est
d'autant plus important que, chacun le sait, dans le domaine des soins
bucco-dentaires, notre pays est particulièrement en retard.
Pourtant, alors que l'encre de cet accord était à peine sèche, le Gouvernement
a décidé, pour des problèmes de dépassement, de pénaliser les
chirurgiens-dentistes, qui ont réagi extrêmement vivement. Actuellement, la
profession est dans un état d'esprit qui l'amène à considérer que l'Etat ne
peut pas lui demander de fournir de légitimes efforts en matière de
transparence s'il ne respecte pas les engagements pris à son égard.
L'amendement que nous vous soumettons lie l'entrée en vigueur des dispositions
introduites par l'Assemblée nationale sur la transparence à l'application des
mesures de nomenclature applicables aux chirurgiens-dentistes et que le
Gouvernement a abrogées.
Par ailleurs, et pour éviter de désigner trop clairement une profession, nous
élargissons cette mesure à l'ensemble des professionnels de santé. Pour autant,
chacun sait que les chirurgiens-dentistes sont au coeur du dispositif qui est
actuellement proposé.
M. le président.
La parole est à M. Bernard, pour défendre le sous-amendement n° 95.
M. Jean Bernard.
Ce sous-amendement se situe dans le droit-fil de l'exposé de M. le
rapporteur.
Les professions libérales sont assujetties aux bénéfices non commerciaux. Or,
cet article, en instituant une obligation légale de fournir la facture du
laboratoire de prothèse, tend à assimiler cet acte à une revente, donc à un
acte commercial et, par conséquent, à changer le statut des
chirurgiens-dentistes, ceux-ci devront dès lors être assujetties aux bénéfices
industriels et commerciaux.
Le secret professionnel qui régit la profession, leur impose de ne communiquer
le nom de leurs patients à qui que ce soit, notamment au laboratoire qui
exécute une prothèse selon les indications du chirurgien-dentiste. Comment,
dans ces conditions, pourront-ils rédiger leur facture ?
Ces factures vont nécessairement faire connaître le nom du prothésite. Il sera
désormais possible à tout patient en cas d'accident de son appareillage de
passer directement par le prothésiste sans consulter son
chirurgien-dentiste.
Comment seront définies, à ce moment-là, les responsabilités du praticien et
sa prestation intellectuelle ? De plus, cela risque de développer un certain
exercice illégal de la médecine et d'exposer les patients à des risques pour
leur santé.
Cette disposition est jugée discriminatoire par les chirurgiens-dentistes, car
aucune profession, pas même les professions commerciales, n'ont l'obligation de
fournir le prix d'achat des matériaux qu'elles utilisent dans les devis et
factures qu'elles adressent à leurs clients. Seules les professions de santé,
notamment les chirurgiens-dentistes devraient donner le prix d'achat des
matériaux qu'elles utilisent.
La directive 93/42 transcrite en droit français par la loi n° 94-43 du 18
janvier 1994 définit ce que doivent être la prothèse dentaire et les
responsabilités des différents intervenants et exige que le dispositif médical
sur mesure qu'est la prothèse dentaire fasse l'objet de documents concernant sa
traçabilité. « Traçabilité ne signifie pas qu'il faille fournir le prix d'achat
de ces matériaux et le nom de l'artisan qui les a fabriqués.
C'est pourquoi il semble souhaitable que la facture ne comporte pas le prix
d'achat de la prothèse ni le nom du laboratoire.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc, pour défendre l'amendement n° 61 rectifié.
M. Dominique Leclerc.
Je rejoins totalement les préoccupations exprimées par M. le rapporteur quant
à la transparence et à l'ajustement de la nomenclature des
chirurgiens-dentistes.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Jean-Louis Lorrain.
L'article L. 162-1-9 du code de la sécurité sociale institué par l'article 22
bis
tend à favoriser la transparence des prix pratiqués par les
professionnels de santé dans l'exécution des actes de soins ; or il ne semble
pas nécessaire de conditionner son application à un arrêté ministériel.
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 55.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Compte tenu de l'objet du deuxième alinéa du texte proposé par le II de
l'article 22
bis,
nous pensons qu'il est utile de préciser que le devis
fourni par le professionnel de santé faisant appel à un fournisseur ou à un
prestataire de services est bien le devis du prestataire de services et du
fournisseur et non pas un devis qu'aurait élaboré le chirurgien-dentiste ou le
professionnel de santé.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 61 rectifié, le
sous-amendement n° 95 et les amendements n°s 51 et 55 ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Les amendements n°s 23 rectifié et 61 rectifié sont
identiques. Ils visent à favoriser la transparence, le coeur du débat étant
l'écart entre le coût de fabrication des prothèses et le prix facturé aux
malades.
Instaurer une exception pour le prix d'achat des prothèses, comme le prévoit
le sous-amendement n° 95, me semble quelque peu excessif, et je souhaiterais
que l'auteur du sous- amendement le retire sinon, je serai obligé d'émettre un
avis défavorable.
