Séance du 5 novembre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Commission d'enquête sur la situation et la gestion des personnels de
l'éducation nationale.
- Adoption d'une résolution (p.
1
).
Discussion générale : MM. Jean Bernadaux, rapporteur de la commission des
affaires culturelles ; Pierre Fauchon, rapporteur pour avis de la commission
des lois ; Ivan Renar, Jean-Claude Carle, Jean Arthuis, Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Suspension et reprise de la séance (p. 2 )
Clôture de la discussion générale.
Article unique (p. 3 )
Amendements n°s 1 rectifié, 2 rectifié et 3 de M. Arthuis. - MM. Jean Arthuis,
le président de la commission, Ivan Renar, Michel Dreyfus-Schmidt, Dominique
Braye, Jean-Jacques Hyest. - Retrait des amendements n°s 1 rectifié et 2
rectifié ; adoption de l'amendement n° 3.
Adoption de l'article unique, modifié, de la résolution.
Intitulé (p. 4 )
MM. le président de la commission, Michel Dreyfus-Schmidt.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 5 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
3.
Questions d'actualité au Gouvernement
(p.
6
).
M. le président.
CRISE DE LA PRODUCTION PORCINE (p. 7 )
MM. Alain Gérard, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
AFFAIRE BUNEL (p. 8 )
MM. Yvon Collin, Alain Richard, ministre de la défense.
RÉORGANISATION DE LA RECHERCHE PUBLIQUE (p. 9 )
MM. Ivan Renar, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS LE SECTEUR MÉDICO-SOCIAL (p.
10
)
MM. Michel Mercier, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
FINANCEMENT DES RÉFORMES DU SYSTÈME ÉDUCATIF (p. 11 )
MM. Jean-Claude Carle, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
DISCRIMINATIONS ET DIFFICULTÉS DE L'INTÉGRATION (p. 12 )
Mme Dinah Derycke, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
MÉTHODE ALLÈGRE (p. 13 )
MM. Bernard Fournier, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
DÉGRADATION DE LA SITUATION DES ANESTHÉSISTES (p. 14 )
MM. Jean Huchon, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
RETRAITEMENT ET RETOUR DES DÉCHETS NUCLÉAIRES (p. 15 )
Mme Anne Heinis, M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR (p. 16 )
MM. René-Pierre Signé, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
ATTRIBUTION DE LA PRIME
D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (p.
17
)
MM. Philippe Adnot, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le
Parlement.
4.
Dépôt d'un rapport
(p.
18
).
5.
Ordre du jour
(p.
19
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA SITUATION
ET LA GESTION DES PERSONNELS
DE L'ÉDUCATION NATIONALE
Adoption d'une résolution
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 46,
1998-1999) de M. Jean Bernadaux, fait au nom de la commission des affaires
culturelles, sur la proposition de résolution (n° 30, 1998-1999) de MM. Jean
Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan et Adrien Gouteyron
visant à créer une commission d'enquête sur la situation et la gestion des
personnels enseignants et non enseignants de l'éducation nationale. [Avis n° 52
(1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Bernadaux,
rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, mes chers collègues, la présente proposition de résolution tend à la
création d'une commission d'enquête sur la situation et la gestion des
personnels enseignants et non enseignants de l'éducation nationale.
Les auteurs de cette proposition assignent à cette commission d'enquête la
mission de « tenter de faire la lumière sur une gestion opaque, de savoir avec
précision quels sont les effectifs enseignants et non enseignants de
l'éducation nationale, quels sont les effectifs payés et éventuellement
inemployés... et de savoir s'il y a réellement adéquation entre les moyens
humains mis en oeuvre et les objectifs pédagogiques de l'éducation nationale
».
Il appartient à votre commission des affaires culturelles, saisie au fond, de
juger de l'opportunité de la création d'une telle commission d'enquête, tandis
que la commission des lois devra indiquer si cette proposition est conforme à
l'article 6 de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires.
Je rappellerai brièvement l'importance des moyens accordés à l'éducation
nationale.
Pour accueillir les 12 300 000 élèves de l'enseignement scolaire, celle-ci
utilise 1 300 000 personnes. Un million d'entre elles relèvent de l'Etat : 324
000 enseignants du premier degré sont affectés dans près de 60 000 écoles ; 509
000 enseignants exercent dans nos 6 950 collèges, 800 lycées professionnels et
2 650 lycées.
Ainsi 93 % des 297 milliards de francs du budget de l'enseignement scolaire
sont-ils consacrés aux dépenses de personnel.
Les crédits budgétaires ont augmenté de 150 milliards de francs en dix ans.
Dans le même temps, 40 000 enseignants supplémentaires ont été recrutés, mais
les effectifs d'élèves sont en baisse depuis plusieurs années : ils étaient 65
000 de moins à la rentrée de 1998.
En dépit de ces moyens considérables, l'éducation nationale n'est pas en
mesure d'accueillir de manière satisfaisante tous les élèves : on compte des
personnels en surnombre, non affectés sur un poste, dans certaines disciplines
- on parle de 30 000 enseignants, soit près de 10 % des effectifs du second
degré, dont la moitié de maîtres auxiliaires - alors que des centaines de
postes vacants peuvent être constatés plus d'un mois après chaque rentrée
scolaire.
La gestion actuelle des personnels souffre donc de graves dysfonctionnements.
Ceux-ci résultent d'abord d'une programmation imparfaite des recrutements par
discipline, alors que les besoins s'élèveraient à quelque 12 400 enseignants
titulaires chaque année, toutes disciplines confondues, jusqu'à 2003.
Par ailleurs, si les perspectives de départs massifs en retraite des
enseignants nés dans les années d'après-guerre ont été anticipées par des
recrutements de précaution, ceux-ci n'ont, semble-t-il, pas été ciblés sur les
disciplines qui se libéreront en 2005 : de nombreux titulaires académiques
affectés aujourd'hui à des tâches de remplacement ne sont donc pas assurés dans
l'avenir d'obtenir un poste stable correspondant à leur formation initiale.
J'en viens aux modalités de remplacement. Celles-ci ne sont pas
satisfaisantes, notamment dans l'enseignement secondaire : en 1997, environ 35
000 titulaires académiques étaient affectés à des remplacements à l'année
tandis que 3 700 titulaires remplaçants étaient affectés aux remplacements de
courte et moyenne durée, ce qui est à coup sûr insuffisant.
Quant à l'absentéisme des enseignants, celui-ci se situerait autour de 5 % des
effectifs, c'est-à-dire assez largement en retrait par rapport à certains
chiffres annoncés. Ce taux d'absentéisme apparaît moins en cause que le
fonctionnement même du système de remplacement, qui remplit mal sa fonction.
Il faut noter, par exemple, qu'un grand nombre de titulaires académiques
n'obtiennent pas de poste à l'année dans leur discipline et sont affectés
fictivement dans un établissement en attendant un remplacement hypothétique.
Afin de remédier à cette inadaptation « disciplinaire » des personnels
titulaires aux besoins, l'éducation nationale utilise depuis longtemps des
variables d'ajustement, et notamment des maîtres auxiliaires, à qui elle
demande d'occuper des postes de titulaires non pourvus et de remplacer des
enseignants absents pour cause de maladie ou de formation lorsque le nombre de
titulaires remplaçants est insuffisant.
Le réemploi massif de 27 000 maîtres auxiliaires à la rentrée de 1997 n'a pas
pour autant permis de répondre aux besoins d'encadrement pédagogique. Il a même
été à l'origine d'effets pervers : des maîtres auxiliaires sont aujourd'hui en
surnombre dans certaines disciplines tandis que des postes restent non pourvus
dans d'autres.
Les recteurs ont été ainsi contraints d'embaucher de nouveaux maîtres
auxiliaires, notamment en mathématiques, en sciences et en espagnol, soit plus
de 900 au cours de l'année scolaire 1997-1998.
Force est de constater que la fuite des agrégés vers l'enseignement supérieur
- en augmentation de 40 % depuis 1990 - contribue aussi à multiplier les
vacances de postes.
S'agissant des mises à disposition d'enseignants, aucune statistique
officielle ne permet d'en mesurer l'ampleur pour le premier et le second degré
: une source de 1993 fait état d'un millier d'enseignants mis à disposition
d'administrations ou d'organismes divers, souvent rattachés à la nébuleuse de
l'éducation nationale.
D'autres indications fournies par la presse avancent le nombre de 15 000 mises
à disposition dans le secondaire, dont 12 000 à Paris.
La commission d'enquête devrait faire la lumière sur ce point, qui reste
obscur depuis de longues années.
Je dirai enfin un mot du mouvement des enseignants, c'est-à-dire des mutations
et des affectations.
Comme vous le savez, ce mouvement devrait être décentralisé en 1999 et
s'ordonner autour d'une phase interacadémique nationale et d'une phase
intra-académique gérée au niveau rectoral.
Cette déconcentration suffira-t-elle à réduire les dysfonctionnements
constatés à chaque rentrée scolaire ? L'expérience le dira, mais il semble
qu'elle devra, pour être efficace, s'accompagner d'une véritable programmation
des recrutements par discipline.
Au total, la gestion des personnels de l'enseignement reste opaque et peu
efficace.
Le Parlement n'a connaissance que de lignes d'emplois budgétaires non ventilés
et ne peut contrôler ni les affectations réelles en postes ni leur
répartition.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Jean Bernadaux,
rapporteur.
La commission d'enquête devrait donc d'abord s'attacher à
examiner les conditions de répartition, de nomination, de mutation et
d'affectation des enseignants de collège et de lycée en fonction du nouveau
mouvement.
Elle devrait ensuite apprécier la réalité des mises à disposition dans
l'enseignement du premier et du second degré, qui ont pour conséquence
d'écarter de trop nombreux enseignants de leur vocation pédagogique.
Elle aurait aussi à examiner l'importance et les causes de l'absentéisme des
enseignants, ainsi que le fonctionnement du système de remplacement.
Elle devrait enfin mesurer la réalité de la participation des représentants
des enseignants, exercée
via
les commissions techniques paritaires, au
système d'affectation et de mutation aussi bien à l'échelon national qu'au
niveau des académies.
Dans cette perspective, mes chers collègues, la commission des affaires
culturelles vous propose la mise en place de cette commission d'enquête,
conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance de 1958 sur le
fonctionnement des assemblées parlementaires et de l'article 11 du règlement du
Sénat.
Elle vous propose donc de créer cette commission d'enquête, en en modifiant
toutefois le titre afin de limiter ses investigations aux seuls personnels de
l'enseignement scolaire public et privé, enseignants et non enseignants, et
d'en exclure les personnels relevant de l'enseignement supérieur.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le président, mes chers collègues, le Sénat est appelé
aujourd'hui à statuer sur la proposition de résolution de MM. Arthuis, Cabanel,
de Raincourt, de Rohan et Gouteyron, qui vient d'être excellemment exposée par
notre collègue Jean Bernadaux et qui vise, en résumé, à créer une commission
d'enquête sur la situation et la gestion des personnels enseignants et non
enseignants de l'éducation nationale.
Comme vous le savez, le règlement du Sénat prévoit que la commission des lois
émette un avis sur la recevabilité, et uniquement sur la recevabilité, de cette
proposition de résolution, qui a déjà été examinée par la commission des
affaires culturelles. Je dois rappeler qu'il s'agit là d'une matière
réglementée par une ordonnance de 1958, laquelle a été profondément modifiée le
20 juillet 1991.
Depuis cette refonte, le texte présente peut-être l'inconvénient de regrouper
les commissions d'enquête et les commissions de contrôle sous la dénomination
commune de « commissions d'enquête ». Mais, en dépit de ce changement de
terminologie, la dichotomie entre les classiques commissions d'enquête
stricto sensu
et les commissions chargées de contrôler le fonctionnement
d'une entreprise ou d'un service public n'a pas disparu.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous donner lecture du texte
actuellement en vigueur :
« Les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments
d'information, soit sur des faits déterminés » - il s'agit des commissions
d'enquête sur les faits - « soit sur la gestion des services publics ou des
entreprises nationales » - il s'agit des anciennes commissions de contrôle - «
en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a créées.
« Il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu
à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en
cours. Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l'ouverture
d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée
d'enquêter. »
La question est donc de savoir si, dans le domaine qui nous occupe
aujourd'hui, des faits susceptibles de faire l'objet de poursuites judiciaires
risquent de survenir, auquel cas on ne pourrait mettre en place une commission
d'enquête.
Dans les cas où la proposition de résolution tend à créer une commission
d'enquête « pour recueillir des éléments d'information... sur des faits
déterminés », la pratique qui était suivie pour les commissions d'enquête
stricto sensu
continue à être observée. Le président de la commission
des lois demande alors à M. le président du Sénat de bien vouloir interroger le
garde des sceaux sur l'existence éventuelle de poursuites judiciaires
concernant les faits en cause.
C'est la pratique qui prévaut pour les commissions d'enquête chargées de
réunir des informations sur des faits. Nous ne sommes pas dans ce cas de
figure.
En revanche, cette procédure d'information ne s'impose pas dans la seconde
hypothèse envisagée par l'article 6 de l'ordonnance de 1958, dans laquelle la
proposition de résolution prévoit de créer une commission d'enquête non pas sur
de simples faits, mais « pour recueillir des éléments d'informations... sur la
gestion des services publics ou des entreprises nationales ». La présente
proposition de résolution correspond manifestement à cette seconde hypothèse,
puisque son article unique prévoit bien la création d'une commission de
contrôle sur le fonctionnement d'un service public, et non pas d'une commission
d'enquête sur des faits déterminés.
Dans ces conditions, la commission d'enquête dont le Sénat décidera sans doute
la création tout à l'heure n'aurait nullement pour objet d'enquêter sur des
faits déterminés pouvant, le cas échéant, donner lieu à des poursuites
judiciaires. La question ne se pose donc pas.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois estime que la
proposition de résolution soumise aujourd'hui à l'examen du Sénat n'est pas
contraire aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17
novembre 1958.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des
Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, mes chers collègues, le mouvement des lycéens a mis en
relief un certain nombre de dysfonctionnements au sein de notre système
éducatif, au premier rang desquels des classes surchargées, des locaux dégradés
et parfois vétustes, un manque endémique d'encadrement. Les lycéens n'ont pas
mis en cause leurs professeurs, ils ont plutôt souhaité qu'ils soient plus
nombreux.
On s'aperçoit que les personnels de toutes catégories - personnels
enseignants, personnels de surveillance, personnels ingénieurs, administratifs,
techniciens, ouvriers, de service et de santé - font cruellement défaut à notre
système éducatif, en particulier dans les lycées.
L'idée, à première vue intéressante, de la mise en oeuvre d'une commission
d'enquête sur la situation et la gestion des personnels enseignants et non
enseignants pourrait, dès lors, paraître parfaitement opportune et adaptée si
nous étions assurés de la nature des objectifs visés. Mais comment l'être quand
on sait que les auteurs de cette proposition de résolution se proposaient,
voilà quelques mois à peine, de supprimer quelque 5 000 postes d'enseignant
?
Outre le fait que créer une commission d'enquête - pourquoi ne pas mettre en
place une mission d'information ? - pourrait légitimement faire accroire à
l'opinion que les créations de postes d'enseignants et de non-enseignants sont
mal utilisées, nous sommes surpris que l'on pose ainsi une question à laquelle,
nous en sommes certains, les services du ministère de l'éducation nationale
pourraient répondre.
A moins que l'on ne soupçonne chez ces derniers une volonté d'opacité, ce qui,
de la part de parlementaires proches de l'ancien ministre de l'éducation
nationale, dépasserait notre entendement...
Les motivations des choix qui ont présidé à la rédaction de la proposition de
résolution visant à créer cette commission d'enquête sont, selon nous, à
rechercher ailleurs, et moins dans l'observation de la situation des personnels
de l'éducation nationale que dans les choix de gestion.
Cette attitude détermine, parmi les membres du groupe communiste républicain
et citoyen, plus encore qu'une extrême circonspection : un rejet de principe
tenant au bien-fondé même de la démarche.
