INTERVENTION DES ORGANISMES HLM
SUR LE PARC LOCATIF PRIVÉ
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 185,
1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale, permettant aux organismes
d'habitations à loyer modéré d'intervenir sur le parc locatif privé en prenant
à bail des logements vacants pour les donner en sous-location (rapport n° 262
[1997-1998]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, la proposition de loi que nous allons examiner aujourd'hui
prévoit, ainsi que M. le rapporteur vous l'indiquera dans quelques instants, un
nouvel outil pour remettre en location des logements vacants du secteur
privé.
L'enquête logement de 1996, la plus récente de l'Institut national de la
statistique et des études économiques, l'INSEE, chiffre ce parc à 2 231 000
logements, soit 7,9 % de l'ensemble des logements, c'est-à-dire les logements
pour la résidence principale, les résidences secondaires et les logements
occasionnels. L'importance de cette vacance ne peut laisser indifférent
puisque, parallèlement à l'existence de logements vides, nous nous heurtons à
la difficulté de proposer un toit à des personnes sans logement ou très mal
logées.
Toutefois, gardons-nous - mais vous en avez bien conscience - de conclusions
hâtives en aboutissant à une équation pure et simple entre le nombre de
logements vides et le nombre de logements qui font défaut. C'est évidemment
moins simple.
Le Conseil national de l'habitat, le CNH, rappelle, dans son rapport de 1996,
que les chiffres doivent être considérés avec précaution. Il s'agit, pour de
nombreux logements, d'une vacance qui peut être purement conjoncturelle, alors
que c'est bien entendu sur une vacance structurelle, dont la durée est d'au
moins six mois pour être considérée comme telle, que les efforts doivent porter
pour une mobilisation du parc vacant.
Quant à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, elle
signalait en 1995 que l'expression « logement vacant » non seulement ne veut
pas forcement dire « logement disponible », mais signifie souvent « logement
hors marché ». Le logement peut être situé dans une zone qui ne connaît pas de
demande ; il peut ne pas correspondre à la demande. La demande de logement
n'est pas excédentaire partout ; il apparaît que la mobilisation du parc vacant
n'est donc pas nécessaire partout.
Cependant, l'intérêt pour la mobilisation d'une offre nouvelle et la fluidité
du parc de logements est indéniable dans les zones où l'offre fait défaut au
regard des files d'attente pour l'attribution de logements sociaux. Le
chiffrage effectué dans le rapport Robert de 1992, selon lequel 500 000
logements pourraient être recyclés, dont 200 000 rapidement, ne peut laisser
indifférent.
Il est donc raisonnable de ne rien négliger pour que l'offre potentielle
réponde à la demande locale dès lors que cette demande est bien réelle. C'est
ce que le Gouvernement souhaite faire dans le cadre des chantiers qu'il a
ouverts dans le domaine du logement.
Pour ce faire, il faut bien appréhender les divers aspects de la vacance de
façon à mieux évaluer les besoins d'intervention.
Certains logements connaissent un temps de vacance normal dans l'attente d'une
vente ou d'une mise en location. D'autres logements connaissent une vacance
dite de transformation du bien soit en raison de travaux, de démolition prévue,
de changement d'usage, de situation de blocage juridique, ou encore une vacance
liée à l'absence de demande du fait du manque de confort, de l'environnement
déplaisant ou d'un phénomène local de dépopulation.
Reste la vacance que l'ANAH, l'Agence nationale pour l'amélioration de
l'habitat, qualifiait en 1995 de vacance « expectative » : celle des logements
réservés pour une occupation future, voués à disparaître ou faisant l'objet
d'une rétention, spéculative ou non. Il faut alors prendre en compte la volonté
du propriétaire de conserver le bien en état pour une transmission de
l'héritage, le refus de complications, l'indécision du propriétaire, quand elle
existe, sur le devenir de son logement.
Cette diversité des causes de la vacance est essentielle à connaître pour
proposer des outils différents, adaptés à chaque situation. Il serait illusoire
de vouloir apporter une réponse unique ; nous pouvons tous en convenir, et je
suis sûr que c'est la conclusion à laquelle est parvenue la commission au terme
de ses travaux.
Tout d'abord, il me paraît nécessaire de ne pas lier la remise en location au
logement d'un public déterminé. Le propriétaire décidé à remettre son bien sur
le marché ne doit pas être contraint à loger un seul type de locataires.
Aussi, c'est dans le cadre de deux dossiers, celui du projet de loi pour la
prévention et la lutte contre les exclusions, mais également celui qui portera
statut du bailleur, privé que le Gouvernement traitera cette question.
Au regard de la prévention et de la lutte contre les exclusions, comment ne
pas être sensible au caractère inadmissible de la vacance, alors que des
personnes sont sans logement ou mal logées ? Aussi prévoyons-nous d'appliquer
une taxe sur les logements vacants là où l'offre de logements fait cruellement
défaut ; je dis bien : là où l'offre de logements fait cruellement défaut. Mais
taxer la vacance serait injuste si le propriétaire ne disposait pas d'outils
pour mettre son bien en location.
D'une part, nous étudions les améliorations à apporter au bail à
réhabilitation et les moyens de renforcer le rôle des intermédiaires
associatifs, dont l'intervention est parfois nécessaire pour assurer une
gestion locative adaptée ou un accompagnement social.
D'autre part, dans le cadre du futur statut du bailleur privé, nous
recherchons les moyens de motiver les investisseurs à s'engager sur le champ du
locatif privé et les propriétaires de logements vacants à remettre leur bien en
location. Le choix du locataire doit alors être laissé, sans imposer le
logement de telle ou telle catégorie de personnes.
Pour cela, nous devons prendre en compte la rentabilité d'une mise en
location, et nous nous efforcerons de moduler l'effort financier de l'Etat en
faveur des propriétaires en fonction des efforts consentis par ceux-ci sur le
niveau des loyers et la durée de la location. Nous avons également à examiner
les moyens de sécuriser les propriétaires en recherchant des systèmes de
garantie pour le paiement des loyers.
Sur ce dernier point, nous savons que la sécurisation des bailleurs passe
aussi par la capacité de disposer d'intermédiaires pour l'acte de louer. Je
pense à des propriétaires âgés qui ne veulent pas assurer en direct la gestion
de la location. C'est ainsi que nous réfléchissons au rôle que peuvent jouer
les agences immobilières qui interviennent habituellement sur le secteur
locatif privé - je pense à ces agences qui ont pignon sur rue dans toutes nos
villes - mais également les agences immobilières à vocation sociale ou les
organismes d'HLM généralement confrontés à un public qui n'est pas forcément au
centre de l'intérêt de tel ou tel agent immobilier.
L'objectif du Gouvernement est d'apporter des réponses adaptées en tenant
compte des attentes de tous. C'est à cette condition que les propositions pour
une mobilisation de la vacance seront les plus efficaces.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai cru devoir vous présenter l'ensemble
de notre réflexion sur ce sujet, car la proposition de loi que vous allez
examiner aujourd'hui se situe sur ce champ.
Cette proposition de loi assigne au parc mobilisable un rôle social en
désignant des locataires potentiels dont les revenus sont inférieurs aux
plafonds de ressources pris en compte pour l'attribution de logements sociaux
et en prévoyant des limites aux loyers praticables. Elle propose un nouvel
intervenant, l'organisme d'HLM, pour une prise à bail de logements vacants.
Tel qu'il a été adopté par les députés, le texte laisse aux intervenants
habituels sur le secteur locatif privé le temps de mettre en location les
logements de façon plus classique. En effet, vous l'avez observé, c'est un
délai de vacance de deux ans qui a été retenu avant que s'ouvre la possibilité
de la prise à bail par un organisme d'HLM.
Le dispositif proposé tient compte des attentes de chacun et laisse à la voie
contractuelle le soin de régler les questions du financement des travaux
éventuellement nécessaires et du coût de la gestion locative. Ainsi,
propriétaires et organismes d'HLM pourront, en signant un contrat de location
permettant la sous-location, répondre au souci de trouver des solutions de
logement pour des personnes en dehors du cadre souvent très collectif du
logement social ; mais encore au souci de permettre l'intervention d'un
gestionnaire social pour une période de location aboutissant soit à une
location directe au ménage logé, soit à une solution de relogement dans le parc
social.
Cette proposition de loi donne une chance supplémentaire de mobilisation de
logements par un nouveau type d'intervenant, l'organisme d'HLM. Cette démarche
n'est pas en contradiction avec les travaux du Gouvernement, qui s'en remet
donc à la sagesse de votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, pour
l'adoption de ce texte.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Braun,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi n° 185, adoptée par l'Assemblée nationale, dont est saisie
la commission des affaires économiques, doit permettre aux organismes
d'habitation à loyer modéré d'intervenir sur le parc locatif privé en prenant à
bail des logements vacants pour les donner en sous-location.
Elle est issue d'une proposition de loi déposée par M. Meyer, député, qui
reprend, dans des termes quasiment identiques, une proposition de loi qu'il
avait déjà déposée sous la précédente législature, mais qui n'avait pu aboutir
en raison de la dissolution décidée le 22 avril 1997.
Le dispositif qu'il nous est demandé d'examiner se veut une réponse au
problème de la vacance dans le parc immobilier privé, qui est ressenti de façon
aiguë, compte tenu des deux millions de personnes dépourvues de logement ou mal
logées.
Cette crise du logement durable est un problème primordial, qui nécessite la
recherche d'outils très diversifiés pour faciliter une meilleure adéquation
entre l'offre et la demande de logements.
Dans mon rapport écrit, qui procède à une analyse précise des causes de la
vacance, j'indique qu'environ 200 000 logements devraient pouvoir être remis
rapidement sur le marché, selon les différentes enquêtes menées sur le
sujet.
Mais je voudrais insister sur les mécanismes existants pour mobiliser les
logements vacants, en opposant au dispositif du bail à réhabilitation, institué
par la loi du 31 mai 1990 et qui n'a connu qu'un succès très relatif, le rôle
très positif de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH.
En effet, en cinq ans, le bail à réhabilitation n'a été utilisé que dans
cinquante-quatre départements et n'a concerné qu'environ 1 000 logements. Les
preneurs ont été essentiellement des associations, qui ont bénéficié des aides
de l'ANAH pour réhabiliter ces logements. Mais force est de constater que les
collectivités territoriales et les organismes sociaux se sont très peu
impliqués dans ce dispositif.