Quant aux amendements n°s 51 et 55, ils n'auraient plus d'objet si
l'amendement de la commission était adopté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je souhaite répondre à M. le
rapporteur, car je ne peux pas lui laisser dire que le Gouvernement serait
revenu sur une convention.
La convention qui a été signée au mois de juillet entre les dentistes et la
CNAM prévoyait non pas, comme c'est l'objet habituel d'une convention, des
changements de tarifs, mais des modifications de nomenclature.
Or la nomenclature relève, je le rappelle, des prérogatives de l'Etat et non
pas de celles des partenaires conventionnels. Je ne vois pas d'inconvénient à
ce que des propositions nous soient soumises par la voie conventionnelle, mais
il revient à l'Etat de fixer les changements de nomenclature.
Nous avons accepté les premières modifications de nomenclature et, il faut le
rappeler, les dentistes ont bénéficié, dans les premiers mois de l'année, de
600 millions de francs complémentaires liés à l'application de cet accord. On
ne peut donc pas prétendre que l'on s'est « assis » sur cet accord, qui
touchait, je le répète, à des prérogatives de l'Etat.
Ce n'est que pour la troisième revalorisation de la nomenclature, et parce
que, au-delà de ces 600 millions de francs, nous assistions à un dérapage
évident, que nous avons décidé de reporter, et non pas d'annuler, cette
troisième augmentation jusqu'à ce que l'on constate une évolution plus
favorable des dépenses en dentisterie.
Je le redis devant le Sénat, notre porte est toujours ouverte et nous sommes
prêts à en parler avec les représentants des dentistes s'ils le souhaitent.
Telles sont les précisions que je voulais rappeler avant de laisser M.
Kouchner répondre sur les prothèses.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
J'ai entendu certaines remarques émises au cours des
débats qui nous ont réunis - et pas toujours opposés - à propos des soins
bucco-dentaires délivrés dans ce pays, qui sont l'objet - à l'instar de ce qui
se passe pour les lunettes - d'une lacune essentielle de notre système de prise
en charge, tout le monde le sait. Un des domaines dans lesquels l'accès aux
soins peut s'avérer difficile, voire impossible, est précisément celui de la
prothèse ; personne ne peut dire le contraire. L'amendement n° 55 étant de
précision, nous y sommes favorables.
Pour le reste, je rappellerai simplement quelques chiffres qui sont très
frappants, monsieur Bernard.
L'état bucco-dentaire de la population française exige une transparence des
tarifs.
D'abord, la Cour des comptes a réclamé cette transparence dans son rapport sur
la sécurité sociale. Elle a donné un exemple de marges égales à dix fois le
coût d'achat ! Nous n'avons pas inventé ces chiffres : ils résultent d'une
enquête assez précise.
Ensuite, je vous rappelle que 80 % des plaintes de patients à l'encontre de
leur dentiste portent très précisément sur l'absence d'informations préalables
quant à la qualité des prothèses.
L'ensemble de ces lacunes incite au moins 50 % de la population à se détourner
des soins pour des raisons de coût.
Nous souhaitons qu'une facture détaillée des prothèses soit fournie pour que
l'on se rende compte de la partie qui est fabriquée ailleurs. L'an prochain,
j'en suis sûr, nous évoquerons la question dans des termes différents. Car,
demain, les prothèses seront fabriquées par des machines à l'étranger :
empreintes et prothèses seront envoyées par la poste ! Dans un avenir proche,
ce commerce se fera sur Internet !
Soyons attentifs - nous avons trop attendu - à la situation des soins
bucco-dentaires dans notre pays. Faisons en sorte que leur coût diminue et soit
mieux pris en charge.
M. le président.
Aurais-je dû comprendre que vous étiez défavorable à l'amendement de la
commission, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
J'ai dit que j'étais favorable à l'amendement n° 55
seulement. Par là même, vous pouvez en inférer ma position.
(Sourires.)
M. le président.
Je travaillerai donc par déduction !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je veux simplement dire à M. Kouchner que je n'ai pas remis
en cause la facturation des prothèses. J'ai seulement lié cette question au
reste du dispositif conventionnel.
M. le président.
Le sous-amendement n° 95 est-il maintenu, monsieur Bernard ?
M. Jean Bernard.
Je ne suis pas un kamikaze, monsieur le président.
(Sourires.)
M. le secrétaire d'Etat a dit que, parfois, le prix de la prothèse était
multiplié par dix par le dentiste. Mais peut-on généraliser ? Il y a sans doute
des excès, mais aussi il y a dentistes qui savent rester raisonnables.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Ils sont peu nombreux !
M. Jean Bernard.
Ah bon ?
Quoi qu'il en soit, puisque le Gouvernement et la commission sont opposés à
mon sous-amendement, je le retire.
