Séance du 18 juin 1998
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais je crois comprendre que c'est M. le secrétaire d'Etat au budget qui va me répondre.
Depuis juillet 1997, l'Asie est en crise. Une série de dominos financiers sont tombés, le dernier en date et le plus lourd étant l'Indonésie. Jusqu'à présent, nous avons paru échapper aux répercussions. Les places européennes ont même servi de refuge aux capitaux baladeurs. Mais il semble que, depuis quelques jours, le pessimisme se lève de nouveau.
Le Japon, entré en récession pour la première fois depuis vingt-trois ans, ne se décide pas à agir et laisse filer sa monnaie. Au sommet de Cardiff, le Premier ministre britannique, Tony Blair, a estimé que cette récession japonaise était le plus grand risque pour l'économie mondiale depuis vingt ans.
Les Etats-Unis vont-ils parvenir à sortir le Japon de son hébétude ? La Chine va-t-elle pouvoir continuer paradoxalement à être le pôle d'amarrage de l'économie libérale ? Et je ne parle pas de l'imprévisible Russie dont la faillite possible donne des sueurs froides en Allemagne et ailleurs.
Déprime et rebonds composent en bourse un paysage orageux, comme l'on en voit dans ces tableaux romantiques au relief tourmenté où, dans un coin, figure malgré tout une petite maison tranquille dont une seule fenêtre est éclairée.
Ce paisible microclimat, n'est-ce pas un peu celui dans lequel se complaisent le Gouvernement et la majorité plurielle ?
M. Alain Gournac. Ah !
M. Yann Gaillard. J'entends bien que le rôle du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas d'affoler les marchés. Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, notre rôle est de vous interroger : apercevez-vous, oui ou non, une crise économique majeure qui pourrait se nourrir des déséquilibres internationaux accumulés depuis quelques années ?
Je vous poserai également quelques questions corollaires : nos banques et nos entreprises exportatrices sont-elles assez provisionnées ? Nos marchés financiers pourront-ils préserver leurs gains récents qui ne pèsent pas pour rien dans le dynamisme de la consommation ? Et surtout, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, avons-nous encore une chance de réaliser, en 1999, ces 2,8 % de croissance sur lesquels reposent vos orientations budgétaires ? Pour l'année en cours, vous aviez intégré en croissance externe une moins-value d'un demi-point de la contribution des échanges extérieurs à la croissance. Quid de l'an prochain ? Et sur quelles réserves, pourriez-vous compter, au cas où les nuages venus d'Asie crèveraient pour de bon ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se trouve aux Etats-Unis avec M. le Premier ministre, à un moment où le monde traverse une période cruciale marquée par la crise asiatique. Comme vous vous en doutez certainement, les entretiens qu'ils auront dans ce pays porteront tout particulièrement sur ce sujet, ainsi que sur le renforcement de la coopération monétaire internationale.
Je ne reviendrai pas sur les causes de la crise asiatique, japonaise notamment. La baisse du yen, très préoccupante jusqu'au début de cette semaine, résultait d'une faiblesse de l'économie japonaise, caractérisée par une demande intérieure atone et un secteur financier en difficulté.
Une faiblesse excessive du yen n'est souhaitable ni pour le Japon, ni pour l'Asie, ni, compte tenu du poids de l'économie japonaise, pour le reste du monde. Les interventions concertées qui ont eu lieu tout récemment ont ramené la devise nippone au niveau de 137 yens pour un dollar, niveau auquel elle se maintient depuis hier.
Il est prévu, le samedi 20 juin, à Tokyo, une réunion des suppléants des ministres des finances selon ce que les spécialistes appellent le « format Manille », associant les pays asiatiques et ceux du G7 de façon à faire le point sur la situation globale en Asie.
En ce qui concerne la France, nous avons prévu un taux de croissance de 3 % pour l'année 1998, en comptant sur un impact d'environ 0,5 % pour cette crise venue de l'extérieur. Mais, aujourd'hui, la croissance française est devenue suffisamment autonome, tirée qu'elle est par la consommation, par l'investissement et par la demande des autres pays européens, pour que l'aggravation récente de la crise asiatique ne remette pas en cause ce pronostic de 3 % pour 1998.
Pour 1999 - mais nous y reviendrons lors du débat d'orientation budgétaire - le pronostic du Gouvernement est de 2,8 %, ainsi que vous l'avez dit, monsieur le sénateur, ce qui correspond à une hypothèse un peu en retrait par rapport à 1998. Cette hypothèse nous paraît à la fois prudente et réaliste. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen).
PRÉFÉRENCE NATIONALE