Séance du 22 octobre 1998
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Participation de fonctionnaires à la création d'entreprises innovantes.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
1
).
Discussion générale : MM. Adrien Gouteyron, président et rapporteur de la
commission des affaires culturelles ; Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie ; Pierre Laffitte, Franck Sérusclat, Jean-Louis Lorrain.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
Article unique (p. 2 )
MM. Lucien Lanier, Philippe Nogrix, James Bordas, Thierry Foucaud, Franck
Sérusclat, le rapporteur, Pierre Laffitte.
Adoption de l'article unique de la proposition de loi.
3.
Rappel au règlement
(p.
3
).
MM. Emmanuel Hamel, le président.
4.
Ordre du jour
(p.
4
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.)1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
PARTICIPATION DE FONCTIONNAIRES
À LA CRÉATION D'ENTREPRISES INNOVANTES
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 505,
1997-1998) de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des affaires
culturelles, sur la proposition de loi (n° 98, 1997-1998) de M. Pierre Laffitte
permettant à des fonctionnaires de participer à la création d'entreprises
innovantes.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Adrien Gouteyron,
président et rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
voici une proposition de loi dont la commission des affaires culturelles s'est
saisie avec beaucoup de bonheur et de conviction. Elle émane en effet de l'un
de nos collègues qui, depuis longtemps, a fait de ce sujet l'une de ses grandes
préoccupations, préoccupation que partage la commission des affaires
culturelles.
Cette proposition de loi répond, en effet, à une nécessité économique.
On le sait, la France, depuis longtemps - j'allais dire depuis toujours ! -
souffre d'une insuffisante valorisation des résultats de la recherche publique
; c'est là un constat unanimement partagé.
Dans le rapport qu'il a remis au printemps dernier, M. Henri Guillaume, ancien
président de l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR,
souligne une nouvelle fois le décalage qui existe entre les excellents
résultats de notre pays dans le domaine de la recherche fondamentale et les
résultats beaucoup moins satisfaisants, pour ne pas dire très faibles, dans le
domaine de l'innovation technologique.
Les origines de ce déséquilibre sont dorénavant bien connues. Elles résident
en particulier dans l'insuffisance de nos mécanismes de diffusion de
l'innovation, dont un des indicateurs les plus significatifs est le faible
nombre d'entreprises créées par des chercheurs issus des organismes publics de
recherche pour exploiter les résultats de leurs travaux. Cette situation n'est
pas satisfaisante et est à l'inverse de ce que l'on constate dans certains
autres pays.
Les chercheurs, chez nous, sont par tradition peu enclins à opérer un tel
transfert, et les organismes publics de recherche le sont peu également ; c'est
regrettable.
Ces entreprises innovantes, dont nous voulons faciliter la création, sont
susceptibles pourtant de se développer dans des secteurs où se joue l'avenir de
notre compétitivité : le secteur des biotechnologies et celui des technologies
nouvelles de l'information et de la communication.
De telles entreprises contribuent aussi fortement, on le sait, à la création
d'emplois et peuvent dynamiser notre industrie, d'abord parce qu'elles ont un
taux d'échec extrêmement faible, on le constate, ensuite, je l'ai dit, parce
qu'elles se situent dans des créneaux - excusez le mot - qui correspondent aux
évolutions technologiques prévisibles.
Ne traçons pas un tableau trop sombre de la situation de notre pays. Il y a
déjà des organismes qui ont beaucoup fait pour faciliter la création de telles
entreprises. Je pense, en particulier, à l'Institut national de recherche en
informatique et en automatique, qui peut être pris en exemple et que nous avons
d'ailleurs souvent eu à l'esprit lorsque nous avons élaboré les propositions
qui vont vous être présentées, mes chers collègues.
Quels sont, chez nous, les obstacles à la création d'entreprises par des
chercheurs ?
Il s'agit, en particulier, d'obstacles financiers et fiscaux, monsieur le
secrétaire d'Etat. Dans ce domaine, beaucoup reste à faire, même si des
avancées significatives ont été accomplies, comme la création des fonds communs
de placement dans l'innovation ou la mise en place du nouveau marché.
Par ailleurs, on déplore en France l'absence, au sein des organismes de
recherche eux-mêmes, de structures capables d'apporter un soutien financier, ou
plus simplement logistique, aux chercheurs désireux de créer une entreprise.
Les fonds d'amorçage que le ministre de l'éducation nationale, de la recherche
et de la technologie veut encourager en sont encore, dans notre pays, à l'état
de balbutiements.
Enfin, et c'est à cet obstacle que la proposition de loi a pour objet de
remédier, les règles de la fonction publique, comme celles du code pénal,
sanctionnant la prise illégale d'intérêts paraissent incompatibles avec la
création de telles entreprises par des chercheurs à partir des résultats de
leurs travaux. Ces règles comportent en effet des dispositions très
restrictives concernant les liens qui peuvent s'établir entre un fonctionnaire
et une entreprise.
Je ne reviens pas sur le contenu de ces règles ; elles figurent dans le
rapport distribué. Je rappellerai seulement qu'elles visent à prévenir tout
conflit d'intérêts entre le service public lui-même et les fonctionnaires.
Même si ces règles ont été assouplies par les statuts afin de tenir compte de
la nécessité de faciliter la mobilité entre la recherche publique et les
chercheurs, il y a lieu d'adopter - je rappelle que c'est l'objet de la
proposition de loi - des dispositions nouvelles pour mettre notre pays en phase
avec la réalité et les besoins d'aujourd'hui.
Les règles actuelles interdisent aux chercheurs d'appartenir au service public
et, en même temps, de participer à la création d'une entreprise. Un
fonctionnaire ne peut en principe créer une entreprise et partir y travailler
dès lors que des collaborations se seraient établies entre cette entreprise et
son laboratoire ou son établissement.
Quant à la négociation des contrats de collaboration ou de licence avec les
organismes de recherche, elle ne devrait intervenir théoriquement qu'une fois
le chercheur mis en disponibilité, ce qui implique que les fonctionnaires
doivent, avant de négocier, « faire le grand saut » ; c'est là une des
difficultés majeures.
Enfin, ces règles interdisent à un chercheur de posséder une part du capital
d'une entreprise de valorisation lié par contrat au service public dont il
relève. Or, cet apport en capital est souvent nécessaire et l'engagement
financier du chercheur est souvent exigé par les autres investisseurs comme
gage de sérieux du projet envisagé.
Les dispositions législatives en vigueur sont donc à l'évidence inadaptées,
d'où la raison d'être du dispositif qu'a envisagé notre collègue M.
Laffitte.
La proposition de loi qu'il a déposée vise à compléter par deux articles
nouveaux la loi du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la
recherche.
La commission vous proposera de reprendre ce dispositif sous réserve de
quelques aménagements.
Avant de le présenter, je rappellerai qu'il s'inspire très largement d'un
article du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier, déposé par le précédent gouvernement en 1997.
Le texte proposé pour devenir l'article 25-1 de la loi de 1982 prévoit le cas
de l'essaimage, c'est-à-dire le cas où un chercheur quitte son laboratoire pour
l'entreprise en création et cesse toute activité au titre du service public de
la recherche.
Ce texte précise donc les conditions de participation du chercheur en qualité
d'associé à la création d'une entreprise innovante à partir des résultats des
travaux de ses recherches.
La participation du fonctionnaire peut prendre la forme d'un apport en capital
ou en industrie en qualité d'associé, d'administrateur ou de dirigeant. Elle
est autorisée par l'autorité dont il relève, après avis de la commission de
déontologie conformément à l'article 87 de la loi de 1993.
L'autorisation est délivrée pour une durée d'un an renouvelable quatre fois,
ce qui représente une durée maximale de cinq ans. Durant cette période destinée
à assurer le lancement de l'entreprise, le fonctionnaire est mis à disposition
de l'entreprise ou détaché auprès d'elle ou, à défaut, auprès d'un organisme
concourant à la valorisation de la recherche.
A l'issue de cette période, le chercheur doit opter entre l'entreprise et le
service public.
S'il choisit la première, il est mis en disponibilité ou radié des cadres.
S'il choisit le second, il réintègre son corps d'origine, en conservant
toutefois la possibilité de bénéficier des dispositions d'un second article qui
deviendrait l'article 25-2 de la loi.
Cet article fixerait les modalités selon lesquelles un chercheur peut être
autorisé à apporter son concours scientifique à une entreprise de valorisation
et, éventuellement, à prendre une participation dans le capital de celle-ci.
Cette disposition est apparue particulièrement opportune dans la mesure où elle
permet de prévoir une position intermédiaire entre la simple consultance et le
départ du chercheur vers l'entreprise.
Dans cette hypothèse, en effet, le chercheur demeure au sein du service public
de la recherche, le concours scientifique devant être pleinement compatible
avec le plein exercice par ce fonctionnaire de l'emploi public qu'il a à
assumer. L'autorisation est accordée au terme d'une procédure identique à celle
que j'ai décrite tout à l'heure, c'est-à-dire après consultation de la
commission de déontologie.
Les modalités du concours scientifique sont définies dans le cadre d'une
convention conclue entre la personne publique dont relève le chercheur et
l'entreprise. Cela permet tous les aménagements et la souplesse désirables.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, les conclusions de la commission des
affaires culturelles reprennent très largement le dispositif de la proposition
de loi de Pierre Laffitte sous réserve de quelques aménagements.
Le premier d'entre eux vise à rendre plus opérationnelles les dispositions de
l'article 25-1.
En effet, la commission des affaires culturelles vous propose, mes chers
collègues, de prévoir que le chercheur pourra participer à la négociation du
contrat conclu avec l'organisme de recherche, contrat qui devra fixer les
modalités de valorisation de ses travaux, à condition, bien sûr, qu'il n'agisse
pas pour le compte de la personne publique dont il relève.
Toujours dans le même esprit et avec le même objectif, la commission a précisé
le dispositif de l'article 25-2 relatif au concours scientifique afin de mieux
l'encadrer.
Elle a ainsi limité à 10 % la hauteur de la participation d'un chercheur qui
resterait au sein du service public de la recherche et souhaiterait prendre
part au capital d'une entreprise innovante.
Nous avons pensé en effet que l'objet du concours scientifique est de
permettre à l'entreprise de bénéficier de compétences et non seulement
d'assurer le financement de l'entreprise, la participation à ce financement
n'étant, en quelque sorte, de la part du chercheur, que le signe de son
engagement et de sa décision de mettre ses compétences au service d'une
entreprise.
Par ailleurs, afin de prévoir le cas, fréquent dans la pratique, où plusieurs
chercheurs appartenant à une même équipe de recherche apporteraient leur
concours scientifique à une entreprise, la commission a proposé, sur la
suggestion d'un certain nombre de ses interlocuteurs, que ces chercheurs ne
puissent détenir ensemble plus de 30 % du capital de l'entreprise.
Afin de garantir le statut d'indépendance qui doit caractériser cette
collaboration, la commission a précisé que le chercheur ne pourra exercer des
fonctions d'administrateur ou de dirigeant au sein de l'entreprise ni être
placé dans une situation hiérarchique.
Enfin, le texte que je vous soumets allège le dispositif proposé en renvoyant
à des décrets en Conseil d'Etat ses modalités d'application.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lors des assises de l'innovation qui se sont
réunies le 12 mai dernier à La Villette, le Premier ministre reconnaissait la
nécessité de « multiplier les passerelles entre la recherche publique et le
monde économique » et que, à cette fin, il était « d'abord nécessaire de lever
les obstacles réglementaires et législatifs qui freinent aujourd'hui cette
mobilité ».
Ces déclarations nous paraissent rejoindre les préoccupations de notre
collègue M. Pierre Laffitte, reprises par la commission des affaires
culturelles.
En ce domaine, il faut agir vite et notre séance de ce matin n'a d'autre but
que d'y inciter le Gouvernement.
Notre projet nous paraît déterminant pour l'avenir et le dynamisme de notre
industrie. Nous pensons qu'il peut aider notre pays à tirer parti du potentiel
que représente notre recherche fondamentale, dont l'excellence est unanimement
reconnue.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, en particulier au nom de M.
Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie, et de M. Strauss-Kahn, dont relève le ministère de l'industrie, je
vais, en quelques mots très cursifs, dire tout le bien que nous pensons de
cette proposition de loi, qui, comme beaucoup de celles qui émanent du même
auteur, est d'une très grande qualité.