M. le président.
Le sous-amendement n° 95 est retiré.
Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix les amendements identiques
n°s 61 rectifié et 23 rectifié, repoussés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s 51 et 55 n'ont plus d'objet.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Non, pas l'amendement n° 55, monsieur le président !
M. François Autain.
Non, il ne tombe pas !
M. le président.
Si : les amendements adoptés rédigeant le paragraphe II, les amendements n°s
51 et 55 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22
bis
, ainsi modifié.
(L'article 22
bis
est adopté.)
Article 23
M. le président.
« Art. 23. - I. - Il est inséré, après l'article L. 512-2 du code de la santé
publique, un article L. 512-3 ainsi rédigé :
«
Art. L. 512-3
. - Le pharmacien ne peut délivrer un médicament ou
produit autre que celui qui a été prescrit qu'avec l'accord exprès et préalable
du prescripteur, sauf en cas d'urgence et dans l'intérêt du patient.
« Toutefois, il peut délivrer par substitution à la spécialité prescrite une
spécialité du même groupe générique à condition que le prescripteur n'ait pas
exclu cette possibilité, pour des raisons particulières tenant au patient, par
une mention expresse portée sur la prescription, et sous réserve, en ce qui
concerne les spécialités figurant sur la liste prévue à l'article L. 162-17 du
code de la sécurité sociale, que cette substitution s'effectue dans les
conditions prévues par l'article L. 162-16 de ce code.
« Lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une
spécialité du même groupe générique, il doit inscrire le nom du générique qu'il
a délivré.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent
article. »
« II. - Le premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la santé publique
est ainsi modifié :
« 1° A la première phrase, après les mots : "d'une autre spécialité", sont
insérés les mots : ", appelée spécialité de référence," et les mots : "l'autre
spécialité" sont remplacés par les mots : "la spécialité de référence ;
« 2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« La spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques
constituent un groupe générique. »
« III. - L'article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'infraction, dans les conditions prévues au
b,
n'est pas constituée
en cas d'exercice par un pharmacien de la faculté de substitution prévue à
l'article L. 512-3 du code de la santé publique. »
« IV. - Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 162-16 du
code de la sécurité sociale sont ainsi rédigés :
« Lorsque le pharmacien d'officine délivre, en application du deuxième alinéa
de l'article L. 512-3 du code de la santé publique, une spécialité figurant sur
la liste prévue à l'article L. 162-17 autre que celle qui a été prescrite,
cette substitution ne doit pas entraîner une dépense supplémentaire pour
l'assurance maladie.
« En cas d'inobservation de cette condition, le pharmacien verse à l'organisme
de prise en charge, après qu'il a été mis en mesure de présenter ses
observations écrites et si, après réception de celles-ci, l'organisme maintient
la demande, une somme correspondant à la dépense supplémentaire mentionnée à
l'alinéa précédent, qui ne peut toutefois être inférieure à un montant
forfaitaire défini par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, de
la santé et du budget.
« Pour son recouvrement, ce versement est assimilé à une cotisation de
sécurité sociale. »
« V. - Les dispositions de l'article L. 365-1 du code de la santé publique
sont également applicables aux pharmaciens. »
« VI. - 1. Le premier alinéa de l'article L. 138-9 du code de la sécurité
sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce plafond est porté à 10,74 % du prix fabricant hors taxes pour les
spécialités génériques définies au premier alinéa de l'article L. 601-6 du code
de la santé publique. »
« 2. Le deuxième alinéa de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale
est ainsi rédigé :
« Les infractions aux dispositions prévues au présent article sont passibles
des sanctions pénales applicables aux infractions mentionnées à l'article L.
162-38. Les dispositions du titre VI de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre
1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence sont applicables à ces
mêmes infractions. »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne sommes pas hostiles
au principe de la démarche gouvernementale tendant à favoriser la prescription
du générique. Nous cherchons à nous assurer qu'à terme les changements imposés
dans nos habitudes de consommation seront entourés de garanties suffisantes et
qu'en rien ils n'induiront la banalisation du médicament, ouvrant ainsi une
voie royale à l'automédication et au déremboursement.
La substitution envisagée ne devrait pas poser de problèmes majeurs pour le
patient, à condition tout d'abord qu'il en soit correctement informé.
Je note que les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ont permis
d'apporter sur ce point un premier élément de réponse, le pharmacien devant
inscrire le nom du générique délivré.
Toutefois, certains patients, je pense aux personnes âgées en particulier,
habitués à tel produit pourraient être déstabilisés et préférer le médicament
prescrit. Quelle serait alors la marge de manoeuvre du pharmacien ?
Des campagnes d'information, d'explication destinées aux patients et surtout
aux médecins devront nécessairement être organisées. Par ailleurs, sommes-nous
tout à fait certains qu'en termes de qualité et de sécurité les génériques
soient équivalents aux molécules princeps ?