Depuis de nombreuses années se multiplient les déclarations, lois, décrets et
circulaires mettant en avant la nécessité, affichée comme un principe, de
déconcentrer l'éducation nationale. Ce n'est donc pas sans arrière-pensées que
cette proposition de résolution nous est soumise... à point nommé, serais-je
tenté de dire.
De fait, comment évoquer la question du niveau de gestion des fonctionnaires
de l'éducation nationale - qui sous-tend très largement cette initiative
parlementaire - sans renvoyer aux principes et aux missions de service public,
qui, loin d'être vieillis, voire archaïques, sont au contraire au coeur de la
modernité ? Il convient, selon nous, de renoncer à tout
a priori
en
matière de gestion.
L'intérêt pour le service public et ses usagers, en l'occurrence les élèves et
leurs parents, est partagé par l'ensemble de la communauté éducative. Il n'est
pas l'apanage de la seule hiérarchie éducative, et pas davantage celui de
quelques dogmatiques.
L'école de Jules Ferry, à laquelle nous sommes attachés et qui a pu, un temps,
promouvoir un type de gestion plutôt qu'un autre, était fort différente de ce
qu'est, aujourd'hui, l'éducation nationale, qu'il s'agisse des missions ou du
nombre des usagers.
Ainsi, la gestion déconcentrée des corps des instituteurs et des professeurs
des écoles ne peut être transposée sans dommage aux enseignants du second
degré, et ce pour des raisons évidentes : pluridisciplinarité, organisation
différente du travail et de la journée scolaire, etc. Il y va de l'intérêt des
élèves et des personnels, de l'idée républicaine qui fonde notre système
éducatif et qui appelle distance, sérénité et équité. Les dogmes de la gestion
au moindre coût ne sauraient à nos yeux pleinement satisfaire à l'exigence d'un
système éducatif garant de la réussite de tous.
La politique menée jusqu'alors en matière de déconcentration aurait été mieux
inspirée si elle avait été fondée sur une connaissance du terrain plutôt que
sur des choix de principe guidés par la pensée unique et la gestion de
l'austérité. Les tenants de cette politique ont préféré, pour des raisons
évidentes de gestion et par terreur devant une certaine conception de
l'économique, le redéploiement et la réduction du nombre des postes à la
création d'emplois et au renforcement des équipes éducatives.
Cependant, des exigences partagées par tous ont été posées par les lycéens.
Plutôt que de chercher ce qui divise et d'entraver la nécessaire mise en oeuvre
d'un système éducatif efficace, nous devrions avoir à coeur de placer au centre
de celui-ci, non seulement les élèves, mais aussi chacun des intervenants, et
entendre ce qui nous est dit.
Par exemple, des mesures urgentes doivent être prises afin de parvenir à un
taux d'encadrement satisfaisant et de limiter les effectifs à vingt-cinq élèves
par classe. Il convient également de renforcer et de multiplier les structures
permettant aux lycéens et à l'ensemble des acteurs de la communauté éducative
d'avoir des droits réels répondant aux exigences d'un enseignement moderne.
Mes chers collègues, abordons ces exigences de front et tâchons de répondre
aux attentes.
S'intéresser à l'éducation nationale en se contentant de présenter les
enseignants comme responsables des difficultés ou fautifs, c'est refuser
d'aborder les problèmes sur le fond et d'y apporter des solutions.
On va chercher des boucs émissaires...
M. Alain Gournac.
Pas du tout !
M. Robert Bret.
Mais si !
M. Ivan Renar.
... en s'appuyant sur les dysfonctionnements constatés çà et là pour en tirer
des leçons générales. Voyez comment nous-mêmes nous réagissons quand on
assimile Parlement et absentéisme ! Ou alors mettons en place une mission
d'information !
Le sort réservé à la jeunesse est injuste. Cela devrait être formidable
d'avoir vingt ans en l'an 2000 ! Or la réalité, c'est l'angoisse de l'avenir,
la peur du chômage, l'incertitude des débouchés à la sortie du lycée,
l'impossibilité matérielle de vivre sa vie.
Malgré tout cela, dans des conditions souvent difficiles, parfois dramatiques,
les enseignants doivent assumer leur mission : instruire, apporter des
connaissances, fixer quelques repères, ouvrir l'esprit... Chaque enseignant est
seul dans sa classe. Il faut le soutenir et l'encourager au lieu de le
déstabiliser encore plus.
M. Robert Bret.
Très bien !
M. Ivan Renar.
Soutenir, ce n'est pas tout accepter ou tout tolérer quand des
dysfonctionnements existent, c'est créer les meilleures conditions possible
pour que les enseignants puissent exercer ce métier passionnant mais
difficile.
Les lycéens ont manifesté non pas contre les professeurs, mais pour que
ceux-ci soient plus nombreux. Accepter le débat réducteur que nous proposent
les auteurs de la proposition de résolution, M. le président de la commission
des affaires culturelles et MM. les rapporteurs, c'est passer totalement à côté
de toutes les questions de fond posées par le mouvement des lycéens.
On ne peut que regretter que la création d'une commission d'enquête soit
demandée alors que le terrain a déjà été balisé par de trop nombreuses
déclarations péremptoires...
M. Alain Gournac.
Du ministre !
M. Ivan Renar.
... sur le statut des enseignants, l'absentéisme, les salaires ou les heures
supplémentaires.
Le devoir de l'Etat républicain, c'est d'abord de défendre et d'estimer ceux
qui le servent.
M. Alain Gournac.
Les estime-t-il beaucoup ?
M. Ivan Renar.
Que vous le vouliez ou non, créer une commission d'enquête, c'est installer le
doute, la suspicion, et c'est tout le corps enseignant qui se retrouve en
quelque sorte mis en examen.
M. Jean Arthuis.
Mais non !
MM. Alain Gournac et Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Pas du tout !
M. Ivan Renar.
La République a le devoir et la mission de protéger ses fonctionnaires. La
commission d'enquête, dans sa forme actuelle, risque de jeter l'anathème sur
une profession qui n'a été que trop décriée,...
M. Jean Arthuis.
Mais non !
M. Jacques Machet.
Au contraire !
M. Jacques Legendre.
C'est un procès d'intention !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Assumez !
M. Ivan Renar.
... alors qu'elle devrait être davantage écoutée.
Les parents que nous sommes tous connaissent la difficulté d'élever des
enfants à notre époque. Qu'en est-il quand il s'agit d'en accueillir plus de
trente-cinq dans une classe ?
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la proposition de résolution qui
est soumise à la Haute Assemblée.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, mes chers collègues, par-delà les problèmes de robinets
qui fuient ou les portes qui claquent, le mouvement actuel des lycéens
cristallise les dysfonctionnements de l'administration de l'éducation
nationale. Il démontre l'incapacité de celle-ci à gérer les effectifs
enseignants et à adapter les affectations aux besoins.
En effet, la dénonciation par les lycéens du manque de professeurs intervient
alors que l'on dénombre 65 000 élèves de moins cette année que l'année
précédente, dont 10 000 lycéens. C'est dire si la gestion du système atteint la
limite du supportable.
Cette carence ne tient nullement à une quelconque insuffisance des moyens
financiers consacrés à l'éducation dans notre pays, loin de là. En effet, la
France est l'un de ceux qui dépensent le plus en ce domaine.
Depuis 1975, les crédits de l'éducation nationale ont ainsi doublé en francs
constants ; ils représentent aujourd'hui le quart du budget de l'Etat. La
dépense globale d'éducation a augmenté de près de 150 milliards de francs entre
1990 et 1995, passant de 445 milliards de francs à 588 milliards de francs.
Dans le même temps, l'enseignement secondaire a été doté de 40 000 enseignants
supplémentaires.
Notre pays, je l'ai déjà dit maintes fois à cette tribune, consacre plus de 10
000 francs par an et par habitant à l'éducation de ses enfants. Ce chiffre nous
place au-dessus de la moyenne européenne.
Cela n'aurait rien de choquant si les résultats, notamment en matière
d'insertion sociale et économique, étaient d'un meilleur niveau.
Cette situation explique que l'on compte, selon les chiffres de M. le
ministre, un enseignant pour douze élèves dans le secondaire. En tenant compte
des durées de présence différentes des enseignants et des élèves au sein des
établissements, on atteint une moyenne de un professeur pour vingt ou vingt et
un élèves. Comment expliquer alors que certaines classes regroupent parfois
plus de trente-cinq élèves ? La conclusion s'impose : ce ne sont pas les moyens
qui font défaut, c'est la mauvaise utilisation de ceux-ci qui est en cause.
Tel est d'ailleurs l'avis de nos concitoyens. Un sondage CSA révèle ainsi que
52 % des Français pensent que les difficultés que connaît notre système
éducatif sont dues à une mauvaise utilisation des moyens actuels, tandis que 34
% d'entre eux les attribuent à un manque de moyens. Ils estiment, dans la même
proportion, que, dans l'ensemble, la qualité du système éducatif s'est plutôt
détériorée.
Tout cela est connu. Et pourtant M. Allègre vient de décider, pour faire face
à la crise lycéenne, d'augmenter une nouvelle fois le budget et de recruter 3
000 surveillants, 10 000 emplois-jeunes et 1 000 appelés du contingent.
Quelques milliards de francs de plus ne changeront pas fondamentalement la
situation. Vous le savez comme moi, le véritable problème est ailleurs : dans
l'hypercentralisation d'un système conçu à l'origine pour 40 000 fonctionnaires
et qui en compte aujourd'hui plus de 1 400 000.
Ce système, dans lequel la décision est souvent prise trop loin de l'action,
est aujourd'hui englué dans des procédures et des cloisonnements
bureaucratiques, sources de dysfonctionnements et de gabegie. Le poids des
corporatismes et la peur de perdre les prérogatives dont on dispose sont un
obstacle à la déconcentration, comme ils sont un frein aux réformes les plus
évidentes.
Il est vrai que le système a atteint une telle opacité qu'il est devenu
impossible de le réformer sans une enquête préalable et approfondie sur son
fonctionnement. On ne réforme bien que ce que l'on connaît bien. Or nous nous
heurtons à un manque de lisibilité dans la gestion des personnels
enseignants.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jean-Claude Carle.
Le Parlement n'a aucun moyen de contrôler le nombre des affectations réelles
en postes et leur répartition ; il ne connaît globalement que des lignes
budgétaires affectées sans ventilation. Les motifs de la différence permanente
que l'on constate entre les emplois et les postes restent ainsi mystérieux. Or,
je le répète, il s'agit de la première ligne budgétaire de la nation.
C'est pourquoi la création de cette commission d'enquête s'impose. Elle
permettra de connaître la répartition réelle par région et par établissement
des enseignants, leurs modes de nomination, de mutation et d'affectation, leurs
mises à disposition et les mécanismes de pouvoir réel dans la gestion des
personnels.
Cette enquête fournira une base solide pour élaborer les réformes nécessaires.
La formation et l'éducation sont les investissements les plus précieux que la
nation puisse offrir à ses enfants. Dans le contexte économique et social
actuel, ces investissements n'ont peut-être pas de prix mais, comme toute
chose, ils ont un coût. Il est de notre devoir, comme représentants du peuple,
de nous assurer de la pérennité et de l'optimisation de ces investissements.
C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants votera, bien sûr,
cette proposition de résolution.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Je voudrais, au nom du groupe de l'Union centriste, confirmer notre soutien à
cette proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête.
Je voudrais dire à M. Carle que ses propos m'ont beaucoup surpris. Il faut
cesser de considérer la mission de contrôle comme un acte de suspicion.
M. le président.
Monsieur Arthuis, vous voulez sans doute parler de M. Renar ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non, il parlait bien de M. Carle !
M. Jean Arthuis.
Monsieur le président, je m'adressais effectivement à M. Renar. Je sais que M.
Carle partage notre préoccupation.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Carle a été très excessif !
M. Jean Arthuis.
La mission de contrôle du Parlement est peut-être plus importante encore que
sa mission législative. Aux termes de nos institutions, c'est en effet
essentiellement le Gouvernement qui élabore la loi. Certes, nous améliorons les
textes, en particulier dans cette enceinte, mais notre mission irremplaçable,
c'est le contrôle. Dans une démocratie, le Parlement exerce son contrôle.
Aujourd'hui, nous voulons aider le Gouvernement à mieux appréhender la
situation des personnels qui dépendent du ministère de l'éducation nationale,
ou du ministère de l'agriculture puisqu'il existe des lycées agricoles au sein
desquels les problèmes de gestion des effectifs se posent aussi avec beaucoup
d'acuité.
Il n'y a donc, de notre part, aucune suspicion. Loin de moi l'idée de porter
un regard accusateur sur telle ou telle catégorie de personnels, qu'il s'agisse
des enseignants ou des non-enseignants.
Ce que nous voulons, c'est aider à la transparence, pour donner une image
fidèle des effectifs. A l'heure actuelle - et cela imprègne la plupart des
discours et des commentaires - on ne sait pas ce qu'il en est, comme si les
pouvoirs publics n'étaient pas capables d'appréhender la situation.
Aujourd'hui, c'est le centralisme à l'état pur. Les effectifs sont gérés par un
énorme ordinateur situé à Montrouge.
Nous voulons aider le Gouvernement à sortir de cette situation qui ne permet
pas d'affecter équitablement les personnels, comme le montrent bien les
manifestations des lycéens.
Alors, de grâce, cessons de laisser accroire qu'il y aurait de notre part je
ne sais quelle intention accusatrice. Nous voulons simplement user de nos
prérogatives et accomplir notre devoir de parlementaires.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Cela étant dit, si M. le président de la commission des affaires
culturelles n'y voit pas d'inconvénient, je demande, monsieur le président, une
suspension de séance d'une dizaine de minutes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous avez pourtant eu le temps de vous concerter !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, si M. Arthuis ne l'avait pas fait, j'aurais moi-même demandé une
suspension de séance. Il s'agit en effet d'un sujet très important.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tu parles !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Nous nous sommes
concertés...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous avez même cosigné le texte !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
C'est vrai, mais
compte tenu de l'ampleur du sujet et du montant - important - des crédits
concernés, il est essentiel, vous en conviendrez, de bien définir l'objet de la
commission d'enquête. C'est ce qui justifie la demande de suspension de
séance.
M. le président.
Le Sénat va, bien sûr, accéder à cette demande.
Je rappelle que nous avons à examiner un article unique, sur lequel je suis
saisi de deux amendements présentés par M. Arthuis.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à midi.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion des conclusions du rapport, fait au nom de la
commission des affaires culturelles, sur la proposition de résolution visant à
créer une commission d'enquête sur la situation et la gestion des personnels
enseignants et non enseignants de l'éducation nationale.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Conformément à l'article 11 du règlement du Sénat
et à l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires, il est créé une commission
d'enquête de vingt et un membres chargée d'examiner la situation et la gestion
des personnels enseignants et non enseignants des écoles, des collèges et des
lycées et notamment les conditions dans lesquelles, quel que soit leur statut,
ceux-ci sont recrutés, affectés dans les écoles, les académies et les
établissements, remplacés en cas d'absence de toute nature, mis à disposition
d'administrations ou d'organismes relevant ou non de l'éducation nationale, ou
restent inemployés tout en percevant leur traitement.
« Elle sera également chargée de formuler des propositions destinées à
améliorer la gestion de ces personnels et de mieux adapter les moyens en
personnels de l'enseignement du premier et du second degré aux besoins des
écoles, des collèges et des lycées. »
Sur l'article unique, je suis saisi de deux amendements, présentés par M.
Arthuis.
L'amendement n° 1 rectifié tend, dans le premier alinéa de l'article unique, à
remplacer les mots : « des écoles, des collèges et des lycées » par les mots :
« relevant du ministère de l'éducation nationale et du ministère de
l'agriculture ».
L'amendement n° 2 rectifié vise, dans le second alinéa de l'article unique, à
supprimer les mots : « de l'enseignement du premier et du second degré aux
besoins des écoles, des collèges et des lycées ».
La parole est à M. Arthuis, pour défendre ces deux amendements.
M. Jean Arthuis.
Monsieur le président, nous entendons, sans aucune suspicion, aider à
l'appréhension de la situation des effectifs des ministères de l'éducation
nationale et de l'agriculture, pour la fonction enseignante. En effet, dans les
départements, des lycées professionnels agricoles sont confrontés à des
problèmes extrêmement aigus de remplacement de professeurs.