Elle concerne un sujet essentiel pour le dynamisme de l'économie française.
Chacun le sait, et vous l'avez rappelé, monsieur Gouteyron, le secteur des
technologies modernes est en effet un important gisement d'emplois et occupe
une part de plus en plus conséquente dans la croissance économique de notre
pays.
Nous disposons par ailleurs, et je suis très heureux que vous ayez cité le
rapport Guillaume, d'un fort potentiel en matière d'innovation, qui n'est
toutefois pas assez développé et exploité en France.
Pour faire bénéficier l'ensemble de la société de ces atouts, il est important
de favoriser la coopéation entre la recherche publique et le monde économique.
La voie a déjà été tracée par le Gouvernement dès la fin de 1997 avec la
création du réseau national de recherche en télécommunication, le RNRT, qui lie
la recherche publique - j'évoquerai dans un instant un certain nombre
d'instituts qui participent à cette recherche - la recherche privée, les
laboratoires privés et les entreprises dans une convergence d'efforts au profit
de notre économie et des entreprises.
Il faut certainement, vous le soulignez à juste titre, plus que par le passé
permettre aux chercheurs de créer une entreprise à partir de leurs propres
travaux ; il faut même les inciter à le faire.
Or la création d'entreprises par les chercheurs, par les
enseignants-chercheurs et par l'ensemble des personnels de recherche en général
reste aujourd'hui très insuffisante en France si on dresse la comparaison avec
les Etats-Unis.
Le rapport Guillaume a confirmé ce diagnostic bien connu des spécialistes en
le portant cette fois à la connaissance du grand public.
Deux chiffres éclairent les propos que nous tenons : le nombre moyen de
créations d'entreprises par an et pour 1 000 chercheurs est de 0,8 ; depuis dix
ans - ce chiffre peut être considéré comme dramatique - cinquante entreprises
seulement ont été créées par des chercheurs en provenance du CNRS, de l'INSERM,
de l'INRIA et de l'INRA.
Rappelons que les entreprises « d'essaimage » créées sur l'initiative des
chercheurs connaissent un taux d'échec très bas - un cas sur six seulement -
alors que, dans le secteur des industries et des services, une entreprise sur
deux disparaît dans les cinq ans.
Rappelons aussi que les entreprises créées sur l'initiative des chercheurs
sont en moyenne trois fois plus créatrices d'emplois que les autres, avec un
effectif moyen de onze salariés quelques années après leur création.
La proposition de loi dont nous discutons lève un certain nombre de freins qui
paralysent la création d'entreprises innovantes.
Analysons, là aussi de manière cursive, les causes principales du retard de la
France en matière de création d'entreprises.
Les premières sont d'ordre financier.
Le capital-risque et, plus encore, le capital d'amorçage, qui participe,
chacun le sait, au premier tour de table des entreprises très innovantes, n'est
pas assez développé en France. Par rapport à ce qu'il est en Allemagne, en
Italie, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, le capital-risque est dans une
situation que l'on peut qualifier d'indigente.
Le Gouvernement a donc voulu d'emblée lutter contre cette situation. Pour ce
faire, il a créé, en mai dernier, un fonds public de 600 millions de francs
destinés à abonder les fonds de capital-risque, et ce dans une démarche
entrepreneuriale et non pas selon une mécanique bureaucratique, qui ne serait
pas de mise en l'occurrence.
Pour 1999, 200 millions de francs sont dégagés dans le projet de loi de
finances initial en faveur des fonds d'amorçage, 100 millions provenant du
chapitre 66-01 affecté à mon ministère et consacré à l'innovation dans les
entreprises et plus particulièrement dans les PMI - je souhaite en effet
réorienter les crédits de ce chapitre ; nous aurons l'occasion d'en parler
prochainement, lors de la discussion budgétaire - et 100 millions de francs
étant inscrits au compte d'affectation spéciale dédié à ces fonds
d'amorçage.
Les secondes causes sont d'ordre culturel.
Le monde de l'entreprise et le monde de l'enseignement, voire le monde des
chercheurs et des étudiants, sont séparés. Culturellement, l'aventure
entrepreneuriale n'est pas suffisamment vécue comme positive par le monde des
chercheurs et par le monde de l'enseignement.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, les assises de l'innovation. Lors de
ces assises, il a été décidé de développer les modules de formation à la vie de
l'entreprise dans les écoles d'ingénieurs et dans les universités. J'ai, par
exemple, demandé que le projet personnel de chacun des étudiants des écoles des
mines et des écoles des télécommunications qui dépendent du ministère de
l'industrie soit systématiquement orienté, au moins de manière informative,
vers la possibilité qu'ils ont de créer leur propre entreprise. Mon collègue
Claude Allègre adopte la même démarche à l'égard des autres filières de
formation qui dépendent du ministère de l'éducation nationale, de la recherche
et de la technologie.
Il existe également des causes juridiques au retard de notre pays en matière
de création d'entreprises. Les règles statutaires de la fonction publique ainsi
que les dispositions du code pénal sur la prise illégale d'intérêt - vous le
disiez tout à l'heure avec force, monsieur le rapporteur - rendent très
difficile la création d'entreprises par les personnels de recherche, alors même
que ces entreprises valorisent leurs travaux et ceux de l'équipe à laquelle ils
appartiennent.
Je ne rappellerai pas le détail de ces règles, qui portent sur l'obligation,
d'une part, de désintéressement et, d'autre part, d'exclusivité professionnelle
des fonctionnaires, ainsi que sur l'interdiction d'avoir des intérêts dans une
entreprise qui a des relations avec son organisme d'origine. J'évoquerai
simplement les difficultés que crée l'application de ces règles au regard des
impératifs que j'ai mentionnés plus haut.
En pratique, les personnels de recherche doivent être placés en position de
disponibilité avant de créer leur entreprise et de négocier les contrats de
collaboration avec leur organisme de recherche. Cette contrainte est très
dissuasive et elle est en fait impossible à respecter dans la phase de création
de l'entreprise.
C'est à ce problème que la proposition de loi en discussion s'attaque à juste
titre.
Je n'insisterai pas sur le détail juridique et technique de cette proposition,
qui reprend d'ailleurs en grande partie les dispositions de l'avant-projet de
loi qu'avait préparé M. d'Aubert, sous la précédente majorité.
Je dirai seulement que le Gouvernement partage le point de vue de MM. Laffitte
et Gouteyron et qu'il souhaite, comme eux, concilier les obligations résultant
des règles de la fonction publique et la nécessaire participation des
chercheurs au développement des entreprises de valorisation.
Le Gouvernement souhaite également expliciter, pour les chercheurs devant
collaborer à des entreprises destinées à valoriser leurs travaux, les contours
de l'article 432-13 du code pénal définissant la prise illégale d'intérêts, qui
est objectivement aujourd'hui un élément bloquant, sur le plan juridique, de la
situation que nous cherchons précisément à faire évoluer.
Il s'agit d'encadrer la prise d'intérêts des chercheurs dans des entreprises
qui vont avoir ou qui ont eu des liens avec le laboratoire dans lequel ils
continuent d'exercer.
J'ajoute que des dispositions analogues seront incluses dans le projet de loi
sur l'innovation et la recherche que M. Claude Allègre présentera en conseil
des ministres et qui sera certainement déposé au Parlement avant la fin de
l'année.
Le principe comme l'économie générale des dispositions que vous avez tout à
l'heure présentées, monsieur le rapporteur, ne soulèvent donc aucune objection
de la part de M. Allègre, de moi-même et du Gouvernement dans son ensemble.
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Sur des points de détail, quelques remarques peuvent
être cependant formulées à l'encontre de cette excellente proposition de
loi.
Comme je l'ai indiqué, le futur projet de loi sur l'innovation et la recherche
contiendra des dispositions voisines de celles qui sont aujourd'hui débattues,
mais il convient de relever un certain nombre de différences.
Concernant tout d'abord l'article 25-1 qu'il est proposé d'insérer dans la loi
du 15 juillet 1982, la proposition de loi donne la possibilité aux personnels
de recherche de participer en tant qu'associé administrateur ou dirigeant à la
création d'une entreprise qui valorise leurs travaux et qui a des relations
contractuelles avec leur organisme d'origine. Dans l'avant-projet de loi, il
est spécifié que l'apport de l'associé peut se faire en capital, en nature ou
en industrie, pour couvrir tous les cas de figures possibles.
De même, aux termes de la proposition de loi, l'autorisation est donnée par
une commission de déontologie afin de garantir l'indépendance et la neutralité
du service public. Dans l'avant-projet de loi, un avis consultatif de
l'organisme de recherche est également sollicité dans un souci de
transparence.
Toujours à l'article 25-1, selon le texte en discussion, à compter de la date
d'autorisation, la personne est mise à disposition de l'entreprise ou placée en
position de détachement ; elle cesse toute participation au service public.
Dans l'avant-projet, elle peut continuer à exercer des activités
d'enseignement.
Je pense que, sur ce point, l'avant-projet de loi est meilleur que la
proposition de loi mais qu'il ne devrait pas être très difficile de rapprocher
nos points de vue.
Autre différence : dans la proposition de loi, l'autorisation est donnée pour
un an et renouvelable quatre fois, soit pour cinq ans au total. Dans
l'avant-projet, elle est accordée pour une durée de deux ans renouvelable deux
fois, soit six ans au total, de façon que, tous les deux ans, un point puisse
être fait sur l'avancement du projet et que le créateur d'entreprise puisse
éventuellement être aidé.
Là aussi, parce que la philosophie est commune, je pense que l'on peut dégager
une forte convergence entre la proposition de loi et l'avant-projet.
Au terme de l'autorisation qu'il a obtenue, le chercheur créateur d'entreprise
doit choisir entre la mise en disponibilité et le retour au service public,
auquel cas il met fin à sa collaboration avec l'entreprise dans les six mois -
c'est le délai prévu par la proposition de loi - qui suivent son retour dans le
service public. A cet égard, l'avant-projet prévoit quant à lui un délai d'un
an, ce qui laisse plus de temps au chercheur pour se retourner et introduit une
plus grande souplesse. En tout cas, cela va dans le sens de la philosophie de
la proposition de loi.
J'en viens maintenant au texte de l'article 25-2 qu'il est proposé d'insérer
dans la loi de 1982.
La proposition de loi donne la possibilité aux personnels de recherche
d'apporter leur concours scientifique et leur capital à une entreprise qui
valorise leurs travaux.
S'agissant du concours scientifique, il doit être prévu par une convention
conclue entre la personne publique qui emploie la personne intéressée, d'une
part, et l'entreprise, d'autre part. Dans l'avant-projet du Gouvernement, cette
rémunération est plafonnée, car il ne s'agit pas d'autoriser le fonctionnaire à
faire de la consultance plus d'un jour par semaine.
S'agissant du concours financier, il est limité, dans la proposition de loi, à
10 % par personne et ne peut dépasser 30 % pour l'ensemble des fonctionnaires
d'un même organisme. Dans l'avant-projet, le seuil est de 15 % par personne,
car c'est seulement au-delà de ce seuil qu'il y a un véritable risque juridique
au regard du code pénal. Il n'y a en outre pas de seuil global, car cela
rendrait plus difficile la collecte de fonds par les créateurs d'entreprise.
L'avant-projet est donc, là encore, plutôt plus souple quant à la philosophie
générale de la participation des chercheurs à la vie économique.
Enfin, l'avant-projet du Gouvernement se distingue de la proposition de loi
par deux dispositions importantes.
Nous prévoyons d'abord une meilleure articulation par rapport au code pénal.
L'avant-projet interdit toute participation dans une entreprise avec laquelle
le chercheur a négocié durant les cinq dernières années.
Cette disposition est destinée non pas à ralentir le processus, mais à
protéger le chercheur contre d'éventuelles poursuites judiciaires, afin qu'il
dispose de toute la sécurité nécessaire au moment où il s'engage dans une
entreprise.
Nous envisageons en outre un champ d'application plus large. L'avant-projet
gouvernemental concerne également des contractuels comme les ATER - les
attachés temporaires d'enseignement et de recherche - ou les jeunes docteurs
non titulaires, et non pas seulement les fonctionnaires. En effet, c'est aussi
ce public qui créera des entreprises.