Pour que les pharmaciens puissent plus facilement se repérer, une liste de 459
spécialités avec leurs équivalents a été mise au point par l'agence du
médicament. Mais d'un autre côté, la CNAM, quant à elle, diffuse sa liste des «
équivalents thérapeutiques ». Quelle va être, monsieur le secrétaire d'Etat, la
liste officielle ?
Enfin, le système proposé permet-il d'identifier clairement les
responsabilités thérapeutiques de chacun des intervenants : médecins,
pharmaciens, agence du médicament ?
Toutes ces interrogations nous conduisent à nous abstenir sur cet article.
De surcroît, nous restons très réservés sur les réelles motivations tant des
pharmaciens que des groupes de l'industrie pharmaceutique, les contreparties
escomptées risquant de contrebalancer en fin de compte l'économie attendue pour
notre sécurité sociale et d'être préjudiciable au patient.
Si, enfin, le Gouvernement a réussi à vaincre la résistance des pharmaciens,
c'est peut-être parce que ces derniers espèrent obtenir un mode de rémunération
incitatif, des marges plus importantes sur les médicaments délivrables sans
ordonnance, par exemple.
Pourquoi les laboratoires pharmaceutiques seraient-ils tout à coup très
intéressés ?
L'enjeu pour eux est de taille, le marché des génériques devant représenter,
en l'an 2000, 125 milliards de francs pour les dix pays les plus
industrialisés.
Aussi, dès maintenant, les grands groupes ont-ils créé des filiales
spécifiques pour produire à gros volume les génériques vendus à bas prix.
Cependant, ils essaient parallèlement d'obtenir une augmentation des prix de
nouveaux médicaments, médicaments innovants non remboursés, mais pourtant
prescrits par le médecin.
Nous attendons qu'en la matière le Gouvernement assume pleinement ses
responsabilités, qu'un débat ait lieu sur le prix des médicaments afin de
combler l'écart entre le prix des spécialités remboursables ou non, que le
déremboursement de certains médicaments cesse et que la recherche soit poussée,
même pour les affections qui ne touchent pas prioritairement nos pays.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous avez pu le
constater, la commission n'a pas déposé d'amendements sur cet article. Je crois
cependant nécessaire d'ouvrir une discussion sur le grand problème des
génériques et de la substitution de médicaments.
De l'intervention de Mme Borvo, je relève qu'une grande confusion entoure la
notion de génériques, confusion largement entretenue par des organismes qui
savent ce qu'ils font.
Je m'explique. Si des organismes internationaux ont donné une définition des
génériques, parallèlement, comme l'a dit Mme Borvo, sont parus des fascicules
présentant soit des équivalents thérapeutiques, soit des médicaments moins
chers à même objet thérapeutique. Je le dis très clairement : c'est scandaleux,
et j'invite le Gouvernement à donner à tous les pharmaciens une définition du
médicament générique et à mettre en garde les organismes, y compris les
organismes mutualistes, contre la confusion qui peut s'instaurer entre les
médicaments génériques, les équivalents thérapeutiques et les médicaments moins
chers à même objet thérapeutique. La confusion qui règne actuellement n'est pas
tolérable.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je vais répondre malheureusement sommairement alors
que nous pourrions débattre très longuement de ce sujet.
Il est vrai que règne une certaine confusion, en tout cas dans l'esprit du
public, et peut-être même dans celui des professionnels puisqu'il y a, d'un
côté, les médicaments génériques et, de l'autre, les médicaments équivalents.
En effet, M. le rapporteur a tout à fait raison de dire qu'il ne s'agit pas du
tout de la même chose.
Permettez-moi de rappeler la définition internationale des médicaments
génériques. Il s'agit de médicaments ayant le même principe actif, le même
dosage, la même présentation et la même biodisponibilité. Ils n'ont rien à voir
avec les équivalents thérapeutiques, qui sont des médicaments voisins
entraînant théoriquement les mêmes effets thérapeutiques mais n'ayant pas la
même composition chimique. Il faut donc être très clair.
Le médicament générique doit être totalement substituable à une molécule
princeps qui a été protégé par un brevet de trois, sept ou dix ans dans notre
pays. Il en a le même dosage, la même présentation, la même
biodisponibilité.
Dans
Le Moniteur du pharmacien et des laboratoires,
un sondage faisait
apparaître que 97 % des pharmaciens étaient d'accord avec la manière dont sont
traités dans la loi, grâce à vous, les génériques. Selon le même sondage, 56 %
des médecins approuvaient ce principe de substitution, et j'ai eu connaissance
de sondages réalisés au sein du corps médical qui faisaient état d'un taux plus
élevé encore.
La résistance se réduit d'autant plus que, dans tous les pays du monde, en
particulier dans les pays avancés, et surtout dans l'Union européenne, les
génériques sont partout acceptés.