L'appréhension des problèmes des enseignements primaire, secondaire et
supérieur paraît une tâche difficile à assumer dans de bonnes conditions dans
le délai de six mois imparti à une commission d'enquête pour conduire ses
investigations.
Par conséquent, nous sommes convenus, en accord avec la commission, de
restreindre le champ de cette enquête aux enseignements primaire et
secondaire.
Mais nous voulons également pouvoir accéder aux services centraux ainsi qu'aux
services extérieurs,...
MM. Alain Gournac et Jacques Legendre.
Tout à fait !
M. Jean Arthuis.
... et ce au niveau aussi bien du rectorat que des inspections académiques.
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Jean Arthuis.
Nous ne souhaitons nullement remettre en question le statut des chercheurs et
des professeurs de l'enseignement supérieur ! Nous voulons simplement avoir la
photographie, en quelque sorte, des effectifs réels de l'éducation nationale,
ainsi que de ceux du ministère de l'agriculture, pour la fonction
enseignante.
Je retire donc les amendements n°s 1 rectifié et 2 rectifié et dépose un
amendement tendant, après les mots : « les personnels enseignants et non
enseignants des écoles, des collèges et des lycées », à ajouter les mots : «
ainsi que de ceux des services centraux et extérieurs des ministères de
l'éducation nationale et de l'agriculture, pour l'enseignement agricole ».
M. le président.
Les amendements n°s 1 rectifié et 2 rectifié sont retirés.
Par ailleurs, je suis saisi, par M. Arthuis, d'un amendement n° 3, tendant,
dans le premier alinéa de l'article unique, après les mots : « et des lycées »,
à insérer les mots : « ainsi que de ceux des services centraux et extérieurs
des ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture, pour
l'enseignement agricole ».
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
La commission avait
proposé une autre rédaction qui - je le précise pour que les choses soient très
claires - concernait les personnels enseignants et non enseignants des écoles,
des collèges et des lycées.
Il est vrai que l'organisation des services extérieurs et des services
centraux mérite également examen. D'ailleurs, les dispositifs de gestion des
personnels influent, c'est évident, sur l'organisation tant des services
extérieurs que des services centraux. Il me semble donc que l'amendement n° 3
apporte un utile complément.
Je dois cependant à la vérité de dire que la commission n'a évidemment pas
examiné le texte proposé par M. Arthuis. C'est donc à titre personnel que
j'exprimerai un avis favorable sur cet amendement.
Et, puisque j'ai la parole, j'aimerais, si vous me le permettez, monsieur le
président, répéter ce qui a été dit tout à l'heure : loin de nous l'idée de
jeter je ne sais quelle suspicion sur je ne sais quelle catégorie de personnes
!
MM. Jean Arthuis et Jacques Machet.
Très bien !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Il ne s'agit pas de
cela !
M. Jean Arthuis.
Bien sûr !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Mais comment le
Parlement pourrait-il renoncer à y voir clair quand il s'agit de sommes aussi
considérables ? Ce sont en effet près de 300 milliards de francs qui sont
alloués aux enseignements élémentaires et secondaires,...
MM. Jean Arthuis et Alain Gournac.
Bien sûr !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
... alors que les
universités ne disposent, elles, que d'un budget de 52 milliards de francs.
Cette proposition de résolution ne vise pas les personnels de l'enseignement
supérieur. Mais, nous le savons, certains personnels sont à la charnière de
l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur.
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Je pense en
particulier aux professeurs agrégés, qui sont des enseignants du second degré
détachés dans l'université. Ils entrent dans le champ des investigations
futures de la commission d'enquête,...
M. Jacques Legendre.
Bien entendu !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
... et c'est
d'ailleurs ainsi que la commission des affaires culturelles l'a entendu. Je
tiens à le redire pour que tout cela soit très clair, et M. le rapporteur
pourrait encore le confirmer.
Je veux revenir sur l'esprit dans lequel la création de cette commission
d'enquête est proposée : il s'agit, de la part du Parlement, et
particulièrement de notre assemblée, non pas d'une démarche impliquant une
quelconque suspicion, mais simplement du plein exercice de ses prérogatives de
contrôle...
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
... dans le budget
le plus considérable de la nation.
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Adrien Bouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
Quoi de plus normal
!
Je suis d'ailleurs persuadé que les situations que nous allons examiner feront
ressortir, d'une part, l'extrême dévouement du personnel dont nous étudierons
les conditions de nomination et de travail et, d'autre part, quelques
difficultés qui résultent précisément du mode de gestion en vigueur.
Je ne vois donc pas ce que pourrait avoir de gênant, et encore moins
d'infamant, pour ces personnels, le déroulement de cette commission
d'enquête.
J'ai eu l'occasion de dire que ce que nous constaterons est le résultat
presque de l'histoire.
Il ne s'agit d'ailleurs pas de juger ici l'action de tel ou tel ministre ; il
s'agit d'examiner une situation et de faire en sorte que, lorsque nous votons
des crédits, nous les fassions en toute connaissance de cause.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
J'ajoute que, au
moment où l'on parle de réformes et de la nécessité de faire évoluer un certain
nombre de choses, nous pouvons émettre le souhait que cette commission
d'enquête y contribue. Je suis d'ailleurs sûr que ce sera le cas.
(Très bien
! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Monsieur le président, mes chers collègues, vous ne vous étonnerez pas que je
vote cet amendement ! Il est bien entendu que nous voulons y voir clair et que
nous sentons la nécessité de réformes. Et comment peut-on réformer si l'on n'a
pas une image fidèle de la situation ?
Nous voulons sortir de cette culture d'opacité qui a tant nui au bon
fonctionnement de l'Etat de de ses services. Nous sommes face, ici, à des
crédits considérables et à une oeuvre essentielle, puisqu'il s'agit de préparer
la jeunesse française. Il n'y a donc aucune suspicion de notre part ; nous
entendons simplement exercer la mission du Parlement, et tout spécialemement,
du Sénat.
Si ce texte est adopté, nous aurons la possibilité de prendre connaissance de
la situation des effectifs, tant dans les services centraux que dans les
services extérieurs, des ministères de l'éducation nationale et de
l'agriculture.
S'agissant de l'enseignement supérieur, il faudra sans doute, puisqu'il n'y a
pas de suspicion de notre part, qu'une deuxième commission d'enquête soit
constituée pour prendre le relais et pour mener à son terme l'oeuvre que nous
allons ainsi entreprendre.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean Arthuis.
Nous voulons nous mettre au service de la transparence, par respect pour nos
concitoyens.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
J'ai bien entendu le message que viennent de nous délivrer M. Adrien
Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles, et M. Jean
Arthuis, président du groupe centriste, mais je ne suis pas convaincu pour
autant.
A certains moments de notre histoire, des termes ou des actions peuvent faire
mal. Tel est le cas des mots : « commission d'enquête ». Ils font mal, que vous
le vouliez ou non !
Je ne remets nullement en cause le contrôle du Parlement ; j'indique
simplement que, en l'occurrence, une mission d'information était suffisante.
La commission d'enquête porte sur les personnels et non pas sur l'ensemble de
l'activité du ministère de l'éducation nationale. Je suis bien évidemment
favorable à la transparence, mais, dans la situation actuelle, que vous le
vouliez ou non, mes chers collègues, les enseignants ressentiront la démarche
du Sénat comme une agression.
(Exclamations sur les travées de l'Union
centriste.)
M. Joël Bourdin.
Les syndicats !
M. Ivan Renar.
Non, je parle des personnels dans leur majorité. Je ne suis la courroie de
transmission d'aucun syndicat ; je parle des personnels, et j'en connais
beaucoup. Vous savez bien quelle est leur sensibilité actuellement du fait des
événements difficiles que traverse le système de formation de notre pays.
Je maintiens donc l'opposition du groupe communiste républicain et citoyen à
la proposition de résolution qui nous est proposée.
(Applaudissements sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, je souhaitais expliquer le vote du groupe socialiste
sur l'ensemble du texte, mais, puisque nous sommes maintenant saisis d'un
nouvel amendement... après le retrait d'un autre amendement... qui avait
d'ailleurs lui-même été rectifié... la présente intervention sur ledit
amendement vaudra aussi pour l'ensemble de la proposition de résolution.
Contrôle de la part du Parlement ? Oui ! Commission d'enquête ? Pourquoi pas !
Nous demandons même depuis toujours que les minorités aient la possibilité de
demander de telles commissions d'enquêtes. Mais il est évident qu'il y a ici un
aspect politique, que les présidents Arthuis et Gouteyron s'efforcent de
gommer.
M. Jean Arthuis.
Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
S'ils jugent utile de s'exprimer ainsi, c'est parce que, au sein même de leurs
troupes, il y a de tels excès que leur intervention est nécessaire.
M. Dominique Braye.
Quels excès ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Lorsque, tout à l'heure, le président Arthuis a cité M. Carle, j'ai cru
véritablement que c'était à lui qu'il s'adressait, qu'il l'avait trouvé si
excessif qu'il voulait expliquer, à lui personnellement, à d'autres membres de
la majorité et à l'ensemble de nos collègues qu'il n'y avait ni suspicion ni
critique particulière, mais simplement recherche d'une solution pour améliorer
la situation.
En vérité, c'est beaucoup plus compliqué ! Voilà une proposition qui a été
déposée il y a plus de quinze jours. Par qui ? Par les présidents Arthuis,
Cabanel, de Raincourt et de Rohan et par le président Gouteyron, c'est-à-dire
par les quatre présidents des groupes de la majorité et par le président de la
commission des affaires culturelles, qui appartient, lui aussi, à cette
majorité. Ce texte est alors venu devant la commission des affaires culturelles
- dont font partie, d'ailleurs, aussi bien votre serviteur que le président
Arthuis - et l'on attend la séance de ce matin pour nous présenter des
amendements. On rectifie ensuite ces amendements, puis on demande une
suspension de séance d'un quart d'heure, qui se prolonge vingt-cinq minutes.
Je sais bien que l'union est un combat, mais tout de même, avouez que cela
fait un peu désordre !
(Protestations sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye.
Vous en savez quelque chose !
M. Jean-Claude Carle.
Vous parlez d'expérience !
M. Alain Gournac.
Oui : la gauche plurielle !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vos protestations démontrent bien que nous avons ici touché juste.
M. Ivan Renar.
C'est vrai !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela étant, deux choses doivent être dites.
Tout d'abord, le ministre de l'éducation fait un travail considérable.
M. Alain Gournac.
Nous allons l'aider !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A cet égard, je remercie le président Gouteyron - et lui seul - d'avoir
souligné, tant en commission que dans cet hémicycle, qu'il fallait prendre en
considération non seulement la situation actuelle mais aussi la manière dont
nous sommes parvenus à cette situation.
(M. Alain Gournac opine).
Il est vrai que le budget de l'éducation nationale est beaucoup plus
important qu'auparavant, il est vrai qu'il y a beaucoup plus d'étudiants et de
lycéens, il est vrai que cela coûte plus cher et qu'il faut donc plus
d'argent.
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas vrai !
M. Alain Gournac.
Il y a moins d'élèves !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais, si les gouvernements que vous avez soutenus les uns après les autres
avaient fait le même effort que les gouvernements de gauche, nous ne
connaîtrions pas la situation que nous connaissons à l'heure actuelle !
M. Jacques Legendre.
C'est de la politique, cela !
M. Alain Gournac.
Oui, de la politique politicienne !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie, laissez M. Dreyfus-Schmidt achever son
explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je vais terminer dans un instant, monsieur le président.
Je note en tout cas - ce sera ma seconde observation - que la majorité, après
sa dernière réunion de concertation, renonce à s'occuper des enseignants - et
de la manière dont ils sont gérés - du ministère de l'agriculture...
MM. Jean-Claude Carle et Joël Bourdin.
Pas du tout !
M. Michel Dreyfus-Schmidt...
puisque, en ce qui concerne ce ministère, seuls sont visés les services
centraux et extérieurs.
(Non ! sur les travées du RPR.)
Mais je note aussi que personne n'a exclu - car il est implicitement
compris dans le titre de la proposition de résolution - l'enseignement privé,
en particulier l'enseignement privé sous contrat, qui fait partie de
l'éducation nationale. Il sera en effet intéressant de savoir si les classes y
sont aussi chargées et si tous les enseignants y ont la qualité qu'ils sont
censés avoir.
M. Jean-Claude Carle.
Suspicion !
M. Jean Chérioux.
Nous verrons les résultats ! Ils seront intéressants !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est pourquoi, en définitive, parce que nous sommes pour le contrôle, mais
parce que, d'un autre côté, vous faites une opération que nous regrettons dans
la mesure où elle est parfaitement partisane, le groupe socialiste ne prendra
pas part au vote.
M. Jacques Legendre
C'est de la casuistique !
M. Dominique Braye.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, mes chers collègues, je ne suis pas un professionnel de
l'enseignement, je donnerai donc le point de vue de Candide.
Je tiens à remercier M. Gouteyron pour les paroles qu'il a prononcées et
revenir sur deux points.
Sur le premier, j'irai un peu plus loin que lui en disant que non seulement il
me semble normal que nous diligentions une commission d'enquête, mais encore
que le Parlement faillirait grandement à sa principale mission - cette mission
de contrôle que rappelait M. Arthuis - en n'allant pas explorer les arcanes du
principal budget de l'Etat.
Le second point que je souhaite aborder concerne l'intervention de notre
collègue M. Renar, et je prie le président de séance de m'en excuser car je
sais que les interpellations de collègue à collègue ne sont pas autorisées dans
cet hémicycle.
Manifestement, mon cher collègue, il n'est pas « politiquement correct »,
comme on a coutume de dire aujourd'hui, de pointer ainsi le doigt, comme vous
l'avez fait, sur certaines catégories de personnes, les enseignants en
l'occurrence. Ce n'était nullement l'intention de la commission, ni celle du
Sénat. Il faut éviter ce genre de comportement démagogique, qui n'a d'autre
justification que de ne pas se mettre à dos telle ou telle catégorie de la
population.
Certes, les enseignants sont un peu comme les politiques, ils ont quelquefois,
dans la nation, une image négative, mais cette image est due à une minorité
d'entre eux. Le fait de remédier à certains errements qui sont dus à une
minorité d'enseignants ne peut aller que dans le bon sens ! C'est pourquoi je
voterai l'amendement que nous propose la commission.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, mes chers collègues, certains suggéraient la création
d'une mission d'information. Mais ces missions n'ont pas les mêmes pouvoirs que
les commissions d'enquête !
Naguère, existaient des commissions d'enquête et des commissions de contrôle,
que l'on a voulu fondre dans un seul moule pour leur permettre, précisément,
d'exercer les pouvoirs d'investigation que n'ont pas les missions
d'information. Si ces dernières avaient de tels pouvoirs, nous le saurions,
parce que de nombreuses missions d'information ont été ces dernières années
mises en place. C'est donc un mauvais procès que l'on nous fait.
Cela étant, il est bien normal que le Parlement exerce effectivement son
contrôle sur les services publics, et non pas d'ailleurs uniquement sur les
seuls personnels de l'éducation nationale : d'autres grands ministères
pourraient ainsi faire l'objet de commissions d'enquête équivalentes. Après
avoir enquêté dans un tel ou tel secteur, peut-être devrons-nous d'ailleurs
essayer de savoir où sont affectés les personnels ! Je crois en effet que c'est
vraiment indispensable.
Mais de telles investigations ne sont pas du tout dirigées contre les
enseignants ! Elles ne pourront qu'aider un ministre qui fait souvent des
déclarations pertinentes dans le domaine de la gestion des personnels. On
s'apercevra alors sans doute que nous aurons contribuer à améliorer le
fonctionnement de l'éducation nationale ainsi que la vie des personnels,
monsieur Renar ! En effet, l'opacité a pour conséquence que bien des personnels
sont peu satisfaits de la manière dont ils sont gérés.
(Très bien ! sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
La commission d'enquête dont nous proposons la création devrait contribuer
considérablement à l'amélioration de la situation des personnels et, même si
cela risquait d'ôter quelques privilèges à certains, je dirais : « Tant mieux !
