Séance du 16 juin 1998







M. le président. « Art. 82. - Le Gouvernement présentera au Parlement, tous les deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d'évaluation de l'application de cette loi, en s'appuyant en particulier sur les travaux de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. »
Par amendement n° 428, Mme Bardou, MM. Bordas, de Bourgoing, Cossé-Brissac, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendant proposent de compléter cet article par une phrase ainsi rédigée : « Les personnes en situation de précarité et les acteurs de terrain seront particulièrement associés à cette évaluation. »
La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Il nous paraît souhaitable de tenir compte, pour l'évaluation de l'application de cette future loi, du point de vue des personnes chargées de mettre en oeuvre sur le terrain les mesures de lutte contre l'exclusion. Elles sont en effet les mieux à même de vérifier l'efficacité des actions entreprises, notamment en direction des populations les plus fragiles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 428, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 111, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter l'article 82 par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport présentera les propositions de suppression, de modification ou d'adaptation du dispositif législatif et réglementaire établies sur proposition de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale après concertation au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. En matière de lutte contre l'exclusion, les pouvoirs publics doivent demeurer vigilants. En effet, l'exclusion prend toujours, ou peut prendre un visage nouveau qui lui permet d'échapper aux politiques mises en oeuvre pour la contrecarrer. C'est pourquoi cet amendement invite à une réflexion dynamique sur la question de l'exclusion au cours des prochaines années.
Le rapport biannuel sur l'application de la présente loi devra être l'occasion de présenter des propositions de modifications à la fois législatives et réglementaires afin que soit engagée en permanence une réflexion sur les moyens de lutter contre les exclusions, au fur et à mesure que ces dernières progressent ou prennent une forme nouvelle dans notre société.
Avec cet amendement, la commission des affaires sociales ne prétend pas avoir atteint la perfection s'agissant de la rédaction de cet alinéa additionnel à l'article 82. Mais ce texte résulte d'une réflexion qui me semble fondamentale, à savoir qu'en matière de lutte contre les exclusions ce qui est important, ce n'est pas de parvenir à une loi, laquelle ne saurait d'ailleurs en aucun cas être définitive, c'est plutôt d'établir une méthode de travail susceptible, au cours des ans, d'être perfectionnée et, surtout, d'institutionnaliser une véritable dynamique afin que l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le Gouvernement, le Parlement et évidemment, à travers eux, les intéressés eux-mêmes, ceux qui sont sur le terrain, participent à l'évaluation des mesures qui sont prises et mises en application. Cela permettra d'aller au-delà d'un texte qui resterait sinon purement statique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souscris bien entendu à l'idée que le rapport est destiné à proposer des éléments d'amélioration de la loi. Autrement, quelle serait l'utilité d'un rapport ?
En revanche, je ne crois pas qu'il soit souhaitable d'écrire que le rapport résulte des propositions de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. En effet, les experts qui composent, pour l'essentiel, cet observatoire sont chargés de faire l'état des lieux et d'évaluer les politiques publiques, mais c'est au Gouvernement et aux parlementaires qu'il appartient de porter une appréciation sur la situation et les politiques qui sont menées.
De plus, il existe d'autres conseils que le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale qui pourraient être concernés. Tout dépend, en effet, de la nature des modifications que nous voulons apporter ultérieurement à la loi. Nous pourrions, par exemple, être amenés à consulter le Conseil national des missions locales, ou encore le Conseil national de l'insertion par l'économique.
Je souhaite donc que le texte de l'amendement se limite à écrire : « Ce rapport présentera les propositions de suppression, de modification ou d'adaptation du dispositif législatif et réglementaire. » Je préférerais même une formulation plus positive : « Ce rapport présentera des propositions d'amélioration du dispositif législatif et réglementaire » plutôt que des propositions de suppression de « modification... ».
En tout cas, la fin de la phrase ne me paraît pas opérante.
En l'état, je ne peux donc pas être favorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, maintenez-vous l'amendement ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Dans l'état actuel de la discussion, je préfère que cet amendement soit maintenu et soumis au vote du Sénat.
Certes, j'ai conscience que sa rédaction est perfectible, et je suis tout à fait d'accord avec les observations de Mme la ministre mais je ne suis pas en mesure de rectifier ce texte immédiatement dans un sens qui pourrait recueillir l'assentiment à la fois du Gouvernement et du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 111.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement me pose plusieurs problèmes.
D'abord, je ne vois pas pourquoi les propositions seraient établies exclusivement par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale.