Je suis d'accord avec vous, madame Borvo, monsieur Descours : il faut en
parler.
J'envisage d'envoyer une lettre très précise au corps médical et aux
pharmaciens après le vote de ce projet de loi.
Quelles réticences avez-vous cru déceler chez certains ?
Elles concernent d'abord des personnes âgées, vous avez raison. Les personnes
âgées sont en effet habituées à certains produits très particuliers, très
souvent prescrits, voire trop souvent prescrits. Elles connaissent leur
traitement par la couleur ou la forme des pilules et gélules. Il faudra donc
agir avec précaution dans la substitution des génériques leur intention. Ce
sera au médecin, à qui nous faisons toujours confiance, de mentionner à côté du
princeps « NS » pour « non substituable ».
Pour le reste, les précautions d'information étant prises, j'espère qu'il y
aura une disponibilité suffisante dans les officines, où se pose, vous le
savez, un problème de place, que les pharmaciens mettent très souvent en
avant.
S'agissant des dépenses pharmaceutiques, je vous rappelle, madame le sénateur,
que nous escomptons de ce dispositif une économie, pour notre système
d'assurance maladie, de 4 milliards de francs dans l'immédiat et,
éventuellement, de 11 milliards de francs par la suite. N'oubliez pas que 50 %
du « parc thérapeutique » de la France sont « généricables » dans les deux ans
qui viennent.
Vous avez évoqué de possibles dérives ; nous y seront très attentifs, pour les
génériques comme pour les princeps.
Reste une préoccupation essentielle : la venue sur le marché de médicaments
extrêmement chers, dont on ne demande pas actuellement le remboursement,
certes, mais qui peuvent être néanmoins, de toute façon, source de dépenses
importantes, ne serait-ce qu'au niveau de la prescription puisque ces produits
nouveaux sont prescrits par les médecins et que cette prescription s'accompagne
généralement d'un certain nombre d'examens indispensables. C'est une dépense
nouvelle qui se profile. Cela dit, il me paraît inéluctable qu'à un moment
donné un mouvement se manifeste dans la société pour demander le remboursement
de produits qui améliorent la qualité de la vie. Comment pourrait-on admettre
que de tels produits soient plus ou moins accessibles selon les disponibilités
financières de chacun ?
De tout cela nous aurons bien entendu à reparler dès l'an prochain. Je suis
d'ailleurs très heureux que le projet de loi de financement de la sécurité
sociale nous permette d'aller plus loin chaque année dans l'étude des dépenses
de santé et je me félicite de l'attention qu'y portent en permanence nos
concitoyens.
M. le président.
Par amendement n° 65, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste
proposent de rédiger comme suit le troisième alinéa du texte présenté par le
paragraphe I de l'article 23 pour l'article L. 512-3 du code de la santé
publique :
« Lorsque le pharmacien délivre par substitution à la spécialité prescrite une
spécialité du même groupe générique, il fait mention expresse sur l'ordonnance
du générique délivré, et appose son nom et sa signature. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Il s'agit de préciser la disposition adoptée par l'Assemblée nationale au
terme de laquelle, « lorsque le pharmacien délivre par substitution à la
spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique, il doit inscrire
le nom du générique qu'il a délivré ».
L'amendement indique donc qu'en procédant à la substitution, acte qui engage
la santé du patient, le pharmacien doit porter sur l'ordonnance le nom du
médicament générique et y apposer son nom ainsi que sa signature. Ces
indications permettront, en cas d'incident ou d'accident, l'identification du
pharmacien qui a procédé à la substitution. Celui-ci voit ainsi sa
responsabilité personnelle engagée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission est favorable à cet amendement.
Il est en effet indispensable, d'abord, de compléter la rédaction adoptée par
l'Assemblée nationale, qui n'indique pas que la substitution est mentionnée sur
l'ordonnance.
Par ailleurs, dans la mesure où la question de la responsabilité - vous avez
eu raison de poser le problème, madame Borvo - ne nous paraît pas suffisamment
précisée dans le texte actuel, il importe effectivement de prévoir
l'identification du pharmacien qui a procédé à la substitution.
J'avais d'ailleurs déposé en commission un amendement suivant la même
inspiration que celui-ci mais qui, sans doute trop complexe dans son
dispositif, n'a pas été retenu par elle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est très embarrassé.
En effet, si je comprends bien le souci de M. Huriet, il me semble que la
signature du pharmacien est superflue. Celui-ci doit déjà apposer son cachet et
mentionner la date ainsi que la quantité délivrée.
Il me semble, monsieur Huriet, que le cachet obligatoire du pharmacien répond
à votre souhait.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Et si c'est la femme de ménage qui l'appose ?...
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Vous savez bien qu'il arrive que la femme de ménage
délivre - de façon tout à fait illégale - les médicaments !
(Exclamations sur plusieurs travées.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Eh bien, je préférerais qu'elle ne délivre pas le générique
!