»
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'article unique de la proposition de
résolution.
M. Ivan Renar.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le groupe socialiste ne prend pas part au vote.
(La résolution est adoptée.)
Intitulé
M. le président.
Monsieur le président de la commission, après ce vote, n'y a-t-il pas lieu de
rectifier l'intitulé de la résolution ?
M. Adrien Gouteyron,
président de la commission des affaires culturelles.
En effet, monsieur
le président, il convient de mettre le titre en conformité avec le texte de la
résolution.
Par conséquent, la commission propose l'intitulé suivant : « Proposition de
résolution visant à créer une commission d'enquête sur la situation et la
gestion des personnels des écoles et des établissements d'enseignement du
second degré ainsi que de ceux des services centraux et extérieurs des
ministères de l'éducation nationale et de l'agriculture, pour l'enseignement
agricole. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est un titre à la Mark Twain !
M. le président.
Sur la proposition faite par la commission, il n'y a pas d'opposition ?...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Sur l'intitulé,
a priori
, nous devrions pouvoir nous mettre
d'accord.
Je dois toutefois noter que la majorité sénatoriale me semble très sévère à
l'égard des rapporteurs spéciaux de la commission des finances pour les budgets
de l'éducation nationale, qui ont le droit de vérifier sur pièces et sur
place...
M. Ivan Renar.
Et à tout moment !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... et à tout moment, en effet, la gestion et la situation des personnels.
Pour en revenir à l'intitulé même, il n'y a pas longtemps que je suis membre
de la commission des affaires culturelles, mais, en tant que tel, je ne peux
pas voter un pareil titre !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
En conséquence, l'intitulé de la résolution est ainsi rédigé.
Je vous propose de procéder à la nomination des membres de la commission
d'enquête que nous venons de créer le mercredi 18 novembre 1998, à quinze
heures.
Les candidatures devront être déposées par les présidents de groupe et le
délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe auprès du service
des commissions avant le mardi 17 novembre 1998, à dix-sept heures.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant
épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze
heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures,
sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La séance est reprise.3
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que, conformément à la règle posée par la conférence des
présidents, l'auteur de la question et le ministre qui répond disposent chacun
de deux minutes et demie.
Chaque intervenant aura à coeur, j'en suis convaincu, de respecter le temps
imparti, afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent
bénéficier de la retransmission télévisée.
Je remercie par avance chacun de ce comportement fait d'élégance et de
courtoisie envers l'autre.
CRISE DE LA PRODUCTION PORCINE
M. le président.
La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
La production porcine française est aujourd'hui dans la tourmente d'une crise
grave et douloureuse.
Une crise grave, car l'Europe vit une période de surproduction. Les cours les
plus bas ont été enregistrés depuis la création du marché au Cadran de Plérin,
qui, vous le savez, est le marché de référence. Ces cours sont aujourd'hui à
moins de 5,20 francs, c'est-à-dire à plus de 4 francs en dessous du seuil de
rentabilité. Pis encore, on annonce que le seuil des 5 francs pourrait être
franchi dans les semaines à venir.
Une crise douloureuse, car sont affectés non seulement les jeunes producteurs
et les récents investisseurs mais aussi, et surtout, l'ensemble de la filière
porcine française. Sur l'ensemble de la Bretagne, près de 40 % des 8 000
éleveurs risquent la cessation d'activité, et la perte financière, sur un an,
est estimée aujourd'hui à 3,2 milliards de francs.
Face à l'ampleur de cette crise, l'action du Gouvernement est inadaptée.
L'urgence, aujourd'hui, c'est la mise en oeuvre d'une politique axée sur la
gestion du marché et le soutien aux éleveurs.
S'agissant de la gestion du marché, il est impératif que les acteurs
économiques européens de la production, de la transformation et de la
distribution puissent définir au plus vite les conditions d'une organisation
maîtrisée du marché et d'une régulation des conditions d'ajustement
quantitative et qualitative de l'offre.
S'agissant du soutien aux éleveurs, un effort doit être mis en oeuvre en
direction des récents investisseurs, avec l'octroi de prêts bonifiés de
trésorerie et le report des échéances sociales et fiscales.
Monsieur le ministre - j'associe à ma question tous les élus de Bretagne, et
tout particulièrement le président de la région, M. Josselin de Rohan, qui suit
ce dossier avec la plus grande attention - quelles dispositions envisagez-vous
pour mettre un terme à cette crise sans précédent et, de façon immédiate,
quelles mesures envisagez-vous de prendre pour permettre aux éleveurs de faire
face à cette période extrêmement difficile, de manière à assurer la pérennité
de leur activité ?
Plusieurs sénateurs socialistes.
C'est long !
!
M. Alain Gérard.
A l'échelon européen, quelles actions allez-vous engager pour défendre avec
détermination l'intérêt de la filière porcine afin, notamment, de faire face à
l'offensive des Etats-Unis et du Canada, dont la volonté délibérée est de
conquérir les marchés mondiaux ?
Il est bien évident que l'enveloppe financière que vous comptez adresser aux
éleveurs les plus touchés ne répondra pas aux attentes de toute une
profession.
Allez-vous défendre le modèle français agricole à Bruxelles, modèle qui a
permis à la France d'être aujourd'hui le deuxième pays exportateur mondial de
produits agricoles ? Pouvez-vous nous indiquer précisément quand et comment
vous envisagez de le faire ?
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Plusieurs sénateurs socialistes.
Trop long !
M. le président.
Mes chers collègues, l'orateur n'a dépassé le temps qui lui était imparti que
de quelques secondes.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, M. Jean
Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, aurait aimé vous répondre
lui-même ; mais, vous le savez, il accompagne M. le Président de la République
à Fontainebleau pour le cinquantième anniversaire de l'Union mondiale pour la
nature. Il m'a donc demandé de vous apporter les réponses attendues. J'ajoute
que, ce matin, lors de son audition devant la commission des affaires
économiques et du Plan de votre assemblée, il a eu l'occasion de faire le point
sur l'état actuel de ce dossier.
La raison de la détérioration des cours en 1998 est connue : c'est la reprise
du cycle de la production communautaire. Cette crise sera donc sévère et
longue, il est inutile de se le cacher.
Le ministre de l'agriculture souhaite, en premier lieu, privilégier les
instruments de gestion communautaire du marché de la viande porcine, tant il
est vrai que cette crise est européenne. C'est pourquoi il a demandé à ses
services de se mobiliser pour que soit mise en oeuvre très rapidement une
opération spéciale d'exportation vers la Russie, qui permettrait de dégager le
marché européen.
Mais, en attendant, il est indispensable d'aider tout spécialement, et en
priorité, les éleveurs les plus fragiles à faire face à la dégradation des
cours.
La gestion de la crise ne doit pas nous faire oublier l'avenir de cette
production. Nous devons aussi réfléchir ensemble sur les moyens d'assurer
durablement la stabilité du marché du porc.
C'est pourquoi le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Jean Glavany, a
reçu, le 3 novembre 1998, une délégation d'éleveurs de porcs de la Fédération
nationale porcine, la FNP, conduite par son président, M. Lemaître.
Le ministre de l'agriculture a réaffirmé, obtenant l'accord de la délégation
de la FNP, la nécessité de continuer à privilégier les outils de gestion
communautaire du marché.
C'est ainsi qu'il s'entretiendra, dès le début de la semaine prochaine, avec
le commissaire européen chargé de l'agriculture, M. Fischler, afin qu'une
opération spéciale d'exportation de viande porcine vers la Russie soit mise en
oeuvre dans les semaines qui viennent. Il rappellera tout particulièrement à la
Commission l'importance qu'il attache à ce que les travaux communautaires
progressent sur les mesures de réduction de l'offre concernant cheptel et
carcasses. La première réunion d'un groupe de travail à Bruxelles est prévue le
4 novembre.
Le ministre de l'agriculture a donc souhaité répondre le plus efficacement
possible à l'inquiétude de nombreux éleveurs qui souffrent de la crise. Il a
ainsi annoncé le déblocage d'une enveloppe supplémentaire de 150 millions de
francs, dégagée en urgence par le Gouvernement et destinée à soulager la
trésorerie des élevages les plus fragiles.
Voilà, monsieur le président,...
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le ministre.
(Murmures sur les travées
socialistes.)
AFFAIRE BUNEL
M. le président.
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense.
Tout le monde connaît l'expression « La grande muette ». Si l'armée française
est ainsi qualifiée, c'est bien parce que, outre ses qualités d'efficacité et
de respectabilité, elle n'a jamais fait preuve d'indiscrétion organisée durant
les moments les plus forts et les plus sensibles de notre histoire.
Toutefois, il est bien évident que l'affaire du commandant Bunel, accusé «
d'intelligence avec une puissance étrangère », nuit à l'image de l'armée et,
plus globalement, à la crédibilité de la France sur la scène internationale.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je m'adresse à vous sur ce sujet, car cet
acte isolé a profondément choqué les Français, et en particulier la communauté
militaire.
Sachant le dossier en cours d'instruction, je comprends qu'une certaine dose
de confidentialité entoure cette question.
J'aimerais simplement connaître les actions que vous envisagez de mener afin
de prémunir notre pays contre ce type d'espionnage, déjà observé,
malheureusement, à six reprises entre 1964 et 1987.
Depuis la création des premières organisations internationales, la France est
l'un des pays qui s'est le plus souvent investi sur les différents théâtres
d'opérations extérieures. Il est d'ailleurs reconnu et respecté à ce titre.
Afin que l'armée ne soit pas injustement soupçonnée en raison d'un acte
marginal et afin que, par ailleurs, soit mis un terme aux rumeurs concernant
l'existence d'une connivence franco-serbe, il serait souhaitable que nous ayons
quelques éclaircissements sur cette affaire regrettable.
(Applaudissements
sur les travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de la
clarté de votre question et de l'esprit de responsabilité avec lequel vous la
posez.
Une enquête interne rapide et concluante a permis, à partir des premiers
indices dont nous disposions, de conclure que le militaire dont vous avez parlé
s'était rendu coupable d'un acte individuel - vous l'avez dit, et c'est exact -
constituant, d'après le dossier dont je dispose, une infraction pénale
caractérisée.
J'ai donc décidé, avec l'assentiment du Premier ministre et du Président de la
République, de saisir la justice en me fondant sur les éléments qui ont été
recueillis par les services de la défense.
En d'autres circonstances, on aurait pu se poser la question de savoir si l'on
réglait l'affaire en famille, comme l'on dit, évitant ainsi certaines
conséquences. Mais je veux appeler votre attention sur le fait que la facture
éthique et politique du règlement « en douce » de ce genre d'affaires est, en
réalité, plus lourde que celle qui s'établit lorsque l'on assume clairement les
responsabilités de l'Etat.
Une divulgation a été constatée à partir du moment où la justice a été saisie.
Elle est regrettable. Je réaffirme cependant ma confiance en l'autorité
judiciaire pour mener, dans cette affaire, une instruction et rendre un
jugement conformes en tout point à nos lois.
Nous avons évalué les conséquences de cette fuite avec les responsables
militaires de l'Alliance et nous avons apprécié ensemble, dès que l'information
a été connue de nous, les précautions qu'il importait de prendre.
Je peux confirmer au Sénat qu'à aucun moment les actes de diffusion qui ont
été accomplis par M. Bunel n'ont mis en péril la faisabilité et la sécurité des
opérations qui avaient été préparées au sein de l'Alliance.
Reste la question des rapports de confiance et de crédibilité entre notre pays
et ses alliés en Europe et dans l'ensemble euro-atlantique.
M. Hubert Védrine a dit, lors d'un point de presse que nous avons tenu en
commun tout à l'heure, que, dans les contacts incessants que nous avions eus
ces jours-ci sur de multiples dossiers avec nos partenaires, aucun élément de
fragilisation ne lui était apparu. J'étais moi-même au contact des quatorze
autres ministres de la défense de l'Union européenne à Vienne, hier matin.
Cette approche s'est confirmée.
Vous aurez sans doute, lors de l'examen du budget de la défense, à constater
que nous nous engageons, avec nos partenaires européens et nos amis américains,
dans un mécanisme de sécurisation de la mission des observateurs du Kosovo qui
confirmera l'étroitesse des rapports de confiance entre tous les alliés.
Cela est dû, je crois, au respect qu'ont acquis nos militaires dans les
opérations récentes où ils se sont trouvés engagés aux côtés de leurs camarades
des armées alliées. Je veux notamment souligner la crédibilité renforcée de nos
éléments des trois armées engagés dans la force commune de Bosnie au cours des
dernières années, l'objectivité et le professionnalisme de nos officiers ayant
été soulignés.
Certes, les mesures de sécurité sont toujours à parfaire - cela fait partie de
nos exigences de rigueur - mais l'objectif d'excellence éthique et
opérationnelle que nous assignons en permanence à nos armées, objectif soutenu
et compris par la représentation nationale - je vous remercie d'en avoir fait
état - est également, je puis vous l'assurer, celui de l'ensemble des officiers
de notre pays. Nous pouvons donc leur faire confiance pour l'atteindre.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
réorganisation de la recherche publique
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
A l'issue d'un conseil interministériel de la recherche scientifique et
technologique réuni le 15 juillet dernier, vous avez retenu, monsieur le
ministre, un certain nombre d'orientations fondamentales pour le devenir de la
recherche publique de notre pays.
Le 10 octobre dernier, un projet de décret était présenté au conseil
d'administration du CNRS, portant « organisation et fonctionnement » de cet
organisme.
Depuis cette date, l'émotion est grande au sein de la communauté scientifique,
qui a décidé ce jour une journée d'action et de mobilisation.
Nous restons, pour ce qui nous concerne, attachés à un pôle de recherche
publique fort, qui a fait et qui continue de faire ses preuves.
Loin d'être frileux quant aux réformes de la recherche publique souhaitées,
nous les souhaitons fondées sur une meilleure articulation entre développement
des connaissances, développement technologique et développement économique au
service de tous.
Sur la forme, enfin, on ne saurait concevoir une transformation efficace de
notre recherche publique pour répondre aux nécessités de la croissance et, dans
le même temps, aux nécessités de la science et de la connaissance elles-mêmes,
sans une mise en oeuvre par tous les acteurs concernés.
Pas plus qu'on ne peut imaginer changer l'école sans les enseignants, comment
pourrait-on réformer la recherche sans les chercheurs ?
Les références aux besoins du développement économique dans une vision de
l'innovation et des réformes à engager centrées uniquement sur le court terme
risqueraient d'aboutir au démantèlement de notre recherche publique sans
véritable gain ni croissance pour notre pays.
Malgré des défauts à corriger, des structures démocratiques comme le Conseil
national de la recherche scientifique ont permis le développement et le
rayonnement de la recherche française.
La remise en cause des structures des laboratoires existants reviendrait à
contester la nécessité d'investir dans le long terme, parfois le très long
terme, ce qui est l'une des caractéristiques majeures de la recherche.
Aussi, avant d'aller plus loin, ne serait-il pas souhaitable, monsieur le
ministre, de prendre le temps d'un examen attentif de notre politique de
recherche ?
Plutôt que des décrets, ne devrait-on pas privilégier une loi d'orientation de
notre politique de recherche ?
Enfin, ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire d'ouvrir dans notre pays un
grand débat démocratique sur les contours d'une politique de recherche à venir,
associant, au sein de coopérations renforcées, l'université, les grands
organismes, le CNRS, la communauté scientifique, l'ensemble de la
représentation nationale, ainsi que les élus de nos régions ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes et sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, je tiens à vous indiquer d'emblée qu'une concertation sur
la réforme du CNRS est menée par le président du conseil d'administration de
cet organisme, conseil d'administration au sein duquel tous les personnels sont
représentés. Partisan de la déconcentration dans tous les secteurs, je ne
souhaite pas que l'on remonte jusqu'au ministre chaque fois qu'un problème se
pose au sein d'un organisme, et j'ai donc chargé le conseil d'administration du
CNRS de procéder à la réforme.
Cela dit, permettez-moi de vous indiquer les quatre objectifs de la
réforme.