De plus, j'admettrais la formulation selon laquelle ce rapport « peut » présenter ou « pourra » présenter. Mais il me paraît excessif d'écrire qu'il « présentera » obligatoirement des modifications législatives ou réglementaires. Si l'existence d'un rapport me paraît intéressante - je ne suis en effet pas opposée à l'idée que soient présentées éventuellement des propositions - le fait d'imposer - car tel est bien l'esprit du texte - de telles propositions de suppression, de modification ou d'adaptation du dispositif législatif ou réglementaire me paraît excéder ce qui relève normalement d'un rapport.
Je voterai donc contre cet amendement.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale pourrait proposer, parmi les mesures qu'il est susceptible de préconiser, le rétablissement de la taxe sur les logements vacants !
Je suivrai néanmoins l'avis du Gouvernement en votant contre cet amendement, car j'y suis opposée.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je ne voudrais pas être en désaccord avec Mme Dusseau ! Cela m'ennuie toujours ! (Rires.)
Toutefois, si je comprends son souci de ne pas faire d'injonction au Gouvernement, il faut pourtant bien que ce rapport ait un objet ! Le futur n'est utilisé ici que pour préciser cet objet. Il ne vise à rien d'autre. Sans cela, l'objet de ce rapport serait laissé à la libre imagination de ceux qui seront amenés à le rédiger. Je n'ai encore jamais vu de disposition de ce genre dans un texte législatif !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 111, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 484, MM. Vasselle, Michel Mercier, Chérioux, Ostermann et Doublet, proposent de compléter l'article 82 par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport comportera, notamment, une évaluation des conséquences financières de l'article 5 bis de la présente loi relatif aux possibilités de cumul entre revenus du travail et prestations de diverses natures sur les comptes sociaux ainsi que sur les budgets tant de l'Etat que des collectivités territoriales concernées. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement a pour objet de préciser le contenu du rapport bisannuel que doit présenter le Gouvernement au Parlement sur l'application de la présente loi. Il apparaît, en effet, indispensable que les décideurs des pouvoirs publics connaissent précisément les implications financières de la possibilité de cumul entre revenus du travail et prestations de diverses natures instaurée par l'article 5 bis de la présente loi.
Pour éviter les effets de « piège à pauvreté » biens connus, qui dissuadent les personnes en grande difficulté d'occuper des emplois, en particulier à temps partiel, car elles perdent alors le bénéfice de leurs allocations, il peut s'avérer pertinent de permettre un cumul entre revenus du travail et prestations - ce que nous avons fait pour partie dans le texte que nous venons d'examiner - et ce dans une certaine limite et pour une période déterminée, le temps de permettre à la personne concernée de se réinsérer dans la société.
Il convient toutefois d'en évaluer le coût pour cette dernière. Tel est l'objet de cet amendement.
Certes, il sera utile, le moment venu, d'effectuer le bilan de l'application des mesures prévues dans ce texte. Ainsi pourrons-nous orienter dans un sens qui correspondra le mieux à notre attente l'ensemble des dispositions du texte que nous avons examinées pendant ces quelques jours.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission n'a pas d'objection de fond à formuler sur la nature du point précis que M. Vasselle veut mettre en lumière dans le rapport d'évaluation. Sa seule réserve viendrait du fait que le rapport a une vocation générale et qu'il n'a pas vocation à insister plus particulièrement sur un point plutôt que sur d'autres.
Néanmoins, étant donné qu'il s'agit du dernier amendement, la commission s'en remettra à la sagesse du Sénat.
M. Jean Chérioux. Quelle bienveillance !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, non pas qu'il ne soit pas d'accord sur le fond, à savoir que le rapport puisse évaluer les conséquences de l'application de l'article 5 bis et dresser le bilan des cumuls - ce sera notamment l'un des objets de ce rapport - mais il ne voit pas pourquoi on mettrait l'accent essentiellement sur ce point, alors que c'est l'application de l'ensemble des articles de la loi qui devra être évaluée.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 484.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. M. Vasselle a fait allusion aux conséquences de la possibilité de cumul entre les revenus du travail et les prestations de diverses natures sur le budget de l'Etat et sur celui des collectivités territoriales concernées. Or, il ne me semble pas que les collectivités territoriales soient vraiment concernées puisque les minima sociaux sont fixés essentiellement par l'Etat, ou par les différentes caisses. Par conséquent, la formulation de l'amendement me gêne.
Par ailleurs, si essayer de déterminer les conséquences financières de la loi sur les différents partenaires me paraît une bonne chose, n'insister que sur le cumul possible des indemnités et un salaire ne me semble pas opportun en termes d'affichage. Je tenais à attirer l'attention de M. Vasselle sur ce point.
Ne pourrait-il pas modifier son amendement en indiquant simplement qu'on procédera à une estimation du coût financier de la loi ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 484, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 82, modifié.

(L'article 82 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, je souhaiterais une brève suspension de séance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de suspension ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)