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 65.
M. Dominique Leclerc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est vrai que chaque ordonnance comporte le
cachet de la pharmacie. Mais vous savez bien que, dans une même officine, il y
a généralement plusieurs pharmaciens nommément habilités à délivrer des
médicaments.
Par conséquent, en prévoyant la signature, on individualise et donc
responsabilise, au sein de la pharmacie, celui qui, associé ou assistant, a
délivré le médicament générique. Car la responsabilité de la prescription et de
la délivrance est un élément de l'acceptation d'une politique du médicament
générique.
Voilà pourquoi je crois que la précision par M. Huriet est importante.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Le cachet n'est pas du tout une garantie. Le cachet
mentionnera, par exemple, Pharmacie des Fleurs et le nom du patron de cette
pharmacie. Mais, si cette officine emploie cinq pharmaciens, le fait que ce
cachet ait été apposé ne signifiera nullement que c'est le propriétaire de la
Pharmacie des Fleurs qui a délivré le médicament générique.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Cela est déjà vrai pour tous les médicaments !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Certes, mais, là, nous parlons du cas où il y a
substitution.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme l'a indiqué Mme Borvo tout à l'heure,
tout cela peut faire naître une certaine inquiétude, notamment chez les
personnes âgées. Cette inquiétude, il est indispensable de la lever. Nos
concitoyens ont une grande confiance envers les pharmaciens, et je m'en
réjouis. L'inquiétude ne sera dissipée que si l'on est sûr que le pharmacien a
pris individuellement ses resposabilités.
C'est pourquoi la proposition de M. Huriet me paraît tout à fait justifiée.
M. François Autain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Je suis très partagé.
Je pense, comme vous tous, qu'il est nécessaire de bien situer les
responsabilités, mais je me demande si ce luxe de précautions ne va pas
décourager l'institution et, par conséquent, aller à l'encontre de l'objectif
poursuivi.
Je me demande également si cette disposition est compatible avec
l'informatisation de la gestion des officines.
Je comprends bien ce que souhaite M. Huriet mais, dans la pratique, tout cela
ne va-t-il pas rendre encore plus difficile la substitution par des génériques
?
C'est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je crois que l'on est en train de compliquer, pour de
bonnes raisons et avec de bons sentiments, un système qui a déjà mis du temps à
s'installer dans notre pays et qui va - sans affecter le moins du monde la
prise en charge des soins dans notre pays - permettre de réaliser de
substantielles économies.
Si l'on demande au pharmacien de signer, de mettre son numéro de conseil de
l'ordre, de sa carte d'identité ou je ne sais quoi, c'est évidemment plus
compliqué !
Je comprends votre argument, monsieur Leclerc. D'ailleurs, on pourrait
éventuellement demander à tous les pharmaciens qui travaillent dans une
officine pendant un certain temps d'avoir leur propre cachet.
M. Dominique Leclerc.
Oui !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
S'il s'agit d'un simple tampon portant leur nom, j'y
serais favorable. Cela garantirait que le pharmacien a lui-même vu
l'ordonnance.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
L'argument développé à l'instant par notre collègue François Autain m'inquiète
et renforce ma détermination à demander à la Haute Assemblée d'adopter cet
amendement.
Si l'on considère qu'il est compliqué et dissuasif pour la délivrance de
génériques de demander au pharmacien d'apposer son nom et sa signature, je me
demande vraiment ce qui se cache derrière ce désir de simplification.
Pourrait-on concevoir qu'un médecin fasse une prescription sur une feuille
d'ordonnance, où il y a un en-tête à son nom, et qu'il ne la signe pas ? Nous
sommes là devant une situation en tous points comparable.
Je ne considère pas qu'il s'agit d'une complication administrative
insupportable et dissuasive lorsqu'on demande au pharmacien qui prend la
responsabilité de substituer un générique à un médicament prescrit d'apposer
son nom et sa signature.
J'insiste donc pour que cet amendement soit adopté.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, plus la discussion de cet article avance, moins je
comprends !
Je souhaite simplement poser une question : pourquoi n'est pas le médecin qui
prescrit le médicament générique ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Madame Beaudeau, si cela avait été si simple, nous
n'aurions pas quinze ans de retard. Il a fallu se battre pendant des années
pour que le même corps, avec la même présentation, la même biodisponibilité, le
même dosage, mais 30 % à 40 % moins cher, puisse être prescrit dans notre
pays.
Oui, il y a des blocages français ! Tout autour de nous, ces problèmes sont
résolus depuis une dizaine d'années. C'est ainsi ! C'est le génie français !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 66, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste
proposent de rédiger comme suit le paragraphe II de l'article 23 :
« La première phrase du premier alinéa de l'article L. 601-6 du code de la
santé publique est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Sans préjudice du droit relatif à la protection de la propriété industrielle
et commerciale, on entend par spécialité générique d'une autre spécialité
autorisée depuis au moins dix ans en France ou dans un autre pays membre des
Communautés européennes selon les dispositions communautaires en vigueur et
commercialisée en France, appelée spécialité de référence, une spécialité qui a
la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même
forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence
a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. La spécialité
de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un groupe
générique. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
L'article L. 601-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de
l'ordonnance du 24 avril 1996, a introduit en droit français la notion de
spécialité générique.