Nous pensons ainsi fertiliser le système d'enseignement en matière de création
d'entreprises, et donc d'emplois.
Mon dernier point concernera les compléments qu'apportera le projet de loi sur
l'innovation et sur la recherche par rapport au sujet qui est spécifiquement
visé par la présente proposition de loi.
Il est, je le répète, tout à fait opportun de prévoir la participation de
fonctionnaires à la création d'entreprises innovantes, mais ce n'est pas
suffisant. Le futur projet de loi contiendra donc d'autres dispositions tendant
à favoriser la collaboration entre la recherche et les entreprises, car c'est
bien cette collaboration qui permettra la création d'entreprises innovantes.
Sans dévoiler, à ce stade, le contenu de ce projet, je citerai quatre axes
essentiels.
Le premier est l'allégement des formalités administratives pour la création
par les établissements de recherche et d'enseignement supérieur de groupements
d'intérêt public ou de structures privées de coopération avec les
entreprises.
Dans tous les domaines, le Gouvernement s'efforce d'alléger les contraintes
administratives, beaucoup trop lourdes. C'est l'excellent travail que ma
collègue Marylise Lebranchu a déjà réalisé dans le domaine des entreprises, en
liaison avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il s'agit, pour Claude Allègre, de promouvoir le même état d'esprit
d'allégement et de souplesse administrative pour les établissements de
recherche et d'enseignement supérieur.
Le deuxième axe a trait à la contractualisation entre l'Etat et les organismes
de recherche afin de faire apparaître des objectifs en matière de transferts de
technologie. Le système contractuel est au fond le meilleur, car chacun défend
à la fois son identité et son projet, et la convergence des deux interlocuteurs
peut se révéler fertile pour la recherche et la création d'activités
économiques.
Le troisième axe concerne la clarification des modalités d'indemnisation pour
perte d'emploi des personnels contractuels embauchés pour effectuer des travaux
de recherche en collaboration avec une entreprise. Il s'agira de mettre fin,
dans ce domaine, à la pratique des associations par lesquelles passent trop
souvent, pour des raisons de commodité, les universités et les établissements
de recherche.
Enfin, le quatrième axe complémentaire vise la possibilité, pour les
universités et les établissements de recherche, de créer des « incubateurs »,
qui apporteront une aide à de très jeunes entreprises de haute technologie,
moyennant rémunération.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je répète que le
Gouvernement approuve l'économie globale de la proposition de loi qui vous est
aujourd'hui soumise. Vous aurez certainement noté que les quelques remarques
que j'ai formulées vont dans le même sens que cette proposition de loi et
qu'elles éclairent la volonté du Gouvernement de s'engager résolument dans la
voie qui est ainsi ouverte.
L'esprit de cette proposition de loi est donc totalement rejoint par le projet
de loi qui est actuellement en cours d'élaboration et qui sera d'ailleurs
bientôt soumis au Conseil d'Etat, ce qui témoigne de l'imminence de son dépôt
au Parlement.
Nous considérons qu'il vaut mieux engager la discussion sur un projet de loi
global comprenant un ensemble cohérent de dispositions lorsque nous aurons
achevé la consultation des différents partenaires concernés. La procédure du
projet de loi sur l'innovation et la recherche va donc se poursuivre et le
Parlement sera saisi de ce texte au plus tard au début de l'année 1999.
Je veux dire à nouveau la satisfaction du Gouvernement de voir avec quelle
profondeur, une fois de plus, le Sénat a abordé un sujet majeur au regard de
l'avenir économique et social de notre pays, ainsi que de la création d'emplois
et d'entreprises.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
c'est pour moi un grand plaisir de voir aboutir cette proposition de loi, qui
n'est ni de droite ni de gauche, qui est d'avenir.
Je suis également très heureux de la part qu'a prise dans ce processus la
commission des affaires culturelles du Sénat, présidée par mon ami Adrien
Gouteyron.
Il s'agit d'un sujet qui est au coeur de mon activité professionnelle depuis
plus de trente ans. Voilà en effet plus de trente ans que j'ai créé au sein de
l'Ecole nationale supérieure des mines de Paris une dynamique de liaison entre
la recherche publique et la recherche privée. Bien entendu, comme tout le
monde, je suis passé par le système des associations.
Toutefois, cette structure est celle d'une association véritable, dotée d'un
statut du personnel, de délégués du personnel, reconnue d'ailleurs comme telle
à différentes reprises par la Cour des comptes, qui, sur ce point, est très
sourcilleuse.
Aujourd'hui, l'association Armines gère des milliers de contrats passés entre
la recherche publique et la recherche privée pour le compte d'un certain nombre
d'opérateurs, tels que les écoles des mines de Paris, de Saint-Etienne, de
Nancy, d'Alès, de Douai, de Nantes et d'Albi, mais aussi l'Ecole polytechnique,
ainsi que d'autres grandes écoles et universités.
Par conséquent, la démonstration est faite que la création de telles
structures est techniquement possible. C'est délicat car il subsiste toujours
le soupçon d'une éventuelle prise illégale d'intérêts de la part de
fonctionnaires ou d'agents de l'Etat. Aussi des problèmes spécifiques me
paraissent-ils subsister, comme l'ont souligné M. le secrétaire d'Etat et mon
ami Adrien Gouteyron.
Ces problèmes sont, d'abord, de nature culturelle. Traditionnellement, dans
l'université française, dans les centres de recherche français, il était
d'usage de considérer que tout ce qui touchait à l'utilisation pratique de la
science avait un mauvais renom et sentait un peu le soufre. Cela sentait
l'industrie et, l'industrie, pensait-on, c'était le profit, donc c'était
mauvais. Telle était l'opinion partagée par certains !
Je suis heureux que nous puissions parler au passé, du moins au niveau
politique supérieur. Je suis heureux qu'il soit actuellement reconnu que nous
ne saurions nous passer de l'industrie, de l'économie au sens large, ne
serait-ce que pour garantir le fonctionnement des services publics et la
rémunération des fonctionnaires.
Un grand progrès a été accompli et je m'en réjouis. C'est la raison pour
laquelle j'ai dit que ce problème dépasse les clivages politiques. J'en veux
pour preuve le fait qu'à l'heure actuelle, l'ensemble du Gouvernement,
notamment Claude Allègre, Dominique Strauss-Kahn et vous, Christian Pierret,
considère qu'il faut en France développer les créations d'entreprises, surtout
de celles qui sont fondées sur l'innovation.
Nous venons de loin, mais nous n'avons pas encore atteint le but fixé parce
qu'il subsiste toujours, venant du passé, des adhérences - en général, les
adhérences, du point de vue médical, ce n'est pas très bon - qui correspondent
à l'état actuel de notre droit.
Il est certain qu'il nous faudra régler des problèmes juridiques importants.
Et il conviendrait de modifier certaines pratiques internes au système de la
recherche et de l'enseignement supérieur.
Je pense en particulier à la grande différence entre le fonctionnement de
certaines des meilleures universités américaines et celui de nos établissements
d'enseignement supérieur. Dans une université américaine, il existe un ensemble
de services qui, en matière de propriété industrielle, sont comparables à ceux
d'une grande firme. Or je ne connais pas d'université française ou de grande
école française qui soit pourvue d'un service comparable, capable de gérer une
politique de protection intellectuelle et industrielle : brevets, licences,
gestion dynamique des droits et devoirs liés à la valorisation du produit des
recherches. C'est un simple exemple. En matière de transfert de technologie et
de valorisation, nous sommes en retard.
Pourtant, s'agissant du pourcentage du produit intérieur brut consacré à la
recherche publique, nous sommes le numéro un mondial. Je m'en réjouis parce
que, grâce à la recherche publique, nous pouvons envisager l'avenir lointain en
intégrant un certain nombre de paramètres qui ne sont pas pilotés par le court
terme. On ne peut toutefois s'en réjouir que dans la mesure où plus d'efforts
seraient consentis pour que le transfert de compétences vers l'utilisation par
l'économie, par les forces vives de la nation, soit effectivement réalisé ;
malheureusement, malgré les progrès accomplis, ce n'est pas le cas.
D'autres préoccupations, au premier rang desquelles se situent celles qui sont
d'ordre financier, doivent être prises en compte. Je me félicite de fait que,
sur ce point aussi, le Sénat s'en soit inquiété. En effet, c'est par
l'intermédiaire du groupe « Innovation et entreprise », créé sur l'initiative
de la commission des affaires culturelles, groupe que j'ai l'honneur de
présider, qu'a été lancé le mouvement tendant à la création du « nouveau marché
».
Ce dernier constitue une structure qui permet enfin aux sociétés de
capital-risque de trouver une possibilité de sortie grâce au marché boursier
pour les capitaux qu'elles ont investis dans les entreprises innovantes et
d'avoir donc des liquidités qu'elles peuvent réinvestir. Cela existait dans les
pays anglo-saxons, notamment outre-Atlantique.
Le nouveau marché, innovation en Europe, a été suivi par une opération
analogue en Allemagne avec le
Neuer Markt
et en Belgique. A l'ensemble
coordonné sous le nom d'Euro NM s'ajoute un équivalent potentiel du NASDAQ
américain.
Pour progresser dans cette voie, sans doute faudra-t-il promouvoir une
meilleure coordination des législations en Europe : il n'existe pas
actuellement d'entreprises de droit européen.
Certes, un GIE européen, sur l'initiative de la France, existe, mais il n'y a
pas encore de sociétés européennes. Si cette question peut sembler quelque peu
marginale, il n'en demeure pas moins que le financement correspondant revêt un
caractère tout à fait essentiel.
Le Sénat a également renforcé la possibilité d'investissement sous forme de
fonds communs de placement innovation. Nous saisirons, monsieur le secrétaire
d'Etat, l'occasion du débat budgétaire pour conforter le système des stocks
options, indispensable au fonctionnement d'une économie moderne qui se doit de
s'appuyer sur les sociétés innovantes.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui témoigne parfaitement de
cet état d'esprit. Il a été rappelé que ce n'était pas une innovation puisque,
sous le précédent gouvernement, un projet analogue avait déjà été élaboré.
Pour ma part, en 1980, j'avais été nommé président du comité de la recherche
du VIIIe Plan par MM. Raymond Barre et Valéry Giscard d'Estaing. A cette époque
qui n'est donc pas toute récente, j'avais insisté sur la nécessité de
modifications juridiques en vue de faciliter la mobilité des chercheurs, source
d'un transfert phénoménal de compétences et de savoir-faire vers le monde
économique.
La possibilité pour les chercheurs fonctionnaires de créer des entreprises a
été évoquée ici au Sénat lors d'un débat budgétaire à l'occasion duquel j'avais
déposé un amendement. M. Sautter m'avait alors conseillé d'attendre les assises
de l'innovation. Elles nous ont effectivement permis de constater que la
volonté gouvernementale est forte ; M. le secrétaire d'Etat et M. Gouteyron
l'ont rappelé. Aujourd'hui, nous recommençons. La persévérance est une vertu,
lorsqu'il s'agit de l'intérêt général.
Vous venez, monsieur le secrétaire d'Etat, de mentionner l'accord du
Gouvernement sur le fond de notre proposition de loi telle que modifiée par la
commission. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec M. Claude Allègre, qui
m'a indiqué que son accord était d'autant plus fort que, selon ses termes,
notre proposition de loi représentait 30 % du projet de loi d'innovation qu'il
allait bientôt présenter.
Pour ma part, je ne souhaite pas que l'adoption de cette proposition de loi
soit à nouveau retardée, sous prétexte qu'il existe un projet de loi
analogue.
Je suis, en revanche, extrêmement sensible, monsieur le secrétaire d'Etat, à
vos propos s'agissant de modifications éventuelles. Je vais même jusqu'à me
demander - voyez jusqu'où va mon outrecuidance - si vous ne pourriez pas nous
proposer quelques amendements qui permettraient de prendre d'ores et déjà en
compte les
desiderata
gouvernementaux dans cette proposition de loi,
soit maintenant, soit au cours de la navette parlementaire.
Je partage tout à fait votre opinion quant au seuil : vous avez parfaitement
raison de juger préférable de fixer celui-ci à 15 % plutôt qu'à 10 %, voire
d'envisager de retenir un seuil global qui serait défendable s'il arrivait
qu'une équipe de six ou sept chercheurs quitte le service public pour fonder
une entreprise.