Le premier tend à permettre aux jeunes d'accéder à la responsabilité
scientifique, ce qui évitera leur exil aux Etats-Unis, car ils nous reprochent
un système mandarinal.
Le deuxième objectif de la réforme vise à transférer les connaissances et les
chercheurs vers le secteur économique. Cette année, seuls huit chercheurs sur
11 000 sont partis vers l'industrie. Une telle situation ne peut perdurer.
Le troisième objectif est l'ouverture sur l'Europe. Si nous voulons construire
l'Europe - et nous le voulons - des chercheurs européens doivent participer à
la définition de notre politique de recherche.
Le quatrième objectif est de débureaucratiser la recherche.
M. Jean Arthuis.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Les projets de décrets, soumis au président du conseil d'administration du
CNRS, sont en phase de concertation : des demandes de modification ont été
formulées et acceptées.
Je refuse que la voix de la rue, au demeurant pas bien forte aujourd'hui,
selon mes informations, dicte la règle démocratique et fasse perdurer les
statu quo
.
J'ai décidé de dynamiser la recherche scientifique française, parce que j'y
crois, et ce dans le respect d'un service qui est un fondement d'Etat. Il n'est
pas question de le remettre en cause. Or un organisme de recherche où la
moyenne d'âge des chercheurs est de cinquante ans ne me paraît pas armé pour
donner du dynamisme à notre recherche !
(Applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et
du RPR.)
Mme Hélène Luc.
Il faut discuter avec la rue avant de prendre les décrets !
RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
DANS LE SECTEUR MÉDICO-SOCIAL
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité et à
M. le secrétaire d'Etat à la santé, mais concerne également M. le secrétaire
d'Etat au budget.
La loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de
travail est applicable à la branche sanitaire, sociale et médico-sociale,
malgré la particularité économique de ce secteur, dont le financement est
totalement assuré par des fonds publics : ceux de l'Etat, de l'assurance
maladie ou des collectivités locales.
Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, les associations vous
questionnent, nous questionnent, et les collectivités locales s'interrogent sur
les conditions d'application de ce texte dès 1999.
Premièrement, entendez-vous mettre en place une méthode de travail avec les
différents financeurs concernés, à la fois afin d'éviter une augmentation
difficilement tolérable des prix de journée et de maintenir, voire d'améliorer
le fonctionnement des structures ?
Deuxièmement, le Gouvernement a-t-il analysé l'impact financier des mesures
envisagées, en a-t-il prévu le financement pour sa part, et quelle
compensations financières envisage-t-il pour les collectivités locales ?
Enfin, jusqu'à ce jour, le Gouvernement a toujours respecté, lors de
l'agrément des modifications des conventions collectives applicables à cette
branche, la règle de la stricte parité avec le secteur public qui assure le
même service. Ce principe sera-t-il observé avec l'extension de la loi au
secteur public, ou sera-t-il abandonné ?
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le sénateur, le secteur social et
médico-social de droit privé à but non lucratif compte 300 000 salariés, dont
une bonne partie est employée à temps partiel, en particulier pour l'aide à
domicile. Il est évidemment difficile d'adopter une doctrine unique s'agissant
d'activités fort différentes.
Cela étant, vous avez raison : la loi du 13 juin 1998 est applicable de plein
droit à ce secteur.
Le Gouvernement entend rompre avec la logique précédente puisque, vous le
savez, ce secteur avait été exclu du champ de la démarche de réduction du temps
de travail par une simple circulaire d'application de la loi Robien, d'ailleurs
annulée par le Conseil d'Etat.
Il n'y a donc pas d'ambiguïté sur nos intentions : la réduction du temps de
travail s'applique à ce secteur.
La mise en oeuvre est évidemment très particulière, car un nombre important
d'établissements, environ 20 000, sont concernés, et leurs services et leur
public - enfants, adolescents, personnes âgées, handicapées, etc. - sont très
variés.
Je ne crois donc pas à un scénario unique de la réduction du temps de
travail.
Il n'est pas possible actuellement de chiffrer le coût total de l'application
de la loi. Chaque établissement - c'est une occasion excellente pour eux
d'analyser leur coût de fonctionnement - devra mettre en oeuvre ces accords,
qui seront différents chaque fois. Ces coûts seront transmis à la commission
nationale d'agrément ; qui devra donner son avis sur les accords qui lui auront
été soumis.
Il n'y a pas de grille
a priori
; c'est très difficile. Mais une
priorité absolue doit être accordée à la préservation de la qualité du service.
La réduction du temps de travail doit être conçue comme une opportunité. Des
réorganisations seront nécessaires, nous y serons attentifs.
La réduction du temps de travail recèle tant de complexités que nous avons
décidé de mettre en place dès aujourd'hui une mission d'appui de l'inspection
générale des affaires sociales, qui sera prête à répondre à tous les
problèmes.
S'agissant du service public, lorsque la mission Roché nous aura transmis ses
conclusions, nous serons en mesure de vous répondre.
(Applaudissements sur
les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Chérioux.
Qui paiera ?
FINANCEMENT DES RÉFORMES DU SYSTÈME ÉDUCATIF
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le ministre, vous êtes un éminent géophysicien. Comme les
mathématiques, la physique fait appel à de nombreuses équations. La force des
mathématiciens est de résoudre ces équations. Or notre système éducatif est
marqué à la fois par le nombre des inconnues et par plusieurs inadéquations.
Vous me permettrez d'en relever trois.
Première inadéquation : nous sommes au monde le pays qui fait le plus pour la
formation de ses jeunes, celui dont le personnel est reconnu comme étant l'un
des plus compétents, celui qui compte le plus grand nombre de grandes écoles,
celui aussi où les études sont les plus longues. C'est pourtant, dans le même
temps, celui qui enregistre le plus fort taux de chômage des jeunes.
Deuxième inadéquation : selon vos chiffres, on compte un enseignant pour douze
élèves dans le secondaire. En tenant compte des durées de présence différentes
des enseignants et des élèves au sein des établissements, on peut admettre que
la moyenne est de un pour vingt ou vingt et un. Comment, dans ces conditions,
expliquer que, dans certaines classes, les effectifs dépassent parfois les
trente-cinq élèves ?
(M. le ministre lève les bras au ciel.)
M. Emmanuel Hamel.
Bonne question !
M. Philippe François.
Très bonne question !
M. Jean-Claude Carle.
Troisième inadéquation : le budget de la nation est en augmentation constante
depuis de nombreuses années. Cette augmentation, qui a atteint en dix ans 140
milliards de francs, a été essentiellement réservée à la revalorisation des
salaires. Pour quel résultat, si l'on écoute les doléances des lycéens ?
On le voit bien, monsieur le ministre, dans ce domaine comme dans d'autres, et
contrairement aux mathématiques, « plus » multiplié par « plus » ne donne pas
plus.
Monsieur le ministre, ma question est simple : comment allez-vous financer ces
nouvelles mesures ? Le ferez-vous à moyens constants ? Allez-vous, une fois
encore, recourir à l'inflation budgétaire ? Ou alors, troisième hypothèse, vous
défausserez-vous à nouveau sur les régions et sur les autres collectivités ?
Monsieur le ministre, si la formation est le meilleur investissement que la
nation puisse offrir à ses enfants, notre devoir est aussi de préserver des
équilibres. Alors même que le secteur public pèse très lourdement sur les
finances de l'Etat, le Gouvernement va-t-il céder aux corporatismes qui
constituent, il est vrai, l'essentiel de sa base électorale, ou va-t-il
préserver ces équilibres ?
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous avez créé une commission d'enquête !
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous n'avez pas la parole !
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur le sénateur, vous êtes probablement le seul à vous demander si je vais
céder aux corporatismes... Je crois que, à la lecture des journaux, personne
n'a de doute à ce sujet ! Soyez donc sans crainte.
Mme Hélène Luc.
Ça, c'est vrai !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je peux prendre un engagement : je ne demanderai pas d'efforts - vous pouvez le
constater dans le projet de loi de finances - au budget de l'Etat avant d'avoir
remis de l'ordre dans l'ensemble du budget de l'éducation nationale, ce que je
suis en train de faire.
M. Paul Masson.
C'est un travail d'Hercule !
M. René-Pierre Signé.
Oui, parce que cela n'avait pas été fait !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
C'est pour cela que j'ai mis en place la déconcentration. A partir de l'an
prochain, nous saurons exactement comment adapter les besoins aux moyens.
Je ferai néanmoins une petite remarque. Je ne crois pas que notre budget de
l'éducation nationale soit supérieur à celui des grands pays développés. En
particulier - peut-être vais-je vous l'apprendre - il est inférieur, et de
beaucoup, au budget de l'éducation nationale des Etats-Unis par habitant. Il
est également très inférieur au budget de tous les pays scandinaves. Toutefois,
aux Etats-Unis, une partie de l'enseignement est privatisée et, par conséquent,
elle n'est pas prise en compte dans le budget public, mais elle existe
néanmoins.
Je le dis très fermement : actuellement, nos établissements sont sous-équipés
en personnels administratifs, en personnels de service, en personnels médicaux,
en surveillants, par rapport à ce qu'ils devraient être.
Je ne peux donc pas laisser dire que l'éducation nationale est surdotée. Soyez
assuré, monsieur le sénateur, que le budget de l'Etat sera géré au mieux.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir respecté votre temps de
parole.
Un sénateur du RPR.
Il a respecté son temps de parole, mais il n'a rien répondu !
DISCRIMINATION ET DIFFICULTÉS
DE L'INTÉGRATION
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Ma question s'adressait à Mme Aubry, mais je crois que M. Kouchner me
répondra.
Après la publication du rapport du Haut Conseil à l'intégration, présidé par
Mme Simone Veil, Mme Aubry a déclaré qu'il fallait briser le mur du silence.
Ce rapport dénonce les discriminations dont sont victimes nos concitoyens du
fait de leur nationalité, de leur origine, de leur couleur de peau ou de leur
religion.
Les conséquences de ces discriminations sont connues : dans les quartiers où
il existe une forte concentration de personnes issues de l'immigration, les
écoles, les barres d'immeubles sont devenues de véritables ghettos.
La discrimination peut être quotidienne : c'est le cas dans la rue, où de
nombreux jeunes se sentent trop souvent coupables d'un délit de faciès.
Et que dire du monde du travail ? Difficile de trouver un stage en entreprise
quand on est un jeune « beur » ! Difficile aussi de trouver un emploi, comme le
montrent les statistiques !
Mme Aubry a eu raison de dire qu'il faut briser le mur du silence. Il s'agit,
en effet, d'un véritable tabou. Chacun refuse de voir, de savoir et de dire. Et
pourtant, chacun voit, chacun sait et tout le monde parle.
Ces discriminations portent gravement atteinte au principe républicain de
l'égalité des chances.
Peut-on oublier ce que la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont
nous nous apprêtons à fêter le cinquantième anniversaire, affirme dans son
article Ier : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et
en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns
envers les autres dans un esprit de fraternité. » ?
Les discriminations sont dangereuses : elles nourrissent la révolte de
nombreux jeunes et les enferment dans le rejet d'une société qui ne les accepte
pas.
Les mesures que le Gouvernement prend, le travail des associations et des élus
locaux sur le terrain pour faciliter l'intégration seront en grande partie
voués à l'échec tant que ces discriminations, ces vexations, persisteront.
Notre législation antixénophobe et antiraciste est rendue inefficace par
l'impossibilité de prouver que l'on est victime d'un acte discriminatoire. Il
est vrai que de tels actes sont rarement revendiqués !
J'en viens donc à mes questions.
(Enfin ! sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Pouvez-vous préciser, monsieur le secrétaire d'Etat, les mesures que le
Gouvernement envisage de prendre afin d'avoir de ce phénomène une plus grande
connaissance ?
Est-il possible d'inciter l'ensemble des partenaires sociaux, plus
particulièrement les employeurs, à modifier les comportements dans le monde du
travail ?
Peut-on favoriser l'accès à l'emploi des jeunes issus de l'immigration et le
recours à la justice lorsque ces jeunes sont victimes de discrimination ?
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Madame la sénatrice...
Plusieurs sénateurs à droite.
Madame la sénateuse !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Messieurs les sénateurs, si vous le permettez, à
chacun son expression !
Madame la sénatrice, disais-je...
(Vives exclamations sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Caldaguès.
Le Gouvernement insulte la langue française !
M. le président.
Dix-sept secondes sont déjà passées !
(Exclamations persistantes sur les
mêmes travées.)
Je vous en prie, mes chers collègues, seul M. le secrétaire d'Etat a la
parole.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Votre question participe du mouvement de prise de
conscience que vous attendez, madame.
Nul ne peut nier l'existence de certaines pratiques à l'embauche. Vous avez
raison de les souligner.
Qu'ils soient jeunes, qu'ils aient l'air étrangers, que leur nom ou même leur
adresse soient, aux yeux de certains, dangereux par avance, et nous voyons
s'installer la discrimination à l'embauche dans notre pays.
Le Haut Conseil à l'intégration, vous l'avez relevé, nous en a rapporté des
exemples. Le rapport de la Commission consultative des droits de l'homme et les
travaux conduits par certains syndicats corroborent ce diagnostic.
Oui, l'entreprise ne remplit pas sa fonction d'intégration comme elle le
faisait auparavant ; en tout cas, elle la remplit moins bien.
Il est des sujets délicats et complexes comme celui-là sur lesquels les
anathèmes ne suffisent pas.
Il faut bien voir la réalité en face.
Que peut-on faire ? Nous avons annoncé, lors du conseil des ministres du 21
octobre, trois directions de travail.
D'abord, nous souhaitons reconnaître mieux les discriminations pour mieux les
combattre. C'est le Haut Conseil à l'intégration qui a pointé ces difficultés,
et le Gouvernement a décidé de mettre en place un observatoire des
discriminations sous la forme d'un groupement d'intérêt public baptisé « groupe
d'études sur les discriminations ».
Ensuite, il faut engager la concertation avec les partenaires sociaux. Une
table ronde sera organisée avec les syndicats, des représentants des
entreprises et des experts. Ce sera la première table ronde de ce genre en
France. Il s'agit non pas de stigmatiser, mais de voir ensemble ce qu'il est
possible de faire, autour de plusieurs thèmes de travail.
Nous pouvons envisager non pas une inversion totale de la charge de la
preuve, qui n'est pas conforme à nos traditions juridiques, mais une adaptation
de celle-ci, le juge pouvant, comme en matière de licenciement, former sa
propre conviction à propos de ces discriminations. Nous verrons si des
modifications législatives seront nécessaires. Si tel est le cas, nous les
proposerons au Parlement dans les premiers mois de 1999.
Enfin, pour répondre à la détresse des plus jeunes, le Gouvernement compte
développer des opérations qui facilitent l'accès à l'emploi dans l'entreprise :
30 000 jeunes, dont une part importante est issue de l'immigration, seront
parrainés en 1999 par des salariés en activité. Ce parrainage durera neuf mois,
dans le cadre du programme TRACE, le trajet d'accès à l'emploi. Ainsi
pourrons-nous essayer de construire au mieux la société de demain.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Emmanuel Hamel.
Fermez les frontières ! arrêtez l'immigration ! tout ira mieux !
On est envahi !
MÉTHODE ALLÈGRE
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie.
Déjà dix-huit mois que vous êtes à la tête du ministère de l'éducation
nationale, et vos déclarations flamboyantes provoquent des réactions de toutes
sortes, de la stupéfaction à la colère, depuis l'ensemble du corps enseignant
jusqu'aux bataillons des lycéens.
Vous accumulez les déclarations de principe mais aussi les phrases chocs. Vous
prétendez vouloir - enfin ! - changer l'éducation nationale. En réalité, vous
ne faites que blesser les forces vives qui l'animent.
A votre tour, vous vous rendez compte que bousculer le « mammouth » n'est pas
chose aisée.
(M. René-Pierre Signé s'exclame.)
Vous ne pourrez pas
réformer une administration aussi lourde sans concertation et, pis, contre les
professionnels qui la font vivre.
Quel est le résultat ? Rien ne bouge... si j'ose dire !
En revanche, quand vient l'urgence et que le mécontentement des lycéens se
fait entendre, comme cet après-midi encore, vous prenez et appliquez des
décisions, sans négociation préalable, saupoudrant ici et là quelques crédits
supplémentaires.