Sa définition législative, pas plus que les textes réglementaires pris pour
leur application, ne font référence à la protection de la propriété
intellectuelle et commerciale du titulaire du produit originel. Elle ne tient
pas compte non plus de la protection de dix ans des données de l'AMM,
l'autorisation de mise sur le marché, prévue par le code de la santé publique
pour favoriser l'innovation thérapeutique.
L'absence de prise en compte de la propriété industrielle et de la protection
des données de l'AMM dans la définition du générique place la France dans une
situation marginale en Europe et non conforme à l'esprit des textes
communautaires.
A la lumière de l'expérience acquise depuis l'adoption de l'ordonnance du 24
avril 1996, il apparaît indispensable de compléter la définition de la
spécialité générique afin de mieux assurer la protection de la propriété
industrielle et de l'innovation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
La commission est favorable à cet amendement.
En effet, la définition de la spécialité générique ne tient pas compte de la
protection de dix ans des données de l'AMM, prévue par le code de la santé
publique.
On comprend bien l'argumentation avancée par le Gouvernement à l'Assemblée
nationale, argumentation selon laquelle il n'appartient pas à l'Agence du
médicament de s'occuper du droit des brevets. En revanche, il me semble que
l'Agence est bien chargée de vérifier l'application des dispositions du code de
la santé publique concernant l'AMM.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 66, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 52, M. Leclerc propose :
A. - De compléter le deuxième alinéa du texte présenté par le IV de l'article
23 pour rédiger les deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 662-16 du code
de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, l'organisme
peut décider, si la dépense supplémentaire est inférieure à un montant fixé
dans les mêmes conditions, de ne pas procéder au recouvrement ».
B. - Après le IV de l'article 23, d'insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes résultant du non recouvrement de la dépense
supplémentaire visée au troisième alinéa de l'article L. 162-16 du code de la
sécurité sociale sont compensées à due concurrence par une majoration de la
contribution visée à l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Cet amendement est la reprise d'une disposition qui, après avoir été adoptée
par l'Assemblée nationale, fut finalement repoussée lors d'une seconde
délibération.
Je vise ici le cas où le générique prescrit n'étant pas disponible, le
pharmacien y substitue un générique d'un prix légèrement supérieur. Je propose
que, dans un tel cas, il n'y ait pas de pénalités.
Il s'agit, là encore, de ménager un espace de liberté pour la délivrance des
génériques dans le cadre conventionnel.
Par ailleurs, je voudrais dire très amicalement à M. Autain que,
personnellement, je tiens encore des gardes de nuit et certains dimanches.
Quand je n'ai pas le médicament prescrit en stock - il en existe 30 000 : on ne
peut pas les avoir tous ! - je joins le médecin et, si je n'y parviens pas, je
procède à la substitution, j'indique précisément ce que j'ai délivré, en quelle
quantité, et je signe. Je fais cela sans problème depuis des années.
Alors, de grâce, mon cher collègue, faites confiance aux professionnels. Ce ne
sont pas des ânes !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je comprends très bien la position de M. Leclerc et la
difficulté qu'il y a à gérer des stocks de médicaments innombrables, notamment
de génériques, dont on nous a dit tout à l'heure qu'ils pouvaient être
plusieurs dizaines pour un même médicament princeps, par exemple le
clamoxyl.
Cependant, que l'on substitue au médicament prescrit par le médecin un
générique plus cher me gêne : je n'y reconnais plus très bien la philosophie du
texte. Je fais tout à fait confiance aux professionnels s'agissant de cas
exceptionnels, mais inscrire cette disposition dans la loi m'ennuie un peu, et
je souhaiterais que M. Leclerc retire son amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Je me range à l'avis de M. le rapporteur.
(Rires.)
M. le président.
Monsieur Leclerc, l'amendement n° 52 est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc.
Les sommes en jeu sont très modestes, puisque, comme M. le secrétaire d'Etat
l'a rappelé, les médicaments génériques sont
a priori
30 % moins chers
que les produits princeps. Il est vrai que, pour certaines classes de
médicaments, il existe des dizaines de produits génériques, et le pharmacien
peut ne pas toujours avoir le moins cher.
Par ailleurs, Mme Beaudeau l'a dit, les médicaments génériques font
aujourd'hui l'objet d'un marché tout de même très important. Des produits
génériques un peu moins chers, il en apparaît tous les jours, et le pharmacien
ne peut, là encore, les détenir tous.
