Séance du 12 novembre 1998
CONVENTION INTERNATIONALE
POUR LA RÉPRESSION
DES ATTENTATS TERRORISTES À L'EXPLOSIF
Adoption d'un projet de loi
M. le président
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi n° 4 (1998-1999)
autorisant la ratification d'une convention internationale pour la répression
des attentats terroristes à l'explosif. [Rapport n° 54, (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les
Nations unies ont achevé, en décembre dernier, la négociation d'une nouvelle
convention contre le terrorisme. Il s'agit de la convention internationale pour
la répression des attentats terroristes à l'explosif.
L'origine de ce nouvel instrument international est liée, vous le savez, à une
série d'attentats ayant profondément marqué l'opinion publique, en particulier
l'attentat anti-américain d'al-Khobar en Arabie saoudite, et les attentats
suicides en Israël à la même époque.
C'est en mars 1996, au sommet des « bâtisseurs de la paix » de Charm El Cheik,
qui a suivi de près ces attentats, que l'idée d'une telle convention a été
lancée.
C'est ensuite la présidence française du G8 qui, en juillet 1996, a inscrit un
tel projet au sein des « 25 recommandations de Paris » pour lutter contre le
terrorisme.
C'est encore la France qui en a élaboré le texte avec ses partenaires du G8 et
l'a présenté aux Nations unies en décembre 1996. Nous avons ensuite joué un
rôle très actif pendant la négociation qui s'est déroulée toute l'année
dernière.
Adoptée par les Nations unies en décembre 1997, la convention a été ouverte à
la signature à New York le 12 janvier dernier. La France l'a signée le jour
même.
Quelles en sont les caractéristiques ?
Il s'agit d'une convention d'incrimination, qui a pour but de réprimer les
attentats terroristes à l'explosif commis dans des lieux publics. Elle vise
toute personne qui, intentionnellement, livre, pose, ou fait exploser ou
détonner - ou tente de le faire - un engin explosif dans un lieu public, un
système de transport public ou une infrastructure - c'est-à-dire tout
équipement public ou privé fournissant des services d'utilité publique - pour
peu que cet attentat vise à provoquer la mort ou des dommages corporels graves,
ou à causer des destructions massives entraînant ou risquant d'entraîner des
pertes économiques considérables.
Elle demande également aux Etats d'ériger en infraction pénale les faits
précités et comporte un dispositif juridique de coopération internationale
fondé sur le principe « juger ou extrader », ainsi que des modalités classiques
d'entraide et d'extradition.
Parallèlement, elle contient des garanties relatives à la protection des
droits de la personne soupçonnée, en particulier quant à sa détention et à son
extradition.
Plusieurs dispositions concernent l'exclusion des forces armées de son champ
d'application.
L'objectif de cette convention est clair : améliorer la lutte internationale
contre le terrorisme. En effet, elle cible la menace terroriste principale
actuelle en traitant d'un mode opératoire terroriste, les attentats à
l'explosif qui représentent environ 60 % des actes du terrorisme
international.
Cette convention présente des avantages sur le plan opérationnel pour la
France, qui, Etat victime de ce type de terrorisme, pourra utilement bénéficier
des mesures prévues, à savoir les procédures d'entraide judiciaire et
d'extradition des auteurs ou des complices de tels actes dans les pays ayant
ratifié la convention avec lesquels la France n'a pas signé d'accords
bilatéraux en ce sens.
Destinée à favoriser la coopération internationale contre le terrorisme, cette
convention met en place un dispositif juridique de coopération internationale
fondé sur le principe « juger ou extrader ».
Comme dans les autres conventions antiterroristes, le « mobile politique » ne
peut plus être invoqué - seul - pour refuser les demandes d'entraide judiciaire
et d'extradition. Mais la possibilité de refuser l'extradition est réaffirmée
pour un certain nombre de cas, afin de garantir les droits de la personne mise
en cause.
Enfin, la convention engage les Etats parties à prendre des mesures sur le
plan interne, destinées à qualifier d'infraction pénale les infractions à la
convention et à les réprimer ainsi qu'à assurer que les faits incriminés ne
puissent en aucune circonstance être justifiés par des considérations de nature
politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique ou religieuse, ou par
d'autres motifs analogues.
Cette convention complète le dispositif normatif existant en matière de lutte
contre le terrorisme, constitué de dix conventions internationales, toutes «
spécialisées » :
Quatre sont destinées à lutter contre le terrorisme aérien.
Deux tendent à lutter contre le terrorisme maritime.
Deux visent des actes de terrorisme particuliers - les infractions contre les
personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents
diplomatiques, et la prise d'otages.
Deux tendent à protéger certains produits ou dispositifs utilisables à des
fins terroristes - les matières nucléaires et les explosifs plastiques et en
feuilles.
La France les a toutes ratifiées à l'exception de la convention de 1979 contre
la prise d'otages, pour laquelle la procédure de ratification est en cours, et
de la convention de 1973 sur la prévention et la répression des infractions
contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les
agents diplomatiques, pour laquelle une réflexion est engagée.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, je désire attirer votre attention sur les particularités de cette
convention.
Tout d'abord, on peut affirmer qu'elle a été « portée », depuis l'origine, par
la France. Je ne reviens pas sur ce point que j'ai déjà évoqué au début de mon
exposé.
Autre particularité, cette convention amènera la France à préciser le champ
qu'elle entend donner à sa compétence : Etat victime du terrorisme, la France a
intérêt à ce que celle-ci soit la plus large possible. Notre représentation
permanente devra donc informer le Secrétaire général de l'Organisation des
Nations unies que la France établit sa compétence dans tous les cas prévus par
la convention.
Enfin, la ratification de cette convention entraînera deux modifications
législatives.