Je pense à ce propos à la création récente, à Sophia-Antipolis, d'une
entreprise appelée Realize. Fondée sur l'initiative de chercheurs de l'INRIA -
l'Institut national de recherche en informatique et en automatique - cette
entreprise deviendra probablement l'une des majors à l'échelon mondial, en
particulier en matière d'images de synthèse et d'images virtuelles, en tout
cas, une entreprise à croissance très rapide. En effet, elle est en train de
conquérir le marché mondial, et elle a déjà obtenu, après seulement quelques
mois d'existence, des contrats avec les grands de Hollywood.
Son innovation, qui permet de diminuer très fortement le temps nécessaire pour
réaliser des images virtuelles, engendre, par conséquent, une très importante
diminution des coûts de ces applications particulières. On connaît les budgets
de films tels
Jurassic Park
ou
Titanic
et l'on voit qu'il s'agit
de conséquences financières non négligeables.
Il y a ici, indiscutablement, urgence. Il faut bien reconnaître que les
quelques centaines de chercheurs qui participent actuellement à la préparation
de ce type de société travaillent à la limite de la légalité. Bien des travaux
qu'ils réalisent en la matière pourraient, sous l'effet d'un juridisme
excessif, les rendre passibles des tribunaux. Le monde de la recherche, le
monde de l'innovation, bref le monde de tous ceux qui construisent une part
considérable de notre avenir économique seraient conduits à abandonner ou à
émigrer.
Par conséquent, il est urgent d'agir. Vous nous avez parlé de la présentation
d'un projet de loi devant le Parlement avant la fin de la session. Je crains
toutefois, et je vous prie de m'excuser de cette réticence, que les
consultations encore nécessaires ne soient pas aussi aisées que nous l'espérons
tous, je pense, sur ces bancs. Des retards ne sont pas à exclure. Evitons-les !
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
même si je reconnais tout l'intérêt du texte présenté par M. Laffitte, mon
propos sera légèrement moins enthousiaste que le sien.
Il ne saurait s'en étonner car il sait que les socialistes sont attachés, de
façon peut-être trop consubstantielle, au service public pour ne pas manifester
quelques réticences à l'égard de ce mouvement de rapprochement du service
public et du secteur privé dans de nombreux domaines.
Il n'empêche que ce texte est d'importance, même s'il subsiste quelques
incertitudes, voire quelques inquiétudes quant à son devenir et à ses
conséquences.
Tout le monde l'a dit mais je le répète, il est issu du travail qui avait été
fait par Alain Juppé dans le cadre du projet de loi portant diverses
dispositions d'ordre économique et financier, ainsi que du travail qui avait
été fait par M. d'Aubert.
C'est un précédent dans la mesure où il pourrait constituer la matrice d'un
projet de loi dont la présentation nous a été annoncée tout à l'heure.
Il s'inscrit tout à fait dans le mouvement d'ouverture du service public dont,
dès son arrivée au Gouvernement, M. Lionel Jospin a reconnu l'intérêt.
Lors de sa prise de fonctions, le Premier ministre a dit qu'il fallait savoir
« cultiver le goût du risque et le désir d'entreprendre ».
C'est peut-être un moyen indirect pour dire qu'il faut savoir oser quitter la
tranquillité et la sécurtié du service public.
M. Pierre Laffitte.
Très juste !
M. Franck Sérusclat.
Pour sa part, le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie, M. Claude Allègre, a indiqué qu'il fallait favoriser la création
d'entreprises innovantes par des chercheurs issus de la recherche publique.
Quant à M. le secrétaire d'Etat, il vient de présenter tout ce que le
Gouvernement prévoyait d'entreprendre en ce domaine. Il s'agit de mesures
d'essaimage, peut-être avec l'intention, non dite, d'atténuer les charges de
l'Etat dans d'autres domaines du service public. Il s'agit aussi de la mise en
place d'un fonds d'amorçage pour la création d'entreprises, d'une orientation
de la recherche publique sur l'innovation technologique et d'une utilisation de
l'ANVAR - Agence nationale de valorisation de la recherche - et des fonds
consacrés à la recherche technologique.
Cependant, selon moi, à travers les propos tenus par M. Philippe Lazar en
1993, une difficulté essentielle demeure, à savoir concilier, sans les altérer,
la logique de la recherche du service public, qui vise à découvrir des
connaissances pour les mettre à disposition d'autres personnes, et la logique
de l'entreprise privée, qui a pour objet de produire un bien
commercialisable.
Il est bien évident qu'il faut concilier ces deux logiques, c'est-à-dire faire
en sorte qu'elles se supportent et se complètent. C'est le pari qui sous-tend
la présente proposition de loi.
Comme vous l'avez indiqué clairement, monsieur le secrétaire d'Etat, celle-ci
aura des incidences sur les textes en vigueur, en particulier l'article 25 du
code de la fonction publique, qui interdit à tout fonctionnaire d'exercer une
activité privée, et les articles 432-12 et 432-13 du code pénal, qui prévoient
une sanction en cas de prise illégale d'intérêts.
Tout cela montre que, si l'intention peut être considérée comme positive, des
difficultés sont à vaincre pour que cette proposition de loi entre dans la vie
pratique tant des chercheurs du service public que des entreprises privées.
Je ne reviendrai pas sur les différences entre ce texte et le projet de loi,
car vous l'avez fait très largement et de façon très claire, monsieur le
secrétaire d'Etat. Je ne reviendrai pas non plus sur tout ce qu'a dit M.
Laffitte, qui a détaillé, mieux que je n'aurais pu le faire moi-même, le
contenu de l'article unique de cette proposition de loi.
Si ce texte suscite quelques réserves de notre part, nous sommes tout à fait
conscients que les expériences de partenariat, qui sont menées actuellement, en
particulier avec Rhône-Poulenc - Rorer, dans le cadre du CNRS et d'autres
organismes d'Etat, présentent un réel intérêt tant pour les chercheurs qui sont
parvenus à des résultats que pour ceux qui utilisent ensuite ceux-ci dans le
secteur privé.
Ce texte ne constitue pas, pour nous, un danger pour l'évolution de la
société, même si, personnellement je suis très inquiet devant une trop grande
référence au modèle américain. En effet, les Américains ne font pas passer le
respect de l'individu avant le désir de faire du profit. Certes, je ne voudrais
pas comparer cette situation à la tentative de McDonald's visant à modifier
complètement les conceptions de la nutrition en France. C'est son pari. Je
crains que, comme l'a écrit Paul Virilio, auteur connu dans le domaine de
l'informatique et qui vient de publier
La Bombe informatique,
les
Etats-Unis ne mènent un combat pour s'imposer par l'informatique, où il n'y a
plus d'attente et où tout est immédiat. Ainsi, l'idée qui sous-tend l'AMI,
l'accord multilatéral sur l'investissement, n'est pas de nature à nous
rassénérer sur les bonnes intentions des Etats-Unis.
Certes, il convient sans doute de se référer à ce pays, comme vous le disiez
tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, mais il ne faut pas déférer à
ses oukases.
En conclusion, je m'inscris dans ce que l'on peut sans doute déjà considérer
comme une démarche du passé, à savoir l'attachement presque consubstantiel des
élus socialistes au service public.
Pendant longtemps, le service public a été indispensable au développement d'un
pays qui d'analphabète est devenu majeur et qui a pris, notamment dans le
domaine de l'enseignement, une part déterminante dans la formation de nos
concitoyens. Par conséquent, les socialistes sont attachés à la protection du
service public afin qu'il n'éclate pas et que tout ne devienne pas privé,
peut-être aussi par crainte des Etats-Unis.
Aussi est-il inconcevable que le groupe socialiste vote contre ce texte, mais
il hésite à voter pour, ...
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur.
Allez-y !
M. Franck Sérusclat.
... car il donne tout de même priorité au projet de loi qui nous sera soumis
prochainement.
M. Philippe Nogrix.
Cessez d'hésiter !
M. Franck Sérusclat.
Aussi, notre groupe s'abstiendra.
M. Pierre Laffitte.
Encore un petit effort !
(Sourires.)
M. Franck Sérusclat.
Je rappelle que cette proposition de loi a de grandes qualités. En effet, elle
a permis de déblayer le terrain, de mener une réflexion et elle a donné au
Gouvernement, j'en suis persuadé, des idées pour parfaire son propre texte.
Monsieur Laffitte, vous aurez au moins eu le mérite, en ce domaine comme en
tant d'autres, d'avoir été un pionnier.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Bravo !
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a un objet bien précis : elle
vise à faciliter la création et le développement d'entreprises par des
chercheurs. Son auteur, M. Pierre Laffitte, qui connaît parfaitement ce
secteur, affirme que les entreprises créées sur l'initiative des chercheurs et
des professeurs des grandes écoles ou d'universités ont un taux d'échec
remarquablement faible et sont, en moyenne, trois fois plus créatrices
d'emplois que les autres. Dès lors, pourquoi ne pas encourager la valorisation
des résultats de la recherche publique dans le secteur privé ?
Nul n'ignore la qualité de nos chercheurs. Ils sont souvent montrés en exemple
dans le monde entier pour leurs travaux scientifiques. Les prix Nobel attribués
à Jean-Marie Lehn, à Pierre-Gilles de Gennes ou à Georges Charpak témoignent de
la vivacité et de l'excellence de la recherche française. M. Allègre lui-même
n'est-il pas l'un des meilleurs représentants de la communauté scientifique
?
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'espère que vous trouverez dans l'initiative
de M. Pierre Laffitte une solution pour que le secteur de la recherche, dont on
a souvent dit qu'il était renfermé sur lui-même, valorise ses résultats dans
des applications commerciales pas nécessairement capitalistiques et participe
au développement de notre pays.
J'estime, pour ma part, que cette proposition de loi, en mettant en oeuvre des
dispositions simples et équilibrées, est de nature à donner une bouffée
d'oxygène à l'innovation. Elle tend à encourager toutes les audaces
technologiques, tous les talents qui peuplent nos laboratoires. Elle peut
également être un moyen d'éviter la fuite de matière grise vers l'étranger.
Vous connaissez mieux que moi, monsieur le secrétaire d'Etat, l'univers
hypercompétitif mais extrêmement stimulant de la recherche aux Etats-Unis, même
si cela ne doit pas être, j'en conviens, notre seul credo. Ainsi, les
professeurs de Stamford financent eux-mêmes leurs travaux grâce au
capital-risque. Dès lors, il n'est pas étonnant que les résultats de ces
travaux soient immédiatement utilisés dans des applications commerciales.
L'utilisation des protocoles de transferts de données sur Internet a, par
exemple, suivi cette voie.
Pour autant, les chercheurs français du Centre national d'études des
télécommunications, le CNET, ou de l'Institut national de recherche en
informatique et en automatique, l'INRIA, ne sont pas moins en avance que leurs
homologues américains. C'est là que la vocation ou l'esprit positif doit nous
animer, car nous ne devons pas avoir de complexe vis-à-vis de nos homologues
américains. Le seul handicap de nos chercheurs résidait jusqu'à présent dans la
difficulté à valoriser leurs travaux.
La proposition de loi tend à remédier à cet inconvénient en assouplissant,
sous certaines conditions, les règles statutaires de la fonction publique, dont
je ne vois pas la mise en danger immédiate.
Dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, les perspectives de valorisation sont considérables. Les
Français, vous le savez, possèdent des atouts potentiels pour faire émerger
leurs technologies de l'Internet. C'est d'ailleurs l'un de nos compatriotes qui
a été nommé en 1996 à la tête du
World Wide Web Consortium,
l'organisme
chargé de piloter les évolutions de « la toile » dans le monde entier.
Alors que toutes les technologies clés pour l'Internet sont aujourd'hui
disponibles, il faut sans plus attendre permettre à nos chercheurs de valoriser
leurs travaux sur le marché. Cela aura des répercussions en matière de
stimulation de l'innovation et, surtout, en matière d'emplois. Aujourd'hui, la
maîtrise des innovations est aussi stratégique que la création des contenus ou
le partage des connaissances. A quoi sert un nouveau procédé de transfert de
données s'il reste au stade expérimental dans un laboratoire ? Il est impératif
que les chercheurs puissent le développer, le commercialiser en participant à
la création d'une entreprise, en y apportant leur soutien scientifique. C'est
le seul moyen de faire face à la concurrence, notamment américaine.