Les raisons de cet échec tiennent aux difficultés et aux lourdeurs constatées
dans le bouclage des opérations, à la longueur du bail imposé par la loi -
douze ans - et aux incertitudes fiscales, en fin de bail, portant sur la
qualification des travaux d'amélioration réalisés sur le logement.
En revanche, il convient de souligner, parmi les dispositifs existants, le
rôle primordial joué par l'ANAH, qui a fait de la remise sur le marché des
logements vacants l'un de ses objectifs prioritaires. En 1996, elle a
subventionné la remise en état de 38 500 logements vacants, ce qui représente
un tiers des logements subventionnés mais les trois quarts des subventions
distribuées, soit 1,9 milliard de francs sur un total de 2,59 milliards de
francs.
On constate ainsi que les opérations menées avec les collectivités
territoriales contribuent fortement à la remise sur le marché de logements
vacants, qu'il s'agisse d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat,
les OPAH, ou de programmes sociaux thématiques, les PST.
De plus, pour augmenter l'offre de logements conventionnés dans les OPAH, le
conseil d'administration de l'ANAH a décidé, en 1994, de porter de 35 % à 40 %
le taux de subvention de l'Agence, sous réserve qu'une collectivité locale
accorde une subvention complémentaire de 5 %, ce qui porte au total le taux de
subvention à 45 %. Ces aides des collectivités sont assorties de critères
particuliers, dépendant des priorités que se donne la collectivité, notamment
la résorption de la vacance.
On ne peut donc, une fois encore, que dénoncer la très insuffisante
progression de la subvention de l'Etat au budget de l'ANAH - 10 % sur cinq ans
- alors même que, durant la même période, le produit de la taxe additionnelle
au droit de bail, la TADB, a augmenté de 43 %. Il y a, pour la période
1990-1996, un déficit de 1,2 milliard de francs entre ce qu'a rapporté la taxe
et le budget de l'ANAH.
Contrairement aux engagements pris en 1987, le « décrochage » entre le produit
de la TADB et les ressources de l'ANAH n'a fait que s'accentuer, alors que,
pour remédier à la vacance des logements dans le secteur privé, une
augmentation sensible des moyens de l'ANAH aurait des effets immédiatement
positifs.
Cela aurait également un impact très fort sur l'activité du secteur du
bâtiment, notamment pour les petites et moyennes entreprises et les artisans ;
on estime en effet que un milliard de francs de subvention de l'ANAH génère
environ 4,5 milliards de francs de travaux. Vous pourriez monsieur le
secrétaire d'Etat, en privilégiant cette voie, faire d'une pierre deux coups :
lutter efficacement contre la vacance des logements et favoriser la création
d'emplois.
J'en viens à la proposition de loi qui est aujourd'hui soumise à l'examen de
la Haute Assemblée.
Ce texte met en place un dispositif qui présente des analogies avec le bail à
réhabilitation, mais en privilégiant une procédure beaucoup plus souple, qui
renvoie largement à la convention conclue entre les parties.
Si le bail à réhabilitation peut être signé par un organisme d'HLM, une
société d'économie mixte, une collectivité territoriale ou une association
agréée, le dispositif de la prise à bail est réservé aux seuls organismes
d'HLM.
Dans le cadre du bail à réhabilitation, la durée du bail est au minimum de
douze ans, alors qu'elle est fixée librement par les parties pour la prise à
bail.
En ce qui concerne les travaux à effectuer, ils sont à la charge du preneur
dans un bail à réhabilitation et du bailleur, c'est-à-dire du propriétaire,
dans le cas de la prise à bail.
Mais, dans l'un et l'autre des dispositifs, le relogement des occupants est
obligatoire en fin de bail, et il est à la charge du preneur, étant précisé
que, dans la prise à bail, les ressources de l'occupant ne doivent pas dépasser
le plafond de ressources fixé pour bénéficier d'un prêt locatif aidé.
La définition de ce nouveau champ de compétences ainsi ouvert aux organismes
d'HLM nécessite l'insertion d'un chapitre nouveau dans le code de la
construction et de l'habitation.
Le premier article de ce chapitre arrête la liste des organismes pouvant
prendre à bail des logements vacants. Il s'agit, en plus des offices publics
d'habitations à loyers modérés, des offices publics d'aménagement et de
construction, des sociétés anonymes coopératives de production d'HLM et des
sociétés anonymes d'HLM.
Le deuxième article fixe deux conditions importantes.
En premier lieu, dans les communes qui, au sens de la loi d'orientation sur la
ville, ont un nombre de logements locatifs sociaux supérieur à 20 % du nombre
total de logements, le contrat de prise à bail doit recueillir l'accord du
maire, qui peut en apprécier l'impact au regard des besoins de la commune ou de
la mixité sociale.
En second lieu, le logement pris à bail doit être vacant depuis deux ans au
moins. Cette durée implique qu'il s'agit d'une vacance structurelle et que
toutes les solutions offertes par le secteur privé se sont révélées
inopérantes.
Le troisième article précise que les travaux de mise aux normes, s'ils sont
nécessaires, sont à la charge du bailleur, mais que l'organisme d'HLM peut être
chargé de leur suivi et de leur réalisation pour le compte du propriétaire.
Les quatrième et cinquième articles précisent que le logement est attribué
dans les mêmes conditions qu'un logement HLM et, pour certaines dispositions
concernant le contenu du contrat de sous-location, les droits et obligations de
l'occupant ou encore le droit à congé, qu'il est fait application de la loi du
6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.
Le dernier article du nouveau chapitre précise les conditions de fin de bail
entre le propriétaire et l'organisme d'HLM, à l'issue de la durée de location,
qu'ils auront librement déterminée.
Le propriétaire peut ainsi décider de passer directement un contrat de
location avec le sous-locataire du logement, mais il peut également décider de
récupérer son bien libre de toute occupation.
Dans ce dernier cas, l'organisme d'HLM est tenu, vis-à-vis du propriétaire, de
faire libérer le logement. Vis-à-vis de l'occupant, si ce dernier remplit les
conditions pour être bénéficiaire d'un logement HLM, l'organisme doit lui
proposer un logement répondant à ses besoins et à ses possibilités.
La commission des affaires économiques juge tout à fait intéressant le contenu
de la proposition adoptée par l'Assemblée nationale. Ce texte devrait répondre
aux besoins de personnes en attente de logement ainsi qu'aux souhaits des
propriétaires, qui seraient assurés de percevoir régulièrement un loyer et de
récupérer leur bien en bon état en fin de bail.
De même, en favorisant la réalisation de travaux de réhabilitation sur le
patrimoine privé, ce dispositif va stimuler l'activité dans le secteur du
bâtiment.
Il s'agit en outre d'un dispositif équilibré, qui respecte l'initiative privée
en prévoyant un délai de vacance suffisamment long et en ne donnant pas un
mandat de gestion aux organismes d'HLM, de telle sorte que les agences
immobilières et les syndics n'auront pas à subir une concurrence à cet
égard.
Enfin, il associe au processus les élus locaux, qui ont des responsabilités
particulières en ce qui concerne la mixité sociale des populations qu'ils
administrent.
Cet outil, certes, monsieur le secrétaire d'Etat, ne constitue pas la panacée,
mais c'est un élément de réponse tant pour des communes rurales, par
l'intervention d'un office départemental d'HLM,...
M. Alain Vasselle.
Tout à fait !
M. Gérard Braun,
rapporteur.
... que pour des logements vacants situés dans des villes
moyennes. Il peut s'insérer, en tant qu'outil d'intervention pour un organisme
d'HLM, dans une opération programmée d'amélioration de l'habitat lancée par une
collectivité locale.
Enfin, je soulignerai tout l'intérêt de ce dispositif pour des populations en
difficulté : un bon usage de la prise à bail devrait leur permettre, à terme,
de bénéficier d'un logement convenable dans des conditions de droit commun. Je
juge en effet très souhaitable que l'organisme d'HLM puisse, le plus souvent
possible, s'effacer à l'issue de la convention de prise à bail pour que le
propriétaire bailleur signe un contrat de location directement avec l'occupant
du logement.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous indique, mes chers collègues,
que la commission a approuvé l'ensemble de cette proposition de loi et qu'elle
vous invite à l'adopter sans modification.
(Très bien ! et
applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi dont nous sommes saisis vise à mettre en place une procédure
qui répond à une incontestable utilité.
L'excellent rapport présenté par notre collègue M. Gérard Braun est, à cet
égard, éloquent.
Outre son utilité, sur laquelle je reviendrai dans un instant, ce texte a la
triple particularité de s'appuyer, d'une manière très pragmatique, sur des
constats vérifiables sur le terrain, de reposer sur la libre adhésion de ceux
qui auront à le mettre en oeuvre et de laisser la place à une très grande
souplesse dans son application.
Rien ne devrait donc s'opposer à ce que cette proposition de loi rencontre un
accueil consensuel.
Notre pays compte aujourd'hui environ deux millions de logements vacants, soit
près de 8 % du parc total, et cela alors que des centaines de milliers de
demandes, émanant le plus souvent de familles modestes, ne peuvent pas être
satisfaites.
Parmi ces logements vacants, il en est bien sûr qui, appartenant à des
investisseurs institutionnels, ne sont pas visés par la présente proposition de
loi. Il y a également ceux qui sont situés dans des immeubles neufs et qui, au
gré des fluctuations du marché, seront mis en vente ou loués ; ceux-ci non
plus, ne serait-ce qu'en raison de leur coût, ne peuvent entrer dans le cadre
qui nous intéresse ici.
En revanche, peuvent être concernés les logements devenus vacants et restant
dans l'attente d'un nouveau locataire, les logements pour lesquels les normes
minimales d'habitabilité et de confort ne sont plus respectées, les logements
que leur propriétaire hésite à relouer, pour les raisons les plus diverses,
ainsi que les logements provisoirement indisponibles, dans l'attente de travaux
ou du règlement d'une situation juridique complexe.
Le dispositif proposé ne pouvant s'appliquer qu'aux logements vacants depuis
au moins deux ans, on est fondé à admettre qu'il vise les cas où le
propriétaire n'a pas voulu ou n'a pas pu relouer son bien ou encore que les
professionnels de la gestion immobilière n'ont su répondre à l'attente
éventuelle du propriétaire.
L'intervention d'un organisme public qui viendrait pallier cette inertie ou
cette défaillance ne saurait donc être contestée dans son principe.
Comme, en tout état de cause, le dispositif envisagé repose sur la libre
acceptation du propriétaire, il ne peut s'agir pour lui d'une contrainte ; il
s'agit plutôt de lui offrir une assistance pour faire face à une situation
problématique qui, souvent, le dépasse.