Mais l'argent ne fait pas tout, monsieur le ministre. Il conviendrait de mieux
répartir les crédits existants.
Vous arrachez également quelques pages aux livres scolaires pour alléger les
programmes. Mais personne n'est véritablement dupe.
Vous n'avez pas de ligne politique. Vous réagissez plus que vous agissez.
M. Raymond Courrière.
C'est excessif !
M. Bernard Fournier.
Monsieur le ministre, quand comptez-vous changer de méthode et cesser
l'improvisation, pour bâtir une stratégie de négociation et d'action ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Monsieur Fournier, je pense que vous faites de l'humour...
M. Dominique Braye.
Et vous, vous riez jaune !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
... compte tenu des quatre années d'inaction totale dans l'éducation nationale
et de non-gestion.
(Protestations sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants, ainsi que sur celles de l'Union centriste.)
M. Gérard Cornu.
Quelle suffisance !
M. Dominique Braye.
Et les quatorze ans avant !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Vous pouvez vociférer et moi m'arrêter de parler !
M. le président.
Pas du tout ! Veuillez poursuivre, monsieur le ministre, nos collègues vont
vous écouter.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Si c'est cela le débat démocratique !
(Exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président.
Veuillez continuer, monsieur le ministre ! Ne vous laissez pas interrompre
!
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je tiens à vous dire, messieurs, car peut-être cela vous a échappé, peut-être
n'êtes-vous pas au fait des questions relatives à l'éducation nationale, qu'en
dix-huit mois nous avons mis fin à la loi du silence sur la pédophilie, mis un
terme aux actes scandaleux de bizutage, qui, parfois, allaient jusqu'au viol,
remis de l'ordre dans les absences, qui ont diminué des trois quarts...
Quant au décret de décentralisation, il est passé. La décentralisation est en
marche. Certains en parlaient, elle est faite !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ah bon ?
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Nous avons remis de l'ordre dans la gestion du ministère et arrêté un certain
nombre d'axes clairs et nets pour la rénovation de l'éducation.
Croyez-moi, monsieur le sénateur, les problèmes de violence auxquels nous nous
sommes attaqués ne sont pas résolus partout, mais ils le sont dans un certain
nombre de quartiers.
Plusieurs sénateurs socialistes.
Très bien !
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Croyez-moi, le problème de l'égalité des chances, qui n'était pas pris en
compte, l'est de plus en plus quand il s'agit de répartition des moyens, même
si l'égalité des chances n'est toujours pas la règle dans l'éducation
nationale. Certains ont, encore aujourd'hui, plus de chance que d'autres. Mais
l'aide à l'élève est devenue un slogan.
Rien ne m'arrêtera dans ma volonté de faire de l'école républicaine l'école de
l'égalité des chances !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
CONDITIONS DE TRAVAIL DES ANESTHÉSISTES
M. le président.
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé. Elle concerne les
inquiétudes exprimées par les médecins anesthésistes.
Force est de constater que l'on assiste actuellement à une réelle dégradation
des conditions de travail de ces praticiens. Une telle situation risque de
remettre gravement en cause la qualité et la pérennité des soins dispensés dans
notre pays, de ces soins auxquels chaque patient a droit.
Il semble en effet de pratique courante pour un médecin anesthésiste d'exercer
dans des conditions à la limite de la légalité. Il en va ainsi, notamment, de
l'ampleur de leurs heures de travail, qui sont souvent très excessives et
représentent parfois quarante-huit heures d'affilée pour un même praticien !
Par ailleurs, les médecins doivent faire face à des normes de sécurité de plus
en plus draconiennes, dont la mise en oeuvre reste délicate en raison d'une
charge de travail trop lourde.
En outre, l'accroissement des actions contentieuses à l'encontre des médecins,
qui est lié à la détérioration des conditions de travail, engendre une
véritable pénurie dans une discipline ô combien indispensable à l'exécution des
actes chirurgicaux ! Ainsi, dans le département de Maine-et-Loire, sur dix
postes de médecins anesthésistes au centre hospitalier de Cholet, cinq
seulement sont pourvus !
Une anesthésie n'est pas un acte banal, des incidents récents nous l'ont
rappelé.
Face à la grande pénurie d'effectifs dont souffre actuellement cette
profession, il convient de donner aux médecins anesthésistes les moyens
d'exercer correctement leur métier et de leur permettre de contrôler la
sécurité de leur patient et la qualité des soins qu'ils délivrent.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir nous
faire connaître les mesures que vous entendez prendre pour que les
anesthésistes envisagent l'avenir avec confiance.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le sénateur, votre diagnostic est
exact, mais la solution n'est pas simple.
Comme vous le savez, nous avons formé un grand nombre d'anesthésistes. En
effet, s'ils étaient 3 639 en 1981, ils étaient 8 880 en 1997. Toutefois, la
forte progression enregistrée jusqu'en 1987 a décru. Maintenant, nous formons
en moyenne 170 anesthésistes par an.
Que faire ?
Tout d'abord, il faut savoir que la pénibilité doit être prise en compte.
Ainsi, en ce qui concerne les gardes, il est inacceptable - notre pays est le
seul à l'accepter - qu'un praticien anesthésiste, notamment, prenne son service
un jour, passe la nuit à travailler et continue le jour suivant, sans aucun
repos compensateur ni prise en compte de la pénibilité.
Nous travaillons avec ces personnels pour remédier à cette anomalie. Mais le
problème ne se limite pas à cela.
Les anesthésistes, tout particulièrement, ont en effet été surchargés par des
modes d'exercices nouveaux, des techniques nouvelles.
De nouvelles tâches leur incombent. Ils sont en effet les plus qualifiés pour
les accomplir. Leur champ d'intervention s'est donc étendu beaucoup plus que
celui des autres professions médicales.
Comment faire pour former des anesthésistes ? Il est évident qu'il faut
s'attaquer, ou s'attacher - je ne sais comment dire - au statut du praticien
hospitalier, qu'il faut le rendre plus attrayant. Sinon, ces praticiens devront
demeurer les héros qu'ils sont aujourd'hui.
Je suis très attaché au service public, comme vous aussi, sans doute, monsieur
le sénateur, mais la clinique tend les bras à ces praticiens et leur offre de
bien meilleurs salaires.
Vous le savez, des expériences de travail en commun entre l'hôpital et la
clinique ont été menées et se sont révélées bonnes. Il n'empêche que le statut
du praticien hospitalier - et nous travaillons avec eux sur ce point - doit
être revalorisé.
Pour les anesthésistes, particulièrement, des groupes de travail ont été mis
en place. A la demande du groupe Nicolas, nous avons ainsi réformé l'internat,
et il existe désormais une filière particulière en gynécologie-obstétrique, en
anesthésie-réanimation et en pédiatrie. Nous pourrons désormais former des
praticiens dans ces disciplines pour lesquelles, jusqu'à présent, il n'existait
aucune filière particulière de formation.
J'espère que cela suffira. Mais, en fait, je sais que ce ne sera pas le
cas.
Il faut envisager le repos compensateur ainsi qu'une revalorisation et une
prise en compte, peut-être sous la forme de primes, car elle ne peut pas être
seulement morale, du métier particulier d'anesthésiste, sans lequel les
services de maternité ou de chirurgie ne peuvent fonctionner normalement et
sans lequel bien des actes devenus routiniers, tels que l'endoscopie et la
radiologie opératoire, ne peuvent être effectués.
Nous sommes en train d'y travailler. Mais je reconnais que le problème est
assez vaste...
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
... et implique une réflexion sur l'ensemble des
études médicales initiales.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
du RDSE et de l'Union centriste.)
RETRAITEMENT ET RETOUR DES DÉCHETS NUCLÉAIRES
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
Le mois dernier, à la suite de l'annonce faite, en termes d'ailleurs assez
vagues, par le gouvernement allemand d'une volonté de sortir du nucléaire, vous
avez eu l'occasion d'affirmer qu'il n'y avait pas d'ambiguïté dans la politique
énergétique française et que notre choix restera longtemps celui du nucléaire,
ce dont je me réjouis.
Depuis, une polémique s'est développée sur le sort des déchets nucléaires,
notamment sur leur retour dans leur pays d'origine imposé par la loi du 30
novembre 1991, dite « loi Bataille ».
Six pays, dont l'Allemagne, ont envoyé en France pour retraitement environ 8
000 tonnes de combustibles irradiés.
Ces pays se sont engagés, par contrats sécurisés par des accords
intergouvernementaux, à récupérer ces déchets, dont le volume est réduit dans
la proportion de dix à un après retraitement.
Pouvez-vous, au-delà des déclarations de principe, faire respecter par nos
partenaire étrangers les engagements pris par eux de récupérer leurs déchets
?
Etes-vous en mesure de faciliter les retours, en dépit des actions menées par
des organisations écologico-médiatiques, qui ne craignent pas à la fois de
s'indigner des stockages en France et de monter des opérations d'obstruction
chaque fois qu'un convoi doit acheminer des déchets retraités vers leur pays
d'origine ? Etes-vous décidé à imposer vos choix à vos amis « verts » ?
M. Pierret affirme que les retours n'ont pas encore atteint leur rythme de
croissance, ce qui n'est pas satisfaisant, alors qu'ils sont techniquement
prêts et que leur réalisation relève de décisions politiques qui manifesteront,
je l'espère, la volonté de pérenniser la filière et non de la stopper.
N'y a-t-il pas, en effet, un double langage entre l'affirmation de nos choix
énergétiques faisant une large place au nucléaire et une certaine inertie au
niveau du retour des déchets ? Existe-t-il déjà un plan de mise en oeuvre de
ces contrats, avec un agenda des échelonnements de dates de retour vers les
pays concernés ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Madame le sénateur, M. Strauss-Kahn étant
retenu par des obligations internationales, je réponds à sa place à votre
question.
La loi du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets
radioactifs précise, en son article 3, que « le stockage en France de déchets
radioactifs importés, même si leur retraitement a été effectué sur le
territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le
retraitement ».
En fait, depuis 1977, les contrats de retraitement signés par la COGEMA avec
des compagnies d'électricité japonaises, belges, allemandes, suisses et
néerlandaises prévoient le retour dans leur pays d'origine des résidus ultimes
issus du retraitement des combustibles irradiés, conditionnés sous une forme
permettant d'assurer leur transport et leur entreposage ou leur stockage de
façon sûre et respectueuse de l'environnement.
Ces contrats, vous l'avez dit, ont donné lieu à des échanges de lettres avec
les gouvernements concernés, de façon à consolider leur force juridique.
Les résidus en question sont de deux catégories. Il s'agit, d'une part, des
déchets directement issus du combustible irradié et, d'autre part, des déchets
issus de l'exploitation des installations de retraitement.
Les résidus ultimes font l'objet d'une comptabilité très précise de la part de
la COGEMA, qui permet d'affecter à chaque client les déchets correspondants. Ce
système fait l'objet d'un contrôle par un audit indépendant, qui donne toutes
garanties.
Pour vous répondre d'une façon précise, madame le sénateur, les opérations de
retour qui ont déjà été effectuées portent toutes sur des déchets vitrifiés,
c'est-à-dire ceux qui relèvent de la première catégorie. En effet, ils
concentrent 99 % de la radioactivité ; c'est pourquoi leur rapatriement est
prioritaire.
Cinq opérations de retour ont été organisées à ce jour : trois vers le Japon
et deux vers l'Allemagne. D'autres opérations de retour sont en cours de
préparation. Le rythme des retours, M. Pierret l'a dit, n'a cependant pas
encore atteint son rythme de croisière, en particulier du fait de l'opposition
d'organisations antinucléaires qui veulent simultanément que les déchets ne
soient pas stockés en France et qu'ils ne repartent pas à l'étranger.
M. Jean Chérioux.
C'est logique !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement français s'emploie donc à ce que cette
situation soit corrigée en établissant, avec les gouvernements étrangers et les
industriels, des procédures régulières de retour. Je peux vous indiquer que le
retour des résidus vitrifiés issus du retraitement des combustibles usés déjà
livrés devrait être achevé vers 2006.
S'agissant des autres catégories de déchets, qui représentent environ 1 % de
la radioactivité totale, les clients de la COGEMA souhaitent qu'ils leur soient
rendus sous la forme la plus compacte possible. Un atelier de compactage est
prévu par la COGEMA et commencera à fonctionner en 2001.
J'espère vous avoir convaincue, madame, que la politique du Gouvernement est
inchangée en la matière et que l'on appliquera la loi du 30 décembre 1991 dans
son esprit et dans sa lettre.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR
M. le président.
Je vais faire plaisir à l'un de nos collègues en lui donnant enfin
l'autorisation de s'exprimer !
La parole est à M. Signé, qui intervient en effet souvent, parfois même sans
mon autorisation !
M. Claude Estier.
Dites cela à M. Braye !
M. René-Pierre Signé.
Je ne parle jamais qu'avec votre autorisation, monsieur le président !
Un sénateur du RPR.
Ce n'est pas sûr !
M. René-Pierre Signé.
Ma question s'adresse à M. Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez engagé une réflexion avec les
partenaires concernés sur la place du malade dans le système de soins. Parmi
les préoccupations qui sont les vôtres - et que je tiens à saluer ici
chaleureusement - figure la question de la douleur.
Les quatre axes du plan triennal que vous avez mis en oeuvre sur ce thème
doivent être rappelés ici : il s'agit de la prise en compte de la demande du
patient, du développement de la lutte contre la douleur dans les structures de
santé et les réseaux de soins, du développement de la formation et de
l'information des professionnels de santé sur l'évaluation et le traitement de
la douleur, enfin, de l'information du public, dernier objectif auquel je
souscris tout particulièrement.
Il est inadmissible, en effet, que la douleur continue d'être négligée par un
certain nombre de professionnels de santé. Il s'agit plus, ici, de mentalités
que de moyens.
Le public, les patients en l'occurrence, ne doivent absolument plus craindre
ni d'évoquer leur souffrance physique ni d'exiger que cette dernière soit
traitée.
Au nom de quelle conception de la médecine pourrait-on reléguer la douleur au
rang de donnée secondaire de l'état de malade ? Si, comme signal d'alarme, la
douleur peut être admise et si elle présente même un caractère utile, en
revanche, passé ce stade de révélation, elle devient inutile, nuisible et
intolérable.
La science médicale reconnaît désormais pleinement le rôle du psychisme du
malade dans l'efficacité du traitement qui lui est appliqué. C'est assez dire
l'importance de la question de la douleur. C'est la raison pour laquelle
j'aimerais tout particulièrement savoir quels sont les modalités et le
calendrier que vous envisagez pour la mise en oeuvre de votre plan.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye.
Merci, monsieur M. Neuwirth !
M. le président.
Merci, monsieur Signé. Vous avez respecté votre temps de parole et j'y suis
sensible !
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Grâce à quelques-uns, je pense
particulièrement à M. Lucien Neuwirth...
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
dont l'action n'avait pas le caractère sectaire de vos remarques...
M. Dominique Braye.
On prend exemple sur vous !
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Non, justement, monsieur. C'est me calomnier que de
dire cela ! Je ne suis pas sectaire. Dans ce domaine de la douleur et des soins
palliatifs, je crois, monsieur le sénateur, avoir fait beaucoup plus que tous
mes prédécesseurs !
M. Roland Courteau.
Bravo !
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
Nous vous écoutons, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
La mise en oeuvre du plan triennal prendra bien
évidemment du temps, comme vous l'avez souligné vous-même. Mais sachez d'ores
et déjà que, avant la fin de l'année, il sera remis à tous les patients, à leur
entrée à l'hôpital, un « carnet douleur » pour leur signifier ce que vous avez
dit, à savoir que l'hôpital est, par excellence, un endroit où le patient ne
doit pas souffrir.
Il faut donc qu'il n'hésite pas à faire état de sa souffrance, qu'il ne
craigne pas de se montrer « douillet », comme on disait autrefois.
La douleur sera donc prise en charge.