L'initiative de M. Pierre Laffitte constitue une passerelle entre deux mondes
qui, trop souvent, s'ignorent : celui de la recherche scientifique et celui de
l'entreprise. Pour autant, il ne faut pas que le marché soit le seul régulateur
des choix technologiques. Le soutien public à la recherche fondamentale -
j'insiste sur ce point - doit demeurer une priorité nationale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis un peu inquiet du parcours
parlementaire de la proposition de loi de M. Laffitte. Cependant, je suis
heureux, pour lui et pour nous, de votre volonté de prendre à bras-le-corps le
problème en proposant une réforme de notre approche de l'innovation et de la
recherche.
Je me permets d'insister - nous y reviendrons sans doute plus tard - sur le
statut des chercheurs dont la fonction d'enseignant doit être valorisée. Il ne
doit plus s'agir d'une obligation ; ces chercheurs ne devraient pas être soumis
en permanence à la notion de publication. Il faudrait aussi résoudre le
problème de leur parcours. Mais ils doivent être aussi, comme ils peuvent être
au service de l'entreprise, au service de l'étudiant et de sa formation. Nous
serons donc attentifs au fait que les propositions de M. Laffitte puissent
bénéficier du transfert idées-actions.
C'est pourquoi le groupe de l'Union centriste votera cette proposition de loi
telle qu'elle a été en partie réécrite par la commission des affaires
culturelles, car elle apporte un nouveau souffle à l'initiative privée et
encourage les talents.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants. - M. Laffitte applaudit également.)
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, ce débat permet de mesurer l'ampleur du chemin parcouru dans la
société française. M. Laffitte a rappelé tout à l'heure que ces sujets avaient
déjà été abordés voilà dix ou quinze ans. Aujourd'hui, nous les abordons dans
un esprit constructif, dynamique, qui converge avec ce que M. le Premier
ministre a souhaité impulser au sein de la société française lorsque, en
organisant les assises de l'innovation, il a donné à ce dernier mot une sorte
de contenu, d'impératif catégorique pour l'évolution de l'économie et de la
société de notre pays. Le chemin parcouru est gigantesque.
Je voudrais, en trois points extrêmement brefs, réaffirmer à la suite de M.
Sérusclat que nous n'avons pas à suivre de modèle étranger pour notre marche en
avant s'agissant de la création d'entreprises, de la création d'activités, de
valeurs et d'emplois. Ce n'est pas le modèle américain que nous suivons, et M.
Sérusclat a tout à fait raison sur ce point ; c'est un modèle que nous créons
nous-mêmes, qui témoigne de la richesse de la capacité française à créer ses
propres voies. Ce modèle est le modèle français de créations d'entreprises par
l'innovation.
Il s'agit donc bien de s'inspirer de notre tradition, de notre système
d'enseignement et de notre relation à l'entreprise. Réaffirmons ici de manière
très nette qu'il s'agit d'un modèle français
(M. Sérusclat applaudit)
auquel chacun des orateurs a contribué dépuis des années et qui,
aujourd'hui, doit s'imposer à nous comme étant une ligne autonome,
indépendante, originalement française.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
J'en viens à ma deuxième idée : je ne pense pas que ce
dont nous discutons met en cause le service public. L'esprit du service public
- et je relie cela à ma première proposition qui visait le modèle français -
peut être parfaitement servi par l'idée que peuvent naître au sein de celui-ci
suffisamment d'esprit de créativité, de responsabilités et d'initiatives pour
nourrir, par des voies originelles, l'esprit d'entreprise et la responsabilité
de la création de valeurs à partir de ses membres.
Nous devons donc veiller, comme l'a indiqué tout à l'heure M. Sérusclat, à ce
que ces valeurs-là, auxquelles nous sommes fondamentalement attachés, puissent
constituer le socle d'un nouveau départ, un tremplin en quelque sorte vers
l'esprit d'entreprise. Il n'y a pas opposition entre service public et esprit
d'entreprise.
J'en viens à ma troisième et dernière remarque. Ce qui est en jeu,
aujourd'hui, s'étend à mon avis bien au-delà de la recherche et de
l'entreprise. C'est une conception de la société, une conception de l'économie
que nous défendons les uns et les autres, à savoir une économie fondée sur
l'initiative, sur la création d'entreprises et sur la responsabilité de celui
qui assume le risque.
Comme l'a souligné mon collègue Claude Allègre, lors des assises de
l'innovation, comme je l'avais moi-même indiqué lors de ces mêmes assises et
comme M. Dominique Strauss-Kahn le confirme très souvent, notamment au Sénat,
nous sommes des partisans résolus d'une bonne assomption du risque dans la
société. Quel plus bel exemple pourrait-on trouver que celui d'hommes et de
femmes issus du système d'enseignement et de la recherche assumant pour
eux-mêmes, en vue de créer de la valeur dans la société, donc, en fin de
compte, pour créer de l'emploi, le risque de la création d'entreprise ?
Tel est l'objet de notre débat d'aujourd'hui. Et c'est à mon avis le message
que nous devons donner aux jeunes chercheurs, qui, parce qu'ils sont jeunes,
sont souvent plus productifs que d'autres dans l'acte de recherche, aux jeunes
élèves de nos écoles d'ingénieurs, entre autres, et aux jeunes fréquentant
l'université : assumons pour la société, pour l'emploi, pour l'économie, donc
pour la croissance, le risque de la création d'entreprise.
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Faisons-le en préservant nos valeurs, qui sont celles
de la société française et qui répondent de manière très intime et très
dynamique au modèle français de développement et d'innovation.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Il est inséré après l'article 25 de la loi n°
82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche
et le développement technologique de la France deux articles nouveaux ainsi
rédigés :
«
Art. 25-1
. - Les fonctionnaires civils des services publics définis à
l'article 14 peuvent être autorisés à participer, en qualité d'associé,
d'administrateur ou de dirigeant, à la création d'une entreprise dont l'objet
est d'assurer, en exécution d'un contrat conclu avec une personne publique, la
valorisation des travaux de recherche qu'ils ont réalisés dans l'exercice de
leurs fonctions.
« L'autorisation doit être demandée préalablement à la négociation du contrat
prévu au premier alinéa et au plus tard trois mois avant l'immatriculation de
l'entreprise au registre du commerce et des sociétés. Le fonctionnaire
intéressé ne peut participer à l'élaboration ni à la passation du contrat pour
le compte de la personne publique avec laquelle il est conclu.
« L'autorisation est accordée, après avis de la commission prévue par
l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de
la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures
publiques, pour une période d'un an renouvelable quatre fois.
« A compter de la date d'effet de l'autorisation, l'intéressé est, soit
détaché dans l'entreprise, soit mis à disposition de celle-ci ou d'un organisme
qui concourt à la valorisation de la recherche. Il cesse toute activité au sein
du service public de la recherche.
« Au terme de l'autorisation, le fonctionnaire peut :
« - être, à sa demande, placé en position de disponibilité ou radié des cadres
s'il souhaite conserver des intérêts dans l'entreprise ;
« - être réintégré au sein de son corps d'origine. Dans ce cas, il cède ses
droits sociaux et met fin à sa collaboration avec l'entreprise dans un délai de
six mois. Il peut toutefois être autorisé à apporter son concours scientifique
à l'entreprise et à conserver une participation dans le capital de celle-ci
dans les conditions prévues à l'article 25-2.
« L'autorisation peut être retirée ou non renouvelée si les conditions qui ont
permis sa délivrance ne sont plus remplies. Dans ce cas, le fonctionnaire ne
peut poursuivre son activité dans l'entreprise que dans les conditions prévues
à l'article 72 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions
statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. S'il ne peut conserver
d'intérêts dans l'entreprise, il dispose du délai prévu au septième alinéa pour
y renoncer.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent
article. Il précise les conditions d'octroi, de renouvellement et de retrait de
l'autorisation, qui ne peut porter atteinte aux intérêts matériels et moraux du
service public de la recherche. Il fixe également les conditions dans
lesquelles la commission mentionnée au troisième alinéa est tenue informée,
pendant la durée de l'autorisation et durant cinq ans à compter de son
expiration ou de son retrait, des contrats et conventions conclus entre
l'entreprise et le service public de la recherche.
«
Art. 25-2
. - Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa de
l'article 25-1 peuvent être autorisés à apporter leur concours scientifique à
une entreprise qui assure, en exécution d'un contrat conclu avec une personne
publique, la valorisation des travaux de recherche qu'ils ont réalisés dans
l'exercice de leurs fonctions.
« Les conditions dans lesquelles le fonctionnaire intéressé apporte son
concours scientifique à l'entreprise sont définies par une convention conclue
entre l'entreprise et la personne publique mentionnée au premier alinéa. Elles
doivent être compatibles avec le plein exercice par le fonctionnaire de son
emploi public.
« Le fonctionnaire peut également être autorisé à prendre une participation
dans le capital social de l'entreprise, dans la limite de 10 % de celui-ci.
Lorsque plusieurs fonctionnaires relevant de la personne publique mentionnée au
premier alinéa apportent leur concours scientifique à l'entreprise, la totalité
des participations qu'ils détiennent dans son capital ne peut excéder 30 % de
celui-ci.
« Le fonctionnaire ne peut participer à l'élaboration ni à la passation des
contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le service public de la
recherche. Il ne peut, au sein de l'entreprise, exercer des fonctions
d'administrateur ou de dirigeant, ni être placé dans une situation
hiérarchique.
« L'autorisation est délivrée après avis de la commission mentionnée au
troisième alinéa de l'article 25-1. Elle est retirée si les conditions qui
avaient permis sa délivrance ne sont plus remplies ou si le fonctionnaire
méconnaît les dispositions du présent article. En cas de retrait de
l'autorisation, le fonctionnaire dispose d'un délai de six mois pour céder ses
droits sociaux. Il ne peut poursuivre son activité au sein de l'entreprise que
dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article 25-1.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent
article. Ce décret précise les conditions d'octroi et de retrait de
l'autorisation, qui ne peut porter atteinte aux intérêts matériels et moraux du
service public de la recherche. Il fixe les conditions dans lesquelles
l'autorité dont relève le fonctionnaire est tenue informée des revenus qu'il
perçoit à raison de sa participation au capital de l'entreprise, des cessions
de titres auxquelles il procède ainsi que des compléments de rémunération
prévus, le cas échéant, par la convention visée au deuxième alinéa. Il
détermine également les modalités selon lesquelles, pendant la durée de
l'autorisation, la commission mentionnée au troisième alinéa de l'article 25-1
est tenue informée des contrats et conventions conclus entre l'entreprise et le
service public de la recherche. »
Je vais mettre aux voix les conclusions de la commission des affaires
culturelles.
M. Lucien Lanier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
force est de constater le décalage existant entre la situation satisfaisante de
la recherche fondamentale française et la faiblesse évidente de la technologie.
En effet, évaluée à partir des brevets, la position technologique française est
faible.
Les principales faiblesses s'observent dans les technologies de la santé et de
ce qu'il est convenu d'appeler, d'un terme que je n'aime guère, le « vivant »,
d'une part, de l'information et de la communication, d'autre part. Or, ce sont
des domaines dans lesquels les technologies considérées comme importantes sont
probablement les plus nombreuses.
Seul le domaine de l'énergie présente une position générale que l'on peut
considérer comme relativement satisfaisante.
Cette faiblesse laisse suggérer que la recherche française aurait du mal à
transformer les acquis scientifiques ou, du moins, à afficher ses droits en
matière de propriété industrielle.
Cela rejoint les constatations déjà faites sur les difficultés des relations
entre les entreprises et les laboratoires publics.
Il convient donc d'apporter des remèdes à cette situation.
La proposition de loi de M. Laffitte, que nous venons d'examiner, tend à lever
l'un des freins au développement des relations entre la recherche publique et
les entreprises.
En proposant de modifier le statut du chercheur afin de faciliter la création
d'entreprises innovantes, ce texte devrait permettre de créer des liens
meilleurs et, en tout cas, des liens véritables entre le monde de la recherche,
celui de la finance et celui de l'entreprise.