Il convient en effet, me semble-t-il, d'échapper à une vision trop manichéenne
des relations entre propriétaires et locataires.
La gestion d'un bien peut se révéler, pour un propriétaire, une tâche trop
lourde. Les membres d'une même famille héritant d'un immeuble, les personnes
âgées hébergées en maison de retraite et désireuses de ne pas se défaire de
leur bien immobilier avant leur décès, les propriétaires qui devraient assumer
tant sur le plan technique que du point de vue administratif la réhabilitation
ou la mise aux normes d'un logement locatif, ceux qui ont vécu des relations
difficiles avec un ou plusieurs locataires préfèrent, plus souvent qu'on
pourrait le penser, laisser leur bien vacant.
C'est là que le savoir-faire des organismes d'habitation à loyer modéré peut
permettre au propriétaire de se décharger des contraintes et des risques
qu'entraînerait pour lui une initiative dont il garderait la maîtrise.
Il n'est pas question, bien évidemment, que ces organismes investissent
financièrement au bénéfice de propriétés privées. Ils sauront, cependant, en
tant que mandataires des propriétaires, conduire les études techniques
nécessaires, établir éventuellement les dossiers de demande de subvention
spécifique, négocier avec les entreprises, surveiller leurs prestations et
faire bénéficier les propriétaires d'économies d'échelle, compte tenu de
l'importance du parc sur lequel les entreprises sont conduites à intervenir.
S'agissant de l'occupation du logement, le propriétaire n'a à entretenir de
relations qu'avec un seul interlocuteur, l'organisme d'HLM, celui-ci étant tenu
de restituer, au terme du contrat, le logement au propriétaire, libre de toute
occupation, après qu'il aura - et c'est une autre de ses obligations - assuré
le relogement de son propre locataire.
Sans doute la mission des organismes d'HLM s'en trouvera-t-elle alourdie. Mais
chacun d'entre eux ne mettra en oeuvre cette procédure que dans la mesure et
dans les proportions qu'il aura lui-même décidées. De plus, les avantages
devraient être globalement tels qu'ils justifient très largement les
contraintes supplémentaires inhérentes au système.
Avant tout, le parc locatif se trouvera considérablement élargi, et il sera
donc possible d'apporter plus rapidement une réponse aux très nombreuses
demandes en instance.
La diversité des logements entrant dans le cadre de la procédure visée par la
loi permettra, au regard tant de la composition et de la surface des logements
que du prix de location au mètre carré, de répondre à l'attente et aux
possibilités financières des familles d'une manière sans doute plus fine que si
l'on ne dispose que d'un grand ensemble locatif aux unités relativement
stéréotypées.
Le dispositif qui est proposé va aussi dans le sens d'une plus grande mixité
sociale, objectif prioritaire de la politique de la ville, puisque les
logements concernés seront nécessairement disséminés à travers le tissu
urbain.
A cet égard, il convient de souligner la sagesse de la disposition qui associe
obligatoirement le maire aux opérations envisagées, sachant qu'il est le mieux
à même d'en mesurer l'effet sur l'équilibre social de telle ou telle partie de
sa ville ou de sa ville considérée dans sa globalité.
Un autre intérêt, non négligeable, me semble résider dans le « coup de fouet »
que la mise en oeuvre de la loi pourrait donner aux métiers du second oeuvre du
bâtiment, métiers qui connaissent aujourd'hui d'importantes difficultés.
Sans doute une étude macroéconomique permettrait-elle de démontrer que, grâce
au levier que représente la subvention de l'ANAH pour la mise aux normes et la
réhabilitation de logements anciens, les cotisations sociales, les taxes sur
les salaires et, surtout, le produit de la TVA compensent les fonds publics
investis dans les opérations, sans compter le coût qu'induirait le chômage des
ouvriers concernés si les chantiers n'étaient pas ouverts.
Un abondement significatif des crédits destinés à l'ANAH constituerait dans
cette perspective, me semble-t-il, un investissement particulièrement opportun
et efficace.
L'objectif que vise la proposition de loi dont nous débattons est ambitieux :
il consiste à remettre sur le marché locatif, en quelques années, plusieurs
centaines de milliers de logements.
Son principal atout réside dans sa très grande souplesse, puisqu'elle renvoie
à la négociation entre le propriétaire et l'organisme d'HLM la détermination
des conditions du contrat ainsi que sa durée.
Le propriétaire ne court aucun risque. L'organisme d'HLM n'investit pas de
fonds et ne court, dans ses relations avec son propre locataire, pas plus de
risques qu'il n'en court dans le parc qui lui appartient en propre.
Reste une interrogation : comment le contact entre l'organisme d'HLM et les
propriétaires va-t-il s'établir ? Comment arrivera-t-on à dénicher ces
centaines de milliers de logements qui se trouvent aujourd'hui dans l'attente
d'un locataire ?
Il est bien entendu tout à fait impensable que des services publics, tels que
les services fiscaux ou encore l'INSEE, à l'issue d'un recensement, fournissent
aux organismes d'HLM une liste de logements inoccupés. Ce serait non seulement
totalement illégal, mais encore contraire à l'esprit de la proposition de loi
dont nous délibérons, le dispositif devant s'appliquer sans pression d'aucune
sorte.
Il conviendra donc de mener une importante campagne d'information, en y
consacrant les moyens nécessaires. L'enjeu le justifie.
Il faudra également ouvrir un large dialogue avec les syndicats de
propriétaires, afin qu'ils se fassent, eux aussi, auprès de leurs mandants, les
avocats d'un dispositif qui va dans le sens de leur intérêt et qui devrait, par
ailleurs, permettre d'assurer un logement décent et à un prix abordable à des
familles aujourd'hui en attente.
La réduction de la fracture sociale passe aussi par la réalité du droit au
logement.
Le groupe du Rassemblement pour la République votera avec conviction la
proposition de loi qui nous est soumise et qui est due à l'initiative du
député-maire de Colmar, M. Gilbert Meyer.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
avec un parc vacant qui a plus que triplé en quarante ans, avec 1,9 million de
logements vacants - M. le secrétaire d'Etat a cité le chiffre de 2,2 millions
et M. Eckenspieller celui de 2 millions - dénombrés sur un parc de 26 millions
de logements, ce qui n'est pas négligeable, il fallait prendre rapidement des
mesures favorisant le développement de l'offre locative du parc social privé.
La proposition de loi qui nous est soumise va dans le bon sens et devrait
répondre à l'attente de nombreux maires, notamment en milieu rural, sans cesse
confrontés à la pénurie de logements locatifs.
Comme je l'avais dit devant la mission sur l'aménagement du territoire, je
préfère plutôt des mesures incitatives de cette nature à une formule de
taxation des propriétaires de logements vacants qui ne mettraient pas ceux-ci
sur le marché, soit en les louant, soit en les vendant. Cette idée avait été
défendue par le président de la commission des affaires économiques du Sénat,
M. François-Poncet, et soutenue par nombre de nos collègues du groupe
socialiste
Je dénonce, pour ma part, une disposition de cette nature. Il vaut mieux, je
le répète, prendre des mesures incitatives et voir leurs effets. La proposition
de loi qui nous est soumise y contribue. Si nous constatons qu'un certain
nombre de propriétaires sont récalcitrants et que les résultats escomptés ne
sont pas obtenus, il sera temps d'envisager la taxation de ces logements.
La construction de logements locatifs sociaux se révèle de plus en plus
difficile d'un point de vue tant financier que juridique et les dispositifs
actuels n'ont pas eu l'effet escompté.
Ainsi, comme l'ont souligné M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur, le
bail à réhabilitation n'est pas suffisamment exploité. A la fin de 1993, seules
420 opérations ont été réalisées ; c'est vraiment peu. Mille logements,
avez-vous dit, monsieur le rapporteur, ont été concernés depuis l'existence de
ce bail ; c'est vraiment en deçà des espérances des gouvernements qui se sont
succédé.
Pourtant, ce mécanisme constitue l'une des « bonnes » solutions pour répondre
à nos besoins en matière de logements sociaux avec le concours des organismes
d'HLM et des communes. En tant que président d'une société anonyme d'HLM, j'ai
signé plusieurs baux à réhabilitation et même quelques baux à construction.
Mais il est vrai qu'il n'est pas facile de convaincre les propriétaires. Il
faut donc mener une campagne de sensibilisation auprès de ceux-ci pour qu'ils
s'engagent dans une opération de cette nature.
Vous avez relevé vous-même, monsieur le rapporteur, quels étaient les
obstacles : la durée du bail, les difficultés de montage sur le plan juridique,
les dispositions fiscales qui peuvent en résulter et que craint le propriétaire
en fin de parcours. Tous ces éléments ont été de nature à freiner les effets
attendus de la mise en place du bail à réhabilitation ou du bail à
construction.
Il faudrait sans aucun doute, en dehors des mesures qui vont être prises par
le biais de ce texte, mener des campagnes de sensibilisation ou d'information
auprès de l'ensemble des propriétaires et peut-être également auprès des
organismes qui semblent peu user du dispositif qui leur est offert.
D'autres dispositifs ont tenté de contribuer à réactiver le parc vacant. C'est
ainsi que le propriétaire qui a reloué son logement vacant depuis plus d'un an
peut bénéficier pendant deux ans d'une exonération de ses impôts sur ses
revenus fonciers. Par ailleurs, la faculté a été reconnue aux préfets de
réquisitionner un logement vacant depuis plus de dix-huit mois. Là encore, les
résultats sont assez mitigés. Il s'agit d'une formule coercitive qui n'enchante
bien évidemment pas les propriétaires mais qui se justifie certainement dans
des villes importantes.
Les résultats étant ce qu'ils sont, une initiative devait être prise et je me
réjouis donc du dépôt de la proposition de loi de notre collègue député Gilbert
Meyer. Elle devrait constituer une avancée notable au regard de la législation
actuelle.
Le dispositif proposé s'inspire très largement des baux à réhabilitation. Le
texte prévoit qu'une convention de location sera passée entre le bailleur privé
et l'organisme d'HLM. Ce contrat librement négocié, vous l'avez rappelé,
monsieur le rapporteur, devra préciser les missions de ce dernier, au regard
notamment du logement pris à bail, et définir les modalités de rémunération de
l'organisme d'HLM.