De grâce, à quelques centimes près, faites confiance aux professionnels en les
autorisant à délivrer un produit générique un peu plus cher que celui qui a été
prescrit. C'est un espace de liberté conventionnelle.
En outre, les pharmaciens n'ont signé qu'un protocole d'accord, mais cette
signature laisse espérer, aux termes de l'article 3 du protocole, la conclusion
d'une convention tripartite entre l'Etat, la CNAM et la profession, et
l'article 4 prévoit que les modalités de délivrance des médicaments génériques
seront déterminées lors des discussions tripartites visant à établir cette
convention.
En conclusion, je trouve mon amendement très bon, et je le maintiens.
(Sourires.)
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Dans ses conditions, le Gouvernement émet un avis
défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par le Gouvernement.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président.
Par amendement n° 67, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste
proposent de compléter le paragraphe VI de l'article 23 par un alinéa ainsi
rédigé :
« ... L'annexe prévue au
b
du paragraphe II de l'article LO 111-4 du
code de la sécurité sociale présente un bilan sommaire du contrôle de
l'application des dispositions de l'article L. 138-9 du code de la sécurité
sociale. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
A la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale, le taux
maximal des ristournes des officines a été fixé, pour les médicaments
génériques, à 10,74 %. Deux taux de ristourne vont donc coexister : le taux de
droit commun de 2,5 % et le taux applicable aux génériques, de 10,74 %. Il
importe donc que le Gouvernement présente au Parlement, dans les annexes au
projet de loi de financement, un bilan de l'application de ces dispositions.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 23, modifié.
(L'article 23 est adopté.)
M. le président.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Joël Bourdin un rapport d'information fait au nom de la
délégation du Sénat pour la planification sur les perspectives macroéconomiques
à moyen terme (1998-2003).
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 63 et distribué.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mardi 17 novembre 1998, à neuf heures trente, à seize
heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 50, 1998-1999) de financement de
la sécurité sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport (n° 58, 1998-1999) de MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain
Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 56, 1998-1999) de M. Jacques Oudin, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, relatif au Conseil supérieur de la magistrature
(n° 6, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 17 novembre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 17 novembre 1998, à
dix-sept heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale du
projet de loi de finances pour 1999
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale du
projet de loi de finances pour 1999 est fixé au mercredi 18 novembre 1998, à
dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie
du projet de loi de finances pour 1999
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première
partie du projet de loi de finances pour 1999 est fixé au jeudi 19 novembre
1998, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 17 novembre 1998, à zéro heure vingt.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE
Dans sa séance du lundi 16 novembre 1998, le Sénat a nommé :
M. Roger Lagorsse membre de la commission des affaires sociales, en
remplacement de M. Roger Mazars, décédé.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Distorsions de concurrence dans le domaine des transports
372.
- 16 novembre 1998. -
M. Philippe Richert
souhaite attirer l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur les importantes distorsions de concurrence existant au sein de l'Union
européenne dans le domaine du transport de voyageurs, du fait des législations
sociales, fiscales et techniques très disparates d'un pays de l'Union à
l'autre. Ainsi, tandis qu'en France la journée de travail ne peut excéder douze
heures, aucune limite de temps n'est prévue dans le règlement social européen.
Dans un autre registre, la longueur maximale des véhicules en France est de
douze mètres, alors qu'elle est de quinze mètres en Allemagne, en Belgique et
aux Pays-Bas. Enfin, les transporteurs français effectuant des voyages en
Allemagne sont tenus d'acquitter une taxe sur la valeur ajoutée de 16 %, alors
que les transporteurs allemands sont exonérés de la TVA française lors de leur
passage sur notre territoire. Ces disparités, combinées à de nombreuses autres,
pénalisent lourdement les transporteurs français par rapport à leurs homologues
européens et, en particulier, les sociétés de transport des régions
frontalières comme l'Alsace. Alors que le Marché unique en matière de transport
routier est entré en vigueur le 1er juillet dernier, permettant aux
transporteurs européens de répondre aux appels d'offres des collectivités
partout au sein de l'Union européenne, les compagnies de transport de voyageurs
allemandes peuvent proposer des prix très compétitifs par rapport à ceux
pratiqués par leurs collègues français : 9 000 F par exemple, pour le transport
de 90 personnes entre Strasbourg et Paris contre 15 000 F en France. Il leur
est d'autant plus facile d'afficher des tarifs aussi bas, que le gouvernement
allemand leur verse des subventions d'un montant de 160 000 DM (540 000 F)
lorsqu'elles assurent des transports réguliers ou scolaires. Il lui demande si
ces problèmes de distorsion de concurrence, spécifiques au transport routier de
voyageurs dans les zones transfrontalières sont pris en compte dans le cadre
des négociations menées actuellement au niveau communautaire, et visant à
harmoniser les législations des pays de l'Union européenne en matière de
transport routier ?