Deux solutions sont aussi proposées aux chercheurs. La première, la plus
novatrice, facilite la création d'entreprises innovantes en prévoyant la
participation du fonctionnaire en qualité d'associé à cette création. La
seconde solution permet à un fonctionnaire d'apporter un concours scientifique
à une entreprise assurant, en vertu d'un contrat conclu avec la personne
publique dont il relève, la valorisation des travaux qu'il a réalisés dans
l'exercice même de ses fonctions.
L'excellent président de la commission des affaires culturelles, M. Adrien
Gouteyron, nous a présenté un très bon rapport et proposé quelques aménagements
en accord avec l'auteur de la proposition de loi, M. Pierre Laffitte.
Ces sages propositions réjouissent - permettez-moi de le dire - l'ancien
secrétaire général de la délégation à la recherche scientifique que j'ai eu
l'honneur d'être.
Le groupe du RPR du Sénat votera cette proposition de loi.
Il me reste, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous demander que le meilleur
sort soit réservé à ce texte, s'agissant notamment des délais d'application. En
effet, ce texte pourra, à mon avis, améliorer sensiblement et durablement la
valorisation des résultats de la recherche publique française.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il
me paraît nécessaire d'insister sur le facteur temps, qui est aujourd'hui
primordial dans le gain des parts de marché, et ce d'autant plus que la durée
de vie des produits sortant aujourd'hui de nos laboratoires et mis au point par
les entreprises est de plus en plus courte. Il faut donc pouvoir maîtriser
rapidement les technologies permettant de les élaborer, car, chaque jour, des
places sont prises par d'autres.
Le service public doit être défendu, il est vrai ; mais il me semble que le
service au public est primordial : c'est dans ce service au public que les
entreprises sont présentes. Il faut donc que nous aidions ces dernières à
conquérir les parts de marché qui seront créatrices d'emplois.
Par conséquent, comme l'orateur précédent, je vous demande, monsieur le
secrétaire d'Etat, de choisir la voie la plus rapide pour aboutir à un statut
des chercheurs leur permettant d'être enfin des agents économiques. La
proposition de loi de notre collègue Pierre Laffitte permettrait sans doute de
donner des réponses rapides à cette attente que les entreprises, notamment
agro-alimentaires - je suis Breton ! - attendent pour pouvoir conquérir des
parts de marché.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. James Bordas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
France souffre aujourd'hui d'une insuffisante valorisation de la recherche
publique, notamment fondamentale.
Notre économie enregistre, ou peut enregistrer si l'on n'y prend garde, des
retards importants dans certains secteurs porteurs d'avenir : technologies de
l'information, communication, biotechnologies,...
L'enjeu des conclusions de la commission des affaires culturelles que nous
examinons aujourd'hui est donc décisif.
Le dispositif proposé par notre éminent collègue Pierre Laffitte permet de
remédier à l'inadaptation des règles de la fonction publique, souvent
considérée comme l'un des plus importants obstacles à la création d'entreprises
de haute technologie par les chercheurs publics.
Il permet de clarifier la situation statutaire du chercheur participant à la
création d'une entreprise en évitant tout conflit d'intérêt entre l'intéressé
et le service public dont il relève.
Bien entendu, le « privilège » offert aux chercheurs publics de préserver leur
statut de fonctionnaire tout en participant au capital d'une entreprise, voire
à sa création et à sa direction, peut susciter certaines « critiques ».
Bien sûr, l'inadaptation des règles de la fonction publique n'est pas le seul
obstacle à la création d'entreprises de haute technologie par les chercheurs
publics.
L'insuffisance du capital-risque en France, en partie liée à l'absence de
véritables fonds de pension, en constitue un autre, tout aussi important.
Il en est de même des règles fiscales peu incitatives concernant la
rémunération des créateurs d'entreprises, ou encore du manque de structures
d'accompagnement capables de créer des liens entre le monde de la recherche,
celui de la finance et celui de l'entreprise. Beaucoup reste à faire dans ces
différents domaines, et nous en reparlerons certainement à l'occasion de la
prochaine discussion budgétaire.
Néanmoins, compte tenu du retard accumulé par la France dans certains secteurs
majeurs, la démarche qui nous est proposée s'impose comme une nécessité pour
favoriser la valorisation de la recherche française et la création
d'entreprises de haute technologie, sources d'emplois futurs. Elle devrait
également éviter une fuite des cerveaux vers des pays où la réglementation et
les structures économiques sont plus favorables.
Dans ces conditions, le groupe des Républicains et Indépendants votera le
texte tel qu'il résulte des travaux de notre assemblée.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi soumise à notre vote et visant à permettre à des
fonctionnaires de participer à des créations d'entreprises innovantes appelle
plusieurs remarques de notre part.
S'agissant tout d'abord de la tenue de ce débat, nous savons qu'une réflexion
actuellement en cours au ministère de l'éducation nationale et de la recherche
doit aboutir très prochainement à un projet de loi.
Sur le fond, il convient peut-être de relativiser l'apport des secteurs de la
recherche à l'innovation technologique. En l'état, en effet, bien des mythes
subsistent quant à l'apport des laboratoires de recherche à l'innovation
technologique. Ainsi, les conclusions d'une enquête internationale menée auprès
de plusieurs milliers d'entreprises dites performantes nous révèlent que 6 %
seulement des secteurs en croissance relèvent de la haute technologie.
Autrement plus important est l'apport des travailleurs privés d'emploi dans
les secteurs de l'innovation.
Un autre mythe - et je dois dire que les mythes ont la peau dure, mais qu'ils
s'appuient sur une réalité - est celui d'un modèle américain de croissance
fondé sur une meilleure interaction entre les laboratoires de recherche
fondamentale, les laboratoires de recherche appliquée et le monde de
l'entreprise.
A cet égard, la situation de la France est connue de longue date : si la part
de notre pays dans l'activité de la recherche fondamentale est bonne à
l'échelle mondiale, l'exploitation des résultats au niveau industriel est
insuffisante.
Dès lors vient une réponse toute faite : il faut faire comme dans la
Silicon Valley.
Que les chercheurs créent leurs entreprises, et on leur
donnera du capital, des garanties, des subventions.
Le problème du mythe n'est pas tant qu'il répond à des questions fausses, mais
qu'il apporte des réponses faciles à des problèmes réels.
Comment faire alors l'impasse, dans le décalage qui existe entre les activités
de recherche fondamentale et les applications technologiques, sur la
responsabilité propre des entreprises de notre pays ?
Ainsi, les sociétés multinationales d'origine française font moins qu'ailleurs
le choix de l'investissement en recherche appliquée, lui préférant la
financiarisation et l'investissement spéculatif.
Dès lors, pourquoi ne pas demander aux PME et aux chercheurs tentés par
l'entreprise de prendre les risques de l'innovation ? Si des efforts peuvent
être accomplis en ce sens, cette démarche en tant que telle nous semble
louable.
En aucun cas cela ne saurait cependant se concevoir dans un contexte de
fragilisation de la recherche publique dans notre pays. Or, tandis que l'on
proclame les vertus de l'innovation technologique, que nous ne réfutons pas,
dans le même temps, on diminue les moyens financiers des laboratoires publics
et l'on se prive d'outils démocratiques d'évaluation de la recherche.
Ces raisons nous incitent à la plus extrême prudence, même si nous
reconnaissons la nécessité de renforcer le lien entre recherche et croissance
économique, non pas tant pour les besoins d'un marché se nourrissant de
lui-même que pour répondre aux exigences d'un marché fondé sur les besoins de
développement de notre pays.
Un autre argument nous incite à la réserve : c'est le nombre de jeunes
chercheurs en quête d'un emploi. Que ne fait-on davantage appel à eux dans les
entreprises pour favoriser l'innovation technologique !
Leurs pairs s'accordent d'ailleurs à reconnaître leurs compétences et leur
excellence dans chacun de leurs domaines d'expertise, et les entreprises
étrangères qui font, elles, le pari de l'investissement n'hésitent pas à les
recruter.
Peut-on accepter, dans ce contexte, le départ de celles et de ceux qui
construiront l'avenir de notre société ?
Ce sont là les questions que nous aimerions voir traitées et qui appellent, il
est vrai, un réel débat dans notre pays sur le lien entre recherche et
croissance économique de notre société.
En l'état, les propositions qui nous sont faites par la commission, tout en
visant à apporter de vraies réponses, ne privilégient qu'un aspect de ce débat
que nous appelons de nos voeux. C'est la raison pour laquelle nous nous
abstiendrons sur les mesures proposées.
M. Franck Sérusclat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat.
J'indiquerai en quelques mots - pour la raison très simple que les lecteurs
pressés ne lisent pas l'ensemble du débat et se reportent à l'explication de
vote pour savoir quelle a été la position adoptée par les uns et par les autres
- que le groupe socialiste s'abstient. Ainsi, ces lecteurs pressés ne perdront
pas leur temps à faire des recherches dans le
Journal officiel !
(Sourires.)
M. Emmanuel Hamel.
Les lecteurs vont le regretter !
(Nouveaux sourires.)
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous comprendrez que, à la fin
de ce débat intéressant et éclairant, j'éprouve le besoin de faire le point et
de reprendre certaines de vos remarques.
Vous avez constaté que nos objectifs et le fond de notre proposition de loi
allaient dans le sens et de vos propres préoccupations et du projet de loi que
vous allez déposer, nous l'espérons, prochainement. Je me réjouis de cette
convergence.
Permettez-moi cependant quelques remarques sur ce que vous avez considéré
comme des points de légère divergence entre nous. Je pense qu'il faut les
relativiser !
En ce qui concerne la durée, par exemple, cinq ou six ans, vous avouerez que
l'on peut en discuter et qu'il n'y a pas là de différence de fond.
Par ailleurs, je rappelle, pour éviter tout malentendu, que le plafonnement de
la participation au capital d'une entreprise à 10 % ou à 30 % lorsqu'il s'agit
d'une équipe ne concerne que les chercheurs qui restent dans les organismes
publics. Il est évident que, dans le cas inverse, la règle du plafonnement ne
s'applique pas. Je tenais à le préciser pour que cela soit clairement
compris.
En ce qui concerne les précautions supplémentaires que vous voudriez prendre
par rapport à notre texte, je tiens à dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que,
sur ce point, il n'y a pas entre nous de divergence, car l'article 432-13 du
code pénal nous paraît suffisant pour répondre à vos craintes.
Qu'il me soit permis une dernière remarque après les explications de vote
auxquelles il vient d'être procédé.
Vous avez bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, notre préoccupation.
Notre collègue Pierre Laffitte vous a invité tout à l'heure, sur les quelques
points à propos desquels la discussion est possible, à déposer des amendements.
Mais j'ai cru comprendre que vous ne le feriez pas !
Enfin, même si elles sont sympathiques et si nous comprenons l'esprit dans
lequel elles ont été faites, certaines des interventions que nous venons
d'entendre avivent notre crainte. Et si, à la fin de la discussion générale,
vous avez mis beaucoup de conviction dans votre propos - et ce propos était
excellent, permettez-moi de le dire - je considère qu'il s'adressait beaucoup
plus à ce côté-ci de l'hémicycle
(M. le rapporteur désigne la gauche de l'hémicycle)
qu'à celui-là
(M. le rapporteur désigne la droite de l'hémicycle) :
ce sont certains
de vos amis que vous avez à convaincre !
Ce que nous craignons, c'est que, de consultation en consultation, de palabre
en palabre, le dossier ne s'enlise. Certes, vous nous avez dit que vous alliez
consulter le Conseil d'Etat très prochainement, vous avez annoncé le dépôt d'un
texte avant la fin de l'année, et nous enregistrons cet engagement. Mais nous
vous disons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez du travail à faire
pour convaincre vos propres amis.
Nous non plus, je le dis tout de suite, nous n'érigeons pas le système
américain en modèle. Mais, pour savoir si nous avançons au même rythme que les
autres, il faut bien de temps en temps regarder les autres ! Nous n'allons pas
pour autant construire un dispositif qui ferait table rase et de notre culture
et de la situation de notre pays ! C'est à partir de cette culture et de cette
situation que, en effet, nous voulons trouver des voies nouvelles.
La proposition de notre collègue Pierre Laffitte contribue à ouvrir de telles
voies et nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sur celle que
nous vous proposons, vous ne trouviez pas trop d'obstacles, ou que vous ayez
assez de détermination, si vous en trouvez, pour les surmonter.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Pierre Laffitte.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Quelques mots simplement, en cette fin de débat.