Le propriétaire aura plusieurs options : concernant les travaux de rénovation,
soit il en assumera la charge, soit il en confiera la réalisation à
l'organisation d'HLM locataire ; s'agissant du loyer, le propriétaire pourra
soit se conformer à la réglementation de droit commun, soit opter pour la
législation applicable aux HLM en matière de plafond de ressources. Encore
faudrait-il préciser - et sur ce point M. le secrétaire d'Etat et M. le
rapporteur ont été muets - les conditions d'éligibilité des futurs locataires à
l'APL. Cette disposition est essentielle si nous voulons que cette proposition
de loi ait les effets escomptés.
Ce sont autant de possibilités qui devraient rassurer le propriétaire privé
tant en ce qui concerne le paiement du loyer que l'entretien du bien. Comme
pour le bail à réhabilitation, le propriétaire serait assuré de récupérer son
logement à l'issue du contrat, l'organisme d'HLM ayant l'obligation de reloger
le sous-locataire.
Certes, ce dispositif introduira une plus grande souplesse. Nous pouvons donc
espérer que les retombées seront positives. Toutefois, il subsiste un certain
nombre de points sur lesquels je souhaiterais obtenir de la part de M. le
secrétaire d'Etat ou de M. le rapporteur quelques précisions
complémentaires.
Il demeure, à mon sens, pour ce qui concerne les organismes d'HLM, un certain
flou qui risque de compliquer la gestion et de soulever quelques difficultés
pratiques qu'il me paraît souhaitable de prévenir. S'il faut en effet
indéniablement inciter les propriétaires privés, il n'en est pas moins
nécessaire de définir les contours juridiques, administratifs et financiers de
ce dispositif pour les organismes d'HLM afin de les encourager à y entrer.
S'agissant des modalités financières et fiscales, le texte qui nous est soumis
n'est pas très explicite. Des dispositions d'ordre réglementaire devraient donc
venir le préciser et le compléter afin que ce dispositif « intéressant » soit
pleinement effectif.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous faire connaître vos
intentions quant aux décrets d'application ? Certes, vous nous avez dit tout à
l'heure que le loyer tiendrait compte de la durée du bail et qu'une ou deux
mesures complémentaires préciseraient les conditions dans lesquelles cette
opération pourrait se réaliser.
Accepterez-vous l'application d'une TVA minorée ? Les organismes d'HLM
pourront-ils, pour ces logements, accéder aux crédits PALULOS, prime à
l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale ?
Pourront-ils bénéficier des prêts bonifiés pour ces opérations ? Quelle en sera
la durée ? Quel sera le délai pour le relogement du locataire ? Quelle sera la
durée du bail ? Le conventionnement sera-t-il possible ?
Ce sont autant de questions que les organismes d'HLM se posent et se poseront
et sur lesquelles les propriétaires souhaitent obtenir des assurances.
J'approuve le bilan de l'ANAH dressé de manière fort exhaustive par M. le
rapporteur. Lors de l'examen des crédits consacrés au logement, j'avais déjà eu
l'occasion de relever que la taxe additionnelle au droit au bail qui alimentait
les ressources de l'ANAH n'était pas totalement réaffectée à cette agence. Je
ne puis donc que m'associer totalement aux remarques pertinentes formulées à ce
sujet par notre excellent rapporteur, M. Braun.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous réussirez à convaincre très
rapidement votre collègue de Bercy et M. le Premier ministre pour qu'un pas en
avant sensible soit franchi en faveur du logement privé au moins dans la
perspective de la loi de finances pour 1999.
Comme pour le bail à réhabilitation, les organismes d'HLM vont se trouver
confrontés à la difficulté de reloger le sous-locataire à l'issue du contrat.
Peut-être s'agit-il d'un élément susceptible de dissuader un certain nombre
d'organismes d'HLM de se lancer dans une telle opération, à l'instar de
l'expérience vécue pour les baux à réhabilitation. En effet, il n'est pas aisé
de reloger un locataire dans une petite commune rurale qui dispose d'un parc
locatif limité.
Il faudrait donc pouvoir introduire par la voie réglementaire une plus grande
souplesse pour donner un délai à l'organisme HLM afin de lui permettre de
reloger le sous-locataire qui occupait un logement privé. J'ai conscience que
certains candidats propriétaires pourraient manifester quelques réticences mais
à, mon avis, dans la mesure où les délais resteraient raisonnables, l'organisme
d'HLM et le propriétaire devraient pouvoir accepter une telle pratique.
A cet égard, il conviendrait donc de poursuivre la démarche entreprise par le
biais de cette proposition de loi en instituant, à la fin du bail, un système
plus souple, tel que le mandat de gestion au profit des organismes d'HLM. Si
cette formule était mise en oeuvre, il serait possible de pérenniser l'ensemble
du dispositif à l'issue du bail.
Cette proposition de loi devra également prendre en compte la mixité sociale.
Il faudra veiller à une meilleure mixité sociale non seulement dans les villes,
mais aussi sur l'ensemble du territoire, c'est-à-dire à une mixité géographique
entre espaces urbains et ruraux, afin de mettre un terme à la concentration des
habitants aux ressources modestes dans des quartiers qui, à terme, vont se
dégrader et poser tous les problèmes que nous connaissons aujourd'hui en
matière de sécurité et d'intégration des habitants dans les quartiers et dans
les villes.
Si nous pouvons développer cette formule du parc social en milieu rural en
nous appuyant sur le parc privé, je suis persuadé que nous répondrons à un
objectif essentiel de la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire.
Ce texte devrait donc avoir le mérite de remettre en vie nombre de logements
abandonnés et de satisfaire de nombreuses demandes de logement en instance tout
en évitant au parc public d'HLM de croître sans cesse et de faire toujours
appel à la collectivité publique. Toutefois, pour que son succès soit certain
et que nous n'ayons pas dans deux ans à en tirer les mêmes conclusions que pour
le bail à réhabilitation, il me semble impérieux qu'un certain nombre de
mesures complémentaires suivent, dispositions que nous pourrions d'ailleurs
tout à fait intégrer dans un projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre social, si vous le jugez nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, le
moment venu. Si ce texte est accompagné d'un arsenal réglementaire complet et
qui répond à l'attente des organismes d'HLM et des propriétaires, nul doute
qu'il répondra aux objectifs que l'on cherche à atteindre.
Compte tenu de ces remarques, j'associerai sans aucune difficulté mon vote à
celui de mes collègues pour approuver la proposition de loi telle qu'elle nous
a été présentée par M. le rapporteur.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si
nous examinons aujourd'hui une proposition de loi permettant aux organismes
d'HLM d'intervenir sur le parc locatif privé en prenant à bail des logements
vacants pour les donner en sous-location, c'est parce que nous assistons, pour
l'instant impuissants, à une situation véritablement paradoxale.
D'un côté, on constate un manque cruel de logements, ou plutôt une offre de
logements inadaptée aux besoins de la population : une pénurie de logements en
zone urbaine et des logements dont les loyers sont trop élevés par rapport aux
ressources d'une partie de la population. Il en résulte que plus d'un million
et demi de personnes sont mal logées et que plus de 200 000 personnes sont sans
logement. De l'autre, on constate que deux millions de logements sont vacants,
dont environ 20 % pourraient être assez rapidement remis dans le circuit
locatif, selon le rapport du Haut comité pour le logement des personnes
défavorisées.
Devant la persistance d'un tel déséquilibre, socialement et moralement
insupportable, les pouvoirs publics se devaient, à l'évidence, d'intervenir.
Tel a d'ailleurs été le principal objet de la loi du 31 mai 1990, visant à la
mise en oeuvre du droit au logement, dont vous avez été l'heureux initiateur,
monsieur le secrétaire d'Etat. Dans cette loi a été institué le bail à
réhabilitation. Ce dispositif, comme la proposition de loi que nous examinons
aujourd'hui, vise à inciter les propriétaires privés à mettre en location des
logements vacants en confiant la gestion, les travaux d'amélioration et
l'entretien à une personne morale : organisme d'HLM, SEM, collectivité
territoriale, organisme spécialisé dans le logement des personnes défavorisées.
Le bail est conclu pour une durée de douze ans.
Par ailleurs, depuis 1994, pour rendre le système un peu plus attractif, les
communes peuvent exonérer de la part de la taxe foncière qui leur revient les
logements faisant l'objet d'un bail à réhabilitation.
Malheureusement, cette disposition n'a pas donné les résultats escomptés, même
si le nombre de baux ne cesse de croître.
L'esprit du dispositif qui nous est proposé dans la présente proposition de
loi est assez proche de celui du bail à réhabilitation : le preneur est une
personne morale, en l'espèce les seuls organismes d'HLM ; la prise à bail ne
vise que les logements de personnes physiques, vacants depuis deux ans.
Toutefois, et c'est une différence importante avec le bail à réhabilitation,
aucune durée de location n'est fixée par la loi. Les conditions de la prise à
bail sont fixées par voie contractuelle ; il est simplement précisé que les
logements sont attribués selon les règles en vigueur pour les HLM et que la
grille des loyers est déterminée par l'autorité administrative. A ce propos, le
Gouvernement peut-il nous indiquer quelle sera la grille de référence, à savoir
celle des HLM ou celle des logements conventionnés par l'ANAH ?
Enfin, je souhaite souligner un dernier point. A l'origine, la proposition de
loi prévoyait de solliciter l'accord du maire de la commune concernée avant
toute prise de bail. Sur l'initiative des députés socialistes, il a été précisé
que l'accord des maires ne sera requis que dans les communes dont le parc
public social représente au moins 20 % du parc total des logements - seuil
retenu pour la dotation de solidarité urbaine. Cet amendement me paraît capital
pour éviter que des maires peu soucieux de mixité sociale ne puissent s'opposer
à la prise à bail. La commission des affaires économiques a retenu cette
rédaction et je m'en félicite.
Ce nouveau dispositif permettra-t-il non seulement de pallier les
insuffisances du bail à réhabilitation, mais aussi de mobiliser le parc privé
vacant ? Permettez-moi d'en douter.
Je vois à cela plusieurs raisons.
La première réside dans une question de méthode. Je m'étonne que l'on mette en
place un dispositif proche d'un autre dispositif dont tout le monde s'accorde à
dire qu'il n'a pas très bien fonctionné. N'aurait-il pas fallu avant toute
chose examiner les raisons de cet échec ? Sur ce point, pouvez-vous, monsieur
le secrétaire d'Etat, nous indiquer l'état de vos réflexions ? Envisagez-vous
de modifier le régime fiscal des baux à réhabilitation - revenus fonciers, taxe
de publicité foncière et droits de mutation - pour les rendre plus attractifs
?
