M. le président. La parole est à M. Bizet, auteur de la question n° 222, adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
M. Jean Bizet. Je tiens à attirer l'attention de M. le ministre sur la décision prise récemment par le Gouvernement de revaloriser de 2,6 % sur les deux prochaines années le traitement des fonctionnaires.
Cette décision, lourde de conséquences pour le budget de l'Etat, me semble faire abstraction de l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés de la fonction publique de 11,1 % ces cinq dernières années, quand, dans le même temps, ce pouvoir d'achat ne progressait que de 6,3 % pour les salariés du secteur privé.
Cette décision, en raison des 5,5 millions de fonctionnaires que compte notre pays, alourdira ainsi les dépenses publiques de plus de 15 milliards de francs.
Cette décision, s'ajoutant à la récente création des emplois-jeunes, qui constitueront à terme, et pour la plupart d'entre eux, autant d'emplois publics supplémentaires, fera incontestablement de la France le premier pays créateur d'emplois publics, avec 1,6 million de postes créés depuis 1979 pendant que 600 000 emplois privés étaient détruits.
Cette décision s'ajoutant, selon toute vraisemblance, dans un proche avenir, à la politique de réduction du temps de travail imposée par le Gouvernement - on comprendrait mal en effet que l'Etat ne donne pas l'exemple et exclue de cette mesure 25 % des actifs de ce pays - on peut imaginer que l'application de cette politique nécessitera la création de nouveaux emplois publics.
En clair, monsieur le ministre, pourquoi cette augmentation et comment sera-t-elle financée ? Par emprunt ou par accroissement de la fiscalité ?
Entre rigueur budgétaire et augmentation de la dépense publique, je vous avoue mon inquiétude, et je souhaiterais savoir où se trouve, en cette affaire, la cohérence gouvernementale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous semblez surpris par le principe même d'un accord salarial dans la fonction publique. Mais la règle de négociations salariales régulières est inscrite dans la loi, en l'occurrence la loi Auroux. L'Etat, même si cette loi ne s'impose pas strictement à lui, doit prendre en compte, comme tout employeur, la nécessité de s'assurer la collaboration d'agents motivés par le dialogue social comme par la politique salariale.
Je ne vous suivrai pas sur le thème, familier à certains, selon lequel les fonctionnaires seraient des privilégiés et représenteraient, dans certains cas, une charge pour la nation, taisant les services qu'ils rendent - ils sont globalement appréciés, tous les sondages d'opinion le montrent - et le rôle central qu'ils jouent dans la cohésion sociale de notre pays et dans le pacte républicain.
Vous avez avancé des chiffres sur le passé. Permettez-moi de les compléter et de rappeler que, au cours de la période 1982-1995, l'évolution des salaires moyens nets du secteur privé et du secteur public a été la même, avec une progression annuelle moyenne de 0,6 % en francs constants, et ce avant une année blanche pour les fonctionnaires en 1996.
L'accord passé renoue avec la politique contractuelle, après quatre ans sans accord. Cet accord équilibré a pour objet de garantir le pouvoir d'achat des fonctionnaires au cours des deux années à venir, en fonction des prévisions d'inflation. Il a été l'occasion de corriger l'anomalie que constituait l'existence de traitements de base inférieurs au SMIC dans la fonction publique et de réaffirmer la priorité que le Gouvernement accorde aux rémunérations les plus faibles.
Au total, cet accord aboutit à une dépense budgétaire de 5 milliards de francs en 1998 et de 9 milliards de francs supplémentaires en 1999. Il sera financé dans le cadre de la loi de finances pour 1998 - il n'y aura de ce faut ni emprunt ni impôts supplémentaires - et dans le respect des objectifs de la France en vue du passage à la monnaie unique européenne.
En ce qui concerne le temps de travail, le Premier ministre a eu l'occasion de dire qu'il n'y avait pas de raison que la fonction publique soit écartée de la perspective des 35 heures, même si ce n'est pas dans ce secteur que se situe l'urgence parce que ce n'est pas dans ce secteur que le chômage trouve son origine. Je vous rejoindrai au moins sur un point : pour regretter que le secteur marchand ne crée pas davantage d'emplois.
En tout état de cause, la complexité du dossier du temps de travail dans la fonction publique, marqué par une diversité extrême de situations, notamment des unités de mesure du temps de travail, imposait de réaliser un état des lieux complet avant de fixer des objectifs. C'est ce que l'accord a clairement stipulé. J'ai chargé M. Jacques Roché, personnalité reconnue, de procéder à cet état des lieux. Il s'est mis au travail dans un esprit de large concertation et son rapport sera remis aux partenaires sociaux avant la fin de 1998.
M. Jean Bizet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées.
Loin de moi l'idée de remettre en cause la qualité de la fonction publique. On sait que nous avons des fonctionnaires de grande qualité dans notre pays.
J'ai cru sentir dans cette revalorisation du traitement des fonctionnaires un
début de partage de la croissance. En l'occurrence, nous agissons dans le cadre
de « l'exception française », et cela me préoccupe. En effet, la croissance est
certes de retour, mais, je le crains, nous connaîtrons des lendemains qui ne
seront pas aussi mirobolants. Ce n'est pas dans le cadre de la fonction
publique et par l'augmentation de ses emplois que notre pays trouvera la voie
du progrès et de la richesse.
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