Je voudrais, monsieur le secrétaire d'Etat, insister à noveau sur l'urgence
dans laquelle nous sommes : il faut donner un signal fort à l'ensemble de la
communauté scientifique française.
Le dispositif que vous nous proposez n'est que partiel par rapport au projet
de loi sur l'innovation que vous nous avez annoncé, mais il est parfaitement
cohérent et compatible. Je souhaiterais, pour ma part, que la communauté
scientifique française, d'une part, et l'ensemble de la communauté juridique
française, d'autre part, constatent qu'il y a une volonté quasi unanime du
Parlement et du Gouvernement pour sortir d'un système qui, s'il a eu ses
raisons logiques et compréhensibles, est désormais inadapté à la nouvelle donne
de l'économie mondiale.
Il faut faciliter la création de richesses et d'emplois à partir des
chercheurs et grâce à eux, c'est un objectif important de l'action de la
recherche publique à côté de l'acquisition désintéressée de savoirs et de
compétences.
Sur ce plan, un signal fort et rapide est nécessaire et je souhaite vivement
que cette proposition de loi puisse le plus vite possible être transformée en
loi et que s'instaure une navette parlementaire, où chacun aura la possibilité
d'enrichir encore ce texte.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires
culturelles sur la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
3
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
Monsieur le président, hier, M. le ministre de l'éducation nationale a honoré
le Sénat de sa présence pour la présentation de son plan d'action en faveur des
lycées.
Le mouvement lycéen interpelle la France tout entière et donc, en priorité,
les parlementaires. Si certains d'entre nous n'ont pu être présents hier dans
cet hémicycle - ce que la presse aurait pu relever - c'est parce que, à la même
heure, des communications très importantes étaient présentées devant la
commission des affaires étrangères, puisque s'est réunie la délégation du Sénat
pour l'Union européenne, jusqu'à dix-neuf heures. Et, ancien membre de la
commission des finances, je sais que cette dernière a également siégé tout
l'après-midi.
Je vous présente donc une supplique, monsieur le président, afin que vous
interveniez auprès du nouveau président du Sénat pour que, désormais, un effort
soit véritablement accompli - et il peut l'être - et que cessent ces
concomitances quasi permanentes entre la séance publique dans l'hémicycle et
les séances de commissions, où nous sommes aussi tenus d'être présents. Cela
risque, en effet, d'altérer l'image du Sénat : nous n'étions pas présents hier
et les lycéens ont pu croire que c'était, de notre part, un manque d'intérêt
pour les espoirs qu'ils expriment. Il y a véritablement là un problème civique
important !
Dans le même esprit, monsieur le secrétaire d'Etat, je saisis l'occasion de
votre prestigieuse présence dans cet hémicycle pour vous dire que, si nous
sommes plusieurs collègues à ne vous y avoir rejoint qu'à onze heures
cinquante-cinq, c'est que la commission des affaires étrangères avait l'honneur
- et la chance, car elle est prestigieuse - d'écouter le ministre des affaires
étrangères du Mexique. Nous ne pouvions pas en même temps écouter les
aspirations du Mexique - et la France a tout un rôle à jouer en Amérique latine
! - et siéger ici. Où être ?
M. le président.
Monsieur Hamel, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Je
transmettrai à M. le président du Sénat vos propos très pertinents.
M. Emmanuel Hamel.
Il faut aller plus loin ! Il faut que cela change.
4
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 27 octobre 1998 :
A dix heures trente :
1. Questions orales sans débat suivantes :
I. - M. Franck Sérusclat interroge Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité sur l'interprétation qu'il convient de faire de l'article 62 du code
de la famille et de l'aide sociale. Son manque de clarté sert de prétexte à des
refus de réponse de la part de services administratifs aux demandes d'enfants
adoptés.
Cet article a été modifié par la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à
l'adoption.
La demande de secret formulée par une mère au moment de son accouchement
interdit-elle au service de l'aide sociale à l'enfance de la rechercher et de
lui indiquer que son enfant voudrait connaître son identité ?
Par ailleurs, l'article 62 du code de la famille et de l'aide sociale a-t-il
expressément prévu la possibilité de lever ce secret ?
Si oui, son application peut-elle s'étendre aux adoptions prononcées avant
l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1996 ?
Pour que cette possibilité de levée du secret soit effective, la tâche n'en
revient-elle pas à l'aide sociale à l'enfance ? Celle-ci n'a-t-elle pas
l'obligation d'entreprendre les recherches quand la demande est formulée par
l'enfant ? (N° 270.)
II. - Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la
santé sur le fait que la décision de l'Assistance publique de fermer le service
d'oncologie pédiatrique de l'hôpital Robert-Debré à Paris pose de nombreux
problèmes.
Ce service unique à l'AP-HP a un taux d'occupation proche de 100 %. Il donne
satisfaction aux patients et à leurs familles. Il a sur le plan national et
international une réputation scientifique qui le place au premier rang dans la
recherche clinique et le traitement des tumeurs solides des os.
La décision de fermeture met en cause son entité et les moyens qui lui sont
alloués et provoque un tollé parmi les milieux médicaux et les familles des
petits malades.
Aucun argument ne peut justifier l'éclatement de ce service qui travaille dans
un domaine aussi sensible.
Changer d'équipe médicale représente un danger pour les enfants, tant sur le
plan psychologique que sur le plan du suivi strictement médical, même en cas de
transmission intégrale des données.
Pourquoi d'ailleurs couper ce service en deux alors que le cancer des os, s'il
touche principalement les enfants, entraîne un contrôle long, qui peut se
poursuivre pendant dix ans ? La séparation des enfants et des parents
n'induirait-elle pas fatalement un changement d'équipe médicale en cours de
traitement, et probablement du traitement même, pour les enfants actuellement
suivis à Robert-Debré ?
Pour toutes ces raisons, elle lui demande quelles mesures il compte prendre
afin de maintenir l'entité de ce service. (N° 323.)
III. - M. Jean Boyer attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de
la communication sur les conditions d'organisation de spectacles vivants
faisant appel à des artistes étrangers en tournée en France.
Les producteurs établis hors de l'Union européenne, notamment dans des pays
aux structures artistiques, sociales ou culturelles très différentes, sont
souvent dans l'impossibilité de fournir toutes les pièces exigées en France au
titre d'employeur.
L'inspection du travail, l'ASSEDIC et les caisses de retraite se retournent
alors vers l'organisateur du spectacle en France, association ou commune, qui
est présumé employeur de fait, en application de l'article L. 762-1 du code du
travail. Dans ces conditions, l'organisateur français se trouve dans
l'obligation, d'une part, d'effectuer les déclarations obligatoires liées à
l'embauche et à l'emploi sous contrat à durée déterminée des artistes
étrangers, sans souvent pouvoir obtenir les documents exigés, et, d'autre part,
de verser l'ensemble des cotisations et contributions sociales à la place du
producteur étranger. Cette situation pénalise financièrement les organisateurs
français et entretient la suspicion à leur égard.
Il lui demande donc si, dans le cas des pays avec lesquels la France a signé
des conventions particulières de sécurité sociale, elle ne pourrait pas
envisager une simplification administrative qui éviterait que l'organisateur
soit contraint de remplir les obligations qui relèvent du véritable employeur,
c'est-à-dire du producteur étranger.
Il lui demande également quelles seront les conséquences, sur la présomption
de salariat, de l'adoption du projet de loi portant modification de
l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles qui précise
notamment que les producteurs de spectacles ont la responsabilité d'employeur à
l'égard du plateau technique. (N° 299.)
IV. - M. Guy Cabanel attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de
la communication sur les difficultés que rencontrent les services d'archives
départementales, notamment dans l'Isère, en l'absence de renouvellement des
postes scientifiques et de documentation mis à la disposition de ces
institutions culturelles par l'Etat. Les établissements concernés remplissent,
dans des conditions devenues difficiles, les missions de collecte, de
conservation et de documentation qui leur sont confiées.
Les personnels spécialement formés pour exercer ces activités dont le
développement ne cesse de croître, sont aujourd'hui en nombre insuffisant et ne
parviennent plus à gérer efficacement les services dont ils ont la charge.
S'il était difficile de procéder à une affectation de fonctionnaires de
l'Etat, il serait en revanche envisageable d'opérer un transfert des crédits
correspondant aux vacances d'emplois par le biais de la dotation générale de
décentralisation. Il convient de préciser qu'une telle solution avait déjà été
adoptée afin de mettre un terme aux difficultés analogues que rencontraient les
bibliothèques départementales.
Aussi, il lui demande de lui indiquer par quels moyens elle pense remédier à
ces situations, et de bien vouloir lui faire connaître son opinion sur
l'opportunité de renouveler une solution d'ores et déjà expérimentée. (N°
324.)
V. - M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences des
réalisations de plus en plus fréquentes de forages individuels. En effet, bon
nombre de personnes résidant dans des zones où la nappe phréatique est
facilement accessible, réalisent, bien souvent par souci d'économie, des puits
privés destinés à prélever directement l'eau nécessaire à la satisfaction de
leurs besoins, plutôt que d'utiliser le réseau public de distribution d'eau
potable. Le développement d'une telle démarche inquiète à juste titre les élus
responsables des services de l'eau et de l'assainissement.
Outre les risques sanitaires pris par les usagers de ces forages individuels
dont la qualité de l'eau n'est pas toujours contrôlée, ces derniers
représentent également des risques pour les collectivités : risque notamment de
mettre en péril l'équilibre financier des services des eaux et de
l'assainissement, risque que les installations privées soient réalisées en
contravention avec le règlement départemental.
Face à ce problème, il souhaiterait qu'il lui soit précisé les bases légales
sur lesquelles les élus locaux peuvent s'appuyer pour opérer un recensement
complet des puits privés, ainsi que les concours qu'ils peuvent attendre des
services de l'Etat en la matière.
Il souhaiterait par ailleurs connaître les modalités pratiques d'application
du décret n° 67-945 autorisant la taxation forfaitaire des particuliers
s'approvisionnant totalement ou partiellement à une autre source que le réseau
public, et savoir s'il est envisagé, le cas échéant, de préciser la
réglementation actuellement en vigueur, afin d'arrêter le développement des
pratiques évoquées ci-dessus. (N° 306.)
VI. - M. Jacques Valade expose à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement que la diffusion des téléphones mobiles est
devenue un véritable phénomène de société. La France est en train de rattraper
le retard qui était le sien dans ce domaine. Ces développements nécessitent la
mise en place de réémetteurs afin de couvrir correctement le territoire
national.
Le choix qui a été fait de plusieurs opérateurs concurrents entraîne la
multiplication de ces relais. Or, France Télécom, SFR et Bouygues - seuls
autorisés à exploiter ces réseaux en France - se livrent à une féroce
compétition en matière d'implantation de relais qui se traduit par une
floraison de pylônes et d'antennes de toute nature, de toute forme, de toute
taille, qui perturbe singulièrement le paysage tant urbain que rural.
Il souligne que les lois et réglementations actuelles sont insuffisantes pour
maîtriser cette prolifération.
Les responsables des collectivités locales et les administrations de l'Etat
sont à la fois sans moyens et sans directives pour concilier nécessité
d'installations nouvelles et protection de l'environnement.
En conséquence, il lui demande quelles mesures sont envisagées à très court
terme pour éviter de tels excès. (N° 328.)
VII. - M. Jean Pépin appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur les importantes nuisances sonores que
subissent les habitants de la commune de Grièges, riverains de la ligne SNCF
Paris-Lyon, sur laquelle circulent les trains à grande vitesse.
La mise en place d'aménagements de type écrans anti-bruit permettrait
d'atténuer de manière considérable ces incommodités.
En conséquence, il lui demande s'il entend proposer une adaptation en ce sens
de la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, sur le territoire de la commune de
Grièges. (N° 298.)
VIII. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur le devenir du projet de
construction de l'autoroute A 16 en Seine-Saint-Denis et en Val-d'Oise.
Elle lui fait part de la nécessité, pour confirmer l'abandon du projet au-delà
de la Francilienne, de lever toutes les emprises foncières existantes en
Val-d'Oise et en Seine-Saint-Denis et lui demande si telle est bien sa
position.