La deuxième raison est la suivante : l'un des principaux acteurs du système,
les organismes d'HLM, ne sont pas demandeurs. En effet, on a du mal à voir quel
est leur intérêt dans cette affaire, puisqu'ils ont à supporter tous les
inconvénients du système : prise en charge des impayés et de leurs conséquences
malheureuses que sont les expulsions, ou encore obligation de faire une offre
de relogement au sous-occupant dans leur parc à l'issu du contrat de bail,
quand bien même le taux de vacance de ce parc est nul...
L'auteur de la proposition de loi met alors en avant le savoir-faire des
organismes d'HLM en matière de gestion locative. Soit. Mais que devient ce
savoir-faire dès lors qu'il s'agit de gérer non pas des ensembles collectifs
mais des copropriétés ? Par ailleurs, cette procédure risque d'entraîner pour
ceux-ci des frais supplémentaires. Or on connaît les difficultés de trésorerie
qu'ils rencontrent.
Les organismes d'HLM auraient préféré le mécanisme du mandat de gestion. Mais
ce serait alors les transformer en administrateurs de biens. Ce n'est sans
doute pas là leur vocation.
Troisième raison : les organismes d'HLM ne sont peut-être pas ceux qui sont le
plus à même de gérer ce type d'opérations.
Je considère que c'est une bonne chose, dans le souci de permettre le logement
des personnes défavorisées et de mieux mobiliser le parc vacant, d'encourager
ce qu'on appelle la gestion locative intermédiée. La location de logements par
des associations en vue de leur sous-location à des familles en difficulté et
la gestion par des agences immobilières à vocation sociale se sont développées
au cours des dernières années. C'est bien souvent un moyen judicieux pour
vaincre les réticences des propriétaires. On remarque, par exemple, que, parmi
les preneurs de baux à réhabilitation, 93 % sont des associations. Cette
mission d'intermédiation a malheureusement un coût élevé, en raison du public
auquel elle s'adresse. Là encore, monsieur le secrétaire d'Etat, allez-vous,
dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, faire
des propositions pour favoriser ce genre d'initiative ?
Dernière raison : l'autre acteur du dispositif, le propriétaire du logement,
n'a, lui non plus, guère d'intérêt à un tel système. Certes, il est déchargé de
soucis importants : les impayés et la réalisation des travaux, ce qui est un
élément non négligeable pour les personnes âgées. Néanmoins, la charge
financière des travaux incombe au propriétaire. Il est vrai que les logements
étant conventionnés, celui-ci pourra avoir recours aux subventions de l'ANAH.
Cependant, malgré la hausse des crédits budgétaires dans la loi de finances
pour 1998, la ressource n'est guère extensible, d'autant que ce type
d'opérations coûte cher et que les crédits de l'ANAH vont subventionner des
réhabilitations plus en zone rurale qu'en zone urbaine, là où le marché n'est
pas tendu.
Pour toutes ces raisons, nous doutons que ce nouveau dispositif ait un effet
important sur la baisse du nombre de logements vacants. Je souhaite de tout
coeur me tromper, compte tenu des enjeux, mais j'ai bien peur que cela ne se
révèle décevant. Cependant, il ne serait pas raisonnable de ne pas tout essayer
pour résoudre le paradoxe actuel. Aussi, tout en étant conscient des lacunes,
nous ne nous opposerons pas à cette proposition de loi.
M. Gérard Braun,
rapporteur.
Très bien !
M. Bernard Piras.
Cependant, nous souhaitons que le problème de la vacance des logements dans le
parc locatif privé soit abordé de manière approfondie et exhaustive dans les
projets de loi en cours de préparation : celui qui est relatif à la lutte
contre les exclusions et celui qui concerne le statut du bailleur privé.
Les sénateurs du groupe socialiste font, depuis plusieurs années, des
propositions pour lutter contre la vacance des logements, je pense à un
amendement que nous défendons régulièrement et qui vise à réduire de 50 % à 20
% la déduction du montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour
les logements vacants depuis plus de deux ans. J'espère que vous ferez vôtre
cette idée, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Alain Vasselle.
Non !
M. Bernard Piras.
J'espère, enfin, que vous explorerez toutes les voies possibles pour donner à
tous un logement décent.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi
que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Vasselle.
Sur ce point, nous sommes d'accord, mais pas sur la taxation.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
cette proposition de loi fait la preuve de l'excellent travail issu de
l'initiative parlementaire. Je tiens d'ailleurs à féliciter mon éminent
collègue Gérard Braun de la clarté et de la pertinence de son rapport.
M. Alain Vasselle.
Comme toujours !
M. Dominique Braye.
Ce texte permet d'atteindre l'objectif visé en proposant une solution, parmi
beaucoup d'autres naturellement, au problème crucial du logement dans notre
pays. Mais je souhaiterais surtout insister sur la politique de réhabilitation
des logements anciens, qui est, selon moi, une solution d'avenir, dans un
contexte budgétaire resserré.
Il est évident qu'il faut trouver un remède au douloureux problème de
l'insuffisance des logements dans notre pays, surtout de logements adaptés à
l'extrême diversité des situations sociales. Alors que, comme l'a rappelé M. le
rapporteur, près de deux millions de personnes sont mal logées ou sont sans
logement, il est impératif de se mobiliser pour que tous les logements vacants
- nombreux, on le sait - soient mis en état d'accueillir des locataires. C'est
un service à rendre à des personnes en attente de logement, mais aussi à de
nombreux petits propriétaires.
Cette proposition de loi répond parfaitement à cet objectif par la mise en
place d'une procédure souple, et plus équilibrée que le bail à réhabilitation
qui, comme tous les orateurs l'ont rappelé, a montré ses limites. C'est donc un
dispositif qui devrait profiter aussi bien aux propriétaires qu'aux locataires
et aux offices d'HLM.
J'observe que ce texte marque une reconnaissance officielle du savoir-faire et
de la compétence des offices d'HLM dans la gestion d'un parc locatif à la fois
très important et essentiel à notre société.
M. Alain Vasselle.
Et des sociétés anonymes !
M. Dominique Braye.
Les offices d'HLM en général, et les sociétés anonymes d'HLM en particulier,
si vous voulez, mon cher collègue.
Ce parc est en effet un élément clé de notre politique sociale. L'utilité
sociale des mesures prévues par ce texte est indéniable, et nous pouvons tous
nous en féliciter.
Le système qui nous est proposé a l'avantage de concilier les intérêts souvent
divergents des propriétaires privés et des locataires, qui peuvent parfois
rencontrer des difficultés à se loger hors du parc HLM public. Il garantit, en
effet, une sécurité financière et juridique aux propriétaires, sécurité qui est
devenue aujourd'hui un critère déterminant dans la conclusion des baux.
Il est évident qu'une telle incitation systématisée sur l'ensemble du parc
locatif ancien et vacant aura des incidences extrêmement positives sur le
bâtiment, secteur de notre économie riche en main-d'oeuvre. Cela aura donc des
retombées positives, d'une part, sur les chiffres du chômage dans un secteur
d'activité particulièrement sinistré et, d'autre part, sur la qualité globale
du parc locatif ancien.
Si ce texte est en mesure d'apporter une solution à l'un des aspects de la
vacance des logements, il n'en demeure pas moins qu'il met en lumière une
perspective essentielle de la politique du logement comme de la politique de la
ville : la réhabilitation du parc ancien, pour laquelle l'Agence nationale pour
l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, est un outil essentiel et
irremplaçable.
La réhabilitation des logements anciens est une idée d'avenir, car elle est
une alternative économique à la construction de logements neufs. Elle permet,
notamment, d'élargir la gamme de l'offre à tous les niveaux de revenus.
Mais la principale raison de la vacance, après la crainte des loyers impayés,
est la non-conformité des logements aux normes de salubrité et de confort, que
les petits propriétaires ne peuvent résoudre seuls.
Je m'arrêterai ici un instant sur un exemple que je connais particulièrement
bien et qui illustre la place indispensable de l'ANAH.
Dans le cadre du projet « Mantes en Yvelines », programme d'investissement et
de redynamisation urbaine sans précédent, que vous connaissez, monsieur le
secrétaire d'Etat, puisque vous vous êtes récemment déplacé dans notre Mantois
afin de signer le CDU, le contrat de développement urbain, nous avons mis en
place un programme coordonné d'intervention sur le logement. Mis en oeuvre pour
trois ans depuis le 1er janvier 1997, il a déjà atteint le tiers de ses
objectifs au bout d'un an, à savoir quatre cents logements, soixante enseignes
et quarante vitrines rénovées en centre-ville.
Or il faut savoir que, sur les 55 millions de francs du budget total de ce
programme, 40 millions de francs sont pris en charge par l'Etat par le biais de
l'ANAH et de la prime à l'amélioration de l'habitat, la PAH. L'apport de l'ANAH
a donc été décisif dans le lancement de cette opération, dont le résultat sera
la réhabilitation du centre de Mantes-la-Jolie, qui était progressivement
déserté en raison de la vétusté de la plupart des logements, lesquels étaient
le plus souvent récupérés par des marchands de sommeil.
La redynamisation du centre-ville, qui est au coeur de notre politique, répond
en outre à deux objectifs ambitieux, qui sont la restauration d'une véritable
mixité sociale dans l'habitat et la relance du secteur du bâtiment dans le
Mantois.
On le voit, l'ANAH est un instrument formidable. En 1996, elle a permis, comme
le rappelait M. le rapporteur, de remettre sur le marché 38 500 logements
vacants en France. La remise en état de ces logements a mobilisé les quatre
cinquièmes de son budget, soit 1,9 milliard de francs. Malheureusement, son
budget total, qui s'élève à 2,2 milliards de francs, est notoirement
insuffisant.
Je voudrais soulever ici un point préoccupant. Le budget de l'ANAH devait
initialement être abondé à la même hauteur que les sommes perçues au titre de
la taxe additionnelle au droit de bail, la TADB. L'Etat s'y était en effet
engagé lors de l'institution de cette taxe. Or, depuis 1992, l'assiette de
cette dernière a été élargie et son revenu a augmenté de 43 % en cinq ans pour
atteindre 3,358 milliards de francs en 1996, alors que, dans le même temps, le
budget de l'ANAH n'a augmenté que de 10 %.
La TADB, destinée à l'amélioration de l'habitat, ne saurait être consacrée à
d'autres objectifs. Et, sans aller jusqu'à parler de « hold-up », je m'étonne
qu'un tiers de la somme qui devait être allouée à l'ANAH, soit plus d'un
milliard de francs, soit affecté au budget général de l'Etat. Cela va à
l'encontre de la politique d'amélioration de l'habitat, qui fait pourtant, je
crois, l'objet d'un vaste consensus.
