Séance du 20 octobre 1998
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 311, adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ils sont techniciens territoriaux, adjoints techniques hospitaliers, techniciens de l'équipement, techniciens de l'industrie et des mines, techniciens forestiers, techniciens des services de l'agriculture, techniciens de la ville de Paris. Ils sont plus de 30 000 en France et ont des responsabilités plus grandes en raison des évolutions technologiques et des besoins des administrations concernées.
En 1990, de longues discussions ont eu lieu pour que ces fonctionnaires de la catégorie B technique soient reconnus. Malheureusement, ils ont été oubliés. Depuis, ils revendiquent et font valoir leurs droits. Le protocole Durafour n'a prévu qu'un gain indiciaire de vingt-cinq points en fin de carrière. Cent quatre-vingt-treize points ont été accordés aux ingénieurs des travaux et aux cadres supérieurs. Pourtant, les techniciens ont des responsabilités plus affirmées dans les services techniques des administrations. Elles se rapprochent de celles qu'excercent les ingénieurs et parfois même les techniciens remplissent les fonctions de ces derniers.
Le 29 février 1996, votre prédécesseur m'avait répondu que la bonification indiciaire avait pris en compte l'exercice des responsabilités nouvelles. Cette remarque n'était pas fondée. La plupart des techniciens n'ont pas bénéficié de cette nouvelle bonification indiciaire, ceux du premier grade n'ont bénéficié que de quelques points, le plus souvent un ou deux, soit une majoration de vingt-cinq francs à cinquante francs par mois. On ne peut parler de prise en considération de la spécificité des fonctions exercées par les techniciens.
De plus, les différentes administrations en ont profité pour remettre en cause certains acquis par une politique malthusienne de rétrogradation du deuxième au premier grade, de réduction d'effectifs des deuxième et troisième grades, d'allongement de la période de stage portée à deux ans, de blocage des avancements, d'insuffisance, voire d'absence, de débouchés en catégorie A, de non-reconnaissance des spécificités des métiers exercés.
Monsieur le ministre, il faut maintenant reconnaître l'importance de la fonction des techniciens.
Plus grave, ces derniers ont l'impression d'être sous-estimés et rejetés.
Comparez leur situation avec celle des techniciens supérieurs de la défense, auxquels a été reconnu le titre de technicien supérieur et un recrutement à bac + 2. Pourquoi ne pas étendre cette reconnaissance aux techniciens des trois fonctions publiques ? L'équipement, les mines, l'agriculture et les collectivités territoriales sont pourtant des administrations aussi nobles et importantes que celle de la défense, et le niveau des techniciens y est aussi élevé. Pourquoi ceux-ci n'ont-ils pas été pris en compte ?
Mais ce qui paraît encore plus contestable, c'est que l'avenir des fonctions n'est pas pleinement assuré. En effet, vous refusez le recrutement au niveau bac + 2. Or refuser de valoriser à son niveau réel de formation initiale et continue la fonction de technicien territorial, ce n'est pas servir la fonction publique, monsieur le ministre.
C'est cette raison de fond qui me conduit à vous interpeller ce matin. Je ne suis pas le délégué syndical des techniciens de la fonction publique, mais je suis très préoccupée de constater que ces techniciens n'obtiennent pas la reconnaissance de leur savoir et des garanties quant à leur avenir et en matière de qualité et de modernité des services techniques publics.
Dans les faits, la qualification des techniciens atteint au minimum le niveau bac + 2. Il faut reconnaître que, dans la fonction publique territoriale, ils sont souvent chefs des services techniques ; à l'hôpital, ils sont notamment responsables de la logistique des marchés ; à la Ville de Paris, au ministère de l'industrie, au ministère de l'agriculture, à l'Office national des forêts, aux mines, ils sont souvent responsables de services de missions d'études techniques et encadrent des effectifs importants.
M. le président. Veuillez poser votre question, madame le sénateur.
Mme Marie-Claude Beaudeau. J'en termine, monsieur le président.
Vous vous rendez donc bien compte, monsieur le ministre, que les tâches assumées par les techniciens et les ingénieurs ont tendance à se rapprocher, à se chevaucher et à s'interpénétrer. ll y a, vous ne pouvez le contester, rapprochement des fonctions.
Ma question est la suivante : le « tuilage » des indices ne serait-il pas un correctif logique à cette évolution vers ces nouvelles responsabilités ? Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour aller dans cette voie et rompre avec la politique de votre prédécesseur ? Je vous propose l'ouverture de nouvelles négociations avec l'union des techniciens des trois fonctions publiques et l'ensemble des organisations syndicales, pour aborder ces questions avec un esprit nouveau.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Madame la sénatrice, la carrière des techniciens des trois fonctions publiques a sensiblement été revalorisée dans le cadre du protocole Durafour. S'agissant, par exemple, des techniciens des travaux publics de l'Etat, cette réforme s'est traduite pour ces agents par un gain moyen annuel de 8 425 francs. Ce n'est pas négligeable et on ne peut donc pas dire qu'ils ont été oubliés.