L'artice 421-1 du code pénal n'incrimine, au titre des infractions
terroristes, la détention, l'acquisition, le transport ou l'emploi de
substances explosives ou d'engins, que dans le cas où ces substances ou engins
sont de nature classique, biologique, ou chimique. Il n'y a donc pas
d'incrimination prévue pour les matières radioactives. En conséquence, il
conviendra de modifier l'article du code pénal sur ce point.
En outre, chaque Etat partie « adopte les mesures qui peuvent être nécessaires
pour établir sa compétence en ce qui concerne les infractions visées dans les
cas où l'auteur présumé de l'infraction se trouve sur son territoire et où il
ne l'extrade pas vers l'un quelconque des Etats parties qui ont établi leur
compétence ». Cette disposition concerne directement la procédure pénale
puisqu'elle permet aux juridictions pénales françaises de bénéficier d'une «
compétence universelle ». Elle entraînera une modification de l'article 689 du
code de procédure pénale.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la «
convention pour la répression des attentats terroristes à l'explosif » qui fait
l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Estier,
en remplacement de M. André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires
étrangères, de la défense et des forces armées.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mer chers collègues, il me revient de présenter devant
vous cette convention du 12 janvier 1998, là encore en remplacement de notre
collègue André Rouvière.
Je ne reviendrai pas sur l'origine de cette convention, qui illustre
l'engagement de notre pays dans la lutte contre la menace terroriste.
Je vous épargnerai aussi les tristes statistiques du terrorisme international
et de ses trop nombreuses victimes, renvoyant sur ce point au rapport écrit de
notre collègue André Rouvière. Notre pays fait, hélas ! partie de cibles
traditionnelles du terrorisme international, ce qu'ont illustré les vagues
d'attentats de 1986 et 1995. En 1995, 62 % des actes de terrorisme commis dans
le monde ont été perpétrés en Europe. Vous avez cependant rappelé à juste
titre, monsieur le ministre, que d'autres parties du monde n'étaient pas
épargnées.
En outre, depuis quelques années, le terrorisme international a connu des
évolutions très inquiétantes, qui tiennent pour l'essentiel à l'apparition de
groupuscules plus dispersés et à une menace désormais plus internationalisée,
du fait de la circulation plus rapide des hommes, des capitaux et des armes.
Quant à la nature de la menace, elle paraît s'être aggravée depuis que
l'attentat au sarin dans le métro de Tokyo, en mars 1995, a montré que les
mouvements terroristes peuvent aujourd'hui disposer d'un pouvoir de destruction
sans précédent dû à la possession d'armes de destruction massive.
Dans ce contexte particulièrement inquiétant, il faut se féliciter de ce que
la convention du 12 janvier 1998, pour la répression des actes terroristes à
l'explosif, s'appuie sur une condamnation sans concession du terrorisme
international, en excluant toute justification politique des actes
terroristes.
La convention de janvier 1998 - autre aspect positif - est un accord à
vocation générale, supposé s'appliquer à une très forte proportion des actes de
terrorisme international enregistrés dans le monde, et à la totalité des actes
de terrorisme international dont notre pays est victime.
Cette convention ne traite pas, en effet, comme les accords de la précédente
génération, tel ou tel aspect sectoriel de la menace terroriste : détournements
d'avion, attentats dans les aéroports, attentats sur des navires... Son champ
d'application est défini pour s'appliquer à un très large spectre d'attentats
terroristes, puisque la définition retenue des engins explosifs s'appliquerait
même dans l'hypothèse d'attentats nucléaires, chimiques ou bactériologiques.
La convention ne comprend néanmoins pas les actes de terrorisme n'impliquant
que les ressortissants et les possessions d'un seul Etat.
La signature de cette convention par la France n'impliquera que des
adaptations ponctuelles, que vous avez rappelées, monsieur le ministre, de
notre code pénal et de notre code de procédure pénale, mais n'affectera pas
notre législation antiterroriste, qui respecte d'ores et déjà les prescriptions
de cette convention.
Pour l'essentiel, celle-ci vise, en effet, à obtenir des Etats membres une
législation pénale réprimant les auteurs d'attentats terroristes par des peines
correspondant à la gravité de ces actes et à renforcer la coopération
judiciaire entre Etats en facilitant l'extradition des auteurs présumés
d'attentats.
Cette convention encourage en outre des actions de coopération technique entre
Etats parties, afin de renforcer la prévention des attentats. Ainsi la France
fournit-elle régulièrement des équipements de sécurité aéroportuaire à divers
partenaires.
En conclusion, je crois cependant prudent de dire que l'on ne saurait attendre
de la présente convention plus que ce que peut apporter un traité
international.
Tout d'abord, l'objet de la convention du 12 janvier 1998 n'est pas de
prévenir les attentats terroristes à l'explosif, mais avant tout de les
réprimer. Cette convention fixe donc essentiellement des règles relatives à
l'entraide judiciaire entre Etats, afin de faire en sorte que les auteurs de
ces actes terroristes soient punis.
Par ailleurs, l'efficacité de la présente convention reste subordonnée à son
universalité. Or, sur les trente et un signataires à ce jour recensés, on ne
relève - faut-il le préciser ? - aucun des Etats généralement mis en cause dans
le terrorisme international.
Il importe donc que la France, en procédant au plus vite au dépôt de ses
instruments de ratification, encourage par son exemple l'adhésion de nombreux
Etats et qu'une entrée en vigueur rapide de la convention du 12 janvier 1998
montre la détermination de la communauté internationale à punir comme ils le
méritent les auteurs d'attentats terroristes.
C'est pourquoi la commission vous invite, mes chers collègues, à adopter le
présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification de la convention
internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, faite
à New York le 12 janvier 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi.
»
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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