Les moyens de l'ANAH doivent non seulement être préservés, mais même augmentés
pour atteindre cet objectif. Nous attendons par conséquent un engagement ferme
de l'Etat en faveur d'une augmentation soutenue du budget de l'ANAH. Consacrer
nos efforts à l'amélioration de l'habitat, c'est contribuer à remédier aux deux
problèmes centraux de notre société que sont le chômage et le logement. Cela
mérite, mes chers collègues, toute notre attention et, de votre part, monsieur
le secrétaire d'Etat, une totale détermination.
Cette proposition de loi allant dans ce sens, je la voterai avec plaisir.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
situation du logement dans notre pays demeure, pour de nombreuses familles, un
droit à conquérir.
En effet, les conséquences de la législation issue de la loi Méhaignerie et la
détérioration des conditions de vie d'un grand nombre de nos compatriotes sont
tellement prégnantes que l'on ne peut manquer de souligner que cette
proposition de loi témoigne de la gravité des problèmes posés.
L'un des objectifs de la réforme de 1986 était de développer l'offre foncière
et de permettre, par la voie d'un libéralisme harmonieux dans les relations
locatives, à chacun de nos compatriotes de disposer du logement de ses
rêves.
Le constat est aujourd'hui amer ! Un grand nombre de logements du parc privé
ont en effet quitté le champ de l'accessible pour de nombreux ménages, et leurs
loyers ont pris l'ascenseur, faute d'installation de ce dernier dans les
parties communes des immeubles mis en location.
La pression s'est donc retournée vers les organismes d'HLM, eux-mêmes
confrontés à des difficultés majeures de financement de leur politique de
construction neuve et de réhabilitation de logements.
En ces matières, on ne peut d'ailleurs que souligner à nouveau la nécessité
d'un maintien à un niveau acceptable de l'aide publique directe à la
construction et à la réhabilitation de logements sous forme de subvention PLA
et PALULOS.
La présente proposition de loi apparaît en fait comme une solution parmi
d'autres aux difficultés de logement qui perdurent dans de très nombreuses
villes.
Il nous faut apprécier la présente proposition de loi comme un outil de
gestion de la demande de logement dans de nombreuses collectivités locales où
se posent, par exemple, des problèmes de relogement liés à des opérations de
maîtrises d'oeuvre urbaine et sociale particulièrement importantes et
structurantes.
On peut d'ailleurs considérer que la possibilité ouverte par la proposition de
loi peut constituer une réponse face à certaines demandes de logement émanant
de locataires qui souhaitent quitter certains de nos grands ensembles d'habitat
social pour d'autres types de résidence.
Nous ajouterions donc ainsi un élément de plus à la panoplie, certes déjà
importante, des outils de régulation de la demande et d'intervention publique
en matière de logement, qui passe par la réhabilitation des anciens hôtels
meublés ou par l'exercice du droit de réquisition.
On peut d'ailleurs faire de cette proposition de loi un palliatif à l'exercice
de ce droit de réquisition, une sorte de contrat plus harmonieux que la
situation naturellement conflictuelle issue de ce droit.
Pour autant, la présente proposition de loi doit conserver certaines
précautions qui sont loin d'être inutiles.
Tout d'abord, même si cela est dit dans le texte même, la qualité des
logements soumis à la passation d'un contrat de location doit être réelle et
répondre aux exigences d'aujourd'hui.
En cette matière, force est de constater que l'inoccupation d'une partie du
parc privé est aujourd'hui un facteur de dégradation de ce dernier, en grande
partie de par la négligence des propriétaires, même si certains ont pour excuse
de ne pas disposer de ressources suffisantes.
M. Dominique Braye.
Comment, « pour excuse » ?
M. Robert Pagès.
La question de la fixation du montant du loyer est également importante. Nous
pensons, en particulier, que le loyer ne doit et ne peut dépasser les plafonds
en vigueur en matière de prêts locatifs aidés, voire être limité à un
pourcentage significatif de ces plafonds.
Les futurs sous-locataires ayant en effet les mêmes caractéristiques que les
locataires du secteur social, il ne serait pas juste, de notre point de vue, de
créer une forme de discrimination peu justifiée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous saurions gré de nous éclairer sur ce
point précis. Vous avez abordé le problème tout à l'heure ; je souhaiterais que
vous nous l'exposiez de façon plus détaillée.
La question des éventuels travaux de remise en état des logements reloués se
pose également.
Il importe ici de savoir si un financement est prévu pour faciliter ces
opérations et si, par exemple, les travaux accomplis par les organismes
bailleurs sociaux seront subventionnables ou susceptibles d'être expressément
décomptés du montant du loyer dû au propriétaire en titre.
En tout état de cause, et compte tenu du fait que la gravité de la situation
du logement dans notre pays impose de faire preuve de quelque peu d'imagination
et de trouver des solutions diversifiées, nous ne pouvons qu'approuver les
principes de cette proposition de loi.
Pour autant, et ce indépendamment des réponses qui seront fournies à nos
interrogations sur sa mise en oeuvre, cette proposition de loi souligne à quel
point le dispositif existant en matière de contrats de location et de relations
locatives nécessite aujourd'hui une réforme en profondeur, comme d'ailleurs
l'ensemble des règles de financement du logement dans notre pays ainsi que des
conditions de son développement et de sa pérennité.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'objectif de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est
d'arriver à mobiliser le parc de logements privés disponibles mais inutilisés
en donnant la possibilité à certains organismes d'habitation à loyer modéré de
les prendre à bail pour les mettre en sous-location auprès des personnes
physiques.
La vacance, dont les raisons sont multiples, est en matière de logement l'un
des problèmes constants auxquels la France est confrontée depuis de nombreuses
années.
Sans vouloir dresser un panorama complet d'une situation bien connue de tous,
rappelons pour mémoire que la part du parc vacant dans le parc total a plus que
triplé de volume depuis 1954.
Pourtant, plusieurs mesures fiscales ont été prises afin d'inciter les
propriétaires à remettre en location leurs logements vacants ; je citerai
notamment à cet égard la loi du 31 mai 1990 instituant le bail de
réhabilitation - vous la connaissez bien, monsieur le secrétaire d'Etat - et
celle du 21 juillet 1994, permettant aux communes d'exonérer de leur part de
taxe foncière les logements faisant l'objet d'un bail de réhabilitation.
Force est de constater que ces formules n'ont connu qu'un succès très mitigé -
vous l'avez d'ailleurs souligné, monsieur le secrétaire d'Etat - et que le
règlement de ce problème nécessite de nouvelles initiatives.
Le dispositif que nous examinons aujourd'hui tend à la mise en place d'un
nouvel outil de mobilisation du parc des logements habituellement vacants en
tirant parti d'un savoir-faire existant qui est celui des organismes d'HLM,
sans que ce recours déséquilibre le marché existant : le texte qui nous est
proposé institue un mécanisme souple qui respecte à la fois l'initiative privée
et le pouvoir des élus locaux.
Si, dans son esprit, le nouveau dispositif est proche du bail à
réhabilitation, la procédure, pour sa part, est sensiblement améliorée et
allégée, puisqu'il n'y a pas de durée de détention et que les conditions du
contrat sont renvoyées à la libre négociation entre les parties. Cette
souplesse offre un gage de réussite certain puisqu'elle permet une réelle
adaptabilité aux réalités du terrain.
Par ailleurs, en prévoyant que seuls les logements vacants depuis plus de deux
ans entrent dans le nouveau cadre législatif, le texte respecte l'équilibre
entre l'initiative privée et l'initiative publique, évitant que le recours aux
organismes d'HLM n'en fasse des concurrents déloyaux des administrateurs de
biens. Elle respecte également la liberté de décision des bailleurs en leur
offrant un simple choix sans contrainte.
Enfin, le dispositif proposé respecte le pouvoir des maires en matière de
logement social, notamment le pouvoir d'appréciation de la mixité sociale,
puisque l'accord formel du maire est obligatoire pour les communes comptant au
moins 20 % de logements locatifs sociaux au 1er janvier de la pénultième année.
Il s'agit là d'une mesure de bon sens de nature à éviter que les villes déjà
largement pourvues en logements sociaux ne voient leur situation s'aggraver.
Pour les autres communes dans lesquelles l'autorisation formelle des maires
n'est pas requise, il apparaît néanmoins évident que l'organisme d'HLM devra,
avant d'arrêter toute disposition, en informer le maire afin de préserver sa
relation privilégiée avec les élus locaux.
L'intérêt pour l'organisme d'HLM est bien évidemment de pouvoir proposer de
nouveaux logements sans devoir les acquérir : ainsi, il se contentera de les
gérer sans avoir à modifier sa stratégie d'acquisition patrimoniale.
Pour le propriétaire privé, l'intérêt de cette sous-location réside dans la
garantie qu'apporte l'organisme d'HLM. En effet, ce dernier devient le bailleur
garant du locataire face au propriétaire privé. L'organisme prend donc en
charge les loyers impayés, les dégradations et devient responsable du
comportement de la famille ainsi logée. De plus, l'organisme d'HLM pourra
intervenir en qualité de mandataire du propriétaire pour réaliser les travaux
de remise aux normes du logement. Ces dispositions sont certes de nature à
inciter le propriétaire privé. Mais seront-elles suffisantes ?
L'intérêt, enfin, est grand pour le particulier qui se verra offrir en
sous-location un logement avec des garanties, des règles d'accès et
d'attribution identiques à celles qui sont prévues pour le parc locatif social
par le code de la constrution et de l'habitation.
Le problème est de savoir si le propriétaire privé va se laisser séduire par
cette offre ; en effet, les organismes d'HLM ont vocation non seulement par
nature, mais également en raison de la conjoncture à loger des familles
présentant socialement des handicaps de plus en plus lourds : faiblesse des
ressources financières et, parfois, comportements hors norme.
La faisabilité financière du projet suppose que le loyer fixé puisse couvrir à
la fois le loyer à acquitter au propriétaire et les frais de gestion de
l'organisme, tels les frais généraux, les frais d'impayés et les frais
d'entretien. Cela signifie que le loyer perçu par le propriétaire privé devra,
dans la plupart des cas, être inférieur au loyer plafond fixé par l'autorité
administrative. Cette difficulté, non négligeable, laisse entrevoir les limites
du système.