Elle lui demande également si le projet vieux de soixante-dix ans de déviation
de la RD 370 peut être considéré comme désormais réalisable, tout comme la
deuxième tranche de construction du BIP - boulevard interurbain du Parisis -
reliant Gonesse à Sarcelles, et de lui préciser les dates de réalisation et les
méthodes de financement envisagées. (N° 307.)
IX. - M. Josselin de Rohan demande à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement de lui apporter des précisions relatives au projet du
TGV Bretagne-Pays de la Loire, et en particulier sur le choix du tracé. (N°
313.)
X. - M. Jean-Pierre Raffarin interroge M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement sur les innovations que peut proposer l'Etat aux
régions pour faire face aux besoins de financement d'infrastructures routières
et autoroutières. Retard des contrats de plan, délégation de maîtrise
d'ouvrage, mobilisation des fonds européens, maîtrise des flux de fret ? (N°
316.)
XI. - M. Marcel Bony appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement,
des transports et du logement sur la RN 89 entre l'échangeur de
Saint-Julien-Puy-Lavèze et Clermont-Ferrand.
Eu égard au décret du 9 janvier 1998 déclarant d'utilité publique la section
autoroutière Saint-Julien-Puy-Lavèze - Combronde, il lui apparaissait qu'un
aménagement lourd de la RN 89 était écarté à court terme.
Or, ni le phasage, ni la programmation des travaux sur cette section
autoroutière n'ayant apparemment été arrêtés, il lui semble opportun de
rappeler que la RN 89 est et demeurera l'itinéraire naturel pour rallier
l'agglomération clermontoise ou le Val d'Allier à partir de l'échangeur de
Saint-Julien-Puy-Lavèze.
Il est d'ailleurs si probable que le flux soit massif à la sortie de ce
diffuseur que les projections faites à l'horizon 2015 aboutissent à un niveau
de trafic absolument incompatible avec la configuration actuelle de la route
nationale. Le niveau de trafic serait d'ailleurs sensiblement équivalent à
celui de l'A 89 d'après le CETE de Bordeaux.
Dans ces conditions, ne serait-ce qu'au regard de cet élément, c'est-à-dire
sans même tenir compte des arguments liés au développement économique, au
désenclavement, à la cohésion et à l'équilibre territoriaux qui plaident
pourtant dans ce sens, l'utilité publique d'une modernisation de la RN 89 est
avérée à ses yeux.
En tout état de cause, il est impératif, précisément en raison de l'évolution
du trafic à la sortie de l'échangeur précité et pour renforcer la sécurité, de
procéder dans un premier temps à des aménagements substantiels de la RN 89
entre La Chabanne - commune de Laqueuille - et les quatre routes de Nébouzat,
c'est-à-dire sur environ quinze kilomètres.
Il l'interroge donc sur ce qu'il envisage de faire à cet égard.
Doit-on espérer des crédits supplémentaires à ceux inscrits au contrat de
plan, pour la programmation de travaux nécessaires ?
Qu'en est-il des 200 millions de francs qui devaient être affectés à
l'aménagement de la RN 89 par la société concessionnaire de l'A 89 ? (N°
322.)
XII. - M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur les dispositions de la loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994, afin
de permettre, à titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de
décembre 1994, l'annualisation de la durée du service lorsque celui-ci est à
temps non complet, à la demande de l'agent, ou en cas de nécessité certaine du
service.
Tel pourrait être le cas, en particulier dans les petites communes, en ce qui
concerne les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, les
ATSEM.
Pour que ces dispositions deviennent applicables, il est nécessaire que soit
publié un décret d'application, après consultation des parties intéressées. Or
ce décret n'a jamais été rédigé, non en raison de la complexité du problème,
même si celle-ci est indéniable, mais bien, et de façon avouée, parce que
l'administration est hostile au principe même de l'annualisation du temps de
travail dans la fonction publique territoriale.
Cette situation inacceptable, emblématique des dérives de l'état de droit trop
souvent observées dans notre pays, pose en premier lieu la question du rôle du
Parlement.
Est-il bien utile qu'il légifère si la volonté du peuple, dont il est
l'expression et le garant, peut-être tenue en échec par une sorte de droit de
veto administratif ?
La seconde question est celle de l'avenir qui doit être réservé à ces
dispositions qui ont été adoptées par la représentation nationale et qui ne
peuvent plus être mises en oeuvre, le délai prévu par la loi étant forclos.
Il souhaite donc connaître très précisément les intentions du ministre en
matière d'annualisation expérimentale du temps de service dans la fonction
publique territoriale. (N° 310.)
XIII. - M. Marcel Deneux interroge M. le ministre de l'intérieur sur le
stockage et la destruction des engins résiduels de guerre.
De nombreuses régions continuent de subir le lourd préjudice de la Première et
de la Seconde Guerre mondiale en découvrant quasi quotidiennement des obus dans
leur sous-sol.
Les maires sont les premiers à être sollicités pour déplacer, stocker en lieu
sûr, et contacter les services compétents pour assurer la destruction de ces
obus.
Ainsi, il nous est permis d'observer de nombreux tas d'obus sur le bas-côté de
la route dans les communes. Des maires s'engagent également à stocker, y
compris dans la cour de leur habitation, ces obus afin d'assurer la sécurité
sur la voie publique.
Cette situation est la conséquence de l'absence de centre de stockage et de
destruction, notamment dans le département de la Somme. Les 11 et 12 juillet
1916, un million cinq cent mille obus ont été tirés en trente-six heures dans
la Somme. Et 10 % n'ont pas explosé !
Aujourd'hui, la seule solution qui est proposée aux maires est la destruction
de ces obus sur le territoire de leurs communes, tout en convenant que la
commune prenne en charge la dépense afférente.
Cette situation appelle des réponses sur les dispositifs de stockage et de
destruction de ces obus ainsi que sur la responsabilité des maires. (N°
304.)
A seize heures :
2. Scrutins pour l'élection de douze juges titulaires et de six juges
suppléants à la Haute Cour de justice.
3. Scrutins pour l'élection de six juges titulaires à la Cour de justice de la
République et de leurs six suppléants.
Ces scrutins se dérouleront simultanément dans la salle des conférences ; les
juges titulaires et les juges suppléants élus seront appelés, après le scrutin,
à prêter le serment prévu par la loi organique.
4. Discussion du projet de loi organique (n° 463, 1997-1998), adopté par
l'Assemblée nationale, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux
et des fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble.
5. Discussion du projet de loi (n° 464, 1997-1998), adopté par l'Assemblée
nationale, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des
fonctions et à leurs conditions d'exercice.
Rapport (n° 29, 1998-1999) de M. Jacques Larché, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
La conférence des présidents a décidé qu'il sera procédé à une discussion
générale commune de ces deux textes.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale
commune : lundi 26 octobre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi : lundi
26 octobre 1998, à dix-sept heures.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif
du budget de 1995 (n° 527, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 28 octobre 1998, à
dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblé nationale, portant règlement définitif du
budget de 1996 (n° 528, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 28 octobre 1998, à
dix-sept heures.
Débat consécutif à une déclaration du Gouvernement sur la décentralisation.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 2 novembre
1998, à dix-sept heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant extension de la
qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et
d'application de la police nationale (n° 532, 1997-1998).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 novembre 1998, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accès au droit et
à la résolution amiable des conflits (n° 530, 1997-1998).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 3 novembre 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 3 novembre 1998, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures quinze.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Situation des producteurs de peaux d'ovins
345.
- 22 octobre 1998. -
M. Bernard Murat
attire l'attention de
Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat
sur l'urgence de mettre en place une solution de prêts-relais, suite à la crise
rencontrée en matière de production française de peaux d'ovins.
Carte hospitalière
344.
- 22 octobre 1998. -
M. Bernard Dussaut
appelle l'attention de
M. le secrétaire d'Etat à la santé
sur les conséquences des décrets parus au
Journal officiel
du 10 octobre
1998 relatifs aux maternités, notamment pour l'hôpital de La Réole en Gironde.
Cet hôpital comprend une maternité qui assure, en toute sécurité, 250
accouchements en moyenne chaque année. La fermeture de la maternité aurait
immanquablement des conséquences en chaîne dramatiques : il y aurait
immédiatement une diminution d'utilisation du plateau technique pourtant très
performant et, à terme, la présence de deux chirurgiens et des deux
anesthésistes, qui permet un service d'urgence 24 heures sur 24, serait remise
en question. L'existence même de cet hôpital de proximité serait alors
probablement compromise. Etant donné qu'aucune enquête scientifique n'apporte
la preuve que le taux de mortalité maternelle ou périnatale soit plus élevé
dans les maternités pratiquant moins de 300 accouchements par an et que les
problèmes se situent plutôt au niveau des pressions budgétaires énormes pour
les contraindre à fermer, il lui demande de bien vouloir lui préciser s'il
envisage d'intégrer dans les critères de dérogation à la fermeture des critères
autres que géographiques, comme par exemple la spécificité sociale des bassins
de vie concernés. Cela permettrait de poser la problématique dans une
perspective plus large d'aménagement du territoire, en luttant contre toute
désertification sanitaire.
Application de la loi relative au développement
et à la promotion du commerce et de l'artisanat
343.
- 22 octobre 1998. -
M. André Vallet
attire l'attention de
Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à
l'artisanat
sur l'application de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 dite loi Raffarin dans
les Bouches-du-Rhône. Il lui rappelle que cette loi subordonne toute création
de surface commerciale supérieure à 300 mètres carrés à l'obtention d'une
autorisation administrative. Il lui indique cependant que, dans les
Bouches-du-Rhône, pour la seule année 1997, vingt-sept projets ont été
approuvés par la commission départementale de d'équipement commercial (CDEC),
alors que seuls six dossiers étaient repoussés. Il lui indique également que
cette pratique jurisprudentielle de modération de la CDEC est dramatique pour
le centre des villes moyennes dont l'activité commerciale est gravement
pénalisée par l'implantation sur le territoire d'une commune voisine d'un
centre de vente d'une certaine ampleur. Il lui demande quelles mesures il
compte prendre pour assurer l'application de la loi Raffarin afin de structurer
l'ensemble du tissu commercial.
Financement des associations d'aide à domicile
des personnes âgées handicapées
342.
- 22 octobre 1998. -
M. Martial Taugourdeau
rappelle que
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
que lors de la mise en place de l'aide à domicile aux personnes âgées
handicapées, plusieurs communes ont fait le choix de confier cette tâche à des
associations. Ces associations en statuant sur leurs comptes de 1997 ont fait
connaître des pertes prévisionnelles importantes pour l'année 1998 (de l'ordre
de 600 à 700 000 francs) en raison tout d'abord de la non-augmentation du prix
forfaitaire de l'aide à domicile, inchangée depuis 1996, et ensuite du
dispositif de la loi de finances n° 97-1269 du 31 décembre 1997 modifiant le
dispositif de réduction dégressive des charges patronales sociales sur les bas
salaires. Le Gouvernement s'était engagé l'année dernière pour qu'une somme
totale de 30 millions de francs soit réservée aux associations en difficulté.
D'après ses informations, il semblerait que la Caisse nationale d'assurance
vieillesse aurait refusé d'accorder cette aide. Qu'en est-il ? D'autre part,
les associations ont-elles été bien informées de ces possibilités ? De plus,
des aménagements devaient être adoptés pour les délais de règlement de dettes
fiscales et sociales en faveur des associations en difficulté de trésorerie.
Enfin, des dispositions devaient également être prises dans la loi de
financement de la sécurité sociale. Il constate qu'il n'en est rien. Il lui
demande donc quelles sont les mesures envisagées pour remédier à ces
carences.
Financement des structures d'aide à domicile
341. - 21 octobre 1998. - M. Philippe Richert attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les engagements que le Gouvernement a pris à l'Assemblée nationale le 20 mai dernier, lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, et qui concernent les structures d'aide à domicile. En effet, le Gouvernement s'était engagé à aider les structures d'aide à domicile en difficultés financières en 1998. Aussi, il souhaiterait savoir si des réunions de concertations réunissant les différents partenaires intéressés sont envisagées ? De même, dans quel délai et avec quels moyens elle pense pouvoir répondre aux engagements pris par le secrétaire d'Etat au budget en séance à l'Assemblée nationale le 20 mai dernier et quelles seront les modalités concrètes et pratiques d'octroi de ces aides ?