D'abord, son niveau figurera, au même titre qu'un certain nombre de données
telles que la tension artérielle, la température et les médicaments prescrits,
sur la pancarte accrochée au pied du lit desmalades. Ces derniers disposeront
de petites réglettes - un million de réglettes seront distribuées - à l'aide
desquelles ils pourront tous les jours marquer l'intensité de leur douleur.
A la sortie de l'hôpital, un carnet de satisfaction - ou d'insatisfaction -
leur sera remis pour que l'on puisse juger de l'attention qui aura été portée à
ce symptôme.
Passons sur le fait que l'absence de prise en charge de la douleur est une
conduite très française ; nous n'avons pas le temps d'en parler.
Surtout, le carnet à souches sera supprimé avant la fin de l'année et remplacé
par des ordonnances infalsifiables, à l'hôpital comme en ville. Cela évitera
les atermoiements habituels dans la prescription d'antalgiques majeurs. Où est
rangé le carnet à souches ?... Nous n'en avons plus !... Où est la clé de
l'armoire à pharmacie ?...
Dans tous les services hospitaliers qui ont à traiter de la douleur, et ils
sont nombreux, une affichette indiquera la conduite à tenir en cas de douleur,
au même titre qu'une affichette indique déjà la conduite à tenir en cas
d'incendie. Cela signifie que les médecins auront décidé par avance avec le
personnel infirmier de ce qu'il faut faire en cas de douleur non seulement pour
l'ensemble des pathologies, mais aussi pour chaque malade en particulier. Il ne
sera plus nécessaire de recourir au médecin et de l'attendre, surtout
l'après-midi ou la nuit, quand on ne le trouve pas dans l'hôpital, pour fournir
au malade des antalgiques majeurs au moment de la crise douloureuse. Les
infirmiers et les infirmières pourront le faire.
Il faut évidemment prendre en charge la formation initiale et, bien entendu,
la formation continue. Il faut encore demander aux laboratoires de mettre au
point de nouveaux médicaments. A ce propos, je suis heureux d'annoncer qu'un
laboratoire, dont je ne peux citer le nom ici, a, le premier, mis sur le
marché, sous l'appellation de Codenfan, des gouttes pédiatriques qui associent
de la codéine et du paracétamol. Il est tout de même invraisemblable qu'il ait
fallu attendre autant d'années pour que ce soit fait !
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDCE.)
ATTRIBUTION DE LA PRIME
D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Ma question s'adresse à Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement.
Il semble que la DATAR soit sur le point de mettre la dernière main aux
propositions de zonage qui concernent les différentes primes d'aménagement du
territoire, plus communément dénommées PAT. Ces zonages seront utilisés comme
base de travail pour établir les zonages européens, qui servent de cadre à la
mise en oeuvre des fonds structurels de la Communauté européenne.
Mes questions seront donc relativement simples. Qu'en est-il ? Quelles
informations peut-on nous donner à ce sujet ? Quelles mesures Mme Voynet
pense-t-elle mettre en oeuvre pour instaurer une véritable concertation et pour
que soient bien prises en compte les difficultés rencontrées, notamment au
titre des reconversions industrielles, par un certain nombre de régions ?
J'aimerais également connaître, si c'est possible, le calendrier de cette
concertation.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, Mme
Voynet est retenue au salon Pollutec de Lyon ; elle m'a donc demandé de vous
répondre.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la Commission européenne souhaite
une concentration du zonage de la PAT sur les territoires les plus en
difficulté.
Elle souhaite également un abaissement du plafond d'aides autorisées, motivé
par le souci de réduire la concurrence excessive entre Etats et régions au sein
de l'Union Européenne.
Les lignes directrices communautaires tiennent compte du fait que le
pourcentage de population éligible en France devra passer de 40 % à 35 %. Ce
mouvement de concentration concernera l'ensemble des pays de l'Union
européenne.
Les nouvelles propositions de zonage PAT pour la France devraient être
transmises à la Commission le 31 mars 1999. La négociation avec Bruxelles sur
la nouvelle carte PAT se poursuivra jusqu'à la fin de l'année 1999.
Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement tient à
rappeler que l'établissement de la carte des aides à finalité régionale est une
responsabilité première de chaque Etat au titre de l'aménagement du territoire,
qui reste une compétence nationale exclusive. A ce titre, M. Pasqua, alors
ministre de l'aménagement du territoire, avait décidé seul de l'actuelle carte
PAT, sans même y associer les préfets.
Mme Voynet tient à faire connaître que les critères qui justifieront les
modifications apportées à la carte actuelle seront communiqués par le
Gouvernement. L'obligation d'une plus grande sélectivité conduira ce dernier à
prendre en compte un certain nombre d'éléments, notamment l'utilisation
effective de cette aide depuis cinq ans dans les territoires éligibles,
l'amélioration de la situation économique globale du territoire, ainsi que les
efforts engagés par les collectivités pour accroître l'attractivité.
Bien entendu, Mme Voynet se tient à votre disposition, vous le savez sans
doute, pour vous apporter tout complément d'information que je n'aurais pas pu
vous donner moi-même en deux minutes trente de réponse,... qui ont été
respectées, monsieur le président !
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Messieurs les ministre, mes chers collègues, je vous remercie très sincèrement
d'avoir respecté la discipline que je vous ai recommandée et qui a permis à
tous les intervenants de s'exprimer pendant l'heure télévisée.
4
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Charles Jolibois un rapport, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale, sur le projet de loi constitutionnelle adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, relatif au
Conseil supérieur de la magistrature (n° 6, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 57 et distribué.
5
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 10 novembre 1998 :
A neuf heures trente :
1. Discussion du projet de loi (n° 7, 1998-1999) relatif à l'organisation de
certains services au transport aérien.
Rapport (n° 53, 1998-1999) de M. Jean-François Le Grand, fait au nom de la
commission des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 44, 1998-1999) de M. Yvon Collin, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi : lundi 9
novembre 1998, à dix-sept heures.
2. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 509, 1997-1998), adopté
avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif aux
animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.
Rapport (n° 48, 1998-1999) de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission
des affaires économiques et du Plan.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi : lundi 9
novembre 1998, à dix-sept heures.
A seize heures quinze :
3. Questions orales sans débat
I. - M. Jean-Pierre Raffarin interroge M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur les innovations que peut proposer l'Etat aux
régions pour faire face aux besoins de financement d'infrastructures routières
et autoroutières.
Retard des contrats de plan, délégation de maîtrise d'ouvrage, mobilisation
des fonds européens, maîtrise des flux de frets... (N° 316.)
II. - M. Bernard Piras attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de
la solidarité sur la situation des familles d'accueil pour adultes handicapés.
En effet, il se révèle que le statut et la situation de ces familles posent un
certain nombre de difficultés.
Une première difficulté porte sur la durée de l'agrément, le décret n° 90-504
prévoyant simplement des modalités de retrait et non sa durée. Or il apparaît
que des départements appliquent de manière quelque peu arbitraire un
renouvellement avec enquête préalable et avis de la commission départementale,
d'une durée comprise entre trois mois et deux années. Par ailleurs, cet
agrément n'est accordé que pour un seul membre de la famille, que celle-ci soit
composée d'une ou deux personnes. Une personne seule peut accueillir trois
handicapés, il en est de même pour un couple.
Pour ce qui est du contrat d'accueil, l'article 2 de la loi n° 89-475 du 10
juillet 1989 précise qu'il ne relève pas des dispositions du code du travail,
alors qu'il s'agit d'un véritable contrat conclu entre accueillant et
accueilli, réglementant des travaux d'aide ménagère, de garde,
d'accompagnement, etc. Ne serait-il pas nécessaire de modifier cet article 2
afin que ces contrats relèvent du code du travail, ce qui serait plus conforme
à la réalité des choses ?
En ce qui concerne la rémunération, l'article premier du décret n° 90-503 du
22 juin 1990 prévoit qu'elle est fixée entre un minimum et un maximum. La
majoration pour sujétions particulières dont peut faire l'objet la rémunération
journalière est-elle comprise dans le plafond fixé par le conseil général du
département ?
Chaque département doit normalement se doter d'un règlement intérieur dans ce
domaine, ce qui n'est malheureusement dans les faits pas toujours le cas. Par
ailleurs, même si l'article 2 du décret n° 90-504 du 22 juin 1990 prévoit que
le président du conseil général doit adresser à toute personne sollicitant
l'agrément prévu à l'article premier, un dossier qui comporte, d'une part, les
prescriptions législatives et réglementaires aux conditions d'agrément et,
d'autre part, les dispositions arrêtées par lui pour l'instruction de cet
agrément, il en ressort que les règles édictées relatives à cet agrément sont
insuffisantes.
Il lui demande de lui apporter une réponse aux différentes questions posées
précédemment et de lui dire s'il envisage rapidement d'établir un véritable
statut juridique et social pour ces familles d'accueil. (N° 332.)
III. - M. Jean-Claude Carle interroge M. le secrétaire d'Etat au budget sur la
réalité des contrôles effectués par l'administration fiscale sur le train de
vie des gens du voyage.
La direction générale des impôts, dans notre pays, est chargée de mettre en
oeuvre des procédures de contrôle qui visent les professionnels se livrant à
une activité ainsi que les particuliers. Outre le contrôle sur pièces qui
s'accompagne de la surveillance du respect des obligations déclaratives, les
services disposent des procédures de vérification de comptabilité pour les
professionnels et, pour les personnes physiques, de l'examen contradictoire de
l'ensemble de leur situation fiscale personnelle.
Les gens du voyage, officiellement, tirent leurs revenus de l'exercice
d'activités telles que le rempaillage de chaises, le négoce de véhicules
d'occasion, de petit matériel ou de mobilier, la brocante, la récupération ou
la vente de produits divers. Les personnes qui exercent une activité ambulante
ont la qualité d'assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et peuvent, à ce
titre, faire également l'objet de contrôle de facturation, en application des
dispositions des articles L. 80 F et suivants du livre des procédures
fiscales.
Or, qui d'entre nous, à l'instar de nombreux maires venant nous faire part de
leur désarroi devant les situations souvent inextricables générées par la
présence illicite des gens du voyage sur le territoire de leur commune, ne
s'est jamais étonné du décalage entre ce que devrait être leur train de vie si
l'on s'en tient à leurs activités officielles et certains signes extérieurs de
richesse : luxueuses caravanes, voitures de marques prestigieuses, etc. Dès
lors, on ne manque pas de s'interroger sur la réalité des contrôles fiscaux que
peut exercer l'administration fiscale sur l'activité des gens du voyage.
On peut admettre, il est vrai, que la grande mobilité de ces contribuables
suscite des difficultés importantes pour cerner leur activité exacte et
l'importance de leur patrimoine, mais en aucun cas cette mobilité ne doit être
un obstacle à l'exercice par l'administration de ses prérogatives.
Aussi il lui demande de lui indiquer s'il dispose d'indications chiffrées
relatives à l'exercice de ces contrôles sur cette population et, par ailleurs,
s'il envisage de les intensifier, non pour pénaliser les gens du voyage en
particulier, mais pour préserver l'égalité de tous devant l'impôt. (N° 333.)
IV. - M. André Diligent appelle l'attention de M. le ministre délégué chargé
des affaires européennes sur le Fonds social européen. Pour la période
1994-1997, la France s'est vu attribuer au titre des objectifs 3 et 4 la somme
de 21,6 milliards de francs, et ce pour répondre à deux objectifs : à titre
curatif, combattre le chômage de longue durée, faciliter l'insertion dans la
vie active des jeunes, des femmes, des chômeurs de longue durée et des
personnes exposées à l'insertion ; à titre préventif, améliorer la
qualification des travailleurs menacés de chômage en raison des exigences des
mutations industrielles.
Ces programmes arrivant bientôt à leur terme, il lui demande si des
dispositifs sont à l'étude pour mieux maîtriser la mise en oeuvre du Fonds
social européen. En effet, le Parlement européen a fait état dans un rapport
sur le FSE, discuté en séance le 18 juillet 1997, des retards constatés en
France dans l'utilisation des crédits communautaires. Il les attribue à l'excès
de centralisation et au manque de clarté dans la répartition des compétences
entre les différents échelons administratifs qui aboutissent souvent à une
marginalisation des collectivités locales et des acteurs locaux, à l'excessive
rigidité du processus de programmation et des mesures d'éligibilité sur le plan
national, à la lenteur de la présentation des projets, à la lourdeur et la
lenteur des circuits financiers, à la difficulté de mobiliser les
cofinancements, aux carences de l'information.
Il semblerait que si la sous-consommation des fonds structurels est générale
en Europe, en France elle serait de l'ordre de 30 % par rapport aux prévisions.
(N° 334.)
V. - M. Gérard César attire l'attention de M. le ministre de la défense sur le
redéploiement des effectifs de gendarmerie au profit des zones urbaines. Il lui
rappelle que la gendarmerie assure la sécurité sur 95 % du territoire national
et joue un rôle privilégié en milieu rural par sa proximité avec la population
et par son action d'information. Concerné en tant que maire par la proposition
de fermeture de la brigade de Rauzan, il lui demande de lui faire part de sa
position. Il lui fait remarquer que, dans le monde rural, malgré les efforts
des gendarmes, la délinquance va croissant. (N° 337.)
VI. - M. Nicolas About attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre
de la justice sur la réforme attendue des prestations compensatoires versées en
cas de divorce.
Le 25 février dernier, le Sénat a adopté en première lecture les conclusions
de la commission des lois sur une proposition de loi modifiant le régime actuel
des prestations compensatoires, lequel engendre depuis 1975 un nombre
incalculable d'injustices, tant pour les débiteurs que pour leurs héritiers, a
qui revient la charge de la dette au moment de la succession.
On croit souvent que ce sont les héritiers issus d'un remariage qui font les
frais d'un tel système, mais il n'en est rien. Un jeune homme de vingt-quatre
ans vient d'être condamné par le tribunal de grande instance de Nanterre à
payer un capital de 350 000 francs à la seconde épouse de son père, au titre de
l'article 276-2 du code civil. Enfant unique issu du premier mariage de son
père, il avait été abandonné sans ressources par ce dernier, parti refaire sa
vie. Au moment du décès de son père, il a réclamé la succession. Or, il se voit
aujourd'hui contraint par les tribunaux d'assumer la charge de la dette que son
père avait contractée avec une deuxième épouse, dont il ignorait jusqu'à
l'existence. En effet, son père s'était par la suite remarié et avait divorcé
deux fois.
La succession est pourtant un droit pour tous les héritiers. Est-il normal que
ce droit soit amputé pour certains, du simple fait que leur géniteur a
contracté ultérieurement des alliances qui ne les concernent en rien ?
Le plus choquant dans cette affaire est sans doute le déséquilibre financier
introduit par la loi entre les deux parties : d'un côté, les héritiers de droit
qui sont « condamnés » à verser un capital alors que, du vivant de leur père,
ils n'ont reçu aucune aide, et qui ont pourtant charge de famille ; de l'autre,
la seconde épouse qui reçoit le capital, alors qu'elle a déjà retiré des
avantages matrimoniaux de son union sous la forme de biens immobiliers et
qu'elle touche, de surcroît, la pension de réversion de son ex-mari.
A la lumière de cet exemple, il lui demande quel avenir elle compte réserver
au texte portant réforme des prestations compensatoires, adopté au Sénat en
février dernier. Un rapport a récemment préconisé la suppression du principe de
transmissibilité de la rente aux héritiers. Elle propose également la réduction
du montant de la prestation, lorsque le débiteur décède, en fonction du montant
que touche déjà le créancier à titre de pension de réversion. Il lui demande
quelle est sa position concernant ces deux propositions et si ces dernières
figureront parmi les dispositions du futur projet de loi portant réforme du
droit de la famille. (N° 339.)
VII. - M. Georges Mouly attire l'attention de M. le ministre de la défense sur
les problèmes que connaît, depuis déjà longtemps, GIAT Industries, et plus
particulièrement l'unité de Tulle, en Corrèze, dont le dernier plan social
entraîne la suppression de 300 emplois. Il lui demande en conséquence s'il
serait possible d'envisager de maintenir sur le site de Tulle les services
d'études et de commercialisation, de confirmer la vocation du site dans le
domaine du canon de moyen calibre et de lui préciser s'il entend lancer
prochainement le programme de véhicules blindés de combat d'infanterie ; s'il
est enfin envisagé de mettre en place les compensations nécessaires. (N°
340.)