La dernière difficulté réside dans le fait que les logements vacants sont
souvent petits, anciens, inconfortables, et qu'ils nécessitent donc, dans la
majorité des cas, des travaux importants de remise en état. Or, compte tenu du
fait que les loyers que peuvent escompter les propriétaires seront plutôt
faibles, il est à craindre que ces derniers ne renâclent à entreprendre des
travaux importants. Même si les aides à la réhabilitation de l'ANAH leur sont
ouvertes dans les conditions prévues par la réglementation actuelle, l'obstacle
financier risque de bloquer la remise sur le marché de nombreux logements
vacants.
En conclusion, il est souhaitable et possible d'arriver à une plus grande
mobilisation du parc locatif privé. Recourir au savoir-faire des organismes
d'HLM est justifié, dans la mesure où l'initiative privée s'avère défaillante
et où l'intérêt général et social le commande.
Comme beaucoup de mes collègues, je pense que la multiplication des
initiatives devrait nous permettre de résoudre, partiellement en tout cas, ce
problème de vacance. C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants
votera cette proposition de loi, qui est de nature à répondre à certaines
situations locales critiques.
La réussite de ce texte dépendra aussi, d'une part, de l'importance des
garanties données au propriétaire privé pour l'inciter à laisser gérer son
logement par les organismes d'HLM, en dépit de la « perte » ou de la
moins-value financière qui en résultera sur le plan locatif et, d'autre part,
du sérieux du suivi des sous-locataires assuré par les HLM.
Je crains néanmoins que ce palliatif législatif ne soit insuffisant pour
répondre au problème posé. Tout d'abord, il n'entre pas dans la vocation des
organismes d'HLM de se transformer en gérants du parc locatif privé ; ensuite,
cette disposition ne doit pas conduire à remettre en cause l'importance de la
construction sociale ; enfin, il est nécessaire de multiplier les dispositions
pour élargir le parc locatif, et cette discussion me donne l'occasion de
rappeler combien il nous semble indispensable, monsieur le secrétaire d'Etat,
de mettre en place sans tarder le statut du bailleur privé que vous nous
annoncez.
Ne nous faisons cependant pas trop d'illusions. Des mesures techniques, même
intelligentes, comme celles que contient la proposition de loi qui est soumise
à notre examen, mes chers collègues, ne suffiront pas à ramener les
investisseurs privés sur le marché locatif.
Je crains que leur désenchantement ne soit irrémédiable, et les causes en sont
bien connues. Elles ne tiennent pas uniquement, loin s'en faut, au ministère
concerné, mais surtout aux évolutions ondoyantes des politiques fiscales de
l'Etat, qui privent de visibilité ce type d'investissement en modifiant, et ce
d'une année sur l'autre quelquefois, la donne fiscale.
Comment espérer, dans ces conditions, faire revenir sur ce marché le grand
nombre de propriétaires, pour la plupart des petits propriétaires, qui avaient
vu dans ce type de placement l'espoir d'un complément de retraite ou de
constitution d'un capital pour leurs enfants ou leurs petits-enfants ? Il leur
est bien plus facile, plus rémunérateur et moins risqué de souscrire à un fonds
financier !
Si l'on ajoute à cette incertitude fiscale, qui est toujours allée dans le
sens d'une aggravation des charges, les difficultés rencontrées en cas
d'impayés de loyers, les années et les coûts nécessaires pour obtenir
réparation - j'allais dire justice - il faudra aussi de très longues années et
un changement radical de politique inscrit et engagé dans la durée pour que ce
secteur, qui fut très important pour notre vie économique, remplisse à nouveau
le rôle qui fut le sien et dont nous connaissons l'importance pour l'activité
du bâtiment et le maintien de l'emploi dans ce secteur.
M. Emmanuel Hamel.
Analyse très juste ! Monsieur le secrétaire d'Etat, méditez ce qui vient
d'être dit !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Je crois, mon cher collègue, que M. le secrétaire d'Etat connaît parfaitement
cette question !
Il dépend encore un peu de nous, mes chers collègues, qu'il en soit ainsi un
jour et que nos désillusions successives ne nous conduisent pas à baisser les
bras mais que, au contraire, elles nous encouragent à nous battre pour le
retour à une politique d'initiative, de liberté et de bon sens.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'absence de logement est l'une des formes d'exclusion les plus destructrices
pour l'individu qui, privé d'un espace protecteur, est menacé dans son
intégrité physique et morale, dans sa santé comme dans ses capacités
relationnelles.
Ce constat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, est
d'évidence. Si l'énoncé peut paraître banal, la réalité n'en est pas moins
dramatique. La vacance de logements, dans une société qui compte près de 200
000 ménages dépourvus de logement, apparaît à beaucoup comme un phénomène
scandaleux et d'aucuns, face à ce phénomène, formalisent des équations simples
telles que celle-ci : on répond aux besoins de 200 000 ménages en rendant
rapidement disponibles 200 000 logements vacants sur les quelque 2 000 000 qui
sont recensés. Mathématiquement, c'est facile ; la réalité est plus nuancée et
la solution n'est pas si simple. A preuve, si les mesures jusque-là proposées -
parmi lesquelles la loi de 1990, que vous connaissez bien, monsieur le
secrétaire d'Etat - ont quelque peu facilité les choses, elles n'ont cependant
pu résoudre la crise que connaît le logement social, qui reste confronté à de
graves difficultés pour accueillir tous ceux qui demandent à se loger dans des
conditions compatibles avec la dignité à laquelle chacun doit pouvoir
prétendre.
Plus précisément, l'examen des mesures qui existent afin d'inciter les
propriétaires bailleurs à remettre leur logement sur le marché - et ces mesures
sont assez nombreuses ! - montre l'effort qui a été entrepris depuis des
années.
Les incitations fiscales spécifiquement liées à la vacance ont bien pour
objectif de redynamiser le marché locatif. Par ailleurs, le rôle joué par
l'ANAH - agence à propos de laquelle je partage tout à fait les réflexions
formulées par notre excellent rapporteur et par notre collègue Alain Vasselle -
est important, je puis en témoigner sur le terrain, dans la mesure où elle
accorde des subventions pour les travaux de mise aux normes de confort. Ce
dispositif a été renforcé par les diverses primes qui, depuis 1995 notamment,
viennent en complément des subventions.
Les besoins n'en restent pas moins très importants, d'ou l'opportunité, à mes
yeux, du texte que nous examinons aujourd'hui.
Son adoption doit permettre aux organismes d'HLM d'intervenir sur le parc
locatif privé en prenant à bail des logements vacants pour les donner en
sous-location.
Il y a tout lieu de se féliciter de l'économie générale de ce texte, qui est
susceptible de résoudre deux difficultés : d'une part, celle qui tient au fait
que certains propriétaires ne souhaitent pas investir pour rénover des
logements ne répondant plus aux normes ; d'autre part, celle qui provient des
propriétaires qui renoncent à assumer la gestion locative et qui craignent les
risques locatifs.
Je ne reviendrai pas sur les divers éléments de la proposition de loi, qui ont
été longuement développés par les différents intervenants. Je me contenterai de
souligner qu'à mes yeux il s'agit d'un texte équilibré, d'un texte suffisamment
souple et d'un texte sage, les mécanismes prévus étant limités aux logements
appartenant à des personnes physiques et la vacance étant constatée après deux
ans.
Comment ne pas souligner au passage l'importance de ce texte pour l'artisanat
? Je suis président d'une association de restauration immobilière et
protection, amélioration, conservation, transformation de l'habitat existant,
ou PACT-ARIM. Je me plais à souligner que ces associations, au sujet desquelles
je vous ai posé une question orale sans débat mardi dernier, monsieur le
secrétaire d'Etat, ont une expérience en la matière.
Cela étant, si le président de la fédération des PACT-ARIM considère la
présente proposition justifiée, il y voit cependant un double inconvénient :
premièrement, la concurrence pour ce qui est de l'intervention dans le parc
privé ; deuxièmement, la multiplication des systèmes et des modes d'action dans
un secteur déjà complexe.
Je peux comprendre ces remarques, même si je ne suis pas leur auteur en ce qui
concerne la réserve exprimée en conclusion d'un rapport dont vous avez
peut-être eu connaissance.
J'espère que, tout bien arbitré, les bénéficiaires - d'abord les locataires,
mais aussi les propriétaires - y trouveront heureusement et harmonieusement
leur compte.
En conclusion, je formulerai un souhait - qui a déjà été exprimé par notre
excellent rapporteur - celui que le système mis en place permette aux
organismes d'HLM de s'effacer à terme, en tout cas le plus tôt possible, devant
les propriétaires.
Bref, tout bien considéré, le groupe du RDSE est favorable à l'adoption du
texte en discussion, même s'il ne constitue pas la panacée, même s'il n'apporte
pas une solution d'ensemble à un problème que nous retrouverons - vous l'avez
dit, monsieur le secrétaire d'Etat - lors de l'examen du projet de loi relatif
à l'exclusion, en particulier pour ce qui est du statut du bailleur privé. Mais
quel texte, au demeurant, apporterait une solution d'ensemble ? Il faut bien
avouer, mes chers collègues, que le souhait est facile à exprimer, mais les
mesures plus difficiles à prendre.
En tout cas, aux yeux de l'élu rural que je suis,...
M. Emmanuel Hamel.
Ce sont les meilleurs yeux !
(Sourires.)
M. Georges Mouly.
... un instrument appréciable est mis en place avec la présente proposition de
loi, dont la mise en oeuvre et le succès supposeront cependant une large
information.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je souhaite m'exprimer par courtoisie à l'égard de
tous les intervenants, plusieurs d'entre eux ayant ajouté à leur adhésion
unanime aux conclusions de la commission des questions ou des observations qui
méritent, me semble-t-il, un écho.
Selon certains d'entre vous, un équilibre est souhaitable dans les efforts
faits par la collectivité publique en direction des diverses composantes du
parc immobilier.
Permettez-moi, à cet égard, de rappeler les grandes masses en cause. Le parc
privé reçoit la ligne budgétaire PAH, « prime à l'amélioration de l'habitat »,
pour les propriétaires occupants dont les ressources sont modestes, pour un
montant de 800 millions de francs. Le budget de l'ANAH, qui provient
effectivement de la taxe additionnelle au droit au bail, est cette année de 2
200 millions de francs. Par conséquent, ANAH plus PAH, cela fait 3 milliards de
francs.
A cela s'ajoutent les mesures fiscales des lois de finances successives en
termes d'abattements sur le revenu - quant il y a impôt sur le revenu - ou le
remboursement de 15 % des factures acquittées à défaut d'un taux de TVA réduit,
ce qui répond à un souhait des artisans. Les deux mesures additionnées, celle
qui préexistait et celle qui s'ajoute pour l'exercice 1998, représentent un
coût annuel de 5 milliards de francs à 5,2 milliards de francs.