Ces revalorisations étaient, il faut le rappeler, destinées à reconnaître les nouvelles qualifications et le niveau de responsabilité de ces agents.
D'autres instruments ont été mis en place, qui ont également permis de prendre en compte, au cas par cas, l'exercice de responsabilités particulières. Il s'agit, par exemple, de la nouvelle bonification indiciaire, de la création de débouchés de carrière sous forme de statut d'emplois et de l'octroi de primes de technicité.
Des mesures conduisant à privilégier la promotion interne et à faciliter le passage de ces agents dans un corps d'ingénieurs des travaux ont également été adoptées. Pour les corps d'ingénieurs des travaux publics de l'Etat, cette proportion est ainsi passée de un sixième à un cinquième des recrutements, soit, tout de même, 20 % d'augmentation !
Les réformes qui ont été mises en oeuvre ont représenté des avancées significatives, qui ne sauraient être ignorées ou sous-estimées.
L'architecture des statuts particuliers des corps et cadres d'emplois qui a résulté de l'application de l'accord Durafour et les principes qui ont régi ce dispositif ne doivent pas être remis en cause.
Il n'est, ainsi, pas souhaitable d'élever, comme vous le suggérez, les conditions de diplôme requises pour être candidat aux concours d'accès aux corps de techniciens. Une telle mesure conduirait en effet à interdire l'entrée dans la fonction publique à des personnes qui, bien qu'ayant les capacités pour exercer ce métier, ne détiennent pas un diplôme sanctionnant un premier cycle de l'enseignement supérieur. Une partie importante de la population, je pense aux bacheliers, serait ainsi exclue, alors même que des baccalauréats professionnels, précisément destinés à former à de tels métiers ont été créés.
Des réformes pourront toutefois être mises en oeuvre, au-delà des mesures strictement prévues dans le cadre du protocole Durafour, dès lors qu'elles seront justifiées par l'apparition d'éléments objectifs nouveaux et qu'elles ne constitueront pas une atteinte à ce que l'on pourrait appeler « l'esprit » du protocole d'accord. Le fait qu'en 1990 on ait considéré qu'une formation organisée après un recrutement au niveau du baccalauréat et homologuée au niveau III, c'est-à-dire à bac + 2, devait permettre à des techniciens de bénéficier du classement indiciaire intermédiaire constitue ainsi un précédent qui pourra être pris en considération.
Telle a été la démarche du Gouvernement à l'occasion de l'examen de la situation des techniciens des travaux publics de l'Etat, dont le stage vient de faire l'objet d'une homologation et qui devraient prochainement bénéficier d'une revalorisation de leur carrière.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. Madame Beaudeau, je ne peux vous accorder que trente secondes, car, tout à l'heure, vous avez épuisé les cinq minutes dont vous disposiez.
Vous avez la parole.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, les éléments que vous venez de me fournir ne peuvent me satisfaire puisque vous ne répondez même pas à la demande d'ouverture de négociations avec les techniciens et leurs représentants syndicaux.
Vous appréciez mal le malaise qui s'installe, avec les manifestations de personnels à l'équipement, à l'Office national des forêts, la grève du zèle des techniciens. Vous appréciez mal le fait que la CGT et FO aient rejoint l'union des techniciens des trois fonctions publiques avec la même revendication fondamentale en faveur d'un véritable statut de technicien supérieur.
L'intérêt du service public est bien de reconnaître ce statut et de l'intégrer dans l'ensemble des filières techniques pour tenir compte de la spécificité des besoins.
Le risque est grand, vous le savez bien, monsieur le ministre, de voir glisser des actions des fonctions publiques vers des secteurs semi-publics ou privés. L'exemple de la Grande-Bretagne, qui n'a pu faire face, par exemple, au problème résultant de la maladie de la vache folle, parce qu'elle n'a pas aujourd'hui de service technique public, est patent.
Nous parlons de l'équipement, de l'hôpital, de l'Office national des forêts, des mines et de la fonction territoriale. Ne s'agit-il pas de secteurs où des dangers se manifestent au regard de la garantie de l'intérêt public, et même de la santé des Français ?
Monsieur le ministre, je réitère ma demande : il importe que vous receviez les organisations syndicales pour en débattre et qu'à la suite de ce dialogue vous envisagiez avec les hauts fonctionnaires de l'Etat d'engager un rattrapage. N'attendez pas que les techniciens soient dans la rue !
SITUATION DE L'USINE GEC-ALSTHOM DE VILLEURBANNE