VIII. - M. Martial Taugourdeau rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité que, lors de la mise en place de l'aide à domicile aux personnes
âgées handicapées, plusieurs communes ont fait le choix de confier cette tâche
à des associations. Ces associations, en statuant sur leurs comptes de 1997,
ont fait connaître des pertes prévisionnelles importantes pour l'année 1998 (de
l'ordre de 600 000 F à 700 000 F) en raison tout d'abord de la non-augmentation
du prix forfaitaire de l'aide à domicile, inchangée depuis 1996, et ensuite du
dispositif de la loi de finances n° 97-1269 du 31 décembre 1997 modifiant le
dispositif de réduction dégressive des charges patronales sociales sur les bas
salaires.
Le Gouvernement s'était engagé l'année dernière pour qu'une somme totale de 30
millions soit réservée aux associations en difficulté. D'après ses
informations, il semblerait que la Caisse nationale d'assurance vieillesse
aurait refusé d'accorder cette aide. Qu'en est-il ? Par ailleurs, les
associations ont-elles été bien informées de ces possibilités ? De plus, des
aménagements devaient être adoptés pour les délais de règlement de dettes
fiscales et sociales en faveur des associations en difficulté de trésorerie.
Enfin, des dispositions devaient également être prises dans la loi de
financement de la sécurité sociale. Il constate qu'il n'en est rien.
Il lui demande donc quelles sont les mesures envisagées pour remédier à ces
carences. (N° 342.)
IX. - M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la
santé sur les conséquences des décrets parus au
Journal officiel
du 10
octobre 1998 relatifs aux maternités, notamment pour l'hôpital de La Réole, en
Gironde. Cet hôpital comprend une maternité qui assure, en toute sécurité, 250
accouchements en moyenne chaque année. La fermeture de la maternité aurait
immanquablement des conséquences en chaîne dramatiques : il y aurait
immédiatement une diminution d'utilisation du plateau technique pourtant très
performant et, à terme, la présence des deux chirurgiens et des deux
anesthésistes, qui permet un service d'urgence 24 heures sur 24, serait remise
en question. L'existence même de cet hôpital de proximité serait alors
probablement compromise.
Etant donné qu'aucune enquête scientifique n'apporte la preuve que le taux de
mortalité maternelle ou périnatale soit plus élevé dans les maternités
pratiquant moins de 300 accouchements par an, et que les problèmes se situent
plutôt au niveau des pressions budgétaires énormes pour les contraindre à
fermer, il lui demande de bien vouloir lui préciser s'il envisage d'intégrer
dans les critères de dérogation à la fermeture des critères autres que
géographiques, comme par exemple la spécificité sociale des bassins de vie
concernés. Cela permettrait de poser la problématique dans une perspective plus
large d'aménagement du territoire, en luttant contre toute désertification
sanitaire. (N° 344.)
X. - M. Alain Dufaut appelle l'attention de Mme le ministre de l'aménagement
du territoire et de l'environnement sur les préoccupations exprimées par les
membres de l'Union des conseillers généraux de France - UCGF - et par
l'Association des présidents des conseils généraux de France - APCG - au regard
de la circulaire du 31 juillet 1998 relative aux prochains contrats de plan
Etat-région 2000-2006, publiée au
Journal officiel
du 13 septembre
dernier.
Il semble en effet que l'institution départementale soit largement oubliée
dans le cadre de la préparation de ces contrats de plan déclinables en contrats
de pays, d'agglomérations et de ville.
De nombreuses initiatives sont d'ailleurs prises pour que les conseils
généraux soient associés à la phase d'élaboration de ces futurs contrats de
plan. D'ores et déjà, les six présidents de conseils généraux de Provence -
Alpes - Côte d'Azur, toutes tendances politiques confondues, se sont récemment
retrouvés à Marseille aux côtés du président de la région pour évoquer cette
question et aborder de manière concertée les négociations.
Compte tenu de la réussite des départements plus de quinze ans après la mise
en oeuvre de la décentralisation, que ce soit notamment en termes d'action
sociale ou d'aménagement du territoire, et alors même que les fréquentes études
d'opinion démontrent la profonde adhésion au département des populations, en
particulier dans les communes de moins de 20 000 habitants, il est permis de
s'interroger sur cette absence de prise en compte des acteurs
départementaux.
Il semblerait préférable d'engager la décentralisation sur le chemin d'une
meilleure définition des domaines de compétence respectifs des différentes
collectivités locales plutôt que de prendre le risque de créer d'autres niveaux
d'administration locale du territoire ou de remettre en cause le principe de
libre initiative des collectivités en faveur d'un regroupement.
Aussi, il souhaiterait connaître, de manière plus précise, les intentions
réelles du Gouvernement en la matière et savoir si des mesures seront mises en
oeuvre afin que les départements soient associés à la préparation de ces
contrats de plan en tant que partenaires à part entière et pas seulement comme
des commanditaires financiers. (N° 346.)
XI. - M. Xavier Darcos attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre
de la justice, sur la vacance de trois des six postes de greffier en chef sur
l'ensemble du ressort du tribunal de grande instance de Périgueux.
Ces vacances de postes pour une durée indéterminée affectent les tribunaux
d'instance de Ribérac, Nontron et le tribunal de grande instance de
Périgueux.
Elles entraînent une désorganisation constante de travail au sein de cette
juridiction et, par voie de conséquence, pénalisent le fonctionnement du
service judiciaire.
Il n'ignore pas que la gestion prévisionnelle des greffes des tribunaux fait
partie des priorités de son action.
Par ailleurs, les dispositions de la loi n° 95-125 du 6 janvier 1995, en
opérant certains transferts de compétences des magistrats aux greffiers en
chef, ont soulevé la possibilité d'envisager de déléguer aux greffiers les
missions dévolues aux greffiers en chef.
Néanmoins, s'agissant des greffes du ressort du tribunal de grande instance de
Périgueux, il convient de souligner que ces greffes sont déjà surchargés.
Le greffier en chef du tribunal de grande instance de Périgueux qui,
actuellement, n'a pas d'adjoint, a en charge une cellule budgétaire importante,
et le greffier en chef du tribunal d'instance de cette même ville doit assumer
la lourde gestion des demandes de nationalité.
En conséquence, il souhaite que la situation spécifique de la circonscription
judiciaire du tribunal de grande instance de Périgueux soit examinée de toute
urgence en liaison avec la sous-direction des greffes du ministère de la
justice, afin qu'une solution aussi satisfaisante que possible soit apportée
aux vacances qui lui sont signalées. (N° 348.)
XII. - M. Pierre Hérisson appelle l'attention de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie sur la modification de l'assiette de la taxe
professionnelle contenue dans le projet de loi de finances pour 1999.
Sur le fond, il est certes louable de vouloir alléger les charges des
entreprises, mais plusieurs options sont possibles, notamment celle qui
consiste à diminuer l'impôt sur les sociétés, souvent réclamée lors des
discussions budgétaires précédentes. La suppression progressive sur cinq ans de
la part salaires de l'assiette de la taxe professionnelle n'aura aucun effet
sur l'emploi.
Une étude récente du Conseil des impôts faite auprès des entreprises dans
quatre départements démontre, pour la totalité d'entre elles, que le poids de
la taxe professionnelle n'a pas eu d'incidence sur leur politique de personnel.
La taxe professionnelle constitue une ressource majeure pour plus de 50 000
communes, groupements, départements, régions, organismes consulaires et fonds
de péréquation. Les pertes subies par les collectivités en leur imposant une
diminution de l'assiette de cette taxe seraient compensées sous forme de
dotation budgétaire, qui évoluerait comme la dotation globale de fonctionnement
jusqu'en 2003, puis serait intégrée à celle-ci.
Aussi, il lui demande s'il n'aurait pas été préférable d'inclure ce toilettage
de la taxe professionnelle dans la vaste réforme attendue de la fiscalité
locale et de l'intercommunalité, après concertation avec les élus, et de lui
assurer que cette baisse de revenus pour les collectivités sera compensée et
réactualisée chaque année afin d'éviter qu'à terme cette compensation ne se
transforme en augmentation d'impôt sur les ménages, ce qui n'est pas imaginable
tant la pression fiscale est déjà forte. (N° 350.)
XIII. - M. René-Pierre Signé appelle l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur la menace de suppression qui
pèse de plus en plus lourdement sur la gare de Château-Chinon.
La SNCF, en dépit des assurances apportées si les utilisateurs pouvaient
garantir un certain tonnage annuel, tonnage qui a été garanti, n'envisagerait
pas un retour à Château-Chinon, et ce pour deux raisons : le mauvais état de la
voie qu'il conviendrait de remettre en état et son profil, qui entraîne un
surcoût d'exploitation.
La SNCF rechercherait donc une solution envisageant l'installation d'une
plate-forme ferroviaire assez proche des zones d'exploitation, facilement
accessible par route, correctement aménagée et éloignée des zones d'habitation.
Le secteur de Taunay-en-Bazois, situé à 25 kilomètres de Château-Chinon, semble
retenir sa préférence.
Un tel projet prive Château-Chinon d'un outil et d'un potentiel susceptibles
de générer de nouvelles activités. Il s'inquiète de la pénalisation qui est
infligée à une gare active, située en plein coeur du massif, pour une simple
raison de rentabilité, et se demande s'il est raisonnable de supprimer de
nouveau un service public dans une région dejà fragilisée. (N° 355.)
XIV. - Mme Dinah Derycke souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire
d'Etat à la santé sur le statut des praticiens exerçant dans les centres
d'orthogénie.
Le décret du 27 mars 1993 confère aux établissements publics de santé la
possibilité de recruter des médecins en qualité de praticiens contractuels.
L'arrêté du 17 janvier 1995 précise quant à lui le niveau de rémunération des
praticiens exerçant des missions spécifiques, comme l'interruption volontaire
de grossesse. Or, ces mesures réglementaires ne sont que rarement mises en
oeuvre.
En effet, un grand nombre de médecins exerçant dans les centres d'orthogénie
continuent de le faire au titre de vacataire. De ce fait, ils perçoivent une
rémunération très faible, n'ont droit ni aux congés payés ni aux congés
formation. Il s'agit la plupart du temps de médecins militants, qui ne pourront
bientôt plus pallier le manque d'intérêt de leurs collègues pour ce travail mal
reconnu.
Seuls les hôpitaux de Paris, Tours, Grenoble, Chambéry et, depuis peu, Roubaix
ont contractualisé leurs praticiens en centre d'orthogénie. L'exemple de
Roubaix lui paraît porteur d'espoir et recèle de nouvelles perspectives.
Après une grève de vingt jours, les médecins du centre d'orthogénie du CHU de
Roubaix ont obtenu de devenir contractuels et de bénéficier d'une augmentation
du nombre de demi-journées de travail ainsi que d'un droit à la formation.
Ces dispositions permettront aussi aux praticiens d'exercer une activité
préventive. La planification prend ainsi une place importante : l'Etat s'est
d'ailleurs engagé à financer les heures travaillées pour le compte de la
planification en cas de défaillance du conseil général, dont c'est la
compétence.
Dans le seul département du Nord, 15 centres d'orthogénie attendent
l'extension de cette solution à leur cas. Il s'agit simplement d'appliquer les
règlements en vigueur ; il s'agit surtout de veiller à garantir le droit des
femmes. Ces centres, confrontés au désintérêt du corps médical et à une absence
de volonté de la part de la hiérarchie administrative hospitalière, voient en
effet leurs missions très sérieusement remises en jeu.
Constatant l'excellence de l'accord roubaisien, elle souhaite savoir s'il
entend prendre des dispositions afin d'étendre cette solution exemplaire à
l'ensemble des centres d'orthogénie et lever ainsi les menaces pesant sur leur
bon fonctionnement et leur pérennité. (N° 358.)
XV. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie sur la situation du groupe
scolaire Olivier Métra et d'autres écoles dans le 20e arrondissement de
Paris.
L'Académie de Paris envisage d'exclure de la zone d'éducation prioritaire -
ZEP - ces écoles. Elle propose de créer sur le quartier un réseau d'éducation
prioritaire - REP - qui n'offre pas la garantie que les moyens attribués à ces
écoles seront maintenus.
Le groupe scolaire Olivier Métra a bâti en quelques années un projet dynamique
qui a beaucoup contribué à favoriser la réussite scolaire. Les moyens
particuliers dont bénéficient ces écoles maternelles dans le cadre de la ZEP
ont prouvé leur efficacité et sont toujours nécessaires, car le nombre de
familles en grande difficulté continue d'augmenter et le soutien aux efforts
conjoints des équipes pédagogiques, qui ont permis de faire face à cet
environnement difficile, reste indispensable.
Il serait mal venu de casser cette dynamique au moment où les écoles primaires
ressentent avec de plus en plus d'acuité la nécessité de rejoindre la ZEP.
De plus, contrairement à l'esprit des circulaires du ministère de l'éducation
nationale qui exigent que la relance des ZEP s'effectue dans la transparence
totale, et après une large concertation de tous les partenaires de l'école,
aucune concertation n'a été entreprise ni avec la mairie ni avec les syndicats
enseignants.
Pour toutes ces raisons, elle lui demande si, dans la logique du plan de
relance des ZEP qui a été décidé par le Gouvernement en janvier dernier et qui
insiste sur l'importance pour les ZEP de couvrir tous les niveaux de scolarité
des enfants, le ministère envisage de prendre les mesures nécessaires, afin
d'ouvrir un véritable dialogue en vue du maintien de ces écoles maternelles en
ZEP et d'élargir celle-ci aux écoles primaires de ce quartier. (N° 359.)
DÉLAIS LIMITES
POUR LES INSCRIPTIONS DE PAROLE
ET POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS
Projet de loi relatif à l'emploi des fonds de la participation des employeurs
à l'effort de construction (n° 43, 1998-1999) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 10 novembre 1998, à
dix-sept heures.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté par
l'Assemblée nationale (n° 50, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 10 novembre 1998, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 13 novembre 1998, à
seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Devenir du Centre national des télécommunications
363.
- 5 novembre 1998. -
M. Michel Duffour
attire l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur les incertitudes quant au devenir du Centre national des télécommunications
(CNET). Depuis plus de cinquante ans, cet organisme public a, de par ses
missions, permis d'assurer l'indépendance technologique de notre pays en aidant
aux développements de nouvelles technologies de pointe. Dans les deux sites des
Hauts-de-Seine, Issy-les-Moulineaux et Bagneux, des missions ont été
abandonnées, des fermetures d'équipements et de laboratoires sont programmées.
Tout retard pris dans le domaine du développement des technologies permettant
d'élargir la capacité de produire, de diffuser et de partager l'information
risque de pénaliser lourdement l'avenir de notre pays. Ces décisions, si elles
devaient se confirmer, se traduiraient par des suppressions d'emplois,
annoncées par la direction et refusées par les personnels et leurs syndicats.
Aussi il lui demande de lui faire connaître les mesures et les initiatives que
le Gouvernement compte prendre pour assurer le potentiel technologique du CENT,
la pérennité de ses établissements, le maintien de ses emplois et pour répondre
aux demandes de concertation des personnels.
Situation des sages-femmes
364. - 5 novembre 1998. - M. Charles Descours attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la santé sur la situation des sages-femmes. Alors qu'on observe une nette tendance au développement du concept Naissance-maladie qui implique une obstétrique médicalisée plus curative que préventive, la place des sages-femmes parmi les professionnels de la périnatalité tend à se déplacer vers la pathologie et à restreindre leurs compétences (consultation de grossesse et suite de couches normales). Cette tendance a aussi une conséquence financière lourde. Il lui demande par conséquent, en prévision des états généraux de la santé prévus en début d'année prochaine, de bien vouloir impulser une dynamique de périnatalité confortant les sages-femmes dans leur rôle tel que défini par la loi (loi n° 82-413 du 19 mai 1982, art. L. 374 du code de la santé publique) évitant des actes médicaux inutiles, ce qui entraînerait une réduction du coût des soins sans en négliger la qualité bien entendu.