Globalement, donc, l'effort de la collectivité publique pour le parc privé est
de 8 milliards de francs.
L'an dernier, il était effectivement inférieur, puisqu'il était de 6,6
milliards de francs. Ainsi, avec 400 millions de francs de plus pour l'ANAH et
la PAH et 1 milliard de francs de plus pour les mesures fiscales relatives au
remboursement de 15 % des factures acquittées ou pour les dégrèvements d'impôt
sur le revenu, voire les mesures de restitution pour les personnes non
imposables à l'impôt sur le revenu - mesure totalement nouvelle puisque, vous
le savez, les mesures fiscales ne pouvaient jusqu'à présent s'appliquer à ceux
qui n'étaient pas assujettis à l'impôt sur le revenu - nous sommes passés, avec
la loi de finances pour 1998, de 6,6 milliards de francs à 8 milliards de
francs pour le parc privé.
Dans le même temps, il y a eu une augmentation, elle aussi significative, de
l'effort pour le parc social. Celui-ci bénéficiait de 1,6 milliard de francs de
subventions PALULOS. Il gardera 800 millions de francs, les 800 millions de
francs restants étant affectés à l'aide à la pierre, rétablie pour le
financement des prêts locatifs aidés pour 30 000 d'entre eux.
A ces 800 millions de francs de subventions PALULOS, qui demeurent, s'ajoute
cependant la mesure d'abaissement du taux de la TVA qui, en année pleine,
représentera 2,8 milliards de francs. Nous passons donc de 1,6 milliard de
francs à 3,6 milliards de francs.
L'effort pour le parc privé est donc accru de 1,4 milliard de francs, et
l'effort en faveur du parc social de 2 milliards de francs. L'écart demeure,
certes : 8 milliards de francs d'un côté et 3,6 milliards de francs de l'autre.
Quand on a le souci de l'équilibre, on peut porter des appréciations diverses,
mais il faut savoir que le nombre des logements en cause n'est pas comparable.
Il faut, en tout cas, me semble-t-il, garder ces grandes masses présentes à
l'esprit.
Plusieurs d'entre vous ont souhaité savoir si les travaux éventuellement
nécessaires seront éligibles aux subventions PALULOS, à la TVA minorée ou à
d'autres dispositifs. En fait, les propriétaires gardent leur statut de
propriétaire privé. Nous sommes donc dans le mécanisme de l'ANAH, et non des
PALULOS.
En revanche, nous n'avons pas encore tranché - et je n'aurai garde d'oublier à
cet égard les interventions de différents intervenants sur ce point - à propos
de la grille des loyers de référence.
Il est vrai que l'on peut avoir à choisir entre les loyers ANAH et les loyers
HLM. Si l'on veut rester complètement dans la logique du propriétaire privé, on
devrait plutôt choisir la logique des loyers ANAH, mais il faut bien en
examiner les conséquences pour les locataires - j'allais dire les
sous-locataires - eux-mêmes, car il est évident que ces derniers sont, hors
conventionnement, éligibles à l'allocation logement ; par ailleurs, s'il y a
conventionnement, l'article L. 353-9-1 du code de la construction s'applique et
les rend éligibles à l'APL.
Il faut donc approfondir ce point particulier, dont les modalités
d'application pourront faire l'objet d'un arrêté spécifique. Avant de fixer
définitivement le contenu des textes d'application, je me reporterai à vos
contributions.
M. Vasselle a fait état de ses préoccupations quant à une éventuelle taxation
de la vacance. Je l'ai dit, nous sommes conscients de la diversité des
situations rencontrées.
En fait, le problème que nous posons est celui de la pertinence du maintien de
l'avantage fiscal que constitue pour la vacance le fait de ne pas être dans le
champ de la taxe d'habitation, surtout dans les secteurs urbains les plus
tendus, là où la demande est forte et la vacance, de ce fait, plus inadmissible
encore.
Si donc une mesure était prise, elle consisterait à supprimer cet avantage
fiscal pour constituer une incitation supplémentaire à la remise sur le marché.
C'est en tout cas l'axe des réflexions qui sont conduites dans la préparation
de la disposition correspondante devant figurer dans le projet de loi de
prévention et de lutte contre les exclusions.
M. Cléach a parlé de la multiplication pertinente des outils. C'est vrai, plus
nous mettons à la disposition du bailleur potentiel des preneurs diversifiés -
après le preneur professionnel, médiateur compétent, l'agence immobilière à
vocation sociale et, aujourd'hui, les organismes d'HLM - plus nous lui
accordons des protections : si c'est un organisme d'HLM, par exemple, il assure
le relogement du locataire ; si c'est une association médiatrice, elle apporte
la garantie de loyer.
Lorsqu'il y a ainsi une large palette de preneurs, le bailleur potentiel qui
ne serait pas intéressé par toute incitation nouvelle, y compris fiscale,
pourrait, portant attention à ces dispositifs votés par la représentation
nationale, choisir le plus adapté des preneurs et donc avoir moins de raisons
de faire une rétention là où les besoins sont très réels.
Je tiens donc, moi aussi, à souligner l'intérêt de cette multiplication des
outils.
M. Pagès a rappelé que le marché ne pouvait pas pourvoir au droit au logement.
Effectivement, et c'est bien pourquoi notre intention est de renforcer les
dispositifs législatifs sur le droit au logement. Ce sera le cas, en
particulier, avec le volet « logement » du projet de loi de prévention et de
lutte contre les exclusions.
Cela se traduit aussi par le retour de l'aide à la pierre dans presque la
moitié de la programmation PLA 1998. Autrement dit, après la baisse du taux de
la TVA, nous retrouvons des subventions dont le taux va varier entre 8 % et 20
% selon les catégories de PLA, étant entendu que le PLA d'intégration
bénéficiera du taux maximum de 20 % calculé sur la base d'une subvention
moyenne de 80 000 francs par logement, niveau de subvention qui n'avait jamais
été atteint pour un PLA, quand bien même, à l'époque, le taux de TVA était de
20,6 %.
Aujourd'hui, donc, non seulement nous avons un taux de TVA à 5,50 %, mais nous
avons également 80 000 francs de subvention. Voilà pourquoi, bien évidemment,
nous souhaitons une mobilisation de tous les acteurs pour que ces moyens
nouveaux soient mis en oeuvre avec le maximum d'efficacité.
Monsieur Mouly, vous avez expliqué pourquoi il fallait toujours porter des
appréciations nuancées puisque chaque mesure ne peut pas avoir l'efficacité
maximale ; il y a toujours quelque obstacle que l'on a tendance à minimiser. Je
vous rejoins tout à fait sur ce point.
Vous avez appelé mon attention sur l'appréciation de la fédération des
PACT-ARIM. A mon avis, il faut que nous indiquions clairement que la démarche
qui nous anime tous, au travers de ce texte, est non pas la création d'une
concurrence pour les organismes existants, mais la volonté d'une
complémentarité qui, me semble-t-il, grâce à cette multiplication des acteurs,
devrait permettre de répondre de façon plus large à l'attente des
propriétaires.
M. Braye et bien d'autres après lui ont souligné la qualité du travail
effectué par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. Le
Gouvernement partage, bien sûr, cette appréciation sur cet outil qui vient de
fêter ses vingt ans et auquel il faut, évidemment, continuer à donner le
maximum de moyens tant son action est efficace, nous le savons tous.
Comme MM. Piras et Vasselle, je suis heureux qu'ait été souligné le souci de
la Haute Assemblée d'une mixité sociale dans le parc immobilier sur l'ensemble
du territoire.
Ce point a fait l'objet d'un amendement à l'Assemblée nationale, M. Piras l'a
rappelé. C'est essentiel, car, si la même démarche ne prévalait pas sur tout le
territoire, cela voudrait dire que la loi - je pense, en particulier, à la loi
d'orientation sur la ville - ne serait pas appliquée partout.
Or, la décentralisation n'a pas pour vocation de faire obstacle à
l'application de la loi ; elle est une invitation à tous les responsables des
collectivités territoriales décentralisées à procéder, certes, aux adaptations
que chaque situation locale peut justifier, mais dans le cadre de la loi, sans
s'exonérer de son application.
Ayant ainsi, me semble-t-il, répondu à peu près à toutes les questions, je
veux faire savoir au Sénat que des dirigeants du mouvement HLM qui se sont
exprimés ont vu dans cette proposition de loi un intérêt pour la mise en oeuvre
du protocole d'accord qui a été signé sur la politique d'attribution, pensant
en particulier à la vacance éventuelle de logements plus autonomes, et donc
plus adaptés ou plus facilement adaptables à des familles connaissant de vraies
difficultés d'insertion sociale.
Il y a donc là une conjonction d'appréciations qu'on ne peut que souligner,
pour l'apprécier.
M. Hamel, dans une très brève interruption qui se voulait constructive, m'a
adressé une invitation à la méditation.
M. Emmanuel Hamel.
Pour vous connaître depuis si longtemps, monsieur le secrétaire d'Etat, je
sais votre capacité intense de méditation !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je vous ai bien entendu et je vais vous donner
satisfaction, monsieur Hamel : je n'exclus nullement la méditation dans la
préparation de l'action que nous avons à conduire.
M. Emmanuel Hamel.
Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Cet outil nous aidera dans l'action que nous voulons
conduire ensemble pour le droit au logement.
Puisque l'unanimité sur cette proposition de loi a été annoncée, puisqu'il n'y
a pas d'amendement, puisque, de ce fait, je ne reprendrai pas la parole, je
voudrais remercier de nouveau la commission et son rapporteur pour le travail
positif qui a été accompli.
Je me réjouis de ce souci qui s'est manifesté d'une meilleure coopération
entre exécutif et législatif, de l'existence de cette « niche » - je crois que
c'est le mot qui a été retenu - qui permet à une proposition de loi émanant de
l'opposition à l'Assemblée nationale d'aboutir, et ce dans un domaine qui nous
est cher à tous.
C'est un fait qu'il faut se garder de passer sous silence. Longtemps
parlementaire, j'ai souffert de ne pouvoir faire adopter des propositions de
lois parce que j'étais dans l'opposition.
Aujourd'hui, démonstration est faite que cela peut être le cas de
parlementaires qui ne sont pas dans la majorité. C'est un plus pour la
démocratie. En l'espèce, c'est aussi un plus pour faire progresser la cause du
logement.
(Très bien ! et applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
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